Tensioactifs

Introduction
Les tensioactifs, appelés encore surfactifs ou agents de surface
(ADS), sont des molécules amphiphiles d’origine naturelle ou le plus
souvent synthétique. Ces molécules possèdent une double affinité
pour l’huile ou les substances apolaires et lipophiles, et pour l’eau
ou les substances polaires et hydrophiles. En conséquence, elles
peuvent s’adsorber aux interfaces en s’orientant de façon
préférentielle en fonction de leur affinité et faire chuter la tension
interfaciale huile/eau, ce qui leur confère des propriétés tout à fait
particulières. En effet, les tensioactifs peuvent être détergents,
moussants, mouillants, dispersants, solubilisants, émulsionnants. Ils
possèdent ces propriétés à des degrés divers en fonction de leur
structure chimique. Ils peuvent en outre former des solutions
micellaires, voisines des solutions colloïdales et constituées par la
dispersion de micelles dans un solvant, les micelles étant des
agrégats de molécules de tensioactifs.
Le marché mondial des tensioactifs est considérable et représente
environ 7 millions de tonnes par an, partagées entre les États-Unis
(3 millions de tonnes [Mt]), l’Europe (plus de 2 Mt) et le Japon
(moins de 2 Mt).
Le nombre des molécules actuellement commercialisées dépasse
5 000, mais seulement un petit nombre d’entre elles répond aux
critères de tolérance indispensables à une utilisation cosmétique
[13, 18].
Constitution chimique
Ces molécules amphiphiles sont généralement formées par une tête
hydrophile représentée par un radical ionisé ou hydroxyle, et par
un corps lipophile représenté par une chaîne hydrocarbonée plus
ou moins longue, linéaire ou ramifiée (fig 1).

Classification des tensioactifs
synthétiques [1, 21, 22]
Selon leur constitution chimique, les tensioactifs sont divisés en deux
groupes : ioniques et non ioniques.
Les ADS ioniques s’ionisent dans l’eau. Ils sont eux-mêmes divisés
en trois groupes : anioniques, cationiques et zwittérioniques.
Les ADS non ioniques ne s’ionisent pas dans l’eau. Ils sont
généralement classés selon la nature de la liaison qui unit la partie
hydrophile à la partie lipophile (ester, éther, amide), ou le type de
fonction chimique caractéristique de la molécule. On peut aussi les
diviser en deux groupes : molécules sans oxyde d’éthylène (OE),
molécules avec OE, la présence d’OE ayant pour but d’augmenter
l’hydrophilie de la molécule.
Chez les ADS ioniques, la partie hydrophile est prédominante par
suite de la possibilité d’ionisation. Ils sont généralement solubles
dans l’eau.
Les ADS non ioniques ont une hydrophilie variable en fonction de
la nature chimique de la partie hydrophile, d’où la notion d’HLB
(hydrophilic lipophilic balance) ou équilibre hydrophile-lipophile, dont
Partie lipophile Partie hydrophile
Eau Huile
Micelle directe Micelle indirecte
1 Molécule de tensioactif.

la valeur varie de 0 à 20, le chiffre le plus élevé correspondant à une
hydrophilie maximale.
Surfactifs anioniques(1) [1, 16]
La partie hydrophile des surfactifs anioniques est chargée
négativement. Ils possèdent généralement des propriétés détergentes,
mouillantes, moussantes, et sont donc présents dans la plupart des
produits d’hygiène et de nettoyage. Certains sont cependant utilisés
comme émulsionnants, mais plus rarement. Tous sont incompatibles
avec les surfactifs cationiques. En effet, lorsque ces deux types de
surfactifs sont mélangés molécule à molécule, ils donnent naissance
à une macromolécule totalement insoluble dans l’eau et les solvants
organiques.
SAVONS
La partie hydrophile est constituée par un groupement carboxylique
salifié.
Ces sont des produits avant tout détergents, mouillants, moussants.
Ils résultent de la salification d’un acide gras à chaîne plus ou moins
longue par une base forte telle que les hydroxydes de sodium ou de
potassium, ou par une base organique faible telle que la
triéthanolamine (trolamine). Les acides gras utilisés proviennent de
graisses animales (suif, axonge) ou de triglycérides végétaux (huiles
de palme, de coco, d’olive). Au plan chimique, ce sont les acides
stéarique (C18), palmitique (C16), myristique (C14) et laurique (C12)
qui sont le plus souvent impliqués. La saponification s’effectue à
température élevée (100 °C) pendant plusieurs heures, et le savon
obtenu est soumis à diverses opérations de purification pour en
séparer le glycérol et l’alcalin en excès.
