Introduction
Que des hormones puissent être
proposées et utilisées dans la prise
en charge de phénomènes liée à
des modifications d’apparence
corporelle ne doit pas
surprendre. Les auteurs de ces lignes
considèrent que souvent la
distinction entre maladies de la peau et
processus physiologiques dits
cosmétologiques (de kosmos : l’ordre
d’une part, l’apparence d’autre
part) ne peut être que spécieuse. Une
souffrance peut être engendrée
par l’existence d’un phénomène
normal et être à l’origine d’une
demande justifiée de prise en charge.
Parmi les armes dont nous
disposons, les hormones ont leur place,
du moins certaines d’entre
elles, parce que la peau et ses annexes
peuvent en être un
tissu-cible, et parce qu’elles sont capables d’en
modifier la structure, comme
pour tout tissu-cible.
Il s’agit d’une part des
traitements estrogéniques dans le cadre de la
lutte contre les stigmates de
vieillissement cutané chez la femme
ménopausée, et d’autre part de
la prise en charge de l’acné, de
l’hyperséborrhée, des troubles
pilaires et capillaires (hirsutisme,
alopécie), dans la mesure où
ces troubles reflètent
l’androgénodépendance de l’appareil
pilosébacé. Il faut ainsi
distinguer trois domaines
thérapeutiques : le traitement hormonal
substitutif (THS), la
contraception hormonale, les antiandrogènes.
Traitement
estrogénique substitutif
La ménopause est une étape du
vieillissement du corps féminin.
Certaines modifications de la
peau et des phanères surviennent à la
ménopause, en postménopause et
même durant les quelques années
Michel Faure : Professeur des
Universités, praticien hospitalier, clinique dermatologique.
Évelyne
Drapier-Faure : Docteur, praticien hospitalier, service de gynécologie.
Hôpital Édouard Herriot,
place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France.
qui précèdent l’installation
de la carence estrogénique et que l’on
définit comme périménopause.
Quelques-unes de ces modifications
sont liées à la carence
estrogénique. Certaines peuvent être corrigées
par le traitement hormonal
substitutif. Elles doivent cependant être
considérées comme participant
du vieillissement intrinsèque. Il est
probablement excessif en effet
d’individualiser un véritable
vieillissement « ménopausique
».
BÉNÉFICES DU TRAITEMENT
HORMONAL SUBSTITUTIF
Le THS a des bénéfices à court
et à long termes.
À court terme, il s’agit des
bénéfices directs le plus aisément
perceptibles par les femmes
ménopausées. C’est l’amélioration de la
qualité de vie avec
disparition de multiples symptômes, comme les
bouffées de chaleur, mais
aussi l’insomnie, l’asthénie, les douleurs
articulaires, la sécheresse
vaginale.
À long terme, les bénéfices
relèvent de problèmes de santé publique.
– L’effet sur la prévention du
risque fracturaire osseux est certain à
condition que le traitement
soit pris au moins 10 ans.
– L’effet sur la prévention
des maladies cardiovasculaires est
probable ; la certitude
viendra du résultat des grandes études
épidémiologiques actuellement
en cours aux États-Unis ; cette
diminution du risque doit
osciller entre 30 et 50 %.
– Reste le problème de la
prévention possible de la maladie
d’Alzheimer, c’est-à-dire du
retard d’installation de celle-ci, et en
cas de maladie installée, d’une
action freinatrice éventuelle du THS
sur son évolution.
Les contre-indications
absolues au THS sont peu nombreuses. Elles
se résument aux antécédents
personnels de cancer du sein et de
maladies thromboemboliques. Le
mélanome n’est pas une contreindication
aux estrogènes. Le lupus reste
une contre-indication
légale, du fait des effets
délétères des estrogènes sur l’auto-immunité
en général et sur l’évolution
de la maladie lupique en particulier
[16, 35]. Ainsi, le risque relatif de lupus (systémique)
chez les femmes
ménopausées sous THS est
multiplié par deux et augmente avec la
durée du THS. Les porphyries
sont également des contre-indications
à la prise d’estrogènes [16].
