Coeur pulmonaire chronique







Florent Lenique: Chef de clinique-assistant
Antoine Achkar: Attaché
Jean-Pierre Laaban: Professeur des Universités, praticien hospitalier
Service de pneumologie et réanimation, Hôtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris Cedex 04 France
11-037-A-10 (1995)



Résumé

Le coeur pulmonaire chronique (CPC) est défini par l'hypertrophie et/ou la dilatation ventriculaire droite secondaire aux anomalies fonctionnelles ou anatomiques du système respiratoire. Cette définition exclut les conséquences ventriculaires droites des cardiopathies congénitales, des valvulopathies, de l'insuffisance ventriculaire gauche et de l'insuffisance coronaire [ 40 ]. Quelle que soit l'atteinte respiratoire, l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) précède généralement la survenue du CPC. La défaillance ventriculaire droite survient lorsque les mécanismes d'adaptation (hypertrophie et dilatation) ne peuvent plus compenser l'augmentation de la post-charge [ 113 ].
La prévalence du CPC est difficile à évaluer, mais du fait de son association fréquente à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), on peut penser qu'elle est importante. Après l'âge de 50 ans, le CPC est la troisième affection cardiovasculaire après la coronaropathie et l'hypertension artérielle. En l'absence d'études épidémiologiques seules les données autopsiques permettent d'apprécier la fréquence du CPC, qui est, chez les patients ayant une BPCO, de l'ordre de 40 % [ 40 ].

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Plan

Physiopathologie
Diagnostic positif
Diagnostic étiologique
Traitement

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La circulation pulmonaire reçoit la totalité du débit cardiaque sous un régime de basse pression. Chez l'adulte au repos, la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP) est d'environ 15 mmHg, et les résistances artérielles pulmonaires (RAP) sont dix fois inférieures aux résistances artérielles systémiques [ 48 ].
La PAP est déterminée par trois facteurs, le débit cardiaque (DC), la pression artérielle pulmonaire d'occlusion (PAPO) et les RAP suivant la relation :
L'HTAP est définie par une PAP supérieure à 20 mmHg au repos ou 30 mmHg à l'effort. Comme l'indique la formule ci-dessus, trois mécanismes peuvent être à l'origine d'une HTAP :

- une augmentation de la PAPO HTAP post-capillaire ;
- une augmentation du DC HTAP de débit ;
- une augmentation des RAP HTAP précapillaire.
Par définition, le CPC étant la conséquence d'une HTAP précapillaire, nous nous limiterons à cette dernière. Le système vasculaire pulmonaire est capable de réguler des variations importantes de volume sanguin, sans grande modification de pression [ 33 ], n'imposant pas d'augmentation importante de post-charge au ventricule droit. Cette relative stabilité de la PAP lors de l'augmentation du DC (effort) est possible grâce à une baisse des RAP. Deux mécanismes expliquent la diminution des RAP : le recrutement de territoires vasculaires exclus au repos et la distension de vaisseaux pulmonaires déjà perfusés. Ainsi, pendant des efforts maximaux, lorsque le débit sanguin pulmonaire est multiplié par 5, la PAP n'augmente que de 50 % [ 36 ]. L'augmentation du DC, la polyglobulie ou l'augmentation du volume sanguin pulmonaire peuvent participer à la genèse de l'HTAP. Mais c'est principalement l'augmentation des RAP à l'effort puis au repos qui détermine le développement de l'HTAP. Deux facteurs principaux participent à l'augmentation des RAP :
- la destruction du lit vasculaire pulmonaire [ 41 ]. Mais comme le montre, chez les patients BPCO, l'absence d'étroite corrélation entre la sévérité de l'atteinte parenchymateuse et le degré de l'HTAP [ 28 ], ce phénomène n'est pas exclusif ;
- et surtout, une augmentation des résistances vasculaires sur les petites artères musculaires et les artérioles en rapport avec une atteinte anatomique et/ou des changements de réponse vasomotrice.

Nous allons donc insister sur le rôle majeur de l'hypoxie qui peut être à l'origine de modifications fonctionnelles (vasoconstriction hypoxique) et structurelles (hypertrophie de la média et prolifération musculaire lisse) des artères pulmonaires concourant toutes deux à l'augmentation des RAP.

Dans le poumon adulte, la finalité de la vasoconstriction hypoxique est l'ajustement de la perfusion capillaire pulmonaire à la ventilation alvéolaire afin d'améliorer l'oxygénation artérielle. Le stimulus essentiel est une baisse de la PaO2 au-dessous de 60 mmHg. Cet effet vasoconstricteur est renforcé par une baisse concomitante de la pression veineuse en oxygène (P v ¯ O2) (insuffisance cardiaque).
L'effecteur de la vasoconstriction est la cellule musculaire lisse des petites artères pulmonaires satellites des bronchioles terminales. La potentialisation de la vasoconstriction hypoxique par les agonistes calciques [ 76 ] ou son inhibition par le vérapamil [ 8 ] semblent montrer qu'en réponse à l'hypoxie, la contraction de la cellule musculaire lisse serait secondaire à une dépolarisation membranaire avec afflux intracellulaire de calcium.
Le message commandant cette dépolarisation membranaire est discuté. L'hypoxie alvéolaire pourrait entraîner la libération de médiateurs ou avoir un effet presseur direct sur la cellule musculaire. L'hypothèse d'une action directe via un capteur cellulaire de l'hypoxie est actuellement la plus séduisante [ 4 ]. Ce capteur pourrait être une protéine membranaire fixant l'oxygène (O2). Une autre explication pourrait être la détection de l'hypoxie par une enzyme oxygénodépendante (cytochrome P450).
Parmi les agents modulant la vasoconstriction hypoxique, le monoxyde d'azote (NO) identifié au facteur relaxant dérivé de l'endothélium (EDRF), est actuellement très étudié [ 56 ]. Chez le rat, la libération de NO endogène limiterait la vasoconstriction pulmonaire hypoxique [ 17 ]. Le rôle du NO dans le développement de l'HTAP reste cependant à définir. Au cours de l'HTAP chronique hypoxique, il a été montré que l'endothélium vasculaire pulmonaire perdait sa capacité à former du NO [ 5 ]. Ce déficit en NO pourrait jouer un rôle dans le tonus vasculaire élevé et la susceptibilité thrombogénique des patients avec HTAP. Ainsi chez le mouton, Fostell et coll. [ 45 ] ont montré que l'inhalation de quantités faibles de NO (5 à 50 ppm) entraînait une vasodilatation artérielle pulmonaire et inhibait la vasoconstriction hypoxique.
La permanence de la vasoconstriction hypoxique entraîne des altérations structurelles des vaisseaux pulmonaires avec prolifération de cellules musculaires lisses et épaississement de la média, prolifération et turgescence des cellules endothéliales et infiltration de tissu conjonctif dans la média, l'intima et l'adventice. Les rôles respectifs de l'augmentation de PAP et de l'hypoxie, dans ce " remodeling " vasculaire, ne sont pas encore bien définis. Des facteurs de croissance d'origine endothéliale, capables de stimuler ou d'inhiber la multiplication cellulaire, ont été mis en évidence [ 35 ]. Le NO a le double rôle de vasodilatateur et d'antimitogène, et, au contraire, l'endothéline est un vasoconstricteur et favorise la croissance et la multiplication cellulaire. Au cours de l'hypoxie chronique, la suppression de formation du NO ou l'excès de synthèse d'endothéline pourrait favoriser la genèse de l'HTAP.

La réponse du coeur droit à l'HTAP chronique peut être divisée en trois stades :

