Communications à l'étage ventriculaire







Guy Vaksmann: Praticien hospitalier
Hôpital cardiologique, service de cardiologie infantile, boulevard du Professeur-J.-Leclercq, 59037 Lille cedex France
Mourad Jarrar: Chef de clinique associé
11-041-K-10 (1995)



Résumé

Une communication interventriculaire (CIV) est une déhiscence de la cloison interventriculaire qui met en communication les deux ventricules. Il s'agit de la plus fréquente des malformations cardiaques congénitales et est rencontrée quotidiennement dans les consultations de cardiologie infantile. Dans leur forme isolée, elles représentent plus de 20 % des cardiopathies congénitales mais peuvent aussi être un des éléments d'un complexe malformatif impliquant d'autres structures cardiaques (tétralogie de Fallot, canal atrioventriculaire, atrésie tricuspide, tronc artériel commun...). Seules les CIV isolées, ou celles associées à des anomalies compliquant l'évolution d'une communication initialement isolée seront abordées dans ce chapitre. Dans des séries basées sur des données d'examen clinique, sa prévalence varie de 1,35 à 2,94 pour mille naissances vivantes [ 44 ], mais il est probable que grâce aux développements des techniques diagnostiques notamment ultrasonographique cette prévalence soit encore plus élevée comme tendraient à le montrer les études épidémiologiques les plus récentes [ 71 ].

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Plan

Anatomie
Physiopathologie
Classification hémodynamique des communications interventriculaires
Manifestations cliniques
Electrocardiogramme
Signes radiographiques
Echocardiographie et Doppler
Autres explorations non invasives
Cathétérisme et angiographie
Histoire naturelle et évolution
Traitement
Problèmes particuliers

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Ces quinze dernières années, les développements des techniques de cinéangiographie axiale et d'échocardiographie ont facilité la localisation des CIV et ont entraîné une modification de leur nomenclature. La localisation exacte du défaut septal n'a pas seulement une valeur sémantique mais a également des implications quant aux possibilités de réduction de calibre voire de fermeture spontanée. De plus, certaines localisations peuvent exposer à certaines complications comme les régurgitations aortiques ou les obstructions de la voie d'éjection du ventricule gauche. Enfin, lorsqu'une fermeture chirurgicale est envisagée, la localisation de la CIV peut conditionner la voie d'abord et renseigner le chirurgien sur les rapports de la malformation avec le tissu de conduction. On comprend ainsi pourquoi la nomenclature idéale des CIV doit être comprise à la fois par les angiographistes, les échocardiographistes et les chirurgiens.

Le septum interventriculaire est une structure complexe, hélicoïdale, que l'on peut diviser en quatre segments en fonction de repères anatomiques situés sur sa face ventriculaire droite (fig. 1). Le septum d'admission forme la partie postérieure de la cloison interventriculaire au contact des valves auriculoventriculaires et sépare les chambres d'entrée des deux ventricules. Il s'étend en arrière de l'insertion septale des feuillets tricuspides jusqu'au muscle papillaire du conus en avant. Le septum trabéculé sépare la portion apicale grossièrement trabéculée du ventricule droit, de celle finement trabéculée du ventricule gauche. Sur son versant droit, il est traversé dans sa partie moyenne par une bande musculaire : la trabécule septomarginale. Le septum infundibulaire ou conal sépare les chambres de chasse des deux ventricules. Il est isolé du septum trabéculé par la bande septale. Le septum membraneux est une petite zone à partir de laquelle irradient ces trois segments et dont la plus grande partie, le segment interauriculoventriculaire, sépare le ventricule gauche de l'oreillette droite. Du côté ventriculaire droit, il est situé à proximité du feuillet tricuspide antéroseptal. A gauche, il est adjacent à la commissure qui unit les valvules aortiques coronaire droite et non coronaire.

La figure 2 est une représentation schématique des différents types de CIV vues sur leur versant ventriculaire droit. Ces communications peuvent être divisées entre celles qui sont entièrement bordées de tissu musculaire et celles dont une des berges est constituée de tissu valvulaire. Les communications de ce deuxième groupe peuvent être encore subdivisées entre celles qui sont sous-aortiques au contact du noyau fibreux central appelées communications périmembraneuses et celles dans lesquelles les anneaux aortique et pulmonaire sont en continuité. Ces communications sont donc non seulement sous-aortiques mais également sous-pulmonaires et sont appelées communications interventriculaires sous-artérielles. La classification précise des CIV proposée par Anderson [ 4 ] fait également intervenir la ou les portions du septum interventriculaire dans lesquelles s'étend le défaut septal (tableau I).



Les communications membraneuses dépassent presque toujours les limites du septum membraneux pour s'étendre vers un des trois segments musculaires de la cloison interventriculaire, c'est pourquoi le terme de périmembraneuses leur convient mieux. Ces communications sont toujours surplombées par le noyau fibreux central et l'anneau aortique. Elles représentent la majorité des communications interventriculaires qui font l'objet d'une fermeture chirurgicale.
Les formes à extension postérieure vers le septum d'admission sont au contact direct des valves auriculoventriculaires et sont situées en arrière du feuillet septal de la tricuspide qui peut les recouvrir. Le pilier médian de la tricuspide (encore appelé muscle papillaire du conus) sur lequel s'insère les cordages de ce feuillet tricuspide est situé en avant de ces communications. Les formes à extension vers le septum trabéculé sont les plus fréquentes, et leur plus grand diamètre est situé dans l'axe du pilier médian de la tricuspide qui est situé au sommet du défaut septal. Les variétés à extension infundibulaire siègent en avant du pilier médian de la tricuspide et s'accompagnent parfois d'un malalignement entre le septum infundibulaire et le septum trabéculé, comme dans la tétralogie de Fallot lorsqu'il est dévié vers la droite ou les syndromes de coarctation lorsqu'il est dévié vers la gauche.
Ces communications périmembraneuses sont situées à proximité du feuillet septal de la tricuspide et il n'est pas rare que des formations fibreuses accessoires d'origine tricuspide contribuent à la fermeture spontanée partielle, voire totale de ces défauts septaux, grâce au développement d'un anévrisme du septum membraneux. Cette éventualité est plus fréquente dans les communications étendues au septum d'admission ou trabéculé.

Ce sont les communications entièrement bordées de tissu musculaire. On les répartit en trois catégories en fonction de leur localisation dans le septum interventriculaire : CIV d'admission, trabéculées ou infundibulaires.

Communications interventriculaires trabéculées
Lorsqu'elles sont larges et situées dans la partie moyenne du septum, vues du ventricule gauche, elles forment habituellement un orifice unique mais sont souvent traversées sur leur versant ventriculaire droit par la trabécule septomarginale qui divise en deux le défaut septal et lui donne l'aspect de deux communications adjacentes.
Ces communications trabéculées sont aussi volontiers multiples et peuvent au maximum donner l'aspect en " fromage de gruyère " surtout lorsqu'elles s'étendent vers la pointe du coeur.

Communications interventriculaires d'admission
Le terme de CIV de type " canal atrioventriculaire " qui servait à les qualifier autrefois a tendance à être abandonné car ces défaut septaux se caractérisent par l'intégrité du septum atrioventriculaire et des valves auriculoventriculaires. On les distingue également des communications périmembraneuses étendues au septum d'admission par le fait qu'elles ne sont pas au contact direct des valves auriculoventriculaires mais sont séparées de ces dernières par une portion musculaire parfois minime.

Communications interventriculaires infundibulaires
Ces défauts septaux sont le plus souvent de petite taille et uniques. Leur berge supérieure est constituée de la portion restante du septum infundibulaire qui les sépare de l'orifice pulmonaire, alors que leur berge inférieure est formée par la branche postérieure de la trabécule septomarginale. Cette bande musculaire sépare la communication du tissu de conduction qui est ainsi protégé d'une éventuelle lésion peropératoire lors de la fermeture chirurgicale.

Ces CIV, fréquentes en Extrême-Orient, sont dénommées ainsi car elles sont directement situées à la fois sous les anneaux aortiques et pulmonaires. Parmi ces communications, on distingue celles qui s'étendent vers l'arrière jusqu'au septum membraneux et celles qui en sont séparées par un bourrelet musculaire. L'absence de septum sous-valvulaire aortique explique la fréquence du prolapsus d'un des feuillets valvulaires aortiques qui caractérise ce type de défaut septal.

Les rapports de la CIV avec le tissu de conduction peuvent être déduits de la position du défaut septal de même que de la nature de ses berges. Ainsi, dans les communications périmembraneuses, le faisceau de His longe toujours le bord postéro-inférieur du défaut septal [ 89 ]. Il est très proche de la crête septale dans les communications à extension vers le septum d'admission et souvent plus éloigné de cette dernière dans les communications à extension infundibulaire.
Dans les CIV musculaires les relations entre le tissu de conduction et le défaut septal sont variables. Les voies de conduction sont situées en arrière et en dessous des communications infundibulaire et sont séparées de ces dernières par un bourrelet musculaire constitué en partie par la branche postérieure de la trabécule septomarginale. Dans les communications musculaires du septum d'admission, le faisceau de His chemine au-dessus et en avant du défaut septal, alors qu'il est au contact immédiat de la berge postéro-inférieure de la déhiscence septale et dans les CIV périmembraneuses étendues au septum d'admission (cf. supra). C'est dire l'importance, en cas de communication siégeant dans le septum d'admission, d'identifier précisément la présence ou l'absence d'un bourrelet musculaire qui sépare la communication du plan des valves auriculoventriculaires et qui permettra de distinguer ces deux types de défauts septaux (fig. 3).

