Exploration électrophysiologique endocavitaire Étude de la fonction sinusale et de la conduction auriculoventriculaire




Gilles Lascault: Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris
centre cardiologique du Nord, 32-36, avenue des Moulins-Gémeaux, 93207 Saint-Denis cedex 1 France
11-003-L-10 (1997)



Résumé

L'apparition en 1901 du premier électrocardiographe, le galvanomètre à cordes d'Einthoven, marque le début de l'étude de l'activité électrique du coeur. Les développements techniques successifs de l'électrocardiographie ont fait faire de grands progrès à la connaissance de l'électrophysiologie cardiaque normale et pathologique. Un certain nombre de concepts ou de mécanismes échafaudés à l'époque de l'électrocardiographie de surface ont été confirmés et validés ultérieurement par l'électrophysiologie endocavitaire. L'invention du cathétérisme cardiaque dans les années 1940-1950 a été une nouvelle étape décisive de la cardiologie. Pourtant ce n'est que beaucoup plus tard, en 1957, que sont réalisés par Puech en France les premiers enregistrements de potentiels du faisceau de His. Ces enregistrements deviendront de pratique courante à partir des années 1970, en particulier grâce aux travaux de Scherlag aux États-Unis. Par la suite, l'étude de la conduction auriculoventriculaire s'est enrichie peu à peu de nouvelles méthodes d'analyse dynamique plus fines et plus élaborées, utilisant les méthodes de stimulation. Dans les années 1970 à 1980, diverses méthodes d'évaluation de la fonction sinusale par voie endocavitaire ont fait l'objet de très nombreux travaux. Parallèlement à l'étude des troubles de la fonction sinusale et de la conduction auriculoventriculaire, beaucoup d'attention a été apportée à la classification et l'analyse des différents types de tachycardies supraventriculaires et ventriculaires. Les deux grands types d'indications des explorations électrophysiologiques endocavitaires sont les bradycardies et les tachycardies. Seule l'exploration de la fonction sinusale et de la conduction auriculoventriculaire, plus orientée vers le diagnostic de bradycardie, sera envisagée, celles spécifiques des tachycardies faisant l'objet d'autres chapitres de l'Encyclopédie médico-chirurgicale.

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Plan

Remarques générales
Étude de la fonction sinusale
Étude de la conduction auriculoventriculaire
Principales indications des explorations électrophysiologiques

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La pratique d'explorations électrophysiologiques nécessite d'une part des connaissances rythmologiques spécifiques, d'autre part une infrastructure suffisante en matériel et en personnel [ 1], [2], [3 ]. Il est notamment indispensable de disposer d'un matériel de réanimation et d'un défibrillateur externe en bon état de marche. Nous ne reviendrons pas sur la technique du cathétérisme cardiaque droit qui doit être parfaitement maîtrisée.
Un plan d'exploration méthodique et rigoureux doit être suivi, sans oublier toutefois que l'exploration électrophysiologique n'est que le complément d'une analyse clinique rigoureuse et qu'elle doit être adaptée au cas particulier de chaque patient et vue comme un complément de l'électrocardiographie de surface. Par exemple dans le bilan étiologique d'une syncope, le contexte clinique a une valeur d'orientation considérable : en présence de troubles conductifs intraventriculaires sur l'électrocardiogramme (ECG) de surface, l'hypothèse d'un bloc auriculoventriculaire (BAV) paroxystique est la plus probable, alors qu'en cas d'antécédents d'infarctus du myocarde, une tachycardie ventriculaire devra être suspectée en priorité. On conçoit que dans le premier cas une étude extrêmement complète de la conduction auriculoventriculaire sera indispensable et que dans le second cas, il sera nécessaire de pratiquer une stimulation ventriculaire programmée.
Pour les explorations courantes, deux ou trois sondes sont en général utilisées, introduites dans la veine fémorale droite, et destinées à enregistrer les potentiels intracardiaques et à réaliser une stimulation. Elles sont placées dans l'oreillette droite, à la jonction auriculoventriculaire et dans le ventricule droit. Dans certains cas particuliers qui n'entrent pas dans le cadre de l'exploration standard, en fonction de l'orientation clinique, d'autres sondes (bi-, quadri- ou multipolaires) sont placées dans d'autres sites : le sinus coronaire, où l'on recueille l'activité auriculaire gauche (et ventriculaire gauche), en utilisant comme voie d'abord, soit la veine sous-clavière gauche ou la veine jugulaire interne droite, soit une voie basse par la veine fémorale ; le ventricule gauche ou l'oreillette gauche atteints par voie artérielle rétrograde ou au travers d'un foramen ovale perméable.
Les sondes les plus utilisées sont les quadripolaires, les deux pôles distaux servant à la stimulation, les deux pôles proximaux à l'enregistrement.
Il ne faut commencer l'exploration proprement dite que lorsque les sondes sont correctement placées et enregistrent des signaux parfaitement identifiables, stables, d'amplitude suffisante. Beaucoup d'erreurs d'interprétation ou de conclusions incertaines viennent de la mauvaise qualité et de l'instabilité des signaux enregistrés.