- adaptation du ventricule droit avec hypertrophie et dilatation ;
- dysfonction du ventricule droit (systolique et diastolique) ;
- insuffisance ventriculaire droite.
La réponse majeure du ventricule droit (VD) à l'augmentation de la post-charge est de se dilater (accroissement de la surface de sa paroi libre) et de s'hypertrophier (augmentation de la masse de sa paroi libre). Cette relation proportionnelle entre masse et surface de paroi libre a été montrée par Horan [ 54 ] sur 1 500 autopsies de coeur. La dilatation du ventricule entraîne une augmentation du volume télédiastolique, et donc de la précharge, permettant de maintenir un DC correct [ 104 ]. L'hypertrophie permet de préserver une tension pariétale et d'améliorer le travail ventriculaire [ 12 ]. Ce changement de conformation ventriculaire permet, lors d'augmentation importante des pressions pulmonaires, de maintenir un DC suffisant, comme cela a été montré chez le chien [ 106 ]. La performance ventriculaire droite est d'autre part améliorée par une augmentation de la fonction contractile avec une réponse du VD aux catécholamines identique à celle du ventricule gauche (VG) [ 104 ]. Dans les augmentations aiguës et chroniques de la PAP, la réponse sympathique réflexe participe donc à optimiser la fonction VD [ 104 ]. A un stade ultérieur, se développe une insuffisance ventriculaire droite. La défaillance peut porter sur la contractilité myocardique intrinsèque ou sur des variations de pré- et post-charge ventriculaire, ces deux facteurs étant souvent difficiles à distinguer. Il est actuellement important de séparer la dysfonction systolique de la dysfonction diastolique. L'approche diagnostique est différente pour chacune de ces fonctions avec en cas de dysfonction diastolique une fraction d'éjection dans les limites de la normale mais une vitesse initiale de remplissage diminuée. Les facteurs intervenant dans les variations de pré- et post-charges sont nombreux et souvent intriqués. L'hypertrophie importante du VD diminue la précharge avec diminution du DC. Une hyperinflation pulmonaire souvent présente chez les BPCO avec pression expiratoire positive intrinsèque (PEEPi), d'autant plus importante que le patient est tachypnéique, entraîne une diminution de compliance ventriculaire droite et gauche, avec altération de la performance cardiaque. En présence d'une PEEPi, les dépressions inspiratoires intrathoraciques, en ventilation de repos, sont importantes avec augmentation de la post-charge ventriculaire et possible diminution du DC. La perfusion coronaire du VD est également importante dans l'évaluation des performances cardiaques droites. La demande en O2 myocardique augmente [ 47 ] en regard d'une perfusion coronaire insuffisante en diastole (inchangée ou diminuée si le DC diminue) mais également en systole (limitation du débit sanguin coronaire du fait de l'élévation des pressions dans la chambre de chasse [ 69 ]). La pérennisation de ces événements conduit à la défaillance cardiaque droite. L'atteinte du coeur gauche à travers le concept d'interdépendance ventriculaire est actuellement très discuté et peut-être surestimé. Des anomalies ventriculaires gauches telles que l'hypertrophie, l'élévation de la pression télédiastolique ou un abaissement de la fraction d'éjection ont été observées chez des patients avec HTAP secondaire à une affection respiratoire chronique [ 79 ]. Il s'agit le plus souvent de trouble du remplissage ventriculaire par diminution de la compliance ventriculaire, mais l'association à une cardiopathie ischémique doit rendre prudentes les conclusions concernant la fonction ventriculaire gauche de ces patients [ 79 ].
Vascularisation normale
Le tronc artériel pulmonaire et les artères principales sont élastiques, de même que les artères intrapulmonaires, jusqu'aux vaisseaux de 1 mm de diamètre. Au-delà (vaisseaux de diamètre inférieur à 1 mm), les artères sont musculaires, avec des cellules musculaires lisses organisées de façon circulaire. Pour un calibre de 100 m et moins, les artères perdent leur musculature lisse et ce sont les artérioles qui alimentent les capillaires alvéolaires.
Pathologie de la vascularisation pulmonaire
Les principales entités sont l'artériopathie pulmonaire plexogénique, l'artériopathie thrombotique et l'artériopathie hypoxique. Ces différentes lésions sont retrouvées en fonction des étiologies et seront décrites dans les chapitres correspondants.
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Les signes cliniques d'HTAP, quelle que soit son étiologie, sont peu spécifiques, surtout au stade précoce de la maladie. De ce fait, le diagnostic est souvent porté avec retard.
Signes fonctionnels
La symptomatologie, non spécifique, est souvent tardive. Dans les HTAP secondaires, les signes fonctionnels reflètent généralement la maladie pulmonaire sous-jacente alors que les symptômes d'une HTAP primitive sont essentiellement liés à l'HTAP. La dyspnée d'effort est le signe le plus précoce et est quasi constante au moment du diagnostic. Une fatigabilité est fréquemment associée. Les syncopes peuvent être observées au cours des HTAP graves et surviennent volontiers à l'effort. La vasodilatation périphérique survenant pendant l'effort n'est pas compensée par une augmentation adéquate du DC. Des douleurs pseudo-angineuses ne s'observent que dans les HTAP très sévères, résultant d'une ischémie du VD, secondaire à l'augmentation des besoins en O2 du VD hypertrophié. Les hémoptysies, et la dysphonie liée à la compression du nerf récurrent sont rares et n'ont été rapportées que dans les HTAP sévères et anciennes.
Signes physiques
Ils ne sont, en général, présents que dans les HTAP évoluées. On peut distinguer ;
- les signes directement liés à l'HTAP : éclat de B2 au foyer pulmonaire avec dédoublement serré de B2, click d'éjection pulmonaire, souffle diastolique d'insuffisance pulmonaire ;
- les signes liés à l'hypertrophie du VD : soulèvement ventriculaire systolique parasternal gauche ou épigastrique, galop présystolique (B4) ;
- les signes en rapport avec la dilatation du VD : souffle systolique d'insuffisance tricuspidienne ;
- enfin, les signes d'IVD : galop protodiastolique (B3), turgescence jugulaire, oedèmes des membres inférieurs et hépatomégalie congestive.



Examens non invasifs
Le diagnostic non invasif de l'HTAP se heurte à un certain nombre de difficultés. La plupart des méthodes non invasives sont indirectes et apprécient les conséquences de l'HTAP. Ainsi, le diagnostic non invasif de l'HTAP est plus difficile dans les HTAP modérées (BPCO) sans retentissement ventriculaire droit important que dans les HTAP sévères (HTAP primitives, HTAP postemboliques).

Electrocardiogramme (ECG) (fig. 1)
Les critères d'hypertrophie du VD sont un axe de QRS supérieur à 95°, une onde P pointue supérieure à 2,5 mm en D2, D3 ou aVF (dérivations électrocardiographiques), une onde R dominante en aVR (dérivations électrocardiographiques) ou V1 avec onde S dominante en V5 et une onde T négative en V1-V3.

Ces critères ne s'observent que lorsque l'hypertrophie du VD est importante et qu'il n'existe pas d'hypertrophie VG concomitante. La spécificité de l'ECG est très élevée, mais la sensibilité est faible (55 à 60 %), en particulier dans la détection des HTAP modérées (HTAP consécutives aux BPCO) [ 119 ].

Radiographie thoracique (fig. 2)
L'HTAP précapillaire entraîne une dilatation du tronc de l'artère pulmonaire et des artères pulmonaires principales, une égalisation de la vascularisation des lobes supérieurs et inférieurs, une réduction de la vascularisation périphérique. Particulièrement évidentes dans l'HTAP primitive, ces modifications sont plus difficiles à interpréter dans certaines HTAP secondaires modérées (emphysème).

Ceci est vrai pour l'augmentation du diamètre de l'artère lobaire inférieure droite sur un cliché de face (supérieur à 16 mm en cas d'HTAP). La sensibilité et la spécificité de ce signe sont médiocres pour détecter une HTAP modérée [ 60 ].
Lorsque le VD se dilate, ses limites peuvent déborder la silhouette cardiaque habituelle et le coeur peut prendre un aspect globuleux. Un cliché de profil montrant l'empiétement sur l'espace aérien rétrosternal est utile pour confirmer que l'élargissement de la silhouette cardiaque est dû à une dilatation du VD [ 61 ].

Echocardiographie Doppler

Echocardiographie mode M et bidimensionnel

Elle n'est utile que dans les HTAP avec répercussion ventriculaire droite en révélant une augmentation du diamètre télédiastolique du VD et une diminution du diamètre télédiastolique du VG, avec, pour conséquence, une augmentation du rapport VD/VG [ 34 ]. La disparition de l'onde a pulmonaire, l'augmentation de l'épaisseur de la paroi antérieure du VD, peuvent également être notées en mode tomodensitométrique.
L'examen échocardiographique est cependant grevé d'un taux d'échec très élevé en cas d'hyperinflation pulmonaire associée (BPCO) [ 119 ], ou chez les patients obèses.

Echocardiographie Doppler [ 111 ]

C'est actuellement la méthode non invasive la plus intéressante pour faire le diagnostic d'HTAP. C'est le seul examen non invasif permettant une estimation quantitative de la PAP. La PAP peut être évaluée par plusieurs méthodes Doppler :

Estimation de la PAP systolique par Doppler continu à partir de la vitesse du jet d'une insuffisance tricuspide
Cette technique suppose l'existence d'une insuffisance tricuspidienne, observée chez seulement 40 % des patients BPCO [ 111 ], mais présente chez 80 à 90 % des patients avec HTAP [ 29], [63 ]. La mesure de la vitesse de régurgitation maximale permet de calculer le gradient de pression entre VD et oreillette droite d'où l'on déduit la pression systolique du VD qui est en principe identique à la pression systolique de l'artère pulmonaire. La corrélation de la PAP ainsi estimée avec celle mesurée par cathétérisme droit [ 23], [29 ] est excellente (0,89 à 0,96) chez des patients porteurs de cardiopathies valvulaires, myocardiques ou congénitales, mais moins bonne (0,65 à 0,73) chez les patients atteints d'insuffisance respiratoire chronique obstructive (IRCO) [ 63 ].
L'erreur moyenne de l'estimation (7 à 9 mmHg) est trop élevée pour permettre une évaluation précise de la PAP chez un patient donné. Cependant, l'échographie Doppler est rarement prise en défaut en cas d'HTAP importante [ 111 ].

