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A partir des années 1960, la plupart des cardiopathies congénitales ont progressivement bénéficié d'une réparation complète et la majorité des opérés ont pu, ainsi, atteindre l'âge adulte. Quatre tendances ont prévalu : les interventions palliatives ont cédé la place aux interventions curatives, de plus en plus de cardiopathies sont devenues opérables et les enfants ont été opérés de plus en plus tôt ; enfin, les résultats se sont constamment améliorés. Ces progrès se sont poursuivis sans interruption depuis l'avènement de la circulation extracorporelle. Ils ne doivent pas faire oublier que la correction chirurgicale idéale des malformations cardiaques qui doit aboutir à une restitutio ad integrum anatomique et physiologique est rarement réalisée. Le terme de " correction complète " couramment employé pour distinguer la chirurgie réparatrice de la chirurgie palliative est un peu optimiste. La correction chirurgicale laisse souvent des séquelles. Une nouvelle pathologie est ainsi créée, qu'il est important de bien connaître pour préciser la durée et la qualité de la survie que ces malades peuvent espérer et pour établir une surveillance qui soit aussi peu contraignante que possible tout en étant adaptée au type de malformation opérée.
Certains opérés n'ont que des séquelles minimes et peuvent en pratique être considérés comme guéris. D'autres au contraire ont des résultats d'emblée imparfaits ou qui se détériorent au fil des années. Ce sont ces patients qui relèvent d'une surveillance régulière. Les progrès de l'échocardiographie, du Doppler et l'utilisation courante de l'enregistrement électrocardiographique continu des 24 heures ainsi que la pratique des épreuves d'effort permettent maintenant d'éviter, dans la plupart des cas, les bilans hémodynamiques et angiographiques postopératoires. Ces examens non invasifs peuvent être répétés facilement et sont beaucoup mieux acceptés par les anciens opérés.
Seront successivement envisagés les mécanismes expliquant la qualité insuffisante de certains résultats, les anomalies extracardiaques associées à la cardiopathie qui persistent après l'intervention, les séquelles extracardiaques et cardiaques de l'intervention, et le devenir des opérés selon le type de cardiopathie et selon le mode de correction chirurgicale utilisé.
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Si le résultat optimal n'est pas toujours obtenu à court ou à long terme, l'explication en est généralement découverte dans l'analyse des événements des périodes opératoire et postopératoire immédiates. Schématiquement, on peut décrire trois grandes causes qui sont parfois intriquées : l'emploi d'interventions " pseudocorrectrices ", la présence d'anomalies résiduelles anatomiques ou hémodynamiques.
Telle est l'intervention de Fontan, et il faut être vraiment optimiste pour espérer que malgré l'absence d'un composant important du coeur normal (en l'occurrence le ventricule droit), le patient va récupérer un fonctionnement cardiaque normal. De même, les interventions de détransposition ne restituent pas une anatomie et une physiologie entièrement normales. Cela est particulièrement vrai en cas de détransposition à l'étage auriculaire (intervention de type Mustard ou de type Senning), le ventricule droit et la valve tricuspide ne sont probablement pas adaptés à fonctionner dans un circuit systémique. A l'opposé, en cas de détransposition, à l'étage artériel (" switch "), même si la réparation est plus satisfaisante, la valve pulmonaire qui va fonctionner comme une valve aortique n'est probablement pas non plus parfaitement adaptée à ce rôle et la croissance des coronaires réimplantées peut être inadéquate (ces deux craintes n'ont pas été, jusqu'à présent, confirmées). Enfin, l'utilisation de matériaux artificiels : pièces d'élargissement de l'infundibulum du ventricule droit, conduits valvulés, bioprothèses peuvent être à l'origine de résultats imparfaits.
Tels sont les shunts et les sténoses résiduelles après fermeture d'une communication ou suppression d'un obstacle valvulaire ou sous-valvulaire. Leur présence explique certains résultats moyens ou médiocres.
Une maladie vasculaire pulmonaire d'intensité modérée qui ne contre-indique pas la fermeture d'un shunt peut persister après l'intervention ; elle peut alors s'aggraver progressivement et silencieusement ; au mieux, son évolution sera stoppée.
Anomalies anatomiques secondaires à l'intervention
Celles-ci comportent les lésions du tissu de conduction qui sont toujours un risque de la chirurgie cardiaque, même si une meilleure connaissance du trajet habituel et des variantes de ce trajet dans les principales cardiopathies a rendu ces lésions beaucoup moins fréquentes.
Le tissu de conduction peut être atteint à tous les niveaux.
- - Le noeud sinusal peut être lésé soit directement, soit par blessure de son artère nourricière, soit plus rarement lors de la canulation de la veine cave supérieure ; parfois, au cours de la réparation d'une communication interauriculaire de type sinus venosus.
- - Les voies de conduction intra-auriculaire peuvent être endommagées par toute chirurgie intra-auriculaire extensive comme la correction des transpositions des gros vaisseaux selon la technique de Mustard ou de Senning ; il s'ensuivra soit des troubles de conduction supraventriculaires, soit des tachyarythmies supraventriculaires, soit même une association de ces deux troubles susceptible de réaliser une véritable " maladie de l'oreillette ".
- - Le noeud auriculoventriculaire et la partie proximale du faisceau de His peuvent être atteints lors de la chirurgie ventriculaire et de la chirurgie des valves auriculoventriculaires : réparation des communications interventriculaires isolées ou associées à une sténose pulmonaire infundibulaire en cas de tétralogie de Fallot ; réparation des canaux atrioventriculaires, suture de la tricuspide complétant une intervention de Fontan en cas de ventricule unique. Les lésions du noeud auriculoventriculaire sont encore plus fréquentes lorsque celui-ci a un siège anormal comme dans la transposition congénitalement corrigée des gros vaisseaux.