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Les anomalies de la fonction sinusale sont une cause fréquente de malaises ou de syncopes. Les données cliniques et les renseignements fournis par les enregistrements de Holter permettent dans un grand nombre de cas de reconnaître les dysfonctions sinusales. La sensibilité du Holter n'étant toutefois pas égale à 100 %, il est parfois nécessaire de recourir à une exploration endocavitaire.
Différentes méthodes peuvent être utilisées pour étudier la fonction sinusale [ 5 ].

C'est le temps de récupération sinusal qui renseigne le mieux sur l'état de la fonction sinusale [ 6 ]. Sa mesure est effectuée en stimulant l'oreillette droite pendant au moins 30 secondes, à une fréquence fixe, nettement supérieure à la fréquence sinusale spontanée. Plusieurs fréquences de stimulation sont employées : par exemple, 90, 110, 130, 150, 170 et 190/min. Le temps de récupération sinusal est l'intervalle entre la dernière onde A stimulée et la première onde A spontanée ou le plus long intervalle A-A spontané parmi les dix cycles faisant suite à l'arrêt de la stimulation (fig 1). Comme le temps de récupération sinusal est dépendant du cycle sinusal spontané, Mandel a proposé de standardiser la mesure en utilisant le temps de récupération sinusal corrigé, égal à la différence entre le temps de récupération sinusal et le cycle sinusal. Sa valeur normale est inférieure à 525-550 millisecondes (ms). La sensibilité de ce test est assez faible, entre 40 et 80 %, mais sa spécificité est élevée, dépassant 90 %.


Il est mesuré sur rythme sinusal spontané en délivrant, tous les huit cycles sinusaux, un extrastimulus auriculaire en diminuant le couplage de l'extrastimulus de 10 ms jusqu'à atteindre la période réfractaire effective de l'oreillette. Les temps A1-A2 (intervalle de couplage de l'extrastimulus auriculaire) et A2-A3 (cycle de retour) sont comparés. Une courbe est établie avec en abscisse A1-A2 et en ordonnée A2-A3 (fig 2). La courbe normale comporte plusieurs parties : une première partie est linéaire à 45° (zone I) lorsque le repos postextrasystolique est compensateur (extrasystoles induites, tardives) ; une partie horizontale ou plateau (zone II) lorsque l'extrasystole auriculaire plus précoce est décalante, c'est-à-dire recyclant le noeud sinusal ; les zones III et IV correspondent à des intervalles A2-A3 plus courts que le cycle sinusal spontané. Dans la zone III, les extrasystoles sont interpolées et dans la zone IV elles induisent des échos auriculaires par un mécanisme de réentrée sinoatriale. Le TCASA (ou TECASA) est la différence entre A2-A3 mesuré au niveau du plateau (zone II) et le cycle sinusal spontané A1-A1. Le temps de conduction sinoatrial (TCSA) est égal à la moitié du TCASA si l'on admet (ce qui n'est pas tout à fait exact en fait) que les temps de conduction atriosinusal et sinoatrial sont égaux. Les valeurs normales du TCSA sont, selon les auteurs, comprises entre 40 et 150-160 ms.


Cette méthode d'évaluation de la fonction sinusale est comme la méthode de Strauss peu utilisée en clinique du fait de sa faible sensibilité [ 8 ]. Elle consiste à stimuler l'oreillette à 10 coups/min au-dessus de la fréquence sinusale pendant huit cycles. La pause poststimulation diminuée du cycle sinusal donne le TCASA dont la valeur supérieure normale est de 200 ms, ce qui correspond à un TCSA de 100 ms.