Estimation de la PAP par Doppler pulsé à partir du flux pulmonaire
Le temps d'accélération, qui est l'intervalle compris entre le début de l'éjection ventriculaire droite et le pic de vitesse systolique dans l'artère pulmonaire est abaissé (inférieur à 100 ms) en cas d'HTAP [ 71], [77 ] et permet de détecter une HTAP avec une sensibilité et une spécificité élevées. Ce paramètre peut être mesuré de façon fiable chez plus de 90 % des patients, y compris au cours des BPCO [ 111 ]. Cependant l'erreur moyenne de l'estimation est importante (8 à 10 mmHg) et n'autorise pas une prédiction quantitative précise de la PAP.

Autres méthodes Doppler
L'évaluation de la PAP diastolique et moyenne par Doppler continu à partir du jet d'une insuffisance pulmonaire [ 73 ] n'est pas encore validée chez les patients ayant un CPC.
Le temps de relaxation isovolumétrique du VD, c'est-à-dire l'intervalle qui sépare la fermeture de la valve pulmonaire de l'ouverture de la valve tricuspide, est augmenté en cas d'HTAP. Ce paramètre n'est cependant mesurable que chez 60 % des patients BPCO [ 111 ] et ne permet pas une estimation quantitative de la PAP.
Enfin, la détection d'une HTAP peut être faite par mise en évidence d'anomalies du flux Doppler de la veine cave inférieure, indiquant la présence d'une insuffisance tricuspidienne et/ou d'une altération de la compliance ventriculaire droite [ 62 ]. Cette méthode ne permet pas non plus une estimation quantitative de la PAP.

Méthodes isotopiques

Scintigraphie myocardique

La scintigraphie au thallium 201 permet d'identifier la masse myocardique et sa perfusion, cette méthode peut donc être utile pour évaluer le VD dans l'HTAP. Un VD normal n'est pas visualisé, sa visualisation traduit l'hypertrophie et a été proposée comme critère d'HTAP. La sensibilité de cet examen reste cependant faible (56 %) lorsque l'HTAP est modérée [ 120 ] et le coût de l'examen est élevé.

Angiographie isotopique

L'étude de la courbe activité-temps au niveau du VD après injection d'un traceur radioactif permet de déterminer la fraction d'éjection du VD (FEVD), différence entre activité télédiastolique et activité télésystolique rapportée à l'activité télédiastolique. La FEVD normale est comprise entre 45 et 65 %.
Une FEVD inférieure à 45 % a été proposée comme critère d'HTAP. Un abaissement de la FEVD témoigne d'une dysfonction systolique VD secondaire à une HTAP. Cette méthode a une bonne sensibilité (80 %) mais une spécificité faible (50 %), la FEVD dépendant de la contractilité, de la pré- et de la post-charge.
Plusieurs restrictions sont à apporter :

- la mesure est faussée en cas d'insuffisance tricuspidienne importante ;
- la FEVD dépend du stade évolutif de l'HTAP : la réponse initiale à l'accroissement de pression est la dilatation du VD avec baisse de la FEVD, alors que plus tardivement lorsque l'hypertrophie ventriculaire s'est développée, la FEVD peut être normale, du moins au repos [ 79 ] ;
- l'HTAP peut avoir un retentissement prédominant sur la fonction diastolique VD avec, dans ce cas, une FEVD dans les limites de la normale ;
- enfin, une FEVD dans les limites de la normale n'élimine pas des anomalies de la cinétique régionale de la paroi du VD qui peuvent être fréquemment observées [ 88 ].

Ceci peut expliquer qu'une corrélation significative entre PAP et FEVD ne soit pas constamment retrouvée [ 20 ].

Imagerie par résonance magnétique (IRM)
Cette technique permet de visualiser l'architecture complexe du VD et de réaliser des mesures précises de l'épaisseur de la paroi et des dimensions internes du VD [ 72 ]. La masse du VD peut être évaluée avec précision [ 70 ] chez des patients BPCO. La présence d'une HTAP est associée à une augmentation de l'épaisseur pariétale du VD et du volume télésystolique de la cavité VD. Saito [ 99 ] a montré chez 36 patients insuffisants respiratoires chroniques dont 19 avec HTAP, que l'épaisseur des parois ventriculaires droites et le rapport épaisseur des parois VD sur VG étaient étroitement corrélés aux pressions artérielles pulmonaires. Cette méthode pourrait permettre, dans l'avenir, d'évaluer de façon plus précise les effets de certaines thérapeutiques sur la fonction ventriculaire droite.

Examen invasif : cathétérisme cardiaque droit
C'est la méthode de référence pour affirmer l'existence d'une HTAP et apprécier sa sévérité. Il est généralement réalisé par sonde de Swan-Ganz. L'HTAP est définie par une PAP moyenne supérieure à 20 mmHg au repos et/ou 30 mmHg à l'effort. La mesure de la PAPO et la détermination de l'insuffisance cardiaque (IC) permettent d'affirmer le caractère précapillaire de l'HTAP [ 41], [48 ] défini par un gradient de pression PAP-PAPO supérieur à 9 mmHg (fig. 3) et des résistances artérielles pulmonaires (RAP) = PAP-PAPO/IC supérieures à 3,6 UI.

Le cathétérisme droit permet par ailleurs de rechercher un shunt intracardiaque gauche-droite à l'aide de prélèvements sanguins étagés avec mesure de la saturation en O2, de mesurer, grâce à une sonde à thermistance rapide la fraction d'éjection ventriculaire droite en l'absence d'insuffisance tricuspidienne, de mesurer la saturation du sang veineux mêlé en O2, d'apprécier le transport en O2, aux tissus ainsi que la consommation tissulaire en O2 et enfin d'apprécier la réponse en terme de RAP à certains vasodilatateurs.
Bien qu'étant un examen indispensable au diagnostic des HTAP sévères, le cathétérisme droit reste un examen invasif avec de possibles complications [ 74 ] et ne peut être répété fréquemment au cours de l'évolution de la maladie.

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Le CPC représente une complication fréquente des affections respiratoires chroniques et revêt une valeur pronostique importante.


Insuffisances respiratoires chroniques obstructives
La bronchite chronique post-tabagique avec ou sans emphysème (BPCO) est l'étiologie la plus fréquente parmi les IRCO susceptibles d'évoluer vers l'HTAP. On peut citer par ailleurs l'asthme chronique à dyspnée continue, la bronchiolite oblitérante, la mucoviscidose et les bronchiectasies diffuses avec obstruction bronchique permanente. La plupart des publications concernent les HTAP secondaires aux BPCO qui seules, seront donc développée ci-dessous.
L'atteinte vasculaire pulmonaire est une complication fréquente et grave des BPCO. 50 % des patients porteurs d'une BPCO ont des signes d'hypertrophie ventriculaire droite à l'autopsie et 50 % des patients BPCO âgés de plus de 50 ans vont développer une HTAP [ 40 ]. Lorsque les résistances artérielles pulmonaires deviennent supérieures à 550 dyne·s·cm-5, la survie des patients est égale à celle de patients porteurs d'un cancer pulmonaire inopérable [ 22 ]. L'incidence de variables fonctionnelles, telles que VEMS, PaO2 et PaCO2, sur l'espérance de vie est clairement démontrée [ 58 ]. La valeur pronostique de la PAP a été confirmée par plusieurs études [ 82 ] dont une portant sur un millier de malades insuffisants respiratoires chroniques dont 591 patients BPCO [ 14 ]. L'espérance de vie est nettement plus diminuée, à degré d'obstruction bronchique égal, chez les patients présentant une HTAP, et encore plus si celle-ci est importante (PAP moyenne > 30 mmHg).
Des lésions intimales fibrosantes, une hypertrophie et hyperplasie des cellules musculaires de la média et une muscularisation des artérioles sont les atteintes anatomiques les plus constantes [ 86 ].
Parmi les facteurs intervenant dans l'élévation des résistances vasculaires pulmonaires l'hypoxie alvéolaire est le plus important (fig. 4). Plusieurs études ont montré une corrélation entre la sévérité de l'HTAP et le degré de l'hypoxémie artérielle [ 14], [121 ]. D'autres facteurs contribuent cependant à l'atteinte vasculaire pulmonaire comme le suggère la réponse hémodynamique incomplète à l'oxygénothérapie au long cours chez les patients à BPCO [ 110 ]. Ainsi, l'hypercapnie et l'acidose potentialisent la vasoconstriction hypoxique chez l'animal, et pourraient contribuer à la pérennisation des lésions vasculaires. Chez les patients emphysémateux, la destruction parenchymateuse et/ou la compression de vaisseaux, du fait de l'hyperinflation pulmonaire (condition d'une zone II de West) entraînent une perte de surface de section vasculaire participant à l'élévation des RAP et donc à la genèse de l'HTAP [ 28], [95 ]. Enfin, l'hyperviscosité sanguine en rapport avec la polyglobulie et la possible, bien que rare, atteinte ventriculaire gauche sur myocardiopathie intrinsèque [ 81 ] constituent autant de facteurs aggravant l'HTAP. L'incapacité de recruter des vaisseaux non perfusés ou de dilater le réseau vasculaire existant rend compte de l'augmentation de la PAP d'abord à l'exercice puis de façon permanente.

