Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques extracrâniens







Christophe Saliou: Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris
Service de chirurgie cardiovasculaire, unité de chirurgie vasculaire, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris France
Jérôme Cron: Interne des hôpitaux de Paris
Jean-Noël Fabiani: Professeur des Universités, chirurgien des hôpitaux de Paris
11-640-A-10 (1998)



Résumé

La maladie athéromateuse des troncs supra-aortiques est une pathologie fréquente, en perpétuel changement. Elle concerne un nombre important de malades, et reste l'une des principales causes de mortalité dans les pays dits développés. Les faits nouveaux, dans cette pathologie, concernent les explorations préopératoires non invasives, et l'avènement de l'écho-doppler. L'autre bouleversement concerne bien sûr la thérapeutique et les discussions sur les angioplasties carotidiennes. Cette technique devra faire ses preuves avant de supplanter l'endartériectomie carotidienne dont l'efficacité vient d'être validée par de vastes études multicentriques. La pathologie vertébrale reste d'approche plus difficile pour le chirurgien. La symptomatologie est moins évidente que celle engendrée par les carotides. Les explorations fonctionnelles doivent s'efforcer d'écarter une pathologie oto-rhino-laryngologique (ORL) associée. Les indications thérapeutiques des lésions athéromateuses de l'artère vertébrale sont moins bien codifiées qu'en chirurgie carotidienne, et les résultats ne sont pas toujours probants.

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Plan

Introduction
Pathologie carotidienne
Pathologie vertébrale

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La pathologie des troncs supra-aortiques représente un chapitre important de la maladie athéromateuse. C'est un domaine en perpétuel changement, sujet de discussions passionnées entre médecins, radiologues et chirurgiens. Nous limiterons notre exposé à la pathologie arthéroscléreuse carotidienne puis vertébrale.
Il y a 500 000 accidents vasculaires cérébraux nouveaux par an aux États-Unis, responsables de 200 000 morts. Environ 60 % de ces accidents sont dus à une pathologie carotidienne obstructive.
Les faits nouveaux, dans cette pathologie, concernent les explorations fonctionnelles où l'écho-doppler est désormais incontournable. Les nouvelles explorations des artères cérébrales (angio-IRM [imagerie par résonance magnétique], scanner hélicoïdal) devront faire preuve de leur précision diagnostique, avant de remplacer définitivement l'artériographie. Mais c'est dans le domaine de la thérapeutique que la " révolution " est peut-être à venir, à condition qu'elle " s'opère " dans le respect d'indications logiques, en dehors de toute considération mercantile. En effet, certains voient, dans l'angioplastie percutanée des sténoses carotidiennes, la fin d'une chirurgie dont la reconnaissance et l'efficacité venaient enfin d'être validées. Nous y consacrerons une large place, en essayant de démontrer objectivement que la chirurgie carotidienne, au sein d'équipes entraînées, a encore de beaux jours, et que ces nouvelles techniques devront s'aligner sur les résultats que ces m m circ; es " promoteurs " étaient ravis d'imposer aux chirurgiens...
La pathologie vertébrale sera ensuite abordée dans sa globalité, en écartant la pathologie de l'artère sous-clavière. Contrairement à la pathologie carotidienne, les indications thérapeutiques sont loin de faire l'unanimité, au sein des équipes chirurgicales.

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Lésions carotidiennes

Plaque athéromateuse
Les lésions athéroscléreuses siègent principalement au niveau de la bifurcation carotidienne et, en règle, sur les 2 premiers centimètres de la carotide interne (fig 1). Les stries lipidiques, qui soulèvent l'intima, évoluent vers la plaque fibreuse. Cette plaque va subir des modifications : hémorragies intraplaques, accroissement, fragmentation, fracture complète, ulcération. Elle est le point d'appel de la thrombose, dont elle est indissociable. Depuis les travaux de Von Rokitansky en 1840, il est admis que les thrombi pariétaux peuvent être incorporés à la paroi artérielle et transformés en une plaque fibreuse cicatricielle. Il est difficile de savoir si c'est l'ulcération ou l'hémorragie qui apparaît en premier. Les lésions athéromateuses carotidiennes évoluent donc en plusieurs stades, allant de la plaque lisse à l'ulcération, avec infiltration hématique de la sous-plaque, exposant aux embolies cérébrales. Ces ulcérations correspondent aux plaques " échographiquement " hétérogènes. Leur cicatrisation est parfois obtenue en donnant un aspect macroscopique organisé et fibreux au séquestre athéromateux. Le thrombus peut se développer sur une plaque ulcérée réalisant une préthrombose avant l'occlusion carotidienne aiguë. La préthrombose est parfois responsable de l'absence d'opacification de la carotide interne distale, sans pour autant que celle-ci soit occluse à l'examen écho-doppler.


Mécanisme hémodynamique
C'est la diminution du débit sanguin cérébral : une réduction de plus de 60 % du diamètre équivaut à une réduction de 85 % de la surface de section de la lumière artérielle. La diminution de la pression de perfusion, en aval d'une sténose, s'accompagne d'une vasodilatation locorégionale : c'est l'adaptation hémodynamique. Chez ces malades, la résistance vasculaire intracrânienne est relativement constante, et la chute de pression en aval de la sténose entraîne une diminution comparable du débit. La zone de compression la plus classique de la carotide interne, se situe au niveau de l'atlas. L'apophyse de C1 peut en effet comprimer la carotide interne, notamment en cas de rotation controlatérale excessive du cou, surtout si on lui associe une hyperextension, en cas de chirurgie de l'artère vertébrale par exemple.

Ischémie cérébrale
L'activité tissulaire du cerveau dépend d'une production constante d'énergie, qui provient de l'oxydation d'un substrat unique, le glucose. L'oxydation de celui-ci aboutit à la fabrication permanente d'adénosine triphosphate (ATP). Cette oxydation est sous la dépendance d'un apport continu de glucose, et d'oxygène, par voie sanguine. Le débit sanguin cérébral est de l'ordre de 750 mL/min. Les cellules d'un cerveau sain, perfusé correctement, n'extraient que 40 % de l'oxygène des capillaires. Les besoins métaboliques cérébraux sont assurés par un débit d'environ 50 mL/100 g de tissu cérébral/min. Entre 60 et 160 mmHg, ce débit reste constant. En cas de diminution, le taux d'extraction d'oxygène augmente. C'est l'adaptation dite " métabolique ". Le seuil d'altération fonctionnelle est de 16 mL/100 g de tissu cérébral/min chez l'homme. Au-dessus de 20-25 mL/100 g/min, aucun trouble ne se manifeste. Les modifications du métabolisme neuronal consistent en une augmentation du taux de lactates, baisse des concentrations d'ATP, avec altération des enzymes intraneuronales et des échanges ioniques. La réduction du flux sanguin entraîne des lésions progressives et successives auxquelles correspondent des lésions anatomiques. La partie centrale est la zone de nécrose ischémique, entourée d'une première zone d'ischémie fonctionnelle, dite zone de pénombre, puis d'une troisième de " réduction non critique " de l'apport sanguin. C'est dans ces zones périphériques que le rétablissement trop rapide du flux sanguin peut entraîner une hyperhémie, dite " perfusion de luxe ", aggravant la réaction oedémateuse qui est constante dans le territoire ischémique. C'est elle qui provoque secondairement la rupture de la barrière hématoméningée.
L'ischémie altère donc la perméabilité de la membrane hématoencéphalique et l'autorégulation vasomotrice cérébrale. Ces conséquences expliquent les accidents potentiellement graves des revascularisations encéphaliques en urgence. L'augmentation de la perméabilité de cette membrane est responsable d'un oedème vasogénique augmenté par la pression intra-artérielle restaurée.
Les conséquences de l'ischémie cérébrale dépendent de multiples facteurs, et notamment du mode d'installation, de l'état antérieur du cerveau, et des suppléances extra- et surtout intracrâniennes.