MÉNOPAUSE ET VIEILLISSEMENT CUTANÉ
En ce qui concerne la peau, le
TSH n’est actif que sur une partie des
modifications cutanées qui
surviennent ou s’accentuent à la
cinquantaine.
¦ En clinique
La carence estrogénique ne
peut être considérée comme étant à
l’origine d’un véritable
vieillissement que l’on pourrait qualifier de
vieillissement ménopausique.
En effet, la ménopause n’est
responsable que d’une
accentuation, d’une accélération du
vieillissement
chronobiologique et seuls certains paramètres du
vieillissement cutané sont
sensibles au THS.
Il n’en reste pas moins que de
nombreuses modifications de la peau
semblent s’observer
préférentiellement lors de la ménopause, en
périménopause et dans les
années qui suivent la ménopause. Les
plaintes les plus fréquentes
consistent en une impression de
sécheresse cutanée, une peau
qui devient de plus en plus rêche, qui
tire, s’amincit, avec un pli
cutané plus manifeste et des rides plus
nombreuses et plus apparentes [13].
¦ Du point de vue
infraclinique
Il s’agit d’une atrophie
dermique et épidermique, parallèle à celle
du vieillissement cutané
chronobiologique, avec une perte dermique
en collagène [5]. L’atrophie dermique, la
baisse de la teneur en
collagène ont été rapprochées
de la perte de la masse osseuse chez
des femmes ménopausées [8]. La correction de cette perte
en
collagène [8, 36] et de la diminution d’épaisseur
du derme [6, 26] est
observée chez la femme
ménopausée sous THS, indépendamment
semble-t-il de la voie d’administration,
cutanée ou orale. On peut en
rapprocher l’effet trophique
observé in situ après administration
topique d’estrogènes par voie
cutanée [9], mais dans le cas du THS il
s’agit d’un effet systémique
et non transépidermique. En revanche,
il ne semble pas possible,
sous THS, de corriger l’atrophie de
l’épiderme. Les modifications
locales de l’épaisseur épidermique qui
peuvent être notées sous
hormonothérapie topique semblent plus
probablement liées à une
action locale des androgènes contenus
dans certains topiques qu’à un
éventuel effet des estrogènes [17].
Le site d’action des
estrogènes semble être le derme et non
l’épiderme. Il faut souligner
l’incertitude actuelle quant à la
répartition des récepteurs aux
estrogènes dans la peau humaine
normale. On ignore si ces
récepteurs existent dans l’épiderme. Ils
semblent être présents sur les
fibroblastes dermiques, sur les cellules
endothéliales des vaisseaux.
Mais leur expression par les fibroblastes
serait faible et il est
difficile de concevoir la peau humaine dans son
ensemble comme une véritable
cible aux estrogènes. Le seul
argument, pour l’instant,
serait la correction partielle de l’atrophie
du derme chez la femme
ménopausée recevant un THS [16].
¦ Autres paramètres
D’autres paramètres,
différents de l’épaisseur cutanée mesurée par
échographie ou de la teneur en
collagène, ont été observés pour
mettre en évidence et
quantifier d’autres effets du THS. Ainsi, les
propriétés mécaniques de la
peau peuvent être modifiées [6], mais
les scores éventuels de
sécheresse cutanée, d’hydratation
épidermique, le microrelief
évalué par la technique des empreintes
ne paraissent pas pouvoir être
modifiés sous THS [32].
AUTRES MANIFESTATIONS LIÉES À
LA MÉNOPAUSE
ET À LA PÉRIMÉNOPAUSE
¦ Ménopause et muqueuses
Un véritable syndrome sec, qui
impose la recherche d’une
hypothyroïdie ou d’un syndrome
de Gougerot-Sjögren, peut
survenir à la ménopause, mais
il peut être autonome, lié à la carence
estrogénique. Il peut exister
une atrophie vaginale, parfois une
atrophie vulvaire. L’atrophie
vaginale peut être responsable non
seulement d’une sécheresse
vaginale, mais également de « brûlures »
vaginales, d’un prurit
génital, de leucorrhées traduisant une
surinfection bactérienne et
bien sûr de dyspareunies. La sécheresse
vaginale est sensible au THS.
