Introduction
L’eau, élément vital de tout
organisme vivant, est un composant
essentiel de la peau. De ce
fait l’hydratation cutanée est, et a toujours
été, un sujet passionnant d’études
et de recherches.
Il existe ainsi de nombreuses
façons d’approcher l’eau et la peau.
Très simplement le degré d’hydratation
est le niveau d’eau contenu
dans un tissu. Le
physiologiste s’attache à en définir la quantité, la
localisation et les mécanismes
de régulation. Le dermatologue, pour
qui l’hydratation cutanée est
une fonction, s’intéresse à ses
dysfonctionnements, en
recherche et en identifie les causes, les
imbrications et les
associations possibles avec d’autres perturbations
de la physiologie.
Le cosmétologue tente d’apporter
une solution à ces dérèglements
et le public, lui, associe à l’hydratation
cutanée des notions de
confort, de bien-être et de
santé.
Dès lors, s’intéresser à ce
sujet requiert une bonne connaissance de
la physiologie et des
composants susceptibles d’interférer avec ses
mécanismes de régulation. Une
approche « pratique » de
l’hydratation est également
nécessaire au consommateur qui
découvre, bien souvent, le
soin de la peau par l’hydratation, comme
en atteste la prédominance du
marché des hydratants (un soin sur
trois en France) [18].
Dans le public, de nombreuses
idées « reçues » ont bâti les piliers de
ce que représentent l’hydratation
et les soins hydratants.
« Il faut boire pour hydrater
la peau. » « Les peaux sèches manquent
toutes d’eau. » « On n’hydrate
pas la peau, on l’empêche de se
déshydrater. » « Tout produit
cosmétique est hydratant. » « La peau
hydratée se défend bien et
vieillit moins vite. »
Il y a là un mélange de bon
sens et d’empirisme que de récentes
acquisitions dans le domaine
de la physiologie de l’hydratation
cutanée ont confirmé ou
infirmé. Ces données débouchent
aujourd’hui sur des produits
hydratants de plus en plus
sophistiqués et de plus en
plus performants.
L’eau dans la peau :
localisation
et fonctions (tableau I)
EAU DERMIQUE
C’est une eau essentiellement
« non mobilisable ». Elle est en effet
liée solidement aux
macromolécules protéiques dermiques par
liaison covalente, faisant
donc partie de la structure chimique de ces
molécules. Parmi elles, les
mucopolysaccharides, les
glycoaminoglycanes (GAG) sont
les éléments constitutifs principaux
d’une « gelée » dermique
semi-fluide ou substance fondamentale au
sein de laquelle baignent
fibres protéiques et cellules. Parmi les
GAG, le plus important, l’acide
hyaluronique, peut ainsi fixer 300 à
500 mL d’eau pour 1 g.
Les mouvements de l’eau
dermique sont, de ce fait, peu importants
en conditions physiologiques.
Il en résulte que parler
d’ « hydratation cutanée »
revient alors à étudier la partie
« mobilisable » de l’eau
cutanée, c’est-à-dire celle que les éponges
dermiques n’ont pas retenue et
qui, libre, demeure sujette aux
mouvements [10].
Elle seule peut alimenter l’épiderme
selon un gradient de
concentration puisque, non
vascularisé, l’épiderme ne bénéficie pas
du compartiment plasmatique.
EAU ÉPIDERMIQUE
Son rôle est fondamental pour
les fonctions métaboliques du
kératinocyte. En effet, bien
plus qu’un facteur plastifiant, l’eau est
un élément se trouvant au
coeur des fonctions épidermiques.
Hydratation et processus de
kératinisation sont en effet
indissociables [29].
Tableau I. – Teneurs
moyennes en eau [8].
Corps humain 70 %
Peau (dans son ensemble) 70 %
Hypoderme 20 %
Derme 80 % (10 % de l’eau
corporelle) soit 7 à 8 kg
Épiderme 60 à 65 %
Couche cornée 10 à 13 %
¦ Localisation et fonction
Se déplaçant par diffusion de
façon régulière et continue vers la
surface, l’eau libre,
désormais épidermique, imbibe successivement
les différentes couches
épidermiques. La teneur en eau des
kératinocytes varie ainsi tout
au long de l’épaisseur épidermique de
65 à 70 % pour les cellules
basales, à 10 à 13 % pour un cornéocyte.
Parce que la peau a pour
fonction essentielle la protection de
l’individu vis-à-vis des
agressions extérieures, elle s’acquitte de cette
tâche en créant une véritable
« barrière » très spécifique constituée
tout à la fois de la couche
cornée et d’un film protecteur : le film
hydrolipidique.
¦ Eau dans la couche
cornée
Comparée par Elias [6] à un « mur de briques », la
couche cornée est
constituée d’une part de
cellules dites « mortes », les cornéocytes, et
d’autre part d’un ciment
lipidique, véritable « mortier » entre les
cornéocytes.