L'HTAP est en règle modérée avec PAP moyenne comprise entre 20 et 35 mmHg au repos. Elle peut cependant s'accentuer de façon considérable à l'exercice et pendant le sommeil. La présentation clinique est aspécifique. La symptomatologie de repos est souvent peu marquée, de même que les signes cliniques en dehors des signes de dysfonction ventriculaire droite sur HTAP sévère, peu fréquente chez ces patients BPCO. Une diminution progressive de la tolérance à l'exercice en l'absence d'aggravation de l'atteinte ventilatoire obstructive, peut faire suggérer une participation cardiovasculaire. La constatation d'oedèmes associés ou non à une hyponatrémie est fréquente, d'autant plus que la maladie respiratoire est évoluée et qu'il existe des antécédents de décompensation droite. Ces oedèmes ne témoignent pas forcément d'une HTAP mais pourraient être secondaires à une diminution du flux plasmatique rénal avec diminution de la capacité rénale à excréter de l'eau et du sodium [ 38 ]. L'hyponatrémie pourrait être également expliquée par une élévation du facteur atrial natriurétique observé chez les patients BPCO évolués [ 2 ].
Le caractère souvent modéré de l'HTAP et la faible échogénicité des patients rendent compte des difficultés de l'évaluation non invasive de la PAP chez les patients BPCO. La détection et la quantification de l'HTAP ne peuvent être réalisés de façon fiable dans cette population, que par le cathétérisme droit.
La PAP de repos augmente de façon lente chez les patients BPCO avec hypoxémie modérée [ 121 ]. L'étude prospective du " Medical Research Council " [ 54 ] sur les effets de l'oxygénothérapie au long cours (OLD) chez les patients BPCO a montré une aggravation progressive de l'HTAP chez les patients non traités et une stabilité de la PAP dans le groupe traité. Ces résultats ont été confirmés sur une plus longue période par deux études de Weitzenblum et coll. [ 119], [121 ].
Dans la première étude, 93 patients avec BPCO sévère ont été suivis pendant une moyenne de 8 ans alors qu'ils ne recevaient ni vasodilatateurs ni oxygénothérapie. Les patients ont été répartis en deux groupes en fonction de leur PAP initiale, groupe 1 sans HTAP (PAP moyenne < 20 mmHg) et groupe 2 avec HTAP (PAP moyenne > 20 mmHg). Dans les deux groupes la PAP a augmenté de façon modérée passant en moyenne de 15,5 à 19,6 mmHg pour le groupe 1 et de 25,8 à 27,8 dans le groupe 2. Les auteurs ont isolé un sous-groupe de 27 patients avec PAP augmentant de plus de 5 mmHg. Les paramètres gazométriques et ventilatoires initiaux de ce sous-groupe étaient identiques à ceux des autres patients et seule l'évolution des gaz du sang était différente avec une baisse franche de la PaO2 (66 +/- 8 mmHg à 59,1 +/- 9,2 mmHg) et une augmentation concomitante de la capnie (37,2 +/- 3 mmHg à 46 +/- 6,8 mmHg). Ces résultats suggèrent que l'hypoxémie a un rôle important dans la genèse de l'HTAP.
Dans la deuxième étude, Weitzenblum et coll. [ 122 ] ont étudié l'évolution des paramètres hémodynamiques, avant puis pendant une longue période d'OLD chez 16 patients BPCO sévèrement hypoxémiques. Chez ces patients, la PAP augmente en moyenne de 1,5 mmHg par an avant la mise sous oxygène alors qu'elle baisse de 2,1 mmHg par an sous OLD. L'hypoxémie a donc un rôle clairement affirmé dans la survenue et l'aggravation de l'HTAP des patients BPCO.
Lorsque l'atteinte artérielle pulmonaire est beaucoup plus importante que ne le suggèrent les anomalies gazométriques, il est nécessaire de rechercher une pathologie associée telle que la maladie thromboembolique ou un syndrome d'apnée du sommeil.
Le sommeil peut favoriser les poussées d'HTAP [ 43 ]. Les patients BPCO, même indemnes d'une atteinte des voies aériennes supérieures, présentent de fréquents épisodes d'hypopnées avec désaturations modérées mais peuvent également présenter des désaturations profondes non apnéiques [ 44 ]. Ces désaturations surviennent en sommeil " paradoxal " (sommeil REM) avec des saturations minimales pouvant atteindre 50 %. Elles sont la conséquence d'hypoventilations alvéolaires profondes souvent aggravées par l'existence d'inégalités de ventilation/perfusion. La baisse de la CRF d'autant plus importante qu'il existe une hypotonie musculaire (sommeil paradoxal) et que les patients sont en position couchée [ 42 ] est un facteur aggravant de la désaturation artérielle. Aucun paramètre fonctionnel respiratoire d'éveil n'est prédictif des désaturations nocturnes dans cette population de patients ; cependant plus l'atteinte pulmonaire est avancée avec une PaO2 diurne basse, plus les patients auront tendance à désaturer de façon importante. Il a été clairement démontré que l'HTAP contemporaine d'une désaturation est d'autant plus importante que la désaturation est profonde [ 15 ]. Ces à-coups hypertensifs liés au sommeil peuvent donc être sévères et entraîner une élévation important de la post-charge du VD, participant ainsi à l'installation d'une insuffisance ventriculaire droite. L'existence de désaturations nocturnes, en dehors d'une hypoxémie diurne importante, pourrait entraîner une HTAP permanente [ 6 ].
Dans l'évolution, le délai d'apparition de l'insuffisance cardiaque droite est variable. Ce délai sera d'autant plus bref que l'HTAP est sévère. Les poussées d'insuffisance cardiaque droite, réversibles sous traitement, tendent à se répéter avec des intervalles libres de plus en plus restreints. L'apparition de signes d'insuffisance cardiaque droite a une signification pronostique péjorative, et ce, plus dans les emphysèmes panlobulaires que dans la bronchite chronique.

Insuffisances respiratoires restrictives
Ce groupe hétérogène inclut les atteintes neuromusculaires, les déformations pariétales thoraciques et les atteintes pulmonaires interstitielles diffuses. Les causes les plus fréquentes d'HTAP dans ce groupe sont les scolioses et les fibroses diffuses.
Dans les fibroses diffuses, l'HTAP résulte pour une majeure part de l'amputation anatomique du lit vasculaire pulmonaire, avec augmentation des résistances vasculaires pulmonaires. Le processus inflammatoire péribronchiolaire entraîne une fermeture des voies aériennes périphériques, avec hypoxémie et aggravation de l'HTAP. Cette HTAP demeure modeste tard dans l'évolution de la maladie, mais son apparition est un tournant pronostique de l'atteinte interstitielle diffuse [ 14 ].
Dans les scolioses, les facteurs fonctionnels (hypoventilation alvéolaire) sont plus importants. L'hypoxémie peut initialement ne survenir que pendant l'exercice, quand la ventilation n'est pas capable de s'adapter aux demandes métaboliques. L'HTAP sera d'autant plus précoce et sévère que la déformation thoracique sera importante [ 13 ].
La sarcoïdose, malgré sa fréquence, est une cause rare d'HTAP.

