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Les cardiopathies rhumatismales représentent l'ensemble des complications cardiaques survenant au cours du rhumatisme articulaire aigu (RAA). Le RAA est généralement classé dans les vascularites ou les maladies du collagène vasculaire. Habituellement, les manifestations cliniques du RAA surviennent approximativement 3 semaines après une pharyngite liée au streptocoque du groupe A. La complication majeure du RAA est la survenue d'une fibrose des valves cardiaques responsables d'une insuffisance cardiaque chronique. C'est la principale cause des cardiopathies acquises chez l'enfant et l'adolescent dans le tiers-monde. L'épidémiologie et la physiopathologie des infections à streptocoque du groupe A et leurs séquelles sont connues depuis la Seconde Guerre mondiale. Le traitement prophylactique des cardites rhumatismales a permis une nette diminution de la fréquence des valvulopathies graves qui s'installaient progressivement au cours des rechutes et des récidives. C'est ainsi que grâce à des campagnes de prévention primaire et secondaire dans les pays industrialisés, l'incidence du RAA a été réduite à moins de 1 % pour 100 000 habitants par année, dans les années 1970-1980
. Cependant, au milieu des années 1980, il y a eu une résurgence des infections à streptocoque du groupe A et de leurs séquelles aux États-Unis
. L'existence de nouveaux sérotypes plus virulents et des études épidémiologiques plus précises a permis une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie et une réévaluation des recommandations de préventions primaire et secondaire du RAA
.
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L'incidence du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et la prévalence des cardiopathies rhumatismales ont diminué en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest depuis le début du XXe siècle
(fig 1) . Ce déclin a été régulier au fur et à mesure que les conditions d'hygiène s'amélioraient, que le niveau socio-économique augmentait et que l'accession aux soins et à la prévention primaire et secondaire devenait accessibles à tous. Cette amélioration s'est accélérée dans les années 1960 et 1970, et il est un fait que l'introduction de la pénicilline dans le traitement et la prévention du RAA a permis après la Seconde Guerre mondiale d'accélérer le déclin de cette pathologie
. La fréquence du RAA est diversement appréciée en fonction des différentes régions du globe, ainsi que l'incidence de ses complications cardiaques dans ces régions, du fait de la difficulté de mener des enquêtes épidémiologiques dans certains pays peu médicalisés. Comme le montre la
figure 1, l'incidence du RAA au États-Unis est passée de 100 au début du siècle, puis de 40 à 65 pour 100 000 habitants entre 1935 et 1960, à moins de 2 depuis les années 1970
. Depuis cette période, le RAA et ses complications cardiaques sont le plus souvent décrits dans les populations les plus pauvres, noires ou hispanisantes, vivant dans les banlieues dans de mauvaises conditions d'hygiène et d'accession aux soins médicaux. Cependant, entre 1985 et 1990, il y a eu une résurgence du RAA en Pennsylvanie, dans les états du Sud des États-Unis et dans la région de Salk Lake City
. Cette recrudescence du RAA avait la particularité de toucher une population blanche, de classe moyenne (85 % des cas) dont seulement 17 % avaient une angine traitée par des antibiotiques
. Il persiste dans ces régions, après un pic en 1985, un taux de RAA comparable à celui enregistré dans les années 1960 montrant bien que, si les préventions primaire et secondaire du RAA dans les pays développés ont quasiment fait disparaître cette maladie, celle-ci peut réapparaître dès que cette prévention se relâche
. À l'opposé, dans les pays en voie de développement, surtout dans les régions intertropicales et subtropicales, le RAA reste un problème de santé publique très préoccupant
. En effet, en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et Afrique noire ainsi qu'en Amérique centrale, la fréquence du RAA et de ses complications cardiaques atteint une prévalence et une incidence très élevées. On peut estimer une prévalence hospitalière des cardiopathies rhumatismales de 30 % en Tunisie, 13 % en Afrique noire alors, qu'en France, ces cardiopathies sont devenues très rares chez l'adulte (3 % des cardiopathies hospitalisées)
. La généralisation de l'échocardiographie doppler dans les services de cardiologie des pays développés, s'étendant aux pays en voie de développement, risque de modifier les critères diagnostiques de RAA et donc l'incidence de cette maladie
(tableaux I, II). Actuellement, les critères échographiques et doppler cardiaque restent non reconnus en raison de l'existence d'insuffisance valvulaire chez le sujet sain
. Cependant, aussi bien aux États-Unis
qu'en France
, l'utilisation de l'échocardiographie a permis de sensibiliser ce diagnostic chez un patient ayant une histoire compatible avec un RAA, une atteinte valvulaire morphologique évocatrice sans répondre aux critères cliniques modifiés de Jones
. Par ailleurs, la diminution de fréquence du RAA dans les pays développés a été de pair avec la diminution des cardiopathies rhumatismales. Là encore, il existe une grande différence entre les pays développés et les pays en voie de développement en ce qui concerne l'atteinte cardiaque après RAA. Dans les pays à haut niveau de vie, l'âge auquel survient l'atteinte cardiaque est passé d'une tranche d'âge de 5 à 10 ans avant la Seconde Guerre mondiale à une tranche de 10 à 15 ans depuis les années 1970. À l'inverse, dans les pays en voie de développement, le RAA continue à toucher des enfants très jeunes avec une gravité et une rapidité d'évolution importantes des cardites rhumatismales dans ces pays.
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Les streptocoques sont des bactéries Cocci à Gram positif en chaînette dont les constituants de la paroi sont à l'origine des classifications de groupe et de type. Le polysaccharide est spécifique de groupe, est à l'origine de la classification de Lancefield. Cette classification antigénique distingue une vingtaine de groupes dont le plus fréquent, à près de 95 % des cas, est le groupe A. La protéine M qui est le principal facteur de virulence des streptocoques du groupe A est antigénique et spécifique de type. Des différences antigéniques de la protéine M ont permis de différencier plus de 80 sérotypes différents
(tableau III) . Dans les années 1990, le rôle de cette protéine dans la virulence du streptocoque a pu être en partie explicité. Il s'agit d'une molécule filamenteuse à la surface du streptocoque ayant deux chaînes protéiques qui sont accolées et d'une longueur de 60 nm. Les bactéries qui sont riches en protéine M résistent à la phagocytose par les leucocytes polynucléaires. Cette propriété antiphagocytaire est due à une diminution marquée de l'activation de la voie alterne du complément, limitant ainsi la déposition du complément C3 à la surface de la bactérie. La protéine M comporte une action antiopsonisante et provoque la formation d'anticorps précipitants et opsonisants. Cette immunité acquise est durable pendant de nombreuses années, voire même indéfiniment. Les anticorps antiprotéine M semblent protéger contre les infections streptococciques généralisées, mais ne protègent pas du portage de la bactérie chez l'homme. À côté de la protéine M, il existe, à la surface des streptocoques du groupe A, des acides lipotéichoïques qui jouent un rôle dans l'interaction entre la bactérie et l'hôte. Ces acides permettent une adhésion de la bactérie à la fibronectine de la surface de l'épithélium membranaire des cellules de la gorge permettant d'initier l'infection à ce niveau. À côté de ses propriétés de membrane, le streptocoque sécrète des enzymes qui provoquent elles-mêmes la formation d'anticorps dont le dosage sérique chez les malades peut avoir un intérêt diagnostique
. Ce sont les antistreptolysines O (ASLO), antistreptokinases, antistreptohyaluronidases, antistreptodésoxyribonucléases (ou antistrepto-DORNases) qui peuvent être A, C ou D. Il existe enfin des toxines érythrogènes A, B, C ou D qui sont en particulier responsables des rashs de la scarlatine.