Il ne semble pas que l’atrophie
vulvaire puisse s’améliorer
sous THS. Quand elle existe, il faut, du
fait de la présence possible d’un
prurit, éliminer d’abord, par un
examen de la vulve, la
possibilité d’un lichen scléreux ou d’une autre
pathologie vulvaire et
proposer une estrogénothérapie topique.
Celle-ci représente une
excellente prise en charge de l’atrophie
vaginale et de ses
conséquences, qu’elle soit à base d’estriol
(Physioginet, Trophicrèmet, Trophigilt) ou de promestriène
(Colpotrophinet) [34].
¦ Alopécies
L’alopécie est au premier plan
des modifications des phanères qui
peuvent survenir en
périménopause ou une fois la ménopause
installée [3]. Il peut s’agir de la
traduction d’une hypothyroïdie, d’une
carence martiale. On demande
donc toujours un dosage de TSH et
une détermination de la
ferritinémie [16]. Il peut s’agir de l’installation
d’une simple raréfaction
physiologique de la chevelure de par la
sénescence, pour laquelle il n’existe
aucune possibilité thérapeutique
hormonale [3]. Il peut s’agir également de
la traduction d’une
dermatose inflammatoire du
cuir chevelu. C’est le cas de l’alopécie
fibrosante frontale
postménopausique, avec atteinte bilatérale des
sourcils et des zones
préauriculaires. Elle n’est modifiée ni par le
THS ni par la prise d’antiandrogènes.
Il n’existe en fait aucune
thérapeutique envisageable [23].
Il peut s’agir enfin d’une
alopécie androgénogénétique, traduction
d’une hyperandrogénie, ou
plutôt d’un hyperandrogénisme de la
ménopause [3]. Cet hyperandrogénisme peut s’installer
en
périménopause, avant la
ménopause confirmée. Il traduit un
hyperandrogénisme
périphérique, cutané, sans véritable
hyperandrogénie circulante
biologique. Il pourrait être la traduction
de la disparition de l’effet
de la progestérone sur la 5-alpha
réductase cutanée. L’alopécie
est le plus souvent une alopécie
médiane, laissant une bande
frontale antérieure (classification de
Ludwig), plus rarement elle
est de localisation masculine,
bitemporale [3, 16].
Cette alopécie est peu
influencée par le THS. Il faut savoir
recommander la prise d’acétate
de cyprotérone (AC) sous forme
d’Androcurt, après correction d’une
éventuelle carence martiale. Le
produit n’a pas d’autorisation
de mise sur le marché (AMM) dans
cette indication. Par
ailleurs, son efficacité sur l’alopécie apparaît
moindre que dans l’hirsutisme [16].
¦ Autres signes d’hyperandrogénie
Une hypertrichose peut s’installer
progressivement après la
ménopause, sur la face en
particulier [16]. L’installation brutale d’une
hypertrichose et d’une
alopécie doivent faire rechercher cependant
une étiologie tumorale,
ovarienne en particulier, même après
l’installation de la
ménopause.
Une augmentation de la
pilosité faciale, avec ou sans chute de
cheveux, peut par ailleurs
survenir en périménopause, entre 40 et
50 ans. L’acné est rare après
la ménopause, mais elle peut survenir,
avec une hyperséborrhée, en
périménopause. Ces signes sont la
traduction d’un
hyperandrogénisme cutané relatif de la
périménopause [16]. Ils peuvent parfois survenir
chez une femme
sous progestatif (PG), même si
le PG est classiquement dit dénué
d’effet androgénique. La prise
d’Androcurt
ou le remplacement du
PG par celui-ci est souvent
une affaire délicate du fait soit des
saignements intercurrents qui
peuvent survenir par atrophie de la
muqueuse utérine, soit d’une
aménorrhée secondaire mal supportée
psychologiquement par les
patientes [16].
