Introduction
Le shampooing est
incontestablement l’opération capillaire la plus
fréquente. Sa fonction
première est certes d’assurer un acte
d’hygiène de base : nettoyer
la chevelure et le cuir chevelu, mais
l’attente va bien au-delà. Le
shampooing ne doit pas seulement
donner des cheveux propres.
Dans l’esprit de l’utilisateur, il doit
transformer la chevelure, lui
redonner vie et éclat. L’attente est
multiple : des cheveux
brillants, doux au toucher, légers, souples,
faciles à coiffer, nerveux
sans électricité ; une chevelure tonifiée, avec
du « corps », du gonflant, du
volume, de la souplesse, du ressort…
Le shampooing doit aussi
composer avec :
– l’état et la nature des
cheveux : secs, gras, mous, décolorés,
permanentés, colorés, courts,
longs, frisés, raides... ;
– la saison, le climat, l’âge,
les habitudes de soin (fréquence des
shampooings, utilisation d’après-shampooings,
techniques de
coiffage…), le mode de vie
(sport, air conditionné, exposition aux
facteurs d’environnement), l’humeur
du moment ;
– les problèmes spécifiques
liés à l’état physiologique et superficiel
du cuir chevelu (pellicules,
séborrhée).
Bien d’autres critères entrent
en jeu, tels que les préférences et
inclinations individuelles en
matière de texture, démarrage de
mousse, qualité de mousse
(onctuosité, douceur, légèreté), facilité
de rinçage, démêlage des
cheveux humides, vitesse de séchage, etc,
bref, toute une diversité d’exigences
qui fluctuent et incitent à
alterner, essayer, changer,
chercher d’autres performances, diversité
qui appelle un large éventail
de propositions et de possibilités de
choix. Des exigences souvent
contradictoires et difficiles à concilier
qui font de la formulation d’un
shampooing de qualité une tâche
délicate et complexe.
Nettoyer les cheveux :
détergence
La matière à nettoyer
représente une large superficie : une chevelure
adulte normale comporte entre
100 000 et 150 000 cheveux, ce qui se
traduit, pour une chevelure
féminine moyenne, par une surface de
4 à 8m_, soit de 50 à 100 fois celle
du cuir chevelu qui la porte. Le
matériau cheveu est une
protéine dure au revêtement d’écailles
hydrophobe qui n’offrirait
guère de prise aux salissures sans la
présence du sébum qui retient,
piège et fait adhérer les poussières
de l’environnement et
matériaux divers déposés sur le cheveu. La
composition de la salissure à
éliminer est très différente d’un
individu à un autre selon les
habitudes capillaires, le mode de vie,
la nature de l’exposition, les
facteurs internes (endocriniens,
métaboliques). L’extraction de
la salissure peut être rendue plus
difficile par les inégalités
de surface, la porosité de la fibre, l’état
squameux du cuir chevelu… Mais
le problème de fond reste
l’extraction de la graisse
dans laquelle est enrobée la salissure.
L’action de détergence
consiste à affaiblir les forces d’adhésion
physicochimique qui lient
cette salissure grasse au cheveu, puis à la
transférer dans le milieu
aqueux et la disperser dans ce milieu en
évitant sa redéposition sur la
fibre.
Il entre dans tout ce
processus un ensemble de mécanismes
complexes (mouillage de la
fibre, solubilisation micellaire,
émulsification de la salissure…)
mettant en jeu de multiples
interactions (eau-air,
huile-eau, solide-eau…) et dont la tâche est
assurée par les tensioactifs
ou agents de surface.
Les tensioactifs ont la
particularité de présenter une double affinité :
lipophiles par leur chaîne
hydrocarbonée (12 à 14 carbones) dite
« grasse », qui se lie aux
corps gras, hydrophiles par le groupement
polaire que cette chaîne porte
à son extrémité, qui permet de la
solubiliser dans l’eau et d’entraîner,
lors du rinçage, les corps gras
qu’elle retient.
Agents de surface
utilisés
dans les shampooings
Ces agents de surface(1) appartiennent à quatre grandes
classes
chimiques (fig 1) :
– les anioniques dont la tête polaire est
chargée négativement ;
– les amphotères dont la polarité peut osciller
entre un caractère
positif et négatif selon l’environnement
acide ou basique ;
(1) Appelés encore tensioactifs parce qu’ils ont la propriété de
modifier la tension superficielle de
l’eau.