Le noeud sinusal est influencé en permanence par le système nerveux autonome, le sympathique augmentant l'automatisme du noeud sinusal, le parasympathique le diminuant. Ces influences du système nerveux autonome dites extrinsèques, faussent l'analyse de la fonction sinusale, et peuvent dans certains cas faire faussement conclure à une dysfonction sinusale alors que le noeud sinusal est en fait soumis à une influence parasympathique exagérée. L'idéal est d'apprécier la fonction sinusale après avoir bloqué le système nerveux autonome. Ceci est à vrai dire rarement utile, sauf dans quelques cas particuliers ou dans un cadre de recherche. Les produits utilisés sont le propranolol IV à la dose de 0,2 mg/kg et l'atropine IV à la dose de 0,04 mg/kg. La fréquence sinusale après blocage autonomique est dite fréquence sinusale intrinsèque. Elle dépend de l'âge et est égale à 118- (0,57 x âge). Cette valeur est normale en cas de dysfonction sinusale extrinsèque et abaissée en cas de dysfonction sinusale intrinsèque, c'est-à-dire organique. Le test à l'atropine est d'utilisation plus simple. On estime que l'absence d'accélération sinusale au-dessus de 90/min après injection de 0,04 mg/kg d'atropine témoigne d'une dysfonction sinusale.

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Une sonde bipolaire ou quadripolaire est placée à la jonction auriculoventriculaire. L'électrogramme endocavitaire inscrit un potentiel auriculaire (A), un potentiel du faisceau de His (H) et un potentiel ventriculaire (V) (fig 3). Les intervalles AH, HV ou plus précisément HR sont mesurés. De plus la morphologie et la durée du potentiel du faisceau de His sont appréciées.

L'intervalle AH représente le temps de conduction nodal. Il est mesuré entre le début de la première déflection rapide de l'auriculogramme enregistré en position hisienne et le début du potentiel hisien. Sa valeur normale est entre 50 et 120 ms. En réalité, le noeud auriculoventriculaire est très sensible à l'influence du système nerveux autonome et la valeur de AH varie selon l'importance respective des tonus sympathique et vagal. C'est pourquoi, il peut parfois être intéressant de tester la conduction nodale sous l'influence de drogues telles que l'atropine ou les stimulants bêta-adrénergiques.
Le potentiel hisien normal est fin, biphasique ou triphasique et d'une durée inférieure ou égale à 25 ms. Parfois le potentiel du faisceau de His n'est pas aisément identifiable et l'on ne peut trancher entre un potentiel auriculaire tardif et un potentiel hisien. Pour les différencier, il convient de stimuler l'oreillette droite (stimulation à fréquence plus élevée que la fréquence sinusale ou extrastimulation auriculaire), qui s'accompagne d'un allongement du temps de conduction nodal du fait des propriétés décrémentielles de la conduction nodale. Par conséquent, sous l'effet de la stimulation auriculaire, le potentiel du faisceau de His s'éloignera du potentiel auriculaire qui le précède tandis que le potentiel auriculaire tardif restera accolé au potentiel auriculaire.
Les aspects anormaux du potentiel hisien sont variables.

