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Malgré le recul de la maladie coronaire constaté ces dernières années dans les pays développés
, l'infarctus du myocarde reste, avec environ 120 000 nouveaux cas par an en France, un grave problème de santé publique. La prévention et le traitement des troubles du rythme précoces, puis la recanalisation en urgence par thrombolyse et/ou angioplastie depuis le début des années 1980, ont réduit considérablement la mortalité hospitalière. Mais pour que la désobstruction coronaire et le rétablissement d'un bon flux limitent la taille de la nécrose, préservent la fonction ventriculaire gauche et réduisent la mortalité, elles doivent intervenir dans les 6 ou tout au plus les 12 premières heures
, délai extrêmement court qui souligne l'importance cruciale d'un diagnostic rapide.
Aussi la question du diagnostic de l'infarctus du myocarde se pose-t-elle dans deux circonstances très différentes : d'une part avant la sixième heure, le diagnostic est une urgence et doit se fonder sur des critères simples, fiables et immédiatement accessibles pour permettre une recanalisation coronaire dans les plus brefs délais ; d'autre part, au-delà de la sixième ou douzième heure même si les critères précédents gardent toute leur valeur et même si le diagnostic reste tout aussi urgent, celui-ci sera plus facilement étayé par des explorations complémentaires complexes.
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Dans près de la moitié des cas, l'infarctus est inaugural, sans aucun signe annonciateur. Une période prodromique peut être identifiée dans 20 à 60 % des infarctus secondairement confirmés
, que le patient soit coronarien connu ou non. Un angor instable, caractérisé par l'aggravation d'un angor d'effort ou l'apparition d'un angor de repos, peut précéder l'infarctus pendant une période variable qui peut aller de quelques heures seulement à quelques semaines : reconnu et traité, il permet le plus souvent de prévenir l'infarctus ; méconnu ou négligé, son diagnostic n'est fait qu'a posteriori.
Si l'infarctus survient dans une petite majorité des cas au repos, on peut retrouver dans les heures précédentes un certain nombre de facteurs déclenchants comme un stress émotionnel sévère ou un exercice physique intense. Certaines circonstances sont classiques : une intervention chirurgicale, une anémie aiguë, une exposition au froid, une affection hypoxémiante comme une pneumonie ou une embolie pulmonaire, une hypoglycémie ; d'autres sont très particulières ou anecdotiques comme une intoxication aux dérivés de l'ergot de seigle ou à la cocaïne, un phénomène allergique comme une maladie du sérum ou une piqûre de guêpe, un spasme coronaire par arrêt d'exposition aux dérivés nitrés (cas décrit chez les travailleurs de l'armement), un accident vasculaire cérébral ou une contusion cardiaque par traumatisme thoracique.
L'infarctus peut débuter à toute heure du jour et de la nuit, mais on a pu mettre en évidence une périodicité circadienne du début des symptômes, avec une recrudescence durant les premières heures de la matinée, de 6 à 12 heures
, période de la journée où il existe une élévation des catécholamines et du cortisol plasmatique, ainsi qu'une augmentation de l'agrégabilité plaquettaire. Cette recrudescence matinale semble épargner les sujets sous bêtabloquants et aspirine.
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Le diagnostic de l'infarctus du myocarde aigu repose encore largement, malgré les progrès des explorations complémentaires, sur la douleur thoracique, l'électrocardiogramme et les examens biologiques simples. Dans sa forme typique, le diagnostic est facile et doit être rapide.
La douleur domine la symptomatologie du stade aigu de l'infarctus du myocarde. Il s'agit d'une douleur angineuse rétrosternale en barre constrictive à irradiations multiples vers les pectoraux, les épaules, les bras, les poignets, le dos et la mâchoire inférieure. Son caractère constrictif la fait décrire par les patients comme pesante, en étau, en torsion, la poitrine enserrée dans des griffes. La description est souvent complétée par un geste de la main du patient qui recourbe les doigts en serres ou des deux mains enserrant son thorax.
Elle est habituellement très intense, accompagnée de dyspnée, d'angoisse, de sensation de mort imminente, et elle résiste aux dérivés nitrés sublinguaux, aux antalgiques habituels et parfois même aux opiacés.
Sa durée est variable : prolongée au-delà de 1/2 heure, elle peut être entrecoupée de répits incomplets. En l'absence d'antalgiques majeurs ou de reperfusion coronaire, elle peut persister des heures, parfois même une journée. Elle laisse souvent place à un fond douloureux thoracique.
La douleur s'accompagne souvent de signes digestifs. Des nausées et des vomissements surviennent communément dans les infarctus transmuraux très douloureux
, notamment de localisation inférieure, probablement par réflexe vagal consécutif à l'activation des récepteurs de la paroi inférieure du ventricule gauche. Nausées et vomissements peuvent être favorisés par l'utilisation d'opiacés. La diarrhée est plus rare. Enfin, le patient peut être en proie à des éructations qui ne calment pas sa douleur ou à un hoquet incoercible rapporté à une irritation diaphragmatique par l'infarctus.
D'autres symptômes peuvent être relevés : des sueurs froides, une faiblesse, un état vertigineux, une agitation.
Tous ces signes peuvent être isolés et rendre le diagnostic délicat.
Les formes indolores ne sont pas rares et pourraient concerner 15 à 20 % des cas. Le diagnostic n'en est fait qu'a posteriori par la découverte fortuite d'un aspect caractéristique d'infarctus sur un électrocardiogramme, ou à l'occasion d'une complication. Ces formes indolores, ou très peu douloureuses (pour lesquelles seul un interrogatoire soigneux permet rétrospectivement de mettre en évidence une symptomatologie atypique) sont plus fréquentes chez les patients indemnes d'antécédents angineux, les diabétiques en raison d'une atteinte du système nerveux végétatif, les hypertendus, et augmentent avec l'âge.
