Embryologie cardiaque







Lucile Houyel: Cardiopédiatre
Service de chirurgie des cardiopathies congénitales (Pr Claude Planché), hôpital Marie Lannelongue, 133, avenue de la Résistance, 92350 Le-Plessis-Robinson France
11-001-C-10 (1998)



Résumé

La formation du coeur est extrêmement précoce, débutant à la troisième semaine de vie intra-utérine, stade auquel apparaissent les premiers battements cardiaques. Dès ce stade le tube cardiaque rectiligne possède deux segments prédéterminés, auriculaire et ventriculaire. Avant la fin de la troisième semaine va se former la boucle cardiaque, stade majeur du développement dont le bon déroulement, en particulier la convergence des voies d'éjection et d'admission, est absolument nécessaire pour que l'alignement des différents segments du coeur se forme de façon correcte. Pendant la quatrième semaine, les ventricules se développent et la septation cardiaque débute, ainsi que la circulation sanguine, encore en série ; les arcs aortiques et les grandes veines systémiques commencent également leur formation. Pendant la cinquième semaine se poursuit la septation cardiaque (oreillettes, ventricules, conotruncus), la septation ventriculaire (à partir de la jonction interventriculaire primitive) étant intimement liée à la formation des valves auriculoventriculaires (développement de la jonction auriculoventriculaire droite) et à la formation de la chambre de chasse du ventricule gauche (absorption du conus sous-aortique). Le développement du système de conduction est lui aussi intimement lié à la septation cardiaque. Ces modifications se poursuivent pendant la sixième et la septième semaine (fin de la septation ventriculaire, et du développement des arcs aortiques). Le développement cardiaque est en règle achevé à la huitième semaine de vie intra-utérine (10 semaines d'aménorrhée), la maturation des systèmes artériel et veineux, et à l'intérieur du coeur des valves auriculoventriculaires et semi-lunaires, se poursuivant ensuite pendant les 4 premiers mois de la grossesse. Les mécanismes immunohistochimiques de l'embryogenèse cardiaque sont de mieux en mieux connus, et tous les détails de cette formation devraient s'éclaircir dans les années à venir.

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Plan

Introduction
Stades initiaux du développement cardiaque : formation du tube cardiaque et de la boucle cardiaque
Chronologie globale du développement cardiaque
Développement des ventricules
Développement du canal atrioventriculaire
Développement des oreillettes
Développement du conotruncus
Développement des arcs aortiques
Développement du système veineux
Développement des tissus de conduction
Développement des coronaires

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Le coeur est le premier organe fonctionnel du foetus, les premiers battements cardiaques apparaissant dès le début de la troisième semaine de vie intra-utérine. La connaissance de l'embryologie cardiaque, outre l'aspect fascinant que comporte le développement d'un organe aussi complexe que le coeur humain, est extrêmement utile, d'un point de vue pratique, pour comprendre l'anatomie et la physiologie des cardiopathies congénitales. L'analyse segmentaire des cardiopathies congénitales, développée par Van Praagh en 1964 [ 49 ], est une approche à la fois anatomique et embryologique, permettant un diagnostic très précis des cardiopathies complexes. Les facteurs étiologiques des cardiopathies congénitales sont encore mal connus. L'origine génétique est prouvée dans certaines anomalies, mais il s'agit dans la majorité des cas d'une étiologie multifactorielle où gènes et environnement interviennent à des degrés variables.
L'embryologie cardiaque a pendant longtemps été purement descriptive, s'appuyant sur l'examen d'embryons humains mais aussi d'autres espèces animales (phylogénétique). Ensuite sont apparues les premières études expérimentales sur l'embryon de poulet en particulier, utilisant l'apport de forces extérieures, ablation chirurgicale de certains segments ou administration d'agents tératogènes. Enfin, plus récemment, les progrès de la biologie moléculaire, permettant de suivre à l'aide de marqueurs la destinée des cellules de l'embryon humain, ont permis la compréhension d'étapes du développement aussi importantes que la septation ventriculaire et la formation des valves auriculoventriculaires, et s'appliqueront certainement dans un proche avenir aux autres domaines de la morphogenèse cardiaque. À l'ère où l'on opère de plus en plus tôt des cardiopathies de plus en plus complexes, ces progrès prennent toute leur importance. Surtout, dans l'avenir, ils pourraient permettre de prévenir certaines malformations en agissant dès le stade embryonnaire.
Au cours de ce chapitre, seront successivement évoqués les premiers stades du développement cardiaque, jusqu'à l'étape fondamentale que représente la formation de la boucle cardiaque ; puis une vue chronologique globale de la morphogenèse cardiaque ; enfin sera traité en détail le développement de chacun des segments du coeur.

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La formation du tube cardiaque et de la boucle cardiaque s'effectuent du 15e au 23e jour de vie intra-utérine.

L'ébauche cardiaque n'apparaît qu'au début de la troisième semaine de vie de l'embryon. Pendant les 2 premières semaines de vie intra-utérine, celui-ci ne possède ni coeur, ni système circulatoire, les besoins métaboliques étant assurés par simple diffusion.
Le coeur dérive du mésoderme ou mésoblaste, troisième feuillet du disque embryonnaire situé entre l'endoderme, feuillet ventral (entoblaste), et l'ectoderme, feuillet dorsal (ectoblaste) [ 18 ]. Les cellules du mésoderme se groupent en amas cellulaires angioformateurs (angiogenetic cell clusters) [ 29 ]. Ces amas, qui trouvent leur origine de chaque côté de la ligne primitive, migrent vers la partie céphalique de l'embryon et se rejoignent en avant de la plaque neurale pour former un plexus vasculaire en forme de fer à cheval (fig 1), la plaque cardiogénique [ 8 ]. Secondairement, la plaque cardiogénique est clivée en deux couches, ventrale et dorsale, par la cavité coelomique. La couche dorsale ou somatopleure formera le péricarde. La plus grande partie de la couche ventrale ou splanchnopleure donnera naissance au myocarde. Le coelome intraembryonnaire formera, outre la cavité péricardique, les cavités pleurale et péritonéale. C'est à ce stade que se produit, en raison de la croissance rapide du tube neural (futur cerveau) et de la flexion céphalocaudale de l'embryon, un changement d'orientation de la plaque cardiogénique, qui se retrouve en arrière et en position ventrale par rapport à l'ébauche du système nerveux central et à la membrane buccopharyngée [ 7 ]. L'ébauche cardiaque, sous forme de deux plaques latérales qui vont s'invaginer pour acquérir une structure tubulaire, est donc repoussée en position cervicale, puis thoracique [ 29 ]. Dans le même temps, en raison de la croissance rapide des somites (segments du mésoblaste para-axial, allant de la région cervicale à la région coccygienne, future colonne vertébrale), le disque embryonnaire se replie aussi transversalement. Cette inflexion latérale permet le rapprochement des deux tubes cardiaques latéraux, qui vont ensuite fusionner sur la ligne médiane pour former le tube cardiaque primitif. Le processus de fusion entre les deux tubes primitifs, situés à l'origine en dehors de la cavité péricardique, s'accompagne de leur invagination dans cette dernière [ 53 ]. Au point où se produit cette invagination, le tube cardiaque reste attaché temporairement à la paroi dorsale de la cavité péricardique par un feuillet mésoblastique, le mésocarde dorsal. À aucun moment il ne se forme de mésocarde ventral. Pendant ce temps, le mésoderme de la splanchnopleure adjacent aux tubes cardiaques va s'épaissir graduellement, pour former, lors de la fusion des deux tubes, une gaine myoépicardique. L'endocarde et le myocarde sont séparés par une matrice extracellulaire contenant des glycosaminoglycanes et des protéines, la gelée cardiaque (fig 2). L'épicarde qu'on pensait auparavant dérivé de la splanchnopleure (d'où le nom de gaine myoépicardique) trouve en fait son origine au pôle veineux de l'ébauche cardiaque puis vient migrer à la surface du myocarde [ 32], [51 ].


La formation du tube cardiaque primitif est normalement achevée au 22e ou 23e jour de vie intra-utérine. C'est à ce stade que les premières contractions cardiaques vont apparaître, d'abord péristaltiques, puis rythmées. Dès cet instant, le coeur va devoir se développer en même temps qu'il assure son rôle de pompe, les forces engendrées par sa contraction influençant inévitablement la morphogenèse cardiaque.
À ce stade, le tube cardiaque primitif est rectiligne et, contrairement à la représentation classique (cinq segments), seuls deux segments sont individualisables histologiquement, grâce à l'étude de l'expression des isoformes des chaînes lourdes de la myosine [ 36], [56 ] : un segment auriculaire et un segment ventriculaire.
La différenciation des lignées cellulaires, ou phénotypes, cardiomyogéniques survient très tôt, avant même la formation des cavités cardiaques. Elle est déterminée par la position des cardiomyocytes selon un axe antéropostérieur à l'intérieur du mésoderme cardiogénique, probablement établie dès la gastrulation [ 56 ]. Les ventricules dérivent des cellules précurseurs antérieures, les oreillettes des cellules postérieures. Ceci a été démontré par les études de transplantation cellulaire chez l'embryon de poulet, le changement de position des cellules selon le gradient craniocaudal pouvant altérer leur phénotype. Le processus initial conduisant à l'établissement de cette polarité est l'activation d'un gène codant pour l'expression d'une homéoprotéine (gène homéobox). L'acide rétinoïque, agent tératogène puissant, agit directement sur la régulation des gènes d'expression des homéoprotéines. Son influence sur la morphogenèse cardiaque est double : action sur la vocation du mésoderme à se différencier en lignées cellulaires cardiogéniques au moment de la gastrulation, et à un stade plus tardif, action sur la diversification de ces cellules en lignées antérieure et postérieure.
Le tube cardiaque primitif n'a donc pas de segments à proprement parler mais une polarité antéropostérieure. D'autre part, le flux laminaire propulsé à travers le tube est déjà formé de deux flux séparés, un droit et un gauche, notion majeure qui conduira à la septation cardiaque [ 22 ].