– les cationiques dont la tête polaire est
chargée positivement ;
– les non ioniques, dépourvus de polarité.
TENSIOACTIFS ANIONIQUES
Le premier détergent utilisé a
été le savon (fig 2). Sels d’acides gras
obtenus par saponification des
triglycérides des huiles ou graisses
végétales ou animales (huile
de coco-coprah, coprah déshydrogéné,
palme, olive...), les savons
présentent deux inconvénients majeurs.
D’une part ils ont tendance à
s’hydrolyser en solution (fig 3) ; cette
hydrolyse libère une base
minérale qui entraîne une augmentation
de l’alcalinité, néfaste pour
la peau comme pour la surface du
cheveu, d’où les rinçages
acides pratiqués autrefois. Le deuxième
inconvénient des savons est
leur comportement en eau dure. Ils
forment des sels de calcium
insolubles qui se déposent et
s’incrustent dans les cheveux,
les rendant ternes, rêches, difficiles à
démêler et à mettre en forme.
Ces défauts justifient que les
savons ne soient plus utilisés comme
détergents dans les
shampooings. On s’adresse aujourd’hui à des
tensioactifs de synthèse, dont
la polarité, plus accusée, a permis de
supprimer les défauts
inhérents aux savons : ces tensioactifs
anioniques possèdent en
général de remarquables propriétés
détergentes, émulsifiantes et
moussantes. Les plus connus et les plus
employés sont les sulfates d’alcools
gras ou de leurs dérivés
polyoxyéthylénés
(alkyléthersulfates) (fig 2). Appréciés pour leurs
excellentes qualités
moussantes autant que lavantes, ils sont utilisés
sous forme de sel de sodium, d’ammonium
ou de mono- et
triéthanolamines. Très
solubles dans l’eau, ils permettent la
formulation de shampooings
clairs. Leurs propriétés cosmétiques
médiocres sont compensées par
combinaison avec des agents
adoucissants.
Une grande variété d’autres
tensioactifs anioniques peuvent être
employées, tels les oléfines
ou paraffines sulfonates, ou des familles
de détergents plus
sophistiqués et de coût plus élevé dotés de
propriétés lavantes et
moussantes un peu inférieures, mais plus
doux et plus adaptés pour les
cheveux et cuirs chevelus sensibles :
ce sont les
alkylsulfosuccinates, alkyliséthionates, alkyléthercarboxylates,
alkylsarcosinates,
alkylméthyltaurates et acylpeptides
(fig 2).
TENSIOACTIFS CATIONIQUES
Ils possèdent une grande
affinité pour la fibre capillaire à laquelle ils
apportent douceur et
brillance. De plus, ils facilitent le démêlage et
diminuent l’électricité
statique. Mais ce sont de médiocres détergents
et moussants, et leur affinité
pour la kératine porte comme revers
une tendance à l’alourdissement
du cheveu et le risque de
redéposition partielle de la
salissure au cours du shampooing. Leurs
propriétés cosmétiques et leur
effet bénéfique pour la surface du
cheveu en font des produits de
choix pour le soin des cheveux
abîmés. Associés à des
tensioactifs non ioniques, ils sont utilisés
TENSIOACTIFS
Chaîne grasse
lipophile
Pôle hydrophile
Anioniques
Cationiques
Amphotères
Non ioniques
-
+
+
-
0 0 0
1
R – COOH
acide gras
R – OH
alcool gras
R – O – (CH2 – CH2 – O) – nH
alcool gras oxyéthyléné
n = 2 à 5
R – COO - M+
savon
R – O – SO3
- M+
sulfate d'alcool gras
(exemple : lauryl ou
dodécyl sulfate)
R – O – (CH2– CH2– O) – SO3
-M+
sulfate d'alcool gras
oxyéthyléné
(alkyléther sulfate)
R – OCO – CH – SO3
-M+
CH2– COO-M+
alkylsulfosuccinate
R – COO – CH2 – CH2 – SO3
-M+
alkyliséthionate
R – SO3
-M+
a –
oléfine sulfonate
R – CO – N – CH2 – COO-M+
acylsarcosinate
R – (OCH2 – CH2)n – O – CH2 –
COO-M+
alkyléthercarboxylates
R – CO – N – CH2 – CH2 – SO3
-M+
acylméthyltaurates
R – CO – NH – (CH – CO – NH
– CH) – mCOO-M+
acylpeptides
Rx Rx
CH3
CH3
2
R : chaîne hydrocarbonée (³ 10
atomes de C) dite chaîne grasse ;M : sodium, ammonium
ou alcanolamine.