Les CIV du septum trabéculé sont à distance du faisceau de His. Il est toutefois possible que des ramifications des voies de conduction cheminant près des berges de ces communications soient lésées au cours d'une chirurgie réparatrice, et que des lésions exsudatives ou hémorragiques cheminant de façon rétrograde le long des gaines encerclant ces tissus de conduction soient responsables de lésions plus proximales [ 53 ].

Les CIV étendues au septum d'admission, particulièrement si elles sont périmembraneuses peuvent s'accompagner d'un malalignement du septum interventriculaire avec le septum interauriculaire. Dans cette éventualité un chevauchement de l'anneau tricuspide sur le septum interventriculaire est fréquent (cf. fig. 8) et il n'est pas rare non plus que les cordages du feuillet septal de la tricuspide traversent la CIV pour s'insérer dans la cavité ventriculaire gauche. Cette particularité anatomique dans laquelle les cordages tricuspides sont positionnés à califourchon sur le septum interventriculaire et qui complique singulièrement toute tentative de réparation chirurgicale est connue sous le nom de " straddling tricuspide ".


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La CIV représente le prototype de shunt gauche-droite. Deux paramètres régissent l'importance de ce shunt : la taille du défaut septal d'une part et le niveau des résistances vasculaires pulmonaires d'autre part. La localisation de la communication dans le septum interventriculaire n'a quant à elle, pas d'influence sur l'importance du shunt.

En dessous d'une taille critique, la CIV offre une résistance à l'écoulement du flux sanguin et est dénommée restrictive. Au-dessus de cette taille, il n'y a plus de résistance à l'écoulement et l'importance, de même que la direction, du shunt dépendent exclusivement du niveau des résistances pulmonaires. Il est communément admis que cette taille critique correspond à la dimension de l'anneau aortique [ 78 ] ; toutefois des études anatomiques ont montré que des communications non restrictives pouvaient avoir une taille inférieure à cette dimension [ 58 ]. En pratique, c'est l'évaluation hémodynamique au cours d'un cathétérisme ou d'un écho-Doppler qui permet de déterminer le caractère restrictif ou non d'une CIV. Lorsque le shunt gauche-droite est isolé, sans malformation associée notamment une sténose pulmonaire, une CIV large entraîne une égalisation des pressions entre ventricule droit, ventricule gauche, aorte et artère pulmonaire. A l'inverse, lorsque les pressions ventriculaires droites et pulmonaires sont inférieures à celles du ventricule gauche et de l'aorte, la CIV est restrictive. Parmi les CIV restrictives tous les intermédiaires sont possibles entre la CIV de petite taille avec un shunt gauche-droite négligeable et des pressions droites normales, et la CIV suffisamment large pour créer des perturbations hémodynamiques sérieuses sans toutefois que les pressions droites atteignent le niveau des pressions systémiques.

Dans les CIV larges, l'importance du shunt dépend essentiellement du niveau des résistances pulmonaires et à un moindre titre des résistances systémiques. Lorsque les résistances pulmonaires sont basses, le shunt gauche-droite est important et le débit pulmonaire est élevé. A l'inverse, lorsque ces résistances sont augmentées, le shunt gauche-droite est peu important et le retentissement de la cardiopathie est faible. Le niveau des résistances pulmonaires est influencé par de nombreux facteurs parmi lesquels l'âge, l'hématocrite, l'altitude et l'état du lit vasculaire pulmonaire. Chez le nouveau-né normal, les résistances pulmonaires sont élevées mais s'abaissent dans les heures qui suivent la naissance. En cas de CIV large, cette chute des résistances est moindre mais surtout beaucoup plus lente, c'est pourquoi les premiers troubles sont souvent retardés de quelques semaines après la naissance. Ce retard à l'abaissement des résistances est principalement dû à l'hypertrophie persistante des fibres musculaires lisses comprises dans la paroi des artérioles et des veinules pulmonaires [ 41 ]. Normalement, la maturation postnatale des vaisseaux pulmonaires s'accompagne d'une régression rapide de l'hypertrophie de la média des parois vasculaires. Des données expérimentales suggèrent qu'en cas de shunt gauche-droite, l'hyperdébit pulmonaire est responsable d'une élévation de la pression auriculaire gauche qui induit à son tour une vasoconstriction réflexe des artérioles pulmonaires [ 79 ]. Cette vasoconstriction, lorsqu'elle est prolongée, induit à la longue une hypertrophie des fibres musculaires des parois vasculaires. On explique la plus grande sensibilité aux shunts gauche-droite des prématurés par une hypertrophie moindre de la média musculaire des parois vasculaires, responsable d'une chute précoce des résistances pulmonaires.
Vogel et coll. [ 93 ] ont étudié les effets de l'altitude sur l'incidence de survenue d'une défaillance cardiaque chez des enfants ayant une CIV large. La tolérance des CIV chez des enfants vivant au Colorado était significativement meilleure que celle observée chez des enfants vivant au niveau de la mer. Les auteurs ont expliqué ce phénomène par l'effet de l'hypoxémie chronique observée en altitude qui augmente le niveau des résistances vasculaires pulmonaires.
La maladie vasculaire pulmonaire décrite initialement par Heath et Edwards en 1958 [ 42 ] s'accompagne de lésions histopathologiques caractéristiques et irréversibles : prolifération intimale, hyalinisation, fibrose puis lésions plexiformes avec nécrose aboutissant à l'occlusion des artérioles pulmonaires [ 41 ]. Elle est habituellement la conséquence tardive d'un shunt gauche-droite négligé et survient rarement dans la première année de la vie. Exceptionnellement, elle peut survenir d'emblée chez des nourrissons qui n'ont jamais présenté de manifestations cliniques évocatrice d'un shunt gauche-droite [ 92 ].
L'aboutissement de ces lésions du lit vasculaire pulmonaire est une augmentation irréversible des résistances artérielles pulmonaires qui peuvent atteindre voire excéder le niveau des résistances systémiques. Il s'ensuit une inversion du shunt à l'étage ventriculaire et une désaturation artérielle systémique responsable d'une cyanose. L'association d'une CIV avec maladie vasculaire pulmonaire et d'une cyanose réalise le complexe d'Eisenmenger.

Un shunt gauche-droite à l'étage ventriculaire a trois conséquences hémodynamiques :

