Haut de page
Avec l'âge, la pharmacocinétique se modifie avec un risque accru d'accumulation médicamenteuse. Ce phénomène, difficile à appréhender du fait d'une grande variabilité individuelle, est particulièrement embarrassant pour les médicaments à faible marge thérapeutique. En outre, beaucoup de personnes âgées présentent une polypathologie et donc une polymédication avec les risques d'interaction médicamenteuse qui en découlent. Le prescripteur doit alors faire preuve d'une grande prudence pour ne pas tomber dans le domaine de la pathologie iatrogène dont les conséquences peuvent être particulièrement graves sur ce terrain. En conséquence, les posologies adoptées sont souvent inférieures à celles utilisées chez l'adulte jeune et, pour toutes les drogues à index thérapeutique étroit, des dosages plasmatiques doivent être réalisés.
La pharmacocinétique passe par trois phases successives (absorption, distribution, élimination) qui sont inégalement affectées par la sénescence.
Absorption digestive des médicaments
Elle peut être ralentie, retardant ainsi les effets pharmacodynamiques comme dans le cas de la digoxine. Les formes galéniques liquides (gouttes) permettent un temps d'absorption plus court mais sont déconseillées en raison des difficultés de manipulation qui exposent le patient âgé à des erreurs de dosage. À l'inverse, les formes dites " retard " apportent un confort indéniable en diminuant le nombre de prises, mais elles doivent être utilisées avec prudence du fait du risque accru d'accumulation.
Distribution des médicaments
Le vieillissement de l'organisme entraîne des modifications des différents compartiments dans lesquels se distribuent les médicaments :
- - l'hypoalbuminémie entraîne une augmentation de la fraction libre des drogues acides faibles comme les antivitamines K (AVK) ou la phénytoïne ;
- - la diminution des masses maigres accroît le taux sanguin des drogues hydrosolubles telles que la digoxine ou l'aténolol en raison d'un moindre volume de distribution ; à l'inverse, du fait de l'augmentation des masses grasses, les drogues lipophiles telles que la lidocaïne ou le propranolol s'accumulent, ce qui augmente leur durée d'action ; de plus, leur libération inopinée peut entraîner une brutale augmentation d'efficacité ;
- - la redistribution préférentielle du sang chez l'insuffisant cardiaque se fait au détriment du foie et du rein vers le cerveau et le coeur qui peuvent être exposés à des concentrations médicamenteuses excessives.
Métabolisation et élimination des médicaments
- - Le vieillissement du foie est marqué par une réduction de son volume et une diminution du nombre d'hépatocytes et du débit sanguin. Ces modifications entraînent une réduction de l'extraction hépatique, avec en particulier une baisse de l'effet de premier passage hépatique. Ce problème concerne plus particulièrement les bêtabloquants absorbés par voie digestive dont les taux sériques sont considérablement augmentés chez une personne âgée pour une posologie identique à celle qui est donnée à une personne d'âge moyen. Ce phénomène est accentué dans les conditions d'IC. L'altération des activités enzymatiques concerne beaucoup plus les réactions d'oxydation que de conjugaison, mais avec une grande variabilité individuelle.
- - La fonction rénale est constamment altérée avec l'âge du fait de la réduction néphronique et de la baisse du débit sanguin rénal. La biodisponibilité (fraction du médicament mise à disposition de l'organisme) des drogues à élimination rénale comme la digoxine s'en trouve augmentée. Le taux sanguin de créatinine reflète mal la fonction rénale chez les personnes âgées en raison de la diminution parallèle de sa production par les muscles et de son élimination par les reins. Le calcul de la clairance de la créatinine grâce au normogramme de Kampmann ou à la formule de Cockroft est indispensable (fig 1).
Vieillissement artériel
Avec l'âge, les artères s'allongent, se dilatent et subissent des modifications structurelles (hétérogénéité morphologique des cellules endothéliales, augmentation de la densité de collagène, fragmentation des fibres d'élastine, amincissement des fibres musculaires lisses, calcifications) qui aboutissent à un épaississement et à une augmentation de rigidité pariétale. La compliance artérielle diminue, entraînant une augmentation de la pression artérielle systolique, de la post-charge cardiaque et, par voie de conséquence, du travail ventriculaire gauche. L'augmentation de la rigidité artérielle provoque aussi une moindre adaptabilité aux variations de volémie.
Les artères coronaires sont également concernées mais de façon différentielle puisque les modifications structurelles débutent chez l'adulte jeune pour la coronaire gauche, alors qu'elles ne surviennent qu'à partir de la cinquième décade pour la coronaire droite.
Vieillissement cardiaque
A l'échelon cellulaire
Une donnée classique est la diminution progressive du nombre de myocytes avec l'âge, compensée par une hypertrophie des cellules restantes qui doivent faire face à une surcharge de travail. En fait, ceci est bien constaté chez l'homme mais pas chez la femme
, ce qui laisse à penser que le style de vie ou des facteurs hormonaux pourraient intervenir dans ce phénomène. Les capacités de synthèse protéique et donc la régénération des fibres contractiles sont altérées
. Cependant, le taux de dégradation des protéines diminue également
. Les phénomènes élémentaires de contraction sont ralentis mais plus économiques ; la vitesse de relaxation est également ralentie
. Des dépôts d'amylose ainsi qu'une fibrose interstitielle sont observés.