R – COO M + H2O R – COOH + M OH
savon
Si M = Na, l'alcali est la
soude
acide gras alcali
3
pour la formulation de
shampooings spécifiques pour cheveux
teints, décolorés ou
desséchés. Leur manque de compatibilité avec
les agents anioniques limite
le champ pour d’autres utilisations.
TENSIOACTIFS AMPHOTÈRES
Ces tensioactifs possèdent,
sur la même chaîne, à la fois un pôle
anionique et un pôle
cationique, ce qui leur confère des propriétés
intermédiaires entre les
anioniques et les cationiques. Ils peuvent se
comporter soit comme des
cationiques, à bas pH, soit comme des
anioniques, à pH élevé. Ils
forment des complexes avec les
anioniques et diminuent leur
tendance à s’adsorber sur les protéines.
On les associe généralement
avec d’autres tensioactifs pour réaliser
des shampooings doux, pour
moduler les propriétés et doser les
actions en fonction des
performances recherchées.
Il existe trois classes
importantes d’amphotères : les N-alkyl
aminoacides (par exemple :
Deriphats), les bétaïnes et sulfobétaïnes
et les dérivés d’imidazoline
(par exemple : Miranol C2M).
¦ Tensioactifs non
ioniques
Dans la structure de ces
composés, c’est la répétition de groupes
« oxyéthylène » qui exerce la
fonction solubilisante dans l’eau, à la
place de la tête polaire des
tensioactifs ioniques. Ils sont
généralement considérés comme les
plus doux des tensioactifs. Bons
dispersants, bons
émulsionnants, ce sont aussi de bons détergents.
Mais leur emploi se heurte à l’obstacle
difficilement surmontable
d’un faible pouvoir moussant.
Ils sont donc plutôt utilisés comme
détergents auxiliaires. Leur
excellente tolérance est mise à profit, par
exemple, dans l’association
avec des alkyléthersulfates ou des
amphotères, pour réaliser des
shampooings d’une grande douceur.
Les plus classiques sont les
éthers polyéthoxylés d’alcools gras, les
esters polyoxyéthylénés de
sorbitol (connus sous le nom commercial
de Tweenst), les éthers de polyglycérols
et les alkylpolyglucosides
(dérivés de sucres à chaîne
grasse).
À côté de ces agents lavants,
il faut citer une autre classe de nonioniques
très utilisée : les
alcanolamines, qui peuvent influencer
considérablement les
propriétés moussantes. Ce sont des synergistes,
promoteurs ou stabilisateurs
de mousse et des épaississants.
DÉTERGENTS NATURELS
Ce panorama des principaux
agents de surface à fonction lavante ne
saurait être complet sans
mentionner les détergents naturels : la
saponine, que l’on trouve dans
diverses espèces végétales (bois de
Panama, saponaire,
salsepareille, lierre, agave…). Leur partie
hydrophile est un sucre, ce
qui les apparente à des non-ioniques,
mais leur partie lipophile
stéroïdique, ou triterpénique, porte
souvent un groupe acide ou
basique. C’est le cas du bois de Panama
dont la partie lipophile est l’acide
quillaïque. Ces saponines ont des
propriétés émulsionnantes et
moussantes, mais ce sont de médiocres
agents lavants. Il faut donc
faire appel à des concentrations
relativement élevées pour
réaliser un shampooing acceptable sur le
plan de la détergence. À de
telles concentrations, la plupart des
saponines ne sont pas dénuées
d’agressivité et les qualités
cosmétiques sur les cheveux
sont franchement négatives, de sorte
que les formules de
shampooings aux détergents naturels
contiennent en général des
tensioactifs de synthèse pour assurer un
lavage et des propriétés
cosmétiques convenables.
