Cosmétologie des cheveux afroantillais

Introduction
Le cheveu afroantillais présente la particularité essentielle d’une
croissance en torsion hélicoïdale. Sa tranche de section est elleptique,
et non arrondie. Ces deux faits expliquent l’aspect crépu, la pousse
lente et la tendance à l’emmêlement.
La sécrétion sébacée est faible avec sécheresse importante des
cheveux et du cuir chevelu, aggravée lors de l’arrivée en France par
le réduction de l’hygrométrie de l’air.
La pigmentation est plus sombre, du noir au brun foncé, mais le
hasard des métissages peut produire toutes les nuances jusqu’au
blond clair (« chabins » aux Antilles). La canitie est plus tardive,
après 50 ans.
Des données précédentes découlent des problèmes cosmétiques
évidents : sécheresse, emmêlement, fragilité auxquels répondent des
habitudes assez stéréotypées, elles-mêmes parfois pathogènes.
Habitudes cosmétiques
ENTRETIEN DES CHEVEUX
Lavage. Les difficultés de coiffage rendent celui-ci relativement
espacé : tous les 10-15 jours. Les shampoings sont enrichis en agents
graissants (moelle de boeuf, karité, huile de jojoba) appartenant à
des gammes spécifiquement destinées aux cheveux crêpus. Il doit
être suivi par un après-shampoing graissant et démêlant, puis d’un
démêlage au peigne à larges dents.
Séchage. Il doit être précédé d’un tressage (surtout chez l’enfant)
ou d’une mise en plis sous rouleaux, sinon la chevelure risque de
former une boule incoiffable. Si, dans les pays chauds, le soleil suffit,
en France un séchoir est souvent nécessaire.
Entretien quotidien. Il est fait par un coiffage au peigne à larges
dents, et surtout un graissage du cuir chevelu et des cheveux par
une vaseline : vaseline naturelle ou enrichie, huile de ricin (risque
d’acné cosmétique du front et des tempes).
Entretien complémentaire. Il est mensuel, par bains d’huile.
TECHNIQUES COMPLÉMENTAIRES DESTINÉES
À FACILITER LE COIFFAGE
¦ Défrisage
Effet recherché par la quasi-totalité des femmes à cheveux crépus, il
est largement pratiqué.
Défrisage à chaud. Technique la plus ancienne, pratiquée à l’aide
de fers chauds, il est actuellement en voie d’abandon en raison des
dégâts qu’il provoque et surtout de la brièveté de son efficacité.
Défrisage à froid. Faisant appel à des principes actifs induisant une
modification chimique permanente du cheveux, c’est le plus
pratique :
– défrisage à l’hydroxyde de sodium (lye relaxing) : il est
actuellement moins utilisé en raison de l’agressivité du principe
actif et surtout de sa mauvaise réputation ;
– défrisage à l’hydroxyde de calcium (no lye relaxing) : c’est le
plus pratiqué, cependant non dénué d’un risque de fragilisation
des cheveux ;
– défrisage-bouclage au thioglycolate (curl) : il est également
possible, remplaçant l’aspect crépu par un aspect bouclé
permanent. Il en existe une forme plus légère : « ondulage »
(wave).
Ces techniques sont en général pratiquées en salon de coiffure
spécialisé pour cheveux afroantillais.
Les produits sont appliqués après protection par vaseline de la peau
en contact, laissés 10 à 30 minutes selon le cheveu, neutralisés, puis
les cheveux sont séchés sur rouleaux.
Un entretien par des shampoings spécifiques et des bains d’huile est
nécessaire. Cette technique doit être répétée tous les 2 mois pour
traiter la zone de repousse.
Certains hommes pratiquent également ce défrisage, surtout dans la
variété « curl ».
¦ Rajouts
Une autre solution pour diminuer les problèmes de coiffage et
permettre des coiffures plus « belles » consiste à ajouter de faux
cheveux.
Rajouts par tresses.
On utilise de longues mèches de cheveux synthétiques qui sont
patiemment tressées très serré avec les cheveux naturels, d’abord à
leur partie proximale et jusqu’à leur extrémité, puis tressées seules
jusqu’à la longueur désirée. Ces tresses sont souvent posées à la
maison, en famille ou entre amies, en longues séances conviviales
de plusieurs heures. Elles permettent des coiffures somptueuses
(fig 1).
L’entretien est assez facile : shampoings et séchage sont possibles.
Elles doivent être enlevées après 2 mois car la pousse à la racine va
progressivement détendre l’ensemble.
Rajouts par tissage.