- - Les portions plus distales des voies de conduction auriculoventriculaires peuvent être lésées au cours de la fermeture des communications interventriculaires (ou de leur agrandissement dans le cadre d'une chirurgie plus complexe), au cours d'un remplacement valvulaire tricuspide ou mitral, de la cure d'une sténose sous-aortique ou de l'ouverture d'une sténose sous-pulmonaire en cas de transposition corrigée.
- - Les branches proximales droite et gauche du faisceau de His peuvent être endommagées lorsqu'elles se trouvent sur les bords d'une communication interventriculaire. Leurs rameaux périphériques peuvent être atteints au cours de la ventriculotomie ou de la résection d'une zone musculaire obstructive du ventricule droit.
En dehors des lésions directes des voies de conduction qui provoquent des altérations définitives, l'oedème et l'hémorragie peuvent aboutir à des troubles plus ou moins transitoires. Parfois aussi, le développement insidieux d'une fibrose peut être à l'origine de séquelles d'apparition tardive : ainsi, un bloc auriculoventriculaire complet peut survenir des mois ou des années après l'intervention. Dans les antécédents de ces patients, on retrouve souvent une période parfois brève de bloc auriculoventriculaire complet au cours de la période postopératoire immédiate. Enfin, la fibrose de zones myocardiques éloignées des voies de conduction peut être à l'origine d'arythmies, en particulier de tachycardies de " réentrée " de sévérité variable.
Anomalies hémodynamiques résiduelles
Les dysfonctions ventriculaires droite, gauche ou biventriculaire étaient initialement fréquentes après circulation extracorporelle. Les perfectionnements des méthodes de protection myocardique les ont rendues plus rares. Toutefois, l'hypoxémie préopératoire prolongée peut avoir comme séquelle une fibrose myocardique qui diminuera la contractilité ventriculaire.
En cas de transposition complète, la suture d'une communication interventriculaire associée peut induire une insuffisance tricuspide de degré variable, mais gênante si l'intervention a comporté une détransposition à l'étage auriculaire puisque la tricuspide fonctionne alors sous régime de pressions systémiques. Une insuffisance tricuspide résiduelle est également possible lorsque des communications interventriculaires isolées ont été fermées par voies transauriculaire à travers la valve tricuspide ; il est alors parfois nécessaire de désinsérer une cuspide puis de la réinsérer après la fermeture de la communication interventriculaire. Cette manoeuvre évite la ventriculotomie et a pour but de ne pas provoquer de bloc de branche droite complet. Dans ces cas, la continence tricuspide peut ne pas être parfaite ce qui n'est pas gênant si les pressions ventriculaires droites sont basses. Dans les communications interventriculaires isolées périmembraneuses ou immédiatement sous-aortiques, dans les canaux atrioventriculaires et même dans les communications interauriculaires de type ostium primum
, l'aiguille du chirurgien peut, rarement il est vrai, transpercer une valve aortique et créer une insuffisance aortique de degré variable. La réalisation de conduits intraventriculaires pour rétablir la continuité ventricule gauche-aorte dans certaines cardiopathies complexes (comme certaines formes de ventricule droit à double issue) peut être à l'origine d'une sténose sous-pulmonaire. L'insertion de pièces d'élargissement sur l'infundibulum du ventricule droit peut induire la formation d'anévrismes ou de pseudoanévrismes pariétaux à leur niveau. Les conduits valvulés et les bioprothèses peuvent être le siège d'une dégénérescence fibrocalcaire génératrice de sténoses, tandis que les prothèses valvulaires mécaniques peuvent provoquer des accidents thromboemboliques, des hémorragies et des dysfonctions valvulaires. Dans les interventions de détransposition à l'étage auriculaire (de type Senning ou Mustard), le cloisonnement des oreillettes peut se compliquer d'obstruction des veines caves ou des veines pulmonaires. Enfin, l'endocardite bactérienne est une complication rare mais possible de la réparation de la plupart des cardiopathies.
Anomalies associées à la cardiopathie qui persistent après l'intervention
Anomalies cardiaques
Certaines anomalies valvulaires associées à une cardiopathie ne sont pas corrigées par le chirurgien lors de la réparation de celle-ci, lorsqu'elles sont mineures, peu gênantes ou lorsque les difficultés de leur réparation paraissent disproportionnées par rapport à leurs conséquences hémodynamiques. Certaines insuffisances aortiques modérées associées à une communication interventriculaire ou à un rétrécissement aortique valvulaire, sous-valvulaire ou sus-valvulaire persistent souvent après l'intervention. Leur potentiel évolutif est difficile à cerner. En tous cas, elles relèvent de la prophylaxie de l'endocardite infectieuse. La bicuspide aortique fréquemment associée à la coarctation de l'aorte est presque toujours bien tolérée et son pronostic à long terme est habituellement très favorable. On doit cependant se souvenir qu'elle peut devenir sténosante ou se compliquer d'une insuffisance valvulaire et qu'elle peut être un point d'appel pour l'endocardite infectieuse.
Les insuffisances mitrales négligées après correction des anomalies de naissance de la coronaire gauche ont souvent, mais non toujours, un bon pronostic. En revanche, les insuffisances mitrales malformatives associées à une coarctation de l'aorte dans le cadre d'un syndrome de Shone ont un pronostic plus réservé, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une valve mitrale en parachute ou que l'anneau mitral est de petite taille.
Les myocardiopathies obstructives secondaires aux sténoses aortiques ou sous-aortiques régressent souvent après traitement de ces sténoses, mais elles peuvent parfois continuer à évoluer pour leur propre compte.
Enfin, dans certaines sténoses pulmonaires valvulaires, en particulier celles qui compliquent le syndrome de Noonan, on a observé des myocardiopathies du coeur gauche avec anomalies histologiques des fibres myocardiques
qui persistent après traitement de la sténose pulmonaire.
Anomalies extracardiaques
Ce sont essentiellement les anomalies neuropsychiques et les scolioses.
- - Les retards mentaux, les déficits sensoriels observés dans les syndromes associés à une cardiopathie ne sont évidemment pas secondaires à l'intervention et ne sont guère améliorés par celle-ci ; ainsi le retard mental de la trisomie 21, les syndromes de Williams et Beuren, de Nooman, de Di George, les embryofoetopathies rubéoliques ou alcooliques, constituent un handicap qui persistera après la chirurgie.
