Pathologie vasculaire de la moelle




Didier Leys: Professeur de neurologie, clinique neurologique, chef du service de neurologie et pathologie neurovasculaire, centre hospitalier et universitaire de Lille
Jean-Pierre Pruvo: Professeur de radiologie, chef du service de neuroradiologie, centre hospitalier et universitaire de Lille
Service de neurologie, CHRU, hôpital Roger-Salengro, boulevard du Pr J Leclercq, 59037 Lille cedex France
11-751-A-10 (1997)



Résumé

Les pathologies vasculaires de la moelle sont rares. Les infarctus médullaires sont responsables de paraplégies parfois sévères. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est l'examen de choix pour exclure d'autres causes de syndromes médullaires aigus et parfois pour visualiser l'infarctus. Les causes les plus fréquentes sont les pathologies de l'aorte et les causes iatrogènes. Il n'y a pas de traitement spécifique validé hormis la prévention des complications. Les lésions hémorragiques sont souvent la conséquence de malformations artérioveineuses ou de troubles de l'hémostase. Le traitement de prédilection des malformations est la radiologie interventionnelle alors que la chirurgie reste le traitement de choix des hématomes.

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Plan

Introduction
Infarctus artériels de la moelle
Infarctus veineux de la moelle
Lésions hémorragiques médullaires et périmédullaires
Malformations vasculaires médullaires et périmédullaires
Conclusion

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L'incidence de la pathologie vasculaire de la moelle est très faible par rapport à celle de la pathologie vasculaire cérébrale [ 10 ]. La vascularisation médullaire est pourtant l'une des plus complexes de l'organisme, en raison du nombre important d'artères qui y contribuent [ 6 ].

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Ils se rencontrent en général au niveau dorsal ou lombosacré.


Infarctus du territoire de l'artère spinale antérieure
Les infarctus totaux du territoire spinal antérieur concernent les trois quarts antérieurs de la moelle. Quelques minutes après une douleur dorsale aiguë survient une paraplégie flasque massive. Les déficits sensitifs se limitent à une anesthésie à la douleur et à la température sous le niveau de l'infarctus. La paraplégie est le plus souvent massive, contrairement aux cas d'occlusion d'une artère radiculaire [ 4 ]. Un infarctus partiel du territoire de l'artère spinale antérieure peut être limité aux cornes antérieures, très vulnérables à l'anoxie. Le déficit neurologique typique associe une paraplégie flasque sans trouble sensitif ou sphinctérien. Les formes subaiguës peuvent simuler une sclérose latérale amyotrophique [ 4 ]. Des paraplégies progressives sont parfois dues à un état criblé de la moelle chez des patients présentant un athérome de l'aorte [ 1 ]. Un syndrome de Brown-Sequard peut être observé en cas d'artère spinale antérieure double, chaque partie de celle-ci vascularisant une hémimoelle.

Infarctus localisés du territoire spinal postérieur
En raison de la multitude des afférences alimentant les artères spinales postérieures. les infarctus de ce territoire sont très rares [ 5], [11 ], surtout avant l'IRM [ 2], [11 ]. Ce type d'infarctus concerne le tiers postérieur de la moelle, implique la partie la plus superficielle des cordons postérieurs, la base des cornes postérieures et la partie la plus postérieure du cordon latéral de la moelle, et est souvent bilatéral. Le tableau clinique est caractérisé par des paresthésies et l'abolition du sens vibratoire sous le niveau de l'infarctus.

Infarctus transverses totaux de la moelle
Ils sont liés à l'occlusion des artères spinales postérieures et antérieures. La zone concernée par l'infarctus s'étend parfois partiellement au-dessus ou en dessous de la lésion principale. La paraplégie flasque est aiguë, massive, associée à des troubles sphinctériens et à une anesthésie sous-lésionnelle parfois associée à une bande d'hypoesthésie relative au-dessus de la zone anesthésiée.

Infarctus centromédullaires
Ils peuvent être isolés, ou représenter l'extension vers le haut ou le bas d'un infarctus médullaire transverse total [ 7 ]. Ils sont habituellement considérés comme d'origine hémodynamique.

Le but du bilan est, face à un syndrome médullaire aigu, de reconnaître l'infarctus médullaire et d'en déterminer la cause. La démarche diagnostique est résumée dans le tableau I.


Visualisation de l'infarctus médullaire
Elle est possible grâce à l'IRM de dernière génération [ 5 ]. A la phase aiguë, l'infarctus est iso-intense en séquence pondérée en T1 [ 7 ], puis devient hypo-intense et s'associe à une augmentation de calibre de la moelle [ 7 ]. L'imagerie T2, plus sensible, retrouve un hypersignal sur les coupes sagittales en écho de spin. Ces caractéristiques ne sont cependant pas spécifiques.

Détermination de l'étiologie de l'infarctus médullaire
La ponction lombaire, à la recherche d'étiologies infectieuses ou néoplasiques, n'est utile que lorsque le diagnostic étiologique de l'infarctus médullaire ne peut être posé à partir des données cliniques et d'imagerie. L'angiographie médullaire n'est que rarement nécessaire. Elle peut être utile pour dépister une sténose ou une occlusion d'une artère sous-clavière, vertébrale ou intercostale. L'échographie, le scanner et l'IRM peuvent être utiles pour dépister une pathologie de l'aorte.