Formulation des
shampooings
La mise au point d’un système
détergent adapté aux cheveux et au
cuir chevelu est, nous l’avons
vu, un compromis délicat de par la
variabilité du substrat
lui-même, mais aussi du fait de l’ambiguïté
de l’objectif à atteindre, ce
qui oblige à négocier de multiples
problèmes de compatibilité, de
dosages, d’équilibres. Laver sans
dessécher, en respectant
autant que possible le cuir chevelu
beaucoup plus sensible que le
cheveu aux actions dégraissantes,
lubrifier le cheveu tout en le
nettoyant, substituer à la salissure le
soin ou l’embellissement
approprié, tout en assurant le meilleur
agrément d’utilisation, c’est
une opération subtile à contraintes
multiples qui demande des
produits taillés sur mesure. La
formulation la plus simple
contient nécessairement un grand
nombre de composants :
matières premières détergentes,
stabilisateurs de mousse,
épaississants, opacifiants ou nacrants,
adoucissants, produits
traitants spéciaux, séquestrants,
conservateurs, parfums et
colorants.
MATIÈRES PREMIÈRES DÉTERGENTES
Il est rare qu’un seul
tensioactif puisse assurer les propriétés de
mouillabilité, de pouvoir
émulsionnant et de rinçabilité recherchées.
C’est pourquoi une formule de
shampooing comporte en général
plusieurs tensioactifs. Les
anioniques – et surtout les sulfates
d’alcools gras – demeurent les
plus largement employés.
STABILISATEURS ET ADOUCISSEURS
DE MOUSSE
La mousse est une
caractéristique importante dans l’appréciation
d’un shampooing par les
utilisateurs. Le pouvoir moussant est
psychologiquement associé à l’efficacité
lavante. La mousse est aussi
un point de repère dans le
processus shampooing : elle permet de
savoir à quel moment la fonction
de lavage a été remplie : signal de
propreté, elle permet de doser
le shampooing, d’ajuster la quantité
au besoin. Les qualités
moussantes font intervenir la vitesse de
production de la mousse, son
volume, sa douceur, sa consistance, sa
stabilité et son élimination
au rinçage. Ces propriétés sont apportées
essentiellement par l’adjonction
d’alcanolamides d’acides gras, qui
donnent un toucher crémeux,
une mousse plus douce et plus stable.
ÉPAISSISSANTS
La consistance, l’onctuosité
de la formule peuvent être obtenues par
addition de gommes naturelles
(adragante, karaya),
d’hydrocolloïdes dérivés de la
cellulose (hydroxyéthyl-,
hydroxyméthyl- ou
carboxyméthyl-celluloses) qui contribuent aussi
à la douceur de la mousse et
protègent la fibre en évitant la
redéposition des salissures,
de polymères de synthèse (alcools
polyvinyliques, polymères
carboxyliques comme le carbopol), mais
aussi des sels tels que le
chlorure de sodium ou le chlorure
d’ammonium qui peuvent
modifier considérablement l’aspect
rhéologique de la formule.
NACRANTS ET OPACIFIANTS
Introduits pour modifier l’aspect
du shampooing, ils peuvent aussi
jouer un rôle adoucissant. Ce
sont des sulfates d’alcools gras à
longue chaîne (par exemple :
cétylsulfate de sodium), des
alcanolamides d’acides gras à
longue chaîne tels que stéarique ou
béhénique, ou encore les
esters de ces acides avec des glycols ou
polyols.
ADOUCISSANTS
Ils ont pour fonction d’apporter
aux cheveux de la douceur, de la
brillance, de diminuer l’électricité
statique et de favoriser le
démêlage. Ils sont
particulièrement importants dans la formulation
des shampooings pour cheveux
secs, fragiles ou altérés. Ils
compensent la délipidation,
aident à corriger les altérations de la
surface du cheveu et à
renforcer l’adhésion des écailles le long de la
fibre. Leur contribution dans
une formule shampooing n’a pas
l’efficacité d’un soin ou rinse spécifique après-shampooing,
du fait
de la multiplicité des
fonctions à remplir, des incompatibilités, voire
des antinomies, donc de la
nécessité d’établir un compromis. Mais
ils ont un rôle déterminant
sur le toucher, l’aspect, la docilité, les
qualités cosmétiques et
esthétiques de la chevelure après le
shampooing.
Un grand nombre de substances
peuvent être incorporées, selon le
type de formulation, la
composition de la base lavante, la destination
et les objectifs de soin ou d’embellissement
: des corps gras (alcools
gras, dérivés de lanoline,
huiles et cires végétales ou minérales,
acides gras essentiels,
dérivés de lécithine), des humectants (sorbitol,
propylèneglycol, glycérol),
des protéines hydrolysées (kératine,
collagène, soie, blé, soja),
des silicones, des polymères cationiques
(cf infra), ainsi que des
antioxydants, absorbeurs de rayons
ultraviolets, vitamines, etc…
Mais il convient d’insister sur le rôle
majeur des polymères
cationiques, qui ont apporté une véritable
révolution dans le soin
capillaire.
