Endoprothèses coronaires




Marie-Claude Morice: Cardiologue
Institut cardiovasculaire Paris-Sud, clinique du Bois de Verrières, 48, rue du Colonel-Fabien, 92160 Antony France
11-030-S-10 (1996)



Résumé

Mise au point par Gruentzig en 1979, la technique d'angioplastie coronaire a pris, de façon explosive, une place prépondérante dans le traitement de la maladie coronaire. Cependant, dès le début de son développement et sans guère de modification dans les années qui ont suivi, sont apparues ses deux limitations majeures :

- 4 à 5 % des procédures électives se compliquent, de façon assez imprévisible, d'occlusion du vaisseau, le mécanisme le plus fréquent en est une dissection coronaire. Ces occlusions, malgré un traitement par inflations prolongées, nitrés et thrombolytiques intracoronaires, conduisaient souvent aux complications graves de l'angioplastie que sont la chirurgie (3,4 % dans le 85 ou 86 NHLBI PTCA registry) l'infarctus et le décès [ 5 ], en outre la chirurgie en urgence se complique volontiers de 25 à 30 % d'infarctus avec onde Q et la mortalité n'est pas nulle [ 2], [4 ] ;
- le second inconvénient majeur de l'angioplastie coronaire est la resténose qui survient dans 16 à 34 % des procédures [ 8], [9 ] pouvant atteindre 40 % ou plus dans certaines localisations à risque telles que l'artère interventriculaire antérieure (IVA) proximale, l'ostium de la coronaire droite, les zones d'angulation ou après angioplastie d'une occlusion totale et les vaisseaux de petit calibre et l'anastomose proximale des greffons veineux. Depuis de nombreuses années, un grand nombre de médicaments ont été testés pour essayer de faire baisser ce taux de resténose ; il faut bien dire que toutes ces études ont été très décevantes, aucun médicament n'ayant prouvé son efficacité.
Dès 1969, Dotter [ 6 ] propose et met en place une spirale métallique (stent) pour maintenir la paroi artérielle et prévenir la resténose. Le stent idéal doit être flexible, biocompatible, durable, facile à déployer, enfin radio-opaque. De nombreuses recherches ont été faites dans ce domaine, d'abord sur l'animal puis dans les artères périphériques chez l'homme. C'est en mars 1986 que furent implantés les premiers stents coronaires chez l'homme ; il s'agit des stents Médinvent qui furent implantés à Toulouse par Puel [ 11 ] et à Lausanne par Sigwart [ 15 ]. A l'automne 1987, ont été implantés les premiers stents coronaires de Palmaz, modifiés ensuite grâce à une articulation (Palmaz-Schatz) et implantés en 1988. En 1987, avec l'accord de la Food Drug Administration (FDA), sont implantés les premiers stents de Gianturco Roubin dans les indications de complication aiguë d'angioplastie, les patients devant être opérés dans les suites. Les prothèses endocoronaires ont ensuite connu un développement important tant sur le nombre de prothèses implantées que sur la variété de prothèses. Très rapidement leur principale limitation à été mise en évidence : le fait qu'elles soient capables d'entraîner des thromboses subaiguës a conduit Roubin [ 12 ] et Schatz [ 13 ] à recommander très vite l'utilisation d'un traitement anticoagulant lourd après implantation associant Asprine®, Persantine®, héparine intraveineuse pendant plusieurs jours relayés par des antivitamines K.

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Plan

Différentes prothèses endocoronaires disponibles (tableau I)
Stent et dissection
Stent et prévention de la resténose
Autres indications
Protocole thérapeutique
Limitations
Futurs développements