Les formes pseudodigestives sont fréquentes dans les infarctus du myocarde de localisation postéro-inférieure et peuvent être source de retard diagnostique. Le siège épigastrique des douleurs, des nausées, des vomissements, un malaise général et même des troubles du transit peuvent orienter à tort vers une pathologie digestive aiguë comme une cholécystite, une poussée ulcéreuse ou colitique.
Il peut également s'agir de douleurs atypiques, par exemple dans leur intensité évoquant une simple crise angineuse, dans leur caractère, simple gêne, brûlure, ou dans leur localisation, plus haut au niveau du manubrium ou plus bas au niveau de la xiphoïde, ou encore limitée à l'une des irradiations habituelles de l'angor comme les bras, le dos ou la mâchoire inférieure. L'atypie peut concerner le mode évolutif de la douleur et, au lieu d'un syndrome hyperalgique prolongé, des douleurs brèves, parfois trinitrosensibles, se renouvellent à intervalles variables sur plusieurs heures ou jours.
Enfin, il peut s'agir de formes révélées par une complication :
- - les formes d'emblée syncopales, source de morts subites préhospitalières, qui pourraient concerner 20 % des infarctus ;
- - les formes dyspnéisantes avec un oedème aigu du poumon inaugural ;
- - les formes avec état de choc, d'étiologie non univoque : parfois simplement vagal ou hypovolémique, qui peut déjà traduire un choc cardiogénique ;
- - les formes révélées par une embolie systémique, comme une embolie dans un membre ou une embolie cérébrale, sont en fait bien rares ;
- - enfin, des formes confusionnelles et psychiatriques.
L'interrogatoire du patient ou de son entourage recense rapidement les principaux facteurs de risque vasculaires, d'autres localisations de la maladie athéromateuse, les traitements suivis et les contre-indications à une éventuelle thrombolyse intraveineuse.
L'examen physique est souvent pauvre mais il permet de compléter les données de l'interrogatoire à la recherche d'une autre localisation de la maladie athéromateuse : abolition de pouls distaux en faveur d'une artérite, séquelles d'accident vasculaire cérébral, souffles sur les trajets vasculaires. Il permet en outre de déceler une éventuelle complication et contribue, par sa pauvreté, à éliminer un autre diagnostic.
Présentation générale du patient
Dans la plupart des cas, le patient souffrant d'un infarctus aigu du myocarde est en proie à une anxiété évidente au premier coup d'oeil. Douleur et angoisse peuvent provoquer, contrairement à une simple douleur angineuse qui n'affecte pas sa tranquillité, un état d'agitation qui le pousse à rechercher une position antalgique dans son lit, à faire des efforts d'éructation et même à chercher à se faire vomir. À l'opposé, le tableau peut être celui d'une prostration, voire d'une véritable confusion avec désorientation ; assez commun chez les personnes âgées, cet état peut déjà témoigner d'un bas débit cardiaque et même d'un état de choc.
La pâleur cutanéomuqueuse est un signe fréquent qui s'accompagne souvent de sueurs froides et de refroidissement des extrémités et témoigne alors d'une réaction vagale qui peut être aggravée par un usage intempestif ou abusif de dérivés nitrés.
Examen cardiovasculaire
Au cours des premières heures, l'examen cardiaque est normal : le rythme cardiaque est régulier, les bruits du coeur sont bien frappés et il n'existe pas de signe stéthacoustique de stase pulmonaire. Quelques extrasystoles peuvent être présentes de même qu'un galop présystolique auriculaire (B4).
Dans les jours suivants, une auscultation soigneuse et pluriquotidienne retrouve souvent un frottement péricardique. Éphémère et donc de fréquence sous-estimée, il doit être recherché au bord gauche du sternum et à l'endapex, entre le deuxième et le huitième jour de l'infarctus.
La tension artérielle est soit normale, soit légèrement abaissée par rapport aux valeurs habituelles.
En réalité, si dans les trois quarts des cas l'examen cardiovasculaire est normal à ce stade, dans 25 % des cas on observe :
- - soit un tableau évoquant une hyperadrénergie : tachycardie à 90-100 battements/min, polypnée, poussée hypertensive souvent dans un contexte d'agitation et d'anxiété ;
- - soit un tableau d'hypervagotonie, apanage des nécroses postérieures, associant bradycardie, chute tensionnelle, pâleur et symptomatologie digestive.
Chez la plupart des patients, une fièvre apparaît dans les 12 à 24 heures du début de l'infarctus, liée à une réponse inflammatoire non spécifique à la nécrose tissulaire. Le plus souvent, il s'agit d'une fièvre modérée, atteignant 38 à 38,5 °C, rarement plus, qui disparaît progressivement en 3 à 8 jours. Une fièvre plus forte ou plus durable doit faire rechercher une complication infectieuse. En l'absence de complications, une réaction thermique importante et prolongée fait craindre une nécrose myocardique étendue.
L'examen physique doit rechercher systématiquement les signes des principales complications précoces de l'infarctus, car on a vu qu'elles pouvaient être révélatrices ou occuper le devant de la scène clinique.
La simple auscultation peut déceler certains troubles du rythme : extrasystoles, très fréquentes les premières heures, bradycardie régulière ou non, arythmie complète, tachycardie régulière dont le diagnostic exact ne sera porté que par l'électrocardiogramme et le monitorage.
La perception de râles crépitants aux bases pulmonaires ou dans la totalité des champs, associés à une tachycardie, un galop protodiastolique (B3) et une cyanose signent une insuffisance ventriculaire gauche (IVG) congestive dont la sévérité doit être évaluée selon la classification de Killip et Kimball
:
- - classe I : pas de râle crépitant ni de B3 ;
- - classe II : râles crépitants dans la moitié inférieure des deux champs pulmonaires ou présence d'un B3 ;
- - classe III : râles crépitants dépassant la moitié des champs pulmonaires ou oedème pulmonaire franc ;
- - classe IV : choc cardiogénique.
