Définition
Les parfums, tels qu’ils sont
connus et utilisés, sont des solutions
alcooliques plus ou moins
concentrées de substances odorantes
volatiles. D’où la
dénomination de « parfumerie alcoolique » donnée
à cette branche de la
cosmétologie.
Historique [9, 20]
L’usage du parfum remonte à la
plus haute Antiquité. Il s’est
développé principalement sur
le pourtour méditerranéen, au gré des
civilisations successives,
parce que les principales matières premières
odorantes s’y trouvaient en
abondance. Les Égyptiens connaissaient
les baumes, les gommes, et
certaines huiles issues de la pyrolyse du
bois (encens, myrrhe,
galbanum, styrax, huile de cèdre ou de
réséda). Ces substances
étaient utilisées principalement pour les
embaumements, en association
avec du bitume, et pour les rites
religieux, mais revêtaient
parfois un aspect profane. L’encens a
traversé les siècles comme
symbole religieux et toutes les
civilisations méditerranéennes
l’ont employé largement. Les essences
issues des fleurs, feuilles ou
écorces ont été introduites peu à peu.
D’abord extraites par
macération dans l’huile, l’eau ou le vin, elles
n’ont acquis leur véritable
dimension odorante qu’à partir du XIIIe
siècle, lorsque apparaît la
distillation d’une huile essentielle
recueillie comme telle (et non
plus seulement d’une eau florale),
réalisée par le médecin
catalan Arnold de Villanova. Elles ont
apporté un caractère plus
raffiné aux mélanges et l’on a pu observer,
au cours du temps, l’alternance
des parfums typiquement orientaux,
riches en odeurs lourdes très
couvrantes, et des « eaux de senteur »,
plus légères et peu tenaces.
Les parfums actuels sont de
subtiles compositions d’éléments
d’origine diverse, aussi bien
végétale ou animale que synthétique,
et les notes parfumées
changent avec les modes et les goûts du
public.
Composition [9]
Un parfum est constitué d’un
mélange de produits d’extraction
d’origine naturelle, le plus
souvent végétale, et de substances
synthétiques. Les matières
premières d’origine animale sont de
moins en moins employées par
suite de leur prix extrêmement élevé
(musc, ambre gris), ou des
campagnes de protection des animaux
(castoreum, civette). Le
mélange de base ou « composition »
comprend environ 25 % de notes
de tête, correspondant aux produits
les plus volatils (ce sont
ceux-là qui fournissent la première
impression olfactive), 25 % de
notes de coeur, plus tenaces, et 50 %
de notes de fond, appelées
aussi fixateurs, représentées par les
baumes, les gommes, les «
infusions » d’origine animale ou certains
synthétiques.
Les notes de fond
disparaissent lentement. Elles imprègnent la peau
et les vêtements.
La « composition » est diluée
dans l’éthanol à 96 %, dans des
proportions diverses en
fonction du type de produit désiré.
Un extrait contient environ 18
à 20 % de « composition », une eau
de parfum en contient de 12 à
16 %, une eau de toilette de 8 à 10%.
Les eaux de Cologne ne
contiennent que de 2 à 4% de mélanges
spécifiques, différents des «
compositions » de parfums.
Du point de vue chimique, les produits d’extraction
sont constitués en
majeure partie de terpènes et
de dérivés terpéniques : alcools,
aldéhydes, cétones (menthène,
pinène, bornylène sont des terpènes).
Les sesquiterpènes, dérivés
naphtaléniques (cadinène, santalène,
caryophylène), sont contenus
surtout dans les huiles essentielles
La profession définit
principalement sept grandes familles d’odeurs :
· ambrée orientale ;
· chyprée ;
· florale ;
· hespéridée ;
· fougère
· boisée
· cuir
visqueuses issues de bois ou
de racines. Les polyterpènes sont les
constituants des résines et
des baumes. On peut aussi identifier des
hydrocarbures aliphatiques,
des carbures aromatiques, des phénols,
des composés azotés ou soufrés
[7].
