Prostaglandines





Ludovic Drouet: Professeur, service d'angiohématologie biologique et moléculaire et institut des vaisseaux et du sang
hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris France
11-915-A-10 (1997)



Résumé

Les prostaglandines plaquettaires et pariétales vasculaires jouent un rôle déterminant dans trois fonctions clés de la physiologie et de la pathologie, l'hémostase et la thrombose, l'inflammation et la vasomotricité, mais sont associées à de nombreuses autres fonctions : cytoprotection, métabolisme, apoptose. Ce sont donc des cibles thérapeutiques largement utilisées avec une efficacité relative qui permet d'évaluer l'implication quantitative des voies métaboliques des prostaglandines dans les processus physiologiques et pathologiques. Le caractère ubiquitaire des voies métaboliques des prostaglandines explique que leurs manipulations à des fins vasculaires a des effets secondaires vasculaires et extravasculaires.
Cette voie de recherche est toujours en pleine exploration et deux faits récents ont fait évoluer les connaissances avec leurs implications pharmacologiques et thérapeutiques. Le premier est la mise en évidence de deux cyclo-oxygénases : une constitutive, la COX1 qui est celle des plaquettes et de la muqueuse gastrique, et une inductible par stimulation, la COX2 qui, en ce qui nous intéresse ici, est prédominante dans les cellules endothéliales et les monocytes. La COX1 est particulièrement sensible à l'acétylation par l'aspirine (d'où l'efficacité antiplaquettaire et la gastrotoxicité dès les faibles doses) alors que la COX2 l'est beaucoup moins (d'où la nécessité de très fortes doses d'aspirine pour avoir un effet anti-inflammatoire). La deuxième nouveauté est la caractérisation de sous-populations de récepteurs au thromboxane A2.
Au total, les implications physiologiques et pathologiques et l'utilisation très prédominante de l'aspirine dans la prévention des thromboses artérielles font de ce chapitre un des chapitres principaux de la pathologie artérielle.

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Plan

Introduction
Prostaglandines plaquettaires et thrombose artérielle
Endothélium, prostaglandines et vasomotricité
Existence de deux cyclo-oxygénases
Prostaglandines en physiologie et en pathologie vasculaire et extravasculaire
Prostaglandines et paroi vasculaire : implications thérapeutiques

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L'intérêt de l'étude des prostaglandines (PG) réside dans leur implication physiopathologique artérielle et de l'intérêt clinique de leur modulation thérapeutique en pathologie thrombotique.
Les plaquettes jouent un rôle prépondérant dans la genèse des thromboses artérielles. Parmi les antiplaquettaires, l'aspirine a montré une efficacité dans la prévention d'un quart ou un peu plus des accidents thrombotiques artériels [ 1 ], en particulier les pathologies ischémiques coronaires (angor instable et infarctus du myocarde) et les pathologies ischémiques vasculaires cérébrales (accidents ischémiques transitoires et accidents vasculaires constitués). Cette protection n'est que partielle, il y a donc la possibilité, en comprenant mieux les mécanismes et en dessinant de nouvelles molécules, de pouvoir arriver à des résultats supérieurs. Il est maintenant admis que l'efficacité de l'aspirine est corrélée à l'inhibition de la production de thromboxane par les plaquettes [ 21 ].
À côté des plaquettes, le second producteur de PG dans le système vasculaire est la paroi vasculaire qui produit essentiellement des PG vasodilatatrices et antiagrégantes plaquettaires. Cette constatation, qui date de la fin des années 1970, a été à l'origine d'un débat sur les doses d'aspirine à donner pour inhiber efficacement les PG plaquettaires (thromboxane) en préservant les PG pariétales (prostacycline) [ 21 ]. Actuellement, il n'y a aucun argument d'observation thérapeutique que l'inhibition des PG vasculaires puisse avoir un effet prothrombogène de signification [ 21 ].
Le troisième type cellulaire producteur de prostaglandines largement impliqué dans plusieurs chapitres de la physiologie et de la pathologie vasculaire est les monocytes.
La connaissance des PG doit aider à comprendre les thérapeutiques existantes et à venir, et à éviter les erreurs de conceptions antérieurement émises.
Nous allons donc rapidement faire le point sur les prostaglandines vasculaires.