- Dédoublement du potentiel hisien ou phénomène H1-H2 : on enregistre deux potentiels hisiens nettement séparés, avec un intervalle H1-H2 au moins égal à 20 ms et une durée totale de l'activité hisienne atteignant au moins 40 ms (fig 4). Pour ne pas confondre H2 avec le potentiel de la branche droite, il faut que H2-V soit supérieur à 30 ms.
- Fragmentation ou augmentation de durée du potentiel : le potentiel hisien, au lieu d'être fin et de durée normale, devient fragmenté, polyphasique avec des ondes peu voltées, et sa durée dépasse 30 ms.
- Intervalle HV long et QRS fins : le caractère fin des QRS élimine un trouble conductif dans les branches du faisceau de His, l'allongement de l'intervalle HV s'expliquant alors par le siège intrahisien (ou tronculaire) du bloc.
L'intervalle HV représente le temps de conduction intra- et infrahisien. Il est mesuré depuis le début du potentiel hisien jusqu'au début du ventriculogramme le plus précoce sur les dérivations de surface ou sur la dérivation endocavitaire hisienne. À l'état normal, l'intervalle HV est inférieur à 50 ms. Une valeur égale ou supérieure à 70 ms est indiscutablement pathologique et témoigne d'un bloc infrahisien (ou intrahisien si les QRS sont fins) du premier degré. Des valeurs entre 50 et 70 ms ont une signification pathologique moins claire et tout dépend du contexte clinique et du résultat de l'analyse dynamique de la conduction auriculoventriculaire (par stimulation auriculaire). Il est important de placer correctement la sonde hisienne en se repérant sur l'amplitude respective des potentiels auriculaire et ventriculaire : lorsque l'amplitude des potentiels auriculaires est grande, on enregistre le potentiel hisien proximal et l'on ne risque pas de sous-estimer la durée de l'intervalle HV. L'étude dynamique de la conduction auriculoventriculaire nécessite une extrastimulation auriculaire sur rythme auriculaire imposé (à une fréquence de 100/min en général, sinon légèrement supérieure à la fréquence sinusale) ou une stimulation auriculaire à fréquence croissante, de façon à tester son caractère décrémentiel ou non. La conduction auriculoventriculaire normale, empruntant le noeud auriculoventriculaire (puis le faisceau de His et ses branches) est décrémentielle. Ceci signifie qu'une extrasystole auriculaire sera conduite avec d'autant plus de retard aux ventricules qu'elle sera prématurée du fait d'un allongement progressif du temps de conduction nodal, qui se traduit par une augmentation progressive de l'intervalle AH (fig 5). Si l'on met en abscisse les intervalles A1-A2 extrasystoliques et en ordonnée les intervalles H1-H2 résultants, la courbe correspondante normale a une forme en J. Par définition la période réfractaire fonctionnelle du noeud auriculoventriculaire est le plus court intervalle H1-H2 obtenu (fig 5). La période réfractaire effective du noeud auriculoventriculaire est le plus long intervalle A1-A2 non suivi de H2, c'est-à-dire non conduit au His (fig 6). En cas de dualité nodale, fréquemment observée chez les patients sujets à des tachycardies par réentrée intranodale, la courbe est discontinue, la conduction se faisant par la voie rapide du noeud auriculoventriculaire pour les couplages A1-A2 les plus longs puis par la voie lente lorsque la période réfractaire de la voie rapide (plus longue que celle de la voie lente) a été atteinte, ceci pour des intervalles A1-A2 plus courts. En cas de conduction par une voie accessoire auriculoventriculaire (faisceau de Kent), la conduction est non décrémentielle avec une courbe linéaire et les ventriculogrammes sont élargis et préexcités. Une fois la période réfractaire de conduction auriculoventriculaire atteinte, lorsque les extrastimuli S1-S2 sont progressivement raccourcis, on atteint la période réfractaire fonctionnelle de l'oreillette droite (le plus court intervalle A1-A2 obtenu) puis sa période réfractaire effective (le plus long intervalle S1-S2 non suivi d'un auriculogramme A2). Lorsque l'on s'approche de la période réfractaire fonctionnelle de l'oreillette, les potentiels A2 ont physiologiquement tendance à s'allonger un peu, voire à se fragmenter de façon anormale chez les sujets ayant des oreillettes pathologiques, et ceci indique la présence de troubles de conduction intra- et interauriculaires. Il peut arriver, lorsque les périodes réfractaires du noeud auriculoventriculaire sont courtes, qu'elles soient inférieures aux périodes réfractaires auriculaires et donc non mesurables. Certaines anomalies de la conduction intra- et infrahisienne sont mises en évidence par l'extrastimulation auriculaire qui peut démasquer des allongements de l'intervalle HV ou induire des blocs intrahisiens ou infrahisiens du deuxième degré, l'auriculogramme A2 non conduit étant suivi d'un potentiel hisien non conduit aux ventricules. À l'état normal, l'augmentation de la fréquence de stimulation auriculaire s'accompagne d'un allongement progressif du temps de conduction auriculoventriculaire du fait d'un allongement