TRAITANTS SPÉCIAUX
Ces substances sont destinées
à corriger des manifestations
inesthétiques telles que les
pellicules ou les cheveux gras :
antipelliculaires,
antiséborrhéiques, bactéricides, fongicides…, ils
doivent évidemment être
compatibles tant au plan stabilité qu’au
plan des effets avec la
composition tensioactive utilisée.
SÉQUESTRANTS
Ils ont pour fonction de
complexer les métaux qui pourraient donner
lieu à la formation de sels ou
complexes insolubles. Ils empêchent
aussi les décompositions
catalytiques initiées par des traces de sels
métalliques qui pourraient
déstabiliser les parfums et les colorants
de la formule.
CONSERVATEURS
Ils doivent assurer la
stabilité bactériologique, empêcher toute
prolifération de germes qui
pourraient contaminer le produit et,
par-là même, le dégrader. Leur
sélection doit être soigneusement
étudiée pour éviter que leur
activité ne soit inhibée par les
tensioactifs de la composition
et qu’ils ne puissent altérer l’aspect
du produit (couleur, parfum…).
PARFUMS ET COLORANTS
Ils donnent au shampooing sa
personnalité olfactive et visuelle.
Divers types de
shampooings
Les shampooings peuvent se
présenter sous forme de liquide
transparent ou opaque, crème
liquide, gel, mousse ou poudre
(shampooings secs).
Nous distinguons ici les
principales catégories de shampooings en
fonction des objectifs visés.
SHAMPOOINGS CLASSIQUES
Shampooings les plus courants,
familiaux, économiques, il leur est
demandé essentiellement de
bien mousser et de bien nettoyer la
chevelure, sans excès de
détergence, en assurant des qualités
correctes de démêlage et de
brillance avec un bon rapport
qualité/prix. Shampooings
simples, ils cherchent à être
sympathiques à l’utilisation,
généralistes, avec une certaine image
de douceur. Ils trouvent
souvent une originalité autour d’un
ingrédient naturel, végétal ou
biologique.
Généralement basés sur des
tensioactifs anioniques type sulfates
d’alcools gras ou alkyléthersulfates,
ils peuvent être « nuancés » par
types de cheveux (secs, gras…)
en jouant sur la concentration de
base lavante et quelques
additifs.
SHAMPOOINGS DOUX POUR USAGE
FRÉQUENT
L’évolution des habitudes d’hygiène,
le développement de la
pratique sportive et l’utilisation
de produits de coiffage variés se
sont traduits par une
augmentation régulière de la fréquence des
shampooings. Qu’il s’agisse d’un
problème de cheveux gras, de
pollution atmosphérique, de
transpiration liée à l’activité physique
ou de dépôt cosmétique, il est
important d’éviter une détergence
excessive. Ils reposent sur
des associations de tensioactifs anioniques
et amphotères sélectionnés
pour leur douceur et leur excellente
tolérance par le cuir chevelu
et les cheveux. L’exigence de détergence
est moins grande que pour une
utilisation hebdomadaire, mais elle
doit être suffisante pour
nettoyer des cheveux peut-être plus exposés
ou plus prompts à la
salissure. Un autre impératif pour ces
formulations est la modulation
des effets cosmétiques : elles doivent
contribuer à l’embellissement
de la chevelure et au démêlage des
cheveux, tout en évitant la
contrepartie d’alourdissement que peut
générer l’apport répété d’adoucissants
cosmétiques.
Les shampooings bébés-enfants
représentent la tendance extrême de
cette catégorie de
shampooings. L’exigence primordiale est la
tolérance parfaite par un cuir
chevelu fragile et la muqueuse oculaire
des jeunes enfants. Un mélange
à trois composants anioniqueamphotère-
non ionique très doux est
utilisé comme base lavante
pour éviter tout picotement au
contact de l’oeil.
SHAMPOOINGS « COSMÉTIQUES » OU
DE SOIN
Outre leurs propriétés
lavantes et moussantes, ces shampooings sont
conçus pour apporter des
propriétés cosmétiques particulières, pour
corriger les inconvénients
inhérents à certaines natures de cheveux.