À l'échelon de l'organe
Trois types de modification se développent au cours du vieillissement :
- - un remodelage ventriculaire gauche concentrique avec une augmentation de la masse ventriculaire qui reste dans les limites de la normale lorsque aucune cardiopathie n'est associée ; ce phénomène adaptatif répond à l'augmentation de la post-charge cardiaque secondaire à la baisse de la compliance artérielle et permet la préservation de la fonction systolique ;
- - une fibrose interstitielle par augmentation et modification de la structure du collagène ;
- - un allongement de la relaxation active à la phase terminale de la systole.
Ces trois modifications provoquent un ralentissement du remplissage ventriculaire passif au cours de la phase initiale de la diastole du fait de la baisse de la compliance ventriculaire. Cette diminution du remplissage diastolique précoce est compensée par une augmentation du remplissage tardif lié à la systole auriculaire qui devient alors prépondérante (inversion du rapport E/A). Cet accroissement compensatoire permet le maintien d'un remplissage ventriculaire adapté
. La systole auriculaire est essentielle pour le maintien de l'hémodynamique cardiaque chez la personne âgée : la disparition de la systole auriculaire, au cours d'une fibrillation auriculaire (FA) par exemple, entraîne une baisse immédiate et importante du débit cardiaque.
Au niveau du tissu nodal, une fibrose extensive est observée, associée à un appauvrissement cellulaire prédominant dans le noeud sinusal. Au niveau valvulaire, des dépôts calciques se développent principalement sur l'anneau mitral et de la valve aortique
.
Réponse cardiovasculaire à l'exercice
À l'effort, et en l'absence de maladie dégénérative, le débit cardiaque du sujet âgé s'adapte correctement. Au cours du vieillissement, une désensibilisation adrénergique, caractérisée par une diminution de la réponse aux catécholamines, provoque une moindre accélération de la fréquence cardiaque à l'effort. Cependant, l'accroissement du temps de remplissage diastolique s'accompagne d'une augmentation du volume en fin de diastole (volume télédiastolique) qui entraîne par effet Starling une augmentation de la force de contraction de la systole ventriculaire
. Le débit cardiaque maximal est limité par la faible accélération de la fréquence cardiaque et diminue proportionnellement à la réduction de la capacité aérobie. En fait, l'intolérance à l'effort parfois rencontrée chez des sujets âgés sains est surtout liée à un déconditionnement avec diminution des capacités musculaires d'extraction d'oxygène à l'effort
.
Au total, la modification principale à retenir dans le vieillissement cardiaque est la dysfonction diastolique qui explique la vulnérabilité du coeur âgé vis-à-vis des arythmies auriculaires et de l'ischémie (le temps de relaxation ventriculaire requérant plus d'oxygène et d'énergie que le temps de contraction).
L'IC est un syndrome complexe marqué par une insuffisance myocardique (secondaire à des surcharges de travail imposées au coeur) ne permettant plus d'assurer un débit sanguin adapté aux besoins de l'organisme, mais également par une insuffisance circulatoire. Celle-ci se traduit par une activation des systèmes neurohormonaux et une altération des circulations rénale et périphérique déterminant une rétention hydrosodée, une vasoconstriction périphérique avec réduction des débits musculaires et une altération du baroréflexe. Des modifications de la géométrie ventriculaire (hypertrophie myocardique, dilatation cavitaire) apparaissent et s'intriquent avec les modifications circulatoires pour créer un processus inexorablement évolutif et autoaggravant
.
La stratégie devant une IC du sujet âgé implique plusieurs étapes que nous allons aborder successivement
(tableau II).
Faire le diagnostic et apprécier la sévérité
Si la symptomatologie d'appel peut être comparable à celle rencontrée chez les sujets plus jeunes, à savoir une dyspnée d'effort, de repos ou paroxystique, les présentations atypiques sont plus fréquentes chez le sujet âgé
. La notion de symptomatologie d'effort à type de fatigabilité ou dyspnée peut être bien difficile à objectiver chez des patients dont l'activité physique de base est limitée. En outre, l'IC peut se manifester par une asthénie, une anorexie, une somnolence ou une confusion mentale. Un tableau paroxystique à type d'oedème aigu du poumon ou d'asthme cardiaque peut être trompeur, si une pathologie bronchopulmonaire est associée.
L'examen physique recherche des signes de congestion, pulmonaire ou périphérique. L'existence de quelques râles inspiratoires dans les bases pulmonaires doit toujours être interprétée en fonction du contexte clinique : leur présence est banale chez le sujet âgé même sans IC. À l'auscultation, un galop présystolique B4 est classiquement rapporté chez les sujets en rythme sinusal en raison des modifications de la dynamique diastolique, mais elle est rare dans notre expérience. Les examens paracliniques de base comprennent l'ECG (électrocardiogramme), la radiographie thoracique. L'échocardiographie est un examen indispensable dans le cadre de l'IC pour obtenir des renseignements sur la cinétique et la géométrie ventriculaire.
L'appréciation de la sévérité de l'IC peut s'effectuer sur la tolérance tensionnelle et la fréquence cardiaque, et l'importance de la perte d'autonomie. La classification NYHA (New York heart association), qui correspond théoriquement à la VO2 max (consommation d'oxygène maximale), est peu précise chez le sujet âgé du fait de la réduction de l'activité physique.
Identifier le terrain
L'IC n'est pas une maladie en soi, mais un syndrome auquel toutes les cardiopathies peuvent conduire. L'identification d'un facteur potentiellement curable tel qu'une coronaropathie, une HTA (hypertension artérielle) ou une valvulopathie permettent d'orienter le traitement. Pour cette raison, des examens tels qu'un holter ECG à la recherche d'une ischémie myocardique silencieuse ou d'un trouble du rythme et une mesure ambulatoire de la pression artérielle représentent des examens complémentaires particulièrement utiles. D'autres examens sont à discuter au cas par cas : l'ECG d'effort, la scintigraphie myocardique au thallium avec injection de dipyridamole et une échocardiographie de stress. Ces deux derniers examens sont particulièrement précieux lorsque l'épreuve d'effort est impraticable. Les explorations invasives telles qu'un examen hémodynamique et une coronarographie ne doivent être envisagées que lorsque la correction chirurgicale d'une valvulopathie ou une revascularisation myocardique sont nécessaires et envisageables en fonction du terrain.