Conséquences pratiques
Selon le niveau de l'interruption artérielle, la collatéralité peut suppléer ou non la vascularisation dans les territoires concernés. En cas d'occlusion carotide primitive, des collatéralités extracrâniennes sont mises en jeu : celle reliant la carotide externe et l'interne, d'abord rétrograde, puis ensuite des anastomoses dans la masse du rocher, dans le sinus caverneux, ou intracrâniennes. En cas d'occlusion de la carotide interne, seules des collatérales directes peuvent intervenir, et principalement celles développées à partir du polygone de Willis.

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la troisième cause de mortalité en France. L'athérosclérose des artères à destinée cérébrale est la première cause d'accidents ischémiques transitoires ou constitués.
La sémiologie des accidents ischémiques carotidiens est très variée. Elle dépend de la taille, de la localisation de l'infarctus et du degré de fonctionnement des suppléances artérielles. Les troubles neurologiques peuvent ainsi être transitoires, permanents, ou n'avoir aucune expression clinique, même lors d'une occlusion carotidienne.

Accidents ischémiques transitoire (AIT)
La perturbation du métabolisme des neurones est réversible. Ce sont des déficits neurologiques ou rétiniens focaux de nature ischémique, de survenue brutale, totalement régressifs en moins de 24 heures. En fait, le tableau clinique d'un AIT carotidien est caractérisé par un déficit focal qui est le plus souvent de courte durée (2 à 30 minutes, en moyenne) avec un examen neurologique normal. Le diagnostic repose donc le plus souvent sur l'interrogatoire.
Les AIT représentent entre 12 et 15 % de l'ensemble des AVC. L'étiologie des AIT est thromboembolique beaucoup plus souvent qu'hémodynamique : l'occlusion artérielle transitoire est le plus souvent due à un embole fibrinoplaquettaire friable qui se délite rapidement, ce qui permet le rétablissement rapide de la circulation sanguine cérébrale.
L'histoire naturelle des AIT est caractérisée par une surmortalité, et par un risque accru d'infarctus cérébral et d'infarctus du myocarde. Leur dépistage est donc capital afin de mettre en route un traitement préventif efficace.
Les symptômes d'AIT carotidiens sont au nombre de quatre. Les différents tableaux cliniques peuvent survenir isolément ou se combiner entre eux.

Cécité monoculaire transitoire (CMT)
Encore appelée " amaurose fugace ", la CMT traduit une ischémie dans le territoire de l'artère ophtalmique (rétine ou tête du nerf optique) et indique donc une perturbation dans le territoire carotidien homolatéral, secondaire le plus souvent à une sténose ou à une occlusion carotidienne. Elle consiste en une baisse brutale, indolore et monoculaire de l'acuité visuelle, partielle ou complète, souvent décrite comme un flou visuel, un rideau qui s'abaisse puis se relève, une amputation altitudinale du champ visuel ou un diaphragme qui se ferme puis s'ouvre par cadrans successifs. Il s'y surajoute parfois des phénomènes positifs (sensations colorées, photopsies). La CMT est souvent négligée car elle est indolore et brève (le plus souvent moins de 5 minutes). On ne peut parler de CMT certaine que si le malade a pensé à fermer un oeil puis l'autre pour vérifier que l'un était normal et l'autre aveugle, permettant ainsi d'éliminer une hémianopsie latérale homonyme. Il existe une forte corrélation entre les CMT et les lésions carotidiennes homolatérales, surtout si un souffle cervical homolatéral ou une hémiparésie controlatérale s'y associent.

Hémiparésie transitoire
Elle est fréquente, caractérisée par une intensité et une étendue variables, allant de la simple faiblesse d'une main ou d'une déviation du visage, jusqu'à la paralysie complète de l'hémicorps. L'association de la faiblesse d'une main avec une asymétrie du visage est particulièrement évocatrice d'une ischémie dans le territoire carotidien.

Troubles sensitifs unilatéraux
Ils sont fréquents et variables dans leur distribution et leur qualité. Ils se manifestent par des fourmillements, des picotements, un engourdissement de tout ou d'une partie d'un hémicorps. L'atteinte de la main est la plus fréquente, isolée ou associée à celle de la face. Quelquefois elle peut se limiter à la commissure labiale, à la main ou au pied. L'atteinte de tout l'hémicorps est possible, mais elle oriente davantage vers une ischémie thalamique, c'est-à-dire vertébrobasilaire.

Troubles du langage
Ils témoignent de l'atteinte de l'hémisphère dominant et peuvent prendre tous les types : trouble dysarthrique, suspension totale du langage, simple manque du mot, jargonophasie, troubles de la compréhension, aphasie complète. Ils peuvent s'accompagner de troubles de l'écriture, de la lecture et du calcul. La présence d'un élément de jargonophasie et l'association à un déficit brachiofacial sont très évocateurs d'une origine carotidienne.

Accidents ischémiques constitués

Infarctus du territoire superficiel de l'artère cérébrale moyenne
Il correspond au territoire irrigué soit par la portion distale de l'artère cérébrale moyenne, soit par une de ses branches, réalisant alors un tableau partiel.
Les troubles sensitivomoteurs et visuels sont controlatéraux à l'infarctus :

- hémiplégie à prédominance brachiofaciale par atteinte de la frontale ascendante ;
- hémihypoesthésie superficielle et profonde par atteinte de la pariétale ascendante ;
- hémianopsie latérale homonyme ou quadranopsie, quand la branche postérieure de la sylvienne est atteinte.
Les troubles neuropsychologiques associés dépendent du côté atteint :
- en cas d'atteinte de l'hémisphère dominant (gauche en général) :
- aphasie de Broca dans les atteintes du territoire sylvien antérieur : aphasie non fluente avec dysarthrie, constituée d'une désintégration phonétique du langage et de troubles modérés de la compréhension ;
- aphasie de Wernicke dans les atteintes du territoire sylvien postérieur : aphasie fluente sans dysarthrie, avec jargon et néologismes. Les troubles de la compréhension sont le plus souvent sévères ;
- apraxie idéomotrice : perturbation du geste effectué sur commande ou imitation ;
- syndrome de Gerstmann en cas d'atteinte pariétale postérieure, associant : agnosie digitale, indistinction droite/gauche, acalculie, agraphie :


- en cas d'atteinte de l'hémisphère non dominant (droit en général) :
- syndrome d'Anton-Babinski : anosognosie (négation de l'hémiplégie), hémiasomatognosie (absence de reconnaissance de l'hémicorps malade), anosodiaphorie (indifférence à l'égard du trouble), héminégligence motrice, négligence de l'hémiespace controlatéral à la lésion, parfois syndrome confusionnel.
Infarctus du territoire profond de l'artère cérébrale moyenne
Il correspond au territoire irrigué par les branches perforantes de la sylvienne (capsule interne, noyau caudé et lenticulaire). Les signes cliniques sont les suivants :
- hémiplégie totale massive et proportionnelle controlatérale ;
- troubles sensitifs généralement absents, parfois présents lors de l'atteinte des fibres sensitives dans la capsule interne ;
- pas d'hémianopsie latérale homonyme ;
- parfois aphasie sous-corticale par atteinte de l'hémisphère dominant : troubles de l'expression avec paraphasies extravagantes et réduction du volume de la voix.