Les shampooings pour cheveux
secs ont mission d’apporter du
démêlage, de la douceur, de la
brillance. Les shampooings pour
cheveux gras visent à apporter
du volume, de la légèreté et à
retarder les effets d’alourdissement
liés au regraissage. Les
shampooings pour cheveux fins
sont construits pour donner du
corps, du ressort, du volume,
du maintien. Aux cheveux colorés ou
décolorés, il faut apporter de
la souplesse, de la brillance, de la
discipline.
La formulation de ces
shampooings embellisseurs est très élaborée :
elle exige une subtile
modulation de l’action détergente et de l’action
soin, pour assurer une
extraction et une dispersion efficaces de la
salissure suivie d’un
microdépôt d’agent adoucisseur et embellisseur
à travers toute la chevelure.
La base lavante associe souvent des
tensioactifs anioniques et
amphotères. Le soin est apporté en priorité
par des polymères cationiques
et/ou des silicones.
SHAMPOOINGS TRAITANTS
SPÉCIFIQUES
¦ Spécifiques du type de
cheveux
Cette catégorie est illustrée
par les shampooings pour cheveux
permanentés ou cheveux
colorés. Ils sont destinés à redonner de
l’éclat à la couleur et du
ressort aux boucles ou ondulations tout en
apportant de la douceur, de la
souplesse et une grande facilité de
coiffage. Ils ne doivent
altérer ni la couleur ni la frisure. La
détergence doit être bien
équilibrée et le système lavant doit générer
le volume et la texture de
mousse adéquats. Ces qualités sont
généralement obtenues par
association anionique-amphotère ou par
une base lavante cationique.
Les propriétés cosmétiques sont
conférées par un polymère
cationique ou amphotère, ou un mélange
des deux.
¦ Spécifiques de l’état du
cuir chevelu
Destinée aux cuirs chevelus
pelliculaires ou produisant un excès de
sébum, cette catégorie de
shampooings vise à améliorer les effets
inesthétiques qui en résultent
au niveau de la chevelure. Ils sont
formulés en général autour d’un
ou plusieurs ingrédients
spécifiques de ces conditions.
La lutte contre les pellicules est ciblée
sur le Pityrosporum ovale dont la prolifération induit
un processus
micro-inflammatoire qui se
traduit par des démangeaisons et une
desquamation accentuée. Les
inhibiteurs spécifiques de cette levure
les plus fréquemment employés
sont la piroctone olamine, le zinc
pyridinéthione, le disulfure
de sélénium, le climbazole, l’ichthyol et
certaines huiles essentielles
ou « goudrons » d’origine végétale de
type Juniperus (cade,
genévrier). L’utilisation régulière de ces
produits associés à une base
lavante douce permet d’améliorer d’une
manière significative l’état
pelliculaire.
Pour les cheveux gras, on
préfère en général une base lavante
anionique efficace mais douce,
car elle vient au contact d’un cuir
chevelu en mauvais état et qui
a besoin d’être rééquilibré. Même le
massage doit être restreint au
minimum pour éviter l’action abrasive
des cheveux sur le cuir
chevelu. Des résultats intéressants ont été
obtenus avec un mélange de
tensioactifs très doux, basé sur des
dérivés polyglycérolés. L’emploi
régulier de ce type de formule
permet de retarder le
regraissage après shampooing et d’améliorer
progressivement l’état du cuir
chevelu. Il n’existe pas à ce jour
d’ingrédient actif efficace
pour contrôler l’excrétion de sébum.
SHAMPOOINGS SECS
Il nous paraît difficile de
parler des shampooings sans mentionner
ce type de produits. Ils se
démarquent tout à fait des précédents,
non seulement par leur aspect
physique, mais également par leur
composition puisqu’ils ne
contiennent pas de tensioactifs. Ce sont
des poudres que l’on saupoudre
sur la chevelure, laisse agir
quelques minutes et élimine
par brossage énergique. L’intérêt du
shampooing sec réside dans le
fait qu’il évite de mouiller la
chevelure et de procéder à une
mise en plis. Il permet aux femmes
dont les cheveux regraissent
trop vite des nettoyages fréquents et
prolonge la tenue de la mise
en plis. Ces shampooings contiennent
un absorbant des graisses
(amidon de riz ou de maïs), un abrasif
destiné à détacher les
salissures (Kieselguhr, terres diverses) et un
alcalinant (borax, carbonate).