- une surcharge volumétrique des cavités gauches ;
- un hyperdébit pulmonaire ;
- une diminution du débit systémique.
La surcharge volumétrique des cavités gauches entraîne une dilatation de ces dernières et s'accompagne d'une élévation des pressions auriculaire gauche et télédiastolique du ventricule gauche. Un des mécanismes d'adaptation du ventricule gauche à sa dilatation est le développement d'une hypertrophie de ses parois. Cette hypertrophie qui permet une diminution de la contrainte pariétale du ventricule est également responsable d'une diminution de sa compliance et est ainsi un facteur supplémentaire d'augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche et indirectement des pressions auriculaire gauche et veineuse pulmonaire. L'augmentation du débit pulmonaire combinée à l'hyperpression veineuse pulmonaire est à l'origine d'une augmentation de la pression capillaire pulmonaire favorisant une extravasation de liquide vers le milieu interstitiel pulmonaire. Il en résulte une diminution de la compliance pulmonaire [ 24 ] et, à moindre titre, des échanges gazeux. Dans les formes les plus sévères, cette augmentation des liquides interstitiels peut s'accompagner d'un oedème pulmonaire. La recirculation pulmonaire d'une partie du flux atteignant le ventricule gauche se produit aux dépens du débit sanguin systémique. Des mécanismes de compensation permettent à l'organisme de maintenir une pression artérielle suffisante et une bonne perfusion des organes périphériques. Ces mécanismes compensateurs font intervenir une augmentation des catécholamines circulantes et de l'activité du système nerveux sympathique dont les effets se conjuguent pour augmenter les résistances périphériques. Une diminution du débit sanguin rénal est à l'origine d'une rétention hydrosodée par le biais d'une activation du système rénine angiotensine [ 17 ]. Cette rétention hydrosodée favorise à son tour le développement d'un oedème interstitiel pulmonaire voire d'oedèmes périphériques dans les cas les plus évolués.
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La classification hémodynamique désormais classique des CIV reproduite dans le tableau II divise les défauts septaux en quatre groupes en fonction de leur taille et des rapports des débits et des résistances pulmonaires et systémiques.
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Les manifestations cliniques et la tolérance fonctionnelle des CIV dépendent de l'importance du shunt gauche-droite et du niveau des pressions pulmonaires. En raison de l'élévation des résistances pulmonaires, les CIV sont rarement détectées dès la naissance. Lorsque la cardiopathie est suspectée en maternité, c'est presque toujours lors de l'examen de sortie, l'enfant étant âgé de quelques jours. Même vers la fin de la première semaine, lorsque la plupart des souffles sont découverts, il est rare que les résistances pulmonaires aient suffisamment chuté pour que le patient soit symptomatique. Les manifestations fonctionnelles, si elles surviennent, sont la conséquence de l'hyperdébit pulmonaire et sont généralement retardées de quelques semaines. La diminution de la compliance pulmonaire ainsi que l'élévation de la pression auriculaire gauche sont d'abord responsables d'une tachypnée. Lorsque s'installe une insuffisance cardiaque congestive apparaît une dyspnée d'effort qui se traduit essentiellement par des difficultés d'alimentation. Non seulement la durée des repas s'allonge, mais l'apport calorique devient insuffisant et la courbe de poids s'infléchit. Avec le développement d'une insuffisance cardiaque plus sévère, la dyspnée devient permanente et s'associe à un tirage sous-costal, intercostal ou sus-claviculaire. Une autre conséquence de l'hyperdébit pulmonaire est la susceptibilité aux infections pulmonaires. Cette tendance est favorisée par la dilatation de l'artère pulmonaire et de ses branches qui peut favoriser des compressions des voies aériennes et des troubles de ventilation [ 84 ]. Une CIV restrictive de petite taille peut être détectée à tout âge mais ne sera jamais à l'origine de symptômes. Dans certains cas heureusement rares, la CIV sera détectée dans la seconde enfance voire exceptionnellement à l'adolescence à la suite d'une intolérance à l'effort avec cyanose. Ces patients qui ont jusque-là été asymptomatiques se présentent d'emblée avec une maladie vasculaire pulmonaire sévère. Il est probable que les résistances pulmonaires de ces malades n'ont jamais suffisamment baissé pour permettre un shunt gauche-droite suffisant qui aurait permis un dépistage précoce de la cardiopathie. Ainsi, les CIV ne sont quasiment jamais dépistées le premier jour de vie. Dans les petites communications restrictives, c'est la découverte fortuite d'un souffle précordial qui conduit au diagnostic, le patient demeurant asymptomatique. Dans les communications larges avec shunt important, l'apparition d'un souffle précède de quelques jours les manifestations fonctionnelles. Ce sont parfois les manifestations dyspnéiques ou des problèmes de croissance staturopondérale avec difficultés d'alimentation qui alerteront. Rarement, c'est au stade de maladie vasculaire pulmonaire obstructive avec shunt droite-gauche que la cardiopathie sera dépistée. L'aspect du patient dépend, là encore, de l'importance du shunt gauche-droite. Lorsque la CIV est de petite taille, l'apparence de l'enfant est tout à fait normale. En cas de shunt important, un retard pondéral est la règle. Le ralentissement ou la cassure de la courbe pondérale est d'ailleurs parfois le premier motif de consultation alors que les signes fonctionnels ne sont pas encore apparus. Les sueurs, notamment lors de l'alimentation, sont fréquentes en cas d'insuffisance cardiaque congestive du nourrisson et sont liées à une hyperactivité du système nerveux sympathique. Une hépatomégalie de degré variable est également habituelle à ce stade. Une déformation thoracique est parfois présente témoignant de difficultés respiratoires chroniques : le thorax bombe en avant dans sa partie supérieure, au-dessus d'une dépression sous-mammaire bilatérale. Un bombement de l'hémithorax gauche peut également se voir en cas de cardiomégalie chez un enfant dénutri. La cyanose est habituellement absente sauf en cas d'obstacle sévère dans la chambre de chasse du ventricule droit ou de maladie vasculaire pulmonaire obstructive. A la palpation, un frémissement systolique localisé au bord gauche du sternum au niveau des deuxième, troisième et quatrième espaces intercostaux est fréquent. En cas de CIV sous-artérielle, le frémissement peut être localisé au premier espace intercostal, voire plus haut [ 84 ]. L'auscultation est très évocatrice lorsqu'elle retrouve un souffle holosystolique au troisième ou quatrième espace intercostal gauche qui débute avec le premier bruit et se poursuit jusqu'au second. Lorsque le souffle s'interrompt en télésystole avant le deuxième bruit, une petite communication trabéculée, occluse en fin de systole par la contraction septale, est probable. Dans les défauts septaux de gros calibre le souffle peut être de faible intensité voire totalement absent. En cas d'hyperdébit pulmonaire, un roulement mitral diastolique dit de débit est souvent audible. En l'absence de maladie vasculaire pulmonaire, les bruits du coeur sont normaux. En revanche, lorsque les résistances pulmonaires augmentent, l'intensité du second bruit se majore. Cet éclat du second bruit est facilement audible, parfois palpable dans les hypertensions pulmonaires sévères dans lesquelles un souffle protodiastolique d'insuffisance pulmonaire est également souvent présent.
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Les signes électrocardiographiques ne sont pas spécifiques de la malformation et sont la conséquence des perturbations hémodynamiques. Le rythme est habituellement sinusal avec une conduction auriculoventriculaire normale, un axe de QRS non dévié et une hypertrophie biventriculaire. Une hyperdéviation axiale gauche des ventriculogrammes doit suggérer des CIV multiples [ 30 ], une CIV étendue au septum d'admission ou plus souvent un canal atrioventriculaire. Des ondes T amples et positives dans les précordiales droites indiquent souvent que la pression est systémique dans le ventricule droit et doit évoquer en premier lieu la présence d'une sténose pulmonaire associée. L'apparition d'un bloc incomplet de la branche droite avec déviation axiale gauche peut témoigner du développement d'un anévrisme du septum membraneux [ 29 ]. Lorsque le shunt est important, des ondes Q fines et profondes sont habituelles dans les dérivations précordiales gauches et sont le reflet de la surcharge volumétrique du ventricule gauche.
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L'aspect radiographique dépend tout d'abord de l'importance du shunt. Lorsque la communication est petite, la silhouette cardiaque et la vascularisation pulmonaire sont normales. En cas de shunt important, la cardiomégalie est constante, de degré variable et porte sur les deux ventricules et l'oreillette gauche. La vascularisation pulmonaire est augmentée et cette augmentation est d'autant plus nette que le débit pulmonaire est accru (fig. 4). La survenue d'une maladie vasculaire pulmonaire se traduit sur la radiographie par une diminution de la vascularisation pulmonaire périphérique qui contraste avec la dilatation proximale des branches de l'artère pulmonaire au niveau des hiles. Le coeur est le plus souvent de volume normal avec un arc moyen gauche très convexe et une pointe parfois relevée (fig. 5).
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Grâce au développement des techniques ultrasonores pendant ces quinze dernières années, il est devenu rare qu'une CIV ne puisse être mis en évidence à l'écho-Doppler [ 11], [18], [85], [86 ]. L'analyse en mode temps-mouvement permet une évaluation indirecte du retentissement hémodynamique de la cardiopathie. En cas de shunt gauche-droite important, une dilatation auriculaire et ventriculaire gauche est habituelle. Toutefois ni le diamètre auriculaire gauche ni le rapport du diamètre auriculaire gauche sur celui de la racine aortique ne sont étroitement corrélés avec le débit pulmonaire mesuré par les méthodes invasives [ 55 ]. La présence d'une discontinuité septoaortique, si elle permet d'affirmer la présence d'une CIV, ne permet d'identifier que les défauts septaux de gros diamètre et de siège sous-aortique. L'exploration en échographie bidimensionnelle d'un patient porteur d'une CIV fait appel à une étude segmentaire complète utilisant les incidences longitudinales parasternale et sous-costale, les différentes coupes étagées selon le petit axe du coeur, les incidences des quatre cavités apicales et sous-costales ainsi que la voie suprasternale. Une telle exploration complète, multipliant les plans de coupe, informe sur la présence, le siège, la taille et le nombre des communications ainsi que sur la coexistence de malformations associées. De plus, la courbure du septum interventriculaire en systole, analysée en incidence parasternale ou sous-costale petit axe renseigne sur le rapport des pressions ventriculaires. Ainsi, la présence d'un ventricule gauche de morphologie circulaire est en faveur de pressions ventriculaires droites nettement infrasystémiques ; alors qu'une courbure septale aplatie témoigne de pressions ventriculaires droites élevées.
Communications interventriculaires périmembraneuses
Le septum membraneux est composé de deux portions distinctes : le segment interventriculaire et le segment interauriculoventriculaire. Dans un coeur normal, le segment interventriculaire est limité en haut par le segment interauriculoventriculaire, en avant par le septum sous-aortique, en bas par le septum trabéculé et en arrière par le septum d'admission. Les deux portions du septum membraneux sont explorées au mieux dans un plan de coupe intermédiaire entre une incidence des quatre cavités et une incidence des cinq cavités lorsque le plan des sigmoïdes aortiques commence à être visualisé. Le segment interauriculoventriculaire est la petite portion septale qui sépare l'insertion des feuillets septaux des valves mitrale et tricuspide. Le segment interventriculaire est constitué d'un fin segment septal situé immédiatement sous l'anneau aortique à proximité du noyau fibreux central et qui fusionne avec le septum trabéculé beaucoup plus épais (fig. 6). L'incidence parasternale petit axe par les gros vaisseaux permet d'identifier les rapports de la CIV avec les anneaux aortique et tricuspide et ainsi de confirmer son siège périmembraneux (fig. 7). Les communications périmembraneuses ne sont quasiment jamais limitées au seul septum membraneux et s'étendent toujours vers un des segments septaux voisins. On distingue donc, en fonction de leur extension, quatre types de communications périmembraneuses.
Communications périmembraneuses étendues au septum d'admission
A partir du septum membraneux, elles s'étendent plus ou moins loin vers l'arrière en direction de la croix du coeur et sont aisément identifiées en coupe apicale ou sous-costale des quatre cavités. Leur bord supérieur est en contact direct avec les anneaux fibreux tricuspide et mitral. Lorsque la communication est large, elle intéresse également la portion interauriculoventriculaire du septum membraneux qui n'est plus visible. En conséquence, les valves auriculoventriculaires s'insèrent au même niveau sur le noyau fibreux central à la base du septum primum (fig. 3A). C'est dans ce type de communication qu'un chevauchement de l'orifice tricuspide sur le septum interventriculaire peut se voir en raison d'un malalignement des structures septales (fig. 8). Cette particularité anatomique peut s'accompagner d'une hypoplasie plus ou moins nette du ventricule droit et surtout est volontiers associée à une anomalie d'insertion des cordages tricuspides qui peuvent traverser la CIV et s'insérer dans la cavité ventriculaire gauche. Cette anomalie heureusement rare connue sous le terme de " straddling tricuspide " est parfois difficile à mettre en évidence et doit être soigneusement recherchée car ses implications chirurgicales sont importantes.
Communications périmembraneuses étendues au septum infundibulaire
Elles s'étendent vers l'avant et sont visibles en incidence des cinq cavités ou, lorsqu'elles sont larges, en incidence longitudinale parasternale. Elles occupent la région sous-aortique dans laquelle elles sont facilement identifiées particulièrement s'il existe un malalignement septoaortique [ 38 ].
Communications périmembraneuses étendues au septum trabéculé
Ces communications ont une extension inférieure vers le septum trabéculé. Elles sont habituellement visibles en incidence apicale ou sous-costale des cinq cavités dans un plan de coupe orienté vers l'arrière.
Communications périmembraneuses larges
Elles s'étendent vers tous les segments septaux adjacents au septum membraneux. En conséquence, leur visualisation est possible dans les différents plans de coupe qui viennent d'être décrits ce qui rend leur identification aisée.
" Anévrismes " du septum membraneux
Il n'est pas rare qu'en regard d'une communication périmembraneuse se développe sur son versant ventriculaire droit une formation anévrismale constituée de tissu d'origine tricuspide qui peut refermer partiellement ou totalement le défaut septal. Ces " anévrismes " du septum membraneux se voient plus volontiers dans les communications étendues au septum d'admission.
Communications interventriculaires musculaires
Ces défauts septaux sont par définition entièrement bordés de tissu musculaire et sont donc situés à distance des anneaux fibreux auriculoventriculaires et semi-lunaires.
Communications musculaires du septum d'admission
Elles sont au mieux visualisées en incidence des quatre cavités. Trois caractéristiques permettent de les distinguer des communications périmembraneuses étendues au septum d'admission :
- elles sont séparées des valves auriculoventriculaires par un bourrelet septal (fig. 3 B) ;
- les valves auriculoventriculaires ne sont pas dans le même plan, l'anneau tricuspide étant plus apical que l'anneau mitral ;
- avec une inclinaison vers l'avant du transducteur à partir d'une coupe des quatre cavités, vers le plan du septum membraneux, ce dernier paraît intact et la communication n'est plus visible.