Un collapsus tensionnel peut correspondre à plusieurs situations très différentes. Une bradycardie, une pâleur, des nausées et vomissements, des baillements signent un collapsus vagal, assez banal bien qu'impressionnant pour l'entourage et d'évolution rapidement favorable par remplissage vasculaire et atropine. Des vomissements répétés, une diarrhée, la prise préalable de diurétiques font évoquer un choc hypovolémique. Enfin, des signes périphériques de bas débit cardiaque, marbrures, sueurs froides, agitation ou prostration, associés à des râles crépitants pulmonaires sont très en faveur d'un choc cardiogénique (classe IV de Killip).
Contrastant avec l'auscultation isolée d'un frottement péricardique asymptomatique, une péricardite précoce peut survenir au deuxième- troisième jour de l'infarctus, associant à une récurrence douloureuse thoracique augmentée par l'inspiration profonde, une fièvre élevée et un frottement systolodiastolique durable.
Certaines complications mécaniques et hémodynamiques sont fortement suspectées sur le simple examen clinique biquotidien.
L'apparition d'un souffle holosystolique apexoaxillaire d'insuffisance mitrale contemporaine d'une poussée d'IVG, voire d'un oedème pulmonaire franc ou d'un collapsus, oriente vers une dysfonction aiguë du pilier postérieur de la valve mitrale.
L'apparition d'un souffle holosystolique au quatrième espace intercostal gauche associé à des signes congestifs veineux droits (turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire) contrastant avec des poumons clairs à la radiographie, et à une oligoanurie est hautement suggestive d'une communication interventriculaire par rupture septale.
Des signes de bas débit périphérique, un teint grisâtre, une petite tension, une turgescence jugulaire, une oligoanurie orientent, surtout en présence d'une bradycardie, vers un infarctus biventriculaire.
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Les examens réalisables en urgence qui permettent de confirmer le diagnostic d'infarctus suspecté cliniquement sont l'électrocardiogramme, le dosage des marqueurs biochimiques libérés par la nécrose et l'échocardiogramme.
Aisé à enregistrer, même à domicile, facilement renouvelable, l'électrocardiogramme reste l'examen fondamental pour confirmer le diagnostic d'infarctus du myocarde en voie de constitution
. Malgré les conditions de l'urgence chez un patient souvent agité, sa technique doit être rigoureuse (bon contact cutané, position correcte des électrodes précordiales) et il doit comporter au moins 15 et de préférence 18 dérivations (12 dérivations habituelles plus les trois dérivations thoraciques postérieures V7 V8 V9 et les trois dérivations précordiales droites V3R V4R VE). Dans la mesure du possible, il faut toujours comparer le tracé enregistré en cours de douleur à d'éventuels tracés anciens.
Ses limites, d'ailleurs relatives, sont connues et concernent les patients porteurs d'un stimulateur cardiaque avec entraînement électrosystolique ventriculaire permanent, les blocs de branche gauche complet (BBGC), les syndromes de Wolff-Parkinson-White et dans une moindre mesure les patients ayant déjà des séquelles d'infarctus.
Dans les formes typiques, l'électrocardiogramme permet de confirmer le diagnostic d'infarctus suspecté cliniquement, presque toujours de déterminer sa localisation, et d'une façon plus incertaine d'apprécier son ancienneté et son étendue.
Infarctus transmural
L'aspect caractéristique d'un infarctus transmural passe par plusieurs phases. Au tout début, on peut observer un aspect éphémère d'ondes T amples, pointues et symétriques, rapportées à une ischémie sous-endocardique et pouvant rassurer à tort un observateur inexpérimenté ou inattentif.
En pratique, le premier tracé est celui de l'onde en dôme de Pardee, caractérisé par un sus-décalage souvent majeur du segment ST, convexe vers le haut, englobant l'onde T, volontiers associé à une augmentation d'amplitude de l'onde R. L'onde de Pardee traduit une ischémie transmurale sévère de la paroi ventriculaire gauche et dure, en l'absence de recanalisation coronaire, de 12 à 24 heures. Le critère diagnostique minimal habituellement retenu est la présence, sur au moins deux dérivations contiguës, d'un sus-décalage d'au moins 1 mm dans les dérivations frontales ou d'au moins 2 mm dans les dérivations précordiales.
Ce sus-décalage de ST s'associe inconstamment à un sous-décalage en miroir dans les dérivations opposées, qui renforce sa valeur diagnostique, en raison de son absence dans d'autres diagnostics électrocardiographiques comme le syndrome de repolarisation précoce ou la péricardite.
L'étape suivante est celle de l'apparition de l'onde Q de nécrose dans les dérivations en regard de l'infarctus, apparaissant en moyenne 9 heures après le début des symptômes
, contemporaine du début de la régression du sus-décalage du segment ST et de l'inversion des ondes T. L'onde Q, ou QS en l'absence de toute positivité, est considérée comme significative lorsqu'elle dure au moins 0,04 seconde ou lorsque sa profondeur est égale au moins au tiers de l'amplitude de l'onde R. Parfois cependant, et particulièrement lorsqu'une recanalisation a été obtenue précocement, il n'y a pas à proprement parler d'onde Q, mais un simple rabotage des ondes R qui fait parler d'infarctus rudimentaire ou intramural.
En quelques heures ou quelques jours, le segment ST revient à la ligne isoélectrique et l'aspect électrocardiographique d'infarctus associe alors des ondes Q et des ondes T négatives. La persistance d'un sus-décalage de ST au-delà de quelques semaines doit faire craindre la constitution d'un anévrisme ventriculaire.
Au stade chronique, l'onde Q demeure à titre de " cicatrice ", en s'atténuant toutefois avec le temps, tandis que les ondes T peuvent se redresser ou se repositiver.