On utilise des postiches habilement cousus sur la chevelure, ellemême
tressée autour de la tête, permettant une grande variété de
coiffures et de couleurs, suivant des modes qui varient rapidement.
Cette technique, qui demande plus d’habileté, est pratiquée en salon
de coiffure.
Le lavage est moins facile, nécessitant un tressage préalable.
Les tissages doivent être déposés après 2-3 mois.
¦ Autres possibilités
– « Locks ». Mis en vogue par le courant « rasta », il s’agit d’une
coiffure d’homme : les cheveux ne sont jamais coupés mais séparés
en plusieurs longues tiges torsadées régulièrement graissées. Plus
fines et plus nombreuses, elles sont nommées « vany ».
Perruques. Finalement souvent choisies pour leur simplicité, elles
sont portées sur cheveux très courts ou naturellement tressés.
Rasage. À noter depuis quelques années une mode « rasée » pour
les hommes, à la tondeuse ou au rasoir, toutes les semaines, avec un
risque d’acné chéloïdienne de la nuque.
Problèmes cosmétologiques spécifiques
Ils découlent des éléments précédents : particularités anatomiques,
modifications de l’environnement, pratiques fragilisantes.
FRAGILISATION
Souvent décrite comme des « chutes », des « cheveux cassants », elle
est la plainte principale des femmes à cheveux défrisés, bien
différente d’un effluvium. La main qui passe dans la chevelure
ramène des fragments de cheveux, et la traction douce sur un
cheveu le casse sans difficulté, comme s’il était « prédécoupé ». Elle
apparaît ou se majore constamment en France pour des raisons
vraisemblablement liées à l’environnement et au mode de vie.
Cette fragilisation prédomine sur la nuque et les tempes, là où les
agents défrisants sont posés d’abord, et donc laissés plus longtemps,
réalisant un aspect assez spécifique, avec des cheveux bien plus
courts et inégaux sur ces zones. Elle peut d’ailleurs être brutale, dans
les heures ou les jours qui suivent un défrisage un peu fort, avec
parfois une atteinte caustique du cuir chevelu, heureusement en
général rapidement résolutive.
Le traitement des zones abîmées est malheureusement de peu
d’efficacité, malgré l’existence de produits réparateurs et gainants.
Les compléments soufrés peuvent aider à la repousse plus rapide
d’un cheveu sain, malheureusement toujours à la merci d’une
nouvelle agression. Le problème est surtout qu’il est difficile de faire
renoncer à cette pratique, d’autant que ce renoncement entraînerait
une période « mixte », avec une partie proximale « crépue » et une
partie distale défrisée difficilement acceptable, avec une zone de
jonction très fragile.
Au microscope en lumière polarisée, on observe un aspect
stéréotypé de cheveux présentant des zones amincies, et parfois une
cavitation centrale n’existant pas sur la zone non défrisée (fig 2).
ALOPÉCIES ET EFFLUVIUM
Les causes sont celles de toutes les chutes, avec cependant quelques
particularités :
– fréquence de la carence martiale chez ces femmes souvent
porteuses d’hémoglobinopathies constitutionnelles, d’hyperplasies
endométriales ou multipares ;
– fréquence de l’alopécie de type androgénétique, liée ou non à une
hyperandrogénie biologique ;
– majoration de toutes ces causes par les tractions et les agressions
sur le cuir chevelu depuis l’enfance.
Le traitement est bien sûr étiologique, quand il est possible, en
insistant sur la recharge en fer, associé bien entendu à des conseils
de prudence sur les soins de coiffure agressifs.
ÉTAT SQUAMEUX DU CUIR CHEVELU
On observe, chez presque tous les patients métis, un état proche de
la dermite séborrhéique apparaissant en métropole, d’intensité
variable, depuis un simple état pelliculaire jusqu’à des aspects
voisins du psoriasis, dont l’origine est multifactorielle : réduction de
l’hygrométrie, rareté des shampoings, « plaquage » des squames par
la vaseline, composante psychosomatique due au changement de
rythme de vie. Les autres localisations de la dermite séborrhéique
sont parfois présentes.
1 Rajouts tressés.
2 Cheveu défrisé fragilisé
: calibre irrégulier et cavitation.

Le traitement est le même que chez le sujet caucasien, reposant sur
le kétoconazole et les dermocorticoïdes en crise, et les émollients en
entretien, dont il faut expliquer longuement l’importance.
Conclusion
Les habitudes cosmétiques des sujets noirs et métis présentent des
spécificités à bien connaître car elles peuvent être déroutantes dans leur
pratique et dans leurs conséquences. Leur connaissance permet de
gagner la confiance des patients et de proposer des traitements plus
adéquats.
Références
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