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Les plaquettes s'activent lorsqu'elles sont stimulées par des divers agonistes physiologiques pour lesquels les plaquettes portent à leur surface des récepteurs spécifiques : ainsi agissent la thrombine, le collagène, l'adénosine 5'diphosphate (ADP), le PAF (platelet activating factor), le thromboxane A2, la sérotonine, l'adrénaline [ 48 ]. Ces inducteurs agissent par un réseau de voies de transductions des messages d'activation, interdépendants, par lesquels les plaquettes entreprennent une série de jonctions : changement de forme, agrégation, sécrétion.
Ces voies de transducteurs intraplaquettaires des messages d'activation mettent en jeu l'activation de la phospholipase C avec formation de diacylglycérol stimulant de la protéine kinase C (PCK) et d'inositol 1, 4, 5 triphosphate (IP3) qui lui induit la libération d'ions calcium (Ca2+) des réserves intracytoplasmiques et donc l'augmentation du Ca2+ intracytoplasmique. Cette augmentation du Ca2+ active la phospholipase A2 qui agit sur son substrat, les phospholipides de membrane, pour libérer de l'acide arachidonique. L'acide arachidonique est le substrat de la cyclo-oxygénase (COX) qui le transforme en endoperoxydes PGG2 puis PGH2 qui est elle-même convertie en thromboxane A2 par action de la thromboxane synthétase. Dans les conditions normales, de faibles quantités de PGE2, PGD2 et PGF2 sont aussi produites par les plaquettes stimulées. Le thromboxane A2 ainsi produit sort de la plaquette et active les récepteurs des plaquettes avoisinantes. Le thromboxane A2 participe ainsi au recrutement des plaquettes de voisinage dans les phénomènes d'hémostase et de thrombose. La voie des thromboxanes est donc une boucle d'amplification de l'activation plaquettaire [ 15 ].
L'agrégat plaquettaire s'organise par liaison du fibrinogène aux récepteurs des membranes GPIIb/IIIa qui ont pris une configuration " activée " au cours du processus d'activation de la plaquette. Le fibrinogène étant une molécule symétrique bivalente, il constitue des ponts moléculaires entre les plaquettes.
Le système d'activation plaquettaire peut être interrompu par les agents qui augmentent l'adénosine 3'-5'-monophosphate (AMP) cyclique (AMPc). Cette augmentation de l'AMPc peut être obtenue soit par stimulation de l'adénylate cyclase soit par inhibition de l'AMPc phosphodiestérase. Les agents physiologiques stimulant l'adénylate cyclase plaquettaire sont la prostacycline, l'adénosine et la PGD2 (qui est formée en faible quantité au cours de l'activation plaquettaire).
La prostacycline est le principal métabolite de l'acide arachidonique formé par la paroi vasculaire. Les premières étapes de synthèse des prostanoïdes sont identiques dans les cellules endothéliales et les plaquettes, mais dans l'endothélium les PG/endoperoxydes suivent une voie spécifique et sont transformées en prostacycline par la prostacycline synthétase. De plus, il a été montré que, sous certaines conditions, les PG/endoperoxydes formées par les plaquettes activées peuvent être libérées des plaquettes, pénétrer dans les cellules endothéliales et suivre le schéma métabolique de cette cellule ; ainsi les produits intermédiaires du métabolisme des PG plaquettaires subissent un métabolisme transcellulaire : repris par l'endothélium pour produire de la prostacycline, constituant ainsi un feedback négatif pour l'activation plaquettaire [ 4], [5], [45 ].

Le thromboxane A2 est le principal métabolite des PG qui se fixe à un récepteur membranaire pour initialiser les processus d'activation et d'agrégation [ 24 ]. Le récepteur au thromboxane A2 et lié par une G protéine de la classe Gq à une phospholipase C qui hydrolyse les phospho-inositides en deux puissants seconds messagers stimulateurs : l'IP3 et le diacylglycérol [ 6 ].
Les seconds messagers induisent des mécanismes différents de l'activation plaquettaire : l'IP3 entraîne l'augmentation du calcium libre intracytoplasmique et le diacylglycérol entraîne l'activation de la PCK.
Il n'est pas encore complètement établi si ces mécanismes résument tous les mécanismes d'action activés par le thromboxane A2.