Si le streptocoque
-hémolytique du groupe A est le germe responsable de la maladie, il existe de nombreux arguments qui plaident en faveur d'une origine auto-immune de l'atteinte cardiaque. Le RAA réalise une atteinte articulaire et éventuellement cardiaque à distance (2 à 3 semaines) d'une infection à streptocoque A, au moment où ce germe a en général disparu de la gorge. L'atteinte cardiaque du RAA touche en règle des patients âgés de plus de 4 ans, ce qui sous-tend un contact préalable avec le streptocoque donc un mécanisme de mémoire immunologique. Il existe probablement un rôle hormonal comme dans d'autres maladies auto-immunes puisque les atteintes cardiaques et rhumatismales évoluent très peu après la puberté. Les anticorps dirigés contre les différents constituants du streptocoque du groupe A ne sont pas cytotoxiques pour les cellules myocardiques, et ils sont retrouvés de façon indifférente chez les sujets atteints de RAA aussi bien que chez les sujets sains et/ou chez les sujets atteints de pharyngite à streptocoque A. Il est probable que ces anticorps participent à la formation de complexes immuns circulants qui se déposent au niveau de la synoviale articulaire ou du glomérule rénal. Il est remarquable de noter que les streptocoques responsables de la glomérulonéphrite aiguë ne sont pas les mêmes que les streptocoques responsables du RAA
. Enfin, contrairement à l'atteinte rhumatismale et rénale, l'atteinte cardiaque semble beaucoup plus dépendre d'une immunité cellulaire passant par les lymphocytes T cytotoxiques. Ainsi, l'infiltrat inflammatoire initial autour des petits vaisseaux du nodule d'Aschoff est constitué de lymphocytes puis secondairement de macrophages qui ont été recrutés par ces lymphocytes activés. D'autre part, les lymphocytes T, des sujets atteints de RAA, ont une réponse proliférative en présence d'antigènes streptococciques qui est plus forte et plus prolongée dans le temps que les lymphocytes T des sujets témoins. Enfin, expérimentalement chez le cobaye adulte qui est sensibilisé aux streptocoques A, les lymphocytes T de la rate sont cytotoxiques pour les cellules cardiaques. Il est donc remarquable que le siège pharyngé exclusif de l'infection à streptocoque A, qui est responsable du RAA, soit très riche en tissu lymphoïde, contrairement à la peau (il n'y a pas de RAA après un érysipèle). Enfin, dans les années 1980, Dale a pu montrer qu'il existait une antigénicité croisée entre certains épitopes streptococciques situés sur la membrane et la paroi de la bactérie et certains constituants des cellules myocardiques, en particulier le sarcolemme et la myosine
. Bien que les mécanismes de cette réponse immunitaire soient encore mal connus, le fait que l'aggravation progressive des lésions cardiaques et du syndrome inflammatoire soit de plus en plus importante, au fur et à mesure des réinfestations microbiennes et des rechutes, plaide pour ce concept de maladie auto-immune. Cette immunité cumulative permettant, après des infections rhinopharyngées streptococciques récidivantes, de déclencher la maladie à partir d'un certain seuil qui serait individuel. Ainsi, un terrain génétique semble prédisposé au RAA avec une association significative entre l'existence de rhumatisme articulaire et de sujets porteurs des antigènes HLA de classe II de type DR4 chez les Blancs et DR2 chez les Noirs mais également des antigènes de classe I comme le B35 et un alloantigène lymphocytaire B non lié au système HLA
. Ainsi, certains alloantigènes sont plus fréquemment exprimés sur les lymphocytes B qui ont fait un RAA ou une cardiopathie rhumatismale et les autres membres de leur famille que les sujets témoins ou des patients qui font des glomérulonéphrites aiguës.
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La lésion caractéristique de l'atteinte cardiaque rhumatismale est le nodule d'Aschoff. Cette lésion s'observe le plus souvent dans les couches sous-endocarditiques
. Elle est faite de tissu collagène contenant des cellules géantes polynucluées avec des fibroblastes associées surtout à des cellules caractéristiques à cytoplasme basophile, avec un noyau " en cible " contenant un volumineux nucléole. Ce nodule représente le plus souvent le seul stigmate de l'atteinte myocardique rhumatismale
. Il serait plus fréquent dans les atteintes mitrales qu'aortiques, et dans le rétrécissement mitral que dans l'insuffisance mitrale. L'atteinte de l'endocarde prédomine très largement sur les valves du coeur gauche, surtout sur la valve mitrale. Plus les épisodes de cardite rhumatismale ont été nombreux et sévères, plus les lésions valvulaires sont importantes. D'un point de vue histologique, à la période initiale de la maladie, les petits nodules sont translucides, puis opaques, situés sur le bord libre des valves et leur face d'amont. Cette phase inflammatoire de l'endocarde est suivie d'une néovascularisation des valves, puis d'une cicatrisation des lésions inflammatoires initiales sous la forme d'une dégénérescence du tissu conjonctif fibreux et de dépôt de tissu fibreux néoformé. Dans les cardiopathies évoluées, la sclérose de ces lésions valvulaires aboutit à une rétraction du bord libre qui s'épaissit. Au niveau de la valve mitrale, il peut y avoir des lésions de l'appareil sous-valvulaire avec un épaississement des cordages, une rétraction et parfois fusion de plusieurs cordages entre eux. Enfin, après plusieurs années d'évolution, la fusion des commissures valvulaires est la règle. L'atteinte péricardique du RAA n'est pas spécifique, elle serait présente dans 50 % des formes sévères avec des feuillets péricardiques épaissis et rugueux. Classiquement, l'évolution vers la symphyse péricardique avec constitution d'une péricardite constrictive est rare mais possible.
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Signes cutanés
Ils sont très inconstants et rares mais, lorsqu'ils existent, ils sont d'une grande valeur diagnostique
(tableau II) .
Nodule sous-cutané de Meynet
Il s'agit de petits nodules, de la taille d'une lentille, situés dans l'hypoderme sans altération de la peau en regard. Ils sont parfois sensibles au toucher mais non douloureux. Ils doivent être recherchés, car ils peuvent n'être pas signalés par les enfants. Ils accompagnent le plus souvent des formes sévères avec biologiquement des signes inflammatoires importants et ils sont d'apparition tardive dans l'évolution du RAA. Ils siègent sur la face d'extension des grosses articulations, c'est-à-dire face antérieure des jambes, face postérieure du bras, du poignet, le long du rachis, dans l'intervalle inter-scapulovertébral, parfois le long de la ligne des apophyses épineuses.