¦ Autres troubles des
phanères
Les ongles peuvent devenir
fragiles et cassants. La pilosité génitale
subit une raréfaction chez la
femme ménopausée. Le THS est
inefficace et ce serait plutôt
une androgénothérapie locale qu’il
faudrait instaurer pour
combattre cette raréfaction de la pilosité
sexuelle.
¦ Kératodermies
climatériques
Leur mécanisme est inconnu. Il
s’agit au début de papules devenant
confluentes, puis de plaques
hyperkératosiques d’installation
progressive. Sur les paumes, l’atteinte
est linéaire, annulaire ou en
gros îlots. Sur les plantes,
il s’agit d’une atteinte des talons, puis des
plantes elles-mêmes. Une
hypothyroïdie doit être recherchée, mais
est souvent absente. L’action
favorable du THS est très
inconstante [22].
Le THS n’est donc actif, en ce
qui concerne les modifications de
l’apparence qui surviennent
chez la femme ménopausée, que sur
l’atrophie dermique qui
caractérise le vieillissement
chronobiologique. Les
estrogènes sont cependant les seuls agents
médicamenteux, avec la
trétinoïne, dont une action sur le
vieillissement cutané a été
prouvée. Les troubles phanériens, en
particulier ceux qui relèvent
d’un hyperandrogénisme, ne sont guère
sensibles au THS. Il n’en
reste pas moins que, en association avec
des mesures dermocosmétiques
bien comprises et bien conduites, le
THS fait partie des moyens de
lutte contre le vieillissement. L’effet
sur le tégument peut d’ailleurs
représenter un argument conscient
ou inconscient pour l’observance
du traitement.
Contraception
hormonale
La contraception hormonale
estroprogestative (CEP) est justifiée
dans la prise en charge d’une
acné ou d’une hyperséborrhée dans la
mesure où ces deux phénomènes
traduisent une
androgénodépendance de la
glande sébacée, et du fait d’une
possible triple action en ce
domaine de la CEP : blocage des
sécrétions androgéniques
ovariennes par un effet antigonadotrope ;
élévation de la protéine de
liaison des stéroïdes circulants (SHBG :
sex-hormone binding globulin) ; effet antiandrogène de
l’éthinylestradiol (EE) [4, 11].
PRINCIPES
Il existe en fait deux types
de contraception orale, la CEP et la
contraception progestative [11].
¦ Contraception
estroprogestative
Cette méthode de contraception
associe un estrogène de synthèse,
l’EE, à un PG de synthèse. Les
estroprogestatifs (EP) agissent :
– en bloquant l’ovulation par
leur effet antigonadotrope ;
– en modifiant la glaire
cervicale qui devient impropre au passage
des spermatozoïdes ;
– en modifiant l’endomètre qui
ne permet plus la nidation.
L’activité estrogénique dépend
du dosage en EE, l’activité
progestative du dosage en PG
mais également de la puissance de
celui-ci.
Les EP, en fonction d’une part
de la quantité d’EE, de la répartition
des doses des composants
durant le cycle d’autre part, sont classés
en :
– EP combinés :
– monophasiques : E et PG à
doses constantes dans chaque
comprimé ;
– biphasiques : E et/ou PG à
un dosage plus élevé dans la
seconde partie du cycle ;
– triphasiques : E et/ou PG à
doses variables en trois phases ;
– EP séquentiels : EE seul pendant les 7
premiers jours, puis
association EP.
Les conséquences éventuelles
sur la peau d’une telle contraception
sont liées soit à l’effet
délétère de l’EE (mélasme, érythrose,
éventuellement érythème
noueux, certainement poussées ou
révélation d’une porphyrie ou
d’un lupus [19]), quelle que soit la dose
d’EE (20, 30 ou 50 gamma),
soit à l’effet androgénique du PG. Les
PG actuellement disponibles
sont en effet des dérivés de la
progestérone ou de la
testostérone. Leurs effets androgéniques
peuvent être liés à une action
directe sur les tissus-cibles par
l’intermédiaire du récepteur
aux androgènes ou à une action
indirecte par une augmentation
des androgènes libres circulants, non
liés à la protéine de liaison.