Identifier les circonstances déclenchantes
Identifier les facteurs précipitants éventuels qui ont fait apparaître ou aggravé les signes fonctionnels de l'IC représente un objectif important, si l'on tient compte du fait que la plupart d'entre eux sont réversibles. Il peut s'agir d'un trouble du rythme, d'une embolie pulmonaire, d'une poussée hypertensive, d'un infarctus du myocarde, d'une dysthyroïdie, d'une bronchopneumopathie, d'une anémie, d'une fièvre ou d'une maladie de Paget évoluée. De plus, chez les personnes âgées, l'arrêt des traitements à visée cardiaque (mauvaise compliance) ou à l'inverse un effet iatrogène secondaire à la prise d'un médicament ayant une action inotrope négative (bêtabloquants, antiarythmiques) ou à une augmentation de la masse sanguine (anti-inflammatoires, perfusions, transfusions sanguines) sont autant d'éléments capables de provoquer l'émergence d'un tableau d'IC aiguë
.
Bien que coexistant souvent, notamment dans les cardiopathies ischémiques et valvulaires, deux tableaux physiopathologiques différents peuvent être individualisés chez le sujet âgé
.
IC à fonction systolique altérée
Ce tableau, dont l'étiologie principale est l'insuffisance coronarienne, correspond sur le plan clinique à une IC congestive d'aggravation progressive. La radiographie thoracique montre une cardiomégalie. L'échocardiographie confirme le diagnostic en objectivant une altération de la cinétique ventriculaire associée à une dilatation du ventricule gauche et une fraction d'éjection inférieure à 40 %.
IC à fonction systolique conservée
Le vieillissement cardiaque étant caractérisé par une dysfonction diastolique, ce mécanisme est particulièrement fréquent chez le sujet âgé en insuffisance cardiaque. Il est rencontré dans environ 40 % des cas
. L'HTA est la cause la plus fréquente et une modification brutale du remplissage ventriculaire (passage en FA [fibrillation auriculaire], variation de volémie) est le facteur déclenchant habituel. L'expression clinique est caractérisée par des à-coups congestifs avec, dans l'intervalle, une situation fonctionnelle et un examen clinique souvent normaux. Le volume cardiaque radiologique est le plus souvent dans les limites de la normale. En échocardiographie, la fraction d'éjection systolique est normale. Les anomalies du remplissage ventriculaire sont présentes en dehors des poussées et en l'absence de fibrillation auriculaire. Elles sont caractérisées par une diminution du rapport E/A (flux transmitral)
. Généralement, une hypertrophie myocardique est retrouvée. Elle est développée aux dépens du septum ventriculaire et des parois libres du ventricule gauche. En dehors du rétrécissement aortique, le pronostic à moyen terme est meilleur que celui de l'IC à fonction systolique altérée
.
Traitements
Du fait des intrications pathologiques et des différentes formes d'IC, aucun traitement stéréotypé ne peut être envisagé. Au contraire, les traitements doivent être adaptés au cas par cas en tenant compte du rapport bénéfice/risque. Cependant, certaines règles de base de la prescription et certaines orientations générales peuvent être proposées.
Les objectifs du traitement chez les personnes âgées sont d'améliorer la symptomatologie fonctionnelle et la qualité de vie, de freiner l'évolution de l'atteinte ventriculaire et de réduire si possible la mortalité et la morbidité.
Moyens
Conseils généraux
L'impact de la maladie sur la vie du patient dépend de la réduction de la capacité fonctionnelle à l'effort et du retentissement psychologique qu'entraîne cette limitation. En outre, la mauvaise compliance au traitement est fréquente à cet âge et constitue une des principales causes d'hospitalisation évitable
. C'est dire l'importance de l'éducation du patient et de son entourage afin d'obtenir une bonne compréhension de la maladie et de ses traitements. Un travail d'équipe associant médecins, infirmières spécialisées, diététiciennes, assistantes sociales avec un suivi rapproché à l'issue d'une première hospitalisation permet de réduire de plus de 50 % les réhospitalisations et d'améliorer la qualité de vie des patients
.
L'autosurveillance est importante et le patient doit consulter sans délai devant toute aggravation d'une dyspnée. Il doit également établir un profil de poids en se pesant au moins deux fois par semaine, dans les mêmes conditions (vessie vide, à jeun). Une variation de poids excédant 2 kg en plus ou en moins doit entraîner une consultation immédiate en vue d'une modification du traitement diurétique
.
Les recommandations diététiques doivent être évitées. Elles risquent d'entraîner une anorexie, une malnutrition chronique et à terme une cachexie cardiaque
. D'autre part, les habitudes anciennes sont bien souvent difficiles à modifier chez la personne âgée. Un régime modérément salé apportant entre 3 et 4 g/j de sel apparaît comme un objectif raisonnable. En deçà, le risque d'hyponatrémie aggravé par les diurétiques est important. Chez l'insuffisant cardiaque chronique, les apports liquidiens excessifs doivent être évités. En revanche, une restriction s'impose en cas d'hyponatrémie
. La consommation d'alcool doit être déconseillée et limitée en raison de sa cardiotoxicité. L'abstinence totale n'est toutefois indispensable que dans le cas des cardiomyopathies éthyliques
.