Infarctus du territoire de l'artère cérébrale antérieure
L'infarctus du territoire cérébral antérieur est rare. Il est le plus souvent associé à un infarctus sylvien.
Les signes cliniques sont les suivants :

- hémiparésie prédominant ou touchant exclusivement le membre inférieur (monoplégie crurale) ;
- syndrome frontal : apathie, indifférence, euphorie, troubles de l'attention, grasping, persévérations, comportement de préhension, troubles du comportement sphinctérien ;
- mutisme initial fréquent puis aphasie transcorticale motrice en cas d'atteinte de l'hémisphère dominant avec réduction du langage spontané et trouble de l'évocation ;
- état confusionnel et héminégligence motrice en cas d'atteinte de l'hémisphère non dominant ;
- en cas d'atteinte bilatérale (10 % des cas) : mutisme akinétique, incontinence urinaire, hémiparésie bilatérale et grasping bilatéral.


Infarctus du territoire de l'artère choroïdienne antérieure
Les troubles neurologiques sont en général sévères :

- hémiplégie massive et proportionnelle par atteinte du bras postérieur de la capsule interne ;
- hémihypoesthésie à tous les modes par atteinte des radiations thalamiques ;
- hémianopsie latérale homonyme par atteinte des radiations optiques.


Infarctus jonctionnels
Ils surviennent à la limite de deux territoires artériels, soit entre deux territoires superficiels (infarctus " des derniers prés "), soit entre un territoire superficiel et un profond :

- infarctus jonctionnel superficiel antérieur : si la lésion est située dans la substance blanche, les signes cliniques sont ceux d'un infarctus de l'artère cérébrale antérieure (hémiparésie crurale), si la lésion est corticale l'hémiparésie est brachiale proximale ;
- infarctus jonctionnel superficiel postérieur : les signes cliniques sont ceux de l'infarctus superficiel postérieur de l'artère cérébrale moyenne, avec aphasie transcorticale sensorielle plus fréquente ;
- infarctus jonctionnel sous-cortical : hémiparésie à prédominance brachiofaciale avec hémihypoesthésie de même distribution.


L'écho-doppler des troncs supra-aortiques et le scanner sont les examens à demander de première intention. L'artériographie reste encore indispensable pour la plupart des équipes, même si des séries chirurgicales sont de plus en plus souvent publiées, ne comportant qu'un écho-doppler préopératoire.

Échodoppler
L'uniformisation des critères d'appréciation des sténoses carotidiennes, par écho-doppler, est primordiale pour affirmer le degré de sténose, et pour accentuer la fiabilité de cet examen dont il est classique de dire qu'il est opérateur dépendant. Mais est-il une spécialité médicale (ou chirurgicale) qui ne soit pas soumise à cette " dépendance " ?
Les limites techniques du doppler continu telles l'absence ou la médiocrité de la fenêtre temporale, le petit calibre, la faible longueur et la proximité des vaisseaux n'existent plus grâce à l'écho-doppler couleur [ 10 ]. Celui-ci permet un repérage visuel de la cérébrale moyenne et de la cérébrale postérieure par exemple, qui pouvaient être confondues par un repérage aveugle.
Dans l'étude européenne, le degré de sténose se réfère au sinus carotidien et dans l'étude américaine, la référence est le diamètre de la carotide interne poststénosée. Une sténose de 50 % en diamètre correspond à une réduction de 75 % en surface. Une sténose de 40 % selon les critères ECST (European carotid surgery tralist' group MCR) équivaut à 0 % dans NASCET (north american symptomatic carotid endarterectomy trial collaborators). Un pourcentage de sténose de 85 % dans l'étude européenne correspond à un pourcentage de 70 % dans l'étude nord-américaine [ 8], [15 ]. La quantification anatomique correspond le plus souvent au degré de sténose hémodynamique. Selon Luizy, l'examen ultrasonore d'une carotide doit comporter :

- l'évaluation du degré de sténose (hémodynamique et anatomique) ;
- l'aspect morphologique de la plaque ;
- une étude de l'aspect endoluminal de la plaque (hémorragies intraplaques, sous-plaques) ;
- l'examen des autres axes artériels cérébraux ;
- un doppler transcrânien systématique [ 14 ].

En l'absence de calcifications massives, ces mesures aboutissent à des critères fiables nécessaires aux indications thérapeutiques. Les données de cet examen doivent comporter des mesures de vitesse : un chiffre supérieur à 140 cm/s traduit, au niveau d'une sténose, son caractère serré. Des rapports de vitesses peuvent également être effectués au niveau de la carotide primitive et de la carotide interne. Le retentissement hémodynamique est apprécié par le doppler transcrânien. Mais il est impossible à réaliser chez les patients n'ayant pas de fenêtre temporale (10 %).
La morphologie de la plaque peut, dans certains cas, orienter le traitement et notamment accélérer la date de la chirurgie. Ces plaques ont été classées en fonction de leur échogénicité, leur régularité, la présence ou non de " niches " de surface. L'association d'une lésion hypoéchogène et de niches (2 mm), ou d'une plaque hétérogène à versant endoluminal irrégulier, est évocatrice d'une lésion potentiellement emboligène. Mais ces données sont à corréler aux constatations peropératoires. En effet, le terme d'ulcération désigne un aspect macroscopique de la plaque sans permettre de définir sa réalité anatomopathologique, c'est-à-dire la perte du revêtement endothélial.
La tolérance cérébrale au clampage est évaluée par la plupart des équipes : résultat de la compression de l'artère carotide primitive sur la clinique, l'électroencéphalogramme (EEG), ou la pression dans l'artère ophtalmique. Cette appréciation par doppler transcrânien est très utile en préopératoire. L'existence d'un polygone de Willis déficient est bien corrélée à la mise en place d'un shunt au cours des anesthésies locorégionales. Le danger des compressions carotidiennes existe cependant, et ces manoeuvres sont à éviter chez les patients présentant une sténose hyperserrée, avec atteinte controlatérale. Les compressions ne se font qu'en zones saines, reconnues préalablement à l'écho-doppler, et ne durent dans ces cas que le temps d'une systole [ 10 ]. La mesure d'un flux dans l'artère sylvienne, résiduel après clampage de 30 cm/s, est en théorie suffisante pour éviter l'ischémie cérébrale peropératoire [ 19 ]. Le doppler transcrânien, utilisé en peropératoire, peut permettre d'apprécier la tolérance cérébrale et de dépister des emboles lors du déclampage.
Le diagnostic de pseudo-occlusion de la carotide interne est difficile, car l'écoulement sanguin est très ralenti, au travers d'une sténose parfois calcifiée, gênant l'examen.
Le doppler puissance consiste à analyser non plus la vitesse des flux, mais l'énergie du signal doppler recueillie selon les mêmes principes que ceux utilisés pour le doppler couleur. La mesure de la vitesse est fondée sur la reconnaissance directe des échos en déplacement. Il reste cependant rarement indispensable pour apprécier une sténose carotidienne.