Les produits d’extraction,
huiles essentielles ou « absolues », sont
toujours des mélanges de
plusieurs dizaines de constituants. Leur
identification analytique est
affaire de spécialiste, et s’obtient
généralement par
chromatographie en phase gazeuse, avec un
système dit de head space [23]. Ce système permet de
concentrer
l’échantillon en tête de
colonne par augmentation de la température
dans une chambre spéciale
avant l’injection. Les colonnes utilisées
sont des colonnes dites
capillaires, dont la longueur peut atteindre
25 m, mais dont le diamètre
est seulement de 1 mm.
Il est parfois intéressant de
se débarrasser de certains composants,
en particulier des terpènes,
connus pour être allergisants. Il existe
donc des huiles essentielles
déterpénées dans lesquelles les terpènes
ont été éliminés, soit par
distillation fractionnée (les terpènes ont
des points d’ébullition
inférieurs à ceux des autres constituants), soit
par différence de solubilité
dans l’alcool (les terpènes sont peu
solubles dans l’éthanol). D’autres
substances, telles les
furocoumarines, sont aussi
indésirables. L’essence de bergamote, par
exemple, contient du
bergaptène ou 5-méthoxypsoralène, substance
éminemment
photosensibilisante. Il est possible d’obtenir des huiles
essentielles de bergamote
exemptes de furocoumarine sans que la
qualité odorante soit
sensiblement modifiée. C’est pourquoi,
actuellement, la recherche des
furocoumarines dans les parfums (par
chromatographie en phase
liquide haute performance) se révèle,
dans la plupart des cas,
négative.
Les substances d’origine
synthétique [28] sont des molécules isolées,
individualisées, plus
facilement décelables. On y trouve des
aldéhydes linéaires, des
lactones, des cétones aromatiques telles que
le lyral ou les 3 et
4-(4-hydroxy-4-méthylpentyl)-3-cyclohexene-1-
aldéhyde, l’ambrox [3], les muscs synthétiques [1, 2]. Elles sont très bien
caractérisées à l’état pur,
toujours plus difficilement lorsqu’elles sont
mélangées à des produits d’extraction.
Leur tolérance est contrôlée
systématiquement et il est rare
qu’elles soient à l’origine de réactions
manifestes.
Quelques formules.
· Eau de Cologne :
– dissoudre dans l’alcool
les huiles essentielles suivantes : essences
de bergamote, cédrat,
citron, lavande, romarin, thym, néroli ;
– ajouter eau de mélisse et eau
de fleur d’oranger ;
– distiller.
· Parfum :
– composition : huiles
essentielles de bergamote, absolue de
jasmin, de rose de Bulgarie,
de sauge sclarée, ambréine, infusions de
benjoin, d’encens,
vetyverol, santalol, rhodinol, alcool cinnamique,
héliotropine, vanilline,
méthylionone, infusion d’ambre ;
– ce mélange est dissous
dans l’alcool à 96 %dans les proportions
de une partie pour quatre
parties d’alcool. On obtient ainsi
l’« extrait », que le public
nomme généralement « parfum ».
Quelques composants
végétaux.
· Benjoin. Styrax tonkinensis. C’est le benjoin du Laos dit « de
Siam ». On utilise la sève de l’arbre obtenue par incision et qui se présente
sous forme de
larmes ovoïdes blanches
réunies par une pâte jaune-rouge. Il présente une odeur de vanille et contient
une grande proportion d’acide benzoïque, ce
qui lui confère un rôle de
conservateur.
Le benjoin de Sumatra
possède une odeur peu différente de celle du styrax.
· Cinnamone. Lauracée aromatique que l’on trouve à l’état sauvage
dans tout le pourtour méditerranéen.
· Cardamome. Monocotylédone. Amome des Indes. Sa graine est utilisée
comme condiment et fournit une huile essentielle.
· Ciste. Cistus cretius, cistus cyprius, cistus ladanifera. L’arbrisseau
pousse en Crète, à Chypre, en Corse, en Espagne. On en récolte la résine sur
la barbe des chèvres ou à l’aide
de lanières de cuir. La résine est dite labdanum ou ladanum. L’odeur est
balsamique, très suave.
· Costus. Costus arabicus. Ses racines ont une odeur très forte. On
utilise le costus arabique, ou indien, ou syriaque, qui fournit une huile
essentielle utilisée comme
fixateur.