Le tube cardiaque primitif va s'incurver pour former une boucle à convexité droite (D-loop), initialement en forme de C, puis après la rupture du mésocarde dorsal, de forme sigmoïde en S. Les mécanismes qui président à ce stade fondamental du développement cardiaque ne sont encore qu'imparfaitement élucidés. Il semble s'agir d'une propriété intrinsèque du coeur, programmée à l'intérieur du myocarde et inaccessible aux influences extrinsèques, du moins à son stade le plus précoce ou early looping [ 25 ] : la boucle se forme même sur un coeur explanté et même en l'absence de circulation sanguine [ 6], [38 ]. Le phénomène est très rapide et il s'agit avant tout d'une déformation, par opposition à un mécanisme de croissance cellulaire différentielle évoqué auparavant [ 33 ]. L'initiation de la boucle semble liée à une soudaine hydratation de la gelée cardiaque, entraînant une augmentation marquée de la pression interne, qui va se répartir inégalement en fonction des propriétés régionales de déformabilité des parois cardiaques [ 40 ]. L'apparition de myofibrilles à l'intérieur des cellules myocardiques pourrait aussi jouer un rôle déterminant [ 8 ]. L'expérience d'Itasaki [ 21 ] est à cet égard très intéressante : l'application d'un cristal de cytochalasine B à la partie caudale du tube cardiaque (la cytochalasine B, en se fixant sur les filaments d'actine, induit une désorganisation des myofibrilles) ne change pas la direction de la boucle s'il est fixé du côté gauche, et la modifie (L-loop) s'il est fixé du côté droit. Dans ce dernier cas, la forme du coeur varie selon le stade auquel le cristal est appliqué. Les myofibrilles situées du côté droit du tube cardiaque primitif se développent mieux et plus tôt que celles du côté gauche, ce qui expliquerait le rôle joué par la position du cristal. Les faisceaux d'actine situés à la partie caudale du tube cardiaque primitif seraient donc un élément déterminant pour la formation de la boucle cardiaque.
Le second stade de la boucle ou complétion (late looping) implique la convergence des voies d'admission et d'éjection, nécessaire pour que l'alignement se fasse ensuite de façon correcte (fig 3).

Lorsque la boucle est complétée, le coeur comporte cinq segments individualisables : oreillette primitive, ventricule gauche primitif (partie proximale du segment ventriculaire, ou descending limb), ventricule droit primitif (partie distale du segment ventriculaire, ou ascending limb), conus, truncus, reliés entre eux par des jonctions : canal auriculoventriculaire, foramen interventriculaire primitif, sillon bulboventriculaire, jonction conotruncale.



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Du début de la quatrième à la fin de la huitième semaine de vie intra-utérine (soit 6 à 10 semaines d'aménorrhée [SA]), le coeur va acquérir sa morphologie définitive. Les modifications qui pourront se produire par la suite ne seront que le fruit du retentissement hémodynamique d'une anomalie présente dès la morphogenèse cardiaque (hypoplasie d'un des ventricules par exemple).
Du point de vue chronologique, la détermination de l'âge de l'embryon a donné lieu à plusieurs classifications. Une des plus utilisées est celle de Streeter [ 41 ] à partir d'embryons humains de divers âges réunis à l'institut Carnegie de Washington (tableau 1). Les stades de développement sont nommés " horizons ", chaque horizon, indiqué en chiffres romains, représentant un intervalle de temps de 2 jours. Par exemple, l'horizon XI s'étend du 22e au 24e jour. Les stades de Carnegie sont légèrement différents (tableau II). On peut aussi se baser sur la taille de l'embryon en millimètres (à partir du deuxième mois) ou sur le nombre de somites (pendant le premier mois).


Enfin, en matière d'embryologie les " jours de vie intra-utérine " font référence à l'âge de l'embryon et donc aux semaines de grossesse, et non aux SA universellement utilisées en utilisées en matière de foetologie.

Du 22-23e au 28e jour de vie, une fois la boucle formée, les principaux stades du développement cardiaque sont les suivants [ 13 ] :

- début du développement des ventricules droit et gauche ;
- début de la circulation sanguine, qui à ce stade se fait " en série " et non pas " en parallèle " comme dans le coeur définitif, car la septation cardiaque n'est pas achevée et le canal atrioventriculaire fait communiquer uniquement la partie gauche de l'oreillette commune avec le futur ventricule gauche ;
- début de la septation cardiaque ;
- début de la formation des veines systémiques ;
- début de la formation des arcs aortiques.
À ce stade, le truncus est situé au-dessus du futur ventricule droit. L'auricule droite est encore située à gauche de la portion ascendante du tube cardiaque, réalisant une véritable juxtaposition gauche des auricules. La pointe du coeur est à droite (dextrocardie). Un arrêt du développement à ce stade aura donc pour conséquences des anomalies graves (ventricule unique, atrésie tricuspide, ventricule droit à double issue), auxquelles les anomalies ci-dessus (dextrocardie et juxtaposition des auricules) sont souvent associées. Du 29e au 35e jour de vie, surviennent [ 13 ] :
- la poursuite du développement ventriculaire et de la septation interventriculaire ;
- la différenciation des valves auriculoventriculaires et le début du cloisonnement interauriculoventriculaire ;
- l'absorption du conus sous-aortique, les gros vaisseaux trouvant alors leurs rapports définitifs entre eux et avec les valves auriculoventriculaires ;
- la séparation de l'aorte et de l'artère pulmonaire ;
- les arcs aortiques continuent leur maturation.

Durant cette période, le ventricule droit et la partie droite de l'oreillette commune communiquent par l'intermédiaire de la valve tricuspide ; la pointe du coeur est à gauche (lévocardie, situation normale). La circulation est maintenant totalement " en parallèle ". La septation cardiaque est presque achevée, le foramen interventriculaire reste néanmoins patent.

Elles voient essentiellement la fin de la septation ventriculaire, et celle du développement des arcs aortiques [ 13 ].

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Le développement et la septation ventriculaire ont été l'objet de nombreuses controverses, jusques et y compris dans les termes employés pour définir les futurs ventricules droit et gauche. De récentes études utilisant un marquage immunohistochimique des cellules cardiaques embryonnaires avec un anticorps monoclonal dirigé contre l'isoforme de la chaîne lourde de la myosine (-MHC) [ 28 ] ont fait faire un bond considérable dans la compréhension de ces phénomènes. L'antigène GLN2 ou antigène tissulaire neural, protéine extraite du ganglion nodosum du poulet, est exprimé par une population particulière de cardiomyocyte, ceux qui déterminent la jonction entre les futurs ventricules droit et gauche, ou jonction interventriculaire primitive (fig 6). Les travaux de Lamers [ 28 ] ont permis, grâce à des anticorps monoclonaux dirigés contre cet antigène, de suivre son expression de 4,5 à 8 semaines de vie intra-utérine. L'expression du GLN2 a été comparée chez les mêmes embryons avec celle de la -MHC, qui peut servir de marqueur du myocarde ventriculaire jusqu'à 7 semaines de vie intra-utérine, c'est-à-dire jusqu'au dernier stade de la septation cardiaque. Les variations de distribution de ces deux antigènes lors du remodelage des ventricules et des jonctions interventriculaire et auriculoventriculaire, étudiées grâce à des reconstructions tridimensionnelles, ont permis de clarifier ce stade majeur du développement cardiaque.


Immédiatement après la formation de la boucle cardiaque, l'oreillette primitive est connectée uniquement au segment proximal du ventricule embryonnaire (futur ventricule gauche) alors que la voie d'éjection est connectée exclusivement à son segment distal (futur ventricule droit) (fig 7). La convergence de ces segments est nécessaire pour que puisse se produire la septation ventriculaire et donc l'alignement [ 25 ]. La petite courbure (lesser curvature) de la boucle ventriculaire est le pivot autour duquel s'organise le remodelage des jonctions atrioventriculaire et ventriculoartérielle [ 28 ].

Les portions apicales des futurs ventricules commencent à se former par évagination de la gaine myocardique autour du tube cardiaque primitif, la partie gauche se développant plus vite que la partie droite. Le myocarde prolifère très rapidement, formant des trabéculations de plus en plus nombreuses et profondes [ 18 ], qui s'étendent ensuite en surface. Chaque ventricule peut être divisé en deux parties :