Syndrome d'apnée du sommeil (SAS)
Le SAS, dont la prévalence n'est pas négligeable (1 à 7 % de la population selon les études) [ 65 ], se complique d'insuffisance respiratoire permanente et d'HTAP dans 15 à 20 % des cas [ 50 ]. Les hypoxémies et hypercapnies nocturnes s'accompagnent volontiers de poussées d'HTAP. La vasoconstriction pulmonaire hypoxique, mais également l'augmentation de post-charge ventriculaire droite lors des dépressions inspiratoires de fin d'apnées, contribuent à la genèse de ces HTAP. La PAP revient à la normale entre les apnées, mais l'HTAP peut être permanente si elles sont rapprochées. Ainsi, la PAP en fin de nuit est plus élevée qu'en début. Le mécanisme du passage des HTAP épisodiques, liées aux apnées, à l'HTAP permanente diurne n'est pas élucidé. L'apparition d'une HTAP permanente ne semble pas liée à la sévérité des apnées nocturnes (nombre et durée des apnées), mais plus aux données fonctionnelles ventilatoires et gazométriques diurnes du patient [ 16], [118 ]. L'hypoxémie nocturne pourrait également avoir un rôle favorisant. En effet, l'HTAP survient dans le SAS pour un niveau d'hypoxémie diurne, franchement plus modéré que dans la BPCO. Cette différence pourrait s'expliquer par les effets surajoutés de la désaturation en O2 observée au cours du sommeil [ 7 ] qui est souvent plus sévère dans le SAS que dans la BPCO.
L'association du SAS à une BPCO (" overlap syndrome ") ou à une obésité, avec possible trouble ventilatoire restrictif et/ou hyposensibilité des centres respiratoires aux stimuli hypoxiques et hypercapniques, joue un rôle très probablement favorisant dans l'installation d'une HTAP permanente. La survenue d'une HTAP dans les formes pures de SAS semble cependant possible [ 100 ].
Il est à noter que l'HTAP du SAS peut diminuer après traitement des apnées par ventilation en pression positive au masque [ 78], [101 ].

De nombreuses pathologies peuvent donner des atteintes inflammatoires vasculaires pulmonaires. On peut citer les vascularites infectieuses, éosinophiles, granulomateuses ou nécrosantes. Toutes ces formes de granulomatose, d'inflammation chronique avec ou sans fibrose, peuvent entraîner des lésions sévères artérielles et veineuses. L'HTAP s'observe essentiellement au cours des connectivites (sclérodermie, connectivite mixte, lupus érythémateux), alors qu'elle est exceptionnelle lors des angéites nécrosantes (périartérite noueuse, angéite de Churg et Strauss, maladie de Wegener) et des vascularites des gros troncs (artérite de Takayashu, maladie de Behçet). Même si le degré de l'atteinte parenchymateuse, les troubles de ventilation perfusion, l'hypoxémie de repos et l'importance de la dysfonction ventilatoire sont des facteurs déterminants de l'installation d'une HTAP [ 112 ], nous ne parlerons ici que des HTAP en rapport avec une obstruction des artères et artérioles pulmonaires et non de celles secondaires à la fibrose pulmonaire interstitielle diffuse. L'association à une atteinte pulmonaire parenchymateuse infraclinique ou radiologique à l'origine d'une altération de la fonction respiratoire ne peut cependant être toujours exclue.
L'HTAP primaire est fréquente dans la sclérodermie avec une prévalence de 33 % dans l'étude d'Ungerer chez 49 patients [ 112 ], de 9 % dans l'étude de Stupi chez 673 patients avec sclérodermie, et 331 avec syndrome de CREST [ 107 ]. Dans cette étude, la capacité de diffusion du CO et la radiographie thoracique étaient prédictifs de l'HTAP.
L'HTAP est le plus souvent d'installation tardive. Les signes fonctionnels précoces sont une diminution de la tolérance à l'exercice avec dyspnée. Le syndrome de Raynaud est constant au cours des sclérodermies avec HTAP primaire [ 107 ].
Parmi les examens complémentaires non invasifs, la mesure de la capacité de diffusion pulmonaire de l'oxyde de carbone (DLCO) semble posséder une valeur prédictive de survenue de l'HTAP, une DLCO très abaissée en l'absence d'atteinte pulmonaire clinique et radiologique est corrélée avec l'apparition d'une HTAP dans un délai moyen de 3 ans [ 107 ]. L'étude hémodynamique révèle une HTAP précapillaire avec des valeurs moyennes de PAP inférieures à celles observées dans l'HTAP primitive [ 90 ].
Les modifications vasculaires affectent les artères de moyen et petit calibre. Elles consistent en une prolifération et une fibrose intimale, et une hypertrophie marquée de la média des artères et des veines pouvant entraîner une oblitération vasculaire complète [ 31 ]. Une constitution locale de thromboses est alors possible avec aggravation de l'hypertension. Des anomalies similaires ont été observées au sein des artérioles digitales de patients atteints de syndrome de Raynaud et dans les vaisseaux pulmonaires de patients atteints de syndrome de CREST [ 102 ].
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer les mécanismes à l'origine de cette HTAP, les trois principales étant une vasoconstriction pulmonaire hypoxique, des phénomènes vasomoteurs semblables à ceux observés dans le syndrome de Raynaud, et une obstruction vasculaire pulmonaire [ 25 ].
La survenue de l'HTAP est un tournant de la maladie avec un taux de survie de 40 % à 2 ans alors qu'il est de 88 % chez les sujets sclérodermiques sans HTAP [ 102 ].
Dans les connectivites mixtes, l'HTAP a une prévalence de l'ordre de 30 % et constitue la manifestation respiratoire la plus grave de la maladie, l'évolution étant généralement fatale [ 55 ]. Les principales anomalies histologiques décrites témoignent d'un mécanisme vasculaire primitif à l'origine de l'HTAP. Les lésions sont variées (angiopathie plexogénique, artérite nécrosante, nécrose fibrinoïde, prolifération intimale, hypertrophie de la média) témoignant de la complexité étiopathogénique de cette maladie [ 25 ]. L'importance des lésions histologiques semble être corrélée avec la sévérité de l'HTAP au cathétérisme cardiaque [ 108 ].
L'HTAP est beaucoup plus rare au cours du lupus érythémateux disséminé avec une prévalence de moins de 1 % dans les études rétrospectives [ 25 ]. Les femmes développent une HTAP dix fois plus souvent que les hommes [ 9 ]. Un syndrome de Raynaud est observé chez 60 % des patients lupiques avec HTAP alors qu'il n'est décrit que dans 30 % de la population lupique générale. De même la présence de facteurs rhumatoïdes est notée chez 65 % des HTAP lupiques contre 20 à 30 % dans la population lupique générale [ 25 ].
L'atteinte histologique la plus fréquente est une prolifération intimale avec hypertrophie concentrique de la média obstruant la lumière vasculaire. Les mêmes hypothèses étiopathogéniques que pour la sclérodermie sont émises avec, en cas de thromboses pulmonaires in situ, une association fréquente à un anticoagulant circulant dans le cadre d'un syndrome des antiphospholipides [ 9 ].
Le pronostic se rapproche de celui de l'HTAP primitive avec une survie de 52 % à 2 ans [ 25 ].

C'est une maladie thromboembolique chronique compliquée d'HTAP précapillaire. Le diagnostic repose habituellement sur l'existence d'anomalies de la perfusion à la scintigraphie pulmonaire (au moins un défect segmentaire) et d'un aspect angiographique caractéristique. L'HTAP postembolique est rare et sa prévalence est mal connue de façon précise. Elle est estimée à 0,1-0,2 % après embolie pulmonaire aiguë massive [ 80], [90 ] mais augmentera probablement avec un meilleur suivi des patients à distance d'un accident thromboembolique veineux.
La physiopathologie de cette maladie reste discutée et soulève deux hypothèses [ 80], [91 ].

- La défaillance de la fibrinolyse physiologique entraînant un défaut de résolution des embolies pulmonaires ; le thrombus subit une endothélialisation, une réorganisation et une reperméabilisation, et devient adhérent à la paroi artérielle pulmonaire sous forme d'un thrombus fibreux.
- Le dépassement des capacités fibrinolytiques physiologiques, secondaire à une embolie pulmonaire massive et/ou des embolies récidivantes, avec résorption incomplète des caillots. Il est actuellement impossible de définir le facteur de risque individuel prédictif d'une absence de résolution complète des caillots, et aucune étude jusqu'à présent n'a démontré un déficit de la fibrinolyse physiologique. Si l'obstruction vasculaire pulmonaire est le principal mécanisme d'augmentation des résistances vasculaires pulmonaires, des lésions d'artériopathie plexiforme et/ou microthrombotique (notamment dans les embolies distales) à la fois dans les territoires obstrués et non obstrués, contribuent au développement et à l'aggravation de l'HTAP.