La réaction théorique est la suivante :
R – COOH + NaOH R – COONa + H2O
Acide gras Savon
Cette réaction est réversible, ce qui conduit à des solutions très
alcalines par suite de l’hydrolyse lorsque le savon se trouve en
présence d’eau. Le pH peut alors atteindre 10, d’où les réactions
d’irritation qui apparaissent sur certaines peaux fragiles à la suite
de savonnages quotidiens et/ou multiples.
Le savon dit « de Marseille » est un palmitostéarate de sodium. Les
« savons de toilette » sont obtenus à partir de mélanges de corps
gras divers. Beaucoup contiennent du laurate de sodium qui leur
confère un bon pouvoir moussant, et différents additifs. Les savons
« à la glycérine » contiennent du glycérol dont la présence inhibe la
cristallisation du stéarate de sodium, d’où la transparence.
Les savons de potassium sont des savons mous réservés à la
détergence ménagère. En association avec le stéarate de sodium, ils
sont à la base de crèmes à raser moussantes et nacrées dont certaines
peuvent se montrer particulièrement irritantes.
Les savons « modifiés » sont le plus souvent agrémentés de
surgraissants tels que l’huile d’amande, la lanoline, les huiles
d’avocat, de macadamia, d’argan, ou encore d’adoucissants tels que
les décoctions d’avoine ou l’amidon.
NB. Les savons de calcium et de magnésium sont insolubles dans
l’eau, d’où le phénomène de précipitation des savons alcalins en
présence d’eau calcaire par formation d’un savon de calcium
insoluble. Ils sont parfois utilisés comme émulsionnants lipophiles.
Les savons de triéthanolamine ont un tout autre emploi. Ce sont des
émulsionnants, en particulier le stéarate de triéthanolamine qui a été
à la base des premières crèmes de beauté dites évanescentes. Il fait
encore partie de nombreuses formulations, dans le détail desquelles
on le trouve sous forme dissociée en acide stéarique d’une part, et
en triéthanolamine d’autre part. Ces savons s’hydrolysent de la
même façon que les précédents en présence d’eau, mais la base
neutralisante étant une base faible, le pH obtenu est généralement
voisin de 7,5 à 8,5. De tels pH ne paraissent pas particulièrement
recommandés pour le maintien d’une peau saine, encore moins pour
celui d’une peau pathologique, sauf exception. Bien que des tests
itératifs réalisés sur l’animal durant 6 semaines n’aient pas montré
de réactions très nettes d’intolérance, il est néanmoins préférable
d’éviter ce type de formulation chez le nourrisson.
¦ Tolérance
On ne connaît pas de réaction allergique au savon proprement dit.
En revanche, les réactions d’hypersensibilité peuvent être
déclenchées par le parfum ou par le colorant s’il est soluble. Les
réactions d’intolérance sont surtout des réactions d’irritation et de
dessèchement de la peau, aggravées par l’emploi d’eau calcaire et
chaude. Les peaux dites sensibles ou réactives supportent mal le
savon brut mais tolèrent parfois des savons modifiés.
AUTRES DÉRIVÉS CARBOXYLIQUES
On trouve dans cette catégorie les alkylsarcosinates, qui résultent de
la condensation de la fonction amine de la sarcosine ou
méthylglycine (CH3-NH-CH2-COOH) avec un acide gras à chaîne
plus ou moins longue. Ce sont des détergents doux qui entrent dans
la formulation des shampooings pour usage fréquent ou des
produits de toilette pour peaux sensibles. Ils ont une légère activité
bactéricide.
Les lipoprotéines ou les lipoaminoacides salifiés entrent également
dans cette catégorie. Ils sont considérés comme détergents
« physiologiques » parce que peu décapants et respectant à la fois le
film hydrolipidique et le pH cutané. Les protéines sont sous forme
d’hydrolysats et l’on traite ainsi la kératine, la caséine, le collagène.
Étant relativement gras et peu moussants, ils sont utilisés à
concentration inférieure à 5 % dans les shampooings. Ils peuvent
entrer dans la formulation de produits démaquillants pour peaux
sensibles.
DÉRIVÉS SULFATÉS
Ce sont des esters d’alcool gras et d’acide sulfurique salifiés.
La partie hydrophile est constituée par un groupement sulfaté
-O-SO3. La partie lipophile est une chaîne alkyl plus ou moins
longue, bien souvent en C12 et généralement saturée. Leur molécule
peut inclure un certain nombre de motifs d’OE, ce qui conduit aux
éthersulfates.
