Maladie d'Ebstein







François : Praticien hospitalier, chef de service
Jean-Paul Lethor: Assistant hospitalier universitaire
Anne-Marie Worms: Praticien hospitalier
Service de cardiologie infantile, hôpital d'Enfants, rue du Morvan, 54511 Vandoeuvre cedex France
11-040-E-10 (1998)



Résumé

La maladie d'Ebstein, décrite par Wilhelm Ebstein en 1866 sur pièce anatomique, reste une malformation peu fréquente, qui représente 0,3 à 0,8 % des cardiopathies congénitales. La première description clinique date de 1949 [ 39 ], les premières tentatives chirurgicales des années 1950. La définition anatomique très précise contraste avec une grande variété de formes anatomiques et de tableaux cliniques, qui vont de la forme néonatale gravissime dont le traitement reste très difficile, à celle du grand enfant et de l'adulte souvent bien tolérée durant des années. L'échocardiographie reste la clef du diagnostic. Les progrès des techniques ablatives en rythmologie, et ceux des techniques chirurgicales ont permis d'améliorer le pronostic de cette malformation complexe.

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Plan

Définition
Embryologie
Étiologie
Anatomie pathologique
Classification anatomochirurgicale
Physiopathologie
Forme moyenne de l'enfant
Évolution. Formes cliniques
Diagnostic
Traitement
Conclusion

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La maladie d'Ebstein (fig 1) comporte :