Communications musculaires du septum infundibulaire
Ces communications peu fréquentes sont visualisées à partir de l'incidence longitudinale parasternale grâce à une angulation latérale du transducteur permettant de dégager la voie de chasse du ventricule droit (fig. 9). Elles sont séparées du plan des valves semi-lunaires par une portion de septum interventriculaire ce qui permet de les distinguer des communications sous-artérielles. Elles peuvent également être mises en évidence par une coupe sous-costale orientée selon l'axe longitudinal du ventricule droit (fig. 10).



Communications musculaires du septum trabéculé
En fonction de leur taille et de leur siège dans le septum trabéculé, ces défauts septaux peuvent être visualisés en coupes des quatre cavités ou longitudinales ainsi qu'en incidence parasternale ou sous-costale petit axe obtenues par un balayage soigneux de la base vers la pointe du coeur permettant d'explorer l'intégralité du septum interventriculaire (fig. 11). Les communications de la région apicale sont souvent difficiles à mettre en évidence et seront au mieux identifiées grâce au Doppler couleur.


Communications sous-artérielles
Elles apparaissent en échographie dans les plans de coupe longitudinaux dirigés vers les orifices semi-lunaires. Les anneaux aortiques et pulmonaires sont en continuité, dans le même plan, et surplombent immédiatement la communication dont ils ne sont séparés par aucune portion musculaire. Ces défauts septaux peuvent avoir une extension jusqu'au septum membraneux ou rester à distance de ce dernier.

Echo-Doppler pulsé et continu
La communication interventriculaire a largement bénéficié de l'apport de l'échocardiographie Doppler tant pour affirmer son diagnostic que pour évaluer son retentissement hémodynamique [ 85 ]. Le diagnostic repose sur l'enregistrement d'un flux anormal au niveau du septum interventriculaire. En cas de shunt gauche-droite, un flux turbulent, prédominant en systole est enregistré sur la face ventriculaire droite du septum interventriculaire (fig. 12). Ce flux est le plus souvent positif mais peut être négatif dans les communications infundibulaires lorsque le shunt se dirige vers la chambre de chasse du ventricule droit et l'artère pulmonaire, ou dans les communications du septum trabéculé notamment apicales.

La vitesse du flux en systole est d'autant plus élevée que la différence de pression entre ventricule gauche et ventricule droit est importante. Lorsque l'alignement entre le flux du shunt et le faisceau d'ultrason est bon, la pression ventriculaire droite peut être déduite de l'équation : où PVD est la pression ventriculaire droite et TA la tension artérielle mesurée au brassard [ 61], [64 ]. En l'absence de gradient pulmonaire la pression ventriculaire droite égale la pression artérielle pulmonaire.
En présence d'une insuffisance tricuspide, le gradient systolique entre ventricule droit et oreillette droite peut être calculé permettant une estimation fiable de la pression systolique ventriculaire droite [ 40], [51 ]
De plus, le Doppler permet une évaluation de l'importance du shunt par la mesure du rapport des débits pulmonaire et systémique [ 7 ]. Du fait des turbulences dans la chambre de chasse ventriculaire droite créées par le shunt interventriculaire, le débit pulmonaire sera au mieux mesuré au niveau de l'orifice mitral.

Le codage en couleur du flux sanguin a permis d'améliorer la détection des CIV particulièrement si elles sont de petite taille et situées dans le septum trabéculé [ 43], [69 ], ou lorsqu'il existe des communications multiples [ 59 ]. De plus, et ce n'est pas un de ses moindres avantages, le Doppler couleur permet de déterminer exactement la direction du flux de shunt facilitant ainsi l'alignement du faisceau ultrasonore et l'obtention du gradient transventriculaire maximal en Doppler pulsé ou continu. Dans les communications du septum infundibulaire dans lesquelles le shunt se dirige directement vers l'infundibulum et l'artère pulmonaire, il peut également rendre plus aisé la distinction entre le flux de shunt par le défaut septal et un flux de sténose pulmonaire infundibulaire [ 60 ].

L'intérêt de la voie transoesophagienne a été souligné dans l'évaluation pré- et postopératoire des CIV en salle d'intervention. Elle est intéressante pour l'analyse des valves auriculoventriculaires, particulièrement dans la détection des anomalies d'insertion des cordages tricuspides (" straddling ") [ 28 ].

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Plusieurs techniques d'explorations non invasives peuvent être utilisées dans l'évaluation d'un patient ayant une CIV. A l'inverse des explorations faisant appel aux ultrasons qui sont pratiquées dans tous les cas, leur utilisation est très variable d'un centre à l'autre.

Les méthodes isotopiques détectent avec une bonne sensibilité la présence d'un shunt gauche-droite et permettent la quantification de ce shunt par la mesure du rapport des débits pulmonaire et systémique [ 1], [33 ]. Elles peuvent également fournir des indications sur les fonctions ventriculaires droite et gauche. Elles ne fournissent en revanche aucun renseignement anatomique et ne sont pas au sens strict non invasives car elles requièrent l'injection intraveineuse d'un radio-isotope.