La plupart sont très détergents, mouillants et très moussants. Ce sont
des alkylsulfates ou alkyléthersulfates de sodium, de potassium, de
magnésium ou de triéthanolamine.
L’archétype en est le laurylsulfate de sodium ou sodium
dodécylsulfate (SDS). Ce fut l’un des premiers détergents utilisés
pour leurs propriétés nettoyantes et moussantes, même en eau
calcaire. Il est entré dans la composition des tout premiers
shampooings et des bains moussants, mais sa très forte activité
détergente, en éliminant la totalité du film hydrolipidique, a
provoqué des réactions d’irritation sur toutes les surfaces soumises
à son contact. Il est considéré actuellement comme un irritant de
référence (en solution à 10 % dans l’eau). Il est cependant possible
de le trouver encore dans certaines formulations de produits de
toilette, soit comme détergent – et dans ce cas il doit être
accompagné d’additifs détoxifiants tels que le laurate de sorbitan
oxyéthyléné (Tween 20t) –, soit comme émulsionnant où il est alors
associé à des alcools gras. Dans tous les cas, le produit doit être
soigneusement rincé.
Les alkyléthersulfates sont moins irritants, tout en gardant les mêmes
propriétés intéressantes qui en font des agents nettoyants fort
appréciés, d’autant plus que leur coût est très modéré. Afin
d’améliorer encore la tolérance, on utilise les sels de potassium ou
de triéthanolamine. Sous forme de sels de sodium, ils sont à la base
de la plupart des shampooings et des bains moussants de grande
diffusion.
(1) HENKELKG aA.www. henkel. com
HULSAG. Marl.www. huels. com
STEPANCo.www. stepan. com

Les autres dérivés sulfatés (glycérides sulfatés, alkyléthanolamides
sulfatés) sont très peu utilisés en cosmétique. Les glycérides sulfatés
ont des propriétés anticarie et antitartre et sont introduits dans les
dentifrices.
DÉRIVÉS SULFONÉS
Ils résultent de la mise en présence d’alcools gras ou
d’hydrocarbures et d’anhydride sulfurique La partie hydrophile est
constituée par un radical sulfoné salifié, la partie lipophile par une
chaîne grasse plus ou moins longue, linéaire ou ramifiée, saturée ou
insaturée.
Les alkylarylsulfonates de sodium sont trop agressifs pour être
employés communément en cosmétique. Ce sont pour la plupart
des détergents industriels. En revanche, les oléfines sulfonates de
sodium remplacent dans quelques formulations les
alkyléthersulfates. Ces sont de très bons produits de nettoyage, bien
tolérés par les peaux saines. Ils sont à la base de shampooings et de
bains moussants, associés ou non à des surfactifs amphotères.
Les acyliséthionates résultent de l’association d’un acide gras à l’acide
iséthionique ou 2-hydroxyethane sulfonic acid (HO-CH2-CH2-SO3H)
par une liaison ester. Ils sont utilisés sous forme de sels de sodium
dans les pains dermatologiques ou syndets et dans les shampooings.
Ce sont des détergents doux qui respectent le pH physiologique de
la peau.
Les acyltaurates résultent de l’association d’une chaîne
hydrocarbonée provenant d’un acide gras avec la taurine ou
2-aminoethane sulfonic acid (NH2-CH2-CH2-SO3H) par une liaison
amide. Ils sont aussi utilisés sous forme de sels de sodium et entrent
dans la formulation des syndets, comme les précédents.
Les alkylsulfoacétates de formule R-CH2-COO-CH2-SO3Na sont
également des détergents doux entrant dans la composition des
shampooings pour usage fréquent.
Les alkylsulfosuccinates dérivent de l’acide succinique
(COOH-CH2-CH(SO3H)-COOH). Les plus courants sont des
monoesters obtenus à partir d’alcools gras en C12 à C18. Ils sont
remarquablement doux et sont considérés comme les surfactifs les
mieux tolérés par la peau. Ils font partie de la composition des
shampooings et des bains moussants pour bébés.
Les mono- ou diglycérides sulfonés sont employés comme
émulsionnants.
DÉRIVÉS PHOSPHATÉS
Ils résultent de la condensation d’un alcool gras avec l’acide
phosphorique et se présentent sous formes d’alkylphosphates et
d’alkyl-éther-phosphates. Les diesters sont plus lipophiles que les
monoesters. Ils ne moussent pas. Ce sont principalement des
émulsionnants et des agents solubilisants dans les microémulsions.
Ils sont assez bien tolérés par la peau, mais peu utilisés.