- une adhérence des valves septale et postérieure de la tricuspide au myocarde sous-jacent, qui aboutit au déplacement apical de l'anneau tricuspide fonctionnel et à une atrialisation de la portion intéressée du ventricule droit ;
- des anomalies de la valve antérieure, dont le tissu redondant est le siège de fenestrations. Des attaches de cette valve à la paroi ventriculaire droite peuvent limiter sa mobilité ;
- une dilatation de l'anneau tricuspide [ 20 ].
À ces malformations de base dont la morphologie et l'extension sont variables, s'ajoutent habituellement des anomalies de la paroi du ventricule droit [ 2 ].
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La maladie d'Ebstein est attribuée à un trouble de la diverticulisation de la gelée myocardique. Normalement ce processus, qui se développe vers le 40e jour au-dessous des bourgeons endocardiques, sculpte l'appareil sous-valvulaire et contribue à former la plus grande partie des valves. La maladie d'Ebstein résulterait d'une diverticulisation incomplète (fig 2). En réalité, les anomalies dysplasiques habituelles de la paroi ventriculaire droite débordent le cadre d'une malformation purement valvulaire et permettent de parler d'une véritable myocardiopathie congénitale [ 26 ]. Celle-ci pourrait également rendre compte des anomalies mitrales et du coeur gauche.
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Les deux sexes sont également touchés. Des formes familiales ont été exceptionnellement décrites. La maladie d'Ebstein s'inscrit parfois dans le cadre de syndromes polymalformatifs [ 15 ], trisomie 21, ou abérrations chromosomiques plus rares, maladie de Marfan, syndrome de Noonan, syndrome de Cornelia de Lange, osteogenesis imperfecta, rubéole congénitale. Dans la majorité des cas néanmoins, l'atteinte cardiaque est isolée. Le risque tératologique lié à la prise de lithium par la mère paraît moins élevé qu'on ne l'avait d'abord estimé [ 13 ].
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On observe sur un coeur normal un décalage de l'insertion des valves septale et postérieure par rapport à la mitrale qui reste inférieur à 0,8 cm/m2 de surface corporelle (SC) (en incidence échographique des quatre cavités). Dans la maladie d'Ebstein l'adhérence des valves septale et postérieure au myocarde augmente ce décalage dans des proportions variables. Dans les formes mineures, la valve septale peut être seule concernée. Dans les formes plus sévères (fig 3), les valves sont très dysplasiques, verruqueuses, adhérentes à la paroi, parfois totalement fusionnées avec elle et difficilement identifiables. La valve antérieure s'insère normalement sur l'anneau tricuspide, mais elle est ample, dysplasique, épaissie, et forme un large rideau fenestré. Les cordages sont habituellement courts et malformés ; la valve peut avoir des attaches plus ou moins distales, linéaires, sur la paroi ventriculaire. Parfois, elle se présente comme une membrane atrétique. La commissure postérieure est souvent inexistante. Il est dilaté. Il existe fréquemment des connexions musculaires entre oreillette et ventricule droits, responsables de voies de préexcitation. Sa dilatation est liée à l'insuffisance tricuspide. Elle est habituellement libre de thrombose. Il comporte une portion proximale atrialisée et une portion distale. La taille de la chambre proximale dépend directement du degré d'accolement des valves septale et postérieure. Sa paroi est mince, pellucide, les myocytes y sont rares, dissociés, ou absents ; une zone anévrismale peut ainsi se développer. La chambre distale se réduit habituellement à la portion trabéculée et à la de chambre de chasse. Elle est fréquemment dilatée [ 2 ]. Au niveau de la paroi, les fibres sont plus ou moins désorganisées, on observe des zones de fibrose, mais en général pas de thrombose. Les deux portions du ventricule sont séparées par l'orifice tricuspide généralement incontinent, parfois sténosé et incontinent, parfois même atrétique. Les anomalies mitrales sont fréquentes : épaississement, sténose, prolapsus, adhérences de type " Ebstein ", tissu accessoire sténosant sous-aortique. La géométrie du ventricule gauche est modifiée, il peut être comprimé par le ventricule droit dilaté ; on peut noter des foyers de fibrose pariétale [ 8], [10], [43 ]. La communication interauriculaire est habituelle, plus fréquente chez le nouveau-né et le nourrisson (80 % des cas) que chez l'adulte (50 % des cas). Il s'agit le plus souvent d'un foramen ovale, parfois d'un ostium secundum, plus rarement d'une forme de canal atrioventriculaire. La communication interventriculaire, la sténose ou l'atrésie pulmonaires, la persistance du canal artériel ne sont pas exceptionnelles. On décrit plus rarement des anomalies du coeur gauche-sténose sous-aortique, bicuspidie, coarctation - et des formes associées à une tétralogie de Fallot, un truncus arteriosus, des anomalies des arcs aortiques. La malformation de type Ebstein de la valve tricuspide en position gauche au cours de la transposition corrigée sort du cadre de cette étude.
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Carpentier et al [ 7 ] ont proposé, en 1988, une classification anatomochirurgicale en quatre types, de A à D, de gravité croissante, qui prennent en compte l'importance du déplacement des valves septale et postérieure, la taille et la mobilité de la valve antérieure, l'état des commissures et de l'orifice tricuspide, la taille et la dysplasie pariétale de la chambre atrialisée du ventricule droit, et de la chambre distale.
- Type A : valve antérieure large et mobile, faible déplacement des valves septale et postérieure, chambre atrialisée petite, contractile, bon volume ventriculaire.
- Type B : déplacement important des valves septale et postérieure, valve antérieure mobile, chambre atrialisée dilatée, à paroi mince, ventricule droit petit.
- Type C : valve antérieure peu mobile, attachée par des bandes fibreuses à la paroi ventriculaire, commissures bien délimitées, orifice tricuspide souvent sténosé, valves septale et postérieure hypoplasiques, fortement déplacées, chambre atrialisée large à paroi très fine, ventricule droit de taille très réduite.
- Type D : forme " sac ", avec adhérence de tout le tissu tricuspide à la paroi du ventricule dilaté, orifice tricuspide restrictif, limites de la chambre atrialisée mal définies, paroi du ventricule fine, peu contractile.

Ces quatre types, qui peuvent être identifiés en échocardiographie, permettent, selon Carpentier, de guider l'option chirurgicale.

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Trois facteurs se conjuguent pour entraîner une stase dans l'oreillette droite : l'obstacle tricuspide, au niveau duquel se combinent de façon variable régurgitation et sténose, la faible capacité et la fonction souvent médiocre du ventricule réduit à sa chambre distale, l'asynchronisme de contraction entre l'oreillette droite et la portion atrialisée du ventricule qui se comporte comme un " dépulsateur ", entravant la progression efficace du sang. Un shunt auriculaire droite-gauche s'établit alors s'il existe une communication interauriculaire, responsable de cyanose. La stase dans l'oreillette droite peut, en outre, favoriser la thrombose cave. La situation tend à s'aggraver avec le temps : y contribuent l'altération progressive de la fonction ventriculaire, la dysfonction tricuspide croissante, la survenue de troubles du rythme. Chez le nouveau-né, le niveau élevé des résistances pulmonaires est un facteur de stase supplémentaire qui peut aboutir à une véritable atrésie pulmonaire fonctionnelle, avec un shunt auriculaire droite-gauche massif, une hypoxie et une cyanose extrêmes.