Érythème marginé de Besnier
Cet érythème peut se voir dans les formes mineures, peu inflammatoires de la maladie post-streptococcique. Il peut être contemporain de la poussée évolutive et apparaître à son décours, quelques jours ou quelques semaines après la guérison clinique. C'est une éruption en plaque de coloration rouge ou chamois, polycyclique à bords souvent un peu surélevés, et à centre plus clair quand ils s'étendent, puis ils disparaissent sans laisser de trace. Ils sont peu ou pas prurigineux, évoluant rapidement, passant souvent inaperçus. On les retrouve essentiellement sur le tronc, les épaules, les lombes, la racine des membres, respectant la face et les muqueuses.
Signes généraux
Ces signes sont pratiquement constants au cours de l'évolution. Il s'agit d'une fièvre à 38-39 °C, ou parfois des fébricules, avec des sueurs profuses, une altération de l'état général avec asthénie et anorexie, parfois des douleurs abdominales, un amaigrissement modéré, une pâleur qui paraît plus importante que ne le voudrait l'anémie qui reste le plus souvent modeste. Cette fièvre, quand elle accompagne une poussée évolutive inflammatoire et articulaire typique, ne pose pas de problème diagnostique ; en revanche, lorsqu'elle fait partie du rhumatisme cardiaque évolutif avec atteinte endocarditique et un état général plus ou moins conservé, elle peut poser des problèmes diagnostiques avec une endocardite bactérienne d'Osler.
Manifestations articulaires
Arthrites
Dans sa forme typique, il s'agit d'une polyarthrite aiguë avec des signes inflammatoires locaux importants, fugaces (chaque arthrite ne durant que de 3 jours à 1 semaine)
(tableau II). Les articulations habituellement touchées sont les articulations superficielles de taille moyenne comme les genoux, les chevilles, les poignets, mais en fait toutes les articulations peuvent être touchées, que ce soit les petites articulations des doigts et des pieds à des articulations plus profondes comme celle de la hanche, voire même des arthrites vertébrales au niveau lombaire ou cervical. Elle évolue sans séquelle ni suppuration. Le diagnostic peut être facile quand il s'agit d'une atteinte polyarticulaire dans un contexte typique. En revanche, de plus en plus dans les pays développés, il existe des monoarthrites pouvant être négligées ou poser des problèmes diagnostiques
.
Arthralgies
Elles ne s'accompagnent pas de signes inflammatoires locaux visibles, mais la douleur spontanée provoquée par les mouvements articulaires entraîne le plus souvent une impotence fonctionnelle. Elles sont également mobiles et fugaces, touchant les grosses articulations, pouvant s'accompagner de signes généraux.
Signes neurologiques
Le signe neurologique le plus typique et spécifique du diagnostic est la chorée de Sydenham qui peut se voir au décours des manifestations articulaires ou isolément. Elle serait plus fréquente chez les filles. Elle est de survenue tardive, 2 à 6 mois après l'infection aiguë à streptocoque. Elle débute par des troubles de l'humeur, des maladresses, une ébauche de mouvements anormaux. Puis, en phase d'état, on note une ataxie, une hypotonie et surtout des mouvements anormaux à type de gesticulations involontaires, amples, rapides, siégeant aux racines des membres. Ces signes peuvent prédominer nettement d'un côté (hémichorée) ou être très intenses avec des signes généraux importants : fièvre, insomnie, amaigrissement. Ces mouvements anormaux s'exagèrent lors des examens cliniques ou en cas d'émotion et diminuent pendant le sommeil. Associés à ces signes, il existe des troubles du langage, de l'écriture, du caractère. Le plus souvent l'apparition des signes neurologiques survient au décours de l'infection streptococcique, les tests biologiques inflammatoires sont négatifs et il n'y a plus de fièvre. La chorée évolue spontanément en 2 à 6 mois sans séquelle. Des rechutes sont possibles en l'absence apparente de toute réinfestation streptococcique, et cela pendant les premières années qui suivent la crise initiale. À côté de la chorée qui est typique, les signes neurologiques peuvent simplement prendre la forme d'obnubilation, voire de coma, cela de façon exceptionnelle et dans les formes graves.
Autres signes cliniques
Il existe d'autres manifestations extracardiaques comme les douleurs abdominales aspécifiques, une symptomatologie pleuropulmonaire à type d'épanchement ou de pneumopathie en foyer, rare, pouvant égarer le diagnostic. Enfin, très rarement, il existe des glomérulonéphrites.
Signes inflammatoires
Quelle que soit la présentation clinique articulaire ou périarticulaire, au cours d'une crise de RAA, il existe toujours des signes inflammatoires biologiques. Le plus souvent ils sont peu spécifiques, mais ils témoignent de l'évolutivité de la maladie, ce qui permet une surveillance du traitement. Ainsi, il semble que l'apparition d'une cardite ne soit à craindre que s'il existe des signes biologiques inflammatoires importants, en particulier la vitesse de sédimentation (VS) supérieure à 60 mm à la première heure. D'autres signes biologiques d'inflammation sont retrouvés : augmentation de la fibrinémie (souvent plus de 5 g/L), augmentation de la protéine C réactive, du taux d'alpha-2-globulines, l'haptoglobuline, d'autres gammaglobulines. Une anémie de type inflammatoire est fréquente, modérée. Il existe souvent une hyperleucocytose à polynucléaires pendant la période évolutive. Les tests au latex et la réaction de Waaler-Rose sont négatifs, et la recherche de complexes immuns circulants également.
Signes d'une infection streptococcique
La recherche du streptocoque
-hémolytique dans le prélèvement pharyngé est souvent décevante, car le streptocoque responsable de l'infection a le plus souvent disparu lors de la crise de RAA. Par ailleurs, la présence d'un tel streptocoque dans le prélèvement pharyngé, surtout en période endémique peut simplement témoigner d'un simple portage. La mesure du taux d'ASLO se heurte à de nombreuses difficultés d'interprétation. D'une part, 20 % environ des sujets ayant un authentique RAA n'élèvent pas leur taux d'ASLO. D'autre part, 10 % environ des sujets jeunes ont un taux élevé, parfois persistant d'ASLO, aux alentours de 600 à 1 200 unités, sans valeur pathologique. C'est pourquoi on effectue également des dosages séparés des autres anticorps antistreptococciques, ou un dosage conjoint sur lame simple et rapide (méthode streptozyme). La cinétique des anticorps doit être suivie lors d'examens successifs. L'élévation du titre huit jours après la streptococcie initiale avec une valeur de 600 à 1 200 unités atteintes en trois à cinq semaines, suivie d'une décroissance, en trois à quatre mois, a une bonne valeur diagnostique. Il est à remarquer que les taux des ASLO et des autres anticorps antistreptococciques n'ont pas de valeur pronostique. Certains auteurs ont signalé l'intérêt du dosage de l'antistreptodornase B au cours de la chorée de Sydenham. Cet anticorps qui apparaît longtemps après l'infection serait alors le seul anticorps à taux élevé. Enfin, l'étude des anticorps anti-M n'a qu'un intérêt épidémiologique
. Les difficultés économiques des pays pauvres rendent difficiles la généralisation et la répétition de ces recherches biologiques.