Les PG ont pu ainsi être classés en PG
de première, deuxième et
troisième générations, historiquement, et
en fonction de leur structure
plus ou moins proche de la
testostérone. Ainsi, les PG de
première et de deuxième générations
sont androgéniques, mais leurs
effets androgéniques dépendent de
leur dosage. Les PG de
troisième génération ne sont pas
androgéniques, du moins in
vitro, mais peuvent majorer ou révéler
une hyperandrogénie cutanée,
donc une acné, une séborrhée, une
alopécie [11, 12].
¦ Contraception
progestative
Il en existe deux types :
– la « micropilule » : prise
quotidienne et ininterrompue d’une faible
dose de PG ;
– les « macroprogestatifs » :
prescription courante mais hors AMM
d’un PG (Lutérant, Luténylt, Surgestonet) 20 jours sur 28.
Ce type de contraception est à
proposer en cas de contre-indication
à la prise d’estrogènes [11] et n’a aucun intérêt
cosmétique. Les seuls
effets possibles sur la peau
et les annexes sont la majoration ou
l’apparition de signes d’hyperandrogénisme
(acné, hyperséborrhée
de la peau et du cuir chevelu,
chute de cheveux), même si le PG
utilisé est dit « non
androgénique » [16]. Cette remarque s’applique
également, en dehors des
contre-indications à une CEP, à la
prescription de ces PG chez la
femme en périménopause ou
ménopausée, où la prise de
tels produits peut être responsable d’une
acné iatrogène [12, 16]. En fait, le seul PG qui peut
être utilisé pour des
problèmes dermatologiques et
cosmétiques est l’AC, du fait de ses
propriétés antiandrogéniques
(cf infra).
CONTRACEPTION HORMONALE
ET DERMOCOSMÉTOLOGIE
En ce qui concerne l’acné et
la séborrhée, l’emploi dans le cadre
d’une CEP de PG de première et
deuxième générations n’est pas
conseillé, du fait des
propriétés androgéniques du PG [12].
Les PG de troisième génération
(gestodène, devogestrel,
norgestimate) sont dits
faiblement androgéniques [4]. Leur utilisation,
seuls ou en association
estroprogestative, peut néanmoins réveiller
un hyperandrogénisme cutané
fonctionnel latent [11, 12]. Les
contraceptifs qui en contiennent
ne peuvent pour l’instant être
considérés comme un traitement
de choix de l’acné commune et de
la séborrhée, contrairement
aux résultats de plusieurs travaux. En
effet, si de nombreuses études
signalent un effet bénéfique de ces
contraceptifs sur l’acné ou d’autres
signes d’hyperandrogénie, ces
études restent très
critiquables : études ouvertes, non contrôlées,
avec de petits effectifs,
absence de renseignements sur le type des
acnés étudiées, sur la gravité
des atteintes, sur l’existence d’un
traitement associé général ou
topique, sur les saisons pendant
lesquelles débutent et se
terminent les études [27]. De plus, aucun
argument d’efficacité de telle
ou telle association ne peut être tiré de
la constatation de variations
des taux d’androgènes circulants sous
EP du fait de l’existence de
relation entre l’importance d’une acné et
les valeurs des hormones
circulantes [16].
Deux études nord-américaines
viennent cependant d’être publiées
concernant les effets d’une
association au norgestimate, dont la
méthodologie, elle, n’est pas
critiquable (études en double aveugle,
contre placebo, etc). Elles
montrent l’efficacité sur l’acné modérée,
supérieure à celle du placebo,
de l’association (non commercialisée
en France). L’enthousiasme
soulevé par ces travaux aux États-Unis
est probablement en partie
expliqué par le fait que l’AC n’y est pas
disponible [25, 33].
L’association de 2 mg d’AC et
de 35 μg d’EE (Dianet 35) conjugue
les propriétés
antiandrogéniques et antigonadotropes des « pilules »
de troisième génération et l’action
antiandrogénique particulière de
l’AC (cf infra). C’est l’association
de choix en cas de contraception
des peaux acnéiques et
séborrhéiques [4, 18], mais cette association est
incapable de traiter une acné
sévère, un hirsutisme ou une
alopécie [12].