En effet, l'utilisation d'analogues radiomarqués de thromboxane A2 ont permis de démontrer qu'il existait au moins deux classes de sites de liaison aux plaquettes. Il pourrait donc exister deux sous-types de récepteurs qui agiraient indépendamment, un pour induire le changement de forme et l'autre l'agrégation [ 18], [22 ]. Ceci est confirmé par le fait que différents analogues de thromboxane A2 activent différemment changement de forme et agrégation. Ainsi, un type de récepteurs liés à la phospholipase C induirait l'agrégation et la sécrétion plaquettaire, alors que l'autre induirait une augmentation du calcium cytoplasmique et un changement de forme.
D'un point de vue moléculaire, deux isoformes de récepteurs humains au thromboxane A2 ont été clonées : une isolée à partir de placenta et l'autre à partir de l'endothélium (appelées respectivement T×R et T×R). Les deux isoformes diffèrent par leur partie carboxyterminale. Les deux formes sont présentes sur les plaquettes, les deux isoformes ont des capacités similaires de lier ces ligands et d'activer la phospholipase C mais ont des effets opposés sur l'activité de l'adénylate cyclase : T×R l'active alors que T×R l'inhibe.
Une mutation (Arg60 Leu) de T×R induit cliniquement une thrombopathie avec un syndrome hémorragique [ 19 ] et se caractérise par un trouble de l'activation de la phospholipase C et de l'adénylate cyclase alors que la T×R conserve son activité inhibitrice de l'adénylate cyclase.
Donc l'inhibition de l'adénylate cyclase pourrait participer à des mécanismes de réponse plaquettaire comme le changement de forme [ 20 ]. Les deux sous-types de récepteurs pourraient provenir d'un épissage alternatif du même gène.

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Le système cardiovasculaire est régulé par des mécanismes centraux, hormonaux et des médiateurs locaux.

Anatomiquement
L'endothélium situé entre les cellules musculaires lisses des parois des vaisseaux sanguins et les éléments figurés circulants activables, en particulier plaquettes et monocytes, règlent la majorité des fonctions de cette interface. En réponse à des signaux mécaniques (modification des conditions circulatoires : vitesse, pression...), des signaux hormonaux ou des modifications métaboliques locales (hypoxie), l'endothélium libère des médiateurs qui modulent la contraction et la prolifération des cellules musculaires lisses, l'adhésion et l'agrégation des plaquettes et des leucocytes et leur interaction avec les phénomènes de coagulation.
Les PG endothéliales (en particulier la prostacycline), le monoxyde d'azote (NO) et un facteur d'hyperpolarisation, non encore complètement caractérisé, médient les phénomènes de relaxation. En outre, la prostacycline et le NO inhibent la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses, l'adhésion et l'agrégation des plaquettes.
Le thromboxane A2 et la PGH2 sont, avec l'endothéline I, des facteurs endothéliaux vasocontractants. Alors que le thromboxane A2 et la PGH2 activent les plaquettes, l'endothéline I n'a pas d'effet direct sur les plaquettes mais a un effet stimulant la prolifération des cellules musculaires lisses des parois vasculaires.

Conditions physiologiques
En conditions physiologiques, l'endothélium se caractérise par un ensemble de fonctions protectrices du vaisseau :

- vis-à-vis des cellules circulantes et pariétales :
- en prévenant l'adhésion, l'agrégation des cellules sanguines ;
- en dilatant les vaisseaux et en inhibant la prolifération des cellules musculaires lisses ;
- vis-à-vis de tous les systèmes moléculaires activables (en particulier la coagulation).
Conditions pathologiques
En état pathologique, les dysfonctions de l'endothélium entraînent vasoconstriction, adhésion et agrégation des plaquettes et des monocytes, prolifération des cellules musculaires lisses, série d'événements que l'on sait participer à la genèse des lésions d'athérosclérose et de leurs complications thrombotiques.
