Rééducation en pathologie vasculaire périphérique artérielle et veineuse



Jean-Yves Bouchet: Cadre de santé, kinésithérapeute
Service de médecine interne, gérontologie clinique et angéiologie, centre hospitalier universitaire de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble cedex France
Cécile Richaud: Kinésithérapeute
Patrick-Henri Carpentier: Professeur des Universités, praticien hospitalier
Alain Franco: Professeur des Universités, praticien hospitalier
11-740-G-10 (1997)



Résumé

. - La rééducation des patients souffrant de maladies vasculaires périphériques, vient en appui du traitement médical et chirurgical. L'apport des explorations fonctionnelles vasculaires permet, sans risque, d'appréhender de façon précise les lésions et de suivre leur évolution. Elles objectivent les effets de la rééducation. Cette meilleure connaissance autorise une prise en charge plus hardie et plus adaptée.

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Plan

Artériopathies et rééducation
Pathologie veineuse et rééducation

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Au stade de l'ischémie d'effort comme à celui de l'ischémie critique, l'artériopathie des membres inférieurs est génératrice de douleurs et d'impotence fonctionnelle qui entraînent le patient dans une spirale de désadaptation hémodynamique.
La rééducation permet de mieux utiliser le potentiel du malade voire d'améliorer sa rentabilité motrice. Elle le sensibilise aux règles d'hygiène de vie grâce à une éducation distillée au fil des séances.
Dans tous les cas, la rééducation vient en appui des traitements médicaux et chirurgicaux et ne saurait être entreprise sans un inventaire d'autres localisations de la maladie athéromateuse ou des lésions associées.

La rééducation débute par l'évaluation du périmètre de marche. Ce test est soumis aux mêmes règles médico-légales que les épreuves d'effort. Les modalités varient selon les auteurs : marche sur tapis roulant, marche physiologique, marche cadencée, pendant un temps déterminé ou jusqu'à la douleur [ 7], [14 ]. L'effet hémodynamique est observé en couplant le test de marche soit à une prise des pressions artérielles (test de Strandness) soit à une mesure transcutanée de la pression partielle d'oxygène (Tc PO2). Ces deux méthodes sont corrélées.
La rééducation proprement dite est basée sur des exercices actifs exécutés sous forme d'entraînement par intervalles, en respectant la douleur.
L'intensité du travail est déterminée en fonction du potentiel du patient. Les résistances sont faibles pour rester dans le métabolisme aérobie. Le nombre de répétitions jusqu'à l'apparition de la douleur correspond aux possibilités maximales du patient. Le travail consiste ensuite à répéter de trois à cinq séries à 70 % de cette puissance maximale [ 12 ]. Les séances sont, si possible, quotidiennes. Elles peuvent se dérouler soit en ambulatoire soit, plus rarement, en institution. Le programme propose des exercices analytiques concernant les territoires musculaires sus- et sous-lésionnels par rapport à l'oblitération artérielle, et des exercices globaux comme la bicyclette ergométrique ou la marche. La marche représente la meilleure modalité du fait de l'aspect spécifique de la réponse à l'entraînement. La marche contrôlée, sur tapis roulant, fait partie de la plupart des programmes d'entraînement rapportés dans la littérature [ 8 ].
Pour tous ces exercices, des temps de repos de 3 à 5 minutes, entre chaque série, permettent une remontée des pressions artérielles en aval de l'oblitération. Au cours de ces longues périodes, le patient effectue des exercices respiratoires, de la relaxation. Il apprend à contrôler ses facteurs de risque et les règles de protection cutanée des extrémités. Une bonne éducation conduit à sa rapide autonomisation.
Ce type de rééducation, assez répétitif, devient vite monotone et lassant. Une activité plus ludique est proposée avec une orientation vers une pratique de marche ou de sports peu intenses comme la bicyclette en terrain plat ou le golf.
Une kinésithérapie des lésions associées cherche à diminuer le coût énergétique de la marche en restituant une bonne mobilité articulaire, en améliorant la coordination des gestes ou en corrigeant un trouble de la statique.
L'évaluation des résultats, par des études randomisées [ 8 ], montre une amélioration du périmètre de marche, en moyenne de 150 %, dans 90 % des cas avec, pour 60 % des patients, une conservation des acquis. Les valeurs des pressions artérielles de repos ne sont pas beaucoup modifiées mais on constate une normalisation de certaines constantes rhéologiques comme la viscosité du plasma et du sang, l'hématocrite ou la filtrabilité du sang [ 5 ]. En termes de qualité de vie, les patients n'apprécient pas toujours l'amélioration des performances physiques. C'est plus l'évolution des phénomènes douloureux qui conditionne le jugement des effets du traitement.
Les mécanismes d'action de la rééducation sont complexes [ 4 ] : rentabilisation gestuelle, amélioration des mécanismes énergétiques, amélioration de facteurs généraux respiratoires et cardiaques, stimulation psychologique. L'augmentation du lit microcirculatoire est probablement plus modeste [ 13 ].
- Indications : tous les patients souffrant d'une claudication intermittente d'origine artérielle sont susceptibles d'être améliorés par un programme de réentraînement à l'effort. La localisation de l'atteinte anatomique (proximale, distale, uni- ou bilatérale) ne limite pas les indications [ 8 ].
La rééducation doit être poursuivie pendant plusieurs mois à un rythme d'une séance par jour au début puis rapidement, trois par semaine. Elle est complétée par des exercices de marche pratiqués de façon autonome. L'activité, contrôlée ou non, est quotidienne, elle dure de 30 à 60 minutes [ 11 ].
- Contre-indications : les cardiopathies mal compensées, les lésions associées invalidantes ou un âge très avancé représentent les principales contre-indications à cette rééducation [ 10 ].