- la partie centrale ou sinus ventriculaire est une expansion du tube cardiaque primitif ;
- la partie périphérique, ou zone trabéculée, est formée par la croissance rapide de la gaine myocardique [ 18 ]. À ce stade, l'antigène GLN2 est exprimé par une population de cardiomyocytes formant un anneau complet autour du tube cardiaque, situé à la crête du futur septum interventriculaire (donc très bas situé) et s'étendant au niveau de la petite courbure de la boucle cardiaque, marquant ainsi la future jonction interventriculaire en délimitant le foramen interventriculaire primitif [ 22 ]. Cet anneau se situe dans un plan sagittal, alors que l'anneau de la jonction atrioventriculaire (identifié par l'expression de la -MHC) se situe dans un plan frontal. À ce stade, le futur ventricule gauche est une structure encastrée (wedged-shaped) entre les oreillettes en arrière et le futur ventricule droit à droite. De même, le futur ventricule droit est relié au futur ventricule gauche à gauche et au segment d'éjection en avant et en haut.
Cette phase est marquée par la croissance considérable des deux ventricules, en particulier le ventricule droit. Les myocytes exprimant le GLN2 forment toujours un anneau complet autour de la jonction interventriculaire primitive. L'extension postérieure de cet anneau au niveau de la petite courbure croît régulièrement vers la droite et vers l'arrière pour former quelques jours plus tard (42-44 jours) la jonction auriculoventriculaire droite définitive. La partie de l'anneau de GLN2 qui s'étend dans cette zone deviendra une bande de tissu de conduction (anneau auriculoventriculaire droit). En raison de la croissance du futur ventricule droit, la jonction entre celui-ci et le segment d'éjection se trouve déplacée vers l'avant. C'est à ce stade que se forment les valves auriculoventriculaires et semi-lunaires, conduisant à la séparation des flux sanguins qui deviennent parallèles. Le myocarde de la petite courbure devient le composant pariétal de la jonction auriculoventriculaire droite. Il en résulte une apparente migration vers la gauche du septum musculaire en développement, correspondant en réalité à une expansion vers la droite de la partie postérieure de la petite courbure. C'est par ce mécanisme que l'oreillette droite et le ventricule droit sont enfin connectés. L'expression du GLN2 devient faible dans la portion antérosupérieure de la jonction interventriculaire primitive, c'est-à-dire la zone où le futur ventricule gauche devient contigu avec le segment d'éjection. Ce remodelage aboutit, vu de l'extérieur, à une migration du segment d'éjection qui vient s'insérer entre l'oreillette gauche et l'oreillette gauche et l'oreillette droite (wedging, fig 3). À l'intérieur du coeur, ceci se traduit par une migration vers la gauche de la partie antérieure du septum interventriculaire et de la partie sous-aortique de la région conotruncale, cette dernière arrivant au-dessus de la cavité du futur ventricule gauche. Cela correspond au début de l'incorporation de la zone sous-aortique de la région conotruncale au futur ventricule gauche, en d'autres termes à l'absorption du conus sous-aortique [ 16 ]. Le processus de septation est virtuellement achevé. Éventuellement, une petite communication interventriculaire persiste au niveau du septum membraneux, elle a normalement disparu à la fin de la huitième semaine. C'est à ce stade que se différencie le tissu de conduction. L'expression de GLN2 disparaît totalement de la partie antérosupérieure de la petite courbure, témoignant de l'incorporation totale du conus sous-aortique au ventricule gauche. Le GLN2 est retrouvé tout le long du septum musculaire définitif, signant bien son origine à partir de l'anneau auriculoventriculaire primitif. De même, le septum séparant les deux chambres d'admission ventriculaires dérive bien de la jonction interventriculaire primitive. La septation s'achève par la fusion du septum séparant les chambres de chasse des deux ventricules avec la crête antérosupérieure du septum musculaire, ce qui n'est possible qu'après l'incorporation du conus sous-aortique au ventricule gauche. En résumé, c'est le remodelage de la jonction interventriculaire primitive, située dans la petite courbure de la boucle, qui est responsable à la fois du développement de la partie droite de la jonction interauriculoventriculaire et de la formation de la chambre de chasse du ventricule gauche. Ce remodelage aboutit à une division en trois parties de l'anneau interventriculaire primitif (fig 8).
- Le segment 1 garde son orientation dans un plan sagittal, persistant au départ comme la communication interventriculaire primitive.
- Le segment 2 se situe dans un plan frontal et représente la jonction auriculoventriculaire droite.
- Le segment 3 est orienté dans un plan transversal et devient la jonction entre le futur ventricule gauche et la partie sous-aortique du segment d'éjection. La destinée des myocytes à GLN2 comme seuls précurseurs de l'axe de conduction auriculoventriculaire explique pourquoi la situation de celui-ci aide à la compréhension des malformations ventriculaires telles les ventricules à double entrée [ 3 ]. Le marquage des cellules à GLN2 permet d'affirmer que l'intégralité du septum interventriculaire (à l'exception de la petite partie provenant du segment d'éjection) est formée à partir de la jonction interventriculaire primitive, jonction entre les parties proximale et distale du segment ventriculaire de l'ébauche cardiaque, ce qui met fin à nombre de controverses sur l'origine du septum [ 12 ]. De même, la chambre d'admission du ventricule droit dérive bien de la portion distale de l'ébauche ventriculaire (ascending limb) et non de sa partie proximale.


La fusion progressive des crêtes conales, formant le septum conal embryonnaire, réduit encore le diamètre du foramen interventriculaire primitif. Sa fermeture est finalement achevée par un ensemble tissulaire auquel participent :

- les crêtes conales sinistroventrale et dextrodorsale ;
- les bourgeons endocardiques au niveau de la crête septale ;
- le tubercule droit des bourgeons auriculoventriculaires droit et gauche.

Cet ensemble forme une masse tissulaire compacte obturant la communication entre la voie sous-aortique et le ventricule droit, qui s'affinera au cours de la grossesse pour devenir le septum membraneux, fermant définitivement le foramen interventriculaire primitif, à la fin de la septième semaine de vie intra-utérine (10 SA) [ 26 ].

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Les coussinets ou bourgeons endocardiques (endocardial cushions), apparaissent sous forme d'épaississements localisés de la gelée cardiaque dès la formation du tube cardiaque primitif. Ces bourgeons endocardiques ne se développent qu'en deux régions du tube cardiaque primitif : le canal atrioventriculaire et le conotruncus. Cette exclusivité dans leur localisation serait due à la segmentation initiale, prédéterminée (segmental patterning) du tube cardiaque primitif [ 14 ]. Ces bourgeons sont le siège d'une migration de cellules endothéliales qui se transforment en mésenchyme.
Les bourgeons endocardiques du canal atrioventriculaire se développent dès leur origine dans l'axe longitudinal de l'ovale du tube cardiaque, l'un ventral (postéro-inférieur) et l'autre dorsal (antérosupérieur), alors que ceux du conotruncus se développent l'un à droite et l'autre à gauche. Deux bourgeons latéraux plus petits, droit et gauche, apparaissent également au niveau du canal atrioventriculaire. Le positionnement de ces bourgeons pourrait être directement lié à la formation de la boucle cardiaque [ 14 ], les anomalies de la boucle étant très souvent liées à des malformations congénitales impliquant les coussinets endocardiques. Les gènes régulant leur position pourraient donc être identiques à ceux associés aux anomalies de la boucle cardiaque, appartenant aux familles de gènes TGF (transforming growth factor)- et homéobox.
La matrice extracellulaire des bourgeons endocardiques est rapidement colonisée par des cellules endothéliales endocardiques, qui se transforment en mésenchyme. Cette transformation est régulée par le myocarde (elle est impossible expérimentalement en l'absence de cellules myocardiques) et est probablement due à la production par celui-ci de complexes protéiques présents uniquement dans la gelée cardiaque des bourgeons endocardiques, formés de fibronectine et de protéines ES [ 14 ].
Les bourgeons endocardiques croissent rapidement. À l'horizon XIII, ils sont déjà bien développés et présentent chacun deux proéminences, ou tubercules, droit et gauche [ 45 ]. Ils se rapprochent progressivement pour fusionner à l'horizon XVI, divisant le canal atrioventriculaire en orifices droit et gauche. Néanmoins à ce stade, les deux parties, droite et gauche, du canal atrioventriculaire se drainent toujours préférentiellement dans le futur ventricule gauche [ 54 ] (fig 9). Avant même leur fusion, les coussinets endocardiques prennent une forme d'arche, concave en bas vers les ventricules et convexe en haut vers les oreillettes. L'ostium primum se ferme alors par fusion de la partie convexe des bourgeons endocardiques supérieur et inférieur avec le septum interauriculaire [ 48 ].

À partir de l'étude de souris ayant une trisomie 16, équivalent de la trisomie 21 chez l'homme, et un canal atrioventriculaire persistant, chez qui l'on retrouve une anomalie de la forme des bourgeons endocardiques et un retard à la colonisation de la matrice extracellulaire par les cellules mésenchymateuses [ 19 ], il apparaît que la réorientation et le réalignement des microfibrilles de la matrice extracellulaire seraient un processus nécessaire à la fusion des bourgeons endocardiques [ 35 ].

Les valves auriculoventriculaires ont une double origine [ 27 ] : les coussinets endocardiques et le myocarde des parois ventriculaires.
La formation de la valve tricuspide survient en deux phases : développement de la jonction auriculoventriculaire droite, et formation des feuillets valvulaires et de leur appareil sous-valvulaire. Le développement de la valve tricuspide est donc intimement lié au processus de septation. Son précurseur est entièrement myocardique : c'est le goulet tricuspidien (tricuspid gully) [ 27 ], apparaissant dès le début de la septation cardiaque à partir du 35e jour de vie intra-utérine et se formant rapidement au fur et à mesure de la croissance du ventricule droit. Au départ, le canal auriculoventriculaire étant situé entièrement au-dessus du ventricule gauche embryonnaire, l'oreillette droite n'a accès au ventricule droit qu'à partir de la cavité ventriculaire gauche, via le foramen interventriculaire primitif, ceci bien que les parois soient déjà au contact l'une de l'autre. Le goulet tricuspidien se forme donc à partir du canal atrioventriculaire en arrière, lequel s'expand vers la droite, à partir de la crête du septum interventriculaire en dedans et de la petite courbure en dehors. De la sixième à la septième semaine de développement, en raison de la croissance rapide du futur ventricule droit, l'orifice de la future valve tricuspide se déplace vers le bas. Un groupe de trabéculations de forme conique se condense pour former le futur pilier antérieur de la tricuspide. L'ensemble du goulet tricuspidien est relié à la paroi ventriculaire par de nombreuses trabéculations. Le plancher du goulet tricuspidien se fenestre, créant ainsi un deuxième orifice, inférieur. Entre les deux orifices de l'entonnoir tricuspidien, antérieur et inférieur, la bande de myocarde formant le bord libre antérieur du goulet et contenant la branche droite du faisceau de His devient la bande septale (ou trabecula septomarginalis) qui, initialement haut située, descend graduellement vers l'apex pour atteindre sa position définitive vers la dixième semaine de développement.
La septation cardiaque s'achève par la formation du septum conal embryonnaire, à partir de la fusion des crêtes endocardiques du conus, de la région des valves semi-lunaires vers le ventricule. Au fur et à mesure que le conus croît vers le bas il se rapproche du bord droit du septum interventriculaire. Il se produit alors un changement d'orientation du septum conal. La crête dextrodorsale du conus (dextrodorsal ridge) bascule vers l'orifice droit du canal auriculoventriculaire et fusionne par son bord interne avec le tubercule droit du bourgeon ventral, et par son bord externe avec le bourgeon endocardique latéral droit du canal auriculoventriculaire [ 26 ]. Cette fusion contribue à former la paroi antérieure de l'entonnoir tricuspidien et la bande pariétale (supraventricular crest) [ 27 ], et à fermer la communication entre l'oreillette droite et le ventricule gauche embryonnaire, aboutissant à la formation du septum membraneux [ 26 ].
En même temps que les trabéculations s'épaississent, la cavité du futur ventricule droit s'agrandit en arrière et le long de l'entonnoir tricuspidien, faisant apparaître la future valve tricuspide comme une entité distincte, et individualisant le pilier antérieur et la bande septale.
Ce n'est que plus tard, entre 8 et 16 semaines de vie intra-utérine, que les feuillets valvulaires proprement dits vont se constituer, par délamination à partir du myocarde sous-jacent. Le feuillet inférieur est formé ainsi à partir des parois inférieure et latérale du goulet tricuspidien ; sa face auriculaire est recouverte de tissu dérivé du bourgeon endocardique latéral. La croissance du ventricule droit le long du septum musculaire, sous le bourgeon endocardique postéro-inférieur, contribue à la délamination du feuillet septal, qui se forme donc lui aussi à partir du goulet tricuspidien, mais plus tardivement (neuvième semaine), progressant dans une direction antérosupérieure ; sa face auriculaire dérive du bourgeon endocardique postéro-inférieur. Enfin, le feuillet antérieur se forme par délamination à partir de la bande pariétale, sa face auriculaire dérivant des bourgeons antérosupérieur et latéral droit, à la 11e semaine.
Finalement, le myocarde ventriculaire (qui constitue le goulet tricuspidien) et les bourgeons endocardiques contribuent à parts égales à la formation des feuillets tricuspides, le tissu des bourgeons endocardiques formant leur face atriale [ 27 ]. Enfin, l'origine myocardique des feuillets rend compte de leur continuité avec les trabéculations du ventricule droit qui vont constituer l'appareil sous-valvulaire tricuspide durant le quatrième mois du développement embryonnaire [ 27 ].
Le développement de la valve mitrale est relativement plus simple puisqu'il ne fait pas intervenir le septum conal ; il se fait donc uniquement à partir du myocarde ventriculaire et des bourgeons endocardiques ventral, dorsal, et latéral gauche [ 45 ]. De la même façon, les feuillets valvulaires se forment par délamination du myocarde ventriculaire et les bourgeons endocardiques participent à la face atriale des feuillets valvulaires. La valve mitrale est initialement quadricuspide, mais deux des feuillets deviennent plus larges et les piliers fusionnent deux par deux pour former les piliers antéroexterne et postéro-interne [ 7 ]. Le processus de délamination conduisant à la formation de la valve antérieure de la mitrale est plus important que du côté droit, expliquant l'absence de piliers et de cordages septaux et la position plus haute de l'anneau mitral par rapport à l'anneau tricuspide [ 53 ]. Cette dernière permet l'identification de la partie auriculoventriculaire du septum.

