Blocs intraventriculaires







Claude Barnay: Praticien hospitalier, chef de service
Centre hospitalier général, avenue des Tamaris, 13616 Aix-en-Provence cedex 1 France
Jean-Michel Tarlet: Assistant des Hôpitaux
Jean-Louis Medvedowsky: Ancien chef de service hospitalier
11-036-C-10 (1997)



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Plan

Anatomie [ 5 ]
Vascularisation
Nomenclature des troubles conductifs intraventriculaires
Électrophysiologie
Électrocardiographie. Vectocardiographie [ 2], [29], [34 ]
Anatomie pathologique
Troubles conductifs et cardiopathies
Bloc de branche intermittent
Bloc de branche ralentisseur
Bloc de branche alternant
Épidémiologie et pronostic des blocs de branche

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À partir du pôle antérieur du noeud auriculoventriculaire, le tronc du faisceau de His descend en avant et légèrement vers le bas le long du bord postérieur du septum membraneux vers la crête du septum musculaire. Le faisceau de His est souvent de section triangulaire, les deux coins inférieurs du triangle donnant naissance à ses branches droite et gauche.
La branche droite est constituée d'un mince faisceau arrondi et compact de fibres qui quitte le tronc après la crête musculaire du septum interventriculaire. Elle continue d'abord la direction du faisceau de His vers l'avant, mais en s'approchant de l'endocarde septal droit. Rapidement, elle s'incline vers le bas et vers l'avant. Dans sa partie moyenne, elle forme un genou à partir duquel elle se dirige toujours vers le bas mais très légèrement vers l'arrière. Selon ses rapports, on distingue trois portions de haut en bas : une première portion sous-endocardique, une seconde portion appelée mimétique, car elle pénètre un peu dans le myocarde septal commun où elle ressemble à un faisceau musculaire et une troisième portion où elle redevient sous-endocardique, puis s'engage dans la bandelette ansiforme pour se terminer près du pilier antérieur de la tricuspide, au contact du myocarde commun.
Contrairement à la branche droite, la branche gauche à son origine forme rarement un faisceau compact de fibres. Généralement, les filets de la branche gauche quittent le faisceau de His les uns après les autres, sur une zone qui correspond à près de la moitié de la longueur du faisceau. Elle forme donc un ruban très large d'arrière en avant mais très mince transversalement ; dans le plan frontal, son épaisseur ne dépasse pas trois à quatre fibres. Vers le bas, ces fibres se dispersent en éventail sous l'endocarde septal gauche. Selon la conception développée par Rosenbaum, on distingue deux divisions antérosupérieure et postéro-inférieure de la branche gauche. En effet, les fibres les plus antérieures rejoignent le pilier antérieur de la mitrale, tandis que les fibres les plus postérieures se dirigent vers le pilier postérieur. Mais par ailleurs, il existe de façon constante des fibres spécifiques au niveau de la partie moyenne du septum. En outre, il n'existe pas de limite nette entre ces trois groupes de fibres. Enfin, de nombreuses connexions latérales relient entre elles les fibres.
Le tronc du faisceau de His et ses branches sont essentiellement composés de cellules de Purkinje, mélangées avec des cellules ayant l'aspect anatomique de cellules myocardiques contractiles. Les cellules de Purkinje sont plus larges et plus courtes que les cellules contractiles. Elles ont peu de myofibrilles et de myofilaments, ce qui rend compte de leur pâleur caractéristique en microscopie optique. Elles comportent trois aspects anatomiques en relation avec leur vitesse élevée de conduction : elles sont larges et courtes ; leur sarcolemme présente peu d'indentations, de festons et de perforations ; elles se joignent à leur extrémité par l'intermédiaire de disques intercalaires bien développés. Parfois, des mitochondries du type de celles rencontrées dans les cellules P peuvent être observées dans les cellules de Purkinje, et ceci peut avoir une signification fonctionnelle relative à l'activité pacemaker latente.
Ces cellules de Purkinje sont orientées en bandes longitudinales séparées par du collagène. Des jonctions intercellulaires entre ces bandes sont situées aux extrémités et le long des bords des cellules de chaque bande. La combinaison du cloisonnement par les faisceaux longitudinaux de collagène et l'existence de jonctions spéciales entre les cellules de chaque bande peut favoriser une dissociation longitudinale de la conduction dans cette région.