- - Les séquelles neurologiques des accidents vasculaires cérébraux et des abcès cérébraux qui sont des complications classiques de cardiopathies cyanogènes survenant avant la réparation complète, sont devenues plus rares. En effet, ces complications sont à la fois plus vite diagnostiquées et mieux traitées, et surtout, sont devenues moins fréquentes car les cardiopathies cyanogènes sont maintenant opérées plus tôt.
- - Les scolioses sont beaucoup plus fréquentes en cas de cardiopathies congénitales que chez les autres enfants en particulier dans les cardiopathies cyanogènes . Ces scolioses sont à la fois plus fréquentes, plus sévères et plus précoces que dans la population générale. Elles sont plus fréquentes chez les filles que chez les garçons. Elles peuvent être essentielles ou secondaires à une malformation vertébrale de type hémivertèbre. La plus grande fréquence des scolioses en cas de cardiopathie congénitale n'a, jusqu'à présent, reçu aucune explication valable.
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Certaines sont devenues obsolètes comme les conséquences de l'exposition aux radiations lors des bilans préopératoires. D'autres sont redoutables en raison de leur pronostic ; ce sont les maladies transmises par le sang utilisé pour la circulation extracorporelle. D'autres sont liées au geste opératoire lui-même ; ce sont les conséquences de la cicatrisation : cicatrisation vicieuse de l'os (généralement du sternum) ou du revêtement cutané. Enfin, d'autres, heureusement rares, peuvent grever lourdement l'avenir social des patients ; ce sont les séquelles neuropsychiques.
Séquelles de l'exposition aux radiations
Elles concernent essentiellement des enfants opérés avant 1960 qui étaient beaucoup plus exposés aux radiations qu'actuellement lors des cathétérismes et des angiocardiographies
. Si l'on doit garder ce risque à l'esprit pour être vigilant lors des examens et les éviter toutes les fois qu'ils ne sont pas indispensables, il n'a plus jamais semblé important
.
Maladies transmises par le sang de la circulation extracorporelle
Elles ne concernent qu'un petit nombre de patients. En effet, entre 1980 (date avant laquelle ces maladies, en particulier le syndrome d'immunodéficience acquise, étaient très rares) et 1985 (date à partir de laquelle les produits sanguins ont été obligatoirement testés de ce point de vue), il y a eu un risque de contamination lors des circulations extracorporelles.
En cas de contamination par voie sanguine, les symptômes du SIDA apparaissent chez l'adulte entre 1 mois et 6 ans après la circulation extracorporelle avec une moyenne de 28 mois. Chez l'enfant, ce délai est généralement plus court
. Ces complications sont heureusement exceptionnelles actuellement.
Conséquences de la cicatrisation
- - Les adhérences postopératoires qui surviennent après thoracotomie sont d'étendue variable, et sont rarement susceptibles de provoquer des signes fonctionnels. Elles peuvent parfois expliquer les sensations de tiraillement et d'arrachement ressenties par certains sujets lors d'efforts violents ou inhabituels. Ces adhérences intrathoraciques peuvent, en cas de réintervention, gêner le repérage anatomique et augmenter le risque hémorragique per- et postopératoire.
- - La cicatrisation osseuse vicieuse a pour conséquence des cicatrices inesthétiques. Celles-ci sont souvent considérées par les médecins et plus encore par les chirurgiens comme un problème mineur surtout si les malades ont eu, grâce à l'intervention, un excellent résultat et sont devenus asymptomatiques. Pour l'adolescent et l'adulte, les " vilaines " cicatrices peuvent apparaître comme un handicap majeur. Les déformations thoraciques postopératoires sont généralement dues à une cicatrisation vicieuse du sternum. Celle-ci est secondaire à une période prolongée de gêne respiratoire postopératoire survenant chez un malade à la cage thoracique malléable (nouveau-né ou jeune nourrisson), soit à une médiastinite. La correction orthopédique de ces séquelles osseuses au cours de la seconde enfance donne souvent de bons résultats. Chez l'adolescent, en particulier chez la fille, on a proposé toutes les fois où cela était possible de remplacer la sternotomie verticale par une incision sous-mammaire dont la cicatrice peut plus facilement être dissimulée par le soutien-gorge. Ce type de chirurgie " esthétique " devrait être entrepris chez la fille après la puberté. Avant celle-ci, la cicatrice sous-mammaire peut interférer avec la croissance d'un sein, qui reste alors plus hypoplasique que l'autre.
- - Les cicatrices chéloïdiennes sont une complication classique des incisions cutanées importantes. La tendance à faire des chéloïdes est un trait génétique. Généralement, la chéloïde qui est initialement exubérante et d'une coloration qui varie entre le rose et le rouge violacé, se décolore en quelques mois et devient ainsi moins visible. Son affaissement est plus tardif et laisse place à une cicatrice qui demeure parfois disgracieuse. Certains malades s'en accommodent facilement, d'autres réclament un traitement. Celui-ci consiste en une compression douce ; la résection chirurgicale de la chéloïde suivie de curiethérapie n'est pas toujours efficace. Les injections de stéroïdes, la pénicillamine, la colchicine, le traitement au laser et les greffes cutanées ont été utilisés avec des résultats variables .
- - De nombreuses cicatrices de sternotomie sans être franchement chéloïdiennes restent définitivement hypertrophiques surtout s'il y a eu réintervention. La cicatrice de l'intervention de chirurgie cardiaque a un autre inconvénient : elle attire l'attention, et le sujet ne peut cacher à un observateur un peu averti le fait qu'il ait été opéré du coeur. A ce titre, elle est un handicap lors d'une éventuelle visite d'embauche.