¦ Tolérance
De très nombreuses études ont porté sur la tolérance des surfactifs
anioniques détergents [4, 5, 7, 10, 20, 25, 28] . De plus, ils sont soumis
systématiquement par les fabricants de matières premières et par les
fabricants de produits finis aux divers tests de tolérance
actuellement pratiqués : tests de cytotoxicité sur culture cellulaire,
tests de sensibilisation sur l’homme [2, 20].
Surfactifs cationiques(2) [1, 14]
La partie hydrophile de la molécule est ici chargée positivement. À
la différence des surfactifs anioniques, ils sont peu détergents, pas
moussants, mais ils sont mouillants. Leurs principales propriétés, liées
à cette dernière qualité, sont la capacité de destruction des microorganismes
lorsque la chaîne grasse est courte, et la possibilité de
s’étaler à la surface de la kératine lorsque la chaîne grasse est longue.
La présence d’une charge positive sur la molécule permet en outre
une fixation solide sur ce support. On parle alors de « substantivité
» et on leur accorde la qualité de « conditionneurs » vis-à-vis de
la kératine. Ils neutralisent les charges négatives apparaissant à la
surface de la protéine après élimination des salissures et permettent
ainsi le lissage des écailles de la cuticule par effet antistatique, d’où
retour de la fibre à son état d’origine.
Le cation est un ammonium quaternaire, un radical pyridinium ou
imidazolinium. L’anion est le plus souvent un chlorure ou un
bromure, mais aussi un acétate ou un saccharinate (fig 2).
DÉRIVÉS D’AMMONIUM QUATERNAIRE
On les trouve sous la dénomination INCI (International Cosmetic
Ingredients Dictionary) de « quaternium » associée à un numéro
allant de 15 à 75. Les principaux éléments conservateurs bactéricides
et fongicides sont le chlorure, le bromure et le saccharinate de
benzalkonium (diméthylbenzylammonium), le chlorure de
benzéthonium (di-isobutylphénoxyéthoxyéthyl-diméthylbenzylammonium),
le quaternium-15 ou Dowicil 200t. Les principaux
éléments à la fois conditionneurs et bactéricides sont le chlorure de
tricétylammonium, le chlorure de stéaralkonium. Ils ne doivent pas
être confondus avec les « polyquaternium », polymères cationiques
dont les propriétés tensioactives sont totalement masquées par
l’importance de la partie polymérique. Ces molécules sont
exclusivement des conditionneurs (d’ailleurs compatibles avec les
détergents anioniques) utilisés à faible concentration (0,5 à 1 %)
comme additifs. On en a pour exemple le polyquaternium-10, sel
d’ammonium quaternaire de l’hydroxyméthyl cellulose ou cellulose
quaternisée, ou encore le polyquaternium-22, copolymère de
chlorure de diméthyldiallylammonium et d’acide acrylique, connu
sous la dénomination commerciale de Merquat 280t.
SELS D’ALKYLPYRIDINIUM
Ils ont pour anion un chlorure ou un bromure. Ils sont mouillants et
moussants. Ils résistent aux eaux dures et manifestent une activité
bactéricide intense qui disparaît en présence de surfactifs
anioniques, de talc et de kaolin, et d’un grand nombre de gélifiants.
Le principal représentant en est le chlorure de cétylpyridinium.
AMINOXYDES
Ce sont des oxydes d’amines tertiaires qui se comportent comme
cationiques à pH inférieur à 6,5 par fixation sur l’azote d’une charge
positive en excès, et comme non ioniques aux pH supérieurs (fig 3).
Contrairement aux précédents, ils fournissent une mousse fine et
stable. Ils sont aussi utilisés comme stabilisateurs de mousse dans
les bains moussants et dans les shampooings. Ils sont stables en
milieu oxydant et totalement biodégradables.
¦ Tolérance
La tolérance des surfactifs cationiques dans leur ensemble est
(2)AKZONOBELUSA.www. akzonobel. com contestable [2]. Les ammoniums quaternaires sont connus comme
R
R R
R
R
N+
N N+
N+
CIAmmonium
quaternaire Imidazolinium Pyridinium
2
CH3
CH3
R
N = O + H+
CH3
CH3
R
N+ OH
3

allergènes, mais l’augmentation de la longueur de la chaîne grasse
diminuerait l’importance de ce caractère. Les produits
conditionneurs seraient donc les mieux supportés. Quant aux
aminoxydes, on leur reproche de libérer, au cours du temps, des
amines irritantes et de favoriser la formation de nitrosamines, d’où
un abandon progressif de ce type de surfactifs.