Prostacycline
La prostacycline est le plus anciennement connu des facteurs vasodilatateurs d'origine endothéliale. La prostacycline endothéliale entraîne une relaxation dépendante de l'endothélium, des cellules musculaires lisses vasculaires en agissant comme déjà précédemment décrit au niveau de la plaquette. Les récepteurs à la prostacycline stimulent l'adénylate cyclase et augmentent le taux d'AMPc. La prostacycline est formée après activation de la phospholipase A2, de la COX et de la prostacycline synthétase. La prostacycline est libérée par les cellules endothéliales en réponse aux modifications des contraintes de cisaillement à la paroi, de l'hypoxie et d'agents vasoactifs qui stimulent les autres activités vasodilatatrices de la cellule endothéliale. La prostacycline a un puissant effet inhibiteur de l'agrégation plaquettaire. La prostacycline est le principal prostanoïde dans tous les tissus vasculaires. Dans les larges vaisseaux, il existe un gradient de concentration de la prostacycline depuis la face intimale, avec une diminution progressive vers l'adventice [ 31 ]. Les cellules endothéliales sont individuellement (par cellule) le plus fort producteur de prostacycline [ 50 ] mais les cellules musculaires lisses peuvent aussi en produire et, par leur nombre beaucoup plus important que celui des cellules endothéliales, leur production est globalement significative. La prostacycline a une puissante activité vasodilatatrice et donc hypotensive sur tous les lits vasculaires [ 32 ]. La prostacycline augmente l'AMPc des cellules musculaires lisses, des plaquettes. Dans les plaquettes, la prostacycline agit synergiquement avec le NO pour inhiber l'agrégation plaquettaire. Cet effet antiagrégant plaquettaire se démontre par un effet antithrombotique dans un grand nombre de modèles expérimentaux. Quand elle a été testée à forte concentration, la prostacycline a en plus un effet inhibiteur de l'adhésion plaquettaire.
Activités endothéliales vasodilatatrices autres que la prostacycline
L'activité vasodilatatrice des cellules endothéliales est aussi due à d'autres médiateurs, en particulier le NO. Le principal médiateur des activités vasodilatatrices de l'endothélium, en dehors de la prostacycline, a été reconnu être une substance de durée de vie extrêmement brève (quelques secondes), initialement appelée le facteur relaxant endothélial (EDRF) [ 13 ] qui a été identifié comme étant le radical libre NO [ 13], [36 ]. Dans les cellules musculaires lisses vasculaires, le NO stimule la guanilate cyclase soluble et augmente le taux de guanosine-3'-5'monophosphate cyclique (GMPc). Le GMPc induit la relaxation des cellules musculaires lisses en augmentant la recapture du calcium cytosolique vers les organelles de stockage, ou bien son extrusion vers le milieu extracellulaire. Le NO dans certains territoires vasculaires agirait par activation des canaux potassiques indépendamment du taux de GMPc. Le NO est synthétisé par une enzyme membranaire constitutive, la NO synthétase (NOS de type 3) qui catalyse la conversion de la L-arginine en L-citruline avec oxydation de l'azote guanidoterminal de la L-arginine. Les relaxations dépendant de l'endothélium peuvent être inhibées par des analogues de la L-arginine comme la L-NG-monométhyl-L-arginine (L-NMMA) ou la N-I, 3-L-arginine-méthylesther qui entrent en compétition avec le précurseur naturel L-arginine de l'enzyme. La participation prédominante du NO pour induire un état de vasodilatation de base est prouvée par le fait que l'administration en perfusion intraveineuse de L-NMMA induit des augmentations prolongées de la tension artérielle, par augmentation des résistances périphériques. De même, des souris n'exprimant plus le gène de la NOS endothéliale se caractérisent par une pression artérielle plus élevée que celle des souris témoins. Mais le NO et la prostacycline ne sont probablement pas les deux seuls facteurs vasorelaxants produits par l'endothélium : les cellules endothéliales libèrent également une substance diffusible distincte qui déclenche une hyperpolarisation des cellules musculaires lisses et leur relaxation : le facteur d'hyperpolarisation endothéliale (EDHF) [ 