À ce stade, la douleur et les éventuels troubles trophiques posent le problème de la survie du membre. La rééducation est adjuvante aux traitements chirurgicaux et médicaux. Les soins visent à éviter les complications liées au décubitus ou à la restriction de la mobilité [ 3 ].
L'électroneurostimulation transcutanée et l'installation en légère proclive complètent le traitement antalgique médicamenteux. Le drainage lymphatique manuel lutte contre l'oedème. Les postures alternées stimulent l'adaptation microcirculatoire. L'utilisation d'aides techniques facilitent la marche qui est conservée dans les limites non douloureuses.
L'état du patient module l'utilisation des techniques passives par rapport aux techniques actives. L'accumulation de nombreux petits moyens permet parfois de passer un cap mais le pronostic reste, dans tous les cas, réservé et subordonné à l'efficacité des traitements chirurgicaux et médicaux.

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La stase est le dénominateur commun de toutes les pathologies veineuses. Qu'elle soit à l'origine ou la conséquence de la maladie, elle génère des hyperpressions susceptibles d'entraîner des lésions irréversibles valvulaires, pariétales ou trophiques.
En contrôlant cette stase, la rééducation participe à la réduction de ce risque ou permet d'en atténuer les répercussions.

Le drainage lymphatique manuel, la pressothérapie pneumatique intermittente ou la gymnastique d'étirement améliorent le confort des patients mais l'effet bénéfique s'estompe rapidement. L'observation de règles " d'économie de la fonction veineuse " assure un bénéfice plus durable. À l'image des écoles du dos on adopte une véritable stratégie multidisciplinaire pour développer des " écoles des jambes ".

La prophylaxie non médicamenteuse des thromboses veineuses profondes (TVP) repose sur l'association de moyens mécaniques :