Endocardite
Les endocardites sont, de loin, les plus fréquentes atteintes cardiaques. Si 70 % des crises de RAA se compliquent d'une endocardite, 50 à 75 % de ces lésions valvulaires disparaissent ou s'améliorent sous traitement à condition d'être moyennes ou modérées. La précocité du diagnostic et du traitement d'une crise de RAA étant le meilleur garant d'un pronostic cardiaque favorable. En France, les cardiopathies rhumatismales sont devenues très rares chez l'adulte, mais elles touchent des sujets de plus en plus âgés (plus de 50 ans de moyenne)
. À l'opposé, en Afrique noire et au Maghreb, tout comme les pays en voie de développement, elles atteignent encore des enfants et des adultes jeunes avec une moyenne d'âge de 20 ans. Il n'y a aucune différence entre les deux sexes, cependant il existe une prédominance de la sténose mitrale chez les sujets féminins et d'insuffisance aortique dans le sexe masculin. Le coeur gauche est de très loin le plus touché, la valve mitrale étant la valve la plus souvent atteinte, puis la valve aortique et enfin les valves droites. L'atteinte valvulaire est le plus souvent une fuite qu'une sténose dans les pays en voie de développement. Il faut souligner que si l'atteinte mitrale est souvent isolée, à l'inverse l'atteinte aortique, et encore plus tricuspide, est le plus souvent associée à des lésions mitrales. D'autre part, si la fuite valvulaire (aortique ou mitrale) est en règle contemporaine de la crise de RAA (faisant partie des critères diagnostiques
), en revanche le temps nécessaire pour constituer une sténose mitrale est de plusieurs années, de l'ordre de 5 à 10 ans dans les pays développés et 1 an dans les pays en voie de développement. Dans ces pays, l'atteinte bi- ou trivalvulaire est fréquente.
Insuffisance mitrale
L'insuffisance mitrale est l'atteinte valvulaire rhumatismale la fréquente. Elle se manifeste par un souffle systolique qui est perçu au cours de la crise de RAA et peut disparaître à distance
. L'augmentation de l'intensité du souffle systolique traduit l'aggravation de l'insuffisance mitrale soit par un épisode de RAA, soit par une endocardite surajoutée. Cette fuite mitrale entraîne une dilatation progressive de l'oreillette gauche avec une surcharge volumique et diastolique du ventricule gauche qui, à la longue, entraîne une dysfonction ventriculaire gauche. Cette insuffisance mitrale étant chronique, sa tolérance peut être longtemps bonne, entraînant un dilatation considérable des cavités gauches. Dans les pays en voie de développement, ce sont souvent des enfants vus à un stade très avancé de la valvulopathie, chez lesquels on retrouve un retard staturopondéral marqué avec une déformation de l'hémithorax gauche. À la radiographie de thorax, en cas de fuite mitrale modérée, le volume cardiaque est normal tout comme la vascularisation pulmonaire. En revanche, dans les insuffisances mitrales volumineuses et chroniques, il y a une dilatation importante des cavités gauches avec une hypervascularisation pulmonaire. L'électrocardiogramme est normal dans les insuffisances mitrales minimes, et montre des signes d'hypertrophie auriculaire gauche et d'hypertrophie ventriculaire gauche diastolique dans les insuffisances mitrales importantes, et une hypertension artérielle pulmonaire peut se traduire par des signes d'hypertrophie ventriculaire droite avec une déviation axiale droite. La fibrillation auriculaire est rare chez l'enfant mais peut se voir chez l'adulte. L'échographie cardiaque permet d'affirmer le diagnostic et parfois de faire le diagnostic lorsque la clinique est pauvre. On retrouve un certain degré de fusion des commissures mitrales, une légère déformation diastolique " en genou " de la grande valve. L'échographie cardiaque permet d'éliminer une anomalie mitrale congénitale (fente ou prolapsus). Elle permet également de voir le mécanisme de la fuite, rétraction des valves ou rupture de cordage. Enfin, elle permet la quantification de l'insuffisance mitrale. L'évolution est très variable. Lorsqu'il n'y a pas de nouvelle crise de RAA, une insuffisance mitrale modérée ne s'aggrave pas, mais les insuffisances mitrales volumineuses ont tendance à s'aggraver spontanément par un véritable cercle vicieux, puisque l'insuffisance mitrale est responsable d'une dilatation de l'anneau mitral qui aggrave à son tour la fuite. Même si l'examen de référence de l'étude de la sévérité de l'insuffisance mitrale reste l'étude hémodynamique, l'échocardiographie a pratiquement remplacé cet examen. Au doppler pulsé une vitesse transmitrale élevée supérieure à 1,2 m/s et la planimétrie du jet régurgitant apprécié en doppler couleur en coupe apicale permettent une approche qualitative. Une approche semi-quantitative est possible par mesure de la surface maximale du jet régurgité, le diamètre du jet à l'origine en doppler couleur par échographie transoesophagienne est peu performant. Le calcul de la fraction de régurgitation d'une insuffisance mitrale pure par échodoppler paraît séduisant mais limité par l'estimation des surfaces mitrales et aortiques pour calculer les débits. On peut faire l'étude du flux veineux pulmonaire par échographie transoesophagienne bien que parfois l'alignement du flux soit difficile, et que l'on arrive pas à se soustraire des conditions de charge et de l'état de la compliance auriculaire gauche. Enfin, l'étude de la zone de convergence peut être un critère supplémentaire de sévérité
. En présence d'une insuffisance mitrale (IM), on visualise sur le versant ventriculaire de l'orifice mitral en doppler couleur la zone de convergence des courants sanguins, avant leur passage dans la valve fuyante (proximal isovelocity surface area ou PISA pour les auteurs anglo-saxons). Cette zone est schématiquement constituée par une succession d'hémisphères concentriques d'isovitesse, centrés autour de l'orifice régurgitant, à rayons décroissants correspondant à des vitesses de plus en plus élevées des globules rouges, au fur et à mesure que l'on s'approche de l'orifice régurgitant. Sur un hémisphère, les globules rouges ont tous la même vitesse (PISA). En pratique, on mesure la distance séparant l'orifice régurgitant du premier aliasing en mésosystole (zone de transition bleu-rouge orangé) qui correspond au rayon (r) d'une zone d'isovélocité dont on connaît la vitesse V qui est affichée sur l'écran de l'appareil (V r = limite de Nyquist). Le débit instantané maximal régurgité (Q r) est obtenu par le produit de la vitesse V r et de la surface S r de l'hémisphère d'isovélocité :
Un débit instantané maximal régurgité supérieur à 140 mL/s est en faveur d'une IM sévère avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 100 %
.