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- Le Wallstent (Schneider Europe) (fig 1) est fait d'un tressage d'un maillage de guide de cobalt. C'est un stent autoexpandable qui est étiré sous une gaine, le stent s'expand au fur et à mesure que l'on retient la gaine. Il est prémonté sur un système 5F. Les diamètres disponibles vont de 3,5 à 6 mm et les longueurs de 12 à 35 mm. C'est le seul stent autoexpandable du marché ; il a l'avantage d'avoir de grandes longueurs et d'être très approprié pour les vaisseaux de gros diamètre ; une de ses meilleures indications est l'implantation dans les ponts veineux.
- Le stent de Palmaz-Schatz (fig 2) est un tube d'acier taillé au laser. Originellement, il comportait deux unités de 7 mm avec une petite articulation entre les deux. Il existe maintenant en plusieurs longueurs avec des articulations modifiées en 8 mm, 9 mm, 14 mm, 15 mm et 18 mm. Il peut être livré sur un système de délivrance qui comporte une gaine de protection ou bien être monté à la main sur un ballon conventionnel. Des travaux ultrasonographiques récents, en particulier ceux de Colombo [ 3 ], ont bien montré que pour obtenir un déploiement correct du stent de Palmaz-Schatz, il était indispensable d'utiliser de hautes pressions d'inflation (supérieures à 15 atmosphères). Le stent de Palmaz-Schatz est assez peu radio-opaque d'où la nécessité d'une excellente installation radiologique pour le mettre en place. C'est de loin, actuellement, le stent le plus implanté de par le monde.
- Le Flex-stent de Gianturco-Roubin (Cook) (fig 3) est fait d'une boucle d'un fil d'acier qui le rend très flexible, c'est un stent très aéré, très peu métallique et qui a pour avantage de ne pas occlure les branches latérales et même d'en permettre l'accès pour une dilatation secondaire ou même une implantation d'une deuxième prothèse endocoronaire. Il est actuellement monté sur un ballon assez médiocre mais il va être disponible prochainement sur un ballon beaucoup plus performant. Les tailles disponibles sont 2,5, 3, 3,5 et 4 mm, en longueur 12 et 20 mm. Il est moyennement radio-opaque. Son avantage est qu'il négocie relativement bien les courbes.
- Le microstent AVE (fig 4) récemment arrivé sur le marché est également un stent métallique fait de fils d'acier en zigzag déployé à l'aide d'un ballon. Il s'agit d'unité de 4 mm de long ou de 8 mm avec un petit pont. Les longueurs disponibles sont donc 4, 8, 12, 16 mm et les diamètres 3, 3,5 et 4 mm. L'avantage de ce stent est une bonne radio-opacité et une excellente capacité à descendre dans les artères, même très tortueuses.
Nous ne parlerons pas du stent de Strecker (Boston Scientific), fait en tantalum, puisqu'il a été récemment retiré du marché. Enfin, le dernier stent qui est encore assez largement implanté de par le monde est le Medtronic Wiktor (fig 5) coronary stent qui est composé d'une maille tricotée de tantalum et qui est monté sur un ballon avec lequel il est délivré. C'est un stent très radio-opaque qui ne compromet pas les branches collatérales. Son inconvénient est qu'il faut le manipuler avec précaution, en particulier en refranchissement car il y a le risque de le déplacer et même de le détricoter complètement. D'autres stents sont à venir et paraissent très prometteurs : il s'agit du stent de Cordis (fig 6) fait de tantalum, disponible en 3, 3,5 et 4 mm sur une longueur de 15 mm, qui semble avoir l'avantage d'être fait d'une sinusoïde unique hélicoïdale. Son avantage est qu'avec son système de délivrance, il permet de franchir les tortuosités et peut être refranchi avec facilité. Enfin, l'ACS stent (fig 7) est un stent en acier, peu radio-opaque avec des fils d'acier très fins et un dessin très harmonieux ce qui devrait lui permettre une bonne flexibilité et surtout un excellent étayage de la paroi.