En profondeur, les cellules
sont cohérentes les unes par rapport aux
autres, formant le stratum
compactum qui fait suite à la couche
granuleuse. C’est
véritablement à ce niveau que s’exerce la fonction
barrière de l’épiderme.
Dépourvus de noyaux et d’organites, les
cornéocytes sont constitués de
kératine, protéine fibreuse dont les
filaments forment une trame
dense, sorte de squelette cellulaire. Ses
qualités biomécaniques d’extensibilité,
de souplesse et de résistance
aux agressions sont dues aux
liaisons établies entres les fibres de
kératine et l’eau. «
Plastifiant » des cornéocytes, l’eau se lie en effet
aux filaments grâce à un
ensemble de composants : les NMF (natural
moisturizing factors ou facteurs naturels d’hydratation).
Ceux-ci
offrent des sites de fixation
pour H2O et établissent de véritables
ponts entre la kératine et l’eau.
En surface, les cornéocytes se
séparent progressivement les uns des
autres jusqu’à l’élimination
et constituent le stratum disjonctum. Le
processus de desquamation
confère ainsi à la peau ses caractères de
surface.
Quel que soit le niveau de la
couche cornée, le ciment lipidique
occupe une place importante
aussi bien dans le processus de
kératinisation que dans la
fonction d’hydratation. Constitué
essentiellement de lipides
complexes tels que les céramides ainsi que
d’acides gras libres et de cholestérol,
le ciment joue un rôle structural
et fonctionnel.
Rôle structural
Les lipides s’organisent en «
feuillets » superposés les uns aux autres
et forment ainsi un « treillis
» (fig
1) de molécules imbriquées les
unes avec les autres [5, 7]. D’autre part, les lipides de
taille importante
du stratum compactum, et plus
spécifiquement les linoléylscéramides
à longue chaîne, sont capables
de se fixer aux protéines
de l’enveloppe cornée des
cornéocytes, formant des « rivets
lipidiques » qui contribuent à
la cohésion des cellules [11, 19, 29].
Rôle fonctionnel
Les lipides du treillis «
enferment » dans leurs feuillets de
nombreuses enzymes, libérées à
des niveaux bien précis [32]. Ces
enzymes, de mieux en mieux
connues, sont indissociables des
lipides et leurs rôles sont
multiples. Elles contrôlent de façon précise
la synthèse des lipides
membranaires et des lipides du ciment
intercornéocytaire [4, 14]. Elles interviennent dans les
voies
métaboliques de transformation
des lipides [22], notamment des
céramides [4]. Elles contribuent à l’équilibre
de l’ensemble des
constituants épidermiques,
indispensable à l’homéostasie de la
barrière cutanée [36].
Ces relations étroites entre
les enzymes et les lipides permettent
d’expliquer peu à peu comment
agissent les différents composants
extracellulaires de la couche
cornée et comment ils participent de
façon active au processus de
kératinisation et d’hydratation. [19, 27, 29].
Par ailleurs, l’organisation
des lipides en bicouches lamellaires
permet de piéger une certaine
quantité d’eau dans les mailles du
filet lipidique. Le ciment, au
travers de tous ses constituants, joue
donc un rôle clé dans le
contrôle de l’hydratation [27, 29].
Si les NMF et les lipides sont
les acteurs principaux de la fonction
d’hydratation au niveau de la
couche cornée, encore faut-il que l’eau
parvienne à ce niveau pour
ensuite s’y maintenir. Des mécanismes
complexes sont mis en jeu à
tous les niveaux épidermiques.
Mécanismes de
régulation
de l’hydratation
Il est classique de distinguer
deux systèmes de régulation de
l’hydratation épidermique [10]. L’un, « dynamique », prend
en
compte tous les mouvements de
l’eau, notamment ceux concernant
les déplacements de celle-ci
de la profondeur (derme) vers la surface.
On parle ainsi de « flux
transépidermique », mesurable à partir de
la quantité d’eau s’évaporant
à la surface, dénommé PIE (perte
insensible d’eau ou TEWL : transepidermic water loss). L’autre,
« statique », vise à maintenir
une certaine quantité d’eau dans
l’épiderme et plus
spécifiquement dans les cellules cornées. C’est la
capacité de rétention d’eau
épidermique.
FLUX TRANSÉPIDERMIQUE
En provenance du derme, l’eau
doit tout d’abord transiter à travers
tout l’épiderme vivant avant d’atteindre
la couche cornée.
Cette diffusion de l’eau s’effectue
par l’intermédiaire des membranes
cellulaires des kératinocytes.
Celles-ci, constituées d’un double
feuillet de phospholipides,
jouent un rôle de membranes semiperméables
que l’eau traverse par
phénomène osmotique. La vitesse
de transport de l’eau dépend
donc de l’état de ces membranes.