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Le noeud auriculoventriculaire, la branche droite dans sa partie proximale, la branche gauche et sa division antérosupérieure dépendent de l'artère interventriculaire antérieure et de l'artère du noeud auriculoventriculaire. Le faisceau postéro-inférieur est vascularisé par l'artère du noeud auriculoventriculaire, certaines branches de l'artère interventriculaire postérieure et directement par l'artère circonflexe.

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Un certain nombre de définitions et de concepts relatifs aux troubles de conduction intraventriculaires ont été établis en 1985 par un groupe de travail de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de la Société et Fédération internationale de cardiologie (IFSC) [ 60 ].

Interruption ou retard de propagation de l'influx dans une région du coeur ; peut être antérograde, rétrograde ou bidirectionnel.

Interruption ou retard de conduction dans une branche du faisceau de His. Peut être complet, incomplet, permanent ou intermittent. Le diagnostic de bloc de branche ne peut être porté qu'en présence d'un rythme supraventriculaire et en l'absence de préexcitation.

Aspect traduisant l'absence de conduction dans une branche du faisceau de His, ou un retard de conduction d'une importance telle que l'activation ventriculaire est réalisée de façon prédominante ou exclusive par l'intermédiaire de la branche controlatérale. En réalité, on ne peut jamais déterminer formellement si l'interruption de la conduction est complète ou non. Les termes de bloc de branche complet et incomplet sont donc utilisés par référence à des critères électrocardiographiques et à des considérations électrophysiologiques et ne correspondent pas forcément à des lésions anatomiques interruptives complètes, le bloc pouvant être de nature électrique, en particulier lorsqu'il est intermittent.
Une durée du complexe QRS supérieure ou égale à 0,12 seconde chez l'adulte permet de parler de bloc de branche complet. Il s'agit d'une valeur arbitraire, mais utilisée depuis longtemps. Chez l'enfant, un bloc de branche complet peut se traduire par un élargissement de QRS moins marqué, alors que chez l'adulte il peut être plus important, particulièrement en cas de myocardiopathie, de facteur médicamenteux ou de trouble électrolytique.

Aspect traduisant un retard d'activation d'un ventricule lié à un retard de conduction dans la branche homolatérale, ce ventricule étant alors partiellement activé par la branche controlatérale.

Il s'agit d'un concept électrocardiographique qui attribue certaines modifications morphologiques du ventriculogramme à des troubles particuliers de la conduction intraventriculaire portant sur les subdivisions de la branche gauche. Les aspects de blocs fasciculaire antérieur gauche et postérieur gauche sont reconnus par tous les auteurs (les termes d'hémibloc gauche antérieur et hémibloc gauche postérieur restent usités) ; en revanche, le concept de bloc fasciculaire moyen ou centroseptal reste controversé et ne comporte pas de critères électrocardiographiques formellement reconnus par tous.

Ce terme s'applique à des troubles conductifs intraventriculaires qui ne peuvent être attribués à un bloc dans une portion définie du système de conduction.

On appelle déflexion intrinsèque le signal électrique enregistré par une dérivation unipolaire épicardique au moment où est dépolarisée la zone myocardique immédiatement sous-jacente à l'électrode. Par extension, le terme de déflexion intrinsécoïde a été appliqué aux dérivations précordiales pour désigner la chute brusque du tracé vers la ligne isoélectrique supposée correspondre à l'activation de la zone myocardique proche. D'autres auteurs ont étendu ce terme aux déflexions périphériques des membres du plan frontal. En réalité, il s'agit du temps d'apparition du vecteur maximal de R sur l'axe de la dérivation considérée. En pratique, il est préférable d'utiliser le terme temps d'apparition du sommet de R, qui se définit comme l'intervalle de temps entre la déflexion la plus précoce de QRS et le sommet de l'onde R ou R' le cas échéant.