Infarctus sans onde Q
Dans les infarctus sans onde Q, ou infarctus sous-endocardiques, il n'y a pas de modification des complexes QRS mais simplement des troubles durables de la repolarisation, le plus souvent à type de sous-décalage de ST ou d'anomalie de l'onde T. Ainsi au cours d'un infarctus sous-endocardique antérieur, il existe un sous-décalage marqué, de plus de 2 mm, du segment ST dans les dérivations précordiales associé à des ondes T positives, pointues et symétriques (ischémie sous-endocardique) ou au contraire négatives, pointues et symétriques (ischémie sous-épicardique). Ces anomalies se prolongent des heures ou des jours, ce qui les différencie des anomalies transitoires contemporaines d'une simple douleur angineuse.
Dans l'infarctus transmural postérieur vrai, il n'y a pas d'onde Q, en l'absence d'extension basale, et le miroir de la nécrose se traduit par une augmentation de l'amplitude de l'onde R en V1 avec un rapport R/S supérieur à 1.
Cas particuliers
Dans le cas où existe une anomalie de l'activation du ventricule gauche (BBGC, entraînement électrosystolique permanent, syndrome de Wolff-Parkinson-White) aucune onde Q de nécrose n'apparaît, et le diagnostic n'est suspecté que sur des troubles évolutifs de la repolarisation qui sont d'autant plus facilement décelés qu'on dispose d'électrocardiogrammes antérieurs. En présence d'un BBGC, certains critères ont fait la preuve d'une bonne sécurité diagnostique
: sus-décalage de ST de 1 mm ou plus dans les dérivations où le QRS est positif, sous-décalage de 1 mm ou plus en V1 V2 et décalage de 5 mm ou plus en sens opposé à la polarité des complexes QRS.
En présence d'un infarctus ancien ou semi-récent, le diagnostic peut être très difficile, même si on dispose de tracés de référence :
- - une simple douleur angineuse et un aspect de sus-décalage persistant de ST en cas d'ectasie ventriculaire ancienne peut faire porter à tort le diagnostic de récidive in situ ;
- - un aspect d'infarctus " semi-récent " sur un tracé enregistré avec quelques heures de retard peut faire accepter à tort le diagnostic d'infarctus ancien.
Diagnostic topographique
La topographie de l'infarctus peut être déterminée par l'existence de signes directs, l'onde Q de nécrose, et quelquefois indirects dans certaines dérivations
(tableau I). Dans une certaine mesure, cette topographie électrocardiographique permet d'incriminer l'artère coronaire " coupable " ou l'une de ses branches à l'origine de l'infarctus.
Il repose sur le dosage des enzymes cardiaques classiques, le dosage de nouveaux marqueurs biochimiques et la mise en évidence de perturbations biologiques non spécifiques
(tableaux II, III).
Dans les formes cliniquement et électriquement typiques d'infarctus aigu, l'élévation des marqueurs biochimiques ne vient que confirmer le diagnostic, mais il ne saurait être question d'en attendre les résultats, même si on dispose d'un laboratoire performant, pour décider d'une thrombolyse ou d'une recanalisation angioplastique, si celle-ci est jugée nécessaire.
Ennzymes cardiaques classiques
Il s'agit de la transaminase glutamo-oxalo-acétique (SGOT) ou aspartate aminotransférase (ASAT), de la lactate déshydrogénase (LDH) et son dérivé
-hydroxybutyrique déshydrogénase (
-HBDH), et de la CPK totale. L'élévation des ASAT est sensible, mais très peu spécifique, également observée dans les pathologies hépatiques (avec la transaminase glutamique-pyruvique [SGPT] ou alanine aminotransférase [ALAT]), musculaires périphériques, l'embolie pulmonaire et parfois certaines péricardites. Au cours de l'infarctus, en dehors d'une recanalisation coronaire spontanée ou thérapeutique, leur taux augmente à partir de la sixième-douzième heure, culmine vers la dixième-quarante-huitième heure et se normalise en 3-4 jours. Son dosage, souvent réalisé par habitude, a perdu de son intérêt.
L'élévation de la LDH est plus retardée, à partir de la douzième-vingtquatrième heure, avec un pic vers le troisième-cinquième jour et une normalisation n'apparaissant que vers le huitième-quatorzième jour, ce qui offre un intérêt pour le diagnostic rétrospectif des malades vus tardivement. Elle est également sensible et sa faible spécificité est améliorée par le dosage d'une de ses cinq isoenzymes, la LDH 1, prédominant dans le coeur, les reins et les hématies, et celui de l'
-HBDH.
La CPK totale est une enzyme cytoplasmique dimérique, formée de l'association de deux sous-unités distinctes entre elles, une sous-unité M (muscle) et une sous-unité B (brain).
Son taux s'élève à partir de la sixième heure de l'infarctus, passe par un maximum vers la dixième-trente-sixième heure et revient à la normale vers le troisième-quatrième jour, sauf en cas d'infarctus étendu où la clairance de la CPK est diminuée. Ce marqueur est très sensible mais peu spécifique et s'élève par exemple dans les traumatismes musculaires (intramusculaires), les rhabdomyolyses, les myocardites et l'embolie pulmonaire.
Il existe trois isoenzymes distinctes de la CPK : MM, MB et BB qui ont des répartitions tissulaires différentes.
L'isoenzyme MB représente 5 à 25 % de la CPK présente dans le myocarde, mais elle existe également à l'état de traces dans de nombreux tissus, notamment l'utérus, le pancréas, l'intestin et la prostate. Néanmoins, son élévation est plus spécifique d'une lyse myocardique que la CPK totale. Certaines méthodes de dosage sont à déconseiller : l'électrophorèse qui exprime le résultat en pourcentage de CPK totale (normale inférieure à 5 %), peu compatible avec l'urgence et l'immuno-inhibition, rapide, mais de sensibilité et de spécificité médiocres. Il faut préférer la détermination de la CPK-MB massique par immunoenzymologie, fournissant des résultats en unité de masse,
g/L ou ng/mL (normale inférieure à 5 ou 7,5
g/L suivant les techniques). Elle s'élève à partir de la quatrième heure de l'infarctus, passe par un pic entre la dixième et la dix-huitième heure et se normalise à partir du troisième jour
.