Séquelles neuropsychiques
La survenue de syndromes neurologiques secondaires à l'hypothermie profonde s'est révélée exceptionnelle. Il en est de même des arrêts cardiaques prolongés ou récidivants de la période postopératoire avec survie et importantes séquelles neuropsychiques. La choréoathétose post-hypothermie profonde est en règle totalement réversible. Les embolies gazeuses sont devenues très rares dans les circulations extracorporelles ; leurs séquelles sont variables.
Une des complications neurologiques les plus redoutables est la survenue après cure de coarctation d'une paraplégie par ischémie médullaire. Cette complication est facilitée par l'absence de circulation collatérale, les variations anatomiques de la circulation médullaire et une chute brutale des pressions dans l'aorte descendante. On comprend le drame provoqué par cette complication si l'on sait qu'elle survient chez des enfants jusque-là asymptomatiques à l'occasion d'une intervention réputée bénigne.
Elles peuvent survenir avec une fréquence variable dans la plupart des cardiopathies (anomalie de la fonction ventriculaire, troubles du rythme, anomalies hémodynamiques résiduelles) ; d'autres surviennent plus volontiers après certaines interventions (tels le " vol sous-clavier " après anastomose de type Blalock-Taussig ou intervention de Waldhausen) ou après la cure de certaines cardiopathies congénitales (hypertension artérielle systémique après cure de coarctation, hypertension artérielle pulmonaire après traitement d'un shunt gauche-droite). Enfin, la survenue d'une athérosclérose coronaire chez un sujet opéré d'une cardiopathie congénitale pose des problèmes particuliers.
Anomalies de la fonction ventriculaire
Elles peuvent être dues à des altérations préopératoires par surcharge ventriculaire de volume ou de pression ou à une hypoxie chronique qui ont altéré le muscle cardiaque, ou enfin à une ischémie myocardique d'origine coronaire. Lors de l'intervention, la fonction ventriculaire peut être altérée par la longueur de l'ischémie myocardique ou l'inefficacité relative de la protection myocardique. Enfin, en postopératoire, ce sont les anomalies hémodynamiques résiduelles qui sont généralement en cause.
Troubles du rythme
Les bradycardies postopératoires dues à des lésions directes ou indirectes des voies de conduction ont été évoquées précédemment. Les blocs auriculoventriculaires complets postopératoires qui surviennent ou persistent 3 semaines après l'intervention nécessitent pratiquement toujours l'implantation d'un stimulateur. Même si ces appareils ont maintenant une plus petite taille, une durée de vie plus longue et un fonctionnement plus souple, il s'agit tout de même d'une séquelle importante de l'intervention qui va nécessiter un suivi prolongé et d'éventuelles réinterventions.
Les tachycardies ont un type et une fréquence variables selon la variété de la cardiopathie opérée. Ainsi, les tachycardies atriales compliquent au moins 2 % des communications interauriculaires opérées tandis que les troubles du rythme ventriculaire s'observent dans 3 à 18 % des tétralogies de Fallot opérées. Il faut cependant noter que certains troubles du rythme existaient déjà avant l'intervention ou apparaissent aussi avec l'âge chez des malades non opérés
.
Mort subite
Les troubles du rythme peuvent être à l'origine de morts subites. Un diagnostic plus précis et un traitement plus rigoureux des arythmies a réduit notablement la fréquence de ces morts subites. Celles-ci sont plus fréquentes chez des patients qui conservent des anomalies hémodynamiques résiduelles notables (gradient pulmonaire résiduel important en cas de tétralogie de Fallot, gradient aortique résiduel après valvulotomie aortique)
. Elles sont aussi plus fréquentes dans certaines cardiopathies complexes apparemment bien réparées (ventricule droit et ventricule gauche à double issue, maladie d'Ebstein).
" Vol " sous-clavier
Une insuffisance vertébrobasilaire symptomatique ou " vol " sous-clavier survient après l'utilisation de la partie proximale d'une artère sous-clavière pour améliorer la vascularisation pulmonaire (anastomose de type Blalock-Taussig) ou pour aider à la réparation d'une coarctation (intervention de Waldhausen). Elle se caractérise par la survenue de malaises ou de syncopes par diminution de la circulation cérébrale, lors des efforts vigoureux du bras du côté de la sous-clavière isolée. Il y a " vol " du flux sanguin cérébral vers le bras par l'artère vertébrale
.
Anomalies vasculaires périphériques
L'intervention de Blalock-Taussig et celle de Waldhausen, qui interrompent la circulation de l'artère sous-clavière, diminuent le flux sanguin du membre supérieur du même côté. Cela peut aboutir à une ischémie aiguë provoquant notamment un syndrome de Volkmann avec rétraction ischémique des fléchisseurs des doigts, mais cela est rare. En revanche, l'ischémie chronique modérée peut être à l'origine d'une légère diminution de la taille et du volume du bras correspondant
mais cela a peu d'importance pratique.
Les cathétérismes droit et gauche peuvent aussi provoquer des thromboses artérielles ou veineuses chez le jeune enfant avec sténose ou oblitération complète de ces vaisseaux. Une surveillance attentive et un traitement précoce permettent parfois de les éviter ou de minimiser leurs séquelles. Il est toutefois possible que des thromboses silencieuses des veines fémorales soient à l'origine d'une inégalité de longueur et de diamètre des membres observés chez l'adolescent, associée parfois à un réseau de collatérales superficielles très visible et peu esthétique.
Hypertension artérielle systémique
Après traitement chirurgical de la coarctation, la persistance ou la réapparition d'une hypertension artérielle est possible. Elle peut être due à un traitement chirurgical insuffisant qui laisse persister une sténose, ou à une recoarctation. Le plus souvent, cependant, cette hypertension qui existe aux quatre membres semble due à une insuffisance rénale fonctionnelle ou à une élévation persistante des résistances vasculaires systémiques. Cette éventualité est d'autant plus fréquente que le patient a été opéré plus tardivement ; cela incite à opérer les coarctations précocement entre l'âge de 2 ans et celui de 5 ans. Lorsque l'hypertension existe aux quatre membres, cela justifie la prescription d'un traitement médical qui utilise le plus souvent les bêtabloquants et une surveillance régulière. Lorsque l'hypertension est due à une cure incomplète de la coarctation ou à une recoarctation, le meilleur traitement semble être le cathétérisme interventionnel.