8 ]. L'identité du EDHF est inconnue. Comme, selon les espèces, les hyperpolarisations endothéliales sont médiées par activations de canaux potassium-calcium ou potassium-ADP des cellules musculaires lisses, plusieurs facteurs hyperpolarisants endothéliaux pourraient exister. Le NO et la prostacycline sont libérés à la fois vers la face basale et vers la face luminale de la cellule endothéliale où ils vont agir d'un côté sur les cellules musculaires lisses vasculaires et de l'autre côté sur les cellules sanguines circulantes et les protéines. Dans la plaquette, NO et prostacycline agissent synergétiquement pour inhiber l'agrégation plaquettaire [ 38 ]. La prostacycline induit une augmentation du taux d'AMPc et le NO une augmentation du taux de GMPc qui s'associent pour inhiber l'adhésion et l'agrégation [ 40], [41 ]. Les plaquettes elles-mêmes possèdent un schéma métabolique L-arginine/NO qui régule leur agrégabilité [ 39 ]. Il existe des interactions complexes entre les cellules circulantes et l'endothélium ; en particulier, les plaquettes libèrent des substances, ADP, ATP (adénosine triphosphate), sérotonine qui activent la libération de NO et de prostacycline par l'endothélium [ 7], [55 ]. En outre, la thrombine, l'enzyme finale de la cascade de la coagulation plasmatique, stimule la formation de NO et de prostacycline par l'endothélium [ 25 ]. Ainsi, au site où les plaquettes et la coagulation sont activées, l'endothélium intact va libérer du NO et de la prostacycline qui vont exercer leurs activités vasodilatatrices et inhibitrices des fonctions plaquettaires, tendant ainsi à prévenir la vasoconstriction et la formation d'un thrombus occlusif. L'interaction entre les plaquettes et l'endothélium est encore plus complexe, puisque des intermédiaires métaboliques du schéma des PG d'origine plaquettaire (endoperoxydes) peuvent être repris par l'endothélium où la prostacycline synthétase les transforme en prostacycline, vasodilatatrice et antiagrégante plaquettaire, contrairement à l'effet qu'ils auraient eu dans la plaquette où leur métabolisme par la thromboxane synthétase les aurait transformés en thromboxane A2, proagrégant plaquettaire et vasoconstricteur. À côté des prostanoïdes vasoconstricteurs, thromboxane A2 et PGH2, l'endothélium est profondément impliqué dans la vasoconstriction par l'intermédiaire de l'endothéline et du système rénine-angiotensine.
Prostaglandines vasoconstrictrices
La stimulation de l'endothélium par l'acide arachidonique, l'acétylcholine, l'histamine, la sérotonine peut induire une vasoconstriction endothélium dépendante mais qui est médiée par le thromboxane A2 et la PGH2. Le thromboxane A2 et la PGH2 activent un récepteur au thromboxane des cellules musculaires lisses et des plaquettes, s'opposant ainsi directement aux activités vasodilatatrices et antiagrégantes plaquettaires de la prostacycline et du NO. De plus, la COX peut produire des ions superoxydes qui inactivent le NO.
Facteurs vasoconstricteurs en dehors des prostanoïdes
L'endothéline existe sous trois isoformes : I, II, et III. L'endothéline I est le seul produit de la cellule endothéliale [ 54 ]. L'endothéline I, à faible concentration, induit une vasodilatation par activation des récepteurs endothéliaux ETB, couplés à la libération de NO, de prostacycline et du EDHF. L'endothéline I, à forte concentration, provoque une vasoconstriction puissante et durable par activation des récepteurs ETA et dans certains vaisseaux sanguins par l'activation des récepteurs ETB des cellules musculaires lisses vasculaires [ 26 ]. À côté de ces deux systèmes, l'endothélium contribue à la vasoconstriction par sa participation au système rénine-angiotensine : il exprime à sa surface l'enzyme de conversion de l'angiotensine qui active l'angiotensine I en angiotensine II [ 33 ]. Cette enzyme, appelée aussi kinase II, inactive la bradykinine. L'hypothèse que d'autres composants du système rénine-angiotensine puissent être produits par l'endothélium est toujours l'objet d'un débat. L'angiotensine II active les récepteurs endothéliaux à l'angiotensine. Ces récepteurs stimulent la production d'endothéline et d'autres médiateurs endothéliaux.