Nouveaux marqueurs biochimiques
Isoformes de la CPK
Les isoformes de la CPK résultent de la dégradation de la forme tissulaire des isoenzymes après leur passage dans la circulation. Les formes tissulaires MM3 et MB2 sont dégradées dans le plasma sous l'action d'une carboxypeptidase sérique, respectivement en MM2 puis MM1 et en MB1. Les vitesses de conversion sont constantes et à l'état basal les taux de MM3 et de MB2 sont très faibles car rapidement dégradés. Mais en cas d'infarctus ou de lésion musculaire, la libération des CPK-MM3 et MB2 est importante, dépasse les capacités de dégradation et augmente ainsi les rapports MM3/MM1 et MB2/MB1. Ces isoformes MM3 et MB2 apparaissent très précocement dans le sérum (1 à 4 heures) et des rapports MM3/MM1 supérieur à 0,5 et MB2/MB1 supérieur à 1,5 ont une sensibilité supérieure à 90 %
mais une médiocre spécificité, entachée des mêmes faux positifs que la myoglobine ou les CPK. Des différentes techniques de dosage proposées, seule l'électrophorèse est accessible aux laboratoires standards, mais encore peu entrée dans la pratique courante.
Myoglobine
La myoglobine est une hémoprotéine de petite taille présente dans le myocarde mais également dans le muscle strié. Du fait de son faible poids moléculaire (17 800), c'est le premier constituant cellulaire à être libéré dans la circulation et le premier à disparaître en raison de la rapidité de son élimination rénale. C'est donc un marqueur hautement sensible et précoce de l'infarctus, détectable dans le sérum dès la deuxième-quatrième heure, avec un pic de concentration vers la huitième heure et une normalisation rapide vers la vingtième-vingt-quatrième heure. Non spécifique, il s'élève également dans les traumatismes musculaires et l'insuffisance rénale. En revanche, il a une bonne valeur prédictive négative : un taux inférieur à la limite de la normale (90
g/L) dans les 5 heures suivant une douleur thoracique est un fort argument contre le diagnostic d'infarctus
. Son dosage par immunonéphélémétrie ou immunoturbidimétrie est désormais rapide (15 minutes), fiable et peu onéreux, bien adapté au diagnostic en urgence.
Troponines
La troponine est un complexe protéique situé sur le filament fin de l'appareil contractile myofibrillaire du muscle strié, composé de trois sous-unités : la troponine C qui fixe le calcium ; la troponine I qui inhibe la contraction en l'absence de calcium ; la troponine T qui lie le complexe à la tropomyosine. Les troponines sont retrouvées dans tous les muscles, mais seules les isoformes T et I possèdent des isoformes cardiaques suffisamment spécifiques pour être dosées par méthode immunologique. En cas d'infarctus, leur apparition dans le sérum est assez retardée, après la sixième heure, et prolongée, car elle traduit la lyse de l'appareil myofibrillaire.
La troponine T a un taux inférieur à 0,5
g/L chez les sujets sains. Dans l'infarctus, elle s'élève vers la sixième-dixième heure, passe par un plateau de 2 à 5 jours et se normalise lentement en 7 à 20 jours. La troponine I n'est présente qu'à l'état de traces chez le sujet normal. Après infarctus, elle s'élève vers la quatrième heure, passe par un maximum autour des dixième-vingt-quatrième heures et se normalise en 6 à 8 jours
.
Leurs principaux intérêts résident dans leur cardiospécificité autorisant le diagnostic de nécrose myocardique dans toutes les circonstances où l'on peut craindre une lyse musculaire périphérique (période postopératoire, polytraumatisme, rhabdomyolyse, douleurs thoraciques du sportif), et leur normalisation retardée autorisant des diagnostics rétrospectifs. Leurs principaux inconvénients sont leur diffusion encore faible et la lenteur de leurs méthodes de dosage.
Cinétique des marqueurs biologiques
L'étude des courbes de dosages sériés de marqueurs biologiques comme la CPK totale, la CPK-MB ou la myoglobine dans le sérum ne permettent pas que le diagnostic positif d'infarctus aigu mais apportent également deux types d'informations :
- - la surface sous la courbe est grossièrement proportionnelle à la masse de myocarde nécrosé et permet donc d'évaluer l'étendue de l'infarctus ;
- - un pic précoce apparaissant dans les 12 premières heures, souvent très élevé et suivi d'une baisse rapide des concentrations, est un argument en faveur d'une reperfusion de l'artère coronaire, qu'elle soit spontanée ou liée à une recanalisation par thrombolyse ou angioplastie.
En pratique, il ne saurait être question de recourir au dosage de tous ces marqueurs biologiques dans tous les cas, mais au contraire de les sélectionner en fonction de la performance diagnostique recherchée
(tableau III). En routine, la CPK totale (ou mieux, la CPK-MB massique) peut suffire pour le diagnostic et la surveillance de l'infarctus, grâce en particulier aux dosages sériés. Pour un patient vu dans les quatre premières heures après le début de la douleur, le dosage de la myoglobine est le plus performant. En revanche, la troponine I ou T, ou à défaut la LDH 1, est la plus adaptée au diagnostic de l'infarctus lorsqu'il est vu tardivement. Enfin, dans toutes les circonstances où peut exister une lyse musculaire périphérique, il faut recourir à une troponine ou, à défaut, à la CPK-MB massique.
Signes biologiques non spécifiques
Certaines anomalies biologiques sont régulièrement observées au stade aigu de l'infarctus du myocarde mais leur absence de spécificité les prive de toute valeur diagnostique.
On observe presque constamment une hyperleucocytose à polynucléaires modérée (12 000 à 15 000 globules blancs/mm3) et un syndrome inflammatoire non spécifique associant élévation de la vitesse de sédimentation, de la protéine C réactive (CRP) et du taux de fibrinogène.
L'analyse des gaz du sang artériel n'est utile que si l'on suspecte une IVG marquée par une hypoxie et une hypocapnie.