Chemin faisant, l’imbibition
des différentes couches kératinocytaires
retient eau et métabolites,
faisant passer de 80 à 15 % le taux
d’hydratation des cellules
lorsque l’eau arrive en profondeur de la
couche cornée. À ce niveau, le
flux transépidermique passe sous
contrôle des constituants de
la couche cornée et notamment des
lipides intercellulaires et
sus-épidermiques.
Ainsi qu’il a été vu (cf
supra), les lipides du ciment épidermiques
sont constitués de céramides,
acides gras libres et cholestérol.
Synthétisés par les
kératinocytes des couches de Malpighi et
granuleuses, ils sont stockés
pour la plupart au sein d’organites
spécifiques : les corps d’Odland
ou kératinosomes. Organisés en
bicouches au sein de ces «
corps lamellaires », ils sont déversés, avec
les enzymes hydrolytiques [27], au-dessus de la couche
granuleuse
dans les espaces
intercellulaires. Il a été démontré que cette
exocytose est contrôlée par la
présence d’ions Ca++ et K+, dont la
concentration est déterminante
[26].
NH
NH
NH
NH
NH
NH
NH
NH
OO
NH
NH
NH
NH
NH
NH
NH
HN
HN
HN
R
R
R
C
OO
HO
CO
OO
OH
OH
OH
OH
OH
OH
OH
OH
OH
CO
HO
CO
OC
OC
O
O
O
O
O
O
O
O
HO
O
O
O
O
O
O
O
O
C
C
C
O
O
R
R
R
Céramides et
fonction d'hydratation
le « treillis »
1 Treillis céramidique.
Une fois libérés, les lipides
des corps d’Odland forment des films
continus superposés les uns
au-dessus des autres. On peut
considérer qu’ils viennent ici
« remplacer » les lipides membranaires
qui ont eux-mêmes cédé la
place à une enveloppe cornée de nature
protéique [11].
De l’organisation précise et
ordonnée de ces lipides découle leurs
propriétés. Les céramides
(dont il existe sept types dans la peau
humaine) sont en effet des
molécules complexes, possédant un pôle
lipophile et un pôle
hydrophile (elles sont dites « amphiphiles »).
Elles offrent ainsi des zones
de passage pour les molécules d’eau
qui vont cheminer au travers d’un
labyrinthe dont la complexité est
renforcée par la présence des
autres lipides.
Ce « treillis » lipidique
régule ainsi l’ascension de l’eau. Il est alors
aisé de comprendre que la
densité des lipides, la longueur des
chaînes lipophiles, leur
agencement, soient autant de facteurs de
régulation du flux
transépidermique. De nombreuses publications
ont tout d’abord montré que la
délipidation du stratum corneum
entraîne un accroissement
majeur de la perte insensible en eau
[5, 12, 15] et que la présence conjointe de tous les lipides
est
indispensable au maintien du
taux d’hydratation de l’épiderme
[15-17, 21]. Il apparaît aujourd’hui que ces différents
lipides sont
capables tout à la fois de «
capter » une certaine quantité d’eau, de
« contrôler » ses déplacements
et de réguler l’intervention d’autres
composants pour s’adapter aux
conditions environnementales. Leur
quantité varie selon les
besoins (moins de lipides par exemple pour
la peau de l’abdomen que pour
celle des jambes, pour un même
nombre d’assises cellulaires
cornées [7]), selon l’âge [9, 29, 34, 36], selon
les variations climatiques [1-3].
Autres lipides contrôlant le
flux transépidermique, les lipides susépidermiques
interviennent en phase finale
du transport de l’eau.
Composants du film
hydrolipidique, ils proviennent de la sécrétion
sébacée. Il s’agit
principalement de glycérides et d’acides gras libres
(70 %) ainsi que de squalènes,
cires et hydrocarbures. Leur rôle
s’exerce conjointement à la
présence de la fraction hydrosoluble du
film hydrolipidique, c’est-à-dire
aux composants de la sueur : eau,
composés ioniques (sodium
surtout), substances organiques azotées,
acides aminés (AA) libres…
C’est en sa qualité d’émulsion
que le film hydrolipidique s’oppose
en effet aux excès d’humidification
ou de dessiccation et permet à la
peau de résister aux
agressions externes, en particulier aux facteurs
climatiques (humidité,
température). La régulation du flux
transépidermique est donc
dominée par les lipides, qu’il s’agisse des
lipides membranaires,
intercellulaires des cornéocytes ou susépidermiques.
On ne peut donc plus concevoir
d’hydrater la peau
sans leur intervention.