En résumé, en cas de séborrhée
du visage ou du cuir chevelu,
d’acné, Dianet 35 ou une CEP avec un PG de
troisième génération
doivent être préférées aux
autres contraceptifs hormonaux.
Antiandrogènes
Ils sont utilisés dans le
traitement des états d’hyperandrogénie :
hyperandrogénismes
fonctionnels surrénaliens (blocs en
21-hydroxylase), ovariens
(ovaires micropolykystiques) ou cutanés
idiopathiques, en cas d’hirsutisme,
d’alopécie androgénogénétique,
et, dans la mesure où la
fonction de la glande sébacée dépend d’une
stimulation androgénique, en
cas d’acné et d’hyperséborrhée [16].
Le terme d’antiandrogène est
réservé aux seules molécules qui
inhibent de façon compétitive
la liaison de la dihydrotestostérone
(DHT) à son récepteur. Il en
existe en fait trois : l’AC, la
spironolactone, le flutamide,
qui ont été utilisés dans la prise en
charge des manifestations d’hyperandrogénie.
Le flutamide, de
structure non stéroïdienne,
est un antiandrogène dit « pur » car il ne
possède aucune autre activité
hormonale. En revanche, l’AC et la
spironolactone sont des
stéroïdes et des antiandrogènes dits
« impurs » car possédant des
activités hormonales supplémentaires
qui leur sont spécifiques. Le
finastéride, recommandé dans la prise
en charge de l’alopécie
masculine, n’est quant à lui ni une hormone
ni un antiandrogène, puisque
son action consiste en une inhibition
de la transformation
enzymatique de la testostérone en DHT [7].
L’utilisation clinique de ces
molécules dépend avant tout de leur
disponibilité, qui varie selon
le pays, mais aussi de la nécessité d’une
contraception ou de leurs
effets secondaires. Des différentes études
existantes, les résultats
cliniques comparés entre les différentes
molécules semblent identiques [10, 14, 15, 20].
ACÉTATE DE CYPROTÉRONE
L’AC 50 mg (Androcurt), très utilisé en France, non
commercialisé
aux États-Unis, est le seul antiandrogène
à posséder plusieurs
mécanismes d’action qui se
potentialisent pour renforcer l’effet
antiandrogène (effet
antigonadotrope, blocage du récepteur à la
DHT, inhibition du complexe
DHT-récepteur à la protéine nucléaire
de liaison des androgènes).
Différents schémas thérapeutiques
existent qui ne diffèrent pas
par leur efficacité, mais par leur
tolérance clinique et
métabolique [37]. Actuellement, le schéma le plus
utilisé associe chaque jour un
comprimé d’Androcurt 50 mg à un
estrogène naturel en comprimé,
en gel ou en patch, ceci 20 jours
sur 28. En ce qui concerne l’hirsutisme,
l’amélioration apparaît vers
6 mois de traitement. Le
traitement n’est que suspensif. Sur
l’alopécie, l’effet est aussi
lent, moins constant, nécessite semble-t-il
la correction préalable d’une
éventuelle carence martiale, et
l’appréciation subjective par
la patiente est très variable d’une
femme à l’autre [31]. L’Androcurt n’a d’AMM en France que pour
l’hirsutisme (pas pour l’alopécie
[1, 30]). Il n’a pas d’AMM pour l’acné
mais peut cependant être
proposé chez une femme en période
d’activité génitale, souffrant
d’une acné persistante, tardive,
résistante à la prise de Dianet 35 et à un traitement associé
(cyclines,
traitements locaux) où il
représente une alternative à la prise de
Roaccutanet.
L’AC existe sous deux autres
formes.