L'échocardiographie est devenue un examen aisément et rapidement réalisable au lit du malade en milieu hospitalier, en unité de soins intensifs, mais également au cabinet du cardiologue. Ces dernières années, la pratique précoce de cette technique chez les patients arrivant en urgence à l'hôpital a fait la preuve de son intérêt pour la confirmation du diagnostic d'infarctus, particulièrement lorsque l'électrocardiogramme est litigieux, et pour le choix rapide d'un traitement de revascularisation, thrombolyse ou angioplastie primaire
. Elle permet de mettre en évidence des anomalies segmentaires et précoces de la cinétique et de l'épaississement des parois du ventricule gauche, comme une akinésie, une dyskinésie, un défaut d'épaississement des zones atteintes et une hyperkinésie compensatrice des zones saines. En combinant les différentes incidences, parasternales petit axe et grand axe, apicales quatre et deux cavités ou à défaut sous-costales, on pourra reconnaître ainsi :
- - dans les infarctus antéroseptaux, un trouble cinétique de la pointe du septum et de la paroi antérieure ;
- - dans les infarctus inférieurs et latéraux, un trouble cinétique des parois inférieure, diaphragmatique et/ou basale et latérale ;
- - dans les infarctus biventriculaires, un trouble cinétique de la paroi inférieure et une dilatation du ventricule droit.
L'échocardiographie est également très utile pour exclure d'autres diagnostics comme une péricardite liquidienne, une dissection de l'aorte thoracique ascendante proximale et un coeur pulmonaire aigu.
Elle permet également de déceler certaines complications, notamment mécaniques comme une insuffisance mitrale par dysfonction de pilier, une insuffisance tricuspidienne, une rupture septale, une prérupture de la paroi libre du ventricule gauche, un anévrisme ventriculaire de développement précoce ou un thrombus intraventriculaire gauche.
Néanmoins, cette technique se heurte à des limites. Elle dépend de l' " échogénicité " du patient et suppose une bonne expérience de l'examinateur. En outre, les informations fournies peuvent être d'interprétation litigieuse en cas d'infarctus ancien, de troubles cinétiques segmentaires contemporains d'une ischémie sans infarctus
, de zones mal analysées comme la paroi antérolatérale, ou encore d'anomalies cinétiques engendrées par un bloc de branche gauche ou un stimulateur cardiaque.
Autres examens complémentaires d'urgence
Ils n'offrent pas d'intérêt pour le diagnostic positif d'infarctus mais sont utiles pour rechercher certaines complications et écarter d'autres diagnostics.
La mesure percutanée de la saturation oxygénée (SaO2) au doigt est réalisée couramment et permet bien souvent d'éviter la ponction artérielle des gaz du sang. Une IVG se traduit par une SaO2 à moins de 95 % en air ambiant, baisse d'autant plus profonde que l'IVG est sévère.
Le cliché thoracique de face est systématique dès l'admission à la recherche d'un oedème pulmonaire péribroncho-vasculaire ou alvéolaire et d'une cardiomégalie. Il contribue également à éliminer d'autres diagnostics de syndrome douloureux thoracique comme un pneumothorax, un infarctus pulmonaire, un élargissement médiastinal en faveur d'une dissection.
L'étude hémodynamique par cathétérisme droit, très en vogue dans les années 1970 et 1980, n'est plus justifiée sauf pour confirmer certaines formes compliquées et surtout suivre leur évolution : collapsus hypovolémique, insuffisance cardiaque grave, choc cardiogénique, infarctus du ventricule droit, complications mécaniques.
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Sauf exception, elles ne sont pas réalisées en urgence.
Elles sont très utilisées pour le diagnostic tardif ou litigieux de l'infarctus, pour l'évaluation de son étendue et de la viabilité myocardique. Elles font appel à deux types de traceurs ; d'une part les marqueurs myocardiques comme le thallium 201, le 99m Tc Sesta-MIBI (méthoxy-isobutyl-isonitrile), le pyrophosphate de technétium et les anticorps antimyosine marqués ; d'autre part, les marqueurs intravasculaires donnant des informations sur les cavités cardiaques.
Tomoscintigraphies myocardiques au thallium 201 et au 99mSesta-MIBI
Le thallium 201 est un analogue structural du potassium dont la fixation myocardique dépend de la perméabilité coronaire et de la pénétration cellulaire active par la Na-K adénosine triphosphatase (ATPase) membranaire. C'est donc un marqueur " froid " qui visualise sous forme d'une hypofixation l'ischémie myocardique, qu'elle soit transitoire ou définitive. Au cours de l'infarctus, le défaut de fixation apparaît très précocement et dès la sixième heure, la sensibilité de l'examen est excellente. L'hypofixation est définitive dans les zones de nécrose constituée, mais réversible dans les zones simplement ischémiques, et la mise en évidence de cette redistribution à la scintigraphie tardive (quatrième-sixième heure) complétée par une réinjection de traceur, est un argument en faveur de la viabilité de la zone hypofixiante. Le 99mSesta-MIBI est un isonitrile qui a l'avantage d'autoriser sans risque pour le patient l'injection de fortes doses de traceur (améliorant ainsi les images) et de rester durablement dans la cellule sans phénomène de redistribution. En cas d'infarctus aigu, le patient peut recevoir, dès son arrivée, une injection de traceur, puis bénéficier d'explorations et éventuellement d'une angioplastie. La scintigraphie, reflet de l'ischémie initiale, peut être réalisée jusqu'à 4 heures après.
Scintigraphie au pyrophosphate de technétium
Le pyrophosphate de technétium est un marqueur " chaud " qui se fixe sur les dépôts calciques qui s'accumulent dans les cellules myocardiques nécrosées. La scintigraphie ne devient positive que 10 à 12 heures après le début de l'infarctus, son maximum de fixation s'observe entre 24 et 72 heures, et elle se négative, en l'absence de récidive, en 8 à 15 jours. Sa fiabilité est obérée par de nombreux faux positifs et par une fixation sur les structures osseuses avoisinantes, de sorte qu'elle n'est plus guère pratiquée.