CAPACITÉ DE RÉTENTION D’EAU
ÉPIDERMIQUE
À côté de l’eau en mouvement
qui « circule » se trouve l’eau
« statique » ou retenue dans
les cellules. Il s’agit tout d’abord de
l’eau qui s’est « arrêtée »
dans les kératinocytes de l’épiderme vivant
au cours de son ascension vers
la couche cornée. Il s’agit ensuite et
surtout de la quantité d’eau
présente dans les cornéocytes pour
plastifier la kératine et lui
conférer ses propriétés. C’est là
qu’interviennent les NMF [10, 29].
Ces composants sont issus de
la matrice du cornéocyte, et plus
spécifiquement d’une protéine
: la filaggrine. Cette dernière est
élaborée à partir d’un
précurseur : la profilaggrine, au sein
d’organites présents dans les
cellules granuleuses : les grains de
kératohyaline [30]. La filaggrine permet tout d’abord
l’agrégation des
filaments intermédiaires de
kératine, puis, dégradée par des
protéases, elle se décompose
pour former les NMF.
Ce mélange de substances
hygroscopiques possède une composition
riche en AA : 40 % sous forme
libre, dont 20 à 30 % de sérine, 9 à
16 % de citrulline, les autres
AA étant à taux plus faible. On y trouve
également des sels d’alpha-hydroxyacides
(lactates ; citrates), de
l’urée et 12 % d’acide
pyrrolidone carboxylique (APC). Formé à
partir de l’acide glutamique
sous l’action d’une enzyme spécifique,
on peut trouver l’APC à fort
pouvoir hygroscopique sous forme de
sel de sodium ou de potassium.
Enfin, une fraction « sucre » (3,5 %)
vient compléter l’ensemble à
côté de sels minéraux (tableau II) [20].
Tous ces composants n’ont donc
pas les mêmes pouvoirs de fixation
de l’eau et agissent tantôt
par eux-mêmes, tantôt en modifiant la
structure des molécules qui
les entoure ou la pression osmotique [28].
En ce qui concerne la fraction
sucre, celle-ci pourrait jouer un rôle
dans la constitution des
protéoglycanes épidermiques présentes
dans le ciment et donc,
indirectement, elle participerait aussi à la
présence d’eau intercellulaire
à côté de celle piégée dans le treillis
céramidique. L’eau « statique
» dépend ainsi de facteurs intra- et
extracellulaires [10].
Il existe donc deux systèmes
de régulation, relativement indépendants
l’un de l’autre, faisant
intervenir de nombreux facteurs, intra- et
extracellulaires, pour
contrôler l’hydratation cutanée.
On conçoit que cet équilibre
puisse être perturbé du fait de facteurs
internes ou externes qu’il
convient d’identifier et de contrer.
Différentes mesures du taux d’hydratation
cutanée permettent tout
d’abord d’évaluer la situation
pour ensuite définir les besoins.
Mesures de l’hydratation
De nombreuses méthodes sont
proposées. Elles peuvent être directes
ou indirectes.
MESURES INDIRECTES
Ce sont les plus utilisées [13].
¦ Cornéomètre
La mesure du contenu en eau de
l’épiderme est surtout basée sur
les propriétés électriques de
la peau : impédance, capacitance,
conductance. Le principe de ce
type de mesure est le suivant : un
courant passe entre deux
électrodes fixées à la peau. Plus la couche
cornée est hydratée, plus le
courant électrique passe bien, faisant
augmenter la conductance
électrique. Différents types d’appareils
sont couramment employés,
regroupés sous le terme générique de
« cornéomètre » (fig 2), mais toutes ces machines ne
sont pas
équivalentes. De surcroît, les
valeurs des unités électrométriques des
appareillages sont
arbitraires. De ce fait, elles ne permettent pas une
mesure directe de la quantité
d’eau, offrant seulement une « échelle
» d’évaluation. Une série de
mesures n’a donc de valeur que si
elle est effectuée avec le
même appareil. De plus, les mesures ellesmêmes
sont influencées par de
nombreux facteurs : sécrétion de la
sueur, température de la peau,
état de la surface cutanée… Un état
rugueux, par exemple, réduit
la surface de contact entre la sonde et
la peau, ce qui diminue
artificiellement la valeur de la capacitance.
Enfin, l’application d’un
topique en surface, riche en eau et en
substances ioniques, peut
modifier la mesure électrique sans
toutefois avoir changé le
contenu en eau de la peau [28, 35]. Toutefois,
ces mesures de cornéométrie
permettent des études comparatives.
De plus, elles sont rarement
effectuées seules, s’accompagnant de la
mesure d’autres paramètres et
offrant ainsi une meilleure vision de
l’état d’hydratation de la
peau. Ainsi, si le cornéomètre est chargé
Tableau II. – Composition
moyenne des NMF (natural moisturizing
factors) [20].