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La découverte de deux COX (COX1 et COX2) a donné une nouvelle impulsion à l'étude des PG vasculaires (tableau I). La COX1 est constitutive alors que la COX2 est induite pour l'activation (ou la lyse) des cellules et des tissus, en particulier par les lipopolysaccharides bactériens, par les cytokines et par les facteurs de croissance. Ces deux enzymes ont un poids moléculaire similaire d'environ 70 000 kDa et des constantes d'affinités et d'activités vis-à-vis de l'acide arachidonique à peu près similaires. Elles se distinguent, en dehors de leurs conditions d'induction, par leur sensibilité aux anti-inflammatoires. La COX1 est très sensible à l'aspirine alors que la COX2 l'est beaucoup moins. En conditions physiologiques, l'activation de la COX1 dans les plaquettes, l'endothélium, la muqueuse gastrique ou le rein se traduit par la libération de thromboxane A2, de prostacycline ou de PGE2 en fonction des équipements enzymatiques spécifiques de ces cellules dans le métabolisme des prostanoïdes en aval de la synthèse d'endoperoxydes. Dans ces cellules, la libération des prostanoïdes est inhibée sélectivement par les médicaments " aspirine like ". Les stimuli inflammatoires, par l'intermédiaire de cytokines, telle l'interleukine I (IL1), induisent la synthèse de COX2 aboutissant aussi à la libération de prostanoïdes. Ces mécanismes sont le plus souvent associés aux mécanismes de l'inflammation. Cette voie de la COX2 peut être interrompue [ 28 ] soit par les antagonistes spécifiques en aval de l'activation de la COX2, soit par les inhibiteurs de l'induction de la COX2 comme les glucocorticoïdes, soit par les inhibiteurs spécifiques de la COX2. La COX1 est connue depuis 1976 pour sa possibilité de transformer l'acide arachidonique, le cyclisant d'une part et en lui rajoutant d'autre part le radical 15 hydroperoxyde aboutissant à la formation de l'endoperoxyde PGG2. C'est la même enzyme qui réduit la PGG2 en PGH2 par une fonction peroxydase. La connaissance de la structure tridimensionnelle de la COX1 a permis de comprendre son mode d'action mais aussi le mode d'inhibition par les médicaments de type aspirine qui agissent en acétylant de manière irréversible la sérine en position 530 du site actif de la COX1, bloquant ainsi l'accès de ce site à l'acide arachidonique [ 37 ]. Cette seconde enzyme, de découverte plus récente [ 23 ], présente 60 % d'homologie et 80 % d'identité génétique avec la séquence de l'enzyme constitutive. Les deux enzymes ont des affinités différentes pour les acides gras et les inhibiteurs. L'aspirine, mais seulement à forte dose, peut acétyler la sérine 516 de la COX2. Même acétylée, cette enzyme peut encore catalyser l'activité lipo-oxygénasique transformant l'acide arachidonique avec formation de 15 HETE (acide 15 hydroxy-eicosatétraénoïque). L'élucidation des différences entre COX1 et COX2 a fourni la possibilité de dessiner des inhibiteurs spécifiques de la COX2.
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La COX1 est exprimée dans la plupart des tissus et joue un rôle dans la synthèse des PG qui règlent l'activité cellulaire normale. La concentration de l'enzyme reste en général faible et les stimulations n'induisent que de faible augmentation de l'expression (deux à quatre fois) [ 9], [53 ]. La synthèse de thromboxane A2 par les plaquettes est sous la dépendance de COX1 [ 12 ]. L'enzyme gastrique est aussi la COX1 [ 34 ]. La production de PG par la muqueuse gastrique joue un rôle cytoprotecteur [ 27 ]. Les plus faibles doses d'aspirine qui inhibent la COX1 plaquettaire inhibent aussi la COX1 gastrique et induisent la toxicité gastrique qu'on lui connaît, certes dose dépendante mais existant même pour ces plus faibles doses (30 mg d'aspirine dans la Dutch TIA study). La part des PG dans la régulation de la fonction rénale est mineure. Cette modulation n'apparaît qu'en cas de perturbations importantes de l'équilibre hydroélectrolytique, d'activation d'autres systèmes hormonaux et de divers états pathologiques. Elle explique l'effet délétère des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sur les fonctions rénales