Hypertension artérielle pulmonaire
Elle peut persister après une intervention techniquement réussie. Le plus souvent, surtout lorsque la réparation complète a été précoce, l'hypertension artérielle pulmonaire disparaît. Mais elle peut aussi se stabiliser ou n'apparaître qu'à l'effort. Parfois cependant, elle continue à évoluer pour son propre compte et aboutit à une maladie vasculaire pulmonaire obstructive
. Certaines interventions d'anastomoses systémopulmonaires comme les anastomoses de Potts ou de Waterston se révélaient souvent trop larges
et aboutissaient à une hypertension artérielle pulmonaire obstructive secondaire. Cette complication a justifié l'abandon presque total de ces deux types d'interventions palliatives.
Survenue d'une athérosclérose coronaire chez un opéré de cardiopathie congénitale
C'est une éventualité qu'il convient d'envisager chez les anciens opérés qui dépassent l'âge de 40 ans. Le diagnostic peut être rendu plus difficile par la persistance d'anomalies électriques comme un bloc complet de branche droite qui peut à la fois simuler et masquer les signes d'infarctus. Par ailleurs, certains opérés peuvent être plus vulnérables à l'ischémie myocardique. Ainsi, un patient opéré de tétralogie de Fallot, qui est asymptomatique mais a une insuffisance pulmonaire valvulaire bien tolérée, supportera moins bien que le sujet normal, un infarctus myocardique antérieur ou une ischémie du territoire de la coronaire droite. La chirurgie coronaire sera plus difficile et plus risquée chez ces patients en raison de la persistance d'adhérences médiastinales et péricardiques. Enfin, il est possible que certaines cardiopathies congénitales favorisent le développement d'une athérosclérose coronaire ; on a ainsi évoqué le rôle de l'hypoxémie comme facteur d'accélération du processus athérosclérotique
et le régime de pressions anormalement élevé qui existe dans le réseau coronaire en cas de coarctation
.
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Seront envisagés successivement les cardiopthies avec shunt gauche-droite, les obstacles à la sortie du coeur droit et du coeur gauche et les principales cardiopathies cyanogènes.
Le résultat postopératoire est généralement excellent. Le patient, s'il n'était déjà asymptomatique, le devient. L'auscultation redevient normale, la cardiomégalie régresse presque toujours et l'électrocardiogramme redevient normal ou subnormal. La tolérance à l'effort est normale. Des shunts résiduels ont été trouvés chez 7 % des opérés, mais ils sont rarement suffisamment larges pour être symptomatiques. Le risque d'endocardite infectieuse est nul au-delà de 6 mois après l'intervention sauf en cas de prolapsus valvulaire mitral associé non traité. Les troubles du rythme supraventriculaire (bradycardie sinusale sévère, flutter, fibrillation auriculaire) peuvent apparaître des années après l'intervention correctrice
. Ils sont moins fréquents que chez les patients non opérés et sont d'autant plus fréquents que les patients ont été opérés plus tardivement. Ainsi, les opérés de communication interauriculaire n'ont besoin que d'une surveillance très épisodique (tous les 5 ans par exemple). La réalisation d'un cathétérisme postopératoire est inutile car les shunts résiduels sont facilement dépistés par l'échocardiographie et le Doppler.
Dans la grande majorité des cas où elle existait en préopératoire, la symptomatologie disparaît après l'intervention, mais l'absence de signes fonctionnels ne garantit pas une hémodynamique normale. Dans 10 % des cas environ, il y a fermeture incomplète ou réouverture partielle de la communication interventriculaire, mais dans moins de la moitié de ces cas, cette communication résiduelle est suffisamment large pour déterminer un shunt significatif justifiant une réintervention.
L'auscultation peut redevenir normale. La persistance d'un souffle systolique intense est généralement évocatrice d'une communication interventriculaire résiduelle. La perception d'un second bruit claqué, palpable, permet de suspecter la persistance d'une hypertension artérielle pulmonaire obstructive. Le dédoublement large du second bruit est plus banal ; il est généralement secondaire au bloc de branche droite. En radiologie, le volume cardiaque et la vascularisation pulmonaire reviennent progressivement à la normale et la normalité du volume cardiaque permet d'affirmer l'excellence du résultat. S'il persiste une cardiomégalie ou une hypervascularisation pulmonaire plusieurs mois après l'intervention, cela doit faire évoquer un shunt résiduel important.
A l'électrocardiogramme, on observe un bloc complet de branche droite dans 35 à 90 % des cas selon les séries. Le bloc est plus fréquent si la communication interventriculaire a été fermée par ventriculotomie que si elle a été fermée par atriotomie ou aortotomie. Si le bloc auriculoventriculaire complet était fréquent à la période initiale de la chirurgie cardiaque, il est devenu beaucoup plus rare après fermeture de communication interventriculaire : moins de 2 % des cas
, mais il peut n'apparaître que quelques mois ou quelques années après l'intervention. Les autres troubles de conductions sont rares. Les arythmies ventriculaires sont presque aussi fréquentes qu'après correction de tétralogie de Fallot, elles sont presque toujours bénignes. Elles surviennent plus rarement lorsque la communication interventriculaire a été fermée par atriotomie
. Le risque de mort subite est extrêmement faible chez les opérés qui ont eu un bon résultat avec une hémodynamique redevenue normale. Ainsi, il n'y avait aucune communication interventriculaire chez les 36 patients qui avaient fait une mort subite après chirurgie cardiaque dans la série de Garson
.
L'échocardiogramme est normal sauf s'il y a de mauvais résultats hémodynamiques. La fréquence d'une légère insuffisance tricuspide postopératoire permet de mesurer indirectement la pression ventriculaire droite en calculant le gradient ventricule droit-oreillette droite ; cela permet d'éviter à ces malades un cathétérisme postopératoire.