Acides aminés dont sérine
20-30 % - citrulline 9-16 % 40 %
Acide pyrrolidone carboxylique
(APC) sous forme de sels de sodiumpotassium
12 %
Lactates (lactate de sodium)
12 %
Urée 7 %
Chlorures 6 %
Sodium, potassium, calcium 11
%
Phosphates 0,5 %
Citrates 0,5 %
Formiates 0,5 %
Fonctions encore indéterminées
(dont sucres) 10 %
d’évaluer le contenu en eau de
la couche cornée (en quelque sorte
l’eau « statique »), l’évaporimètre
quant à lui étudie la perte
insensible d’eau (et reflète
ainsi le « flux transépidermique ») [13, 35].
¦ Évaporimètre
Le principe de l’évaporimètre
repose sur le fait que, suivant la loi de
Fick, le taux d’évaporation de
l’eau est proportionnel au gradient de
pression de vapeur d’eau. En
mesurant la pression de vapeur d’eau
entre deux points situés à une
distance différente de la peau, on
peut ainsi apprécier la PIE.
Là encore la technique fiable, rapide et
simple, demande toutefois
rigueur et précision. Le sujet doit être au
repos (depuis 15 à 30 minutes)
afin de rendre négligeable l’activité
des glandes sudorales. Ceci
dans des conditions de température et
d’humidité relative définies
et constantes. Les mesures seront
effectuées sur le même site de
mesure, par le même opérateur.
Malgré ces précautions, les
mesures de PIE (ou de TEWL) peuvent
être influencées par le pH
cutané, l’épaisseur du stratum corneum,
l’âge… Ceci étant, la mesure
de la PIE apporte des informations en
pharmacologie, comme en
pathologie. On peut ainsi apprécier
l’influence des lipides, de l’occlusion,
des irritants sur la fonction
d’hydratation. On a pu mettre
en évidence des modifications de la
PIE au cours de maladies
telles que la dermite atopique, les
ichtyoses, le psoriasis.
Celle-ci est alors un « marqueur » de la
maladie et son évolution
pourra être suivie sous traitement [35].
MÉTHODES DIRECTES
Les méthodes directes de
mesure de la quantité d’eau dans la couche
cornée, bien que passionnantes
et riches en promesses pour l’avenir,
ne sont pas effectuées en
routine. Spectroscopie photoacoustique en
lumière ultraviolette ou en
infrarouges ; mesure de la réflectance en
infrarouges, résonance
paramagnétique nucléaire ne sont réservées
qu’à quelques centres de
recherche.
AUTRES MOYENS D’ÉVALUATION
Il est possible d’associer aux
mesures indirectes d’autres techniques
d’évaluation appréciant ici
les propriétés mécaniques de la peau, là
l’état de surface de la couche
cornée. Ces informations permettent
d’apprécier plus précisément
encore l’état cutané. Toutefois, les
résultats obtenus et les
signes cliniques observés ne sont pas
toujours faciles à interpréter
: quel lien peut-on établir entre le
caractère rugueux de la
surface cutanée, spécifique des états de
xérose, et un déficit en eau
des cornéocytes ? Quels sont les facteurs
à l’origine du désordre ? Il y
a, en fait, plusieurs degrés de
déshydratation correspondant à
des tableaux cliniques variés.
Peaux déshydratées
Elles ne se définissent pas de
façon univoque. Pour le biologiste, le
déficit en eau de la couche
cornée et les perturbations qui en
résultent sont à envisager
dans le cadre global des fonctions
épidermiques. La
déshydratation peut être tour à tour cause ou
conséquence d’un trouble de la
kératinisation, d’une carence
métabolique, d’une anomalie
génétique. Pour le clinicien, il serait
tentant d’associer xérose, c’est-à-dire
peau rêche et rugueuse, et
déshydratation. Pourtant (cf
supra), la xérose n’est pas
obligatoirement associée à un
état de déshydratation [28].
Plus encore, nous savons que
la déshydratation concerne tous les
types de peau et qu’une peau
grasse agressée et décapée en surface
peut manquer d’eau dans ses
cornéocytes. Il n’en reste pas moins,
pour le grand public, qu’une
peau qui « tire », qui manque de
souplesse et de confort, qui
est rêche et rugueuse à sa surface, et qui
est aussitôt qualifiée de «
peau sèche », appelle inévitablement
l’application de produits «
hydratants ».
Il y a là en fait confusion
des signes fonctionnels et cliniques avec le
vocabulaire courant et la
physiologie. Cependant, comment
expliquer simplement que la
peau qui a « soif » d’eau manque en
fait souvent de lipides ? Qu’il
y a lipides et lipides ? Ceux qui
« réparent » en profondeur les
désordres physiologiques et ceux qui
restent en surface pour
limiter les dégâts et « lisser » les cornéocytes.
QUELLE EST LA VÉRITABLE
DÉFINITION
DE LA PEAU SÈCHE ?