Le diagnostic de coeur pulmonaire chronique postembolique est souvent fait tardivement au stade d'insuffisance cardiaque droite. Le cathétérisme cardiaque droit révèle souvent une HTAP précapillaire très sévère. Les pressions moyennes dans l'artère pulmonaire peuvent atteindre des valeurs égales ou supérieures à 50 mmHg [ 26], [80 ].
La symptomatologie clinique n'est pas spécifique. La dyspnée d'effort est le symptôme le plus souvent révélateur. Il s'agit d'une dyspnée progressivement croissante dont l'intensité est corrélée à l'importance de l'obstruction vasculaire. Son début est difficile à faire préciser. Elle s'installe, en général, plusieurs mois après le premier épisode d'embolie. L'hémoptysie, rare, est due à l'hypervascularisation bronchique, secondaire à l'embolie chronique.
Les données de l'interrogatoire sont d'une grande valeur diagnostique, retrouvant dans deux tiers des cas des antécédents familiaux et/ou personnels d'accident thromboembolique veineux, de douleurs thoraciques non étiquetées, de pneumopathies à répétition sans étiologie précise, et des facteurs de risque de thrombose. L'existence de séquelles veineuses au niveau des membres inférieurs (mauvais état veineux, séquelles cutanées) a une grande valeur diagnostique. Un souffle systolique ou continu, peu intense, peut être audible sur tout le thorax, en dehors de l'aire cardiaque. Il traduit l'existence d'une obstruction partielle des artères pulmonaires par des thrombus [ 80 ].
La radiographie thoracique peut retrouver des anomalies évocatrices d'une étiologie embolique. Outre une dilatation parfois asymétrique des artères pulmonaires, elle peut révéler une image d'obstruction vasculaire généralement visible au niveau de l'artère lobaire inférieure droite sous forme d'une dilatation se terminant par une zone effilée en " queue de radis ". Plus rarement on peut observer une asymétrie de perfusion pulmonaire avec des zones d'hyperclarté ou des anomalies pleurales séquellaires d'un infarctus pulmonaire (fig. 2).
La scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion est un examen essentiel dans le diagnostic de la maladie thrombolique chronique (fig. 5). Elle montre des defects de perfusion plus ou moins systématisés, segmentaires, lobaires, voire une exclusion totale d'un poumon, associés à une ventilation conservée dans les mêmes territoires, réalisant l'aspect classique de " mis-match ". Une scintigraphie pulmonaire de perfusion normale exclut avec une quasi-certitude le diagnostic d'HTAP postembolique et évoque une hypertension artérielle pulmonaire primitive (HTAPP) [ 30], [91], [96 ].

L'angiographie pulmonaire retrouve souvent des aspects évocateurs de maladie thromboembolique chronique et précise la topographie exacte de l'obstruction vasculaire, une éventuelle thromboendartériectomie ne pouvant être indiquée qu'en cas d'obstruction proximale. Les images décrites peuvent être : une image d'arrêt cupuliforme concave ou " pouching " traduisant la présence d'un thrombus complètement ou partiellement obstructif, des irrégularités pariétales traduisant la présence d'un thrombus marginé, une dilatation irrégulière des artères pulmonaires, une réduction de calibre d'une artère pulmonaire lobaire ou segmentaire en " queue de radis " traduisant la présence d'un thrombus recanalisé, des bandes intravasculaires moins radio-opaques que le reste de l'artère ou " webs " traduisant la présence d'un thrombus organisé sous forme annulaire et des zones d'hypovascularisation ou d'avascularisation, avec prolongement du temps artériel et retard du retour veineux [ 6 ].
Cependant, la lecture de l'angiographie n'est pas toujours aisée, et dans certains cas difficiles, le diagnostic peut nécessiter une angioscopie pulmonaire [ 64 ], ou une échographie endovasculaire [ 92 ] qui restent des techniques d'exception, mais utiles pour éliminer un sarcome, une compression ou une agénésie de l'artère pulmonaire et préciser le caractère proximal des obstructions vasculaires pulmonaires.
Une phlébographie des membres inférieurs est réalisée de façon systématique à la recherche de séquelles de phlébite.
La résonance magnétique nucléaire apparaît comme une méthode d'avenir, montrant directement l'épaississement des parois vasculaires par les caillots marginés. Il semble qu'une relation linéaire existe entre l'intensité des signaux à l'intérieur des vaisseaux pulmonaires proximaux et les niveaux de pression et de résistance artérielle pulmonaire [ 39], [99], [109 ]. Le scanner thoracique permet de visualiser le thrombus sous forme d'une hypodensité accolée à la paroi et d'en préciser le siège [ 37], [109 ].
Le pronostic de l'HTAP postembolique est grave avec, au stade d'HTAP maligne, définie par une pression auriculaire droite (POD) supérieure à 8 mmHg, un index cardiaque inférieur à 2,2 l/min/m2 et des résistances vasculaires pulmonaires totales supérieures à 20 UI/m2, une survie actuarielle de 30 % à 5 ans [ 21 ].

C'est une maladie rare de cause inconnue. Le diagnostic n'est retenu qu'en l'absence de toute cause identifiable d'HTAP précapillaire, notamment une maladie thromboembolique. L'incidence de l'HTAPP n'est pas connue de façon précise. Sa mise en évidence est rendue difficile par la non-spécificité des symptômes révélant la maladie et par la nécessité d'un cathétérisme cardiaque pour affirmer le diagnostic. Aux États-Unis, la prévalence est évaluée à moins de 1 % des malades présentant un coeur pulmonaire chronique sur des séries autopsiques ou après cathétérisme cardiaque. En France, Brenot et coll. ont rapporté une série de 125 patients sur une période de 10 ans [ 19 ].
L'HTAPP affecte le sujet jeune entre 20 et 40 ans avec une prédominance féminine nette (sex-ratio de 1,7/1). La race noire est également atteinte avec 12 % des cas dans la série nord-américaine [ 89 ].
Le rôle favorisant d'un certain nombre de facteurs associés à l'HTAPP est probable.
Le rôle de facteurs médicamenteux est discuté. Les dérivés amphétaminiques anorexigènes ont été incriminés dès les années 1960, lorsque l'on a observé une augmentation brutale de l'incidence d'HTAPP après commercialisation en Europe du fumarate d'aminorex [ 59 ]. La baisse de l'incidence après retrait du produit a permis de confirmer une relation de cause à effet. Dans les années 1980, plusieurs cas d'HTAPP ont été rapportés après utilisation de fenfluramine [ 11 ]. Récemment, Brenot et coll. [ 18 ] ont rapporté une série de 15 HTAPP survenues chez des patientes traitées par fenfluramine avec un délai moyen de 12 mois entre le début du traitement et l'apparition des symptômes d'HTAP. Les caractéristiques cliniques et hémodynamiques de ces patients sont comparables à celles des autres cas d'HTAPP de la même série. Les mécanismes responsables d'HTAP chez les patients utilisant des anorexigènes ne sont pas clairs. Tous les anorexigènes (amphétamines ou fenfluramine) ont un effet sympathomimétique et sérotoninergique plus ou moins important [ 59], [103 ]. Or, la sérotonine a un effet synergique avec le " platelet-derived growth factor " (PDGF) sur la prolifération des cellules musculaires lisses.
Le rôle des hormones sexuelles féminines n'a jamais été confirmé.
Un syndrome de Raynaud isolé, surtout chez les femmes, est rapporté avec une fréquence de 10 % et la présence de facteurs antinucléaires est observée dans 25 % des cas. A l'inverse, la survenue d'HTAP précapillaire est décrite au cours de la sclérodermie systémique, du lupus, de la polyarthrite rhumatoïde et de la dermatopolymyosite.
Des cas d'HTAPP familiales sont rapportés avec une fréquence de 7 % dans le registre national américain [ 68 ]. Un mode de transmission autosomique dominant est possible.
L'association d'une HTAP à une hypertension portale [ 19], [93 ] est bien connue actuellement. Il s'agit le plus souvent d'une cirrhose hépatique, qui est compliquée d'une HTAP dans 0,25 à 0,75 % des cas. Mais il peut s'agir également d'une hypertension portale d'origine extrahépatique (agénésie ou thrombose de la veine porte). Le diagnostic d'HTAP est généralement porté après celui d'hypertension portale. Les lésions histologiques sont celles d'une HTAPP classique. Le mécanisme physiopathologique de cette HTAP est inconnu : on évoque le rôle de substances vasoactives pulmonaires qui ne seraient pas métabolisées par le foie. Le pronostic de l'HTAP associée à l'hypertension portale semble plus favorable que celui des autres formes d'HTAPP. L'HTAP peut parfois régresser après transplantation hépatique isolée mais il faut souligner que les observations rapportées ne concernent que des HTAP modérées, et que l'HTAP peut s'aggraver notablement au moment des anastomoses vasculaires hépatiques.
Enfin, plusieurs cas d'HTAPP ont été récemment rapportés au cours de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine [ 27], [52 ].
La classification morphologique proposée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) établit trois types histologiques des lésions morphologiques [ 87], [115 ].