Tomodensitométrie cérébrale et scanner hélicoïdal
Le scanner reste essentiel. C'est même, dans les occlusions aiguës de la carotide interne, l'élément décisionnel. Il permet, de façon formelle, de contre-indiquer toute revascularisation en urgence sous peine d'aggravation neurologique. La présence d'une hypodensité ne doit pas être systématiquement considérée comme une contre-indication à la chirurgie, si elle ne s'accompagne pas d'un effet de masse important. En revanche, la prise de produit de contraste signant la rupture de la barrière contre-indique toute revascularisation en urgence. Le scanner encéphalique peut être répété, surtout s'il est normal, car réalisé précocement après un accident vasculaire cérébral.
Le scanner permet, en outre, d'éliminer toute pathologie cérébrale associée et de dépister des infarctus silencieux. Ceux-ci sont dépistés chez 15 à 20 % des malades ayant une sténose serrée asymptomatique.
Le principe du scanner hélicoïdal et d'acquisition volumique par translation de la table d'examen simultanément à la rotation est apparu depuis 1991. En se référant aux critères de NASCET pour l'estimation du degré de sténose, des études montrent des corrélations satisfaisantes avec l'artériographie conventionnelle et l'écho-doppler. L'acquisition hélicoïdale en une seule fois est importante et nécessite un patient coopérant, respirant calmement, sans déglutir afin de limiter au maximum les artefacts de mouvements pouvant rendre ininterprétable l'étude de la bifurcation carotidienne. C'est une méthode assez fiable pour la mesure de vaisseaux de calibre supérieur à 0,8 mm. Les protocoles d'études prévoient des coupes de C2 à C6. Les plaques calciques sont bien vues, alors qu'elles entraînent parfois des surestimations des sténoses en angiographie par résonance magnétique, et des cônes d'ombre en échographie. Ces calcifications peuvent être éliminées sur les reconstructions. Les ulcérations pariétales sont également bien visualisées. L'angioscanner et la reconstruction tridimensionnelle constituent également un bon moyen d'évaluation des vaisseaux intracrâniens [ 17 ].

Artériographie des troncs supra-aortiques
L'artériographie reste pour nous systématique avant toute chirurgie carotidienne. Elle consiste en une injection au niveau de la crosse aortique, avec opacification des trois axes (fig 2). La voie fémorale est le plus utilisée. Des compléments artériograhiques, par voie humérale (en reflux) sont possibles. Cette aortographie thoracique numérisée comporte des clichés de la crosse aortique jusqu'aux artères intracérébrales, en déroulant les bifurcations carotidiennes sous au moins deux incidences (fig 3 A, B). Les contrôles angiographiques peropératoires sont de plus en plus souvent réalisés. Ils permettent de dépister des imperfections chirurgicales, des anomalies sur la carotide externe. Le risque de l'artériographie n'est pas nul, et on estime le risque de complications neurologiques à 0,1 des cas. Des complications locales, au point de ponction, sont également possibles mais sont, en règle, inférieures à 1 %.



Angiographie par résonance magnétique (ARM)
La résonance magnétique est capable de détecter des structures mobiles, en particulier le sang circulant. Les séquences, en écho de gradient, permettent l'obtention d'images de flux circulants. Selon le type et les paramètres employés, le contenu intravasculaire peut avoir toutes les formes de signal. L'ARM ne nécessite, dans la plupart des cas, aucune injection. Les bifurcations carotidiennes sont analysées sur des acquisitions coronales ou sagittales obliques. Dans les sténoses, les études publiées démontrent une fiabilité diagnostique voisine de celle de l'angiographie, en sachant que les sténoses serrées sont surestimées par la plupart des auteurs. Les occlusions cérébrales, d'origine embolique, sont reconnues sur les gros troncs seulement.

Les indications de la chirurgie carotidienne ont été précisées par des études multicentriques récentes américaines (NASCET) et européenne (ESCT) [ 8], [15 ]. Après de longues années de polémiques, ces grandes études ont eu le mérite de sérier clairement les indications thérapeutiques. Celles-ci se basent sur le degré de sténose carotidienne et le caractère symptomatique de celle-ci.
Cependant, certains critères d'inclusion n'étaient pas les mêmes, d'une étude à l'autre. Ainsi, le calcul du degré de sténose était différent dans les deux études ; l'inclusion de patients ayant des sténoses plus serrées, dans l'étude NASCET, entraînant une différence de pronostic. Par ailleurs, ces différentes mesures ont été faites, dans ces deux séries, sur des critères uniquement angiograghiques alors que l'écho-doppler est devenu la pierre angulaire du diagnostic ; entre des mains expérimentées, il est devenu un examen extrêmement fiable pour préciser le degré de sténose et, pour certains, il suffit à poser l'indication opératoire.
Malgré ces quelques défauts méthodologiques, plusieurs règles ont été établies et sont à présent admises par la majorité des praticiens.
L'étude NASCET affirme la supériorité du traitement chirurgical chez les malades ayant une sténose carotidienne symptomatique comprise entre 70 et 99 %. Si la mortalité des malades à 24 mois n'est pas significativement différente (4,6 % dans le groupe chirurgical, contre 6,3 % dans le groupe médical), la réduction du risque de survenue d'un AVC homolatéral grâce à médical), la chirurgie est de 65 % (le groupe chirurgical ayant un taux d'AVC de 9 % contre 26 % dans le groupe médical). Cette étude montre également que le bénéfice de l'endartériectomie est d'autant plus grand que la sténose est serrée : la réduction du risque absolu est de 12 % pour les sténoses entre 70 et 79 %, alors qu'il est de 26 % pour les sténoses entre 90 et 99 %. Ce bénéfice n'est apporté qu'à la condition que l'équipe chirurgicale présente un taux de mortalité-morbidité (TCMM) postopératoire inférieur à 6 %.
L'étude ESCT montre, malgré un TCMM élevé de 7,5 %, un net bénéfice de la chirurgie, avec un taux d'AVC à 3 ans de 1,7 % chez les malades opérés, contre 8,3 % chez les patients non opérés (réduction du risque relatif à 79,5 %). Ce bénéfice est obtenu pour les patients ayant une sténose symptomatique comprise entre 70 et 99 %. Les malades ayant une sténose symptomatique inférieure à 30 % ne doivent pas être opérés, mais surveillés régulièrement par écho-doppler.
Plus récemment, pour les sténoses asymptomatiques supérieures à 60 % (mesurées selon la méthode américaine soit 80 à 90 % selon la méthode européenne), l'étude ACAS [ 1 ] a montré la supériorité du traitement chirurgical au traitement médical : l'endartériectomie carotidienne s'est avérée bénéfique avec une diminution absolue statistiquement significative de 6,8 % du risque d'AVC dans les 5 ans et une réduction relative du risque de 55 %. L'indication opératoire chez ces malades peut être posée si l'équipe chirurgicale démontre un taux de mortalité-morbidité inférieur à 3 %.
Pour les sténoses symptomatiques ou non, comprises entre 30 et 70, les études sont encore en cours.
En conclusion et d'après ces études, il est légitime de proposer une intervention chirurgicale aux patients porteurs d'une sténose carotidienne serrée supérieure à 60-70 %, symptomatique ou non. Toutefois, l'indication opératoire doit être modulée en fonction de certains critères liés au patient lui-même, mais également à l'équipe chirurgicale :

- contrôle des facteurs de risque et de la diffusion de la maladie athéroscléreuse (appréciation du risque coronarien) ;
- absence de maladie grave évolutive, avec espérance de vie supérieure à 5 ans (l'âge n'étant pas une contre-indication à la chirurgie) ;
- absence de sténose carotidienne intracrânienne supérieure à celle susceptible d'être traitée ;
- évolutivité et aspect de la plaque athéromateuse (hémorragie intraplaque, ulcération, irrégularités, thrombus intraluminal) ;
- importance des lésions cérébrales et de la prise de contraste au scanner en cas d'AVC constitué ;
- équipe chirurgicale présentant un taux de mortalité-morbidité pour les sténoses asymptomatiques et symptomatiques respectivement inférieures à 3 et 5 %.