Le dogme du repos indispensable a vécu. S'il fait partie du traitement des poussées aiguës d'IC au cours desquelles il potentialise l'effet des diurétiques, il doit être proscrit chez l'insuffisant cardiaque chronique stable : l'absence d'activité physique régulière entraîne un déconditionnement à l'effort de la musculature squelettique et de la circulation périphérique
. À l'inverse, il est clairement démontré que l'entraînement physique chez l'insuffisant cardiaque améliore la tolérance à l'exercice en restaurant au moins partiellement la vasodilatation et la capacité oxydative du muscle périphérique
. D'autres arguments existent en faveur de l'exercice physique, qui permet de diminuer le risque de thrombose veineuse profonde et d'encombrement respiratoire, et a un impact psychologique évident. Des controverses demeurent quant à l'effet bénéfique sur le pronostic à long terme et sur les programmes d'exercice les plus appropriés. En pratique, chez la personne âgée, la marche est souvent l'activité physique la plus adaptée.
IEC
À la suite des nombreux travaux qui leur ont été consacrés dans l'IC, les IEC sont indiqués à tous les stades de l'évolution. Les IEC réduisent la mortalité liée à l'évolution progressive de l'IC mais sont sans effet sur les morts subites par trouble du rythme
. L'effet le plus important est observé au cours des 3 premiers mois de traitement avec ensuite un bénéfice supplémentaire moins net
. Dans le postinfarctus, les IEC réduisent la mortalité, particulièrement en cas de dysfonction ventriculaire gauche
. Enfin, ils diminuent le nombre d'hospitalisations, améliorent les symptômes et donc le confort des patients
. En outre, les IEC ralentissent l'évolution vers l'IC patente des sujets asymptomatiques avec une altération de la fonction systolique
. Si le bénéfice des IEC est d'autant plus marqué que la fraction d'éjection systolique est basse
, un bénéfice clinique ainsi qu'une amélioration de la fonction diastolique sont observés chez des patients âgés avec une fraction d'éjection normale
.
Dans le mécanisme d'action des IEC, la réduction du degré d'activité neurohormonale joue un rôle déterminant. Ils diminuent la sécrétion du facteur auriculaire natriurétique, l'activité des systèmes sympathiques et rénine-angiotensine-aldostérone
, et provoquent par voie de conséquence une vasodilatation veineuse et artérielle qui entraîne une diminution de la pré- et de la post-charge cardiaque. Les IEC modifient la géométrie ventriculaire en diminuant l'hypertrophie ventriculaire et en réduisant la dilatation du ventricule gauche. Enfin, un effet myocardique direct serait possible par diminution des dépôts de collagène et de la nécrose cellulaire induite par l'angiotensine II
.
Les études publiées sur différentes molécules d'IEC permettent de penser que l'action bénéfique est un effet de classe. L'efficacité des IEC augmente avec la dose et la plus forte posologie doit donc être recherchée (par exemple 20 mg d'énalapril, 150 mg de captopril, 5 mg de ramipril)
. Néanmoins, compte tenu des effets secondaires qui augmentent avec l'âge, la posologie initiale doit être faible et par la suite augmentée progressivement. La surveillance du traitement doit porter sur les points suivants :
- - la tension artérielle, qui doit être mesurée régulièrement en raison du risque d'hypotension en début de traitement et lors de la survenue d'un événement intercurrent pouvant diminuer le débit cardiaque ; ce risque est plus grand si le patient est sous diurétiques ou présente une hyponatrémie ; en cas d'hypotension asymptomatique, il est préférable de diminuer la dose de diurétiques avant d'envisager la diminution de l'IEC ; une tension artérielle systolique aux alentours de 100 à 110 mmHg constitue une limite à l'escalade posologique ;
- - la fonction rénale, qui doit être évaluée avant le traitement ; une clairance de la créatinine inférieure à 30 mL/min implique des posologies faibles au long cours ; elle doit être réévaluée 10 jours après la mise en route du traitement ; en dehors d'une poussée d'IC congestive, une dégradation de la fonction rénale doit faire discuter la correction éventuelle d'une hyponatrémie et la baisse du traitement diurétique associé ; les anti-inflammatoires non stéroïdiens entraînent une rétention hydrosodée et potentialisent les effets indésirables des IEC sur les reins ;
- - une kaliémie supérieure à 5,5 mmol/L, qui représente une contre-indication à la mise en route d'un traitement par IEC ; les diurétiques épargneurs potassiques doivent être arrêtés avant de débuter l'IEC ; la kaliémie doit également être surveillée régulièrement sous traitement ;
- - une toux, qui est observée chez 5 à 20 % des patients sous IEC et peut entraîner un changement de molécule, voire un arrêt du traitement ; cet effet indésirable n'existerait pas avec les inhibiteurs de l'angiotensine II (losartan), mais cette classe thérapeutique proche des IEC n'a pas pour le moment d'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'IC.
Parmi les effets indésirables plus rares des IEC, les dysgueusies sont une cause d'anorexie grave chez les personnes âgées.