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L'oreillette primitive apparaît dès le stade le plus précoce de la morphogenèse cardiaque, c'est-à-dire entre le 22e et le 24e jour de vie intra-utérine, lors de la formation de la loop ou boucle cardiaque, normalement dirigée vers la droite (D-loop) [ 48 ]. L'ébauche auriculaire se constitue à la partie haute et postérieure du ventricule primitif aux dépens duquel va se former la loop. Le sinus veineux, ou confluence veineuse systémique, se forme à l'horizon XI à partir des trois systèmes veineux pairs, de dehors en dedans : la veine cardinale commune (jonction des veines cardinales antérieure et postérieure), les veines ombilicales, et les veines vitellines ou omphalomésentériques. À ce stade, les oreillettes communiquent largement entre elles mais le sinus veineux est déjà incorporé à la partie droite de l'oreillette commune (fig 10). Le sinus veineux communique avec l'oreillette primitive par un orifice initialement médian, se déplaçant ensuite pour entrer dans la partie droite de l'oreillette commune. Son orifice est gardé par des invaginations tissulaires du sinus veineux, les valves veineuses droite et gauche. Leur fusion à l'intérieur de l'oreillette, à l'extrémité supérieure de l'orifice du sinus veineux, forme le septum spurium. Au cours de l'incorporation du sinus droit à l'oreillette droite, les valves veineuses deviennent moins proéminentes et ne persiste plus que la partie inférieure de la valve veineuse droite, devenant à la fois la valve d'Eustachi (autour de l'orifice de la veine cave inférieure) et la valve de Thebesius (autour de l'orifice du sinus coronaire).

La corne gauche du sinus veineux va devenir le sinus coronaire tandis que sa corne droite va s'élargir au fur et à mesure que la corne gauche involue, et va s'incorporer progressivement à l'oreillette droite. La partie lisse, postérieure, de l'oreillette droite provient du sinus veineux incorporé, alors que la partie trabéculée, représentée par l'auricule, dérive de l'oreillette primitive.
La veine pulmonaire commune apparaît au 27e jour de vie intra-utérine, en position inférieure et médiane, à partir d'un bourgeon du sinus veineux, celui-là même qui donnera également naissance au septum primum à gauche, et à la valve gauche du sinus veineux à droite.
La septation auriculaire, comme l'ensemble de la septation cardiaque, s'effectue à la cinquième semaine de vie intra-utérine. Le septum primum, émanation du sinus veineux (et confluent avec la valve gauche de celui-ci), croît de bas en haut [ 13 ]. Il est en continuité directe avec la paroi gauche de la veine cave inférieure. C'est en fait une valve veineuse, contenant souvent de multiples fenestrations. L'orifice formé en haut et en arrière par la concavité du septum primum et en bas et en avant par les bourgeons du canal atrioventriculaire est nommé ostium primum, il sera fermé par la coalescence des bourgeons endocardiques lors de la septation du canal atrioventriculaire. L'ostium secundum embryologique représente l'espace libre au-dessus du bord libre du septum primum lorsque celui-ci a terminé sa croissance. Le septum secundum se forme lorsque la corne droite du sinus veineux et la veine pulmonaire commune sont incorporées dans les oreillettes, entre les horizons XVIII et XXI. C'est une structure musculaire, dont le bord libre est concave, et qui descend à droite du septum primum. Il correspond, à la surface externe du coeur, au sillon interauriculaire. Le foramen ovale représente la fente, étirée en longueur (le septum secundum chevauche souvent le septum primum) qui subsiste entre les bords libres des deux septa. Ceux-ci s'accoleront après la naissance (fig 11).


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Du point de vue embryologique, le conus est la région du coeur, en forme de cône, qui fait suite à la partie distale du ventricule primitif et la relie au truncus, la jonction entre les deux (bien que non identifiable aux premiers stades du développement) étant l'emplacement des futures valves semi-lunaires. Son devenir est de donner naissance aux voies d'éjection des deux ventricules [ 26 ]. La paroi gauche du conus est constituée par le repli conoventriculaire (conoventricular flange [ 17], [26 ], encore appelé bulboventricular ridge [ 17 ] ou primary fold) [ 53 ], qui correspond en fait à la zone de petite courbure de la boucle cardiaque décrite par Lamers [ 28 ] et surplombe le foramen interventriculaire primitif. Ses parois droite, dorsale et ventrale sont en continuité avec la paroi libre du ventricule droit [ 17 ].

Les bourgeons endocardiques du conotruncus ou crêtes conotruncales (conal ridges) se développent en même temps que ceux du canal atrioventriculaire et ont la même origine : la matrice extracellulaire ou gelée cardiaque, colonisée secondairement par des cellules endothéliales qui deviendront mésenchymateuses. Leur nombre est un sujet encore controversé, mais il semble qu'il existe en fait une paire de crêtes conotruncales, avec plusieurs renflements (conal swellings) proximal, intermédiaire et distal [ 26 ]. Ces renflements, représentant en fait des zones de croissance accélérée, sont destinés à fusionner entre eux dans le sens céphalocaudal (donc dans le sens inverse du flux sanguin) [ 37 ] pour former un septum continu séparant l'aorte de l'artère pulmonaire, les valves semi-lunaires pulmonaire et aortique, puis les voies d'éjection des ventricules droit et gauche [ 26 ]. Au niveau du conus, leur orientation est plutôt droite et gauche (dextrodorsale et sinistroventrale), alors que les coussinets endocardiques du canal atrioventriculaire sont orientés dans le sens antéropostérieur. Ces crêtes s'étendent selon un trajet spiralé du conus au truncus, ce qui rendrait compte du croisement normal de l'origine des gros vaisseaux, alors que le conus lui-même ne subirait en fait aucune rotation ni torsion [ 11], [39 ]. La fusion des crêtes dextrodorsale et sinistroventrale au niveau du conus aboutit, entre 45 et 49 jours, à la formation du septum conal embryonnaire, la crête dextrodorsale à sa partie proximale entrant en contact avec l'orifice auriculoventriculaire droit pour former la bande pariétale et la crête sinistroventrale à sa partie proximale entrant en contact avec le bord supérieur du septum interventriculaire [ 8 ]. Au même moment se produit le phénomène appelé wedging par Kirby (fig 3), que l'on pourrait traduire par " phase d'insertion " ou d'encastrement, processus qui, après la convergence des voies d'admission et d'éjection, oriente correctement la voie d'éjection du coeur par rapport aux ventricules. La partie aortique du conotruncus s'insère ainsi entre la mitrale et la tricuspide. Puisque la septation de la voie d'éjection et le wedging surviennent de façon concomitante, le septum d'éjection, ou septum conal embryonnaire, ayant atteint la base du conus, est correctement aligné pour fusionner de façon appropriée avec le septum interventriculaire et les bourgeons endocardiques du canal atrioventriculaire. Si le wedging n'a pas lieu, ou est incomplet ou inapproprié, ces trois composants du septum ne se rencontrent pas et il en résulte une communication interventriculaire. Les deux stades de la boucle (formation de la boucle proprement dite et convergence) sont indispensables pour que le wedging se fasse correctement. Les anomalies de ces deux stades entraînent des malalignements à la fois de la voie d'admission (par exemple, ventricule gauche à double entrée) et de la voie d'éjection (par exemple, ventricule droit à double issue) alors que les anomalies du wedging entraînent uniquement des malalignements de la voie d'éjection [ 25 ].
Le septum conal embryonnaire n'est pas individualisable dans le coeur normal à la naissance. Mais le conus ou infundibulum sous-pulmonaire, ou crista supraventricularis, ne peut se développer normalement que si le septum conal embryonnaire se forme normalement, bien qu'il n'en dérive pas directement [ 46 ]. Il reste à expliquer la situation relative des voies d'éjection droite et gauche dans le coeur normal : conus sous-pulmonaire et continuité fibreuse mitroaortique, et celle de l'origine des gros vaisseaux : aorte postérieure et droite, et artère pulmonaire antérieure et gauche. L'hypothèse la plus communément admise est celle de la croissance différentielle du conus [ 47 ]. La voie d'éjection ventriculaire droite, située à gauche, se développe plus rapidement que la voie d'éjection du ventricule gauche, située à droite. Cette hypothèse dont le corollaire est celle de l'absorption du conus sous-aortique [ 16 ] semble s'être vérifiée récemment grâce aux marqueurs cellulaires [ 28 ]. Du 42e au 44e jour de vie intra-utérine, se produit une migration vers la gauche de la partie antérieure du septum interventriculaire et de la partie sous-aortique de la région conotruncale, cette dernière arrivant au-dessus du futur ventricule gauche. Ceci correspond au début de l'incorporation de la zone sous-aortique de la région conotruncale au futur ventricule gauche, en d'autres termes à l'absorption du conus sous-aortique [ 28 ]. La fusion des bourgeons conaux (donc la formation du septum conal embryonnaire) précède immédiatement ce déplacement du conus vers la gauche qui amène la partie gauche de la voie d'éjection au-dessus du ventricule gauche, et donc suffit à lui seul à placer l'aorte au-dessus du ventricule gauche [ 53 ]. Ceci semble confirmé par l'observation, chez les embryons d'une certaine lignée de chiens [ 46 ] d'une dextroposition de l'aorte liée à un défaut de développement du septum conal embryonnaire. D'autres hypothèses ont été avancées, notamment la transformation de la paroi postérieure de la voie d'éjection gauche en feuillet antérieur de la valve mitrale [ 53 ].
Enfin, cette revue ne serait pas complète sans un mot sur la pathogénie de la transposition des gros vaisseaux. La théorie qui prévaut actuellement est celle du développement différentiel du conus [ 1], [17], [48 ] : absorption du conus sous-pulmonaire et développement du conus sous-aortique, par opposition à la théorie du straight conotruncal septum, maintenant abandonnée. Néanmoins, une étude expérimentale récente sur des foetus de souris ayant développé une transposition des gros vaisseaux après administration à la mère d'acide rétinoïque [ 51 ] a mis en évidence lors de l'embryogenèse une hypoplasie et une fragmentation des bourgeons conaux, ainsi qu'une absence de spiralité au niveau du conotruncus, réactualisant cette dernière hypothèse.