Nous le diviserons en trois parties : les techniques chirurgicales, le traitement endoluminal, puis, dans un même paragraphe, brièvement les différents traitements médicaux, antiagrégants plaquettaires et diverses médications dites " cérébroactives ".

Traitement chirurgical

Techniques

Endartériectomie carotidienne dite " à ciel ouvert "

C'est la technique de référence. L'exposition de la région carotidienne obéit à quelques principes simples. La tête du patient est placée en hyperextension modérée, et en rotation vers le côté opposé. Cette rotation doit être prudente chez les sujets arthrosiques. Après libération du sternocléidomastoïdien, la carotide primitive est abordée ainsi que la bifurcation et le bulbe carotidien. La dissection est le plus souvent terminée sous clampage en raison des risques emboliques, dus à la mobilisation de thrombi. Après héparinisation par voie générale et clampage des vaisseaux, une artériotomie longitudinale est faite à cheval sur la carotide primitive et sur la carotide interne. L'ablation du séquestre athéromateux est faite à la spatule (fig 4). Il est retiré jusqu'à la fin de la plaque, de façon à obtenir un ressaut harmonieux sur la carotide interne distale. Le geste réalisé sur la carotide externe varie selon les équipes. Il nécessite une attention toute particulière. En effet, plusieurs auteurs ont récemment insisté sur le risque d'une thrombose postopératoire de la carotide externe endartériectomisée à l'aveugle et non contrôlée. Des thrombi risquent alors de migrer dans la carotide interne. Même en présence d'une sténose importante, l'occlusion postopératoire de la carotide externe n'est pas le mode évolutif habituel. Ce geste, dont l'efficacité n'est pas prouvée, peut donc être délétère. Dans une étude récente, Ascer a étudié l'évolution de la carotide externe après endartériectomie de la carotide interne. La progression de l'athérome, sur la carotide externe n'affecte aucunement la perméabilité de la thromboendartériectomie [ 4 ].

La fermeture de l'artériotomie s'effectue avec ou sans patch (fig 5). La mise en place de celui-ci est très controversée, et obéit plus aux habitudes des chirurgiens qu'à une attitude réglée. La fréquence des resténoses semble plus fréquente après fermeture directe, notamment en cas d'artériotomie longue, de petite carotide interne (4 mm), et chez la femme. Le matériel de fermeture utilisé varie selon les équipes et dans le temps (artériel autologue, veine saphène interne, veine jugulaire, prothétique). Le patch veineux saphène interne a été souvent utilisé, puis abandonné en raison de rupture centrale. Une publication récente donne néanmoins d'excellents résultats à long terme avec des patchs de saphène crurale.

Les risques de l'abord carotidien sont les traumatismes nerveux, directs ou indirects. Le X (nerf pneumogastrique) est l'élément le plus postérieur du paquet jugulocarotidien. Son traumatisme entraîne des lésions du nerf laryngé inférieur responsable de la mobilité des cordes vocales. Le déficit du nerf laryngé supérieur se manifeste par une fatigabilité de la voix pour les sons de haute tonalité. L'atteinte du nerf grand hypoglosse (XII) entraîne une dysarthrie, une déviation controlatérale de la langue et des troubles de la mastication. D'autres nerfs ou branches nerveuse peuvent être atteints, de façon moins fréquente : la branche mandibulaire du nerf facial, le glossopharyngien (X), voire le spinal (X). Quant au nerf grand auriculaire, branche du plexus superficiel, sa section courante et banale lors de la cervicotomie longitudinale, produit une hypoesthésie du lobe de l'oreille qui régresse en 6 à 12 mois. D'autre part, des algies transitoires postopératoires, lors du rasage, sont possibles chez l'homme. L'incidence générale de ces lésions nerveuses périphériques est très difficile à déterminer. Elles sont graves en cas de lésions directes, et surtout en cas de lésions bilatérales. L'examen clinique et l'examen ORL doivent donc être systématiques avant une chirurgie controlatérale.

Endartériectomie par éversion

C'est une technique ancienne décrite en 1959, et qui comporte plusieurs variantes, selon le niveau de section de la carotide interne. Elle diminuerait les resténoses par hyperplasie intimale. Elle consiste à éverser la carotide interne après l'avoir sectionnée transversalement. Cette technique est particulièrement adaptée aux excès de longueur de la carotide. Elle évite probablement un nombre important de patchs. Son principal inconvénient est l'absence de contrôle parfait de l'intima distale. Il existe des variantes techniques, selon le niveau de section de la carotide interne, ou selon l'artériotomie initiale, prolongée sur la carotide externe. C'est, à notre avis, une bonne indication en cas de sténose limitée du bulbe, avec un excès de longueur.

Pontages

Greffe veineuse carotidienne : le segment saphénien utilisé est la saphène crurale, prélevée sur une dizaine de centimètres environ. C'est dire l'importance de la préservation du capital veineux. Dans la technique réalisée par Cormier, les anastomoses sont réalisées en latéral. L'anastomose proximale est faite sur la carotide primitive clampée, laissant la carotide interne vascularisée par l'externe dans un premier temps (fig 6). Une endartériectomie du bulbe est ensuite effectuée. Puis l'anastomose distale est faite. L'autre technique consiste à réaliser l'anastomose distale qui est d'abord faite en terminoterminal, sur la carotide interne, puis l'anastomose proximale est faite sur le bulbe endartériectomisé.

Pontage prothétique : cette technique utilise une prothèse en polytétrafluoroéthylène (PTFE), entre la carotide primitive et la carotide interne. Cormier a rapporté 62 revascularisations de la carotide interne par pontage en PTFE. L'emploi de ce matériau avait été motivé le plus souvent par l'absence de veine saphène interne pathologique ou prélevée antérieurement. Cette technique doit, à notre avis, rester une indication de dernier recours.

Quelle technique choisir ?
Ces techniques ne s'opposent pas. Elles dépendent, en fait, le plus souvent des habitudes de chaque équipe, même si la greffe veineuse garde des indications assez bien codifiées.
L'endartériectomie carotidienne est la méthode le plus utilisée dans le monde (95 000 aux États-Unis en 1984), et semble devoir être proposée de première intention pour une chirurgie carotidienne. Certaines équipes préfèrent néanmoins réaliser une greffe veineuse d'emblée. Les complications précoces ne sont pas plus fréquentes que dans les thromboendartériectomies. Sur le plan des résultats à long terme, la technique opératoire ne modifie pas la survenue des resténoses [ 9 ].
La greffe veineuse est effectuée en cas d'échecs peropératoires de l'endartériectomie, ou de lésions hautes, nécessitant une artériotomie très longue. Les resténoses dues à l'hyperplasie myo-intimale, ou à la progression de la maladie athéromateuse, sont à notre avis de bonnes indications des greffes veineuses. Les exceptionnels sepsis sur patch prothétique sont aussi de bonnes indications de greffe veineuse. Les lésions postradiques, la dysplasie fibromusculaire, les boucles et les plicatures, se prêtent également mal à l'endartériectomie classique.
Nous n'avons pas d'expérience des ultrasons proposés, par certains, dans les resténoses après thromboendartériectomies.