Doit-on distinguer les peaux
sèches « xérotiques » et d’autres
« déshydratées », sachant que
troubles de la kératinisation et de
l’hydratation peuvent être
dissociés ou associés ?
Si la déshydratation n’a pas
de traduction clinique évidente, c’est
qu’il s’agit d’un état défini
par une mesure physique et dont les
multiples facettes
physiopathologiques ne permettent pas un
classement rationnel. Il n’y a
donc pas de schéma type pour réguler
le taux d’hydratation cutanée
ou faire face à un état de
déshydratation, mais
différentes approches, complémentaires selon
les cas ; à adapter toujours
selon l’étiologie quand elle est définie.
C’est pourquoi les produits «
hydratants » sont aujourd’hui si
complexes.
Produits hydratants
GRANDS AXES DE LUTTE CONTRE
LA DÉSHYDRATATION
Différents groupes de
substances peuvent répondre à ces attentes
[1, 10, 25] :
– les substances
hygroscopiques ou agents hydratants, qui captent
et retiennent l’eau ;
– les contre-types des lipides
épidermiques, éléments « régulateurs »
des mouvements ;
– les filmogènes hydrophiles
et les antidéshydratants hydrophobes,
qui agissent en surface.
PRINCIPES ACTIFS
¦ Substances
hygroscopiques ou « agents hydratants »
à proprement parler
Classiquement, une substance
hygroscopique est définie par sa
capacité à capter des
molécules d’eau. Cependant, toutes ces
1
2
3
4
5
6
7
8
Oi O
O
e
e
i
2 Sonde du cornéomètre (d’après
Van Neste) [35].
Æe = 20 mm; Æi = 16 mm; e = 220 μm.
Ils sont au nombre de quatre
:
· apporter une certaine quantité d’eau exogène ;
· fixer cette eau au sein du stratum corneum ;
· contrôler les mouvements naturels de l’eau au sein du stratum
corneum ;
· freiner l’évaporation de l’eau intrinsèque.
substances ne peuvent retenir
l’eau de la même façon, quelles que
soient les conditions d’humidité
relatives. Elles peuvent donc avoir
une influence positive ou
négative. Positive si l’air est très humide,
car la substance hygroscopique
absorbe alors l’eau « extérieure » et
la retient. Négative en milieu
très sec, où le composé hygroscopique
ne retient plus l’eau et peut
alors provoquer sur la peau un effet
déshydratant « paradoxal ».
Cette variabilité du pouvoir
de rétention d’eau d’un actif est donc à
prendre en compte pour
déterminer son pouvoir réellement
hydratant. Dans le groupe des
substances hygroscopiques, il est
habituel de distinguer les
humectants et les composés analogues du
NMF (auxquels on rattache les
alphahydroxyacides).
Humectants
Ils sont avant tout
représentés par les polyols : glycérol, sorbitol,
propylène-glycol…
Au sein d’une préparation
cosmétique, ils sont employés d’une part
pour leurs propriétés
galéniques, d’autre part pour leur activité
hydratante.
· Glycérol
C’est l’un des humectants les
plus utilisés. C’est un « sous-produit »
de la fabrication du savon.
Liquide, inodore et sirupeux, il est
miscible à l’eau en toutes
proportions.
Il possède un fort pouvoir
hygroscopique en conditions normales
d’humidité relative et ses
effets sont persistants sur au moins
24 heures. Cependant, il est
dépendant des conditions
atmosphériques : il retient en
effet jusqu’à 24 % d’eau lorsque
l’humidité relative varie de
58 à 80 %, mais en perd 20 % si
l’humidité relative varie de
58 à 32 %. ! Il est généralement incorporé
à des concentrations variant
entre 3 à 10%, car au-delà il a tendance
à conférer au produit un
caractère collant [25].
· Sorbitol
Il est utilisé sous une forme
« sirop ». Moins hygroscopique que le
glycérol, il est pourtant plus
« hydratant » : s’il gagne 17 % d’eau
pour un degré d’humidité
relative de 58 à 80 %, il n’en perd que 6 %
entre 32 et 58 % d’humidité [25].
· Propylène-glycol
Il est moins employé car il
peut être « desséchant » en altérant les
composants du ciment et en
diminuant la cohésion des
cornéocytes [25].
Ces trois polyols n’agissent
pas de même sur la stabilité des
émulsions, le glycérol favorise
les émulsions (Û huile dans eau)
L/H, le propylène glycol les
émulsions (Û eau dans huile) H/L. Ils
ne possèdent pas non plus le
même degré de volatilité, c’est
pourquoi la pratique
cosmétique les associe volontiers afin de
potentialiser leurs actions.
NMF
Ils offrent un vaste choix de
composants ou de substances analogues.