Surfactifs amphotères
ou zwittérioniques(3) [1, 6]
Les surfactifs amphotères possèdent une partie hydrophile qui porte
deux charges : une charge positive généralement due à un azote
quaternaire, et une charge négative portée par un carboxyle. Ils se
comportent comme cationiques en milieu acide et comme
anioniques en milieu alcalin. En milieu neutre, ils portent les deux
charges qui se neutralisent. Ils sont compatibles à la fois avec les
anioniques et les cationiques, et présentent les propriétés principales
de ces deux catégories de surfactifs. Ils sont donc détergents,
mouillants, moussants, mais aussi légèrement bactéricides ou
bactériostatiques. Ils sont, sauf exception, très bien tolérés par la peau.
Une particularité des solutions de surfactifs amphotères est leur
contenu élevé en chlorure de sodium qui peut atteindre 12 à 15 % [5].
DÉRIVÉS DE LA BÉTAÏNE
La bétaïne est un acide aminé extrait du jus de betterave, ayant pour
formule :
CH3
CH3 – N CH2 – COOH
CH3
Un radical alkyl est fixé sur l’azote à la place d’un -CH3 pour former
les alkylbétaïnes. Les alkylamidobétaïnes, dans lesquelles la bétaïne
est liée à une alkylamide, sont les produits les plus employés pour
leur détergence modérée et leur bon pouvoir moussant. Ils sont
associés très souvent aux tensioactifs anioniques dont ils diminuent
le caractère irritant. Toutefois, leur emploi ayant été généralisé au
cours des dernières années, des réactions d’hypersensibilisation se
sont manifestées et ont été attribuées à des impuretés de fabrication,
en particulier une amine : la diméthylamidopropylamine (DMAPA)
[4, 9, 11]. L’élimination de cette substance semble avoir diminué
considérablement le nombre de réactions. Les dérivés de bétaïne
sont bactériostatiques et se conservent sans addition de
conservateur.
DÉRIVÉS D’IMIDAZOLINE OU MIRANOLS
Ce sont des molécules complexes connues depuis 50 ans sous la
dénomination de cocoamphoacétates et commercialisés par la firme
Miranol, d’où leur nom courant. Les solutions commerciales
contiennent généralement environ 38 % de matière active et 12 % de
chlorure de sodium. On y trouve aussi quelques pour cents de
diglycolate de sodium et quelques parties par million (ppm) de
monochloracétate de sodium, intermédiaire de synthèse. Ces
substances, débarrassées des impuretés résiduelles, sont des
surfactifs extrêmement bien tolérés qui entrent dans la composition
des produits de toilette pour bébés, des démaquillants pour peaux
sensibles, des démaquillants pour les yeux.
Surfactifs non ioniques(4) [1, 12, 24]
Comme leur nom l’indique, ces tensioactifs ne sont pas ionisables.
Ils ne sont pas systématiquement solubles dans l’eau. Certains
d’entre eux ont une partie lipophile prédominante et sont seulement
plus ou moins dispersibles dans l’eau, mais il est possible
d’augmenter l’hydrophilie de la molécule par fixation de motifs
d’OE. Rares sont les tensioactifs non ioniques détergents et
moussants. Ils sont avant tout émulsionnants, solubilisants et
mouillants. En fonction de leur valeur d’HLB, ils sont capables de
fournir des émulsions lipophiles-hydrophiles (L/H) ou hydrophileslipophiles
(H/L), que l’on note également « huile dans eau (H/E) »
ou « eau dans huile (E/H) ». À la différence des tensioactifs
ionisables, il n’est pas nécessaire de les éliminer de la surface
cutanée par rinçage. Leur contact avec la peau ne donne pas lieu à
des réactions indésirables. En conséquence, ils sont très largement
utilisés dans tous les produits émulsionnés de soin, de maquillage,
de démaquillage, de massage… Ils sont généralement classés selon
le type de liaison qui unit la partie hydrophile et la partie lipophile.
ESTERS
Leur formule générale est R-COO-R’.
Ils sont extrêmement nombreux car obtenus à partir de molécules
hydroxylées très variées (R’). En revanche, les acides gras estérifiants
(R) sont surtout représentés par les tenants de chaînes carbonées de
C12 à C18, le plus souvent saturées mais aussi insaturées en C18:1
ou C18:2.