La surface de l'orifice régurgitant est estimée en divisant simplement le débit instantané régurgité mesuré en mésosystole par le pic de vitesse (Vmax) du flux d'IM en doppler continu. Une valeur de surface de l'orifice régurgitant supérieur à 0,30 cm2 est en faveur d'une IM sévère. Le volume régurgité par cycle cardiaque peut être calculé en multipliant la surface de l'orifice régurgitant par l'intégrale de vitesse (ITV) du flux d'insuffisance mitrale captée en doppler continu.
Un volume régurgité supérieur à 60 mL par battement est en faveur d'une IM sévère. Ce calcul de l'ITV est réalisé actuellement sans difficulté par planimétrie du flux d'IM.
L'analyse expérimentée de la valve mitrale par échocardiographie transthoracique, mais aussi transoesophagienne, permet de dégager des critères de faisabilité d'une plastie mitrale chirurgicale.
Sténose mitrale
Le rétrécissement mitral (RM) est rarement observé chez l'enfant puisque la réalisation des processus fibreux responsables du rétrécissement mitral nécessite plusieurs années. Le RM entraîne une élévation de la pression auriculaire gauche avec création d'un gradient télédiastolique entre l'oreillette gauche et le ventricule gauche et une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) postcapillaire dès qu'il est serré. Tardivement, cette HTAP peut être précapillaire par augmentation des résistances artérielles pulmonaires. En cas d'atteintes rhumatismales précoces et répétées dans l'enfance, le RM de l'enfant peut être volontiers plus sévère que chez l'adulte. En cas de RM peu serré, l'enfant reste longtemps asymptomatique, en revanche, pour les sténoses sévères et rapidement évolutives, il existe des troubles fonctionnels importants à type de dyspnée d'effort, d'orthopnée voire de crise d'oedème pulmonaire. Enfin, dans les cas extrêmes, on peut observer, surtout dans les pays en voie de développement, un " nanisme mitral " qui correspond à un grand retard staturopondéral avec existence d'une cyanose périphérique du fait de la baisse du débit cardiaque associée à une grande HTAP. Les examens cliniques, électrocardiogaphiques, radiographiques du RM rhumatismal de l'enfant n'offrent pas de particularités sémiologiques comparées à ceux de l'adulte. L'échographie cardiaque couplée au doppler constitue actuellement l'examen non invasif de choix dont le diagnostic quantitatif et qualitatif du RM. Il évalue la sévérité de la sténose, apprécie l'état de l'appareil valvulaire et sous-valvulaire, recherche le retentissement sur les cavités cardiaques et précise le niveau des pressions pulmonaires. Il permet également de rechercher des lésions associées. En échographie bidimensionnelle la grande valve paraît épaisse, déformée avec une petite valve mitrale peu mobile. Au doppler couleur il existe un aspect de " bec Bunsen " du flux mitral vers la pointe du ventricule gauche. Pour apprécier la sévérité de la sténose, on effectue des mesures de l'aire mitrale en échographie bidimensionnelle à partir de l'incidence parasternale gauche petit axe ou sa détermination par le temps de décroissance du gradient oreillette gauche/ventricule gauche au doppler. L'appréciation des lésions anatomiques de la valve et de l'appareil sous-valvulaire sont fondamentales pour poser l'indication de chirurgie à coeur ouvert ou de dilatation par voie percutanée. L'état de la valve est évalué selon quatre paramètres : épaisseur des valves, calcification, rigidité des valves et rétraction de l'appareil sous-valvulaire. Les calcifications commissurales seront notées et peuvent contre-indiquer un geste de valvuloplastie percutanée
. Enfin, l'évaluation de la taille de l'oreillette gauche et la recherche de thrombus dans celle-ci font pratiquer une échographie transoesophagienne si un geste percutané est décidé.
Insuffisance aortique
Elle est le plus souvent associée à une atteinte mitrale. Elle n'est isolée que dans 6 à 7 % des cardiopathies rhumatismales. L'insuffisance aortique (IA) entraîne une surcharge volumétrique ventriculaire gauche proportionnelle à l'importance de la fuite qui est d'installation progressive. Cette dilatation va entraîner une augmentation de la tension pariétale progressivement compensée par une hypertrophie ventriculaire gauche. Cette surcharge diastolique ventriculaire gauche finit par entraîner une dysfonction ventriculaire gauche à long terme. L'IA chronique importante est longtemps asymptomatique. En l'absence d'intervention, la décompensation cardiaque intervient secondairement, constamment, correspondant à une dysfonction myocardique qui peut être irréversible. Mais les formes modérées peuvent rester indéfiniment bien tolérées. Dans les formes aiguës il apparaît précocement des signes d'insuffisance cardiaque, voire des signes d'angor par ischémie sous-endocardique. Le diagnostic peut être clinique, fait partie des critères majeurs avec un souffle protodiastolique ou holodiastolique au foyer aortique mieux entendu en position debout, les bras levés, et le timbre du souffle est doux et aspiratif parfois associé à un souffle systolique d'accompagnement. Des signes cliniques de fuite importante comme la diminution ou l'abolition du premier bruit (pistol-shot) protosystolique ou le roulement de Flint sont plus rares. Il existe alors des signes périphériques importants avec diminution de la pression artérielle diastolique et élargissement de la différentielle. Les pouls sont amples. La radiographie montre une dilatation ventriculaire gauche et, dans les formes évoluées, une hypervascularisation pulmonaire. L'électrocardiogramme longtemps normal, montre des signes d'hypertension ventriculaire gauche en cas de fuite importante. L'exploration échocardiographique permet de confirmer le diagnostic de l'IA, d'en préciser la cause la plupart du temps et d'en quantifier l'importance par le doppler. L'origine rhumatismale est confirmée par le caractère hyperéchogène épaissi et remanié des valves aortiques.
L'échographie cardiaque permet également de chercher d'autres atteintes valvulaires en particulier mitrale. La quantification de l'importance de la régurgitation repose sur des nombreux paramètres dont aucun n'est absolu. Ainsi, au doppler couleur, la cartographie du jet régurgité et la mesure du diamètre du jet à son origine, mesuré en incidence apicale, cinq cavités sont souvent utilisées. L'enregistrement au doppler pulsé des flux antérogrades et rétrogrades au niveau de l'isthme aortique, la mesure en doppler continu de la pente de décroissance de la vitesse diastolique du temps de demi-vélocité ainsi que le temps de demi-pression sont fiables dans l'IA pure. C'est l'évaluation de la fonction ventriculaire gauche, surtout pour les IA asymptomatiques qui permettent de déterminer la date opératoire en fonction du degré de dilatation ventriculaire gauche, de l'importance de l'hypertrophie, de la fonction systolique et du niveau des pressions pulmonaires. Lorsque l'ensemble de ces critères sont discordants, une exploration hémodynamique avec angiographie doit être envisagée surtout chez l'enfant
.