Scintigraphie aux anticorps antimyosine marqués
Elle utilise des anticorps monoclonaux murins marqués à l'indium 111 qui se fixent sur les protéines contractiles laissées à nu après destruction des membranes cellulaires. Après infarctus aigu, la fixation intervient à la vingt-quatrième-quarante-huitième heure, dure jusqu'à 3 semaines, et procure des images de meilleure qualité que le pyrophosphate de technétium, avec moins de faux positifs. Néanmoins, ces anticorps sont allergisants, leur élimination est lente, la demi-vie de l'indium 111 est longue (67 heures), et ils sont peu disponibles, ce qui exclut en pratique leur utilisation en urgence.
Angiographie isotopique au technétium
Cette " gamma-ciné-angiocardiographie " utilise l'albumine ou les hématies du malade marquées au 99mTc et permet la visualisation des cavités cardiaques et en particulier l'analyse de la cinétique segmentaire et globale du ventricule gauche, ainsi que la détermination d'indices de relaxation diastolique. Elle peut mettre en évidence une zone akinétique, préciser son étendue et calculer les fractions d'éjection globale et régionale mais ne peut faire la distinction entre infarctus récent et ancien.
Tomographie par émission de positons
Cette technique non invasive fournit des informations qualitatives et quantitatives sur le flux sanguin myocardique et le métabolisme cardiaque. Les isotopes émetteurs de positons utilisés (fluor 18, carbone 11, azote 13, oxygène 15) sont intégrés parmi les atomes constitutifs de la matière vivante sans en modifier l'activité biochimique. Ainsi, les zones nécrosées ne captent plus les acides gras marqués au carbone 11, tandis que les zones ischémiques mais viables fixent le 18fluoro-désoxy-glucose
. Mais la rareté et le coût des installations, la nécessité de la proximité d'un cyclotron pour produire extemporanément les isotopes utilisés limitent pour le moment l'intérêt pratique de cette technique pourtant prometteuse.
L'IRM nucléaire est une technique non invasive, ne faisant pas appel aux radiations ionisantes mais utilisant les propriétés physiques des noyaux d'hydrogène, qui, soumis à un champ magnétique, sont excités, c'est-à-dire mis en résonance, puis qui retournent à leur état d'équilibre après un délai évalué par deux constantes de temps : T1, temps de relaxation longitudinale et T2, temps de relaxation transversale. L'IRM cardiaque, synchronisée à l'électrocardiogramme, fournit des informations anatomiques, tissulaires et dynamiques de cinétique pariétale et d'analyse de flux.
Au stade subaigu de l'infarctus, entre 2 jours et 3 semaines, l'oedème et les suffusions hémorragiques de la zone nécrosée provoquent un allongement de T1 et de T2. Une surbrillance sur les images pondérées en T2 (écho de spin) permet une quantification de taille de l'infarctus
. En technique ciné, des plages de signal intracavitaire correspondant au ralentissement circulatoire, sont visualisées au contact des zones akinétiques. L'injection de gadolinium-DOTA pourrait améliorer la délimitation de la zone nécrosée sur les images pondérées en T1. Au stade chronique, la ciné-IRM peut mettre en évidence les segments akinétiques et amincis, et en apprécier l'étendue.
Cette technique est assez longue et coûteuse. Elle exclut les patients claustrophobes et nécessite de leur part une étroite coopération difficilement envisageable au stade aigu de l'infarctus. Néanmoins, elle offre des perspectives intéressantes aux stades subaigu et chronique.
L'angiocoronarographie a vu, au fil des années, ses indications devenir de plus en plus larges et précoces dans les suites d'un infarctus du myocarde aigu. Elle est réalisée en fait dans plusieurs contextes très différents :
- - très précocement, souvent dans les 12 premières heures, que le patient ait bénéficié ou non d'un traitement thrombolytique intraveineux, pour s'assurer de la perméabilité de l'artère présumée coupable, et éventuellement constituer le prélude à un geste thérapeutique : la recanalisation coronaire par angioplastie ;
- - exceptionnellement, à titre diagnostique, en présence d'une douleur thoracique suspecte mais sans anomalie électrique ou biologique convaincante, par crainte de méconnaître un infarctus atypique ;
- - les premiers jours en cas de récidive ischémique ou de complication ;
- - à titre d'inventaire lésionnel après un infarctus constitué, habituellement au cinquième-dixième jour.
Dans tous les cas, elle permet d'établir un bilan anatomique des lésions coronaires et leur retentissement ventriculaire gauche. C'est un examen " invasif " mais devenu rapide, bien toléré et sûr avec l'amélioration des matériels (cathéters à bout mousse de petit calibre 5F ou même 4F ; produits de contraste peu hyperosmolaires) et l'expérience des opérateurs. En outre, les progrès de l'imagerie et des logiciels informatiques permettent d'obtenir des documents d'une grande qualité et des données chiffrées, avec, en particulier, la quantification automatique des sténoses coronaires ainsi que l'évaluation des volumes, de la cinétique segmentaire et globale du ventricule gauche.
En cas d'infarctus récent, l'artère coronaire coupable peut être soit occluse, soit reperméabilisée après lyse du thrombus primitivement occlusif. Depuis l'étude TIMI (thrombolysis in myocardial infarction)
, l'habitude a été prise d'évaluer la perméabilité artérielle en quatre grades :
- - TIMI 0 : occlusion complète sans passage de produit de contraste ;
- - TIMI 1 : le produit de contraste franchit le site d'occlusion mais sans opacifier le lit d'aval de l'artère ;
- - TIMI 2 : le produit de contraste franchit le site de thrombose mais opacifie le lit d'aval avec retard ;
- - TIMI 3 : le produit de contraste opacifie toute l'artère sans retard.