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L'interprétation des aspects électrocardiographiques des troubles conductifs découle des connaissances anatomiques relatives au système de conduction et des données acquises concernant le déroulement du processus d'excitation électrique dans le coeur normal [ 17], [55], [56 ].
La conception trifasciculaire du système de conduction intraventriculaire a été établie à la suite des travaux de Rosenbaum [ 45 ], succédant à d'autres travaux [ 14], [30 ]. Selon cette conception, le système de conduction intraventriculaire est constitué de trois faisceaux, la branche droite du faisceau de His et les deux subdivisions antérosupérieure et postéro-inférieure de la branche gauche. Malgré ses limites sur le plan anatomique (existence d'un faisceau moyen à destinée septale, nombreuses interconnexions entre les subdivisions de la branche gauche [ 9 ]), cette théorie s'est montrée extrêmement fructueuse pour l'interprétation des aspects électrocardiographiques des troubles conductifs.
L'activation endocardique la plus précoce (entre 0 et 5 ms après le début du potentiel ventriculaire endocavitaire) correspond étroitement [ 14 ] à l'excitation des subdivisions de la branche gauche. L'activation endocardique ventriculaire droite commence plus tardivement, 10 ms après le début du potentiel endoventriculaire gauche, au niveau du muscle papillaire antérieur.
La propagation de l'excitation affecte ensuite le septum, de la gauche vers la droite, mais aussi de l'apex vers la base, de telle sorte que les couches internes des deux ventricules sont excitées très tôt après la dépolarisation septale du fait de la propagation rapide de l'excitation par l'intermédiaire du réseau de Purkinje. La dépolarisation se poursuit ensuite de façon centrifuge de l'endocarde vers l'épicarde mais aussi tangentiellement. L'émergence épicardique la plus précoce survient au niveau de la région prétrabéculaire du ventricule droit, d'où elle s'étend de façon radiale vers l'apex et la base, jusqu'au sillon auriculoventriculaire et au cône pulmonaire. La dernière région excitée est ainsi la région paraseptale postérobasale ou une portion latérale du ventricule gauche.

Le déroulement de l'activation ventriculaire normale, telle qu'elle vient d'être décrite, peut être schématisé par trois vecteurs successifs, traduisant l'orientation des forces électriques aux trois temps principaux de l'activation : un vecteur initial traduisant l'activation du septum, toujours orienté vers l'avant et généralement à droite et en haut ; un vecteur principal correspondant à l'activation des parois ventriculaires, où la masse ventriculaire gauche prédomine sur le ventricule droit, orientée à gauche, en bas et en arrière ; un vecteur terminal dirigé vers l'arrière, légèrement vers la droite ou vers la gauche, vers le haut ou vers le bas. Les déflexions enregistrées dans chacune des dérivations reflètent simplement la projection des vecteurs cardiaques sur l'axe de cette dérivation.

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Activation ventriculaire
Le retard ou l'interruption de la propagation de l'influx dans la branche droite du faisceau de His entraîne un retard d'activation du ventricule droit, alors que le ventricule gauche est activé normalement. L'activation septale se déroule également normalement, de la gauche vers la droite. L'activation du ventricule droit est réalisée par une propagation lente de l'influx, de proche en proche, au sein du myocarde ventriculaire commun, ce qui entraîne une prolongation de la durée de QRS liée à l'élargissement et au ralentissement de la partie terminale du ventriculogramme, alors que la partie initiale reste inchangée. Cette partie terminale de QRS reflète les forces d'activation du ventricule droit qui, n'étant plus contrebalancées par les forces du ventricule gauche dont l'activation est terminée, sont à l'origine de vecteurs lents, dirigés à droite et en avant. On peut donc schématiser l'activation ventriculaire de la façon suivante :


- un premier vecteur septal normal, dirigé en avant et à droite ;
- un deuxième vecteur lié à la dépolarisation de la région paraseptale gauche et de la paroi libre du ventricule gauche, dirigé vers la gauche et vers le bas ; ces deux premiers vecteurs ne diffèrent guère du processus normal ;
- un troisième vecteur, typique du bloc de branche droite, lié à la dépolarisation retardée du bord droit du septum et de la paroi libre du ventricule gauche, orienté vers la droite et vers l'avant.
La repolarisation est elle-même modifiée, orientée de gauche à droite. Les vecteurs ST et T sont dirigés vers la gauche, en opposition avec la partie terminale de QRS.
Critères diagnostiques
- Prolongation de QRS atteignant 0,12 seconde ou davantage.
- Aspect rsr', rsR' ou rSR'en V1 ou V2. R' est habituellement supérieur à R. Rarement, aspect R exclusif, élargi et crocheté.
- En V6 et I, onde S large, de durée supérieure à R ou supérieure à 40 ms chez l'adulte.
- Temps d'apparition du sommet de R supérieur à 0,05 seconde en V1, normal en V5 et V6.