Rétrécissement aortique
La sténose aortique rhumatismale isolée est très rare chez l'enfant car elle se constitue de façon progressive et est souvent associée à une insuffisance aortique par rétraction des sigmoïdes avec fusion des commissures. Parfois un diagnostic de rétrécissement aortique rhumatismal est difficile à différencier d'une sténose aortique congénitale. On considère que l'origine rhumatismale des sténoses aortiques est probable lorsque l'orifice rétréci comporte trois sigmoïdes et que la sténose est associée à une atteinte mitrale. Les signes fonctionnels ne s'observent que dans les formes sévères, à type de dyspnée, d'angor, syncope d'effort. La sténose aortique entraîne une augmentation de la post-charge, elle-même responsable d'une hypertrophie concentrique du ventricule gauche. Les signes cliniques radiologiques, électriques et échographiques sont sans particularité sémiologique par rapport aux autres étiologies de sténose aortique acquise.
Atteinte tricuspide et polyvalvulaire
L'insuffisance triscupide organique est exceptionnellement isolée, toujours associée à un rétrécissement triscupide et le plus souvent associée à une atteinte mitrale ou aortique.
Enfin, les polyvalvulopathies ne sont pas exceptionnelles, surtout dans les pays du tiers monde où elles atteignent 30 % des cas de valvulopathie rhumatismale. Elles posent le problème de sous-estimation de l'une des deux valvulopathies (mitrale ou aortique), c'est pourquoi un bilan hémodynamique peut être parfois nécessaire lorsque les données échographiques ne suffisent pas pour poser une éventuelle indication opératoire.
Myocardite rhumatismale
Elle accompagne le plus souvent une valvulopathie. En règle, il n'y a pas d'insuffisance cardiaque congestive sans lésion valvulaire hémodynamique
. Son diagnostic est souvent facilité par l'échocardiographie qui montre une hypokinésie du ventricule gauche. Cette myocardite est très sensible au traitement anti-inflammatoire et s'améliore rapidement sous corticoïdes. En revanche, le pronostic peut être très sévère en l'absence de traitement
.
Péricardite rhumatismale
Elle est également rarement isolée
(tableau I) . Son incidence a été complètement transformée par l'utilisation diagnostique de l'échocardiographie. En effet, la péricardite rhumatismale donne rarement des signes fonctionnels et cliniques isolés, il s'agit le plus souvent d'un diagnostic de découverte échographique dans un contexte inflammatoire et circulatoire sévères. Cette péricardite est capable de récidiver en dehors de toute réinfection streptococcique, malgré un traitement prophylactique correct. Classiquement, cette péricardite rhumatismale n'évolue pas vers la constriction.
Troubles de conduction
L'allongement de l'espace PR fait partie des critères mineurs de Jones modifiés en 1992
(tableau II) . Les troubles de conduction sont le témoin à la fois du syndrome inflammatoire et d'une atteinte myocardique. Les blocs auriculoventriculaires de haut degré sont rarement isolés, le plus souvent très vite résolutifs sous traitement corticoïde. Exceptionnellement, ils peuvent imposer un appareillage transitoire s'ils deviennent symptomatiques.
Cette atteinte des trois tuniques cardiaques est devenue exceptionnelle dans les pays développés. En règle, elle est inaugurale dans l'histoire de la maladie avec l'apparition brutale d'une défaillance cardiaque accompagnée de signes généraux importants, parfois obnubilation et polyarthrite vraie. Son diagnostic est facile par l'échocardiographie qui montre l'atteinte myocardique et péricardique chez un enfant ou un adolescent dans un pays où le RAA sévit de façon endémique. Le pronostic est spontanément sévère mais très amélioré par un traitement anti-inflammatoire (corticoïdes) et le traitement de l'insuffisance cardiaque aiguë.
Depuis 1944, les critères de Jones pour le diagnostic de RAA sont régulièrement révisés, intégrant les innovations diagnostiques et techniques
(tableau II) . Ces critères, naturellement discutables, aident à poser le diagnostic de RAA dans les formes de plus en plus fréquentes où le tableau clinique n'est pas complet
(tableau I). Il faut rester encore très prudent quant à l'utilisation de l'échocardiographie pour le diagnostic de valvulopathie rhumatismale
. En effet, lors de la dernière révision des critères de Jones en 1992, les experts de l'American heart association recommandaient l'utilisation de l'échocardiographie doppler uniquement pour le diagnostic d'épanchement péricardique, de myocardite, mais ne retenaient pas sa valeur pour le diagnostic d'atteinte valvulaire, en raison de la présence d'insuffisances mitrales et aortiques chez le sujet sain
. Ainsi, si une infection préalable à streptocoque du groupe A est démontrée, la présence de deux manifestations majeures ou d'une manifestation majeure et de deux manifestations mineures traduit une forte probabilité de RAA. Cette classification a des implications thérapeutiques : un traitement anti-inflammatoire prolongé de la crise est impératif en cas de RAA défini, en présence surtout d'une cardite, car c'est le meilleur moyen de minimiser l'atteinte cardiaque, voire de la faire disparaître.
En présence d'une cardiopathie valvulaire, les dystrophies héréditaires du tissu conjonctif ou élastique, comme la maladie de Marfan ou la maladie d'Ehlers-Danlos s'accompagnent fréquemment d'insuffisance mitrale et/ou aortique.
En présence d'une atteinte articulaire, une hémopathie maligne (leucose ou lymphome) peut se révéler par des douleurs osseuses périarticulaires ou une arthrite rhumatoïde juvénile. Dans la maladie de Still, forme systémique de l'arthrite rhumatoïde, on peut voir une péricardite de façon retardée. Il existe des manifestations viscérales dans le lupus érythémateux disséminé qui sont rénales ou pleuropulmonaires plus que cardiaques. La spondylarthrite ankylosante peut débuter dans l'enfance par une mono- ou une oligoarthrite avec parfois des atteintes valvulaires, le plus souvent à type d'insuffisance aortique, qui en fait un diagnostic différentiel du RAA très difficile. Enfin, les arthrites virales qui sont de brèves durées et qui ont un syndrome inflammatoire modéré sont des diagnostics différentiels du RAA.
En présence d'un syndrome fébrile prolongé avec altération de l'état général, splénomégalie et VS accélérée, on peut poser le diagnostic d'endocardite d'Osler sur les données d'une échocardiographie montrant des végétations valvulaires, et, avec l'aide d'hémocultures répétées, on peut retrouver le germe en cause et adapter l'antibiothérapie. Parfois, on peut être amené à traiter une endocardite sans preuve bactériologique et conclure à un rhumatisme articulaire évolutif devant l'échec de ce traitement.
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Traitement antibiotique
Le traitement antibiotique de la crise de RAA post-streptococcique repose sur la pénicilline pendant 10 jours. Soit par voie orale, pénicilline V à la dose de 2 000 000 d'unités (U)/j réparties en trois prises au moment des repas, soit pénicilline G intramusculaire à la dose de 2 000 000 U/j en deux injections. Récemment, les auteurs anglo-saxons ont montré l'intérêt du test cutané pour dépister les allergies aux bêta-lactamines. Cela étant hélas réservé aux pays riches uniquement. En cas d'allergie à la pénicilline, on utilise l'érythromycine 40 à 50 mg/kg/j en trois prises orales également pendant 10 jours.