Entre 35 et 38 jours de vie intra-utérine, à la jonction entre conus et truncus, apparaissent deux petites élévations entre le sommet des deux crêtes conotruncales, dextrodorsale et sinistroventrale. Ce sont les renflements intermédiaires ou intercalated swellings [ 26 ]. Les crêtes conotruncales vont fusionner sur la ligne médiane, séparant ainsi les chenaux aortique et pulmonaire et donnant naissance aux feuillets droit et gauche de la valve aortique et de la valve pulmonaire. Entre 42 et 44 jours de vie les valves sont individualisées (fig 12). Les feuillets valvulaires initialement courts et épais vont s'affiner progressivement et la maturation histologique se poursuivra pendant toute la grossesse. Il n'y a pas de différence morphologique ou histologique entre les valves aortique et pulmonaire, ni entre les parois des deux artères [ 8 ]. Quelques cellules ectomésenchymateuses dérivées de la crête neurale cardiaque se retrouvent au niveau des valves semi-lunaires [ 24 ]. Le septum interaorticopulmonaire sépare ensuite les deux valves. Les sinus de Valsalva apparaissent comme de légères dépressions entre la paroi artérielle et les futures valves.


Le rôle de la crête neurale dans la morphogenèse cardiaque a fait l'objet de très nombreux travaux ces dernières années, et le résultat de l'ensemble de ces recherches a été remarquablement synthétisé dans un article de ML Kirby paru en 1995 dans Circulation Research [ 25 ], dans lequel ce paragraphe puisera l'essentiel de son contenu.
La crête neurale est une structure qui apparaît très tôt dans le développement de l'embryon et qui n'a qu'une existence temporaire, les cellules dont elle est composée ayant comme destinée de migrer à travers l'organisme et de se différencier pour former les cellules de divers organes [ 24 ]. Seule une région très limitée de la portion crâniale de la crête neurale contient des cellules à destinée cardiaque (cardiac neural crest). La crête neurale cardiaque est constituée d'une population cellulaire unique [ 24 ]. Elle semble être prédéterminée très tôt dans le développement.
Le rôle de la crête neurale dans la morphogenèse cardiaque a été prouvé pour la première fois en 1975 par l'étude des chimères caille-poulet [ 31 ]. Après transplantation de cellules de la crête neurale de caille dans des embryons de poulet, la totalité de la paroi des gros vaisseaux du poulet est formée de cellules ectomésenchymateuses de caille, dérivées donc de la crête neurale. D'autres travaux [ 42 ] ont démontré la dualité de la population cellulaire de la voie d'éjection cardiaque : une fraction des cellules dérive de l'endocarde, l'autre a migré à partir de la crête neurale, par l'intermédiaire des arcs branchiaux 3, 4 et 6 (fig 13). Dans les arcs branchiaux (pharyngeal arches) se trouvent donc deux types cellulaires : les cellules précurseurs de l'endothélium des futurs arcs aortiques, et les cellules migrant vers la voie d'éjection pour former les septa truncal, aortopulmonaire et conal, dont quelques-unes seront retrouvées au niveau des valves semi-lunaires. Ces cellules participent également à la formation du thymus, des parathyroïdes et de la thyroïde.

Les expériences d'ablation de la crête neurale, toutes réalisées sur l'embryon de poulet pour des raisons de facilité technique [ 24 ], ont permis d'en préciser le rôle en étudiant les malformations observées. L'ablation de la crête neurale cardiaque avant que ne se produise la migration cellulaire aboutit en effet à un large éventail de malformations du coeur et des gros vaisseaux, selon l'étendue de l'ablation. Ces malformations peuvent être classées selon deux catégories : absence de septation de la voie d'éjection (truncus arteriosus) et malalignement au niveau du conus (ventricule droit à double issue) : la septation a bien lieu mais le septum conal est " mal aligné " avec le septum interventriculaire. L'ablation totale aboutit presque toujours à la persistance d'un tronc artériel commun. La présence ou l'absence du septum aorticopulmonaire dépend du caractère complet ou non de l'ablation. En revanche, il existe toujours une communication interventriculaire associée. La position du vaisseau unique par rapport aux ventricules sous-jacents est variable, mais il se trouve le plus souvent au-dessus du ventricule droit. L'ablation d'un segment moins étendu de la crête neurale cardiaque, ou de la portion non cardiaque de la partie crâniale de la crête neurale, conduit à un ensemble de malformations regroupées sous le terme de " dextroposition aortique " [ 37 ], incluant : ventricule droit à double issue, tétralogie de Fallot, complexe d'Eisenmenger (ce qui correspond au malalignement décrit par Kirby [ 25 ]). En revanche, la transposition des gros vaisseaux est exceptionnelle après ablation de la crête neurale.
À ces malformations s'associent de façon variable des anomalies des arcs aortiques : interruption de l'arc aortique, persistance de vaisseaux embryonnaires.
Enfin, peuvent coexister des anomalies du segment d'admission (inflow tract) causées par des modifications dans l'alignement auriculoventriculaire et une anomalie de développement au niveau de la tricuspide : atrésie, sténose ou straddling de la tricuspide, ventricule gauche à double entrée. Le canal atrioventriculaire est très rare. Ces anomalies sont toujours associées aux anomalies de la voie d'éjection.
Après ablation de la crête neurale, les anomalies d'alignement qui en résulteront sont prévisibles dès le début du développement cardiaque à partir de la configuration de la boucle cardiaque. L'explication de ce phénomène résiderait dans une dilatation du ventricule primitif prédominant à droite, elle-même répondant à une diminution de la contractilité myocardique, dans le but d'assurer la survie de l'embryon en maintenant un débit cardiaque normal [ 24], [25], [30], [43 ]. Cette dilatation ventriculaire pourrait entraver le processus de la boucle et du wedging, comme en témoigne l'existence chez l'embryon de poulet après ablation de la crête neurale, d'une séparation anormalement large entre la voie d'éjection, située à droite à ce stade du développement, et la voie d'admission, située à gauche [ 30 ]. Ceci aurait pour conséquences, d'une part d'empêcher l'aorte de migrer au-dessus du ventricule gauche, d'autre part de freiner la division de la valve auriculoventriculaire commune et la formation de la tricuspide dans le ventricule droit.
La crête neurale jouerait donc un rôle dans la fonction myocardique. Les mécanismes invoqués sont une diminution des courants calciques transmembranaires [ 25 ].
D'autres facteurs exogènes peuvent influencer la configuration de la boucle : le degré de flexion cervicale de l'embryon [ 34 ], la manipulation directe de la voie d'éjection [ 15 ], certains tératogènes en particulier l'acide rétinoïque [ 5 ]. Des mutations au niveau des gènes codant pour le récepteur de l'acide rétinoïque pourraient également être impliquées dans la survenue du même phénotype [ 25 ].