Les trois premiers critères sont indispensables pour le diagnostic de bloc de branche droite, ainsi que le quatrième en cas d'aspect R exclusif élargi et crocheté.
Des modifications de ST-T sont également observées : onde T inversée et biphasique en V1 et V2 avec dépression de ST. Ces modifications ne constituent cependant pas des critères diagnostiques à proprement parler.

Aspect vectocardiographique
Le vectocardiogramme est la courbe enveloppe des vecteurs résultants instantanés cardiaques. La boucle spatiale de QRS se projette dans les trois plans frontal, horizontal et sagittal droit où elle est analysée du point de vue morphologique et chronologique. Dans le bloc de branche droite, la boucle spatiale de QRS est normale dans sa partie initiale et moyenne, alors que la partie terminale forme un appendice caractéristique, de forme allongée, dirigé en avant et à droite, d'inscription très ralentie.
C'est dans le plan horizontal que la morphologie du bloc de branche droite s'apprécie le mieux. L'anomalie principale concerne la partie terminale qui forme un appendice de forme allongée, d'inscription très ralentie, orienté en avant et à droite. La durée de cet appendice est de l'ordre de 30 à 90 ms et son orientation est aux environs de - 120°. Le vecteur maximal de QRS est dirigé vers la gauche, aux environs de 0°, un peu plus antérieur que normalement, et son amplitude peut être légèrement réduite par rapport à la valeur normale. La rotation reste en général antihoraire.
Dans le plan frontal, la majeure partie de la boucle est orientée vers le bas et la gauche, généralement en rotation horaire. Habituellement le vecteur maximal se trouve orienté entre +50 et +100°. La partie terminale se manifeste par un ralentissement marqué de la boucle, qui correspond à l'onde S élargie dans les dérivations I et VL.
Dans le plan sagittal droit, la partie principale de la boucle QRS et le vecteur maximal sont orientés vers le bas. L'appendice terminal d'inscription ralentie est orienté vers l'avant.

Ce terme s'applique à des aspects électrocardiographiques comportant les mêmes critères morphologiques que le bloc de branche droite complet, à l'exception de la durée de QRS qui ne dépasse pas 0,11 seconde. Cet aspect morphologique peut découler d'un retard de conduction au niveau de la branche droite, mais d'autres mécanismes ont été invoqués : retard au niveau de la paroi libre du ventricule droit, par exemple en cas d'hypertrophie de la crista supraventriculairis, ou dans le réseau de Purkinje, ou variations de l'épaisseur et de la distribution de la masse ventriculaire droite. Par ailleurs, on observe des aspects du même type au cours de l'hypertrophie du ventricule droit due à des cardiopathies congénitales (communication interauriculaire) ou acquises (rétrécissement mitral) et dans le coeur pulmonaire chronique. On peut aussi l'observer comme une variante de la normale, ou chez des patients porteurs de bloc fasciculaire antérieur, dans l'infarctus postérobasal et dans certaines déformations du squelette telles que le dos plat et le pectus excavatum.


Activation ventriculaire
En raison de l'interruption de la conduction dans la branche gauche, l'émergence de l'excitation se produit dans la région septale droite basse, près de la base du muscle papillaire antérieur. L'activation initiale intéresse le septum de gauche à droite. Elle se propage à la surface endocardique du ventricule droit, et vers le haut sur le septum. Les forces résultantes initiales sont ainsi dirigées vers la gauche et le plus souvent en avant et en bas. La progression de l'influx se poursuit à travers le septum, de droite à gauche, de façon transmyocardique de proche en proche et non par le système de Purkinje. Les forces électriques sont orientées à gauche, en arrière et en bas. L'orientation à gauche des forces persiste lors de l'activation de la paroi ventriculaire gauche. Le processus de propagation de l'influx au sein de la masse ventriculaire gauche reste un objet de controverse. Pour certains, il se ferait de proche en proche de façon tangentielle plutôt que dans le sens endocarde-épicarde. Il est en fait probable, comme l'ont montré les études de cartographie endocavitaire, que ce processus se déroule de façon hétérogène.