La plupart des infarctus médullaires sont la conséquence d'une affection touchant une grosse artère, habituellement l'aorte, plus rarement d'une embolie ou d'une affection intrinsèque des artères intraspinales.

Pathologies des grosses artères
Les pathologies aortiques, comprenant occlusions, anévrismes, dissections et coarctation, peuvent compromettre la vascularisation médullaire. Il en est de même de la radiologie diagnostique et interventionnelle nécessitant un cathétérisme aortique. L'occlusion d'une artère vertébrale ne peut induire d'infarctus médullaire que si elle est bilatérale, ce qui peut être observé dans les dissections [ 7 ]. Des infarctus médullaires peuvent survenir après occlusion d'une artère intercostale contribuant à la vascularisation de la moelle en alimentant l'artère spinale antérieure. Ces artères peuvent être oblitérées au cours d'un geste chirurgical en particulier une résection costale.

Occlusions primitives des artères spinales
L'occlusion de la partie haute de l'artère spinale antérieure due à une thrombose in situ est responsable d'une douleur dorsale brutale. Elle peut se rencontrer dans la syphilis, la tuberculose, le zona, la sarcoïdose, la maladie de Lyme et les méningites fongiques ; le liquide céphalorachidien permet le diagnostic de ces affections ; les autres causes potentielles sont l'artérite gigantocellulaire, la drépanocytose, les affections rhumatologiques et traumatiques du rachis, alors que l'athérome des artères spinales antérieures est très rare. Certains infarctus médullaires peuvent être dus à des causes cardioemboliques, des embolies de cholestérol ou de fragment de disque intervertébral [ 8 ]. Les cas exceptionnels d'occlusion des artères spinales postérieures étaient dus à des injections intrathécales, à la syphilis, à des traumatismes et rarement à l'athérome.

Occlusions des petites artères médullaires
De nombreuses affections peuvent toucher les petits vaisseaux intramédullaires [ 7 ]. Les infarctus dus à l'occlusion de petits vaisseaux intramédullaires sont habituellement limités à la partie centrale de la moelle et entraînent un syndrome syringomyélique qui peut survenir à tous niveaux de la moelle. Les caractéristiques cliniques sont l'installation progressive sur plusieurs années. Les causes habituelles sont la syphilis, la périartérite noueuse, le lupus érythémateux aigu disséminé, la maladie de Sjögren, la maladie rhumatoïde, la sarcoïdose et la radiothérapie.

Défaillance hémodynamique aiguë
Un infarctus médullaire peut être observé après une hypotension sévère et prolongée, lors d'un choc ou d'un arrêt cardiaque, d'un geste de chirurgie cardiovasculaire, d'un infarctus du myocarde, ou dans certains syndromes de Stokes-Adams [ 7 ]. La plupart des infarctus médullaires d'origine hémodynamique sont localisés au niveau D4.

Compressions de la moelle
Toute compression médullaire peut entraîner un infarctus médullaire par altération de l'hémodynamique des vaisseaux médullaires.

Indépendamment de la cause, le traitement des infarctus médullaires est symptomatique. Les thérapeutiques ayant pour but de limiter l'extension de l'infarctus médullaire n'ont jamais fait la preuve d'une efficacité pour réduire les conséquences de l'ischémie médullaire.

Bien que les fonctions motrices s'améliorent souvent un peu, la plupart des patients gardent des phénomènes douloureux invalidants et une paraplégie [ 10 ].

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Plusieurs cas d'infarctus médullaires ont été rapportés à des thromboses veineuses [ 2], [3], [9 ]. Les infarctus veineux de la moelle entrent le plus souvent dans le cadre de malformations artérioveineuses médullaires ou durales, de coagulopathies, de compressions tumorales et d'accidents de décompression. Hormis dans ce dernier contexte, l'héparine est habituellement recommandée pour éviter l'extension de l'occlusion veineuse.

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Les hématomyélies spontanées et les hémorragies sous-arachnoïdiennes spinales surviennent au cours de malformations artérioveineuses spinales ou de télangiectasies, angiomes caverneux, ou malformations veineuses [ 12 ]. Les hémorragies sous-arachnoïdiennes spinales peuvent, en outre, être dues à la rupture d'un anévrisme d'une artère spinale ou d'une fistule artérioveineuse spinale. Le diagnostic repose sur l'IRM et l'angiographie.

La plupart de ces hématomes sont dus aux anticoagulants, aux anomalies vasculaires spinales et aux ponctions lombaires. Le tableau clinique est celui d'une compression médullaire, ou de la queue de cheval, installé sur quelques heures. Le diagnostic repose sur l'IRM et le traitement est chirurgical.

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Elles varient selon le type d'artères qui les alimentent. Leur classification est résumée dans le tableau II. Le diagnostic de la plupart de ces malformations repose sur l'IRM et l'angiographie médullaire [ 12 ]. Le traitement de choix en est la radiologie interventionnelle, hormis dans de très rares cas où la chirurgie garde quelques indications.


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Bien que la pathologie vasculaire de la moelle soit rare, elle fait l'objet d'un intérêt croissant en raison des progrès de la radiologie qui en a facilité le diagnostic et le traitement.

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