en cas de fortes altérations de ces dernières. Les PGE2 et PGF2 sont synthétisées par la membrane basale, le myomètre et par les membranes foetales, et le cordon ombilical. La capacité des tissus à élaborer des PG augmente progressivement pendant la grossesse, en rapport avec la stimulation de la COX2. Les PG jouent un rôle au cours du travail en participant à la dilatation cervicale [ 29], [30], [35 ]. En dehors de la stimulation de COX2, il y aussi stimulation de l'activité PLA2 [ 3 ]. En plus de cette implication dans le travail, à la naissance les PG interviennent sur le foetus dans le maintient de l'ouverture du canal artériel [ 16 ]. L'administration à forte dose d'AINS pourrait retarder le processus de naissance et provoquer la fermeture prématurée du canal artériel. Les PG sont largement impliquées dans le cycle ovarien et participent aux signes fonctionnels de la dysménorrhée. La production de la PGF2 est largement augmentée au cours de la phase lutéale [ 49 ]. La PGF2 semble impliquée dans un double processus biphasique, stimulation de la production de progestérone en même temps que l'induction de l'involution du corps jaune avec une diminution donc de la production de progestérone [ 14 ]. Les productions hormonales de PGF2 et de PGE2 sont responsables des symptômes dysménorrhéiques, en effet les PG sont responsables des contractions utérines [ 2 ] et des ménorragies liées à leur effet vasodilatateur. La PGE2 produite lors des processus inflammatoires est responsable, par son effet vasodilatateur, de l'érythème [ 47 ]. Cette vasodilatation augmente le flux dans la zone d'inflammation et les agents de perméabilité vasculaire (exemple : bradykinine, histamine) aboutissent à l'oedème [ 51 ]. La PGE2 par son activité sensibilisatrice des terminaisons afférentes aux actions de la bradikinine et de l'histamine [ 10 ] participe ainsi à la potentialisation des médiateurs de la douleur inflammatoire. La PGE2 est un puissant agent pyrétique et sa production dépendant essentiellement de la COX2 stimulée par la production d'IL2 au cours des infections bactériennes et virales contribue à la fièvre associée à ces maladies infectieuses [ 44 ]. En dehors de la PGE2, les COX, et en particulier la COX2, stimulées dans le processus inflammatoire produisent d'autres PG en particulier PGF2 , PGD2, prostacycline et thromboxane A2. Leurs effets sont proches de ceux de la PGE2 et participent aux effets hyperalgiques et vasodilatateurs dans l'inflammation [ 17 ]. À côté de ses effets vasodilatateur et antiagrégant plaquettaire, la prostacycline présente un effet cytoprotecteur qui n'est pas clairement compris. Cet effet cytoprotecteur est démontré dans de nombreux modèles d'ischémie et d'hypoxie. Pour les plaquettes, l'addition de prostacycline in vitro maintient la fonctionnalité des plaquettes plus longtemps que normalement attendu, cet effet est potentialisé par une augmentation prolongée du niveau d'AMPc intraplaquettaire, il pourrait passer par un autre mécanisme peut-être conséquence de ce premier. Les peroxydes lipidiques tels que le 15 hydroperoxyarachidonique acide sont de puissants inhibiteurs de la production de prostacycline. À l'intérieur des lésions d'athérosclérose, il existe une forte concentration de peroxydes lipidiques qui peuvent prédisposer à la formation de thromboses par inhibition de la production de prostacycline par la paroi vasculaire alors qu'ils ne réduisent pas la production de thromboxane A2 par les plaquettes et les cellules inflammatoires des lésions en particulier les monocytes. L'initiation de la lésion d'athérosclérose dépend de lésions de l'endothélium et de l'activation de plusieurs types cellulaires. Les plaquettes adhèrent à l'endothélium lésé, les monocytes envahissent la paroi vasculaire, accumulent les lipides et deviennent les macrophages spumeux [ 43 ]. Ces cellules libèrent des facteurs de croissance qui induisent la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses, qui à leur tour se chargent de lipides [ 42 ]. La prostacycline inhibe la production de facteurs de croissance et l'accumulation de lipides dans les macrophages et les cellules musculaires lisses [ 52 ].