Produits de soin et d’embellissement
L’approche du soin et de l’embellissement
des cheveux est avant
tout celle d’un état de
surface, une surface considérable, comme
nous l’avons indiqué plus
haut.
Les cheveux connaissent de
multiples agressions : les facteurs
d’environnement – soleil,
vent, mer, eau chlorée des piscines –
ajoutés aux brossages répétés,
séchages à air chaud, ou la
conjugaison de traitements
excessifs ou inadaptés, abîment la fibre
capillaire, altèrent sa
surface, la fragilisent ; les cheveux deviennent
rêches, fourchus, ternes, difficiles
à démêler et à coiffer.
Les matériaux de base pour l’amélioration
de l’état de surface du
cheveu sont les composés
cationiques.
Un cheveu naturel peut en
effet être considéré comme un substrat
amphotère dont les groupements
acides et basiques sont de forces
sensiblement égales et
inverses. Dans le cas des cheveux secs,
sensibilisés, des cheveux
décolorés, des cheveux ayant subi une forte
exposition solaire, il s’est
instauré un déséquilibre avec forte
prééminence de groupes acides
: le cheveu a pris un caractère
fortement anionique.
Lorsqu’un composé cationique
arrive au contact d’un tel cheveu, il
va se trouver fortement attiré
et retenu : il va s’établir une liaison
électrochimique entre le pôle
cationique de la substance et le site
anionique du cheveu. Dans le
cas d’un tensioactif cationique, qui est
constitué d’un pôle hydrophile
cationique (fig 4) situé à l’extrémité
d’une chaîne grasse lipophile,
la fixation du pôle cationique va se
traduire par le dépôt sur la
surface du cheveu d’une couche
monomoléculaire de chaîne
grasse : celle-ci apporte un toucher doux
et agréable, lubrifie le
cheveu, réduit les phénomènes de friction et
les effets abrasifs du
peignage et du brossage. La fixation du pôle
cationique sur le cheveu
contribue en outre à neutraliser les charges
statiques.
Le taux de fixation de dérivé
cationique sur la surface capillaire est
fonction du nombre de sites
anioniques présents. Plus le cheveu est
abîmé, plus ces derniers sont
nombreux. La fixation se fait donc,
préférentiellement, là où le
cheveu est le plus altéré, favorisant le
rétablissement d’une surface
homogène et régulière. Le rinçage à
l’eau permet d’éliminer l’excès
de produit cationique et de ne laisser
sur le cheveu que ce dont il a
besoin.
Aujourd’hui, les composés
cationiques utilisés dans les produits de
soin et d’embellissement sont
essentiellement des tensioactifs à très
longue chaîne, dépourvus de
propriétés détergentes, et des
polymères.
Les tensioactifs cationiques
sont les composés idéaux pour atténuer
les inégalités, normaliser la
surface de la fibre capillaire, protéger les
zones altérées, lisser les
écailles cuticulaires, adoucir le toucher et
faciliter démêlage, brossage,
peignage. Mais ils n’améliorent pas la
consistance du cheveu et,
surtout, très peu d’entre eux sont
compatibles avec les
tensioactifs anioniques émulsionnants, lavants
ou moussants utilisés dans les
shampooings et dans de nombreux
traitements capillaires. D’où
la conception et le développement
d’une autre catégorie de
substances à forte affinité pour le cheveu :
les polymères cationiques.
Dans un polymère cationique, les pôles
susceptibles de se lier au
cheveu ne sont plus attachés à une chaîne
grasse comme dans les
tensioactifs ; ils sont greffés sur, ou intégrés
dans le long enchaînement d’un
squelette macromoléculaire
(fig 4).Le grand avantage de ces
polymères est le fait qu’ils
recouvrent le cheveu d’un film
continu qui apporte non seulement
un toucher lisse et agréable,
un très bon démêlage, de la brillance,
mais aussi de la texture, du «
corps », sans alourdir le cheveu ; de
plus, il protège la surface
cuticulaire contre les attaques extérieures.
On dispose aujourd’hui d’un
large éventail de tensioactifs et de
polymères cationiques (dérivés
de cellulose, d’amidon, de guar, de
silicones, de chitosane, de
protéines, de polyamides, etc). Toutes ces
substances offrent un large
potentiel de propriétés, mais leur très
grande affinité pour la fibre
exige une modulation très étudiée des
effets et une grande maîtrise
de la formulation pour adapter les
produits aux besoins des
cheveux, à la fréquence d’utilisation et aux
habitudes de traitements
capillaires. Ils doivent être incorporés dans
des supports qui les
valorisent et favorisent l’action traitante,
l’agrément d’application, la
bonne répartition dans le cheveu, tout
en apportant des bienfaits
complémentaires.