Traitement anti-inflammatoire
Le choix de la thérapeutique utilisée, ses modalités d'administration et de durée sont toujours très discutées et dépendent surtout des conditions socio-économiques locales. Il n'y a pas de consensus quant au choix du traitement inflammatoire : aspirine ou corticoïdes. Les États-Unis et les pays anglo-saxons continuent à prescrire l'aspirine alors qu'en France la majorité des auteurs utilisent la prednisone. L'argument pour les pays en voie de développement que l'aspirine serait plus facilement disponible et moins coûteux que les corticoïdes est maintenant dépassé.
Le corticoïde le plus souvent utilisé est la prednisone à la dose de 2 mg/kg/j sans dépasser 80 mg/j répartie en trois prises au milieu des repas. Ce traitement d'attaque est maintenu jusqu'à normalisation de la VS qui intervient en général en une semaine à 10 jours. Une fois obtenue cette normalisation, on passe au traitement d'entretien avec une posologie réduite par paliers tous les 5 jours, pour couvrir une durée totale de traitement (traitement d'attaque compris) de 6 semaines dans les formes sans atteinte cardiaque de 3 à 4 mois dans les avec cardites. La mesure de la VS est effectuée chaque semaine et doit rester normale (toute augmentation de la VS doit faire craindre une reprise du processus inflammatoire).
L'aspirine, si possible utilisée sous forme tamponnée, effervescente pour une meilleure tolérance gastrique, est utilisé à la dose initiale de 100 mg/kg/j sans dépasser 6 g/j en quatre à six prises par jour avec une surveillance de la salicylémie. En l'absence de signe de toxicité, ce traitement d'attaque est poursuivi pendant 15 jours jusqu'à disparition des signes cliniques et normalisation de la VS. Puis la posologie est abaissée à 60 mg/kg/j en quatre à six prises pendant 6 semaines, si il n'y a pas atteinte cardiaque, 2 à 3 mois lorsqu'il y a une cardite. Les indications du traitement anti-inflammatoire peuvent varier en fonction du moment où est posé le diagnostic de RAA, en particulier pour les formes vues tardivement. Un traitement anti-inflammatoire complet est indiqué lorsqu'il existe un syndrome inflammatoire net, ou s'il existe des signes de cardite ou des antécédents de séquelles cardiaques d'une cardite rhumatismale. Il est également recommandé de faire un traitement complet lorsque la poussée est récente (moins d'un mois). En revanche, si la poussée rhumatismale est plus ancienne, on peut se limiter à une antibiothérapie curative puis préventive. Aux États-Unis les indications du traitement anti-inflammatoire peuvent dépendre de l'importance de l'atteinte articulaire. En cas d'arthralgie ou d'arthrite légère sans cardite, on peut dans certain cas surseoir au traitement anti-inflammatoire. En cas d'arthrite modérée sans cardite, on utilise plus volontiers l'aspirine que les corticoïdes. En cas de cardite avec ou sans défaillance cardiaque une corticothérapie est recommandée.
Traitement symptomatique et mesures hygiénodiététiques
Le traitement symptomatique de l'atteinte cardiaque ne présente aucune particularité et repose sur les mesures hygiénodiététiques, un traitement digitalodiurétique associé ou non aux inhibiteurs de l'enzyme de conversion en fonction de l'atteinte valvulaire. Un malade ayant une corticothérapie doit suivre des mesures hygiénodiététiques prenant en compte un régime désodé une supplémentation potassique, calcique et des pansements gastriques. La surveillance du traitement par l'aspirine peut être aidée par la salicylémie, et peut faire rechercher des signes de toxicité en particulier digestive. Le repos doit être adapté à l'importance des signes cliniques. En l'absence d'insuffisance cardiaque, il suffit d'un repos au lit quelques jours pendant le traitement d'attaque et jusqu'à disparition de l'impotence fonctionnelle due aux atteintes articulaires. En cas de cardite, le repos conseillé est celui d'un insuffisant cardiaque en évitant les repos successifs et trop prolongés pour permettre une reprise de l'activité de façon adaptée.
Prévention secondaire : prophylaxie des rechutes
Après une première poussée de RAA, la prévention concerne les rechutes rhumatismales, la greffe bactérienne et la défaillance cardiaque. La prévention de l'endocardite d'Osler se pose en cas de séquelles valvulaires lors des poussées précédentes et ne présente pas de particularité. La prévention de la défaillance cardiaque se pose en cas de séquelle valvulaire et/ou myocardique et ne présente pas non plus de particularité
. Le traitement prophylactique des rechutes rhumatismales est essentiel. C'est lui qui permet la nette diminution de la fréquence des cardites graves qui s'installent progressivement au cours des rechutes et des récidives. La prévention secondaire du RAA repose sur la pénicilline G ou V voire, exceptionnellement, les sulfamides généraux ; en cas d'allergie à ces antibiotiques, on utilise l'érythromycine
(tableau IV) . La durée de cette prévention secondaire du RAA dépend de l'existence ou non d'une cardiopathie rhumatismale associée et d'une atteinte cardiaque résiduelle à celle-ci
(tableau V) . Cette antibiothérapie prophylactique, débutée après 10 jours du traitement d'attaque, est poursuivie au moins jusqu'à l'âge adulte parfois à vie
. Elle est complétée, en cas d'angine, par un traitement antibiotique systématique à doses curatives
(tableau IV) , une amygdalectomie en cas de grosses amygdales cryptiques ou de répétition des angines, enfin dépistage et traitement systématique des porteurs de germes dans l'entourage familial.
Prévention primaire : avant la première poussée
La prévention primaire du RAA repose sur le traitement antibiotique des angines streptococciques
(tableau VI) . Le pic d'incidence des pharyngites à streptocoque A se situe entre 5 et 15 ans et représente 15 à 20 % des pharyngites dans cette tranche d'âge
. Il n'existe pas encore de vaccination contre les streptocoques du groupe A. Il faudrait en effet un vaccin polyvalent et efficace contre tous les types de streptocoques A qui ne contiennent pas des antigènes en particulier, les protéines M
. La prévention primaire collective consiste à enrayer les épidémies d'angines streptococciques en traitant les sujets atteints, en faisant des enquêtes de dépistage des sujets porteurs dans leurs familles et en les traitant.
Rhumatisme cardiaque évolutif
Il requière un traitement particulier : le syndrome inflammatoire est difficilement contrôlable et rechute lors de la décroissance des corticoïdes, nécessitant une reprise thérapeutique. Il s'agit de crises de RAA vues tardivement, chez des patients ayant des antécédents de RAA et elles s'accompagnent en règle de cardites graves. Elles nécessitent des corticoïdes à fortes doses pendant plusieurs semaines parfois quatre à cinq mois, avec des paliers de décroissance longs et répétés. Il est à noter que, lorsque la correction chirurgicale de lésions valvulaires est justifiée pour des raisons hémodynamiques, la stabilisation du RAA est souvent plus facile à obtenir en postopératoire.