Dans la forme complète, on peut avoir une disparition de l'hypertension artérielle pulmonaire si l'intervention a été précoce et techniquement efficace. En cas d'intervention tardive, même avec une réparation satisfaisante, le résultat est plus incertain ; ces patients doivent être suivis régulièrement avec une échocardiographie annuelle. S'il persiste une insuffisance mitrale importante, il sera prudent de réintervenir dans les années qui suivent et on est parfois obligé de recourir à un remplacement de la mitrale par une valve artificielle.
Dans les formes partielles, le pronostic est dominé par la qualité de la réparation des anomalies valvulaires mitrales. Ainsi, le pronostic peut être excellent en cas d'ostium primum avec valve mitrale peu malformée ; le résultat à long terme de la fermeture de cette communication est alors comparable au résultat de la fermeture d'un ostium secundum.
En cas de trisomie 21 associée, les résultats de la réparation des canaux atrioventriculaires sont moins bons et le risque d'hypertension artérielle pulmonaire obstructive est plus important. Cela a conduit certains à préconiser l'abstention chirurgicale dans les canaux atrioventriculaires compliquant la trisomie 21, mais cette attitude n'est pas bien comprise par les parents et les incitent à consulter ailleurs.
Les résultats de la cure chirurgicale du canal artériel sont pratiquement toujours excellents si l'indication opératoire a été bien posée, c'est-à-dire s'il y avait un souffle continu témoin de l'absence d'hypertension artérielle pulmonaire obstructive. Les shunts résiduels sont minimes et rares, ils ne s'observent qu'après ligature. Cette technique devrait donc être abandonnée (sauf chez le prématuré où elle est plus facile et donc moins dangereuse) au profit de la section-suture. Le retour à la normale de l'électrocardiogramme et de la silhouette cardiaque est la règle. Le risque d'endocardite est nul sauf en cas de shunt résiduel. Ces patients n'ont guère besoin d'une surveillance postopératoire à long terme. Le risque de shunt résiduel après fermeture du canal par cathétérisme interventionnel semble analogue à celui de la pluriligature.
Après cure de la sténose, il y a régression des signes cliniques, électriques et radiologiques. Il persiste parfois un discret souffle systolique au foyer pulmonaire témoignant d'une légère sténose résiduelle et un souffle protodiastolique bref, peu intense, secondaire à une insuffisance pulmonaire valvulaire. Cette insuffisance pulmonaire est plus importante et plus fréquente après valvulotomie chirurgicale qu'après valvuloplastie. En radiographie, on retrouve généralement la dilatation du tronc de l'artère pulmonaire ; les troubles du rythme sont rares. La tolérance à l'effort est excellente sauf chez les patients opérés tardivement. Enfin, le risque de mort subite et d'endocardite infectieuse est pratiquement nul chez ces patients qui n'ont donc besoin que d'une surveillance très épisodique (tous les 3 à 5 ans). L'évaluation à moyen terme des sténoses pulmonaires traitées par cathétérisme interventionnel permet déjà d'affirmer que les résultats sont aussi bons que ceux de la chirurgie à l'exception des formes à valves dysplasiques pour lesquelles le cathétérisme interventionnel est souvent inefficace.
La valvulotomie aortique n'étant, en fait, qu'une intervention palliative, les opérés de sténoses aortiques valvulaires ont besoin d'une surveillance plus attentive que les autres opérés. Il y a un risque d'insuffisance aortique et de sténose aortique résiduelle. Or, une insuffisance aortique même importante peut être asymptomatique, c'est dire l'intérêt, pour la surveillance, de l'échocardiographie qui devrait être réalisée au moins une fois par an. Habituellement, après valvulotomie efficace, les symptômes observés avant l'intervention régressent ainsi que les signes électriques d'hypertrophie ventriculaire gauche. L'épreuve d'effort se normalise. Le risque de mort subite est minime si le gradient résiduel et l'insuffisance aortique sont faibles. Les patients qui conservent un gradient résiduel d'importance moyenne ou une insuffisance aortique non négligeable devraient être exemptés de sport
. Enfin, toutes les fois que la situation hémodynamique se détériore, il faudra sans attendre proposer un remplacement valvulaire. La prophylaxie de l'endocardite infectieuse est également nécessaire car ce risque est plus important pour ces patients que pour les autres opérés. Lorsque la sténose aortique valvulaire a été traitée par valvuloplastie, le résultat et la surveillance sont analogues à ceux de la valvulotomie chirurgicale.
Dans les sténoses supravalvulaires, le résultat dépend de la qualité anatomique du résultat et de l'existence ou non d'une myocardiopathie obstructive réactionnelle ventriculaire gauche.
Dans les sténoses sous-valvulaires membraneuses, la surveillance postopératoire est impérative car la membrane sous-valvulaire peut se reformer et être de plus en plus sténosante au fil des années.
Le résultat du traitement de la coarctation de l'aorte est généralement excellent, particulièrement s'il a été précoce, (c'est-à-dire effectué entre les âges de 2 et 5 ans). Les signes électriques et radiologiques d'hypertrophie ventriculaire gauche régressent ainsi que l'hypertension artérielle aux membres supérieurs et le gradient de pressions entre membres supérieurs et membres inférieurs. Les fémorales deviennent palpables. Cependant, dans environ 10 % des cas, on observe des séquelles. L'hypertension artérielle peut réapparaître soit par réparation incomplète de la coarctation, soit par insuffisance rénale fonctionnelle ou par persistance d'un niveau élevé des résistances systémiques. Cette hypertension artérielle résiduelle doit être systématiquement recherchée car elle est souvent asymptomatique. La tension artérielle devra être mesurée au repos mais aussi lors d'une épreuve d'effort car celle-ci est susceptible de faire apparaître soit un gradient entre membres supérieurs et inférieurs si la réparation de la coarctation n'est pas satisfaisante, soit une élévation anormale de la tension artérielle aux 4 membres. Ce sont ces patients qui devront être particulièrement surveillés à moyen et long terme. L'imagerie par résonance magnétique est un moyen élégant d'étudier la crosse et l'isthme de l'aorte.