Les esters de sorbitane sont sans doute les plus connus et ont été
pendant longtemps les plus utilisés. Ils résultent de la condensation
d’un acide gras avec l’anhydride de sorbitol. La pharmacopée les
nomme sorbesters lorsqu’ils ne contiennent pas de molécules d’OE,
et polysorbates lorsqu’ils sont oxyéthylénés. Les dénominations
commerciales équivalentes sont Spanst et Tweenst ou Montanet et
Montanoxt entre autres. Le nom est accompagné d’un numéro
correspondant à la longueur de la chaîne hydrocarbonée : 20 pour
C12, 40 pour C16, 60 pour C18, 80 pour C18:1….Les esters de
sorbitane sans OE sont plutôt lipophiles, les esters oxyéthylénés sont
très hydrophiles, de telle sorte qu’il est fréquent d’associer les deux
types pour obtenir la valeur d’HLB désirée conduisant à la meilleure
émulsification. Les dérivés les plus éthoxylés sont des solubilisants
(Tween 20t).
Les esters de glycérol sont des monoesters ou des diesters. Ce sont
des produits plutôt lipophiles employés comme facteurs de
consistance et stabilisateurs d’émulsion.
Les esters de polyglycérol sont des émulsionnants de plus en plus
employés, en particulier pour l’obtention d’émulsions H/L. Un de
leurs représentants est le polyglycéryl-10-décaoléate, fournissant à
froid des émulsions à phase continue huileuse stable.
Les esters de glycol sont obtenus à partir de l’éthylène-glycol ou du
propylène-glycol. Ils sont alors lipophiles. La présence de molécules
d’OE, en augmentant l’hydrophilie, va leur permettre de constituer
des bases autoémulsionnables, capables de fournir une émulsion
uniquement en présence d’eau.
Les esters de saccharose, ou sucroesters, ont une connotation de
surfactifs d’origine naturelle. Ils peuvent être oxyéthylénés, ce qui
augmente l’hydrophilie de la molécule. Leur valeur d’HLB étant
variable, ils peuvent être combinés entre eux ou associés à d’autres
tensioactifs pour fournir des émulsions de tout type et des
microémulsions.
Les esters de glucose dérivent du méthylglucose. Ils peuvent servir
d’émulsionnants secondaires et d’adoucissants pour la peau. Les
éthers de glucose, ou glucose oligomères, sont des surfactifs doux
possédant un pouvoir moussant suffisant pour être utilisés dans les
shampooings.
Les esters de polyéthylèneglycol (PEG) sont des composés
multifonctionnels et peuvent être classés également dans le groupe
des éthers. Ils résultent de la condensation d’un acide gras avec l’OE.
Ceci conduit à la formation d’un monoester. Pour obtenir des
diesters, on combine deux molécules d’acide gras avec le
polyoxyéthylène (POE) préformé. Les esters contenant moins de six
à huit unités d’OE sont insolubles dans l’eau et seulement
dispersibles. Au-delà, les esters deviennent solubles. Les plus utilisés
ont une longueur de chaîne POE de 8 à 12. Ce sont des bases
autoémulsionnables dont l’HLB est voisin de 10 et qui fournissent
(3) CRODAInc.www. croda. com
(4) GATTEFOSSE SA.www. gattefosse. com
ICI Surfactants.www. surfactant. com

des émulsions L/H directement en présence d’eau. Un des
principaux représentants de cette catégorie est le stéarate de PEG
300, largement employé dans les formulations de crèmes
dermatologiques.
Les glycérides polyglycosylés saturés ou insaturés sont des mono- ou
des diesters. Ils ont pour formule :
– R-COO-CH2-CH2-(OCH2CH2)n CH2OH pour les monoesters ;
– R-COO-CH2-CH2-(OCH2CH2)n CH-COO-R pour les diesters.
Ils ont des propriétés tensioactives nettes, mais avec des valeurs
d’HLB qui varient entre trois et huit. Ils sont donc plutôt lipophiles
et ont une très bonne affinité avec les lipides du stratum corneum.
On les trouve sous la dénomination commerciale de Labrafilst.
ÉTHERS
Leur formule générale est R-O-R’.
Ils sont obtenus par condensation d’un alcool avec une ou plusieurs
molécules d’OE (C2H4O).
Alcools éthoxylés. Les alcools gras eux-mêmes ont des propriétés
tensioactives très réduites, la partie lipophile étant largement
prépondérante sur le ou les hydroxyles de la partie hydrophile. C’est
pourquoi les alcools cétylique, stéarylique et cétostéarylique sont
considérés comme des facteurs de consistance, des épaississants de
la phase grasse. Il n’en est plus de même en présence d’OE. Les
alcools éthoxylés sont des émulsionnants très appréciés, connus sous
les dénominations commerciales de Brijt ou de Simulsolt, entre
autres. Le numéro qui les accompagne correspond à la longueur de
la chaîne carbonée et au nombre d’oxydes d’éthylène entrant dans
la molécule (par exemple : 52 = C12 et 2 mol d’OE, 76 = C18 et
10 mol d’OE, 98 = C18:1 et 20 mol d’OE). Cette diversité favorise les
associations d’une molécule lipophile et d’une molécule hydrophile.