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La tolérance clinique de la maladie d'Ebstein est extrêmement variable. Si la clinique dépend évidemment des lésions anatomiques, il faut dire d'emblée que la sévérité anatomique n'est pas forcément corrélée à la sévérité clinique. Nous décrirons ici une forme clinique moyenne.

Le début des manifestations est progressif, au cours de la deuxième enfance. On voit apparaître une dyspnée d'effort, une asthénie, une cyanose ou plus souvent un faciès érythrosique, des palpitations, voire des malaises paroxystiques ou des syncopes. L'intensité des symptômes est variable. L'hypotrophie se voit dans les formes sévères. Plus rarement, on observe une turgescence veineuse, une hépatomégalie, une voussure précordiale.
À l'auscultation, les rythmes à trois ou quatre temps s'observent dans 80 % des cas. Le clic protosystolique, ou " bruit de voile " est l'anomalie la plus constante ; elle correspond à la mise en tension brutale et retardée de la valve antérieure de la tricuspide. On peut entendre aussi un dédoublement du deuxième bruit, un troisième ou un quatrième bruit. Les souffles sont fréquents, variables : le souffle systolique xiphoïdien d'insuffisance tricuspide et le souffle ou roulement diastolique de sténose tricuspide sont les plus caractéristiques.

La silhouette cardiaque est variable : parfois normale, le plus souvent pathologique. L'image de cardiomégalie en " ballon de rugby " posé sur le diaphragme est la plus habituelle et la plus typique, avec un pédicule grêle, des bords nets, des poumons clairs, une faible pulsatilité en scopie (fig 4).


L'ECG est le plus souvent anormal. Les signes les plus habituels sont une hypertrophie auriculaire droite constante - onde P ample et pointue, parfois géante, en précordiales droites - et un bloc de branche droit à complexes polyphasiques bas voltés, quasi constant, qui s'élargit avec l'âge (fig 5 A). L'espace PR est habituellement allongé. Un syndrome de Wolff-Parkinson-White s'observe dans 4 à 26 % des cas : il est pratiquement toujours de type B [ 27 ] (fig 5 B). La préexcitation est ventriculaire droite, postéroseptale ou postérolatérale. Isolée ou le plus souvent associée à un bloc de branche droit, elle peut le masquer. Il s'agit le plus souvent d'un faisceau de Kent, parfois de connexions nodoventriculaires. Il existe des voies multiples dans 20 à 27 % des cas. Les troubles du rythme sont très fréquents [ 32 ] : extrasystoles de tous types, flutter et fibrillation auriculaires, plus rarement bloc auriculoventriculaire. Les crises de tachycardie paroxystique sont particulièrement fréquentes, supraventriculaires le plus souvent ; elles sont surtout en rapport avec un syndrome de préexcitation, presque toujours orthodromiques, descendant au ventricule par la voie nodohissienne et remontant à l'oreillette par le faisceau de Kent. Néanmoins, les complexes sont souvent élargis du fait du bloc de branche droit associé, ou parfois d'un bloc de branche gauche (évocateur de l'association d'un faisceau de Kent et de fibres de Mahaim). L'enregistrement de Holter prend tout son intérêt dans le dépistage des troubles du rythme.


Elle met en évidence le retard de conduction intra-atriale, la position anormale du His, fréquemment un allongement de la conduction auriculoventriculaire et à l'étage infrahissien. La zone atrialisée du ventricule droit s'active tardivement, c'est une zone " irritable ", potentiellement arythmogène. L'exploration permet de rechercher et de préciser les voies accessoires, la mesure des périodes réfractaires, le mécanisme des arythmies. Cette étude complexe peut se révéler difficile.