Les autres éléments à surveiller, notamment à l'échocardiographie, sont l'orifice mitral, car des anomalies mitrales plus ou moins sévères peuvent être associées à la coarctation et l'orifice aortique ainsi que la région sous-aortique ; en effet, la bicuspidie est fréquente en cas de coarctation et peut se compliquer de rétrécissement ou d'insuffisance aortique ; d'autre part, des anomalies de la valve aortique ou de la région aortique sous-valvulaire initialement sans grand retentissement hémodynamique peuvent s'aggraver au fil des années et justifier un traitement chirurgical. En revanche, quand la coarctation est bien réparée, le risque de mort subite et d'endocardite infectieuse est pratiquement nul.
Il y a actuellement un grand nombre de sujets adultes qui ont été opérés de tétralogie de Fallot dans l'enfance. Ils vont généralement bien et sont peu ou pas symptomatiques. Il a été montré sur des séries importantes étudiées 20 à 30 ans après l'intervention
que plus les résultats hémodynamiques s'écartent de la normale, plus la symptomatologie est importante et plus l'évolution est défavorable.
Habituellement, on entend au foyer pulmonaire un souffle systolique doux qui ne signifie pas la persistance d'une sténose pulmonaire importante. On entend aussi un souffle diastolique bref d'insuffisance valvulaire pulmonaire. Ce souffle est constant quand il y a eu valvectomie ou valvotomie et élargissement par pièce de l'anneau pulmonaire. On peut parfois éviter un tel élargissement quand l'anneau pulmonaire est de taille suffisante. Toutefois, comme l'insuffisance pulmonaire est mieux supportée que la persistance d'un gradient de pression ventriculopulmonaire, cet élargissement est souvent réalisé. Les pièces d'élargissement infundibulaire peuvent être à l'origine d'anévrismes, qui étaient plus importants quand on utilisait des pièces de péricarde au lieu du matériel actuel en Dacron
® ou en Gore-tex
®. Il s'agit généralement de complications mineures.
Comme en cas de communication interventriculaire, les blocs auriculoventriculaires postopératoires sont rares. Un bloc complet de branche droite est observé dans 80 % des cas ; il est rarement d'origine " périphérique " (secondaire à la ventriculotomie), mais généralement d'origine " centrale "
, (secondaire à la suture de la communication interventriculaire). Cela explique que les méthodes qui évitent la ventriculotomie (fermeture de la communication interventriculaire par voie transauriculaire et ouverture de la sténose pulmonaire par artériotomie pulmonaire) n'aient que peu diminué la fréquence des blocs de branche droite. Par ailleurs, l'association d'une déviation axiale gauche à un bloc de branche droite n'a pas la même signification fâcheuse que chez l'adulte coronarien
.
L'échocardiographie Doppler a une grande valeur dans le bilan postopératoire pour affirmer une éventuelle communication interventriculaire résiduelle et une éventuelle obstruction pulmonaire et sous-pulmonaire, et en quantifier les conséquences hémodynamiques.
Les troubles du rythme ventriculaires constituent un problème majeur ; ils seront recherchés par le Holter et l'épreuve d'effort. Ils sont d'autant moins fréquents que la réparation aura été hémodynamiquement efficace et sont plus fréquents si le gradient de pression systolique et infundibulopulmonaire résiduel est élevé. Ils sont surtout à traiter en cas de mauvais résultat hémodynamique. La mort subite due à ces troubles du rythme est beaucoup moins fréquente
qu'on ne l'a d'abord cru
. L'endocardite infectieuse est rare en cas de tétralogie de Fallot opérée.
Au total donc, la plupart des tétralogies de Fallot opérées ont un pronostic favorable. Néanmoins une surveillance régulière est justifiée surtout dans les cas où l'hémodynamique est imparfaite.
Progressivement la correction anatomique par détransposition artérielle ou " switch " a remplacé la correction atriale. Un certain nombre de patients ont bénéficié de correction atriale par intervention de Mustard ou de Senning. Ces interventions peuvent se compliquer de sténoses des veines caves ou des veines pulmonaires ; leur principal inconvénient est que le ventricule droit et la tricuspide sont confrontés à des pressions systémiques. A long terme, une insuffisance tricuspide peut apparaître ainsi qu'une réduction de la contractilité ventriculaire droite. D'autre part, les troubles du rythme ventriculaires sont fréquents. Ils sont souvent asymptomatiques mais peuvent poser parfois de difficiles problèmes thérapeutiques et être cause de mortalité à distance.
La correction anatomique réalisée en période néonatale s'est révélée un excellent traitement de la transposition des gros vaisseaux. Les lésions coronaires peropératoires sont devenues exceptionnelles, les sténoses pulmonaires supravalvulaires et les insuffisances de la valve pulmonaire devenue valve aortique sont rares. L'évolution à moyen terme est bonne ; une surveillance échocardiographique épisodique est néanmoins nécessaire.
Leur chirurgie donne maintenant d'excellents résultats et si l'on excepte les quelques cas de sténoses du collecteur qui obligent à une réintervention difficile, la plupart des opérés ont une évolution très satisfaisante et peuvent être considérés comme définitivement guéris.
L'anastomose entre l'auricule droite et l'infundibulum du ventricule droit ou l'artère pulmonaire était proposée par Fontan pour traiter certaines atrésies tricuspides. Cette technique associée à la fermeture de la tricuspide a également été utilisée pour traiter certaines formes de ventricule unique. Initialement, on pensait que la contractilité auriculaire favorisait le passage du sang des veines caves dans l'artère pulmonaire ; il semble en fait que cette utilisation de l'oreillette droite a fait apparaître dans des délais variables une dilatation de celle-ci et que l'hypertension auriculaire droite a favorisé la survenue de troubles du rythme supraventriculaires.