– Parmi les plus employés,
citons par exemple l’APC. L’APC est
volontiers incorporé sous
forme de sel : pyrrolidone carboxylate de
lysine et d’arginine, pyrrolidone
carboxylate de glycérol et de
sodium. Il possède un fort
pouvoir hydratant à des concentrations
autour de 3 à 5 % ; son
activité varie selon la forme galénique du
produit : elle est cinq fois
supérieure dans une émulsion H/L que
dans une solution aqueuse [25].
– L’urée à faible concentration
favorise la fixation de l’eau sur les
protéines de la couche cornée
; à une concentration de plus de 10 %,
en revanche, elle devient
kératolytique. Elle ne doit donc pas être
employée à trop forte dose
dans un produit hydratant [24].
– Les AA sont, quant à eux, le plus
souvent utilisés sous forme de
mélanges : les hydrolysats de
protéines. Sérine et citrulline sont les
plus employés. La sérine est
en effet un précurseur des céramides et
participe ainsi à la bonne
organisation du stratum corneum.
– Enfin, la fraction « sucre » des NMF s’avère intéressante car le
choix
d’un mélange d’hexoses et de
pentoses possède des propriétés
hydratantes peu dépendantes
des conditions d’humidité relative [25].
Alphahydroxyacides
À côté des NMF, tout en en
faisant partie, les alphahydroxyacides
ne sont pas en reste.
Lactates, citrates possèdent un bon pouvoir
hygroscopique à associer avec
les formes acides (acide lactique,
citrique) pour leurs
propriétés plastifiantes [33] ou avec l’urée [24].
¦ Contre-types des lipides
épidermiques
Ils désignent des lipides
identiques ou proches de ceux qui
constituent les espaces
intercornéocytaires. Ils sont susceptibles de
s’y incorporer et d’y jouer un
rôle actif. Les acides gras ont
longtemps occupé une place de
choix. S’ils sont présents dans de
nombreuses huiles végétales,
certaines ont la vedette du fait de leur
richesse en acides gras
essentiels. Blé, bourrache, onagre offrent en effet
des concentrations
importantes en acide linoléique et/ou acide
gammalinolénique. Ils sont considérés de ce
fait comme des actifs de
« régulation de l’hydratation
» et représentent un composant
« classique » des pathologies
où un déficit en acides gras essentiels
a pu être démontré (eczéma
atopique, notamment).
Plus récemment s’est beaucoup
développé l’emploi des céramides.
Autrefois végétales, de
synthèse ou maintenant biotechnologiques
(fig 3), elles miment de plus en plus
parfaitement les céramides
humaines [11]. Véritables « clés de voûte »
des fonctions
épidermiques, elles deviennent
presque incontournables. Leur
présence aux côtés des acides
gras et du cholestérol au sein d’un
produit hydratant constitue
désormais un trio d’actifs intéressant et,
ainsi que le démontre
Mao-Quiang : « Three stratum corneum lipids,
ceramides, cholesterol, and
free fatty acids, are required for permeability
barrier homeostasis [21] ». On peut enfin inclure dans
ce groupe les
phospholipides. Lipides
amphiphiles, constituants des membranes
cellulaires, ils créent autour
d’eux un environnement hydrophile
(une molécule de phospholipide
peut capter et retenir environ
15 molécules d’eau). Leur
faible poids moléculaire favorise leur
pénétration.
Ils peuvent être employés
seuls ou sous forme de liposomes, tout à
la fois « vecteur » et «
acteur » [23].
¦ « Agents de surface » [1, 25]
Filmogènes hydrophiles
Ce sont souvent des
constituants de la substance fondamentale
dermique : acide hyaluronique,
glycosaminoglycanes,
mucopolysaccharides. Ces
polymères macromoléculaires forment, en
solution dans l’eau, des gels
plus ou moins visqueux, doués d’un
fort pouvoir de rétention d’eau.
On attribue d’ailleurs ainsi
au hyaluronate de sodium une meilleure
capacité de rétention d’eau
que celle du glycérol ou du sorbitol.
3 Céramides biosynthétiques
(cliché
société Jan Dekker).
Restant à la surface cutanée,
ils lissent la couche cornée et en
améliorent le confort et l’aspect.
Le collagène, le chitosane (dérivé
de la chitine), ainsi que de
nombreux polymères de synthèse sont
également très substantifs et
filmogènes, et peuvent accroître les
capacités des autres
hydratants qui leur sont associés.
Filmogènes hydrophobes
Ils sont, quant à eux, les
plus anciennement utilisés (vaseline, huiles
de vaseline, paraffines, cires
animales et végétales, huiles végétales,
huiles de silicone). Ils sont
incorporés dans la phase grasse des
émulsions et forment, après
évaporation de l’eau, un film résiduel
plus ou moins occlusif. On
leur substitue de plus en plus d’autres
filmogènes moins hydrophobes,
qualifiés d’ « émollients » moins
gras et moins occlusifs, tels
que les triglycérides doux, les esters gras
(alcools cétylique,
stéarylique). Ils ont pour fonction de reconstituer
le film protecteur lipidique
lorsque celui-ci est inexistant ou
insuffisant et, de ce fait, de
limiter la perte en eau en créant une
barrière plus ou moins
imperméable.