Si l'artère est reperméabilisée, il n'est pas rare d'y voir des lacunes d'opacification intravasculaires évoquant des microcaillots. En présence d'une circulation collatérale, le lit d'aval d'une artère occluse peut être opacifié avec retard sous forme d'un réseau souvent grêle car hypoperfusé. La coronarographie permet également de préciser l'état du reste du réseau coronaire : calcifications vasculaires, sténoses et occlusions coronaires anciennes dans d'autres territoires, etc. La ventriculographie gauche, presque systématiquement réalisée, précise le trouble cinétique (akinésie, hypokinésie ou dyskinésie), son étendue, les volumes ventriculaires, la cinétique globale par le calcul de la fraction d'éjection et l'existence d'une insuffisance mitrale. Néanmoins, le trouble cinétique ventriculaire n'exclut pas la persistance d'une viabilité myocardique : on sait que le phénomène de sidération répond à une dysfonction ventriculaire prolongée mais réversible après une ischémie de durée limitée à condition d'un rétablissement du flux coronaire dans l'artère coupable
; quant au phénomène d'hibernation, il s'agit d'une hypokinésie chronique résultant d'une réduction permanente et prolongée de la perfusion par persistance de l'occlusion coronaire.
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Le tableau clinique peut faire discuter d'autres diagnostics que l'infarctus du myocarde.
La péricardite aiguë peut provoquer une douleur thoracique comparable à celle de l'infarctus mais elle est en général augmentée par l'inspiration profonde et calmée par certaines positions comme la position penchée en avant. En outre, le contexte est souvent différent : adulte jeune, d'emblée fébrile, antécédent récent d'épisode infectieux rhinopharyné banal. Un frottement péricardique perçu à ce stade est un argument très fort en faveur de ce diagnostic. Un sus-décalage de ST peut être observé, mais toujours inférieur à 5 mm, concordant dans toutes les dérivations, sans image en miroir, concave vers le haut et sans apparition d'ondes Q. À l'échocardiogramme, on peut observer un décollement péricardique.
La dissection aortique est classiquement responsable d'une douleur migratrice atteignant le dos puis les lombes. L'examen recherche une manifestation ischémique périphérique, l'abolition d'un pouls, une asymétrie tensionnelle, un souffle ou un thrill sur les trajets vasculaires et un souffle diastolique d'insuffisance aortique. L'électrocardiogramme est normal, sauf si la dissection est étendue aux ostia coronaires. L'échocardiogramme transthoracique et surtout transoesophagien permet presque constamment de visualiser le voile intimomédial de la dissection séparant le vrai du faux chenal.
Une embolie pulmonaire donne plus volontiers une douleur basithoracique latéralisée, vive, en " coup de poignard " ; elle s'accompagne d'une polypnée, d'une tachycardie, voire d'une hémoptysie, et environ une fois sur deux d'une thrombophlébite patente d'un membre inférieur. L'électrocardiogramme retrouve inconstamment des signes de coeur pulmonaire aigu, avec, à l'échocardiographie, une dilatation du ventricule droit.
Les autres causes de douleurs thoraciques (pneumonie, pneumothorax) et les urgences abdominales peuvent être facilement écartées par un électrocardiogramme ne montrant pas de signe d'infarctus récent.
Les douleurs pariétales chondrocostales, reproduites par la palpation, sont en règle facilement reconnues.
En présence de signes électriques typiques et évolutifs (onde de Pardee, apparition d'onde Q, négativation des ondes T), le diagnostic ne souffre pas de discussion. Mais parfois, les signes sont plus discrets ou incomplets et le diagnostic est d'autant plus difficile que le tracé est enregistré avec retard ou qu'il n'existe pas d'électrocardiogramme de référence. Dans ces cas, l'aspect électrocardiographique peut faire discuter d'autres pathologies.
Un sus-décalage de ST peut être observé dans les péricardites mais également dans le syndrome de repolarisation précoce. Celui-ci peut parfois prêter à confusion avec son aspect de " ST suspendu " concave vers le haut, un peu variable, prédominant dans les dérivations précordiales gauches avec la surélévation crochetée de son point J. L'angor de Prinzmetal, avec son onde de Pardee en cours de douleur angineuse spontanée, simule en tout point un infarctus aigu, à la réserve que le tracé se normalise en quelques minutes, spontanément ou après trinitrine sublinguale, sans apparition d'onde Q. Dans ce cas, le seul risque serait l'institution inappropriée d'un traitement thrombolytique, car il s'agit d'un angor instable nécessitant de toute façon une prise en charge cardiologique urgente.
Une onde Q peut être observée dans les cardiomyopathies hypertrophiques, obstructives ou non, notamment dans les dérivations antérolatérales. Habituellement plus fine, elle s'accompagne volontiers de troubles de la repolarisation secondaires à l'hypertrophie ventriculaire gauche, fixes et n'ayant pas le caractère évolutif des anomalies de la repolarisation observées dans l'infarctus. Un hémibloc antérieur gauche avec axe de QRS très gauche peut rendre compte d'une absence d'onde R, voire d'un aspect qrS en antéroseptal. Enfin, un examen soigneux de l'intervalle PR permet d'éviter le piège grossier de prendre pour une onde Q l'onde
de préexcitation d'un syndrome de Wolff-Parkinson-White.
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Le diagnostic de l'infarctus du myocarde aigu peut donc être étayé par de nombreuses explorations complémentaires, qui ont toutes leur utilité en fonction des circonstances. Mais en urgence, la course contre la montre imposée par la nécessité d'une reperfusion myocardique la plus précoce possible justifie le recours à des critères diagnostiques simples et rapides. C'est finalement sur les caractères de la douleur thoracique et sur l'électrocardiogramme que l'équipe médicale devra prendre la responsabilité soit d'instituer un traitement thrombolytique intraveineux sur place, soit de diriger d'emblée le patient sur un centre de cardiologie interventionnelle en vue d'une angioplastie primaire.
En dehors de l'urgence, les arguments cliniques simples conservent toute leur valeur, bien qu'il soit alors possible de recourir à des explorations plus sophistiquées.