C'est le temps essentiel du diagnostic [ 5], [23], [36 ]. En mode TM (fig 6 A), on note un retard excessif de fermeture de la tricuspide par rapport à la mitrale, et un déplacement de la valve antérosupérieure que l'on peut enregistrer sur la ligne médioclaviculaire gauche. L'échocardiographie bidimensionnelle (fig 6 B) couplée au doppler conventionnel et à codage couleur (fig 7) doit utiliser des incidences multiples. Doivent être précisés : la morphologie et la fonction des valves, du ventricule droit, de l'oreillette droite, l'existence d'un shunt auriculaire, le flux tricuspide, le flux pulmonaire, la valve mitrale, le ventricule gauche, les anomalies associées. En ce qui concerne les valves, l'incidence sous-costale quatre cavités étudie au mieux la valve postérieure ; l'incidence apicale quatre cavités et parasternale petit axe visualise bien les attaches de la valve septale. L'incidence sous-costale oblique droite mais aussi les incidences parasternales grand et petit axe, apicale grand axe, permettent de bien étudier la chambre de chasse du ventricule droit et les attaches éventuelles de la valve antérieure à ce niveau.


L'échocardiographie permet ainsi d'apprécier, de façon distincte, la sévérité fonctionnelle de la malformation qui conduira à poser l'indication chirurgicale, et la sévérité anatomique qui guidera l'option technique chirurgicale [ 23 ]. La sévérité fonctionnelle dépend de l'importance du shunt auriculaire (et donc de la cyanose), de la dilatation et dysfonction du ventricule gauche, de la dysfonction tricuspide. La sévérité anatomique est liée à l'importance du déplacement des valves septale et postérieure, mais aussi aux anomalies de la valve antérieure. Si celle-ci a des attaches dans la chambre de chasse du ventricule droit, il y a peu de chances que l'on puisse conserver la valve ; si en revanche elle reste mobile et non attachée au-delà de la partie moyenne du ventricule, il y a de bonnes chances de réparation efficace. La sévérité anatomique dépend encore de la dilatation du ventricule droit, et des malformations associées éventuelles.
L'échocardiographie transoesophagienne est intéressante surtout chez l'adulte, et en peropératoire [ 16 ].

L'épreuve d'effort permet de tester la capacité à l'effort, étroitement dépendante de la saturation artérielle en oxygène, et d'en évaluer l'amélioration en postopératoire [ 29 ]. Elle étudie les troubles du rythme à l'effort, et la durée de période réfractaire des voies de préexcitation.

L'IRM peut fournir des images éloquentes de la malformation cardiaque : l'indication de cette technique se limite toutefois aux insuffisances diagnostiques de l'échocardiographie [ 12], [21 ].

Réalisée au repos et à l'effort, elle met en évidence les altérations fréquentes de la fonction ventriculaire gauche [ 37 ].

Les explorations intracardiaques n'exposent pas à un risque particulier, contrairement à ce que l'on pensait autrefois. Les indications en sont cependant limitées. Les trajets de sonde mettent en évidence la dilatation de l'oreillette droite, le déplacement à gauche de l'orifice tricuspide, la communication interauriculaire. Le niveau des pressions et la morphologie de la courbe dépendent des anomalies de la tricuspide : on peut enregistrer une onde " a " jusque dans l'artère pulmonaire ; une onde v ample auriculaire traduit la régurgitation ; un gradient diastolique entre oreillette et ventricule correspond à une sténose de la valve. La pression systolique du ventricule droit est habituellement normale, la pression télédiastolique est souvent élevée. L'oxymétrie permet de détecter un shunt auriculaire droite-gauche.
L'ECG endocavitaire, historique, n'a plus guère d'intérêt.
La cinéangiocardiographie sélective objective le retard de progression du contraste, la régurgitation tricuspide, la dilatation de l'oreillette droite, une double encoche qui correspond d'une part à l'anneau tricuspide anatomique, d'autre part à l'orifice tricuspide fonctionnel déporté à gauche (fig 8), la taille réduite et parfois la dilatation du ventricule droit fonctionnel, les anomalies associées, notamment ventriculaires gauches et mitrales.