A court terme, cette chirurgie a parfois des suites opératoires difficiles avec, pendant une période plus ou moins longue, une hépatomégalie et des oedèmes des membres inférieurs. Les opérés ont rarement une capacité physique normale, même quand ils ne sont plus cyanosés, n'ont pas de cardiomégalie et sont en rythme sinusal. Ils ont souvent une détérioration progressive de la fonction ventriculaire gauche, mais l'élément le plus notable est l'apparition, entre 5 et 15 ans après l'intervention, de troubles du rythme supraventriculaires, flutter, fibrillation auriculaire, bradycardies. Ils favorisent l'apparition d'insuffisance cardiaque et peuvent provoquer la mort subite. Environ 20 % des patients ayant subi une intervention de Fontan devront être appareillés un jour avec un stimulateur. Les patients qui ont subi une intervention de Fontan doivent donc être suivis régulièrement car cette intervention n'est malheureusement que palliative et leur devenir est incertain.
Les interventions d'anastomoses bi-cavo bi-pulmonaires ont plus la faveur des équipes chirurgicales actuelles
. Elles ont les mêmes indications et les mêmes contre-indications que l'intervention de Fontan ; elles semblent avoir moins d'inconvénients. Elles ne provoquent pas de surcharge ou d'hyperpression auriculaire droite, ce qui réduit le risque d'arythmies précoces ou tardives.
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On peut actuellement répondre aux principales questions que se posent les cardiaques opérés et leur famille : quelles seront leur espérance de vie et leur qualité de vie après l'intervention ? Quelle pourra être leur activité physique ? Pourront-ils souscrire une assurance-vie comme les sujets normaux ? Vers quelle profession pourront-ils ou devront-ils s'orienter ? Ces questions sont, en fait, assez étroitement intriquées.
Elle est variable selon que le patient a été opéré d'une cardiopathie simple avec un excellent résultat, a été opéré d'une cardiopathie plus complexe ou a eu un résultat moyen de l'intervention, ou enfin, a eu une intervention incomplète, palliative ou génératrice d'importantes séquelles. Ainsi, les opérés de cardiopathies à shunt gauche-droite ont, en l'absence d'hypertension artérielle pulmonaire résiduelle, un excellent pronostic avec une survie de 98 % à 15 ans. Le taux de survie pour la tétralogie de Fallot s'établit à 87 % à 20 ans. En revanche, lorsque la correction d'une cardiopathie fait appel à des conduits, la survie n'est plus que de 63 % à 15 ans.
On peut schématiquement distinguer trois principaux groupes
(tableau I).
- - Ceux qui peuvent être considérés comme guéris et qui peuvent avoir une activité physique normale, pratiquer les sports sans restriction, pour les hommes effectuer le service national s'ils le souhaitent (ce qui est rarement le cas) et pour les femmes avoir autant d'enfants qu'elles le veulent (habituellement 2 à 3).
- - Ceux qui, en raison de séquelles modérées, doivent avoir une activité physique limitée, excluant la compétition sportive. Aux femmes de ce groupe, il est recommandé de n'avoir qu'une ou deux grossesses.
- - Ceux qui, en raison de séquelles importantes, ont une capacité d'effort limitée et ne doivent pas pratiquer les sports. Les femmes de ce groupe seront limitées à une seule grossesse sous surveillance médicale étroite et seront prévenues que cette grossesse comporte des risques, pour elles et pour l'enfant.
Pour schématiser les possibilités physiques de l'adolescent et de l'adulte jeune, la classification établie par Somerville
paraît plus adaptée que la classification de la New York Heart Association
(tableau II).
La possibilité de mener à bien une grossesse est un problème qui intéresse de nombreuses jeunes femmes opérées du coeur même quand elles n'ont pas le courage de poser la question. Il est souvent nécessaire d'en parler franchement et de leur expliquer d'une part, le risque de récurrence de la cardiopathie qui est habituellement bien moindre que ce qu'elles imaginent ; d'autre part, dans la plupart des cas, que la grossesse peut être autorisée (voir
(tableau II). Un problème particulier est celui de la grossesse sous traitement anticoagulant qui concerne essentiellement les porteuses de valves mécaniques
. Comme les antivitamines K peuvent déterminer une embryofoetopathie et des hémorragies lors de l'accouchement, ils doivent être remplacés par l'héparine au moins pendant les premier et dernier trimestres de la grossesse. En effet, les héparines à haut poids moléculaire ne traversent pas le placenta et n'ont donc pas d'effets anticoagulants pour le foetus, ni d'effets tératogènes pour l'embryon.
Enfin, l'entraînement électrosystolique ne contre-indique absolument pas la grossesse. En revanche, si la digoxine donnée à la mère n'est pas dangereuse pour le foetus, il n'en est pas de même de l'acide acétylsalicylique (qui peut provoquer la fermeture prématurée du canal artériel du foetus), ni de l'amiodarone qui, pour certains, serait tératogène.
Ce problème a fait l'objet d'un rapport d'un comité spécial de l'American Heart Association
; les recommandations assez précises de ce comité ne sont cependant suivies que par un peu plus d'un tiers des compagnies d'assurance
. On retrouve sur le tableaux rédigés par ce comité les trois principaux groupes déjà décrits
(tableau I), le premier groupe pouvant prétendre à une assurance à un taux normal, le second à une assurance à des taux plus élevés et le troisième n'étant pas assurable.
Bien que la législation en France ait été améliorée pour les différents groupes de handicapés, le choix d'une activité professionnelle demeure un problème important pour le cardiaque opéré. Dans le premier groupe, on pourra proposer une activité professionnelle normale ; dans le second groupe, il sera prudent d'orienter l'adolescent vers un travail ne nécessitant pas de gros efforts physiques pour éviter une reconversion professionnelle 10 à 15 ans plus tard ; pour le troisième groupe, il faudra s'efforcer de trouver une activité à faibles dépenses physiques.
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Les résultats du traitement sont remarquables pour la plupart des opérés, surtout si on les compare à l'évolution spontanée. Par ailleurs, l'amélioration des techniques permettra une réduction de la sévérité et de la fréquence des complications à moyen et long termes.