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Dès 1988, Ulrich Sigwart publiait le premier article sur les indications de mise en place de prothèses endocoronaires dans les complications d'angioplastie à l'aide du stent de Médinvent montrant chez 13 patients d'excellents résultats avec juste deux infarctus sans chirurgie d'urgence et sans décès. Ensuite dans de nombreuses équipes, cette indication a été retenue, conduisant parfois à des mises en place de prothèses endocoronaires multiples pour couvrir de longues dissections. Le stent le plus employé dans cette indication est le Gianturco-Roubin [ 13 ] et également le Palmaz-Schatz. Cette large utilisation des prothèses endocoronaires dans les complications de l'angioplastie a permis une amélioration très significative des résultats immédiats et une diminution tout à fait significative des taux de mortalité mais surtout d'infarctus et de chirurgie en urgence. Le taux de chirurgie, en particulier, est inférieur à 1 % dans les équipes qui utilisent largement les prothèses endocoronaires. Ces bons résultats font remettre en question le dogme du stand-by chirurgical au cours des angioplasties. Il faut cependant retenir que cette indication de stent en situation de sauvetage artériel (bail-out) est grevée d'un risque plus important d'occlusion subaiguë.
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L'année passée ont été publiées deux études randomisées majeures comparant l'angioplastie au ballon simple à l'implantation d'une prothèse endocoronaire sur des lésions de novo. L'une de ces études est européenne, c'est l'étude Benestent [ 14 ], l'autre est américaine, c'est l'étude Stress [ 7 ]. Les critères d'inclusion sont pratiquement semblables dans les deux études : 520 malades ont été randomisés dans Benestent, 410 malades ont été randomisés dans Stress. Les deux études concluent à un meilleur résultat immédiat et à moyen terme obtenu chez les patients qui ont reçu un stent que chez ceux qui ont été traités au ballonnet avec, dans Benestent, moitié moins de redilatation à 7 mois et un taux de resténose angiographique de 22 % dans le groupe stent contre 32 % dans le groupe ballon. L'étude Stress donne des résultats comparables. C'est la première fois qu'une thérapeutique met en évidence une amélioration nette du taux de resténose et devrait pouvoir conduire à un élargissement important des indications. Cependant, le prix à payer est dû au traitement anticoagulant lourd qui entraîne un taux de complication vasculaire élevé (8 % dans l'étude Benestent) et une durée d'hospitalisation prolongée. En fait, le gain obtenu en termes de resténose par le stent dans ces deux études est dû à un bien meilleur résultat initial et non pas à une diminution de la prolifération musculaire lisse qui est identique dans les deux groupes. Dans ces deux études, les lésions traitées sont des monolésions courtes de novo sur des artères natives de 3 mm et plus.
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Dans ces deux situations, on est en présence de rupture de plaque avec fréquemment présence de thrombus qui représente une contre-indication classique au stenting. Les nouveaux traitements antiplaquettaires des études pilotes actuellement en cours (registre français Stentim, étude Pami III Pilot) donnent des résultats préliminaires qui laissent entrevoir la possibilité de résultats favorables. Comme on l'a dit les études Benestent et Stress concernent des lésions de novo. Des études sont actuellement en cours pour valider cette indication. L'angioplastie conventionnelle des sténoses de greffon pose des problèmes spécifiques avec un risque élevé de resténose (40 à 70 %), un risque élevé d'embolisation vers la distalité du lit coronaire (15 à 20 %) et en raison du caractère souvent diffus des lésions ; la mise en place d'une ou plusieurs prothèses en plaquant l'athérome contre la paroi permet à la fois de réduire le risque d'embolie périphérique et la fréquence des resténoses (20 à 40 %) ; le risque de thrombose subaiguë du stent dans cette indication est par ailleurs rare vu le gros calibre des pontages veineux (souvent plus de 4 mm) : l'implantation d'une endoprothèse est donc actuellement presque systématique en complément de la dilatation par ballon d'un greffon veineux.