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La symptomatologie et l'évolution sont variables. Néanmoins, la bonne tolérance peut permettre une vie quasi normale jusqu'à l'âge adulte et parfois jusqu'à un âge avancé. La grossesse est possible, bien tolérée en l'absence de cyanose et d'arythmie [ 14], [18 ]. Dans le cas contraire, le risque s'accroît pour la mère, et le foetus, exposé à la mort foetale ou à une prématurité. Dans la large série internationale publiée par Watson en 1974 [ 42 ], qui porte sur 505 patients dont 403 au-delà de 1 an, 73 % des sujets entre 1 et 15 ans, 69 % entre 16 et 25 ans et 59 % au-delà de 25 ans sont en classe fonctionnelle de la NYHAI ou II. On observe néanmoins, chez la plupart des patients, une aggravation lente et progressive. Selon Gentles [ 22 ], la probabilité de survie est de 50 % à 47 ans. La fréquence des troubles du rythme s'accroît avec l'âge sans parallélisme avec la gravité hémodynamique. Le risque de mort subite par dysrythmie maligne est estimé entre 3 et 10 %. Parmi les autres complications, l'insuffisance cardiaque est la plus fréquente. Plus rares sont les embolies pulmonaires et systémiques paradoxales, l'abcès cérébral, l'endocardite bactérienne. On retiendra parmi les facteurs de mauvais pronostic : la classe fonctionnelle III ou IV, le taux élevé d'hémoglobine, la désaturation artérielle, et le taux élevé d'hémoglobine, une extrême cardiomégalie, les malformations associées, et les critères de sévérité fonctionnelle en échocardiographie tels que nous les avons décrits [ 24 ].
À côté des variantes symptomatiques de la forme moyenne, le contraste est saisissant entre l'extrême gravité habituelle des formes néonatales et foetales, et la bonne tolérance des formes mineures de l'adulte.

Chez le foetus, la maladie d'Ebstein entraîne rapidement une dilatation progressive du coeur droit, avec insuffisance cardiaque et anasarque foetoplacentaire. La sténose ou l'atrésie pulmonaire et l'hypoplasie pulmonaire sont fréquentes. Des troubles du rythme peuvent survenir. L'échocardiogramme couplé au doppler fait aisément le diagnostic avec d'excellentes corrélations anatomiques [ 31 ]. L'évolution est dramatique, vers la mort in utero dans près de la moitié des cas et la mort néonatale ou dans les 3 premiers mois dans un tiers des cas [ 25 ]. Parmi les facteurs de gravité, on peut retenir avec Roberson et Silverman [ 35 ] l'existence d'attaches distales linéaires de la valve antérieure dans le ventricule droit, l'importance de la dysplasie ventriculaire droite, l'extrême dilatation de l'oreillette droite et de la portion atrialisée du ventricule droit, la compression du ventricule gauche.
Chez le nouveau-né, l'intolérance est précoce et sévère [ 9], [22], [35 ]. Les résistances pulmonaires élevées et la perméabilité du foramen ovale rendent compte de l'insuffisance cardiaque précoce et de la cyanose. La diminution de la perfusion pulmonaire peut faire croire à une atrésie pulmonaire, qui est en fait " fonctionnelle ". Les malformations associées alourdissent le pronostic. La mortalité avant 3 mois est élevée : 32 à 52 %. Parmi les facteurs de gravité, comparables à ceux du foetus, on retiendra un rapport supérieur à 1, en incidence des quatre cavités, entre la surface combinée de l'oreillette droite et de la portion atrialisée du ventricule droit d'une part, et la surface combinée du ventricule droit et des cavités gauches d'autre part. Le traitement médical intensif peut néanmoins permettre de passer un cap : la situation s'améliore avec la baisse progressive des résistances pulmonaires, et l'évolution peut se faire vers une forme " moyenne ", bien tolérée, de l'enfance.

La survie peut être très longue, chez des patients peu symptomatiques, dont les altérations tricuspides sont mineures, en l'absence d'anomalie associée, notamment de communication interauriculaire.

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Il se pose surtout chez le nouveau-né, en échocardiographie. On peut être conduit à discuter une atrésie pulmonaire à septum ventriculaire intact, une insuffisance tricuspide due à une absence de valve ou une valve dysplasique, une insuffisance tricuspide fonctionnelle en rapport avec des résistances pulmonaires élevées ou par ischémie des muscles papillaires, un ventricule droit papyracé ou anomalie d'Uhl.