· Myrrhe. Balsamodendron myrrha. L’arbre, rabougri, pousse aux
frontières de l’Arabie et de la Nubie. La sève coule librement de l’arbre et se
solidifie par dessiccation.
Elle forme une masse brun-rouge, de la taille d’une noisette ou d’un oeuf. Elle
contient 2 à 10 % d’une huile essentielle
riche en aldéhyde cuminique,
en eugénol et en pinène. Le reste est constitué par une résine et une gomme peu
volatiles.
· Myrte. Il s’agit d’un arbrisseau méditerranéen dont on distille
les fleurs et les feuilles pour obtenir une eau florale, « l’eau d’ange », et
une huile
essentielle peu différente
des essences de Niaouli ou d’eucalyptus. À ne pas confondre avec le myrte
épineux plus souvent nommé fragon ou
petit houx, sans parfum
particulier, et dont on commercialise un extrait.
· Mousses de chêne, de cèdre, de pin. Ce sont des lichens qui
poussent sur le tronc des arbres et dont on extrait, par solvants, des absolues
riches
de plus de 80 composants, d’odeur
assez lourde, servant de fixateurs.
· Nard. Le nard indien est obtenu à partir de la racine d’une
valérianacée du Népal, valeriana yatamensi, qui possède une odeur forte et
agréable.
Le nard celtique provient également
de la racine d’une valérianacée.
Le nard a été très utilisé
dans l’Antiquité, à tel point que le terme a servi à désigner le parfum
lui-même.
· Opoponax. Pastinaca opoponax. La gomme résine est recueillie sous
forme de larmes anguleuses et irrégulières. L’odeur rappelle celle de l’ache
et de la myrrhe.
· Oliban. Boswellia carteri. C’est l’autre nom de l’encens. L’arbre
pousse en Haute Égypte, en Arabie, en Somalie, en Inde, en Afrique. Il est
incisé
et la sève coule en larmes
blanchâtres qui durcissent en séchant. C’est une oléorésine à base de
diterpènes.
· Patchouli. Pogostemon patchouli. La plante pousse en Asie et dans
l’île de la Réunion. On obtient une huile essentielle à partir des feuilles et
des tiges après
fermentation.
· Styrax. Liquidambar orientalis. L’arbre pousse au Proche-Orient. L’oléorésine
a la consistance du miel et sa combustion fournit une odeur
identique à celle de l’encens.
La décoction aqueuse des écorces fournit, après distillation, une huile
essentielle.
· Vétiver. Andropogon muricatus. Les racines sont utilisées pour
fournir une huile essentielle riche en á-vétivone et â-vétivone.
· Ylang-ylang. Cananga odorata. L’arbre pousse en Malaisie, dans l’île
de la Réunion, à Madagascar.
L’huile essentielle est
obtenue à partir des fleurs. Elle est extrêmement prisée en parfumerie, sous le
nom d’essence de cananga.
Quelques composants synthétiques.
· Aldéhydes en C8, C9, C10, C11, C12, C14, qui possèdent toutes des
odeurs florales.
· Lactones : undécalactone à odeur de pêche.
· Esters : acétate d’amyle à odeur de banane, méthylphénylglycidate
d’éthyle à odeur de fraise, benzoate de linalyle à odeur d’orange,
anthranylate de méthyle ou 2-aminobenzoic acid methyl ester
constituant l’essence de néroli artificielle. Ce composé se trouve à
l’état naturel dans les huiles essentielles de néroli (fleur d’oranger),
de bergamote, de jasmin, de ylang-ylang….
Extraction
L’extraction des substances naturelles s’adresse aux diverses parties
des plantes : fleurs, feuilles, écorces, racines, qui se trouvent à l’état
frais ou sec. Elle est effectuée de différentes façons.
HYDRODISTILLATION [12] OU ENTRAÎNEMENT
PAR LA VAPEUR
C’est la technique la plus
ancienne. Les alambics en cuivre sont
maintenant en acier
inoxydable, et l’on y admet parfois de la vapeur
sous pression, ce qui augmente
considérablement la vitesse de
distillation. Elle est
généralement mise en oeuvre sur des parties de
plante fraîche (fleurs et
feuilles), mais peut aussi traiter des racines
pulvérisées (iris, costus).