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On rappelle qu'une des limitations majeures de l'utilisation de prothèses endocoronaires est le traitement conventionnel qui associait aspirine, Persantine®, antivitamines K et héparine pendant au moins 1 semaine, rendant l'hospitalisation longue et le taux de complication locale au point de ponction fémoral élevé. Dès 1992, plusieurs équipes françaises souhaitaient modifier ce traitement dans le but d'une meilleure efficacité et d'une simplification. Le premier protocole a constitué à remplacer les antivitamines K par des héparines de bas poids moléculaires, ce protocole était plus simple mais il a échoué et à diminuer le taux d'occlusion subaiguë. Informés des bons résultats du docteur Baragan [ 1 ] obtenus avec la ticlopidine, cinq centres français décident, sur les conseils du docteur Benveniste, hématologue, de prescrire aux patients porteurs d'une prothèse endocoronaire un traitement antiplaquettaire agressif associant ticlopidine et aspirine à petites doses tout en laissant les patients sous héparine de bas poids moléculaire [ 10 ]. Ces équipes obtiennent d'emblée de remarquables résultats avec un taux de subocclusion de 1,3 % quel que soit l'indication du stenting. Ces bons résultats sont attribués à l'association antiplaquettaire. Il est alors décidé de réduire progressivement la durée du traitement par héparine de bas poids moléculaire, la phase 3 ne comprend plus que 15 jours d'héparine de bas poids moléculaire, la phase 4 1 semaine et dans la phase 5, débutée en décembre 1994, le traitement anticoagulant est complètement supprimé. Les résultats en terme de subocclusion restent aussi bons, la plupart des équipes françaises ont rejoint ce groupe et le registre des patients stentés avec ce traitement comprend maintenant plus de 2 200 patients avec un taux d'occlusion à 1,7 %, un taux de complication locale très bas et la possibilité d'une sortie précoce. Un autre avantage de ce traitement réside dans un suivi extrêmement simple consistant en une prise de sang au 15e jour pour s'assurer qu'il n'y a pas de leucopénie ou d'élévation enzymatique hépatique induite par le Ticlid®.
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Les matériels actuellement utilisés ont une relative limitation technique. La rigidité des systèmes rend l'accès parfois difficile au-delà de tortuosités importantes et en distalité des artères. Les stents actuellement disponibles ne donnent de bons résultats que sur les artères dont le diamètre est supérieur à 3 mm. Mais la principale limitation est d'ordre économique ; à titre indicatif, le prix actuel des prothèses est compris entre 9 000 et 14 000 F se rajoutant au coût habituel de l'angioplastie.
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La diminution des complications aiguës de l'angioplastie obtenue par la mise en place de prothèses endocoronaires, les excellents résultats obtenus dans les études randomisées Benestent et Stress, la simplification et la meilleure efficacité du traitement appliqué après la mise en place de prothèses endocoronaires ont permis d'élargir considérablement les indications de ces prothèses, de nombreux centres les utilisant actuellement dans 20 à 70 % des indications, Il est clair que les endoprothèses ne règlent pas la totalité du problème de la resténose qui est triple : si elles sont efficaces sur la partie remodelage et la partie resténose élastique, elles sont sans effet et même néfastes sur la prolifération cellulaire générée par l'angioplastie. Il est probable que la prévention de la resténose devrait passer par l'association d'un étayage mécanique de la paroi tel qu'on l'obtient par les prothèses endocoronaires associé à un traitement antiprolifératif délivré localement soit par les ballons à diffusion locale que l'on voit se développer actuellement, soit par des drogues ou des traitements appliqués sur la prothèse elle-même. D'ores et déjà, Johnson et Johnson mettent à disposition, pour l'étude Benestent II, des stents sur lesquels un habillage d'héparine est fixé dans le but de pouvoir supprimer tout traitement anticoagulant. Les recherches actuelles antiprolifératives se font vers des substances chimiques délivrées localement à grosses doses, des irradiations aux ultraviolets ou à la lumière rouge ou même des thérapies géniques locales. Enfin sont également étudiées des prothèses biodégradables qui semblent actuellement donner des résultats peu satisfaisants mais qui devraient être rapidement améliorés. Quoi qu'il en soit, l'arrivée des prothèses endocoronaires a d'ores et déjà marqué une étape majeure de la cardiologie interventionnelle, certainement la plus importante depuis la mise au point de l'angioplastie au ballonnet par Gruentzig et devrait prendre une place grandissante ; elle devrait représenter probablement après les améliorations techniques à venir, la fin obligatoire de toute procédure d'angioplastie.

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