L'imagerie par résonance magnétique avec synchronisation des coupes avec l'électrocardiogramme permet de préciser la taille et le siège des CIV [ 25 ]. L'imagerie est en général d'excellente qualité chez l'enfant et l'adolescent mais son intérêt est limité chez le nourrisson car l'acquisition des signaux nécessite une immobilité absolue du sujet. D'autre part la petite taille des structures cardiaques rend leur identification parfois difficile.

Les contractions du coeur rendent difficile l'analyse des structures cardiaques en tomodensitométrie. A l'avenir, la cinétomodensitométrie, technique d'imagerie rapide, pourrait peut être apporter certains renseignements mais son intérêt pour l'exploration des CIV reste à démontrer.

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Ces investigations représentent toujours la méthode de référence du diagnostic et de l'évaluation hémodynamique des CIV. Avec les progrès de l'écho-Doppler on les réserve actuellement aux cas où les données échographiques sont en contradiction avec les données cliniques ou lorsque l'on envisage une fermeture chirurgicale et que l'on veut écarter la possibilité de communications multiples ou d'une élévation des résistances pulmonaires.


Méthodologie
Le cathétérisme des cavités cardiaques est initialement réalisé à partir d'un accès veineux fémoral droit. Dans un premier temps, des échantillons sanguins et les pressions sont recueillis au niveau de toutes les cavités droites à l'aide d'un cathéter à bout distal, notamment pour la mesure de la pression capillaire pulmonaire. Si le septum interauriculaire est franchi par une CIV ou un foramen ovale perméable, les veines pulmonaires doivent être cathétérisées, particulièrement si la pression capillaire pulmonaire est élevée. S'il existe une désaturation artérielle en oxygène, la saturation au niveau des veines pulmonaires permettra de différencier un shunt droite-gauche intracardiaque d'une perturbation de l'hématose liée à un problème pulmonaire. Avant de pratiquer les angiographies, le cathéter à bout distal devra être remplacé par une sonde polytrouée. Avec la ventriculographie gauche, une aortographie peut être intéressante pour rechercher la présence d'un canal artériel. L'aorte peut être abordée par le ventricule droit : l'extrémité du cathéter situé dans la chambre d'admission du ventricule droit est orientée vers le haut, l'arrière et la droite pour franchir la CIV et atteindre l'aorte (fig. 13). Le succès de cette manoeuvre dépend de la taille de la communication et surtout de sa localisation. Les communications périmembraneuses étendues au septum infundibulaire ou trabéculé sont plus faciles à franchir que celles étendues au septum d'admission ou que les communications musculaires. Le ventricule gauche peut ensuite être atteint par un retrait progressif du cathéter puis en le repoussant vers l'arrière dès qu'il a quitté l'aorte, c'est-à-dire lorsque la pression diastolique revient à zéro. Cette manoeuvre est particulièrement utile si le septum interauriculaire n'est plus perméable. Quand on ne peut atteindre le ventricule gauche par voie droite, il faut compléter le cathétérisme par une exploration artérielle rétrograde qui se justifie également s'il existe une insuffisance aortique ou un obstacle sous-valvulaire aortique.


Evaluation hémodynamique

Mesure des pressions
Les pressions dans le ventricule droit et l'artère pulmonaire sont directement liées à la taille de la communication. Lorsqu'elle est petite, les pressions droites sont normales. Lorsque la communication est large et non restrictive, les pressions systoliques ventriculaire droite et pulmonaire égalent les pressions systoliques ventriculaire gauche et aortique, on parle alors d'égalité de pression. La pression ventriculaire droite systolique peut être légèrement supérieure à son homologue pulmonaire sans qu'il existe de sténose pulmonaire, on parle alors de gradient " de débit ". Les pressions diastoliques et moyennes sont habituellement plus basses dans l'artère pulmonaire que dans les cavités gauches ce qui suggère que les résistances artérielles systémiques sont inférieures aux résistances artérielles pulmonaires. Lorsque le shunt est important, la pression capillaire pulmonaire bloquée est élevée et égale la pression auriculaire gauche moyenne. Des valeurs voisines de 10 à 12 mmHg sont habituelles. Cette élévation est due à la fois à un gradient transmitral de débit et à une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche.

Oxymétries
Elles montrent un enrichissement en oxygène au niveau ventriculaire droit de l'ordre de + 20 à + 30 % de saturation. Dans les communications infundibulaires ou sous-artérielles dans lesquelles le shunt peut se diriger directement du ventricule gauche vers l'artère pulmonaire, cet enrichissement peut n'être retrouvé que dans la chambre de chasse ventriculaire droite ou l'artère pulmonaire. Un enrichissement en oxygène débutant au niveau de l'oreillette droite peut indiquer la présence d'une communication interauriculaire, d'un retour veineux pulmonaire anormal, d'une insuffisance tricuspide ou d'un shunt ventricule gauche-oreillette droite. Le rapport des différences artérioveineuses de saturations en oxygène des circulations systémiques et pulmonaires permet de calculer le rapport des débits systémiques et pulmonaires. Une différence artérioveineuse pulmonaire faible indique un flux pulmonaire élevé, donc des résistances vasculaires pulmonaires faibles. A l'inverse, une différence artérioveineuse pulmonaire élevée avec une élévation des pressions pulmonaires témoigne de résistances vasculaires pulmonaires élevées. En présence de troubles de ventilation avec perturbations de l'hématose, ce qui n'est pas rare chez un nourrisson avec CIV à gros débit, la saturation en oxygène des veines pulmonaires et artérielle systémique peut être anormalement basse. Dans ce cas les calculs du flux et des résistances pulmonaires peuvent être faussés.

Tests dynamiques
L'existence d'une hypertension artérielle pulmonaire tant systolique que diastolique ou moyenne témoigne d'une élévation des résistances pulmonaires. Dans ce cas, on peut recourir à l'injection de tolazoline ou à l'inhalation d'oxygène pour étudier la réactivité de l'arbre artériel pulmonaire afin de distinguer une hypertension artérielle pulmonaire fixée et définitive par prolifération intimale au niveau des artérioles pulmonaires d'une simple vasoconstriction réversible de ces artérioles. Dans ce dernier cas, l'inhalation d'oxygène ou l'administration de tolazoline (0,1 à 0,2 mg/kg) s'accompagne d'une augmentation du débit pulmonaire avec diminution des pressions qui témoignent d'une diminution des résistances. La tolazoline est également un puissant vasodilatateur artériolaire systémique et son administration s'accompagne habituellement d'une diminution d'importance variable de la pression artérielle ce qui rend son utilisation malaisée. L'immuabilité des pressions et des oxymétries fait craindre une maladie vasculaire obstructive pulmonaire sévère.

L'introduction de la cinéangiographie axiale à partir de 1977 par Bargeron et coll. [ 56 ] a largement contribué à l'exploration des CIV et permet de décrire avec beaucoup de précision le siège, la taille et le nombre des communications. Le lieu électif de l'injection est le ventricule gauche. Le défaut septal est visualisé au mieux lorsque les rayons X sont tangents à la portion du septum interventriculaire dans laquelle il siège. Dans cette situation ses limites seront bien distinctes et le septum ne sera plus visible " à travers " la communication. Le septum étant une structure incurvée et non pas rectiligne, la projection idéale dépend donc en grande partie du siège de la communication. En pratique, trois incidences permettent la visualisation des différents types de CIV :

- l'incidence des quatre cavités qui associe une oblique antérieure gauche d'environ 45° avec inclinaison craniocaudale de 30° ; elle est particulièrement utile pour l'étude des CIV postérieures proches du septum d'admission et des communications du septum trabéculé ; elle permet parfois de mettre en évidence une anomalie d'insertion des cordages tricuspides dans le ventricule gauche (Straddling) ;
- l'oblique antérieure droite (OAD) de 30°, très utile pour l'exploration des communications infundibulaires ;
- l'oblique antérieure gauche (OAG) de 60° avec inclinaison craniocaudale de 30° qui permet une meilleure visualisation de la portion antérieure du septum interventriculaire ; dans cette incidence, la projection du septum interventriculaire se fait selon deux segments : un petit segment supérieur sous les anneaux vasculaires et un long segment inférieur, plus vertical que le précédent, auquel il se raccorde par un angle obtus ouvert en bas et à droite.
Il est alors possible de répartir les communications interventriculaires en deux groupes en fonction du segment dans lequel siège le défaut septal. Les communications basses interrompent la continuité du segment inférieur. Elles sont musculaires et parfois multiples (fig. 14). Les communications hautes siègent dans le segment supérieur :
- celles qui sont postérieures dans le septum d'admission n'interrompent pas la continuité septale dans cette incidence mais l'interrompent en incidence des quatre cavités (fig. 15) ;
- les défauts septaux antérieurs interrompent la continuité septale en OAG de 60° mais pas en incidence des quatre cavités.


L'OAD permet alors de distinguer les communications périmembraneuses injectant vers le bas et respectant le septum infundibulaire, des communications infundibulaires injectant vers l'infundibulum pulmonaire et l'artère pulmonaire, avec disparition du septum infundibulaire (fig. 16).