Toutes les distillations sont « cohobées »,
opération qui consiste à
recycler l’eau de condensation après
séparation de l’essence, sauf
celles qui produisent en même temps
que l’essence une eau florale
(oranger, rose, laurier cerise…). Le
rendement en huile essentielle est relativement faible, de l’ordre
de
0,1 à 3 %.
EXTRACTION PAR SOLVANTS
VOLATILS [24]
Elle supplante de plus en plus
souvent l’hydrodistillation. Les
solvants sont généralement l’hexane,
le cyclohexane ou le pentane.
Le benzène n’est plus utilisé
pour des raisons de toxicité, de même
que le toluène, bien que ces
solvants conduisent à un meilleur
rendement. Le dioxyde de
carbone (CO2) supercritique pourrait être
le solvant de choix. En effet,
le CO2 soumis à forte pression
devient
liquide. Il agit alors comme
solvant d’extraction. Une remise à la
pression atmosphérique le fait
passer à l’état de gaz qui s’élimine
sans résidu et peut être
recyclé. Le coût de l’opération limite
cependant son utilisation.
Dans tous les cas, les plantes
sont immergées totalement dans le
solvant à froid, sauf pour les
graines, les lichens et les racines, où
l’extraction est réalisée à
chaud dans les solvants classiques. Le
temps de contact est d’environ
30 minutes, après quoi le solvant
initial est soutiré et
remplacé par une deuxième charge, puis une
troisième, à leur tour
soutirées. La plus grande partie du solvant est
évaporée et recyclée. On
recueille une solution concentrée distillée
sous vide. Il reste une pâte,
liquide à chaud, appelée la concrète
lorsqu’elle est issue des
matières florales, ou le résinoïde brut
lorsqu’elle provient des
matières sèches.
EXTRACTION PAR SOLVANTS NON
VOLATILS [24]
Elle utilise des corps gras
dans lesquels sont solubles la plupart des
substances volatiles et
odorantes. C’est une technique très ancienne,
dans laquelle on mélange 30 %
de suif à 70 % d’axonge (graisse de
porc), additionnés de teinture
de benjoin qui sert d’antioxydant.
Dans l’extraction à chaud (50
à 70 °C), les plantes sont mélangées à
la graisse fondue et barattées
pendant 15 à 60 minutes (fleur
d’oranger, rose de mai). L’extraction
à froid s’appelle
l’« enfleurage », technique
réservée aux fleurs très fragiles (jasmin,
tubéreuse) que l’on pique dans
la graisse qui recouvre les deux faces
de châssis empilés les uns sur
les autres sur trois ou quatre mètres
de haut. L’essence très fine
se fixe dans la graisse. Dans les deux
cas, on obtient des pommades.
EXPRESSION À FROID [12]
Elle est réservée aux agrumes,
par suite de la localisation
superficielle de l’essence. Il
s’agit d’un procédé mécanique dans
lequel le fruit entier est
placé dans des tambours rotatifs munis de
pointes en acier qui
déchiquettent le péricarpe. L’huile essentielle
est entraînée par de l’eau. Le
mélange est centrifugé et l’on recueille
directement une huile essentielle extrêmement naturelle et pure.
Alors que l’hydrodistillation
et l’expression fournissent une huile
essentielle directement
utilisable, les procédés d’extraction par
solvants conduisent à des
produits qu’il est nécessaire de purifier
car ils ne sont pas solubles
dans l’alcool. On procède donc à une
opération dite « glaçage à l’alcool
», qui consiste à dissoudre les
concrètes, les résinoïdes ou
les pommades dans une grande quantité
d’éthanol et à refroidir l’ensemble
à -15 °C. Les cires et les
produits
indésirables se solidifient.
Ils sont séparés par filtration. On obtient
ainsi des absolues, des résinoïdes lavés et des concrètes de pommade.
Conservation [18, 21]
Les parfums, compositions
volatiles, sont très sensibles aux
variations de température.
Lorsque la température augmente, les
notes de tête disparaissent,
dénaturant ainsi l’odeur finale. Les
molécules insaturées, telles
que les terpènes et leurs dérivés, sont
éminemment oxydables, d’où une
sensibilité particulière à la lumière
et à la chaleur. Pour éviter
les phénomènes de peroxydation, il est
admis d’introduire dans les
mélanges des antioxydants tels que le
dibutylhydroxytoluène (BHT) par exemple.