Rôle des composants de base
de l’émulsion
Si le choix des principes
actifs est vaste, la qualité d’un produit
hydratant ne réside pas
seulement dans leur sélection et leurs
associations. Intervient en
effet le rôle des composants nécessaires à
l’élaboration de l’émulsion
même. En plus de leur propre activité
(hydratante, émolliente…), ces
composants permettent de jouer sur
la texture, de moduler les
effets filmogènes, de favoriser la synergie
des actifs, de les protéger,
de les transporter, de retarder leurs effets
dans le temps. Il faut compter
aujourd’hui avec les vecteurs
(liposomes, capsules,
microsphères, cristaux liquides). Et si les
formes classiques d’émulsion
perdurent (émulsion H/L ; L/H), on
ne peut ignorer l’apport de
nouvelles formes galéniques telles que
les microémulsions ou les
émulsions multiples (H/L/H ; L/H/L)
tant au niveau de leurs
textures que de leurs propriétés respectives
(stabilité, protection des
actifs…). Ce sont en effet les progrès de la
galénique qui permettront
demain d’optimiser encore la qualité des
produits.
QUELS PRODUITS POUR QUELLES
PEAUX ? [10]
Les moyens d’hydrater la peau
sont nombreux, mais encore faut-il
les choisir judicieusement
pour qu’ils soient adaptés aux besoins des
différents types de peau
déshydratées. Puisqu’il n’est guère aisé d’en
effectuer un « classement »,
on s’attachera plutôt à définir des
missions confiées aux produits
hydratants.
– Quelle que soit l’origine du
désordre, il s’avère nécessaire
d’apporter à la peau les
constituants qui régulent naturellement le
processus d’hydratation, c’est-à-dire
les NMF et les lipides
épidermiques.
Ils répondent en effet à la
nécessité de contrôler l’intégrité des
membranes cellulaires et du
ciment épidermique ainsi que de fixer
l’eau dans la couche cornée.
Ils représentent « le coeur » du produit
hydratant et constituent des
actifs de base indispensables.
– Vient ensuite la nécessité
pour le médecin de donner satisfaction
aux attentes de son patient,
lequel recherche avant tout à retrouver
le « confort » de sa peau. Or,
cette notion peut être ressentie
différemment selon le type de
peau :
– les peaux « sèches » qui
sont, rappelons-le, rêches, ternes, voire
rugueuses, sont avides d’eau
et de corps gras. Des textures H/L,
des actifs « riches » et «
nutritifs » sont attendus. L’apport de
substances filmogènes
hydrophiles et d’agents antidéshydratants,
venant compléter la base
précédemment décrite, permettra de
faire face à une insuffisance
du film hydrolipidique et/ou un
trouble de la desquamation ;
– pour les peaux normales,
mixtes ou sensibles, qui ressentent
plutôt une tension, des
tiraillements, un manque de souplesse, la
qualité et le choix de la
texture prédominent. Autour d’actifs
destinés à rétablir l’équilibre
hydrique seront adjoints des
composants « émollients », ni
trop gras, ni trop occlusifs,
incorporés dans une forme
galénique plutôt « fine » et « légère » ;
– quant aux peaux grasses,
assoiffées car souvent maltraitées, tout
est affaire d’équilibre. Ni
trop, ni trop peu d’actifs surgraissants,
au sein d’une base efficace et
légère (L/H). Des agents régulateurs
de la sécrétion sébacée
(dérivés du zinc) peuvent s’avérer
nécessaires, de même que des
composants absorbants (bentones,
argile, silices…) ou
matifiants (poudres de polyamines, de
Nylont) si la déshydratation se
cache sous un film lipidique en
excès.
Conclusion
Les soins hydratants ne sont
donc pas tous équivalents et doivent être
choisis pour que toutes les
peaux déshydratées retrouvent équilibre et
confort. Ils sont aujourd’hui
le fruit d’une savante alchimie entre des
principes actifs de plus en
plus proches de la physiologie cutanée et un
savoir faire galénique qui
les rend tout à la fois plus performants
techniquement, et plus à même
de satisfaire les besoins de l’utilisateur
en termes de rapidité, de
durée d’efficacité, de qualités cosmétiques.
Les améliorations apportées à
leur formulation [16, 21, 36], les moyens
d’évaluation pratiqués pour
évaluer leurs performances [13, 28, 35], ainsi
que la satisfaction ressentie
à leur utilisation permettent de choisir le
produit hydratant dont chaque
peau a besoin.
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