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Les arcs branchiaux, qui vont contribuer à la formation du cou et de la face, apparaissent à la quatrième et à la cinquième semaine de vie intraembryonnaire. Chaque arc branchial est constitué d'un axe mésenchymateux, d'origine à la fois locale et provenant des cellules de la crête neurale par migration. Chaque arc branchial reçoit son nerf crânien et son artère. Ces artères, qui constituent les arcs aortiques, proviennent du sac aortique et traversent le mésenchyme des arcs branchiaux pour se terminer dans les aortes dorsales. Ces arcs apparaissent successivement dans un ordre craniocaudal mais ne sont jamais tous présents simultanément. Il apparaît ainsi six paires d'artères branchiales, correspondant aux six arcs branchiaux. Au cours du développement ultérieur, leur disposition se modifiera et certaines régresseront [ 29 ].
L'article de référence dans ce domaine reste celui de Congdon en 1922, qui a étudié la formation des arcs aortiques à partir d'embryons humains [ 9 ].
Les éléments principaux à partir desquels vont se développer les arcs aortiques sont :

- le sac aortique, qui fait suite au conotruncus ;
- les arcs artériels ;
- et les deux aortes dorsales. Celles-ci, sous forme de deux structures paires, sont les premiers vaisseaux embryonnaires, apparaissant dès la quatrième semaine de vie intra-utérine (horizon XI). À l'horizon XIV les deux aortes dorsales se rapprochent en raison de la croissance luminale et fusionnent sur la ligne médiane pour former un vaisseau unique, l'aorte dorsale. Cette fusion progresse à la fois dans le sens crânial et dans le sens caudal, à partir du point d'origine.

Au stade du tube cardiaque, l'extrémité distale (céphalique) de l'ébauche cardiaque se bifurque en deux vaisseaux symétriques, les premiers arcs artériels droit et gauche, appelés aussi aortes ventrales, qui sont situées en avant et de chaque côté de l'intestin primitif et se continuent par les aortes dorsales. Les premiers arcs artériels sont enfouis dans les arcs branchiaux, et se forment, comme toutes les structures vasculaires de l'organisme, à partir d'îlots sanguins arrangés en un réseau plexiforme, qui s'agrègent pour former de petits vaisseaux sanguins dont la coalescence forme des vaisseaux plus gros tels les arcs artériels. Le sac aortique, situé donc entre le truncus et les premiers arcs artériels, ne contient pas de gelée cardiaque ni de crêtes endocardiques, à la différence du conotruncus. C'est une structure évolutive [ 8 ] qui apparaît initialement comme un léger renflement à la jonction des premiers arcs et du truncus. Il atteint son plus grand développement lorsqu'il donne naissance aux troisième, quatrième puis sixième arcs aortiques, juste avant de se diviser en aorte et artère pulmonaire. La séparation du sac aortique en deux parties : aortique et pulmonaire, se fait avant la fin du " stade branchial " et commence immédiatement après l'apparition du sixième arc.
Vers le 27e jour, peu de temps après la formation du troisième arc aortique, le premier arc aortique a involué, ne persistant que sous la forme d'une petite artère, l'artère maxillaire interne. Le deuxième arc disparaît peu après, alors que le troisième arc est bien développé et que les quatrième et sixième arcs sont en formation. Seules en persistent deux petites artères, les artères de l'os hyoïde et de l'étrier, perdues dans les plexus de la région sous-pharyngée. Entre le 29e et le 31e jour, les deux premiers arcs ont disparu, alors que les quatrième et sixième arcs sont bien développés. Le troisième arc aortique participe à la formation des carotides primitives et de la portion proximale des carotides internes. La portion distale des carotides internes dérive de la partie crâniale des aortes dorsales. Le quatrième arc a des destinées différentes à droite et à gauche :

- à droite, la portion distale de l'aorte dorsale disparaît, mais le quatrième arc persiste en continuité avec la septième artère intersegmentaire, donnant naissance à la partie proximale de l'artère sous-clavière droite ;
- à gauche, le quatrième arc donne naissance à la partie de la crosse aortique définitive entre l'origine de la carotide primitive gauche et le canal artériel, restant en continuité avec l'aorte dorsale gauche, qui devient l'aorte descendante. Le cinquième arc est inconstant (un peu plus de 50 % des embryons selon Congdon), et quand il existe, régresse de toute façon très rapidement. Le sixième arc aortique, encore appelé " arc pulmonaire ", apparaît vers le milieu de la quatrième semaine. La portion antérieure, ou proximale, de ces arcs fusionne sur la ligne médiane pour donner naissance, avec le sac aortique, au tronc de l'artère pulmonaire :
- à droite, son segment proximal ou antérieur deviendra la partie proximale de l'artère pulmonaire droite, alors que le segment postérieur ou distal disparaît ;
- à gauche, la portion antérieure involue, alors que la portion postérieure devient le canal artériel.


D'autres modifications vont survenir ensuite, résultant à la fois des changements de direction des flux sanguins dans les arcs aortiques, aboutissant à des interruptions ou à des changements de position de certains segments artériels, et de la descente du coeur dans le thorax. Ces modifications aboutiront à la disposition définitive des gros vaisseaux et des vaisseaux du cou.
Quatre segments artériels sont le siège d'interruptions (fig 14). La partie distale du sixième arc droit disparaît la première (" arc pulmonaire droit "), laissant la place aux vaisseaux pulmonaires. De chaque côté de la ligne médiane, l'aorte dorsale s'oblitère entre le troisième et le quatrième arc. Le flux sanguin dans le troisième arc est donc dirigé exclusivement vers la région céphalique, alors que celui dans le quatrième arc se distribue au reste du corps [ 18 ]. L'aorte dorsale droite s'oblitère et disparaît à sa partie caudale après l'origine de la septième artère intersegmentaire droite, qui deviendra l'artère sous-clavière droite. Enfin, les six premières artères intersegmentaires sont interrompues, et les vaisseaux collatéraux qui les reliaient entre elles selon un trajet parallèle à celui de l'aorte deviennent les artères vertébrales (fig 15). Le flux dans les artères vertébrales est maintenu à partir de la septième artère intersegmentaire, qui forme la partie distale de l'artère sous-clavière à droite, et sa totalité à gauche.


Les troisièmes arcs se repositionnent de façon à naître au niveau de la jonction entre les quatrièmes arcs et le sac aortique.

À un stade très précoce de l'embryogenèse, le truncus se trouve à une distance d'environ deux segments (équivalents de deux vertèbres) en amont du premier somite. Dans le coeur définitif, les dérivés du truncus se trouvent au niveau de la cinquième vertèbre thoracique, ce qui correspond à une distance de 13 vertèbres. Cette migration se produit en deux phases : une phase lente (embryon 2-14 mm) et une phase rapide (embryon 14-17 mm). Durant cette dernière phase, le quatrième arc migre du niveau de la première vertèbre cervicale au niveau de la quatrième ou cinquième vertèbre thoracique [ 8], [18 ]. Cette descente du coeur dans le thorax s'accompagne de changements dans la forme des artères, aboutissant à la disposition définitive des vaisseaux cervicaux. L'aorte dorsale gauche est raccourcie de la longueur de quatre corps vertébraux entre le sixième arc et l'artère sous-clavière, amenant le canal artériel (résidu du sixième arc gauche) au même niveau que cette dernière. L'aorte dorsale droite se retrouve étirée et dégénère. Enfin, la portion initiale des troisième et quatrième arcs droits s'allonge pour devenir le tronc artériel brachiocéphalique et migre vers la carotide primitive gauche, se situant donc au sommet de la crosse aortique. La portion ventrale du quatrième arc, interposée entre le tronc artériel brachiocéphalique et la jonction avec le sixième arc est largement résorbée.
L'aorte définitive est donc formée à partir de quatre segments embryonnaires :

- le premier, entre la valve aortique et la carotide primitive gauche, dérivé du sac aortique ;
- le second, entre la carotide primitive gauche et l'origine du canal artériel, dérivée du quatrième arc aortique gauche ;
- le troisième, entre l'origine du canal artériel et l'artère sous-clavière gauche, dérivée des segments somitiques 3 à 7 de l'aorte dorsale gauche ;
- la quatrième, au-dessous de l'artère sous-clavière gauche, provenant de la fusion des deux aortes dorsales.

L'artère sous-clavière droite dérive de la septième artère intersegmentaire droite, d'une portion de l'aorte dorsale droite, et du quatrième arc droit. L'artère sous-clavière gauche provient de la septième artère intersegmentaire gauche. Les carotides primitives gauche et droite dérivent du troisième arc, et le tronc artériel brachiocéphalique de l'origine des troisième et quatrième arcs aortiques droits [ 8 ].

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L'embryon de 4 mm (horizon XII) possède trois paires de veines principales (fig 16) :


- deux systèmes veineux à l'origine extraembryonnaires, les veines vitellines ou omphalomésentériques, qui drainent le sang du yolk sac (vésicule vitelline ou sac vitellin) vers le sinus venosus, et les veines ombilicales, qui prennent naissance dans les villosités choriales et ramènent à l'embryon le sang oxygéné à travers le placenta ;
- et le système de drainage veineux principal, les veines cardinales, qui drainent le corps de l'embryon proprement dit [ 29 ].


Ce sont les premières veines à apparaître. Elles prennent naissance dans le mésoderme de la splanchnopleure, dans la paroi de la vésicule vitelline. Elle forment un plexus veineux autour de l'anse intestinale primitive ou futur duodénum, puis entrent dans le septum transversum avant de former, avec les veines ombilicales, le sinus veineux primitif (fig 17, A). Les veines vitellines, structures paires à l'origine, se développent en dedans des veines ombilicales. Au niveau du septum transversum, leur trajet est interrompu par la prolifération des cordons hépatiques, conduisant à la formation d'un important réseau veineux, les sinusoïdes intrahépatiques (fig 17, B). La portion proximale de ces veines est aussi appelée canaux hépatocardiaques. Avec l'involution de la corne gauche du sinus veineux, la veine vitelline gauche disparaît, et la circulation de la moitié gauche du foie est reprise par la veine vitelline droite, qui s'élargit progressivement pour devenir la portion sus-hépatique de la veine cave inférieure (fig 17, C). Le plexus entourant le duodénum fusionne pour donner naissance à la veine porte. La portion distale de la veine vitelline droite devient la veine mésentérique supérieure. La portion distale de la veine vitelline gauche involue (fig 17, D).