Myocardite
La myocardite rhumatismale est très sensible au traitement anti-inflammatoire, et on note une amélioration rapide en quelques jours de la fonction myocardique échocardiographique sous corticoïdes. Le traitement symptomatique de l'atteinte cardiaque est classique, reprenant un traitement digitalodiurétique associé à un traitement vasodilatateur.
Péricardite
La péricardite rhumatismale évolue rarement vers la tamponnade, nécessitant alors une ponction de l'épanchement péricardique en urgence. La péricardite guérit très vite sous traitement, mais il existe un risque de survenue de rechute isolé ou associé à une reprise rhumatismale.
Lésions endocardiques et valvulopathies
En ce qui concerne les indications thérapeutiques des lésions endocarditiques et valvulaires, quelques notions générales sont à souligner. D'abord le bilan des lésions endocardiques doit être fait si possible à distance du syndrome inflammatoire, une fois que celui-ci est bien contrôlé par le traitement. Comme on l'a vu précédemment, si une cardiopathie rhumatismale est découverte peu après une crise de RAA, un traitement par corticoïdes est justifié pour tenter de limiter les lésions fibrotiques valvulaires. Devant toute atteinte valvulaire, la prévention de l'endocardite d'Osler est de mise suivant les recommandations classiques en fonction du geste thérapeutique et du germe suspecté
. Quand une décision opératoire est prise, du fait de la mauvaise tolérance hémodynamique ou dans la crainte de l'apparition d'une défaillance myocardique, l'origine géographique des patients et les difficultés éventuelles d'une surveillance médicale doivent être prises en compte dans les indications opératoires. Devant une insuffisance mitrale, une plastie doit être systématiquement discutée et sa faisabilité appréciée au mieux, par l'échocardiographie préopératoire, quant au mécanisme de la fuite, son étiologie, la morphologie des différents constituants de l'appareil mitral. L'insuffisance mitrale chronique est longtemps bien tolérée mais retentit lourdement sur la fonction cardiaque en étant responsable de dysfonction ventriculaire et d'arythmie complète auriculaire. En raison de l'excellence des résultats immédiats et à distance de cette chirurgie, les indications de la plastie mitrale se sont considérablement élargies au cours des dernières années. L'heure de la chirurgie pourrait être plus précoce, si on envisage une plastie mitrale plutôt qu'un remplacement valvulaire par prothèse mécanique. La plastie mitrale pour l'ensemble des étiologies d'IM offre de meilleurs résultats à long terme que le remplacement valvulaire, en ce qui concerne la mortalité, les complications thromboemboliques et le risque de réintervention. En effet, la survie à 10 ans est de 80 %, le risque thromboemboliques est faible à 0,4 %/patient/an, avec un taux actuariel de réintervention de 1 %/patient/an. Les résultats sont un peu moins bons, avec un risque de réintervention plus élevé, pour les IM rhumatismales que pour les IM dégénératives. Pour les IM comportant une altération majeure de l'appareil valvulaire et/ou sous-valvulaire, la seule solution est le remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique, car les bioprothèses se détériorent trop vite chez l'enfant et le jeune adulte. Là encore, les résultats sont satisfaisants puisque, dans une série de plus de 300 adolescents, John retrouve une survie actuarielle à 10 ans de 78 % et près de 60 % à 20 ans
.
Le traitement du RM a été bouleversé dans les années 1980 par l'arrivée de la valvulotomie percutanée mitrale par ballon proposé en 1984 par Inoue. Elle remplace aujourd'hui dans les pays industrialisés et certains pays en voie de développement la commissurotomie mitrale à coeur fermé. Les résultats à moyen terme obtenus par cette technique sont bons
. Sur une série de plus de 600 patients avec un recul de 5 ans, Iung retrouve une survie de 95 %, survie sans intervention dans 75 % des cas avec un très bon résultat fonctionnel dans plus de deux tiers des cas. L'incidence de la resténose est faible (autour de 15 %) avec comme principaux facteurs prédictifs, l'âge, l'anatomie et la surface mitrale obtenue après dilatation
. Ces résultats sont comparables à ceux de la chirurgie
.
Le traitement chirurgical du rétrécissement aortique s'adresse aux formes symptomatiques ou associées à des dysfonctions ventriculaires gauches pour des gradients moyens à l'échographie supérieurs à 50 mmHg. On peut proposer une commissurotomie sous contrôle de la vue avec des risques d'insuffisance aortique parfois importante en postopératoire ou, chez l'adulte jeune, faire d'emblée un remplacement valvulaire aortique par prothèse mécanique.
En ce qui concerne l'insuffisance aortique, le traitement de choix est le remplacement valvulaire aortique par une valve mécanique
. En effet, les plasties aortiques ont de mauvais résultats surtout chez l'enfant et les bioprothèses ont une dégradation trop rapide. Dans les IA symptomatiques, l'indication opératoire ne se discute pas. Récemment, Klodas a souligné le rôle de la classe fonctionnelle dans le pronostic des IA opérées, recommandant d'opérer les patients en classe II de la New York heart association (NYHA) sans attendre une détérioration fonctionnelle plus importante
. Cette chirurgie sera effectuée rapidement s'il existe une insuffisance cardiaque non contrôlée par le traitement médical. L'indication opératoire est beaucoup plus difficile à poser pour les IA asymptomatiques. Si la tolérance peut être longtemps bonne, on sait également que la mortalité et la morbidité à long terme sont importantes pour plus de la moitié des patients avec des dégradations rapides en moins de 6 mois une fois installée l'insuffisance ventriculaire gauche. On sait également qu'une intervention comporte alors un risque plus élevé et des résultats postopératoires moins favorables. C'est pourquoi, dès que la cardiomégalie s'accentue, un bilan annuel ou biannuel est nécessaire pour poser l'indication opératoire à temps. Les résultats opératoires sont alors bons avec une mortalité de 3 % et une survie actuarielle de 86 % à 10 ans et 72 % à 20 ans
.
Le traitement chirurgical des atteintes plurivalvulaires doit tenir compte de l'importance respective de chacune des atteintes aortiques ou mitrales. Le risque opératoire et les résultats à long terme sont assez comparables aux résultats chirurgicaux observés dans le remplacement valvulaire mitral isolé
.
En conclusion, le maintien des bons résultats obtenus ces dernières décennies dans l'éradication du RAA repose sur une prévention primaire et secondaire sans faille de cette maladie. La survenue au milieu des années 1980 d'épidémies aux États-Unis a permis une meilleure compréhension de l'épidémiologie et de la physiopathologie du RAA. Ces travaux ont permis l'élaboration de nouvelles recommandations diagnostiques et thérapeutiques qui doivent être suivies avec vigilance et rigueur.