croissant du temps de conduction nodal se traduisant par un allongement de l'intervalle AH. À partir d'une certaine fréquence auriculaire, correspondant au point de Wenckebach, sont observées des séquences de Luciani-Wenckebach, caractérisées par des ondes A bloquées non suivies d'un potentiel hisien, avec lors des cycles précédant le blocage, un allongement progressif de l'intervalle AH (fig 7). Au-delà de ce point, si la fréquence auriculaire est augmentée, la réponse ventriculaire est en 2/1. Chez l'adulte, le point de Wenckebach normal est au-dessus de 150/min. En cas de bloc nodal, cette valeur est abaissée. Des points de Wenckebach inférieurs à 130/min sont pathologiques, et inférieurs à 100/min très pathologiques. Elle est en revanche augmentée lorsque le noeud auriculoventriculaire est " trop perméable ", dit hyperdromique, et alors capable de transmettre en 1/1 aux ventricules des rythmes auriculaires très rapides. Certaines anomalies de la conduction intrahisienne ou infrahisienne ne sont mises en évidence que lors de la stimulation à fréquence croissante, tandis que l'intervalle HV basal est normal (fig 8). Il peut s'agir de blocs du deuxième degré de type I (Luciani-Wenckebach), de type II (Mobitz II) ou 2/1. Les blocs de type I intra- ou infrahissiens sont rares et se caractérisent par un incrément faible de l'intervalle PR, aux dépens de l'intervalle HV. L'espace PR basal est en général normal. L'onde A bloquée est suivie d'un potentiel hisien. Les blocs intrahisiens ou infrahisiens de type II ou 2/1 sont beaucoup plus fréquents. Il faut néanmoins savoir que les blocs 2/1 peuvent aussi être de siège nodal et dans ce cas l'onde A bloquée n'est pas suivie d'un potentiel hisien. De même l'espace PR conduit est généralement long, lorsqu'il s'agit d'un bloc de siège nodal. Enfin, l'effort, l'atropine ou l'Isuprel®, en améliorant la conduction nodale, vont pouvoir transformer un bloc 2/1 en bloc 3/2 ou 4/3, voire rétablir une conduction 1/1 si le siège du bloc est nodal alors qu'ils n'amélioreront pas la conduction auriculoventriculaire si le bloc est de siège intra- ou infrahisien. Le test à l'Ajmaline (antiarythmique de classe I, d'action rapide et brève), a longtemps été utilisé pour évaluer la conduction intra- et infrahisienne mais ne peut plus être employé actuellement. Ce produit n'a plus l'autorisation de mise sur le marché (AMM), y compris dans cette utilisation diagnostique. Son intérêt était, du fait de ses propriétés dépressives sur la conduction distale (intra- et infrahisienne), de démasquer des troubles conductifs distaux non apparents à l'état basal. Rappelons que les réponses anormales lors du test à l'Ajmaline (injectée à la dose de 1 mg/kg/s) étaient un allongement de l'intervalle HV de plus de 50 % par rapport à sa valeur basale, un allongement de HV au-dessus de 100 ms, un bloc du deuxième degré de type I ou II intra- ou infrahisien ou un bloc du troisième degré intra- ou infrahisien. Ce test était en revanche inutile lorsque l'intervalle HV basal était supérieur ou égal à 70 ms. Quelques accidents ont été observés : déclenchements de tachycardies ou de fibrillations ventriculaires parfois mortelles, asystolie. Ces accidents ont imposé le respect scrupuleux des contre-indications : cardiopathie évoluée, en insuffisance cardiaque ou s'accompagnant simplement d'une hypertrophie ou dilatation ventriculaire gauche importante, infarctus myocardique récent, troubles de conduction intraventriculaires majeurs avec élargissement important des QRS au-delà de 180 ms. D'autres produits que l'Ajmaline, tels que le disopyramide, ayant l'AMM, pourraient s'avérer utiles dans le cadre d'explorations électrophysiologiques, mais leur utilisation n'est pour l'instant pas standardisée.
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Chez les patients asymptomatiques ayant un trouble de conduction intraventriculaire, l'exploration endocavitaire n'est pas justifiée car la probabilité de survenue ultérieure d'un BAV est faible. Seules certaines anomalies sont considérées à haut risque de BAV, comme par exemple un bloc de branche alternant ou l'association d'un bloc de branche droit et d'un hémibloc postérieur gauche, et peuvent justifier une exploration, voire un stimulateur cardiaque d'emblée. Les blocs dits trifasciculaires correspondant à l'association bloc de branche droit, hémibloc antérieur gauche, bloc auriculoventriculaire incomplet (BAVI) sont classiquement considérés à haut risque mais sont en fait de risque variable, voisin de celui des blocs de branche droits, hémibloc antérieur gauche si le BAVI est de siège nodal, grave s'il est infrahisien, cas le moins fréquent. Il faut également souligner que le pronostic ne dépend pas seulement du trouble conductif mais d'autres facteurs. L'état cardiaque sous-jacent et celui de la fonction ventriculaire gauche conditionnent grandement le pronostic. La mort subite chez les coronariens porteurs de troubles de conduction intraventriculaires serait plus souvent due à