– Il peut s’agir d’une
association contraceptive estroantiandrogénique
(Dianet 35, AC, 2 mg), traitement de l’acné
inflammatoire modérée, en
association avec un ou plusieurs autres
antiacnéiques. C’est la
contraception à proposer à une femme
acnéique, ou pour la prise en
charge de simples hyperséborrhées en
cas de besoin de contraception
[18]. En effet, si le produit n’a
d’AMM
que comme antiacnéique, les
mentions légales rendent possible sa
prescription comme
contraceptif en cas de manifestations
d’hyperandrogénie (donc en cas
d’acné, de peau grasse, de cheveux
gras). L’AC n’est pas
commercialisé sous forme topique [21]. Par
ailleurs, le dosage d’AC dans
cette CEP n’est pas suffisant pour
l’envisager comme traitement d’une
alopécie ou d’un hirsutisme [12].
– Climènet représente une forme orale de
THS associant un
estrogène naturel et comme PG
de l’AC, à la dose de 1 mg par
comprimé, donc journalière. Le
produit ne peut être prescrit en
dehors de la prise en charge d’une
femme ménopausée. C’est peut
être le THS à prescrire en cas
de manifestations discrètes
d’hyperandrogénisme. Mais il
est illusoire, du fait du dosage en AC,
de l’envisager chez la femme
ménopausée comme traitement d’un
hirsutisme ou d’une alopécie.
SPIRONOLACTONE
La spironolactone (Aldactonet), très utilisée aux
États-Unis, n’est
pas antigonadotrope. En plus
de son effet par blocage du récepteur
aux androgènes, elle inhibe la
synthèse de testostérone. Elle est
prescrite à la dose de 100 à
150 mg/j en association, 15 jours par
mois, à un PG non androgénique
pour éviter les troubles du cycle
secondaire. L’efficacité est
également diversement appréciée par les
patientes, et un résultat sur
l’alopécie ou l’hirsutisme n’est sensible
qu’après 6 à 12 mois de
traitement. La spironolactone n’a d’AMM
en France ni pour l’hirsutisme
ni pour l’alopécie [2, 10, 14, 15].
FLUTAMIDE
Le flutamide (Eulexinet) est un bactéricide, le 4’-nitro-3’-
trifluorométhylisobutyranilide,
dont l’activité antiandrogénique n’a
été démontrée qu’ultérieurement.
Cette activité ne s’exerce qu’après
transformation en
4-hydroxyflutamide. En clinique humaine, il est
utilisé dans les cancers de la
prostate. Plus récemment, il a été évalué
dans l’hirsutisme avec des
effets comparables à ceux de la
spironolactone ou de l’AC. Son
utilisation est limitée par ses effets
secondaires. Certains sont
mineurs (peau sèche, stimulation de
l’appétit), d’autres peuvent
être graves, dont les hépatites toxiques
rapportées à fortes doses. Une
contraception est indispensable pour
éviter, en cas de grossesse,
une possible ambiguïté sexuelle chez le
foetus de sexe masculin [10, 28, 29]. Ce produit n’a pas d’AMM en
dermatologie, et on ne saurait
l’utiliser en pratique pour la prise en
charge des manifestations
cutanées et pilaires d’une
hyperandrogénie.
En pratique, la place des
antiandrogènes dans la prise en charge
d’une apparence mal supportée,
puisque c’est de cela qu’il s’agit,
est réduite :
– Dianet 35 comme contraception des
peaux grasses, acnéiques ;
– Androcurt et Aldactonet dans la prise en charge des
hirsutismes,
des alopécies
androgénogénétiques et de certaines acnés, avec un
effet certain sur l’hirsutisme
et sur l’acné, inconstant en cas
d’alopécie, et cependant un
bénéfice parallèle sur la séborrhée.
Cette prise en charge
hormonale ne doit être envisagée que comme
un traitement complémentaire
de traitements médicaux,
cosmétiques, instrumentaux.
Dans le cas d’un hirsutisme par
exemple, l’antiandrogène doit
être associé à un processus d’épilation
(selon les cas, épilation
électrique, laser ou lampe flash). Le
traitement hormonal n’est d’ailleurs
adapté qu’aux hyperpilosités
androgénodépendantes, c’est-à-dire
aux hirsutismes et non aux
hypertrichoses essentielles,
où l’épilation reste et est la seule solution
envisageable.
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