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Dans les formes graves du nouveau-né, le traitement comporte : réanimation respiratoire, lutte contre l'acidose, traitement digitalodiurétique éventuellement, et surtout prostaglandine E1 qui permet de perfuser les poumons par le canal artériel (cardiopathie " ductodépendante "), dans l'attente d'une baisse progressive des résistances pulmonaires. La septostomie de Rashkind jadis préconisée n'est plus pratiquée dans cette indication. Une valvuloplastie pulmonaire percutanée peut être proposée en cas de sténose valvulaire pulmonaire critique.


Méthodes palliatives
Chez le nouveau-né et le nourrisson, plusieurs techniques palliatives ont été proposées, avec des résultats variables et le plus souvent médiocres. L'anastomose cavopulmonaire de Glenn est pratiquement abandonnée. L'anastomose cavobipulmonaire, ou Glenn bidirectionnel, a pu être tentée, avec succès [ 41 ], de même que l'occlusion de la tricuspide associée à un shunt aortopulmonaire [ 38 ] : ces techniques peuvent conduire ultérieurement à une dérivation cavopulmonaire totale.
Chez l'enfant et l'adulte, la fermeture isolée de la communication interauriculaire n'a que des indications très limitées, en particulier lorsque la fuite tricuspide est modérée.
En cas de sténose tricuspide sévère, on a proposé une valvulectomie [ 40 ].

Méthodes correctrices
Le but de ces techniques est de traiter les anomalies valvulaires, les anomalies du ventricule droit, les anomalies associées.

Intervention de Hunter-Lillehei-Hardy
Actuellement abandonnée, elle comportait une reposition des valves septale et postérieure par plicature de la chambre atrialisée et une fermeture de la communication interauriculaire. Les résultats en sont mauvais en raison du risque de léser l'artère coronaire droite, de créer un bloc auriculoventriculaire, et de la correction habituellement imparfaite de l'insuffisance tricuspide.

Remplacement valvulaire associé à la fermeture de la communication interauriculaire
Il donne de bons résultats, avec une mortalité qui a beaucoup diminué avec l'expérience des équipes - mortalité opératoire de 5,8 % dans une série de 69 patients de Danielson [ 17 ]. Le mode de suture de la prothèse doit permettre d'éviter les lésions du faisceau de His. Les valves mécaniques exposent aux complications habituelles de dysfonction et de thrombose en position tricuspide, avec un risque peut-être moindre que pour d'autres indications. Les bioprothèses sont généralement préférées, mais leur dégénérescence précoce chez l'enfant limite leur utilisation aux formes de l'adulte.

Interventions conservatrices actuelles
Technique de Danielson (Mayo Clinic) [ 17 ] : elle comporte une plicature transverse de la chambre atrialisée, une annuloplastie et une reconstruction de la valvule tricuspide avec la valve antérieure, une atrioplastie droite de réduction. L'expérience rapportée par Danielson porte sur 189 patients : 110 (58,2 %) ont bénéficié d'une intervention conservatrice, avec une mortalité opératoire de 7,3 %. La réparation n'a pas été réalisable chez 69 patients (36,5 %) qui ont eu un remplacement valvulaire, par bioprothèse dans 50 cas, avec une mortalité de 5,8 %. Ily a eu dix décès tardifs dont quatre par arythmie. Environ 92,9 % des sujets qui survivent plus de 1 an après l'intervention sont en classe I ou II de la NYHA ; neuf femmes ont mis au monde douze enfants normaux. Une réintervention pour remplacement valvulaire chez quatre des 110 patients initialement " réparés " a été nécessaire avec un bon résultat.
Technique de Carpentier [ 11 ] : c'est une technique plus récente qui permet de " réparer " une grande majorité de cas. Elle prend en compte les différents types anatomiques décrits par cette équipe (cf supra). La réparation comporte une mobilisation de la valve antérieure, une plicature longitudinale de la portion atrialisée et de la partie adjacente de l'oreillette droite, une reposition de la valve antérieure, une annuloplastie éventuelle. Sur 64 patients opérés entre 1980 et 1994, 63 (98 %) ont une intervention conservatrice, un seul un remplacement valvulaire. La mortalité opératoire est de 9 % ; et les décès tardifs au nombre de quatre. Environ 90 % des patients sont en classe I ou II de la NYHA avec un recul de 5,18 +/- 3,25 ans. Six ont été réopérés : deux pour une transplantation cardiaque, deux pour une deuxième intervention conservatrice, deux pour un remplacement valvulaire.