Les parfums évoluent avec le
temps, d’une part en raison de
l’évaporation progressive des
substances les plus volatiles, d’autre
part par suite des
peroxydations et des polymérisations qui
conduisent à une
résinification des composants.
Parfumage des produits
cosmétiques [21]
Les « compositions » parfumées
sont généralement liposolubles, ce
qui leur permet de s’intégrer
directement à la plupart des émulsions
et des produits anhydres. En
revanche, les produits aqueux (gels,
lotions) ne peuvent contenir
que des parfums solubilisés par
l’intermédiaire de
tensioactifs hydrophiles, de type non ionique,
dont la concentration est deux
à cinq fois celle du parfum.
La composition est choisie en
fonction de la nature et de la
destination du produit à
parfumer. Il est particulièrement important
de connaître les
incompatibilités entre les parfums et les actifs
(aldéhydes et fonctions amines
forment des bases de Schiff colorées).
Certains composants sont thermolabiles
et/ou sensibles à la lumière.
Beaucoup de dérivés
terpéniques sont oxydables.
Les concentrations utiles
varient de 0,1 % (produits pour bébé,
antisolaires, produits pour
homme) à 4 % (body lotion), mais plus
généralement de 0,1 à 1 % pour
la plupart des produits. Les
dilutions dans l’alcool, à l’origine
de la parfumerie dite alcoolique,
ne sont jamais utilisées pour
le parfumage des produits cosmétiques.
Tolérance
La tolérance et la toxicité
des composants des parfums sont
contrôlées par le RIFM (Research institute for
fragrance materials),
organisme de recherche
international qui rassemble des
pharmacologues, toxicologues
et dermatologues, mais aussi des
industriels. Cet organisme
publie, plus particulièrement dans la
revue « Food and Chemicals
Toxicology », les différentes études à sa
disposition. Certaines
matières premières ont été reconnues toxiques
et sont interdites par la
législation (IFRA).
L’IFRA (International fragrance
association), réunion des associations
nationales des fabricants de
13 pays d’Europe, plus les États-Unis, le
Japon et l’Australie, publie
régulièrement des listes de substances
interdites ou dont les
concentrations sont limitées, en s’appuyant
généralement sur les travaux
du RIFM.
Les composants d’un parfum
sont solubles dans l’éthanol ou dans
les corps gras. De ce fait, il
leur est facile de se fixer sur la peau par
l’intermédiaire du film
lipoprotéique cutané. C’est ce pouvoir de
fixation qui favorise l’apparition
des réactions d’irritation ou des
réactions allergiques, en
particulier par suite de la diffusion des
haptènes dans le ciment
intercellulaire du stratum corneum.
Les éléments les plus réactifs
d’un parfum, tant au plan chimique
que pharmacologique, sont les
terpènes et les dérivés terpéniques.
Certains ne sont pas
indispensables au développement des
propriétés odorantes. C’est
pourquoi il serait préférable d’utiliser,
dans la mesure du possible,
des essences déterpénées. Par ailleurs,
les études de tolérance
cutanée portant sur la réactivité des terpènes
sont très insuffisantes, et il
est à ce jour pratiquement impossible
d’attribuer avec certitude un
rôle bien défini à telle ou telle
substance. Il en est pour
preuve la composition du « fragrance-mix »,
utilisé pour la révélation des
réactions cutanées de type allergie de
contact. Il s’agit en effet d’un
mélange de huit substances, chacune à
1 %, dans de la vaseline, à
savoir : alcool cinnamique, aldéhyde
cinnamique, eugénol,
hydroxycitronellal, á-amylcinnamaldéhyde,
géraniol, isoeugénol, absolue
de mousse de chêne. Des études
anciennes mais aussi récentes
ont démontré la capacité allergisante
de l’aldéhyde cinnamique, du
citral et du phénylacétaldéhyde, de la
mousse de chêne et de l’eugénol,
pris isolément [10, 11, 14, 17, 19]. Mais
lorsque ces substances sont
mélangées à des terpènes ou des alcools
présents dans les essences
naturelles, on observe une inhibition de
l’expression de la
sensibilisation. Les inhibiteurs de l’aldéhyde
cinnamique seraient l’eugénol
et le d-limonène, ceux du citral
seraient l’á-pinène, le d-limonène et les
terpènes d’agrumes, ceux
du phénylcétaldéhyde seraient
l’alcool phényléthylique et le
dipropylène glycol. D’où
probablement les quelques faux positifs
constatés avec le fragrance-mix et les réactions très
variables fournies
par les composants de parfums [15, 18, 22-24].