- la contention élastique par bas, bandes ou bandages tubulaires est installée des orteils jusqu'au genou plus rarement jusqu'à la hanche. Elle est portée 24 heures sur 24, vérifiée et replacée toutes les 4 à 6 heures ;
- la pressothérapie pneumatique intermittente, largement utilisée dans les pays anglo-saxons est assez inconfortable pour le patient. Elle est réservée aux malades à haut risque ;
- une kinésithérapie associant des mobilisations des articulations tibiotarsiennes, des membres supérieurs et des exercices de respiration abdominodiaphragmatique est enseignée au sujet alité pour qu'il la répète le plus souvent possible dans la journée ;
- l'installation d'une déclive de 10 à 20 cm des membres inférieurs complète cet arsenal ;
- mais c'est le lever et une marche qualitative plusieurs fois par demi-journée qui réduisent le plus le risque de thrombose.
Ces moyens sont associés à la prophylaxie médicamenteuse [ 1 ]. Les modalités de la rééducation des thromboses constituées dépendent du potentiel emboligène qui est apprécié par l'échographie [ 2 ]. L'alitement est réservé aux thromboses hautes, avec un caillot menaçant. Il est très limité dans le temps, au maximum 2 à 3 jours. Cette pratique est toutefois subordonnée à une exploration fiable, à une anticoagulation efficace, à une contention élastique adaptée et à un lever prudent et progressif. La rééducation, quotidienne, cherche à lutter contre la stase mais aussi à favoriser la compensation du syndrome obstructif. Elle respecte les réactions inflammatoires. Au cours des premiers jours, le périmètre de marche est progressivement augmenté, le malade alterne la déambulation avec des périodes de repos en déclive au lit qui devient un instrument de rééducation. La position assise au fauteuil est tolérée avec une surélévation des pieds. Une stimulation mécanique ou active des tibiotarsiennes tente de réduire les effets négatifs de la pesanteur [ 8 ]. Un véritable réentraînement à l'effort, sous contention, vise à améliorer la tolérance de la thrombose. Des séries d'exercices d'élévations sur la pointe des pieds sont pratiquées en appui bi- puis unipodal sur le sol ou sur le bord d'une marche d'escalier pour un travail dans toute l'amplitude du triceps sural. La marche sur tapis roulant avec une pente de 15 % et une vitesse de 3 km/h permet également de solliciter la pompe du mollet. Le patient alterne des périodes de marche et de repos en déclive. Le drainage lymphatique manuel et une contention élastorigide sont indiqués lors de la présence d'un oedème ou de signes douloureux. Un caillot flottant ne représente pas une contre-indication de drainage manuel à condition que la technique reste superficielle [ 2 ]. La présence d'un dispositif d'interruption partielle de la veine cave inférieure permet une stimulation plus précoce et évite l'alitement malgré des patients à haut risque. Les indications de rééducation dirigée concernent surtout les patients avec des thromboses médiales et proximales qui provoquent un syndrome obstructif. Tous les patients âgés sont stimulés pour restaurer rapidement leur activité. Après la phase aiguë, le patient respecte les règles d'hygiène veineuse apprises au cours de la rééducation, il pratique régulièrement la marche et porte toute la journée un bas élastique. Si le syndrome obstructif n'est pas compensé, le réentraînement à l'effort est poursuivi de façon dirigée. Le traitement physique lutte contre les conséquences trophiques des syndromes de reflux et cherche à optimiser le fonctionnement de la pompe musculoveineuse du mollet [ 9 ]. Le drainage lymphatique manuel, les mobilisations tissulaires, la pressothérapie pneumatique ou par bain de mercure, une contention élastorigide luttent contre l'oedème et favorisent la détersion des éventuelles lésions cutanées [ 15 ]. Ces moyens améliorent l'oxygénation des tissus et accélèrent le processus de cicatrisation. Des mobilisations des articulations du pied et de la tibiotarsienne tentent de retrouver des amplitudes efficaces pour stimuler le retour veineux. Un réentraînement avec contention, sur tapis roulant, complète la rééducation. L'évaluation des résultats de la rééducation veineuse repose sur des critères subjectifs pour les syndromes douloureux, et objectifs pour l'évolution des syndromes obstructifs et trophiques. Les indices échographiques, la rhéopléthysmographie, les modifications du volume des membres inférieurs au cours des tests d'effort peuvent, par exemple, servir de moyen d'appréciation. Les effets à long terme de la prise en charge physique des problèmes veineux restent à quantifier par des études randomisées.

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