Les émulsions obtenues sont généralement fines et stables.
Éthers de glucose, lauryl et décylglucose (Plantaren 1200 et 2000t). Ils
sont obtenus par condensation d’un alcool gras en C12-C16 ou C8-
C10 avec du glucose. Ce sont des agents viscosants et moussants
utilisables dans les shampooings et bains moussants.
Copolymères OE-oxyde de propylène. Ce sont des produits entièrement
synthétiques dont la valeur HLB varie en fonction des poids
respectifs de chacun des polymères, les OE représentant la partie
hydrophile, les oxydes de propylène constituant la partie lipophile.
Ils ont pour formule HO-(CH2-CH2-O)x [(CH3)-CH-CH2-O]y
(CH2-CH2-O)x -H. Les dénominations commerciales les plus
connues sont Pluronict et Symperonict. On y trouve des
solubilisants, des mouillants, des coémulsionnants.
ALKANOLAMIDES
Ces molécules tensioactives résultent de l’acylation d’une amine
alcool par un acide gras. On les nomme également « superamides ».
Un de leur principaux représentants est la laurylmonoéthanolamide,
mais on utilise très souvent des dérivés d’huile de ricin
(ricinolamides) ou d’huile de coco (cocamides). Elles ont pour
formule R-CONH-R’. Ce sont des produits non moussants et peu
détergents mais qui ont la propriété d’augmenter et de stabiliser la
mousse fournie par les surfactifs anioniques. Ce sont aussi des
épaississants particulièrement utilisés dans les shampooings pour
en accroître la viscosité. Les produits éthoxylés sont encore plus
solubles dans l’eau. On leur reproche de libérer des amines au cours
du temps [8] ou d’en contenir en tant qu’impuretés de synthèse et de
favoriser ainsi la formation de nitrosamines cancérigènes.
¦ Tolérance
À l’exception des alkanolamides qui, dans certains cas, peuvent
poser problème, les surfactifs non ioniques sont dans l’ensemble
extrêmement bien tolérés par les peaux saines. Ce sont néanmoins
des molécules tensioactives qui ne sont pas neutres vis-à-vis du film
hydrolipidique et de la couche cornée. Ils sont susceptibles de
modifier la pénétration cutanée et ceci d’autant plus qu’ils sont
moins lipophiles. En effet, les surfactifs non ioniques très lipophiles
se mélangent intimement et se confondent avec les substances
lipophiles de la phase huileuse des émulsions. Ils se comportent en
fait comme des corps gras. Les surfactifs très hydrophiles sont des
solubilisants des huiles. Ils ont donc théoriquement une action plus
intense au niveau des lipides cutanés. En réalité cette action est très
réduite puisqu’on les utilise pour diminuer l’effet décapant et
agressif des surfactifs anioniques.
On a invoqué la formation de dioxane à partir des unités d’OE
contenues dans les surfactifs oxyéthylénés. La quantité de dioxane
libérée est extrêmement faible, mais cette suspicion rend de plus en
plus indésirable, dans certains pays, la présence de surfactifs
oxyéthylénés, d’où la vogue des produits de remplacement : esters
de saccharose, de glucose, émulsionnants polymériques…
Surfactifs polymériques
En dehors des copolymères d’OE et d’oxyde de propylène déjà cités,
il existe actuellement sur le marché des macromolécules complexes
présentant des propriétés émulsionnantes mais aussi gélifiantes. La
taille de leur molécule et leur affinité pour l’eau permettent un
gonflement qui stabilise l’émulsion. Elles participent à la tendance
générale de réalisation moderne des émulsions qui consiste à
diminuer au maximum, et parfois même à supprimer la présence de
tensioactifs en gélifiant les deux phases aqueuse et huileuse.
ALKYLACRYLATES CROSSPOLYMÈRES EN C10-C30
Dérivés des gélifiants classiques tels que les carbomères, on les
trouve sous le nom commercial de Pemulent. Ce sont des
tensioactifs anioniques compatibles avec les cationiques à longue
chaîne hydrocarbonée. Très acides en solution aqueuse, ils sont
neutralisés par la soude ou la triéthanolamine. Ils sont utilisés seuls
à faible concentration ou en association avec un autre type
d’émulsionnant non ionique. On les incorpore préférentiellement en
phase lipidique.
COPOLYMÈRES ACRYLIQUE-CYANOACRYLIQUES
Connus sous le nom de Hypan SAt, ils sont insensibles aux
électrolytes. On les incorpore en phase aqueuse.