Autres techniques
Quaegebeur [ 34 ] utilise une technique voisine de celle de Carpentier avec des résultats encourageants : sur dix patients, il n'y a pas de décès opératoire, neuf réparations sont satisfaisantes, un seul patient est orienté vers un remplacement valvulaire par l'échocardiographie peropératoire. Après la chirurgie, huit patients sont en classe fonctionnelle I, deux en classe II. Le recul du suivi va de 2 à 23 mois.
Augustin, avec l'école de Munich [ 4 ], reconstruit une valve monocusp à partir de la valve antérieure par suture ; s'y ajoutent : une oblitération de la commissure antéro-inférieure, une fermeture de la communication interauriculaire, et, si nécessaire, une annuloplastie mais pas de réduction de la chambre atrialisée. Sur 60 patients, 56 (93,3 %) ont bénéficié de cette réparation, quatre ont eu un remplacement valvulaire. La mortalité hospitalière est de 3,3 %, la mortalité tardive de 10 %. Environ 93,9 % des patients survivants sont en classe fonctionnelle I ou II, avec un recul moyen de 6,9 ans. Six ont été réopérés, deux pour une nouvelle valvuloplastie, quatre pour un remplacement valvulaire.
Dans les formes à haut risque, l'équipe de l'hôpital Broussais propose d'associer à la réparation intracardiaque une anastomose cavobipulmonaire dans le but de diminuer la mortalité opératoire [ 11 ].
L'échocardiographie transoesophagienne peropératoire apporte des précisions très utiles au chirurgien [ 16 ].

Indications
Chez le nouveau-né et le nourrisson, la chirurgie a peu d'indications jusqu'à présent.
Chez le grand enfant et l'adulte, la décision opératoire, différée lorsque la tolérance est bonne, dépend des critères de gravité cliniques et échocardiographiques exposés plus haut. Le choix de la technique est guidé par l'échocardiographie pré- et peropératoire. La technique de Carpentier et de son équipe paraît actuellement donner les meilleurs résultats [ 3 ].


Traitement médical
Il utilise les différentes classes de drogues antiarythmiques, en particulier celles de classe I, les bêtabloquants, l'amiodarone. La fréquence des troubles du rythme lors de l'intervention chirurgicale impose une vigilance périopératoire accrue [ 17 ].

Techniques ablatives
La section chirurgicale des voies de préexcitation réalisée isolément, ou lors d'une correction chirurgicale de la malformation, est guidée par l'étude électrophysiologique préopératoire et le mapping peropératoire. Elle permet l'ablation simultanée de plusieurs voies. Les résultats sont bons avec un taux de succès de 82 à 90 % [ 30], [33 ].
L'ablation par radiofréquence des voies de préexcitation en cours de cathétérisme [ 6], [28 ], plus récente, donne aussi de bons résultats avec certains échecs lorsque la voie intéresse la portion atrialisée du ventricule droit avec des anomalies des potentiels d'activation endocardique générés dans cette région [ 6 ]. Les indications de cette technique tendent à s'élargir aux dépens de la chirurgie, qui garde néanmoins son intérêt en cas d'échec ou de correction chirurgicale associée.
La mise en place d'un pacemaker, pour traiter un bloc auriculoventriculaire malformatif ou chirurgical, peut être nécessaire - 3,7 % des 401 patients d'une série de Allen [ 1 ].

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On peut retenir, en conclusion, les progrès remarquables réalisés dans le traitement de cette malformation complexe qui doivent permettre d'opérer plut tôt, avant l'apparition des complications [ 19 ]. Les indications doivent néanmoins rester prudentes dans les formes bien tolérées. Les traitements antiarythmiques et notamment l'ablation par radiofréquence des voies accessoires permettent de traiter des patients de plus en plus jeunes en cas de dysrythmie sévère. Dans les formes qui requièrent une correction chirurgicale, on peut espérer une chirurgie conservatrice efficace dans la majorité des cas. Les formes du foetus et du nouveau-né restent d'une extrême gravité.

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