Les veines ombilicales, initialement paires dans les villosités choriales, fusionnent pour ne former qu'une seule veine dans le cordon ombilical, puis se dédoublent à nouveau à l'entrée dans l'embryon. Au début, les veines ombilicales passent de chaque côté du foie mais rapidement des connexions se forment avec les sinusoïdes intrahépatiques (fig 17, B). Dès l'horizon XIII (5 mm) tout le sang veineux ombilical passe à travers le foie, et les portions proximales des veines ombilicales, situées entre le sinus veineux et le foie, ont disparu. Le reste de la veine ombilicale droite disparaît également, et la majorité du sang du placenta arrive aux sinusoïdes hépatiques par la veine ombilicale gauche. Lorsque la corne droite du sinus veineux devient dominante, une communication directe, créée par un élargissement des sinusoïdes hépatiques, se crée entre la veine ombilicale gauche et le canal hépatocardiaque droit (future portion sus-hépatique de la veine cave inférieure) : le ductus venosus, ou canal veineux d'Arantius, qui permet au sang veineux placentaire de court-circuiter le foie (fig 17 C, D). Ce canal s'oblitérera à la naissance pour former le ligament veineux hépatique, et la veine ombilicale gauche s'oblitérera également pour former le ligament rond.

Principal système de drainage veineux de l'embryon, les veines cardinales sont constituées par les veines cardinales antérieures ou précardinales, drainant la partie céphalique de l'embryon, et les veines cardinales postérieures drainant la partie caudale de l'embryon et apparaissant un peu plus tard. De chaque côté, les veines antérieure et postérieure se rejoignent pour former la veine cardinale commune ou canal de Cuvier, avant de pénétrer dans le sinus veineux juste en dehors des veines ombilicales.

Développement des veines cardinales antérieures
La partie distale des veines cardinales antérieures droite et gauche se développe en même temps que le cerveau, donnant naissance aux sinus veineux intracrâniens (sagittal, sigmoïde et caverneux) et aux veines jugulaires internes. Les veines jugulaires externe se développent beaucoup plus tardivement, à partir du plexus veineux facial. Les veines des membres supérieurs se drainent initialement par l'intermédiaire d'une veine intersegmentaire dans la veine cardinale postérieure. Avec la descente du coeur dans le thorax, les membres supérieurs sont plus haut situés et la veine intersegmentaire se draine dans la veine cardinale antérieure ; elle persistera sous le nom de veine sous-clavière.
Relativement tard dans la formation de l'embryon, lorsque celui-ci mesure 20 à 22 mm de long (7 semaines de vie intra-utérine), une anastomose se développe entre les veines cardinales antérieures, qui donnera naissance au tronc veineux innominé ou tronc veineux brachiocéphalique (fig 18). La plupart du sang provenant du côté gauche de la tête et du cou est ainsi dévié vers la droite, conduisant à l'involution de la partie distale de la veine cardinale commune gauche (sa persistance : veine cave supérieure gauche). La partie proximale de la veine cardinale commune gauche et la partie proximale de la corne gauche du sinus veineux deviennent le sinus coronaire. Entre les deux ne subsiste qu'un cordon fibreux, le ligament de Marshall (fig 18). La partie terminale de la veine cardinale postérieure gauche et une petite partie de la veine cardinale antérieure gauche qui se jette dans le tronc veineux innominé subsistent sous la forme d'un petit vaisseau, la veine intercostale supérieure gauche. La veine intercostale supérieure droite se draine dans la veine azygos. La veine cave supérieure définitive est formée par la partie proximale de la veine cardinale antérieure droite et la veine cardinale commune droite. La division entre ces deux segments originels est marquée par l'abouchement de la veine azygos, dont la partie proximale dérive de la partie proximale de la veine cardinale postérieure droite.


Développement des veines cardinales postérieures
Il est beaucoup plus complexe.
Initialement, l'extrémité caudale de l'embryon est drainée par deux veines cardinales postérieures longitudinales et symétriques, en dehors et en arrière du mésonéphros ou corps de Wolff (deuxième ébauche rénale). Entre la cinquième et la septième semaine du développement, apparaissent trois groupes de veines supplémentaires : les veines sous-cardinales, les veines sacrocardinales, et les veines supracardinales.
Les veines sous-cardinales apparaissent en dedans du mésonéphros, en position paramédiane. Des anastomoses se forment alors de chaque côté entre la veine cardinale postérieure et la veine sous-cardinale correspondante. Avec la croissance du mésonéphros, les veines sous-cardinales droite et gauche se rapprochent et une anastomose se forme entre elles, en avant de l'aorte (fig 19). Cette dernière donne naissance à la veine rénale gauche. La veine sous-cardinale gauche involue, à l'exception de sa partie distale qui devient la veine gonadique gauche. Le sang veineux du côté gauche est donc dérivé vers la veine sous-cardinale droite qui devient le segment pararénal de la veine cave inférieure, situé entre l'abouchement de la veine rénale gauche et le foie. Dans le même temps, une nouvelle anastomose veineuse, née de la confluence des sinusoïdes intrahépatiques, permet la continuité du segment pararénal de la veine cave inférieure avec son segment sus-hépatique, dérivé de la veine vitelline droite, en formant le segment intrahépatique de la veine cave inférieure. Si l'anastomose entre les deux veines sous-cardinales ne se développe pas normalement, le retour veineux de la partie inférieure du corps ne se dirigera pas vers la portion intrahépatique de la veine cave inférieure mais d'autres chenaux veineux se développeront, aboutissant à une " continuité azygos de la veine cave inférieure ".

Les veines sacrocardinales vont drainer le sang veineux des membres inférieurs. L'anastomose entre la veine sous-cardinale droite et ces veines va former le segment distal de la veine cave inférieure (fig 18, A). L'anastomose entre les veines sacrocardinales elles-mêmes donnera naissance à l'artère iliaque primitive gauche. La veine sacrocardinale gauche en aval de cette anastomose et l'anastomose entre la veine sacrocardinale gauche et la veine sous-cardinale gauche disparaissent.
Après l'involution des veines cardinales postérieures (chez l'embryon de 6 semaines), les veines supracardinales se développent et reprennent leur fonction, en drainant le sang veineux des parois thoracique et lombaire du corps par l'intermédiaire des veines intercostales. Dans la région thoracique, les veines intersegmentaires qui se drainaient dans les veines cardinales postérieures se drainent dans les veines supracardinales, et des anastomoses se développent entre les veines supracardinales droite et gauche, passant en arrière de l'aorte et en avant de la colonne vertébrale. Dans la région lombaire, les veines supracardinales s'anastomosent avec les veines sous-cardinales en amont de l'anastomose inter-sous-cardinale, et avec les veines sous-cardinales.
Du côté gauche, la veine supracardinale est interrompue entre les troisième et quatrième artères intersegmentaires (fig 18, B). Les seconde et troisième veines intersegmentaires se drainent donc dans la veine intercostale supérieure gauche, cette dernière provenant à la fois de la veine supracardinale gauche, de la partie proximale de la veine cardinale postérieure gauche, et de la partie de la veine cardinale antérieure gauche située entre l'abouchement de la veine cardinale postérieure et du tronc veineux innominé. Les quatrième à septième ou huitième veines intercostales se drainent dans la veine supracardinale gauche, qui se draine par une anastomose transversale dans la veine azygos. Les huitième à onzième veines intercostales se drainent dans la veine supracardinale gauche pour former la veine hémiazygos, qui se draine aussi dans la veine azygos.
À droite, les deuxième et troisième veines intercostales se drainent dans la veine azygos par l'intermédiaire d'une veine similaire, intercostale supérieure droite. Les quatrième à onzième veines intercostales droites se drainent dans la veine supracardinale droite qui, avec la partie proximale de la veine cardinale postérieure, forme la veine azygos.

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Le coeur commence à battre, c'est-à-dire à présenter des contractions rythmées, bien avant le développement du système de conduction intracardiaque. Dès le stade du tube cardiaque primitif, avant même la formation de la boucle cardiaque, on a démontré à l'aide de microélectrodes l'existence d'un complexe ECG multiphasique remarquablement similaire à celui du coeur définitif [ 44 ]. L'observation directe du coeur au stade de la préboucle montre que l'onde de contraction débute dans le segment d'admission du tube cardiaque (inflow part) et se propage au ventricule et à la voie d'éjection [ 36 ]. En utilisant des colorations voltage-dépendantes, on a pu démontrer l'existence de potentiels d'action rythmés chez le coeur d'embryon de poulet avant l'apparition des contractions cardiaques [ 23 ], l'excitabilité et la contraction n'étant donc pas nécessairement couplées.
Sur le plan cellulaire, c'est le myocarde primitif qui est à l'origine du tissu de conduction, mais aussi du myocarde contractile et d'une partie de l'endocarde (lignée cellulaire unique). Le myocarde primitif est caractérisé par des vitesses de conduction basses, uniformément réparties, liées à des canaux calciques lents, reflétant la faible densité des gap junctions, structures cellulaires responsables du couplage électrique direct des cardiomyocytes [ 36 ]. En raison de la propagation lente de l'influx, le myocarde primitif se contracte sur le mode péristaltique.
La différenciation du myocarde primitif en myocarde contractile a plusieurs conséquences sur le plan électrique et fonctionnel. La connexine 43 devient décelable dans les segments atrial et ventriculaire, reflétant la formation de gap junctions en nombre rapidement croissant, avec des potentiels d'action caractéristiques de canaux calciques rapides, aboutissant à des vitesses de conduction plus élevées. En conséquence, le mode de contraction, de péristaltique, devient synchrone [ 36 ].
Cette différenciation cellulaire aboutit à l'existence de segments fonctionnellement et morphologiquement différents, avec alternance de zones à conduction rapide et de zones à conduction lente. Cette série de segments comprend, dans le sens du flux sanguin :

- une chambre d'entrée à conduction lente ;
- une oreillette à conduction rapide ;
- une jonction atrioventriculaire à conduction lente ;
- un ventricule à conduction rapide ;
- et une longue voie d'éjection à conduction lente.

L'existence de deux zones contractiles à conduction rapide explique comment le coeur primitif peut fonctionner sans valves atrioventriculaires et sans système de conduction organisé. Une expérience simple permet de démontrer cette théorie : le refroidissement de l'embryon, en ralentissant le rythme des battements cardiaques, entraîne une régurgitation sanguine. La gelée cardiaque agit en fait uniquement comme filling substance en assurant l'occlusion de la lumière du tube cardiaque pendant la contraction, pour assurer un volume d'éjection adéquat [ 2 ]. D'autre part, les oreillettes ont une vitesse de contraction supérieure, mais une durée de contraction plus courte, que les ventricules, ceci étant lié à des différences dans le phénotype moléculaire des différents segments cardiaques : dans l'oreillette, on retrouve l'expression d'un isoforme rapide de la myosine, et une clairance calcique rapide, contrairement au ventricule (isoforme lent de la myosine, clairance calcique lente, présence d'acétylcholinestérase).