Une angiographie manuelle bloquée par injection du produit de contraste dans une artère pulmonaire de petit calibre à l'aide d'une sonde à bout distal permet l'opacification des artérioles pulmonaires et du lit capillaire. Ce type d'injection est particulièrement utile pour apprécier l'état du lit vasculaire lorsque l'on suspecte la présence d'une hypertension pulmonaire obstructive. L'angiographie capillaire est alors caractéristique et est constituée d'un passage lent du produit de contraste vers les veines pulmonaires, en plus de deux secondes, d'une disparition du flou capillaire et d'un aspect tortueux et contourné " en arbre mort " des artérioles pulmonaires par obstruction de certaines de leurs branches de division. Les résultats de ces angiographies capillaires sont corrélés avec les constatations anatomopathologiques [ 67], [74 ].

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De nombreuses études ont fait état du devenir de larges cohortes de patients atteints de CIV et ont permis d'établir l'histoire naturelle de la cardiopathie [ 3], [22], [35], [44], [86], [95 ].
Beaucoup de patients chez lesquels le signe d'appel de la cardiopathie est la découverte d'un souffle précordial lors d'un examen systématique ont une communication de petite taille. Beaucoup de ces petits défauts septaux se fermeront spontanément avec une proportion variant selon les études de 9 % [ 22 ] à 75 % [ 2 ], avec un taux moyen de fermeture spontané habituellement supérieur à 40 % [ 44], [86], [90 ]. Cette incidence est encore plus élevée pour les CIV du septum trabéculé dans lesquelles elle est voisine de 90 % [ 2 ] et les communications périmembraneuses étendues au septum d'admission [ 86 ], alors qu'au contraire les communications infundibulaires se ferment rarement spontanément [ 86 ]. La fermeture spontanée d'une CIV survient habituellement avant l'âge de 2 ans mais peut aussi survenir plus tardivement dans l'enfance voire à l'âge adulte [ 46 ]. En l'absence de fermeture spontanée, ces défauts septaux de petite taille n'ont aucun retentissement fonctionnel chez l'enfant et en l'absence de complication n'entraîneraient aucune diminution de la longévité. Chez l'adulte en revanche, la présence d'une communication de petite taille peut s'accompagner d'une diminution des performances à l'effort attribuée à la surcharge volumétrique chronique du ventricule gauche [ 47 ].
De façon inattendue, des troubles du rythme ventriculaire suffisamment sérieux pour justifier une surveillance régulière voire un traitement antiarythmique (extrasystoles polymorphes, doublets ou tachycardies ventriculaires) peuvent survenir dans une proportion relativement importante (supérieure à 20 %) chez des adultes ayant une CIV de petite taille ne justifiant pas de cure chirurgicale [ 96 ]. Le mécanisme de cette hyperexcitabilité myocardique n'est pas connu mais plusieurs hypothèses comme la surcharge volumétrique des deux cavités ventriculaires ou la formation d'une lésion de jet sur le myocarde ventriculaire droit en regard de la communication ont été avancées [ 96 ].
Les communications larges ou de taille moyenne peuvent aussi se refermer spontanément mais dans une proportion moindre que celles de petite taille [ 95 ]. Elles peuvent également assez souvent présenter une diminution progressive de leur calibre à l'origine d'une amélioration clinique et hémodynamique.
Le niveau des résistances pulmonaires doit aussi être pris en considération. Lorsqu'elles sont modérément élevées (rapport des résistances pulmonaire/systémique inférieur à 0,5), elles restent habituellement stables durant les deux premières années de vie mais peuvent ensuite s'accroître (ou s'améliorer) plus tard dans l'enfance [ 95 ]. Inversement, des résistances vasculaires pulmonaires voisines des résistances systémiques diminuent rarement et peuvent conduire précocement à une maladie vasculaire pulmonaire parfois avant l'âge de 2 ans [ 95 ].
Un traitement médical suffit le plus souvent pour traiter l'insuffisance cardiaque des enfants atteints de CIV de taille moyenne mais également dans un bon nombre de cas lorsque la communication est large [ 95 ]. Le but du traitement médical est d'améliorer le patient suffisamment longtemps pour permettre à son défaut septal de réduire son calibre ou de se fermer complètement et ainsi éviter une chirurgie précoce. Lorsque le traitement médical ne parvient pas à maîtriser l'insuffisance cardiaque, une indication opératoire est généralement posée. Dans certaines situations, l'insuffisance cardiaque sera plus difficile à traiter médicalement, notamment chez les prématurés, les enfants ayant un petit poids de naissance, ceux ayant une anomalie chromosomique ou atteints de syndrome polymalformatif [ 95 ]. C'est également dans ces catégories de patients que la chirurgie est la plus risquée.

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Chez les nourrissons en insuffisance cardiaque, un traitement médical mérite toujours d'être entrepris en milieu hospitalier. Le but de ce traitement est de contrôler l'insuffisance cardiaque congestive et ses conséquences. Dans cette indication, les diurétiques et en particulier le furosémide demeurent irremplaçables. Les diurétiques épargneurs de potassium comme l'aldactone ont une action retardée et moins brutale que le furosémide et sont plus volontiers prescrits lors des traitements au long cours lorsque les signes de congestion auront commencé à régresser.
L'intérêt des digitaliques a été récemment contesté. En effet l'insuffisance cardiaque dans les CIV est probablement plus le fait de l'hyperdébit pulmonaire que d'une diminution de la contractilité myocardique [ 50 ]. De plus, l'amélioration de la symptomatologie et de la contractilité myocardique à la suite de l'administration de digoxine n'a pas été clairement démontré [ 10 ].
L'utilisation des vasodilatateurs artériels pour diminuer le niveau des résistances systémiques a fait l'objet de nombreux travaux depuis une quinzaine d'année. Des modèles animaux ont permis de souligner l'intérêt de diminuer la post-charge en cas de shunt à l'étage ventriculaire [ 13], [87 ] et secondairement des études cliniques chez l'enfant ont confirmé ces données expérimentales [ 8], [62], [66], [81], [94 ]. En particulier, l'administration d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez des nourrissons en insuffisance cardiaque congestive s'est accompagnée d'une diminution du rapport des débits pulmonaire/systémique et d'une amélioration de la symptomatologie [ 62], [81], [94 ]. La persistance de ces effets bénéfiques à moyen et long terme reste encore à démontrer.

Une mauvaise prise pondérale est fréquente due à l'effet combiné des difficultés d'alimentation et de l'augmentation des pertes caloriques. L'adoption d'un régime aussi calorique que possible avec une alimentation orale fractionnée et en évitant une restriction sodée trop sévère qui aggrave l'anorexie est souvent profitable. Une kinésithérapie respiratoire est souvent nécessaire pour prévenir et traiter les troubles de ventilations, de même qu'une antibiothérapie en cas de surinfection bronchique. En cas d'anémie importante avec un taux d'hémoglobine inférieur à 10 g/100 ml, la perfusion de culots globulaires qui permet d'élever la viscosité sanguine et de diminuer le shunt gauche-droite est souvent très bénéfique.

Depuis la publication de Lillehei en 1955 rapportant la première fermeture de CIV au cours d'une circulation croisée [ 56 ], le traitement chirurgical de cette malformation a fait l'objet de nombreuses publications. Les principaux points qui ont successivement été discutés concernaient les indications opératoires, le type d'intervention à pratiquer, les techniques chirurgicales et les résultats postopératoires.

Cerclage pulmonaire
Il s'agit d'une intervention palliative dont le but est de réduire l'importance du shunt gauche-droite par la réduction du calibre de l'artère pulmonaire et ainsi de maîtriser les manifestations d'insuffisance cardiaque congestive et de prévenir le développement d'une maladie vasculaire pulmonaire. Cette technique décrite dès 1952 par Muller et Damman [ 63 ] a été préférée à la réparation complète d'emblée jusqu'au début des années 1960 en raison de ses plus faibles mortalité et morbidité. On préférait alors réaliser une réparation en deux temps : cerclage pulmonaire d'abord puis réparation complète à coeur ouvert quelques mois ou années plus tard. Actuellement, à la suite des progrès des techniques chirurgicales, de protection myocardique peropératoire et de circulation extracorporelle ainsi que de la réanimation postopératoire, la mortalité cumulée de la réparation chirurgicale en deux étapes est devenue supérieure à celle de la réparation complète d'emblée [ 52 ]. De plus le cerclage peut favoriser le développement d'une obstruction sous-pulmonaire ou sous-aortique sévère [ 31 ] et peut causer des lésions du tronc de l'artère pulmonaire ou de ses branches qui peuvent compliquer le deuxième temps opératoire de la cardiopathie. On réserve donc la pratique d'un cerclage pulmonaire à certains patients à haut risque comme ceux de très petit poids ou ayant des CIV multiples et parfois lorsqu'il existe des malformations cardiaques associées notamment une coarctation de l'aorte ou un straddling d'une valve auriculoventriculaire.