Quelle protection cérébrale ?
Ce débat reste ouvert, et là encore varie selon les habitudes des différentes équipes chirurgicales et anesthésiques. Ni l'électroencéphalogramme, ni la mesure de la pression résiduelle, ni les potentiels évoqués somesthésiques ne permettent de préjuger des complications postopératoires. La vraie sécurité est l'anesthésie locorégionale, qui permet une surveillance de l'état neurologique. Mais si quelques auteurs ont montré une diminution de l'incidence des infarctus du myocarde en cas d'anesthésie locorégionale, il est difficile, en l'absence d'études randomisées, de prôner de façon systématique l'une ou l'autre méthode.
Il en est de même pour la mise en place d'un shunt. Celle-ci est systématique pour certains. Pour d'autres, elle est dépendante de l'apparition d'anomalies électroencéphalographiques, des données préopératoires (et notamment en cas d'occlusion de la carotide controlatérale (fig 4), ou de polygone de Willis déficient), ou de troubles de la conscience en cas d'anesthésie locorégionale. Il est difficile d'adopter une attitude uniciste, les différentes équipes chirurgicales présentant des résultats souvent similaires, avec des techniques chirurgicales, des mesures de protection différentes. La logique voudrait que l'on ne shunte que les patients présentant une intolérance au clampage. Seule l'apparition de troubles de la vigilance, sous anesthésie locorégionale, permettrait en théorie de dépister ces patients. Mais l'interprétation de ces signes cliniques est difficile, et peut-être sont-ils sans conséquence sur un cerveau protégé par une anesthésie générale ?

Traitement endoluminal percutané
Les conditions d'acceptation de ce traitement sont un taux de complications inférieur ou égal à celui de la chirurgie, en respectant les indications. Les indications d'angioplastie carotidienne sont donc des sténoses hémodynamiques supérieures à 70 %. La bifurcation carotidienne est une zone à haut risque : la plaque à ce niveau est fragile, ulcérée, hémorragique, comportant un risque d'embole lors des manipulations endovasculaires.
La procédure idéale devait comporter un ballon de protection, un stent de bonne force radiaire et flexible, un moulage parfait à la forme et aux dimensions du bulbe carotidien, sans atteinte de la carotide externe, une faible thrombogénicité, et éventuellement la possibilité de délivrer des inhibiteurs de la resténose. Le matériel idéal n'existe donc pas. De plus, tout ce " matériel ", déposé dans un vaisseau de 4 mm de diamètre ne devrait cependant pas restituer une interface aussi lisse qu'après une endartériectomie correctement faite, quelles que soient les images radiologiques obtenues après angioplastie percutanée...
Les contre-indications reconnues semblent être les calcifications majeures, les tortuosités d'amont, les plicatures ou boucles d'aval et les thrombi pédiculés. Roubin a proposé de classer les patients en trois groupes :

- patients présentant une chirurgie difficile ou à haut risque : atteinte distale étendue sur la bifurcation, dysplasies fibromusculaires, bifurcations carotidiennes hautes, carotides radiques, présence de lésions proximales associées ;
- patients chez lesquels la chirurgie comporte en théorie une morbi/mortalité supérieure aux normes admises pour NASCET et ACAS : affection cardiorespiratoire grave associée, contre-indication majeure à l'anesthésie générale, chirurgie redux, lésions controlatérales, accident évolutif sur lésion préocclusive. Le traitement endoluminal peut donc être proposé à ces malades [ 1], [15 ] ;
- patients dits " chirurgicaux " d'emblée.

Cette répartition arbitraire est déjà critiquable. Que faire des patients présentant une affection cardiopulmonaire grave ou une contre-indication chirurgicale majeure en cas de complication lors de la procédure ? Où est la place de l'anesthésie locorégionale ?
Les complications potentielles de l'angioplastie sont l'embolie cérébrale par migration d'un fragment de plaque ou de thrombus, et la dissection responsable d'occlusion. Les conséquences cliniques sont variable : accident vasculaire régressif ou non, décès.
Les techniques proposées tiennent donc compte de ces complications.
Theron et al proposent un système de protection par occlusion temporaire distale de la carotide interne [ 18 ]. Ils procèdent également à une aspiration-lavage dans la carotide externe. La mise en place d'un stent est, pour Theron et al, fonction de l'existence ou non d'une dissection. Grâce à ces précautions ils ne semblent avoir eu aucune complication sur 40 cas. Une resténose est notée dans 4 à 6 % des cas, ce taux relativement faible étant probablement dû au calibre de la carotide. La voie carotidienne directe demeure la voie le plus risquée. Pour certains, l'introducteur est d'abord placé dans la carotide externe, puis sous contrôle road-maping, le guide est ensuite dirigé au travers de la lésion.
D'autres proposent la mise en place d'un stent autoexpansible d'emblée, type " Wallstent ". Cette technique entraîne des occlusions de la carotide externe dans plus de 10 % des cas. Roubin et al appliquent une technique dérivée de l'angioplastie coronarienne : angioplastie a minima par un ballon de 4 mm suivi d'emblée d'un stent. Le stent de Palmaz, initialement utilisé, a été abandonné en raison de déformation dans 14 % des cas [ 16 ].
Comme on le constate, les problèmes sont loin d'être réglés et il est nécessaire d'avoir un suivi précis de ces patients. La lésion emboligène n'est pas exclue comme elle l'est par une chirurgie réglée, et les réinterventions pour resténoses ou lésions en aval des zones stentées promettent des " heures joyeuses " aux chirurgiens... et aux patients. Alors, pourquoi développer une autre méthode alors que l'endartériectomie carotidienne a fait ses preuves ? Les détracteurs avancent les chiffres des lésions nerveuses périphériques, l'hétérogénicité des équipes ayant participé aux études NASCET et ECST, et le fait que certains patients particulièrement graves aient été exclus. D'autre part, l'apparente simplicité du geste est évidemment séduisante pour les patients et leurs médecins. La réponse viendra peut-être des études randomisées en cours aux États-Unis : carotid artery stenting versus surgery. Pour Becker, il existe cependant un risque non négligeable d'arrêt prématuré de l'angioplastie en raison de la supériorité de l'endartériectomie [ 5 ]. Il serait donc plus logique de poursuivre les études ouvertes avec coopération multidisciplinaire et évaluation locale des différentes résultats. Nous ne comprenons plus pourquoi les chirurgiens étaient soumis à des études randomisées strictes, avec exclusion de certains centres en raison de leurs mauvais résultats, et pourquoi les " dilatateurs " carotidiens y échapperaient.

Traitements médicamenteux
Personne ne conteste l'intérêt des antiagrégants plaquettaires dans la prévention de la maladie cérébrovasculaire. Nous ne citerons que les résultats d'une méta-analyse récente rapportant 145 essais, sur 100 000 patients : en 5 ans, 1 200 accidents cardiovasculaires ont été évités sur 51 000 patients traités. Ils sont systématiques après toute chirurgie carotidienne et prescrits à vie [ 3 ].
Nous résumerons enfin les recommandations de l'agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM), concernant les vasodilatateurs cérébraux : aucune preuve scientifique ne justifie l'emploi de ces médicaments ni en préventif, ni en curatif, ou à la phase de séquelles [ 2 ]. Ces prescriptions plus ou moins traditionnelles en France ne sont justifiées par aucune publication internationale.

Ils sont bons. Ils se sont progressivement améliorés, les chirurgiens ne cherchant plus à faire disparaître des symptômes déjà constitués, mais à les prévenir. Les mauvais résultats initiaux dus à des indications abusives, ou à des techniques inadéquates ont motivé les études randomisées. La plupart des séries chirurgicales rapportent maintenant des taux de complications largement inférieurs à ceux " imposés " par les critères NASCET et ECST. Les taux de la série récente de Hertzer et al sont de 0,5 % d'accidents vasculaires cérébraux et de 1,8 % de mortalité [ 11 ], celle-ci est le plus souvent d'origine cardiaque ou neurologique. Les autres complications postopératoires sont celles de la chirurgie vasculaire, hématome, thrombose, plus que les sepsis sur patch qui restent exceptionnels.
La technique ne semble influencer ni les résultats immédiats, ni à long terme [ 6], [9 ].