Artériopathie pulmonaire plexogénique ou plexiforme
Elle n'est pas spécifique de l'HTAPP, puisqu'elle s'observe également au cours d'HTAP secondaires, notamment dans les cardiopathies congénitales. L'évolution s'effectue en quatre stades, affectant les artères musculaires et les artérioles de façon diffuse sans topographie dominante. L'hypertrophie de la média est la première modification observée, résultant de la prolifération des cellules musculaires lisses (stade I) ; puis il s'y associe une prolifération cellulaire intimale par multiplication de myofibroblastes dans l'intima et migration de cellules musculaires lisses de la média, réduisant de façon considérable la lumière artérielle (stade II). Certaines de ces lésions sont considérées comme réversibles. A un stade plus avancé, la synthèse de collagène et d'élastine par les cellules de l'intima aboutit à la fibrose concentrique (stade III), réalisant l'aspect typique en " bulbe d'oignon ". Enfin, les lésions plexiformes traduisent un stade avancé de la maladie (stade IV). Elles correspondraient à un processus de destruction pariétale en rapport avec des lésions de nécrose fibrinoïde associées à des lésions d'artérite représentant une prolifération cicatricielle et une recanalisation partielle. La lésion plexiforme est spécifique de l'artériopathie plexogénique, mais n'est pas constante. Cet aspect se rencontre dans 28 à 75 % des cas et serait plus fréquent chez la femme.

Artériopathie pulmonaire thrombotique
Elle est définie par des lésions qui siègent électivement au niveau des artères musculaires sans répartition topographique. Elle est évoquée devant la présence de bourgeons fibreux faisant saillie dans la lumière, associés à de nombreux thrombi, organisés et recanalisés. Aucun mécanisme physiopathologique n'est clairement démontré actuellement à l'origine de ces lésions. On ne retrouve pas non plus chez ces patients, de cause à une éventuelle maladie thromboembolique. Cependant, il peut s'agir d'une maladie thromboembolique silencieuse, dans laquelle l'atteinte proximale a disparu en raison de la fragmentation de l'embole, soit par fibrinolyse, soit lors de son impact sur le lit vasculaire pulmonaire, provoquant de multiples occlusions des artères pulmonaires distales. Le rôle d'un dysfonctionnement des cellules endothéliales pouvant entraîner des thromboses in situ a également été avancé. La survie plus prolongée des patients atteints d'une HTAPP recevant un traitement anticoagulant oral au long cours souligne l'importance des phénomènes de thrombose, tout au moins dans l'évolution naturelle de la maladie [ 46 ]. L'artériopathie thrombotique est retrouvée dans 20 à 57 % des cas selon les séries, dans les deux sexes, et semble intéresser une population plus âgée (> 40 ans) que celle des HTAPP par artériopathie plexogénique (< 25 ans).

Maladie veino-occlusive
Elle se caractérise par une atteinte primitive des veines et veinules pulmonaires, qui sont le siège d'une prolifération et d'une fibrose intimale. A ces lésions veineuses, peuvent s'associer des lésions identiques au niveau des artères pulmonaires, avec fibrose intimale et hypertrophie de la média. Cependant, le profil hémodynamique habituel de la maladie veino-occlusive est celui d'une HTAP postcapillaire.
L'augmentation des résistances pulmonaires est secondaire à une vasoconstriction et une prolifération des cellules musculaires lisses et des fibroblastes. Plusieurs facteurs sont probablement impliqués : libération par les plaquettes de facteurs vasoactifs et de facteurs de croissance tel le PDGF, modifications intrinsèques des cellules endothéliales avec dérèglement du contrôle de la croissance et de la différenciation de la cellule musculaire lisse aboutissant à la muscularisation des artérioles pulmonaires avec diminution du calibre de la lumière artérielle. Une susceptibilité génétique endothéliale et/ou plaquettaire individuelle prédisposerait les sujets à développer une HTAP en présence d'agents divers tels que médicaments, virus, hormones ou toxiques [ 89], [93 ].
Le diagnostic d'HTAPP est souvent porté au stade de CPC, en moyenne 20 mois après le début des symptômes [ 19 ]. La symptomatologie clinique n'est pas spécifique. La dyspnée d'effort est la plainte fonctionnelle majeure, variable selon le stade évolutif. L'asthénie peut être présente dans plus de 25 % des cas, les lipothymies et les syncopes sont plus fréquentes au cours de l'HTAPP que dans les autres formes d'HTAP.
La scintigraphie pulmonaire de perfusion est un examen essentiel pour le diagnostic d'HTAPP. Une perfusion normale ou hétérogène est plutôt en faveur d'une artériopathie pulmonaire plexogénique. Par contre, des troubles de perfusion mal systématisés (" patching perfusion ") sont en faveur d'une artériopathie pulmonaire thrombotique ou d'une maladie veino-occlusive [ 89 ]. L'angiographie pulmonaire est nécessaire en cas de troubles de perfusion diffus à la scintigraphie pour éliminer une maladie thromboembolique chronique qui pourrait, éventuellement, bénéficier d'une thromboendartérectomie. On décrit classiquement une dilatation des artères pulmonaires associée à une hypovascularisation périphérique avec un réseau artériel tortueux et grêle sans irrégularité de paroi (fig. 6). Le cathétérisme cardiaque droit n'est pas dénué de risques chez ces patients, avec une mortalité de l'ordre de 5 à 10 % [ 89 ]. Il permet cependant d'évaluer la réponse aux vasodilatateurs et de fixer le pronostic [ 94 ].

L'évolution spontanée de l'HTAPP se fait vers la défaillance ventriculaire droite chronique et le décès. Deux populations distinctes peuvent néanmoins être individualisées : les patients porteurs d'une HTAPP de gravité modérée, avec au cathétérisme droit une POD < 8 mmHg, un IC > 2,2 l/min/m2, des résistances vasculaires pulmonaires totales < 20 UI/m2 et les patients porteurs d'une HTAPP maligne définie par une POD > 8 mmHg, un IC < 2,2 l/min/m2 et des résistances vasculaires pulmonaires totales > 20 UI/m2. La survie moyenne est de 50 % à 5 ans dans le premier groupe et seulement de 10 % à 2 ans dans le second [ 19 ].

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Il s'adresse, d'une part, à l'affection causale, d'autre part au retentissement de l'HTAP sur le coeur droit, la circulation de retour et le coeur gauche.

Les effets bénéfiques de l'OLD, en termes d'espérance de vie, n'ont été démontrés que chez les patients BPCO ayant une hypoxémie franche inférieure à 55-60 mmHg. Les études NOTT et MRC [ 49], [84 ] ont montré que l'OLD utilisée pendant plus de 15 h/24 h chez ces patients améliorait significativement la survie, avec soit amélioration [ 49 ] soit stabilisation de l'HTAP [ 84 ].
Les résultats hémodynamiques sont d'autant meilleurs que la durée quotidienne de traitement est longue (> 16h/24h) et les patients répondant par une baisse de la PAP après oxygénothérapie de brève durée, ont un meilleur pronostic en terme de survie [ 10 ].
L'oxygénothérapie est indiquée en présence d'une PaO2 inférieure à 55 mmHg à l'état stable, qu'il y ait ou non une HTAP. L'HTAP avec PaO2 comprise entre 55 et 65 mmHg est de même une indication à l'OLD, a fortiori si d'autres causes à cette HTAP ne sont pas retrouvées (association à un SAS) ou s'il existe des désaturations nocturnes ou une polyglobulie. Le débit d'oxygène est réglé de façon à obtenir une PaO2 > 65 mmHg sans majoration majeure de l'hypercapnie, ce qui correspond habituellement à un débit entre 0,5 et 2 l/min. Ce débit est déterminé lors d'une hospitalisation courte, pendant laquelle une oxymétrie nocturne doit être effectuée afin de vérifier que les éventuelles désaturations nocturnes liées au sommeil sont bien corrigées par l'oxygénothérapie.
Dans les autres étiologies d'HTAP l'indication de l'OLD est portée quand il existe une hypoxémie chronique, et ce bien qu'aucune étude n'ait évalué le bénéfice en terme de survie.