Diurétiques
En augmentant l'élimination hydrosodée, ils améliorent la symptomatologie fonctionnelle. Ils constituent à ce titre un traitement de base de l'IC congestive. Cependant, ils stimulent l'activité neurohormonale, et leur l'impact sur la mortalité n'est pas connu
. Dans ces conditions, ils ne doivent donc pas être utilisés en monothérapie et l'association avec un IEC est plus logique. Les diurétiques de l'anse sont les plus utilisés en raison de leur action rapide et puissante qui persiste même en cas d'altération de la fonction rénale
. Les thiazidiques sont réservés aux formes légères d'IC ou associés aux diurétiques de l'anse dans les formes réfractaires, en l'absence d'insuffisance rénale
. Les diurétiques distaux épargneurs potassiques sont peu utilisés en raison du risque d'hyperkaliémie et l'association aux IEC est contre-indiquée. Néanmoins, la diminution de la fibrose myocardique qui est observée sous l'effet de la spironolactone a entraîné la mise en route de nouvelles études pour définir dans quelles conditions et avec quel bénéfice ce type de molécule pourrait être associé aux IEC
.
Les effets secondaires des diurétiques sont bien connus et leur fréquence augmente chez les personnes âgées. La déshydratation peut provoquer une hypotension orthostatique, voire un tableau d'IC asthénique sans signe congestif par baisse excessive de la précharge. Une hyponatrémie, particulièrement avec les thiazidiques, peut se développer sans signe de déshydratation et même avec des oedèmes. Elle nécessite alors l'arrêt du traitement associé à une restriction hydrique. L'hypokaliémie avec les diurétiques de l'anse et les thiazidiques est un facteur arythmogène majeur sur un coeur fragilisé. L'association d'un IEC permet d'en limiter l'importance. Une supplémentation potassique, voire la prescription d'un diurétique distal, s'avère parfois nécessaire. Bien qu'ayant moins de conséquences à court terme, l'hypercalciurie avec les diurétiques de l'anse et l'hyperuricémie avec tous les diurétiques hypokaliémiants méritent d'être connues. Une fuite urinaire de vitamine B1 est possible sous diurétiques de l'anse et pourrait aggraver à terme la fonction cardiaque
. Enfin, la décompensation d'un prostatisme à la faveur d'un assaut diurétique est une circonstance fréquente chez l'homme âgé
. La prescription de diurétiques est donc délicate et impose une surveillance étroite qui comporte, outre l'examen clinique et la prise de la tension artérielle, une pesée régulière et la surveillance de la fonction rénale et des électrolytes sanguins. La posologie doit être adaptée au cas par cas et faire l'objet d'une titration en fonction de la réponse clinique, de l'évolution de la maladie et des effets indésirables. Au cours des phases de décompensation cardiaque, l'absorption digestive du furosémide est ralentie : de fortes posologies par voie parentérale peuvent alors être nécessaires. L'administration en perfusion continue est préférable aux bolus pour des raisons d'efficacité mais également pour limiter l'ototoxicité du produit.
Inotropes positifs
- - Les digitaliques restent les seuls inotropes positifs utilisables au long cours. L'effet inotrope des digitaliques est lié à l'inhibition de l'ATPase Na/K-dépendante ; en diminuant le tonus sympathique ils ont aussi un effet chronotrope négatif. Bien qu'ils soient d'utilisation ancienne, les digitaliques font encore l'objet de controverses : l'effet sur la mortalité reste inconnu et leur place dans les cardiopathies ischémiques est mal définie (induction d'une surconsommation d'énergie par le myocarde ?) . L'étude DIG, dont les résultats définitifs sont attendus prochainement, semble montrer un effet neutre sur la mortalité totale et cardiovasculaire, et une augmentation des événements ischémiques.
- - En dehors de l'IC avec FA rapide où leur bénéfice est maximal , les digitaliques sont indiqués en deuxième intention chez les malades qui ont une fraction d'éjection ventriculaire basse et qui ne sont pas soulagés par l'association diurétiques-IEC. L'IC en rythme sinusal avec fraction d'éjection conservée est une mauvaise indication des digitaliques , de même que les cardiopathies amyloïdes en raison d'une grande sensibilité aux effets arythmogènes des digitaliques qui s'expliquerait par une liaison de la molécule aux fibrilles amyloïdes . Si l'arrêt d'un traitement digitalique est envisageable devant une fraction d'éjection supérieure à 50 % (inutilité) et des digoxinémies inférieures à 0,5 ng/mL (inefficacité), en revanche, chez les insuffisants cardiaques stables sous traitement digitalodiurétique avec ou sans IEC et dont la fraction d'éjection demeure basse, l'arrêt du traitement peut s'accompagner d'une détérioration de la fonction cardiaque .
- - L'inconvénient majeur des digitaliques est leur index thérapeutique étroit avec un risque important d'effets indésirables chez le sujet âgé : l'incidence annuelle des hospitalisations pour effets secondaires a été estimée à 8,5 . L'intoxication digitalique peut induire des troubles du rythme ventriculaires (extrasystoles ventriculaires, tachycardie ventriculaire), supraventriculaires (tachysystolie), un bloc auriculoventriculaire, des manifestations gastro-intestinales (anorexie, nausées, vomissements, diarrhée), psychiatriques (délire, confusion, dépression) ou une simple sensation de faiblesse musculaire et d'asthénie .
- - En pratique, la digoxine est le plus utilisé des digitaliques chez le sujet âgé en raison d'une demi-vie courte diminuant le risque d'accumulation. La posologie doit être adaptée à la clairance de la créatinine : 0,125 mg/j si la clairance est inférieure à 70 mL/min, 0,25 mg/j dans le cas contraire . Les doses de charge à l'instauration du traitement ne sont pas nécessaires, les digitaliques n'étant pas un traitement d'urgence de l'IC . Néanmoins, en cas de FA rapide mal tolérée, le traitement peut débuter par l'injection intraveineuse d'une ampoule de digoxine à 0,5 mg le premier jour, relayée ensuite par un demi-comprimé ou un comprimé à 0,25 mg tous les jours, selon la fonction rénale. Le traitement est donné en continu sans fenêtre thérapeutique, et le taux sérique est contrôlé systématiquement vers le dixième jour. Un nouveau contrôle est nécessaire lors d'une détérioration de la fonction rénale, d'une aggravation inexpliquée de l'IC, de l'introduction d'un médicament pouvant potentialiser la digoxine, notamment un antiarythmique, et devant tout signe clinique ou électrique faisant suspecter un surdosage.