Réparation complète
La grande majorité des patients peut actuellement faire l'objet d'une réparation complète d'emblée même dans les six premiers mois de vie [ 20], [39], [76], [97 ]. En fonction de leur localisation et de leur taille, les CIV peuvent être abordées par une ventriculotomie ou mieux par voie transauriculaire qui évite une cicatrice ventriculaire. La plupart des communications périmembraneuses et bon nombre de communications trabéculées peuvent être correctement exposées et réparées par voie transauriculaire droite à travers l'orifice tricuspide [ 19 ]. Les communications du septum d'admission peuvent nécessiter une désinsertion du feuillet septal de la valve tricuspide afin de faciliter leur exposition. Les défauts septaux sous-pulmonaires peuvent être abordés par une ventriculotomie droite ou par l'orifice pulmonaire après ouverture du tronc de l'artère pulmonaire. Une ventriculotomie gauche apicale peut être la meilleure voie d'abord pour certaines communications musculaires multiples [ 37 ].

Fermeture par voie percutanée
La fermeture percutanée des CIV est possible et a déjà été pratiquée par plusieurs équipes [ 14], [57], [68 ] mais elle se heurte encore au calibre important des gaines qu'il faut utiliser pour amener l'ombrelle obturatrice jusqu'au défaut septal. Elle s'est appliquée jusqu'à présent à des communications trabéculées situées à distance des appareils valvulaires et difficiles à refermer chirurgicalement.

Un shunt gauche-droite résiduel est fréquent et peut concerner 10 à 30 % des patients selon les séries [ 95], [97 ]. Il n'a heureusement des répercussions hémodynamiques que chez une minorité de malades [ 95 ]. La plupart des petites communications résiduelles évolueront spontanément vers la fermeture secondaire. Une cardiomégalie persistante avec une mauvaise tolérance hémodynamique peuvent témoigner d'un shunt important et rendre nécessaire une réintervention, mais cette éventualité est heureusement rare [ 49 ]. Dans certains cas, avant de porter l'indication d'une réintervention, un cathétérisme cardiaque sera nécessaire pour quantifier l'importance du shunt résiduel. On admet généralement qu'un rapport des débits pulmonaire/systémique supérieur à 1,5 avec un bas débit systémique, doit faire discuter une reprise chirurgicale.
Les malades qui avaient une hypertension artérielle pulmonaire en période préopératoire peuvent conserver une élévation des résistances pulmonaires après l'intervention avec un bas débit cardiaque et une insuffisance ventriculaire droite. Chez les patients à risques, le monitorage de la pression artérielle pulmonaire à l'aide d'un cathéter central est le meilleur moyen de dépistage précoce d'une telle complication ainsi qu'un excellent guide thérapeutique lors de l'utilisation des vasodilatateurs pulmonaires. Les médicaments les plus utilisés sont l'isoprénaline et les prostaglandines E1 et surtout E2. Ces vasodilatateurs ont tous un effet mixte pulmonaire et systémique et leur utilisation doit toujours être couplée à un remplissage vasculaire pour maintenir une pression systémique raisonnable [ 15 ]. Une assistance respiratoire par oxygénation extracorporelle a été utilisée avec succès dans les cas les plus sévères réfractaires aux vasodilatateurs [ 23 ].
Une meilleure connaissance de l'anatomie des voies de conduction et l'amélioration des techniques chirurgicales ont rendu la survenue des blocs auriculoventriculaires complets postopératoires moins fréquente. Dans la plupart des centres son incidence est inférieure à 2 %. Les blocs auriculoventriculaires complets postopératoires immédiats peuvent être transitoires ou permanents. La mise en place systématique d'électrodes épicardiques après toute chirurgie intracardiaque permet un entraînement transitoire d'une à deux semaines. Si le bloc persiste après cette période un entraînement électrosystolique définitif devient nécessaire [ 26 ]. Un bloc de branche droite complet est banal après fermeture chirurgicale d'une CIV. Sa fréquence est la plus élevée lorsque l'acte opératoire a nécessité une ventriculotomie mais il se rencontre également après réparation par voie auriculaire [ 45], [91 ].

Le devenir à long terme des patients opérés de CIV dépend en grande partie de leur âge et de leur état hémodynamique au moment de l'intervention. En règle générale, les opérés avant l'âge de 2 ans ont des résistances artérielles pulmonaires normales lors des cathétérismes cardiaques de contrôle [ 95 ]. Après cet âge, lorsque les résistances pulmonaires sont élevées, leur normalisation est plus aléatoire et leur aggravation progressive est possible.
Alors que la grande majorité des opérés sont asymptomatiques et mènent une vie normale, leur tolérance à l'exercice déterminée par une épreuve d'effort est souvent inférieure à celle des sujets normaux [ 27 ]. Cette diminution de la capacité physique est plus marquée chez les patients opérés tardivement et serait secondaire à la surcharge volumétrique chronique qu'a subie le ventricule gauche [ 47 ].
Des troubles du rythme ventriculaires parfois complexes sont fréquents après fermeture chirurgicale des CIV [ 45], [91 ]. Leur proportion augmente avec la durée du suivi et est plus importante lorsque le défaut septal a été refermé par voie ventriculaire et non pas par voie auriculaire [ 45 ].
Des morts subites tardives ne sont pas exceptionnelles. Ces décès surviennent principalement chez les sujets dont les résistances pulmonaires étaient demeurées élevées ou chez lesquels des arythmies ventriculaires sévères ont été enregistrées.

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Le complexe d'Eisenmenger fait référence aux CIV larges non restrictives avec hypertension artérielle pulmonaire obstructive dans lesquelles les résistances vasculaires pulmonaires égalent ou excèdent leurs homologues systémiques. Le shunt gauche-droite est alors minime voire nul et un shunt droite-gauche prédomine à l'origine d'une désaturation artérielle périphérique en oxygène et d'une cyanose. Cette élévation des résistances vasculaires pulmonaires est habituellement la conséquence tardive d'un shunt gauche-droite négligé [ 41 ]. Dans certains cas, elle peut exister d'emblée comme si le lit artériel pulmonaire ne subissait aucune maturation postnatale et que persistait une circulation pulmonaire de type foetal [ 22 ].
La tolérance fonctionnelle est généralement assez bonne et c'est une cyanose souvent discrète qui attire l'attention. Le souffle systolique est habituellement absent mais l'auscultation retrouve un éclat du second bruit au foyer pulmonaire, un clic protosystolique et un souffle diastolique d'insuffisance pulmonaire. Un hippocratisme digital est souvent présent après quelques années d'évolution. Le cliché thoracique est évocateur : le coeur est de volume normal, la pointe relevée et l'hypovascularisation pulmonaire périphérique contraste avec la dilatation des hiles (fig. 6). L'écho-Doppler et le cathétérisme cardiaque confirment le shunt droite-gauche interventriculaire, l'hypertension pulmonaire précapillaire et l'élévation des résistances pulmonaires.
Après une période de tolérance qui peut dépasser plusieurs décennies, l'évolution se fait vers l'aggravation progressive de la cyanose, l'apparition d'une intolérance à l'effort et de signes d'insuffisance cardiaque droite. Le décès peut survenir à la suite d'un malaise anoxique, d'une hémoptysie massive ou plus souvent subitement à l'occasion d'un trouble du rythme ventriculaire [ 96 ]. En effet, le myocarde des patients ayant une réaction d'Eisenmenger représente à bien des égards un substrat arythmogène idéal en raison de la surcharge volumétrique chronique subie par le ventricule gauche pendant l'enfance à laquelle a succédé une surcharge barométrique du ventricule droit et une perfusion myocardique par du sang appauvri en oxygène.
Les possibilités thérapeutiques sont réduites : l'oxygénothérapie, les saignées et la chimiothérapie antiérythrocytaire peuvent produire une amélioration fonctionnelle mais le seul traitement qui pourrait représenter une véritable issue thérapeutique demeure la transplantation cardiopulmonaire ou la transplantation pulmonaire isolée avec réparation concomitante de la cardiopathie.

Ce sont les communications auxquelles s'associe un obstacle plus ou moins important sur la voie d'éjection du ventricule droit. La protection pulmonaire peut être partielle lorsque la sténose est modérée et que le shunt gauche-droite demeure important, ou totale lorsque la sténose est plus marquée. La sténose pulmonaire peut siéger au niveau valvulaire mais plus souvent concerne l'ensemble de l'infundibulum ou son ostium. Ces sténoses infundibulaires peuvent exister d'emblée mais en règle générale, elles se développent secondairement par hypertrophie infundibulaire conséquence de l'hypertension ventriculaire droite et de l'hyperdébit [ 73 ].

L'association d'une insuffisance aortique à une CIV n'est pas très fréquente et a été initialement décrite par Laubry et Pezzi dès 1921 [ 54 ]. Depuis, elle a fait l'objet d'une très abondante littérature et actuellement quelques grandes lignes semblent se dégager sur la conduite à tenir face à une telle situation qui pose encore de difficiles problèmes.