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L'insuffisance vertébrobasilaire (IVB) répond à deux mécanismes parfois intriqués.

Mécanisme hémodynamique
C'est le plus fréquent. La répartition des symptômes à type de drop attack déclenchés par les mouvements de la tête est fortement évocatrice de cette IVB. La diminution du débit sanguin en est la cause. Les lésions permanentes ou positionnelles, extrinsèques ou intrinsèques, entraînent une diminution du débit sanguin d'aval. Des causes systémiques peuvent également intervenir : anémie, orthostatisme, augmentation des résistances périphériques (thrombocytémie). L'artère vertébrale est beaucoup plus affectée par les mouvements du cou que la carotide interne. Dans son premier segment, elle peut être comprimée par le ganglion stellaire ou des éléments musculotendineux. Des compressions osseuses sont possibles en V2, à l'intérieur du canal transversaire. Des compressions extrinsèques sont plus rares en V3, plus souvent congénitales que acquises. Enfin exceptionnellement, elle peut être comprimée à son point de pénétration au niveau de la membrane occipitoatloïdienne. Pour entraîner une symptomatologie clinique, ces lésions nécessitent cependant des atteintes bilatérales, une absence ou une hypoplasie importante d'une des deux artères vertébrales (terminaison en artère cérébelleuse postéro-inférieure).
D'autre part, il semble que le territoire vertébrobasilaire soit plus sensible à l'ischémie que le territoire carotidien et qu'une perte de l'autorégulation cérébrale apparaîtrait avec l'âge.
Contrairement aux accidents thromboemboliques, il n'y a pas de topographie systématisée dans les troubles d'origine hémodynamique.

Mécanisme embolique
Ce mécanisme est impliqué dans un tiers des accidents ischémiques vertébrobasilaires. La lésion causale comporte souvent une lésion intimale artérielle sur l'un des trois premiers segments de l'artère vertébrale (fig 7). Ces embolies proviennent plus rarement d'origine cardiaque, et exceptionnellement de l'aorte ascendante. Les conséquences de ces embolies sont des occlusions segmentaires ou extensives, dont les conséquences sont fonction de la collatéralité et de lésions associées sur l'artère vertébrale controlatérale.

Les symptômes sont très variables. Les infarctus localisés les plus typiques sont le syndrome de Wallenberg par occlusion de l'artère cérébelleuse postéro-inférieure, le syndrome de l'artère cérébelleuse supérieure ou les infarctus paramédians du tronc cérébral. Les infarctus cérébelleux résultent de l'occlusion des artères circonférencielles longues et les infarctus thalamiques d'occlusions cérébrales postérieures [ 12 ].


Accident ischémique transitoire vertébrobasilaire
Le diagnostic d'AIT vertébrobasilaire est souvent porté par excès en raison du polymorphisme séméiologique de l'IVB et de l'absence de spécificité de la plupart de ses symptômes. Les travaux du Ad Hoc Committee for stroke, qui datent de 1974, ont retenu un groupe de symptômes fortement évocateurs d'une ischémie vertébrobasilaire :

- les troubles moteurs bilatéraux ou alternés, surtout lorsqu'ils changent de côte, d'un accès à l'autre, pouvant aller jusqu'à la tétraplégie complète ;
- les troubles sensitifs (engourdissements, fourmillements ou hypoesthésie) de même topographie (bilatéraux ou alternés) ;
- les pertes de vision bilatérale ;
- l'hémianopsie latérale homonyme ;
- l'ataxie, la démarche ébrieuse ou les troubles de l'équilibre survenant en dehors de tout vertige ;
- l'association de ces symptômes entre eux.

D'autres symptômes tels que les vertiges, la diplopie, la dysphagie, la dysarthrie, les drop-attacks, les acouphènes ne peuvent être considérés comme liés à un AIT vertébrobasilaire que s'ils accompagnent l'un des symptômes majeurs, ou s'ils alternent avec ceux-ci.

Insuffisance vertébrobasilaire hémodynamique
Le diagnostic est difficile. Les symptômes ont un déclenchement postural et l'examen neurologique est le plus souvent normal. Les AIT sont brefs et stéréotypés. Les signes le plus souvent rencontrés sont :

- les troubles aigus de l'équilibre (quasi constants). D'apparition brutale, ils associent des vertiges centraux et périphériques volontiers accompagnés de troubles végétatifs ;
- les troubles visuels aigus : amaurose simultanée bilatérale, diplopie avec oscillopsie, hémianopsie altitudinale (rare mais significative) ;
- les pertes de connaissance partielles accompagnées de malaise végétatif, troubles de la vision et perte de l'équilibre ;
- les drop-attacks :
- la dysarthrie souvent associée à des vertiges ou à des troubles visuels ;
- la surdité bilatérale transitoire ;
- la quadriplégie brève par atteinte des voies longues.


Les diagnostic d'IVB hémodynamique peut être posé devant l'association de ces symptômes à des degrés divers, surtout quand ils sont accompagnés de signes neurovégétatifs.

Insuffisance vertébrobasilaire thromboembolique
Les AIT sont classiquement plus prolongés avec risque d'accidents ischémiques constitués responsables d'une mortalité précoce supérieure à celle des accidents carotidiens (20 à 30 % de décès selon les séries).
Les principaux symptômes évocateurs d'IVB thromboembolique sont :

- la dysarthrie ;
- le déficit sensitivomoteur des quatre membres ;
- l'hémianopsie homolatérale homonyme ;
- le coma régressif ;
- les paralysies faciales et atteintes trijéminales unilatérales ;
- la surdité unilatérale brusque.



Examen ORL
Il est indispensable. Des épreuves caloriques et audiométriques sont nécessaires pour éliminer des vertiges périphériques. L'électronystagmogramme et les potentiels évoqués auditifs permettent de quantifier les phénomènes vestibulaires propres.

Échodoppler
Les lésions vertébrales sont souvent plus difficiles à explorer que les carotides, notamment dans le canal transversaire, au-delà de C3. Les renseignements obtenus sont cependant très fiables : sténose ostiale (où le matériel intraluminal est souvent peu échogène), plicature, compression dans son trajet initial, orifice d'entrée anormal dans le canal transversaire, anomalies de terminaison, participation ou non au tronc basilaire, étude des communicantes. Cet examen s'intègre de toute façon dans l'analyse complète des troncs supra-aortiques : une sténose de l'artère sous-clavière, entre 40 et 60 %, entraîne des modifications hémodynamiques, et une accélération localisée du flux dans l'artère vertébrale. Une occlusion sous-clavière peut engendrer une inversion du flux [ 19 ]. L'occlusion du tronc basilaire peut être difficile à diagnostiquer en cas de collatéralité développée à partir des vaisseaux cérébelleux notamment.

Scanner encéphalique et imagerie par résonance magnétique (IRM)
L'intérêt du scanner est limité dans le diagnostic des infarctus du territoire vertébrobasilaire du fait de la mauvaise visualisation des lésions de la fosse postérieure.
L'IRM du tronc cérébral est plus performante. Les artères vertébrales sont difficilement explorées en ARM en raison de leur petit calibre et de leur asymétrie anatomique.