- - Les catécholamines par voie veineuse sont réservées aux décompensations aiguës sévères avec hypotension ou résistance aux traitements diurétiques et nitrés. Chez le sujet âgé, les doses nécessaires sont parfois plus élevées en raison d'une baisse de sensibilité du myocarde à leur action .
Les autres inotropes positifs, en particulier les inhibiteurs des phosphodiestérases, augmentent la mortalité lors de leur utilisation dans l'IC chronique
.
Dérivés nitrés
Leur mécanisme d'action passe par une vasodilatation du système veineux entraînant une réduction de la précharge. Utilisés par voie veineuse, ils ont une place indiscutable dans le traitement de l'oedème aigu pulmonaire, en entraînant une baisse rapide des pressions de remplissage ventriculaire droit et gauche sans diminution du volume sanguin circulant ni augmentation des besoins en oxygène du myocarde, à l'inverse des diurétiques
. Dans l'IC chronique, ils ont été utilisés par voie orale, en association avec un vasodilatateur artériolaire (l'hydralazine). Ils entraînent une diminution de la mortalité ainsi qu'une amélioration de la fonction du ventricule gauche et des performances à l'effort. Néanmoins, le bénéfice obtenu sur la mortalité reste inférieur à celui du traitement par IEC
. Ils gardent une place intéressante dans le traitement de l'IC d'origine ischémique
. La tolérance des nitrés est moins bonne chez les personnes âgées, chez qui ils favorisent une hypotension artérielle
et des céphalées qui peuvent conduire à interrompre le traitement.
En cas de foie cardiaque, le mononitrate d'isosorbide doit être préféré aux dénitrés en raison du métabolisme hépatique obligatoire de ces derniers. La posologie peut atteindre 160 mg/j si la tolérance clinique le permet
. En cas d'utilisation continue, un phénomène de tolérance avec réduction des effets hémodynamiques peut apparaître. Cette perte d'efficacité peut être prévenue en ménageant des fenêtres thérapeutiques au cours de la journée
.
Traitements à discuter
Bêtabloquants
Proposer des bêtabloquants dans l'IC peut paraître paradoxal du fait de leur effet inotrope négatif. Néanmoins, l'IC s'accompagne d'une activation sympathique proportionnelle à la sévérité de la maladie qui s'avère délétère à long terme. L'excès de catécholamines entraîne une baisse de sensibilité des récepteurs cardiaques. Jusqu'à présent, quelques essais thérapeutiques ont été effectués essentiellement dans le cadre des cardiomyopathies dilatées. Ils confirment une amélioration possible des symptômes mais sans effet sur la mortalité
. Une étude récente avec le carvédilol (bêtabloquant non sélectif et alpha-1-bloquant) paraît très prometteuse. La mortalité par progression de l'IC et par mort subite, et le nombre d'hospitalisations chez les insuffisants cardiaques avec fraction d'éjection basse sont significativement diminués
. Cet effet favorable est observé dans toutes les formes d'IC, qu'elles soient d'origine ischémique ou non. Dans le domaine gériatrique, ce résultat reste à confirmer par de nouvelles études.
Inhibiteurs calciques et autres vasodilatateurs artériels
Les inhibiteurs calciques ont des effets théoriquement intéressants dans l'IC : vasodilatation artérielle réduisant la post-charge, relaxation ventriculaire améliorant la fonction diastolique et action anti-ischémique. Néanmoins, les essais thérapeutiques avec les inhibiteurs calciques de première génération se sont avérés décevants, en raison de leur effet inotrope négatif et de la stimulation neurohormonale qu'ils induisent
. Ils sont contre-indiqués dans les amyloses cardiaques dans la mesure où ils entraînent une détérioration de la fonction cardiaque
. L'apparition de molécules dites de deuxième génération a reposé la question de l'intérêt des inhibiteurs calciques dans l'IC. Un essai avec l'amlodipine montre une bonne tolérance du produit ainsi qu'une diminution des morts subites et des décès par aggravation de l'IC mais uniquement dans le groupe des cardiopathies non ischémiques
. En revanche, une étude avec la félodipine ne montre aucun effet clinique
. Dans ces conditions, la place des inhibiteurs calciques dans l'IC reste mal définie, même s'ils sont logiquement proposés dans les formes à fonction systolique conservée
.
Parmi les autres vasodilatateurs, la dihydralazine, en association avec les dérivés nitrés, a été utilisée à dose progressivement croissante jusqu'à 200 à 300 mg/j
. Toutefois, elle induit une tachycardie réflexe et une stimulation neurohormonale qui aboutissent à terme à son inefficacité
.
La prazosine et le minoxidil n'ont pas d'indication dans l'IC
.
Traitements antiarythmiques
Les troubles du rythme sont un facteur majeur de décompensation et une cause fréquente de décès des malades insuffisants cardiaques.
Lorsqu'un trouble de conduction justifie la mise en place d'un stimulateur chez un insuffisant cardiaque âgé et si la fonction auriculaire est conservée, le choix doit se porter préférentiellement sur un stimulateur double chambre. Celui-ci permet le maintien d'une séquence physiologique d'activation auriculoventriculaire qui respecte le rôle de la systole auriculaire dans le remplissage ventriculaire du coeur âge
. En cas de FA, le choix se porte sur un stimulateur à fréquence asservie.