AUTRES
– Le Sépigel 501t est un mélange prêt à l’emploi d’un copolymère
d’acrylamide, d’huile de paraffine, d’isoparaffine et de polysorbate
85. Le Sépigel 305t est un mélange de polyacrylamide C13-C14,
d’isoparaffine et d’un alcool laurique oxyéthyléné. En présence
d’eau, ils fournissent des gels-crème d’une grande qualité, d’un
étalement facile et d’un agrément certain.
– Le Zilgelt est un mélange d’alkylpolyacrylate de sodium, de
glycérol et d’eau, à incorporer dans l’eau.
– Le PHS-PEO-PHS, polymère d’acide polyhydroxystéarique (PHS)
et de polyéthylèneglycol (PEG) [26] est une molécule en « peigne »,
lipophile, capable de former aux interfaces huile-eau des cristaux
liquides assurant une grande stabilité aux émulsions, en particulier
de type E/H. Il est aussi utilisé pour la formation d’émulsions
multiples E/H/E.
Surfactifs spéciaux
Comme les précédents, ils ne sont pas classiques. Ce sont les dérivés
siliconés et les dérivés fluorés. Ils ont des emplois bien définis et
peuvent appartenir aux différentes classes de surfactifs ioniques ou
non ioniques. Toutefois, ce sont les non ioniques qui sont réservés à
l’utilisation cosmétique.

DÉRIVÉS DE POLYSILOXANE, OU POLYSILOXANE
POLYÉTHER COPOLYMÈRES
Ce sont principalement des émulsionnants lipophiles de type non
ionique qui permettent l’obtention d’émulsions E/H à froid. Ils sont
particulièrement utiles pour émulsionner les huiles silicone, ce que
font très difficilement les émulsionnants classiques. On les utilise
dans les laits antisolaires et dans tous les produits émulsionnés très
chargés en silicones(5).
DÉRIVÉS FLUORÉS
Leur formule est R-F-X. Dans ces molécules, plusieurs atomes
d’hydrogène sont remplacés par des atomes de fluor. La présence
du fluor confère à la molécule des propriétés particulières. La chaîne
fluorocarbonée est hydrophobe et oléophobe. Le caractère
hydrophobe est plus prononcé que chez les équivalents carbonés.
La diminution de la tension superficielle est importante et ils sont
efficaces à de faibles concentrations. Ils présentent une grande
résistance à la chaleur et à l’oxydation. Ils ne sont pas encore très
répandus et servent surtout à émulsionner les huiles fluorées qui
sont à la fois hydrophobes et lipophobes et constituent une troisième
phase en présence d’émulsionnants classiques. Ils ont des propriétés
lubrifiantes et filmogènes [3, 23].
Surfactifs d’origine naturelle
LANOLINE
La lanoline elle-même, ou graisse de laine, ou encore « adeps lanae »,
est une base autoémulsionnable. Elle est capable d’absorber au
moins deux fois son poids d’eau pour fournir une émulsion d’eau
dans l’huile. Elle n’est cependant pas employée en cosmétique pour
ses propriétés émulsionnantes par suite de ses caractères
organoleptiques désagréables. En revanche, les alcools de lanoline
éthoxylés sont des solubilisants et des émulsionnants. Leur tolérance
cutanée est cependant contestée. Celle de la lanoline est bonne sur
les peaux saines, les peaux pathologiques réagissent mal à son
contact [15, 17, 19, 27].
LÉCITHINES
Ce sont des alkylglycérophosphatidylcholines, émulsionnants de
type amphotère. Les lécithines modifiées ou non sont de plus en
plus utilisées comme émulsionnants dans les émulsions
cosmétiques. On retrouve aussi les lécithines dans les liposomes où
elles constituent, en association avec le cholestérol, des bicouches de
lipides polaires plus ou moins amphiphiles. Les lécithines et leurs
dérivés sont très bien tolérés par la peau.
PROTÉINES
Elles profitent de la tendance actuelle qui consiste à remplacer les
émulsionnants classiques amphiphiles par des macromolécules qui
assurent une stabilisation stérique. On utilise des caséines, des
â-lactoglobulines, des protéines de légumineuses.
SAPONINE
C’est un agent moussant et détergent qui a été proposé pour le
remplacement des surfactifs anioniques dans les shampooings. Elle
est issue de la saponaire ou du bois de Panama qui étaient traités
par décoction. Actuellement, elle est extraite industriellement et bien
souvent associée à des surfactifs anioniques. Sa seule utilisation est
la détergence douce.
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