Physiopathologie de l'insuffisance aortique
Les défauts septaux qui se compliquent d'insuffisance aortique sont toujours situés à proximité de l'anneau aortique. Ils siègent le plus souvent dans le septum infundibulaire mais peuvent aussi être localisés à la région périmembraneuse, la probabilité de voir se développer une insuffisance aortique étant deux à trois fois plus grande en cas de communication étendue au septum infundibulaire [ 77 ]. Deux mécanismes se conjuguent pour favoriser le prolapsus valvulaire aortique à l'origine de l'incontinence valvulaire. Le premier est l'absence de support anatomique pour la valve qui se prolabe et le second correspond à des facteurs hémodynamiques qui favorisent et accroissent le prolapsus valvulaire [ 88 ].
Dans les communications infundibulaires, le septum conal qui sépare la berge supérieure du défaut septal et la sigmoïde aortique antérodroite sont absents ou peu développés. Le sinus de Valsalva antéro-droit et sa valve sont ainsi directement au contact de la CIV dans laquelle ils peuvent se prolaber. Dans les communications périmembraneuses le prolapsus peut intéresser la sigmoïde aortique antérodroite mais également, en raison de sa proximité, la sigmoïde postérieure non coronaire. Quelle que soit la localisation du défaut septal, à la longue le bord libre de la valve prolabée tend à se distendre puis à s'épaissir et se rétracter.
Les facteurs hémodynamiques sont au nombre de deux. En début de systole le flux sanguin qui traverse la CIV entraîne une attraction de la sigmoïde aortique vers le ventricule droit et tend à accroître le prolapsus valvulaire. De plus, lors de la contraction ventriculaire gauche, l'anneau aortique se déplace légèrement vers la droite et favorise le déplacement de la valve et de son sinus vers le ventricule droit.
Deux autres points méritent d'être soulignés : la ballonnisation valvulaire dans le défaut septal peut l'occlure partiellement ce qui explique que le shunt gauche-droite est le plus souvent modéré voire minime même en cas de communication large ; la saillie de la sigmoïde aortique dans la chambre de chasse ventriculaire droite peut être à l'origine d'un obstacle sous-pulmonaire le plus souvent modéré. Un tel obstacle à l'éjection du ventricule droit peut également être créé par une déviation vers l'avant du septum conal relativement fréquente en cas de CIV infundibulaire.

Diagnostic
C'est l'apparition d'un souffle diastolique chez un patient suivi pour une CIV restrictive qui fait le plus souvent évoquer le diagnostic. L'âge d'apparition de l'insuffisance aortique est variable mais c'est en général vers l'âge de 5 ans que le souffle diastolique devient audible [ 77 ]. L'écho-Doppler confirme le diagnostic, permet de situer la CIV et de quantifier la fuite aortique. L'aortographie sus-sigmoïdienne par cathétérisme gauche rétrograde offre une bonne visualisation de l'insuffisance aortique et de son mécanisme. Une dilatation anévrismale du sinus de Valsalva sur lequel s'insère la valve prolabée n'est pas rare.

Evolution et traitement
L'évolution spontanée du syndrome de Laubry et Pezzi se fait vers l'aggravation progressive de l'insuffisance aortique et la détérioration de la fonction ventriculaire gauche chez 30 à 50 % des patients selon les séries [ 48], [65], [77 ]. De plus, l'apparition d'une insuffisance aortique augmente significativement le risque d'endocardite bactérienne et ce risque devient moindre après réparation chirurgicale de la malformation [ 34], [77 ]. Ceci incite la majorité des auteurs à proposer une fermeture chirurgicale des CIV compliquées d'insuffisance aortique quel que soit son stade. Certains ont même proposé une fermeture systématique de toutes les communications étendues au septum infundibulaire en raison de leur tendance à se compliquer d'insuffisance aortique [ 77 ]. Lorsque la fuite aortique est minime, une simple fermeture du défaut septal suffit souvent à enrayer son évolution, en cas de régurgitation modérée ou sévère une valvuloplastie est nécessaire. L'amélioration des techniques de plastie valvulaire permet d'éviter le recours au remplacement valvulaire dans bon nombre de cas [ 12], [21 ].

L'endocardite bactérienne est une complication bien connue et redoutable des CIV. Dans l'étude multicentrique américaine ayant inclus plus de 1 300 patients suivis pendant une moyenne de 16 années, son incidence globale était évaluée à 14,5 pour 10 000 patients-année [ 34 ]. Cette incidence était plus importante pour les communications traitées médicalement, et en cas d'insuffisance aortique mais demeurait toutefois significative après fermeture chirurgicale surtout s'il persistait un shunt interventriculaire. La taille de la communication au départ de l'étude n'était pas reliée au risque d'endocardite. Les végétations valvulaires étaient le plus souvent localisées à l'orifice aortique mais également avec une fréquence moindre aux berges du défaut septal. La mortalité d'une telle greffe endocarditique atteignait 13 %.

Des anévrismes du septum membraneux peuvent se constituer secondairement sur les bords des communications périmembraneuses et ainsi contribuer à leur fermeture souvent partielle parfois complète [ 9], [75 ]. Ils sont liés à la prolifération d'un tissu fibreux d'origine tricuspide, prolifération initiée par l'accolement au septum du feuillet septal de la valve tricuspide.
On peut soupçonner le développement d'un tel anévrisme devant une amélioration de la tolérance d'une communication périmembraneuse initialement large, en cas de modification du souffle qui devient plus intense, volontiers frémissant et en deux temps [ 72 ], ou si apparaît secondairement sur l'électrocardiogramme une déviation axiale gauche et un bloc incomplet de la branche droite [ 29 ]. L'échographie et la ventriculographie gauche lorsqu'elle est réalisée permettent le diagnostic en montrant le sac anévrismal en doigt de gant ou polylobé qui fait saillie dans le ventricule droit (fig. 17) (fig. 18). Un shunt ventricule gauche-oreillette droite n'est pas rare.


Ces anévrismes ne requièrent habituellement aucun traitement mais nécessitent, le cas échéant, une antibiothérapie prophylactique contre l'endocardite bactérienne, une greffe oslérienne étant toujours possible [ 22 ].

Ce sont presque toujours des communications avec malalignement septal par déviation postérieure vers la chambre de chasse du ventricule gauche du septum trabéculé ou du septum infundibulaire [ 98 ]. L'obstacle sous-aortique peut être formé par le septum infundibulaire lui-même qui fait saillie dans la chambre de chasse du ventricule gauche (fig. 19) ou être secondaire à une formation fibreuse (fig. 20). Dans ce cas, il est probable que ce sont les turbulences dans la région sous-aortique qui favorisent à la longue le développement d'un tissu fibreux anormal qui constituera la membrane obstructive [ 36], [80], [82 ]. Fait capital, cette membrane peut ne pas exister d'emblée et n'apparaître qu'après plusieurs années [ 32 ]. De même, elle pourra continuer de se développer après fermeture du défaut septal que celle-ci soit spontanée ou chirurgicale. C'est dire l'importance d'une surveillance attentive et prolongée des communications avec malalignement septal.


Le souffle lié à la membrane sous-valvulaire est souvent difficile à distinguer du souffle de communication interventriculaire et c'est parfois l'apparition d'un frémissement suprasternal qui fera évoquer la présence de l'obstacle sous-aortique. L'écho-Doppler en incidences longitudinale ou apicale parasternales permet aisément le diagnostic.

Ces communications mettent en rapport direct le ventricule gauche et l'oreillette droite. On en distingue deux types principaux. Le type I, encore appelé supravalvulaire, est le plus rare et correspond à un défaut isolé de la portion interauriculoventriculaire du septum membraneux. Le type II, intra- ou infravalvulaire, correspond à une communication interventriculaire périmembraneuse associée à une fente ou une perforation tricuspide.
Quel que soit leur type, ces communications sont responsables d'un shunt gauche-droite qualifié " d'obligatoire ". En effet, tout au long du cycle cardiaque les pressions ventriculaires gauches sont toujours supérieures aux pressions auriculaires droites, le shunt ne sera donc pas modulé par le niveau des résistances pulmonaires ni même par la réalisation d'un cerclage pulmonaire.
L'auscultation est très voisine de celle d'une CIV isolée toutefois l'irradiation du souffle peut préférentiellement se faire vers le bord droit du sternum et il peut exister un roulement tricuspide de débit. Sur le cliché thoracique, l'oreillette droite est dilatée. L'électrocardiogramme est évocateur lorsqu'il retrouve une surcharge auriculaire et ventriculaire droite inhabituelle dans une communication interventriculaire isolée. L'échographie bidimensionnelle permet de localiser le défaut septal et le Doppler à codage couleur permet d'identifier le shunt qui se fait en partie ou en totalité directement du ventricule gauche vers l'oreillette droite.
Lors du cathétérisme cardiaque, les oxymétries montrent un enrichissement en oxygène au niveau auriculaire droit qui, en l'absence d'une communication interauriculaire ou d'une insuffisance tricuspide est très évocateur du diagnostic. L'angiographie ventriculaire gauche confirme l'anomalie lorsqu'elle montre une opacification précoce de l'oreillette droite avant que ne soient visualisés le ventricule droit et l'artère pulmonaire [ 16 ].

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