Pour les mêmes raisons, le rétablissement et le maintien d'un rythme sinusal après passage en FA est important. Dans cette indication, l'amiodarone est très largement utilisée chez les personnes âgées. Les protocoles utilisés associent généralement une dose de charge de l'ordre de 4 g répartis sur 2 ou 3 jours et un traitement d'entretien de 200 mg/j 5 jours sur 7
. Le risque iatrogène est important et nécessite une surveillance de la fonction thyroïdienne avec les dosages hormonaux (thyroxine libre et thyréostimuline) au début du traitement puis deux fois par an pour dépister une dysthyroïdie et un cliché thoracique annuel en raison du risque de fibrose pulmonaire. Quand une FA est mal tolérée et rebelle au traitement antiarythmique (FA chronique rapide malgré la digoxine et l'amiodarone ou FA paroxystique itérative), une ablation du faisceau de His par radiofréquence suivie de l'implantation d'un stimulateur peut être proposée
.
La prévention des arythmies ventriculaires et des morts subites reste un point discuté au cours de l'IC. En raison des effets inotropes négatifs et proarythmogènes des autres antiarythmiques, seule l'amiodarone paraît utilisable. Elle a été évaluée dans une étude qui a montré non seulement une réduction des morts subites mais également des décès par progression de l'IC
. Ce résultat n'a pas été confirmé par une autre étude
. Dans ces conditions, la discussion reste ouverte et la conduite à tenir est toujours discutée.
Antithrombotiques
- - Le traitement par AVK au long cours n'est pas indiqué chez les patients en rythme sinusal . Dans les phases de décompensation aiguë avec alitement, une héparinothérapie préventive par voie sous-cutanée est licite. Cependant, la place des héparines de bas poids moléculaire n'est pas clairement déterminée dans cette indication.
- - Les AVK sont en revanche théoriquement indiqués en cas de FA permanente, compte tenu du risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) emboligène, et ce d'autant plus que le grand âge et l'IC placent ces malades dans le groupe à haut risque . De plus, d'autres facteurs de risque d'AVC (HTA, diabète, antécédents d'AVC ischémique, valvulopathie, dilatation de l'oreillette gauche) sont souvent associés. Les résultats de plusieurs études permettent d'affirmer que les AVK réduisent d'environ 70 % le risque d'AVC ischémique . Toutefois, dans ces études les malades étaient étroitement sélectionnés et surveillés. Dans la pratique, le médecin doit souvent renoncer au traitement par AVK en raison d'une mauvaise compliance ou d'une compréhension insuffisante chez un malade âgé sans entourage suffisamment proche et fiable. Le risque hémorragique représente une limite incontournable. Dans l'une des rares études concernant des sujets de plus de 75 ans avec une FA non valvulaire, la réduction du nombre des accidents ischémiques cérébraux observés dans le groupe traité par AVK était contre-balancée par un plus grand nombre d'accidents hémorragiques . Il convient de rappeler enfin que, lors des poussées congestives d'IC globale, le foie cardiaque entraîne une chute du taux de prothrombine qui rend nécessaire une surveillance étroite du traitement. Pour toutes ces raisons, et en dehors de situations incontournables (prothèse valvulaire mécanique, thrombi intracardiaques, FA rhumatismale) les AVK ne peuvent être envisagés qu'au cas par cas. Les résultats de l'étude SPAF III permettent de penser qu'une hypocoagulation modérée (INR [international normalized ratio] entre 2 et 3) est la plus adaptée avec une réduction du risque embolique et un nombre d'accidents hémorragiques réduit. Cependant, la confirmation reste à faire chez les personnes plus âgées.
- - Les antiagrégants plaquettaires sont prescrits en cas de contre-indication aux AVK et en cas d'insuffisance coronarienne sous-jacente.
Chirurgie cardiaque
La question de la greffe cardiaque ne se pose pas chez les personnes âgées dans la mesure où la limite d'âge se situe aux environs de 60 ans.
- La chirurgie peut en revanche être envisagée dans le cadre du traitement étiologique de l'IC bien que l'âge et le degré d'altération de la fonction ventriculaire gauche soient des facteurs de risque reconnus de mortalité postopératoire
. En effet, les progrès des techniques opératoires et d'anesthésie-réanimation permettent de proposer dans de bonnes conditions des interventions à des sujets de plus en plus âgés. Dans une série récente, la mortalité hospitalière des sujets de plus de 75 ans était comparable à celle des plus jeunes
. Les interventions effectuées dans un contexte d'urgence et les interventions combinées (plurivalvulaires ou valvulaires et coronariennes) sont deux facteurs de risque de mortalité postopératoire
. La morbidité postopératoire demeure très élevée (FA, confusion mentale, AVC, insuffisance rénale notamment) mais les résultats à long terme sur la survie et la qualité de vie sont généralement bons
. Dans tous les cas, la décision opératoire doit être prise après une évaluation minutieuse de la comorbidité vasculaire et viscérale, et en concertation avec le malade et son entourage.
Un geste de revascularisation coronaire doit être envisagé lorsque les douleurs angineuses sont rebelles au traitement médical. Lorsqu'une myocardiopathie ischémique entraîne une IC, un pontage ne peut être envisagé que si le myocarde est encore viable (d'où l'intérêt de l'ECG de stress et de la scintigraphie au thallium). Aucune étude prospective spécifiquement gériatrique ne compare les résultats de l'angioplastie et de la chirurgie coronaire. L'indication chirurgicale est incontournable en cas de sténose du tronc commun ou d'atteinte tritronculaire avec dysfonction ventriculaire gauche
. L'angioplastie est une alternative à la chirurgie dans tous les autres cas : la mortalité à long terme est comparable, la morbidité et la mortalités hospitalières sont moindres, mais la récurrence de l'angor et le recours à de nouvelles procédures de revascularisation sont plus fréquents qu'avec la chirurgie
. En cas de chirurgie, l'utilisation de l'artère mammaire interne comme greffon donne de meilleurs résultats que les greffons veineux
.