Toutefois, un certain potentiel irritatif est attribué à beaucoup
d’aldéhydes, de cétones dont
la méthylionone, de phénols dont le
méthylisoeugénol, de lactones
dont la coumarine. Certains alcools
sont à éviter : alcool
anisique, alcool cinnamique. Les acétates de
bornyle, de phényléthyle, de
linalyle, de menthyle sont suspects. Les
essences de lavande, de
cannelle, l’huile essentielle de santal sont
irritantes [29].
D’autres substances sont
principalement allergisantes ou
photosensibilisantes à l’état pur. Ce sont des
composés d’origine
synthétique ou contenus dans
les huiles essentielles naturelles.
L’hydroxycitronellal, le
géraniol, le bergaptène, le benzoate de
coniféryle, mais aussi le
benzoate et cinnamate de benzyle, sont les
premiers produits en cause, et
leur capacité de nuisance est liée à la
durée de contact avec la peau.
Parmi les essences naturelles, on cite
les huiles essentielles d’amande
amère, de bergamote, de cèdre, de
citronnelle, d’iris, d’hespéridées
et d’ylang-ylang.
Des baumes sont également en
cause, en particulier le baume du
Pérou et le benjoin, à l’origine
de réactions d’hypersensibilité
retardée [11, 13, 15].
Un certain nombre de plantes
sont responsables de
photosensibilisations : angélique, céleri, persil,
livèche, grande berce,
panais, rue, qui fournissent
des huiles essentielles également
photosensibilisantes [6].
Les réactions le plus souvent
observées sont des dermatites, plus ou
moins aiguës, sous forme de
vésicules puis de bulles, suivies d’une
hyperpigmentation dans le cas
des photosensibilisations.
Toutefois, l’incidence des
réactions demeure très faible. De plus, elle
est très variable. Une étude
réalisée sur 5 ans dans les années 1980
et portant sur 281 000
patients de tous types révélait un pourcentage
de seulement 0,018 % de
dermites de contact attribuables aux
parfums.
Un risque toxique a été attribué à certains
terpènes contenus dans
des huiles essentielles
faisant partie de la composition des parfums,
mais seulement dans le cas d’une
utilisation thérapeutique et à des
concentrations dépassant très
largement celles que l’on peut
rencontrer dans les parfums.
Il s’agit en particulier du camphre, du
menthol, de l’eucalyptol et du
lévomenthol, et des huiles essentielles
d’eucalyptus, de niaouli, de
cajeput, de menthe, qui peuvent
provoquer des manifestations
neurologiques de type convulsions
chez les nourrissons après
application locale de spécialités
pharmaceutiques contenant ces
composés. Le mésusage de produits
cosmétiques autres que les
parfums (crèmes et huiles de massage,
produits dits pour jambes
lourdes), riches en huiles essentielles de
ce type, est à prendre en
considération pour assurer la sécurité du
consommateur.
Législation
En dehors des réglementations
particulières aux alcools et
spécifiquement françaises, il
n’existe pas, à ce jour, de
réglementation générale
concernant les composants des parfums.
Toutefois, certaines
substances sont interdites à l’utilisation en
cosmétique, selon l’annexe II
de la Directive cosmétique européenne
93/35/CEE du conseil du 14
Juin 1993 [16].