Autre catégorie de substances
dont l’usage a connu un très grand
développement : les silicones.
Du fait de leur faible énergie
superficielle malgré une
viscosité parfois élevée, ils apportent un
effet lubrifiant avec un
toucher non gras. Ils s’étalent très facilement
sur le cheveu, y compris les
pointes, en formant un film mince,
uniforme, hydrophobe qui
améliore l’éclat et la brillance. Le cheveu
est plus léger, individualisé,
plus élastique et il est mieux protégé au
cours du coiffage.
Les produits de soin et d’embellissement
peuvent contenir des
myriades d’autres ingrédients
: huiles végétales, dérivés de lanoline,
cires naturelles, graisses
animales, phospholipides, alcools gras,
esters gras, acides gras
essentiels, hydrolysats de protéines
(collagène, kératine, caséine,
protéines de soie, protéines marines,
polysaccharides, extraits de
plantes, etc). La composition des
produits dépend du niveau de
performance recherché et du type de
cheveux auxquels ils sont
destinés. En grande majorité, ils se rincent
après application, après un
temps de pause variable (quelques
minutes en général).
Chaîne grasse : C16 – 20
Tensioactif cationique
Sites anioniques à la
surface du cheveu
Polymères cationiques
+
+
+ +
+
+
-
- - - -
-
- - -
+
+ +
4
Sur le plan pratique, ils se
présentent sous forme de :
– crèmes fluides ou baumes démêlants, destinés à l’embellissement
des
cheveux normaux, secs à très
secs. Ces produits peuvent être utilisés
après chaque shampooing ;
– masques capillaires ou crèmes de soin profond : moins généralistes
que les précédentes, d’utilisation
moins fréquente (une fois par
semaine, par exemple), ces
crèmes épaisses sont de véritables soins
réparateurs des cheveux très
secs, abîmés, sensibilisés, poreux ;
– lotions ou gels fluides : de texture légère,
transparents ou opaques,
sans corps gras, ils sont
destinés à des cheveux normaux à tendance
grasse. Ils doivent embellir
le cheveu (légèreté, volume, discipline),
en évitant tout risque d’alourdissement
;
– mousses en aérosol : produits agréables à
appliquer, faciles à
répartir, ils sont en général
destinés à apporter au cheveu de la
légèreté et de la texture,
mais aussi de la douceur ;
– huiles capillaires : d’utilisation beaucoup plus
ancienne et
traditionnelle, elles visent à
embellir, protéger, lubrifier, donner de
l’éclat à la chevelure. Elles
peuvent être appliquées soit avant le
shampooing (huiles végétales
pures), soit après (associations
d’huiles, de cationiques, de
silicones, etc).
Il existe également des
produits de soin et d’embellissement qui ne
se rincent pas : leur objectif
est essentiellement d’aider le coiffage
des cheveux et de favoriser la
tenue de la coiffure, tout en lui
apportant des qualités de
douceur et de brillance. Ces produits se
recoupent plus ou moins avec
les produits de coiffage et de
maintien. On y trouve des lotions hydroalcooliques contenant des
associations d’agents
cationiques cosmétiques et de polymères
filmogènes anioniques ou non
ioniques qui aident à prolonger la
tenue de la coiffure ; des gels non gras le plus souvent alcoolisés,
formulés à partir de
substances embellissantes et de polymères
filmogènes qui, suivant leur
concentration, apportent des tenues
plus ou moins fortes ; des mousses en aérosol, axées aussi sur la tenue
des cheveux et formulées à
partir de polymères anioniques
filmogènes ; des brillantines, des sprays de coiffage, etc.
Références
[1] Bouillon C. Shampoos. Clin Dermatol 1996 ; 14 : 113-121
[2] Zviak C, Bouillon C. Produits de traitement et de
soin capillaires. In : Zviak C ed. Science des
traitements capillaires. Paris : Masson, 1987 : 89-148
[3] Zviak C, Vanlerberghe G. Hygièneducuir chevelu et
des cheveux. Les shampooings. In : Zviak
C ed. Science des traitements capillaires. Paris :
Masson, 1987 : 49-88