Le remplacement valvulaire aortique est indiqué dans les valvulopathies (rétrécissement le plus souvent) sévères dont le pronostic est extrêmement sombre lorsqu'elles deviennent symptomatiques
. La préférence va aux bioprothèses qui n'imposent pas de traitement anticoagulant. Cependant, leur viabilité limitée dans le temps n'est théoriquement pas un problème chez le sujet âgé. Il convient d'apprécier l'espérance de vie pour éviter une réintervention sur bioprothèse tandis qu'un risque hémorragique accru représente une contre-indication pour les prothèses mécaniques. Les espoirs placés dans la cure de rétrécissement aortique par valvuloplastie ne se sont pas concrétisés en raison d'un risque élevé de resténose précoce et d'une morbimortalité non négligeable
.
La cure chirurgicale des insuffisance mitrales est beaucoup plus aléatoire. La mortalité est plus élevée chez des patients qui ont bien souvent une IC globale
. La valeur contractile du ventricule gauche est difficile à estimer en préopératoire en raison d'une majoration de la fraction d'éjection par la fuite mitrale qui peut masquer une dysfonction systolique majeure
. En outre, les insuffisances mitrales d'origine ischémique sont plus fréquentes que celles d'origine dégénérative qui constituent la meilleure indication chirurgicale
.
Hémofiltration
Ce traitement n'est que très exceptionnellement utilisé dans les IC avec oedèmes massifs et hyponatrémie en raison de l'instabilité hémodynamique des personnes âgées
.
Stratégie thérapeutique
Le traitement de l'IC aiguë est sans particularité chez le sujet âgé sauf dans les formes gravissimes au cours desquelles les indications d'intubation doivent être très mesurées compte tenu de la difficulté à sevrer les patients du respirateur par la suite. Dans l'IC chronique, deux éléments doivent toujours être envisagés : les conseils généraux et le traitement étiologique (prise en charge d'une ischémie myocardique pouvant aller jusqu'à la revascularisation d'un myocarde hibernant, traitement d'une HTA, correction d'une valvulopathie, etc). Le traitement symptomatique est ensuite abordé différemment selon le mécanisme physiopathologique en cause.
L'attitude thérapeutique diffère peu ici de celle adoptée chez le sujet plus jeune. Les IEC constituent le traitement de base auquel s'ajoutent des diurétiques en cas de signes congestifs. Si l'association IEC-diurétiques s'avère insuffisante, un traitement digitalique est ajouté afin d'améliorer la contractilité du myocarde et de ralentir la fréquence ventriculaire. En cas d'IC réfractaire à cette trithérapie, un défaut d'observance et une mauvaise prise en charge des facteurs étiologiques ou déclenchants doivent être recherchés. Sur le plan médicamenteux, les dérivés nitrés et peut-être à l'avenir certains bêtabloquants ou inhibiteurs calciques ou encore l'amiodarone seront à discuter.
Dans cette forme assez spécifique du sujet âgé, deux phases successives doivent être envisagées en matière de traitement.
- - Phase aiguë : la décompensation cardiaque est déclenchée par un facteur précipitant qui doit faire l'objet d'un traitement spécifique. Une FA doit être ralentie et réduite par l'amiodarone et la digoxine. De même, une surcharge volumétrique (perfusion, transfusion, surcharge hydrique et sodée) est une indication pour un traitement diurétique puissant et d'action rapide. L'efficacité de ces traitements conditionne une amélioration rapide et parfois spectaculaire du tableau d'IC aiguë.
- - Phase chronique : le traitement de fond fait appel aux IEC qui peuvent à terme améliorer la fonction diastolique en raison de leur action favorable sur la géométrie ventriculaire et la fibrose myocardique. Néanmoins, leur efficacité est moins nettement démontrée que dans les formes à fonction systolique altérée, faute d'études spécifiques sur le sujet âgé. La posologie des diurétiques doit être réduite après la disparition des signes d'IC aiguë. Le maintien d'un traitement diurétique trop efficace risque d'entraîner une chute excessive de la précharge qui pourrait compromettre le remplissage diastolique du ventricule gauche. La dose d'entretien doit être la plus faible possible et la réduction de la posologie est délicate. Pour les mêmes raisons, les dérivés nitrés ont peu d'intérêt dans ce type d'IC. Les antagonistes calciques de deuxième génération ont une indication, sauf en cas d'amylose cardiaque. Les digitaliques sont inutiles dans la mesure où la contractilité est conservée, sauf en cas de FA rapide.
Haut de page
La prise en charge de l'IC chez les personnes âgées est complexe. Elle suppose en préalable de bien connaître les mécanismes étiologiques en cause, ce qui suppose un échocardiogramme de bonne qualité. En fonction des résultats, la stratégie thérapeutique amène souvent le prescripteur à associer des médicaments dont les modalités d'action sont complémentaires, en tenant compte des particularités de la pharmacogériatrie. Cependant, malgré les progrès thérapeutiques réalisés et particulièrement l'utilisation très large des IEC dans le traitement de l'IC des personnes âgées, le pronostic reste sévère, ce qui justifie la recherche de solutions thérapeutiques nouvelles.