une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire qu'à un BAV paroxystique [ 7 ]. En cas de dysfonction sinusale asymptomatique documentée par l'ECG de surface ou par un enregistrement Holter, une exploration endocavitaire n'est pas indiquée car elle n'apportera rien de plus pour la décision d'implanter un stimulateur qui dans de tels cas n'est pas retenue sauf exception (pauses sinusales très longues). La principale indication des explorations électrophysiologiques endocavitaires est l'exploration des syncopes ou des malaises lipothymiques lorsque la clinique et les explorations non invasives ne sont pas parvenues à identifier leur cause. Le bilan non invasif habituel doit comporter, outre l'ECG, 12 dérivations avec massage sinocarotidien, au moins un Holter, et un test d'inclinaison. La rentabilité diagnostique de l'exploration endocavitaire varie selon la cause des malaises ou des syncopes [ 4 ] : elle est plutôt faible lorsque la cause est une dysfonction sinusale, inférieure à celle de l'enregistrement de Holter ; elle est nettement meilleure lorsque la cause est un BAV paroxystique. L'ECG de surface a une importante valeur d'orientation. S'il est normal, la probabilité d'une exploration endocavitaire pathologique, et donc contributive au diagnostic, sera faible mais non nulle, pouvant parfois révéler une dysfonction sinusale ou un bloc intrahisien. Lorsque l'ECG de surface est anormal, les chances de diagnostiquer un bloc infrahisien du premier, du deuxième ou du troisième degré sont beaucoup plus élevées : certaines anomalies sont hautement suspectes en présence d'une syncope. Ce sont par exemple un bloc de branche gauche complet, l'association d'un bloc de branche droit et d'un hémibloc postérieur gauche, à un moindre degré l'association d'un bloc de branche droit et d'un hémibloc antérieur gauche. Lorsqu'un bloc de branche alternant a été vu, là encore la probabilité de BAV paroxystique est très grande et il existe de fortes chances d'enregistrer un allongement de l'intervalle HV. Lorsque l'exploration est négative, retrouvant une fonction sinusale normale ou une conduction intrahisienne ou infrahisienne normale, on ne peut totalement exclure un BAV ou une dysfonction sinusale paroxystique car il existe des faux négatifs de l'exploration électrophysiologique. Lorsque la description des syncopes évoque fortement un Adams-Stokes, la clinique doit avoir le dernier mot et éventuellement conduire à implanter un stimulateur cardiaque. Toutefois, avant d'envisager cette solution en dernier recours, il faut savoir, surtout en présence d'une cardiopathie associée, évoquer la possibilité de tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires à l'origine des syncopes et essayer de déclencher une tachycardie par stimulation auriculaire ou ventriculaire programmée. L'ECG de surface ne permet pas toujours de préciser la nature et le siège d'un bloc. Lorsque l'on enregistre un BAV III à QRS larges, le siège du bloc est toujours infrahisien et un stimulateur doit être implanté d'emblée sans exploration préalable. S'il s'agit d'un BAV III à QRS fins, le siège du bloc peut être nodal ou intrahisien, et seule l'exploration permettra de le préciser. Comme nous l'avons évoqué plus haut, les blocs du deuxième degré de type I ne sont pas toujours de siège nodal et les éléments permettant de différencier les blocs nodaux de blocs intra- ou infrahisiens ne permettent pas toujours de trancher. En cas de doute, l'exploration électrophysiologique peut apporter la solution, notamment en s'aidant des méthodes d'extrastimulation auriculaire ou de stimulation auriculaire à fréquence croissante. Les blocs du deuxième degré de type II symptomatiques ne méritent pas d'exploration et doivent être appareillés. En revanche, lorsque l'on enregistre un tel bloc chez un patient non symptomatique, l'exploration est utile et peut montrer d'éventuelles extrasystoles hisiennes bloquées mais conduites de façon rétrograde à l'oreillette ou responsables de conduction cachée dans le noeud auriculoventriculaire et le rendant réfractaire lors de la prochaine onde P sinusale ; ce qui peut simuler un bloc de type II. L'intérêt de l'exploration électrophysiologique avant l'implantation d'un stimulateur cardiaque, une fois l'indication posée, est limité. Le choix du mode de stimulation peut être facilement guidé par les données cliniques. De nos jours, le choix s'est simplifié, soit stimulateur simple chambre ventriculaire (VVI) en cas de fibrillation auriculaire permanente, soit stimulateur double chambre (DDD) pour les autres indications : dysfonctions sinusales associées ou non à une fibrillation auriculaire paroxystique, BAV. On peut parfois hésiter entre les deux, en présence d'un BAV paroxystique. En revanche, lorsque l'on envisage un mode stimulateur simple chambre auriculaire (AAI), éventualité devenue plus rare, il est important de s'assurer de l'intégrité de la conduction nodale, intra- et infrahisienne.

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