Les effets bénéfiques attendus d'un traitement vasodilatateur sont une diminution de la PAP et des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) avec augmentation concomitante du DC. Ce traitement doit être, en outre, efficace au long cours et avoir le moins d'effets secondaires possibles. En abaissant les résistances vasculaires pulmonaires et systémiques, les vasodilatateurs artériels entraînent une diminution de la post-charge ventriculaire droite et gauche. La prostacycline est le vasodilatateur pulmonaire le plus puissant et le plus sélectif. La réponse vasodilatatrice à la prostacycline, rendant compte d'une composante réversible, semble avoir une valeur prédictive sur la réponse aux autres vasodilatateurs, intéressante dans l'éventualité d'un traitement au long cours. L'effet vasodilatateur est défini selon les auteurs par une baisse des RVP de 20 à 30 % [ 19], [83], [91], [116 ]. L'absence de réponse à la protacycline entraîne l'arrêt de l'épreuve pharmacodynamique qui n'est pas dénuée de risques. Si la réponse en aigu est bien établie, les effets au long cours de ces vasodilatateurs ne sont pas clairement démontrés [ 83], [98 ]. L'administration intraveineuse continue de la prostacycline a été proposée par Rubin et Higenbottam [ 53], [95 ] et semble donner des résultats encourageants dans les HTAPP sévères. D'autres vasodilatateurs appartenant à des classes pharmacologiques différentes ont été également proposés. Il s'agit surtout des inhibiteurs calciques à fortes doses par voie orale qui peuvent entraîner une amélioration hémodynamique, une meilleure tolérance à l'effort, voire une régression de l'insuffisance ventriculaire droite [ 19], [83], [89], [116 ]. Cependant, ce traitement vasodilatateur chronique n'est efficace que chez 50 % des patients répondant au test à la prostacycline [ 19], [83 ] et l'amélioration de la survie globale n'est pas démontrée. Un échappement thérapeutique survient, en général, au bout de 3 à 6 mois de traitement.
Dans l'HTAP postembolique, l'effet des vasodilatateurs a été très peu étudié. Dans l'HTAP secondaire aux BPCO, les effets des inhibiteurs calciques en aigu sont bien documentés mais les bénéfices au long cours restent à être démontrés [ 1], [117 ], ce d'autant que les effets secondaires ne sont pas négligeables avec hypotension artérielle systémique, effet inotrope négatif et aggravation de l'hypoxémie [ 97 ]. Les vasodilatateurs pulmonaires ne sont donc pas indiqués dans l'HTAP des BPCO [ 117 ].
Le NO en inhalation est actuellement étudié et apparaît comme une nouvelle approche thérapeutique de ces HTAP. L'effet vasodilatateur pulmonaire du NO inhalé lors d'un test aigu dans l'HTAPP est comparable à celui de la prostacycline [ 85 ] avec l'avantage d'être très sélectif, n'entraînant donc pas comme les autres vasodilatateurs des effets systémiques importants. Dans une étude récente, Adnot et coll. [ 3 ] ont montré chez des patients BPCO avec HTAP, que l'inhalation de NO à une concentration de 40 ppm entraîne une baisse de la PAP, des RVP et une amélioration des rapports ventilation-perfusion avec augmentation significative de la PaO2. Le NO inhalé pourrait être utilisé pour tester en aigu la réponse vasodilatatrice dans l'HTAPP avec un rapport coût/risque nettement plus favorable que la prostacycline. L'intérêt et les modalités pratiques de l'administration continue du NO inhalé dans l'HTAP primitive et celle des IRCO restent à évaluer.

Un traitement anticoagulant au long cours est indiqué dans l'HTAP postembolique mais également dans l'HTAP primitive. En effet, dans une étude rétrospective portant sur 120 patients atteints d'HTAPP, Fisher et coll. [ 39 ] ont montré une amélioration significative de la survie chez les patients recevant un traitement anticoagulant au long cours. On recommande habituellement de débuter, à un stade précoce de l'évolution de la maladie, un traitement antivitamine K à doses curatives, en visant un INR (" International Normalized Ratio " entre 2 et 3 [ 46], [89 ]. Certains auteurs préconisent l'héparine sous-cutanée à doses efficaces, compte tenu de ses propriétés inhibitrices sur la prolifération du muscle lisse vasculaire démontrées chez l'animal [ 39 ]. Ces effets restent néanmoins à démontrer chez l'homme. L'interruption de la veine cave inférieure peut être discutée dans les HTAP postemboliques. Dans cette indication, elle est réalisée de façon quasi systématique par l'équipe de Moser [ 80 ] et proposée uniquement en cas de thrombose veineuse des membres inférieurs par d'autres auteurs.
Dans l'HTAP des insuffisants respiratoires chroniques et du syndrome d'apnée du sommeil, le traitement anticoagulant n'est indiqué qu'en cas d'insuffisance ventriculaire droite.

De nombreuses études cliniques ont montré qu'en l'absence de dysfonction ventriculaire gauche associée, les digitaliques n'amélioraient pas la fonction ventriculaire droite des patients présentant un CPC [ 75], [102 ]. De plus, l'hypoxie constitue un facteur pouvant favoriser la survenue de troubles rythmiques induits par les digitaliques. Les digitaliques n'ont donc pas de place dans le traitement du CPC.
Les effets bénéfiques potentiels des diurétiques dans le CPC sont d'une part la diminution de la PAP liée à la baisse de la pression capillaire pulmonaire et d'autre part la diminution du syndrome oedémateux périphérique. Leur utilisation doit cependant être très prudente car une déplétion volémique trop importante peut provoquer une baisse du DC liée à la diminution de la précharge ventriculaire droite. D'autre part, l'hémoconcentration qu'ils induisent, peut aggraver une éventuelle polyglobulie et ainsi, par le biais de l'hyperviscosité sanguine, majorer la PAP. Enfin, chez les patients hypercapniques chroniques, les thiazidiques et les diurétiques de l'anse peuvent majorer l'hyperbasémie et par ce biais aggraver l'hypoventilation alvéolaire [ 51 ]. Les diurétiques ne doivent donc être prescrits chez ces patients qu'avec prudence sous surveillance clinique et biologique.
Plusieurs études réalisées chez des patients BPCO, polyglobuliques ont démontré que la saignée entraînait une diminution de l'HTAP et améliorait la tolérance à l'effort. Cependant, l'intérêt clinique à long terme de saignées répétées n'est pas démontré [ 123 ]. De plus, l'OLD a limité considérablement leur indication.

Les critères de sélection pour une thromboendartériectomie sont bien définis par Moser [ 80 ] : l'obstruction proximale au niveau du tronc de l'artère pulmonaire, d'une artère pulmonaire principale ou lobaire, avec des RVP > 300 dynes·s·cm-5 et l'absence de tare viscérale. La thromboendartériectomie est réalisable soit par sternotomie exposant mieux le tronc de l'artère pulmonaire, soit par thoracotomie. Les résultats hémodynamiques sont souvent excellents, avec une diminution très importante des RVP et des pressions dans l'artère pulmonaire. Les risques opératoires sont identiques à ceux de la chirurgie cardiaque, auxquels s'ajoute l'oedème de reperfusion dans les territoires désobstrués. La mortalité dans la série de Moser [ 80 ], est de 12 % et est surtout liée à l'insuffisance ventriculaire droite réfractaire, avec nécrose du VD en postopératoire. Elle est l'apanage presque exclusif des formes chroniques évoluées. L'obésité est un autre facteur pronostique majeur [ 26], [32 ]. La thromboendartériectomie doit être préférée, si possible, à la greffe pulmonaire puisqu'elle permet des améliorations fonctionnelles notables, sans recours à une immunosuppression, avec des survies de plus de 10 ans [ 57], [80 ].

La transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaire est indiquée dans les HTAPP malignes ne répondant pas et/ou échappant au traitement vasodilatateur et dans les HTAP postemboliques sévères si la thromboendartériectomie n'est pas réalisable. La transplantation bipulmonaire est la méthode de choix dans ces HTAP, car ses résultats en termes de réduction des pressions pulmonaires, d'amélioration de la fonction ventriculaire droite et de diminution de la dyspnée d'effort sont comparables à ceux de la transplantation cardiopulmonaire, avec un taux de mortalité plus faible. Les indications de la transplantation cardiopulmonaire pour HTAP sont réservées aux formes associées à une pathologie cardiaque gauche (fraction d'éjection ventriculaire gauche inférieure ou égale à 35 % et/ou maladie coronaire) ou compliquées d'une dysfonction ventriculaire droite majeure.
L'HTAP des insuffisances respiratoires chroniques constitue rarement à elle seule l'indication d'une transplantation pulmonaire, mais elle représente un des facteurs pronostiques qui interviennent dans l'indication de la transplantation. Le choix du type de transplantation dépend essentiellement de la maladie pulmonaire en cause : transplantation unipulmonaire pour les fibroses pulmonaires, bipulmonaire pour les suppurations bronchiques diffuses (mucoviscidose), uni- ou bipulmonaire pour les emphysèmes en fonction de l'âge et du risque opératoire.
Les résultats des transplantations pulmonaires et cardiopulmonaires ne sont pas excellents. En effet, le taux de survie actuarielle est en moyenne de 60 à 70 % à 1 an, et de l'ordre de 40 % à 4 ans. Néanmoins, dans les HTAP malignes résistant au traitement médical, le taux de survie des patients greffés est largement supérieur à celui des patients non greffés. A l'opposé, le bénéfice de la transplantation pulmonaire en termes de survie n'est pas démontré chez les patients emphysémateux, même si l'amélioration fonctionnelle est indiscutable. Le pronostic à moyen et long terme des transplantations pulmonaires est grevé par la survenue d'une bronchiolite oblitérante chez plus d'un tiers des patients greffés.

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