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L'ensemble des données qui viennent d'être exposées permettent de comprendre l'activité antithrombotique, et plus particulièrement antiplaquettaire de l'aspirine [ 1 ] et servent de base au concept d'utiliser la plus faible dose d'aspirine ou la pharmacocinétique la plus favorable de l'aspirine pour inhiber efficacement les PG plaquettaires sans inhiber les PG vasculaires, en particulier la prostacycline. A cette date, il n'existe aucune observation clinique qui soutienne l'hypothèse que l'inhibition des PG vasculaires ait un effet prothrombotique [ 21 ]. En revanche, il est évident que l'inhibition des PG gastriques est responsable de l'effet gastrotoxique, qui est dose dépendant : c'est donc là le justificatif à l'utilisation de la plus faible dose d'aspirine inhibant efficacement la production de thromboxane plaquettaire (> 90 %). C'est ce concept qui a poussé aussi l'industrie pharmaceutique à produire des inhibiteurs spécifiques de thromboxane synthétase et des antagonistes des récepteurs plaquettaires à la thromboxane A2. Jusqu'à présent, ces produits conceptuellement supérieurs à l'aspirine ne se sont pas montrés, dans les essais cliniques dans lesquels ils ont été testés, plus efficaces que l'aspirine. Peut-être leur association pourrait-elle permettre d'atteindre cette efficacité supérieure. Mais là on se heurte à une réalité économique, le très faible coût de l'aspirine : on risque de ne pas faire significativement mieux à un coût très nettement supérieur. Deux notions nouvelles apparaissent avec le traitement antiplaquettaire pour l'aspirine :
- la variabilité individuelle dans la sensibilité à l'inhibition de la production de PG par les plus faibles doses d'aspirine (< 100 mg) ;
- l'échappement thérapeutique, disparition de l'effet inhibiteur pour de faibles doses qui étaient efficaces en début de traitement.

Ces observations sont en cours d'exploration en particulier pour savoir s'il s'agit de différences dans le métabolisme des prostaglandines (surtout plaquettaires).
La meilleure connaissance de la voie des PG dans le réseau coopératif des voies d'agrégation et d'activation plaquettaire supporte le concept de l'association des inhibiteurs de voies parallèles d'activation plaquettaire dans l'augmentation de l'effet antiplaquettaire de l'aspirine. L'effet d'une telle association est confirmé cliniquement par l'efficacité de l'association aspirine (qui inhibe la voie des PG) et ticlopidine (qui inhibe la voie de l'ADP) dans la prévention des thromboses après angioplastie et surtout après pose d'endoprothèse sur les artères de petits diamètres [ 46 ].
La connaissance des deux différents types de COX fait développer des inhibiteurs spécifiques de la COX2 qui préserveraient la COX1 : on conçoit tout l'intérêt potentiel dans le traitement de l'inflammation et de la douleur en inhibant la COX2 inductible, en particulier monocytaire, tout en préservant la COX1 gastrique et donc en évitant la gastrotoxicité. De nombreuses molécules sont en développement dans ce sens, mais l'identité entre la COX1 plaquettaire et la COX1 gastrique laisse peu d'espoir d'amélioration, en ce sens, des traitements antiprostaglandines plaquettaires.
La connaissance de différents sous-types de récepteurs au thromboxane A2 plaquettaire ne devrait pas entraîner l'apparition de nouvelles thérapeutiques pour les raisons déjà évoquées de coût par rapport à l'aspirine.
Reste le dernier point qui est celui de l'utilisation des PG directement en thérapeutique. Nous ne mentionnerons pas les utilisations en dehors du système vasculaire et ne ferons que citer l'utilisation locale de PG pour préserver la trophicité de la muqueuse gastrique.
Les PG ont été utilisées directement dans le traitement des pathologies artérielles et en particulier des artériopathies. Les premières études qui remontent maintenant à plus de 20 ans faisaient état de succès spectaculaires dans les formes sévères d'artéropathies des membres inférieurs d'abord traitées avec la première PG disponible, la PGE1, puis avec la prostacylcline. Malgré les espoirs qu'ils ont soulevés et les efforts pour conduire les essais thérapeutiques de qualité, la prostacycline et ses dérivés restent une approche controversée du traitement médical de l'ischémie critique.
La limitation de leurs indications aux formes graves de la thromboangéite oblitérante traduit bien les incertitudes qui demeurent [ 11 ].
La galénique qui se fait actuellement en intravasculaire n'amène pas de bénéfice notable en termes de mortalité et de morbidité cardiovasculaires dans les artéropathies par athérosclérose. Il semble peu probable que les formes orales de prostanoïdes bouleversent ces données.
C'est au niveau de la circulation pulmonaire que les PG injectables présentent l'intérêt le plus évident dans certaines formes sensibles et évoluées d'hypertension artérielle pulmonaire. Ce traitement demande une délivrance intravasculaire permanente.
Les formes orales de prostacycline stabilisée sont aussi toujours en cours d'évaluation dans la prise en charge de maladie de Raynaud grave.
Pour les possibilités d'avenir, le rôle protecteur des PG dans les activités antithrombotiques et antiprolifératives a conduit à envisager cette voie comme une possibilité de gène à transférer [ 56 ].

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