Ces noeuds peuvent être considérés comme formés par du myocarde primitif persistant, leur caractéristique principale qu'ils partagent avec le myocarde primitif étant la lenteur de la propagation de l'influx. Leur fonction principale est similaire à celle du myocarde primitif de la chambre d'admission et de la jonction auriculoventriculaire [ 36 ].

Le développement du tronc du faisceau de His et de ses branches, système à conduction rapide, est étroitement lié au processus de septation ventriculaire, son rôle étant d'assurer la coordination des contractions des deux ventricules. L'intégralité du système de conduction ventriculaire est développée à partir du myocarde interventriculaire entourant le foramen ventriculaire primitif [ 54 ].
L'hypothèse communément admise jusqu'à une époque récente était celle de la présence de quatre anneaux de myocarde " spécialisé " situés au niveau des quatre zones de transition entre les segments du myocarde embryonnaire [ 52 ]. Ce sont :

- l'anneau sinoatrial, à l'intérieur de l'oreillette ;
- l'anneau auriculoventriculaire, au niveau de la jonction atrioventriculaire primitive ;
- l'anneau primitif, situé sur le bord du septum interventriculaire primitif (au niveau du foramen interventriculaire primitif) ;
- et l'anneau artériel, entre voie d'éjection et truncus.

Seuls trois de ces anneaux donneront naissance aux tissus de conduction, la formation de la boucle et surtout le processus de septation cardiaque les amenant au contact les uns des autres au niveau de la croix du coeur. Le noeud sinoatrial proviendrait de l'anneau sinoatrial, le noeud atrioventriculaire de l'anneau sinoatrial et de l'anneau auriculoventriculaire, le tronc du faisceau de His (penetrating bundle) et sa branche gauche de l'anneau auriculoventriculaire et de l'anneau primitif, la branche droite du faisceau de His et la partie ramifiée du tronc (branching bundle) de l'anneau primitif.
En fait, avec les techniques immunohistochimiques actuelles, il semble bien que l'intégralité du système de conduction ventriculaire se développe à partir du myocarde interventriculaire entourant le foramen ventriculaire primitif [ 54 ]. Un anticorps monoclonal dirigé contre l'antigène tissulaire neural, protéine extraite du ganglion nodosum du poulet (GLN2) se lie de façon spécifique à une certaine subpopulation de cardiomyocytes dans le coeur humain embryonnaire. De 31 à 35 jours de vie intraembryonnaire, les cardiomyocytes exprimant le GLN2 forment un anneau continu autour du foramen interventriculaire primitif. La partie supérieure de cet anneau est située dans la petite courbure (lesser curvature), zone de myocarde légèrement épaissie dans la partie la plus basse de la paroi du canal atrioventriculaire, qui exprime aussi la -MHC. Sa partie inférieure est située dans le septum interventriculaire en développement, c'est-à-dire bas située (fig 20 A, B). Aux alentours du 42e au 44e jour, le canal atrioventriculaire est divisé en deux portions, droite et gauche, bien que le sang provenant des oreillettes se draine toujours préférentiellement dans le ventricule gauche. Les cellules GLN2 sont toujours localisées dans la partie basse de la paroi du canal atrioventriculaire, mais sont arrangées de façon linéaire, au niveau de ce qu'on a appelé l'anneau auriculoventriculaire droit. Cette partie de l'anneau de GLN2 reste contiguë avec celle qui entoure le foramen interventriculaire primitif, et correspond à la zone où se développeront le noeud auriculoventriculaire et le tronc du faisceau de His (fig 20, C). Au sommet du septum interventriculaire, l'anneau de GLN2 se divise en trois parties : le long des côtés droit et gauche du septum interventriculaire, deux branches descendent jusqu'à la base de celui-ci. Le composant principal chemine en avant sur le bord supérieur du septum interventriculaire et remonte vers la jonction entre le segment sous-aortique de la voie d'éjection et le ventricule gauche embryonnaire jusqu'à la petite courbure, où il rejoint l'extrémité interne de l'anneau auriculoventriculaire droit. L'extension vers la gauche de la partie antérieure de l'anneau de GLN2 reflète le changement de position de la partie sous-aortique de la voie d'éjection (fig 20, D). Entre le 44e et le 51e jour, la portion gauche du canal atrioventriculaire est entièrement connectée au ventricule gauche, alors que la portion droite, plus petite, est entièrement connectée au ventricule droit. La septation ventriculaire est presque complète, à l'exception d'un petit foramen interventriculaire non encore fermé. La partie sous-aortique de la voie d'éjection s'est élargie et est presque entièrement située au-dessus du ventricule gauche. C'est à ce stade que l'intensité du marquage cellulaire par le GLN2 est la plus forte. Toutefois, ces cellules ne forment déjà plus un anneau complet. Dans la petite courbure, le marquage est localisé à la jonction auriculoventriculaire juste en arrière de l'aorte. Entre 56 et 60 jours, la septation cardiaque est achevée et la discontinuité entre les différents segments exprimant le GLN2 s'est accentuée. À la partie antérieure de la jonction auriculoventriculaire droite, l'architecture de l'anneau auriculoventriculaire droit est plus proéminente qu'à aucun des stades précédents. En arrière, le GLN2 n'est plus visible, et se retrouve à une forte concentration dans la région du noeud auriculoventriculaire et la partie proximale du faisceau de His. Le système de conduction ventriculaire est maintenant caractérisé par la coexpression de -MHC et de -MHC. L'expression du GLN2 disparaît ensuite brutalement pour se retrouver au niveau des branches droite et gauche du faisceau de His, à une moindre concentration. La partie rétroaortique de l'anneau de GLN2 se retrouve dans l'oreillette, avec une très faible expression de GLN2. Cette étude démontre [ 54 ] que l'on peut identifier les cellules précurseurs du tissu de conduction ventriculaire, et le noeud auriculoventriculaire, par les anticorps anti-GLN2. Le tissu de conduction auriculoventriculaire ne peut se former normalement que si les septa interauriculaire, interventriculaire et conal sont normalement formés et normalement alignés. Les noeuds auriculoventriculaires anormaux présents dans les défauts d'alignement, en général situés en position antérieure, se développent néanmoins toujours dans la zone de l'anneau à GLN2.


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Le réseau coronaire apparaît dès le 35e jour du développement embryonnaire sous forme d'îlots sanguins circulaires sur l'épicarde du sillon interventriculaire, près de l'apex [ 20 ]. Ces îlots apparaissent ensuite dans le sillon auriculoventriculaire puis augmentent en nombre et forment un plexus rudimentaire. Leur apparition fait suite à la disparition de la couche de gelée cardiaque entre endocarde et myocarde, qui s'accompagne d'une diminution de la distance endocardoépicardique. Environ 3 jours après l'apparition des îlots sanguins, une connexion veineuse s'établit entre le sinus coronaire et le plexus, et ce dernier devient moins saillant, probablement en raison du drainage de son contenu. Entre le 45e et le 48e jour de vie, la connexion entre l'aorte et le plexus épicardique s'établit, avec la formation des ostia coronaires dans les deux sinus de Valsalva adjacents au tronc pulmonaire. Pourquoi les coronaires naissent-elles toujours de ces deux sinus de Valsalva et non des quatre autres (sinus postérieur de l'aorte et sinus de l'artère pulmonaire) ? L'explication fournie par Hutchins réside dans la forme caténoïdale, c'est-à-dire concave vers l'extérieur, de ces deux sinus par rapport aux autres, qui sont soit rectilignes, soit convexes vers l'extérieur. Cette configuration particulière, en augmentant la tension pariétale, faciliterait la formation des ostia, ou bourgeons coronaires, par évagination de l'endothélium vasculaire. D'autre part, contrairement à ce qui se passe dans d'autres espèces, à aucun stade du développement ne sont observées de fistules entre les coronaires et la lumière des ventricules, ou sinusoïdes, qui disparaîtraient par la suite. La formation de la connexion entre le plexus artériel coronaire et l'aorte semble donc se faire très rapidement, et obéir à la loi du tout ou rien : ou elle existe, ou elle est absente, sans qu'on puisse en distinguer de prémisses [ 20 ]. Les anomalies d'origine des coronaires pourraient donc être dues à des altérations de la forme des sinus juxtapulmonaires, mais cette hypothèse n'a pu être démontrée jusqu'à présent.
Une étude plus récente réfute le concept de bourgeons coronaires naissant des sinus de Valsalva et entrant en contact avec les vaisseaux coronaires proprement dits. Ces derniers poursuivraient en fait un trajet perpendiculaire à travers la paroi aortique de façon à entrer en contact avec la lumière artérielle [ 4 ].
Selon Corone et Dor [ 10 ], le réseau coronarien embryonnaire se condense en trois cercles : le cercle auriculoventriculaire, le cercle interventriculaire, et le cercle truncoconal. Ce dernier est le seul à communiquer avec la lumière du truncus et alimente les deux autres cercles. Ces cercles communiquent entre eux aux points où ils se rencontrent : point A, B et C reliant le cercle truncoconal aux deux autres, point D à la rencontre du cercle auriculoventriculaire avec la partie postérieure du cercle interventriculaire. Chacun de ces cercles disparaît habituellement en deux zones dont la situation peut varier : les cercles auriculoventriculaire et truncoconal disparaissent presque toujours dans la partie antérieure du sillon auriculoventriculaire, au niveau du trigone fibreux du coeur qui correspond au sulcus auriculoconal, probablement par écrasement entre le conotruncus et le canal auriculoventriculaire. En outre, le cercle auriculoventriculaire se coupe dans la région de la croix du coeur et le cercle truncoconal en avant de l'infundibulum pulmonaire. Le cercle interventriculaire disparaît à sa partie céphalique, et à la face postérieure du coeur plus ou moins près de la pointe.

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