Ce sont : l’ammi majus, plante
trop riche en bergaptène (N°35) ; le
nitrobenzène, autrefois
utilisé comme substitut de l’essence
d’amande amère, sous le nom d’essence
de mirbane (No249) ;
l’oléandrine ou nérioline,
extraite des feuilles du laurier rose
(N°261) ; l’eau distillée de
laurier cerise (N°291), pour son contenu
en acide cyanhydrique ; le
benzoate de coniféryle, sauf teneur
normale dans les produits
naturels utilisés (N°357) ; les
furocoumarines, dont le 5-MOP
et le 8-MOP, sauf teneur normale
dans les huiles essentielles
naturelles utilisées avec une quantité
inférieure à 1 mg/kg dans les
crèmes solaires (N°358) ; le safrol, sauf
concentration normale dans les
huiles essentielles naturelles à
concentration inférieure à 100
ppm dans le produit fini (N°360) ; le
musc ambrette ou
4-ter-butyl-3-méthoxy-2,6-dinitrotoluène (N°414) ;
le musc moskène ou
1,1,3,3,5-pentaméthyl-4,6-dinitroindane
(N°421) ; le musc tibétène ou
5-tert-butyl-1,2,3-triméthyl-4,6-
dinitrobenzène (N°422). Les
muscs polycycliques artificiels tels que
l’AHTN ou
6-acétyl-1,1,2,4,4,7-hexaméthyltétraline et le HHCB (1,3,
4,6,7,8-hexahydro-4,6,6,7,8,8-hexamethyl-cyclopenta-2-benzopyran)
[1], extrêmement utilisés en remplacement du musc naturel, et pour
cette raison présents en
quantité non négligeable dans
l’environnement [27], et le lait de femme, ont été
particulièrement
étudiés du point de vue
toxicologique. Une récente revue du RIFM
concernant tous les travaux
réalisés au cours de ces dernières années
leur attribue une innocuité
totale, tant au point de vue de la toxicité
subchronique et de la
génotoxicité que de la tolérance cutanée
globale [2].
Effets
psychobiologiques des parfums
Un groupement de recherche
vient de se constituer sur ce sujet. Il
rassemble :
– une unité du centre national
de recherches scientifique (CNRS) :
l’Institut des sciences
cognitives de Lyon ;
– plusieurs laboratoires
associés : le laboratoire de psychologie
expérimentale de l’université
Paris V, le laboratoire de psychologie
sociale de la cognition de l’université
de Clermont-Ferrand II, le
laboratoire de
psychophysiologie cognitive et le laboratoire
personnalités et conduites
adaptatives de l’hôpital de la Pitié-
Salpêtrière Université Paris
VI, le laboratoire des neurosciences et
des systèmes sensoriels de l’université
Claude Bernard Lyon I.
Les recherches seront
soutenues par la Fédération des industries de
la parfumerie et les sociétés
Bourjois-Chanel, Dior, L’Oréal, Yves
Rocher.
Elles concerneront plusieurs
niveaux :
– un premier niveau qui sera
celui des effets directs sur le corps et
surtout sur la peau ;
– un deuxième niveau qui sera
celui des propriétés sensorielles,
tactiles et olfactives
essentiellement ;
– un troisième niveau qui fera
intervenir la dimension sociale de
l’usage des cosmétiques et des
parfums.
L’étude des effets sensoriels
sera focalisée sur les relations visageparfum
et sur la perception que l’on
peut avoir d’un visage lorsque
sa forme est accompagnée d’un
élément olfactif [8].
50-120-E-10 Parfums Cosmétologie
4
« Nez électroniques » [4, 5]
Comme le nez humain doté de
près de 50 millions de cellules
réceptrices qui transmettent
leurs messages au cerveau chargé de
les analyser, les nez
artificiels sont constitués de capteurs nécessaires
à la détection, reliés à un
analyseur électronique, l’ordinateur. Mais
là s’arrête la comparaison. À
partir d’une base de données saisie
lors de la phase d’apprentissage,
l’ordinateur ne reconnaît au plus
que quelques dizaines d’odeurs,
mais de façon très fine, puisque
parfois indécelables ou
difficiles à identifier par l’homme.
Malheureusement, le nez
artificiel est encore pour le moment réservé
à l’identification des arômes.
Son extrême sensibilité à l’alcool lui
interdit d’identifier de façon
convenable les parfums. Les principaux
fabricants de nez
électroniques sont le Français Alpha Mos, les
Britanniques Aromascan et
Neotronics, l’Allemand Mita.
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