Artériographie
L'artériographie est encore indispensable au bilan préopératoire. Les artères vertébrales sont difficilement explorées en ARM, en raison de leur petit calibre et de leur asymétrie anatomique, surtout en distalité. La meilleure méthode est l'artériographie bihumérale. Des clichés positionnels, avec compression, peuvent être effectués. La faible quantité de produit de contraste autorise des incidences multiples. La carotide gauche échappe le plus souvent à cette opacification de même qu'une vertébrale gauche naissant de l'aorte (5 à 10 % des cas). Les injections sélectives ne sont plus réalisées en pratique courante.
Il est cependant artificiel d'étudier le système vertébrobasilaire isolément, et les artères vertébrales sont donc opacifiées conjointement aux carotides lors de toute artériographie des troncs supra-aortiques.

Les indications sont différentes selon l'origine hémodynamique ou thromboembolique de l'IVB.
Dans le cadre de l'IVB thromboembolique, la chirurgie est proposée afin d'éviter de nouvelles manifestations ischémiques. Elle est réservée aux patients ayant fait un AIT ou un AVC avec séquelles mineures, et porteurs d'une lésion artérielle vertébrale nettement responsable.
En cas d'IVB hémodynamique, l'indication chirurgicale est posée chez les patients souffrant d'une IVB invalidante malgré un traitement médical correctement conduit.
En cas d'IVB associée à une sténose carotidienne et vertébrale, les avis divergent. Certains auteurs traitent uniquement la lésion carotidienne, améliorant dans plus de la moitié des cas la symptomatologie vertébrobasilaire ; d'autres proposent d'emblée une revascularisation simultanée vertébrale et carotidienne.

On décrit quatre segments successifs à l'artère vertébrale : V1 prétransversaire, V2 intratransversaire, V3 sous-occipital, V4 intracrânien [ 13 ].

Segment V1
La voie d'abord est sus-claviculaire, horizontale ou verticale, en regard du muscle sterno-cléido-mastoïdien. L'exposition de l'artère vertébrale est obtenue dans l'espace interjugulocarotidien après section-ligature des fibres lymphatiques et résection de la veine vertébrale. L'exposition du segment V1 se fait de bas en haut jusqu'à l'entrée de l'artère dans le canal transversaire en préservant au maximum les différentes fibres sympathiques afin d'éviter un syndrome de Claude Bernard-Horner postopératoire.
Plusieurs techniques de revascularisation sont possibles :

- les revascularisations à partir de l'artère sous-clavière ont été les premières décrites, mais sont de moins en moins utilisées. Leur principal intérêt est d'éviter un clampage carotidien, mais la dissection étendue de l'artère sous-clavière est délicate par simple cervicotomie ; par ailleurs les lésions associées de cette artère et son évolutivité athéromateuse n'en font pas un axe donneur idéal. Les différentes restaurations pratiquées dépendent de l'extension des lésions aux artères vertébrale et sous-clavière, du calibre de l'artère vertébrale, du site de naissance de l'artère vertébrale, de l'existence d'un excès de longueur du segment V1 et surtout des habitudes des équipes chirurgicales. Citons l'endartériectomie par voie endo-sous-clavière (pour les lésions strictement ostiales), la réimplantation de l'artère sous-clavière endartériectomisée dans la carotide primitive, l'endartériectomie à ciel ouvert (technique difficile désormais abandonnée), l'angioplastie de raccourcissement (pour les plicatures proximales), l'angioplastie d'élargissement par patch, et enfin les réimplantations dans l'artère sous-clavière, si celle-ci est saine, directe ou indirecte (en cas de réintervention) ;
- la réimplantation directe de l'artère vertébrale dans la carotide primitive est devenue la technique de choix car elle présente plusieurs avantages : par un abord limité elle permet de traiter simplement les lésions ostiales et juxtaostiales ainsi que les excès de longueur, l'anastomose est effectuée sur un autre axe potentiellement moins athéromateux, aucun matériel n'est utilisé, enfin les résultats en termes de perméabilité sont excellents. Plus rarement, la réimplantation est effectuée indirectement par le biais d'un greffon veineux quand le segment V1 est trop court.

Les complications de l'abord du segment V1 sont essentiellement nerveuses et lymphatiques. Une lésion du nerf phrénique ou du nerf pneumogastrique est possible, et doit être impérativement recherchée en cas d'intervention controlatérale. Le syndrome de Claude Bernard-Horner est fréquent et régresse le plus souvent avant 6 mois. Les plaies lymphatiques qui peuvent évoluer vers une lymphocèle voire un chylothorax sont traitées par alimentation parentérale, ponctions répétées ou reprise chirurgicale pour lymphostase.

Segment V2
La chirurgie directe de ce segment est devenue exceptionnelle. Elle est proposée en cas de pathologie associée, traumatique ou tumorale, nécessitant une décompression nerveuse ou la résection d'une lésion rachidienne. Les compressions intratransversaires de l'artère vertébrale sont désormais traitées par revascularisation au niveau du segment V3.

Segment V3
La voie d'abord est présternomastoïdienne étendue en haut jusqu'à l'apophyse mastoïde. La dissection est faite entre le muscle sterno-cléido-mastoïdien et la veine jugulaire interne. Le nerf spinal, qui passe au-dessous de l'apophyse mastoïde, est libéré et largement disséqué. L'apophyse de C1 est repérée, et les muscles angulaire de l'omoplate et du grand oblique, qui s'y insèrent, sont sectionnés. Le rameau antérieur du deuxième nerf cervical, qui est un excellent repère lors de la dissection, est alors sectionné, permettant l'exposition de l'artère vertébrale entre C1 et C2. Celle-ci est exposée sur 2 cm environ après hémostase prudente du plexus veineux périartériel.
Le pontage veineux carotidovertébral distal est la technique le plus utilisée. L'anastomose distale sur une artère fragile et de petit calibre est un geste chirurgical délicat. Afin d'éviter toute plicature ou traction anastomotique, lors des mouvements de rotation du cou, le trajet du pontage doit être le plus vertical possible ; l'anastomose proximale est donc effectuée le plus souvent sur la carotide primitive. Plus rarement, elle est faite sur la bifurcation carotidienne quand celle-ci est basse ou sur l'artère sous-clavière postscalénique quand l'axe carotidien est occlus.
La transposition directe de l'artère vertébrale, dans la carotide interne postbulbaire, peut être effectuée si le segment V3 est assez long ou siège d'une plicature, mais il est parfois nécessaire d'étendre la dissection en aval en réséquant l'apophyse transverse de C1 pour bénéficier d'une longueur d'artère vertébrale suffisante. Cette technique, moins pratiquée mais intéressante en cas d'absence de greffon, implique toutefois un clampage carotidien et vertébral simultané.
Les complications de l'abord du segment V3 sont dominées par la paralysie en général transitoire du nerf spinal et la périarthrite scapulohumérale de mécanisme imprécis.

Les résultats de la chirurgie vertébrale sont bons avec une mortalité postopératoire inférieure à 1 % et la guérison des symptômes dans environ 85 % des cas.
Les complications neurologiques centrales sont rares et liées le plus souvent à une revascularisation carotidienne associée.
L'occlusion postopératoire précoce est plus fréquente lors de la revascularisation de l'artère vertébrale distale. Elle survient entre 5 et 10 % des cas, et est liée le plus souvent à une erreur dans la technique chirurgicale. Elle est fréquemment asymptomatique, mais elle peut entraîner une aggravation d'une IVB hémodynamique, voire exceptionnellement un infarctus du tronc cérébral, quand le réseau de suppléance est insuffisant.
Dans le cadre de la prévention des accidents thromboemboliques, les résultats sont superposables à ceux de la chirurgie carotidienne où il existe toutefois une mortalité coronarienne plus élevée.
Dans le cadre de l'IVB hémodynamique, les résultats à long terme sont plus aléatoires du fait de l'intrication de plusieurs mécanismes dans la physiopathologie de cette maladie.

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