L'orientation de droite à gauche de l'activation septale explique l'absence d'onde Q " septale " en dérivation I ; l'onde R élargie et souvent crochetée rend compte de la propagation lente de l'activation dans le ventricule gauche de même que la durée prolongée du complexe QRS.
L'activation peut ainsi être schématisée de la façon suivante :

- un premier vecteur lié à la dépolarisation de la partie droite du septum et de la région paraseptale du ventricule droit, orienté vers l'avant et le bas ;
- un deuxième vecteur lié à l'activation septale et paraseptale gauche, orienté à gauche et en arrière ;
- la partie terminale de l'activation de la région latérale et supérieure de la paroi libre du ventricule gauche est orientée à peu près de la même façon.
Critères électrocardiographiques
- Durée de QRS supérieure ou égale à 0,12 seconde.
- En dérivations I et VL, ainsi qu'en précordiales gauches V5 et V6, présence d'une onde R élargie et crochetée ou empâtée.
- Dans ces mêmes dérivations, à l'exception parfois de VL, absence d'onde Q initiale.
- Temps d'apparition du sommet de R prolongé au-delà de 0,06 seconde en V5 et V6.
- En précordiales droites V1 et V2, des ondes r fines et de faible amplitude sont le plus souvent présentes, suivies d'une onde S large et profonde. Parfois on note au contraire un aspect QS en V1 et V2, rarement jusqu'à V3.

Des modifications de ST-T sont habituellement associées au bloc de branche gauche complet, sous forme d'un sous-décalage du segment ST associé à une inversion de l'onde T en dérivation I et VL ainsi qu'en précordiales gauches V5 et V6. L'opposition entre axe de QRS et axe de T est toutefois absente dans certains blocs de branche gauches non compliqués, dits " homophasiques ".

Aspect vectocardiographique
La boucle spatiale de QRS est allongée, étroite, orientée en arrière et à gauche, horizontalement. L'amplitude du vecteur maximal spatial est généralement augmentée. Les vecteurs initiaux sont de faible amplitude, orientés en avant, à gauche et en bas, puis la branche efférente de la boucle effectue un brusque virage vers l'arrière tout en restant orientée à gauche et en bas. Le sommet de la boucle est marqué par le maximum du ralentissement, alors que la branche afférente a une vitesse d'inscription moins lente.
C'est dans le plan horizontal, le plus caractéristique, que ces éléments sont le mieux retrouvés. Les vecteurs initiaux, anormalement petits, orientés vers l'avant, sont de courte durée. Le vecteur maximal est habituellement très postérieur, vers 65° d'azimut. Le sommet de la boucle est très retardé, au-delà de 50 ms. Le sens d'inscription est horaire dans un tiers des cas, en figure de huit dans deux tiers des cas, horaire au départ puis antihoraire dans sa partie distale. Cette rotation horaire de la boucle horizontale est pathognomonique du bloc de branche gauche.
Dans le plan frontal, la boucle QRS a des contours très irréguliers et une surface réduite, en raison de l'orientation presque sagittale de la boucle spatiale, donc perpendiculaire au plan frontal. La totalité de la boucle est située du côté gauche.
L'axe du vecteur maximal est orienté à gauche, entre -30 et +50°. Une déviation au-delà de -30° se voit rarement dans le bloc de branche gauche isolé et s'accompagne d'un pronostic plus défavorable. Une déviation vers le bas et la droite est plus rare encore et a été décrite dans des cas de cardiomyopathie dilatée.

La réalité du bloc de branche gauche incomplet électrocardiographique a été longtemps débattue. Les critères en sont les suivants :

- durée de QRS comprise entre 0,10 et 0,12 seconde ;
- temps d'apparition du sommet de R supérieur à 0,06 seconde ;
- absence d'onde Q en dérivation I et précordiales gauches V5 et V6.

Un tel aspect est fréquemment observé chez les porteurs d'hypertrophie ventriculaire gauche. La distinction entre les deux processus est donc difficile, mais des arguments existent, tels que des cas d'évolution progressive du QRS normal au bloc de branche gauche incomplet puis complet dans un laps de temps court, qui attestent de la réalité théorique du bloc de branche gauche incomplet. En pratique clinique, il est souvent difficile de distinguer les deux entités sur des arguments purement électrocardiographiques.


Activation ventriculaire
Selon la conception d'" hémiblocs " développée par Rosenbaum, le retard ou l'interruption de l'influx dans une des subdivisions de la branche gauche entraîne un asynchronisme d'activation du ventricule gauche.
L'activation septale est tout d'abord remaniée : alors que chez le sujet normal, elle traverse le septum de gauche à droite, avec des forces orientées vers l'avant, généralement à droite et en haut, en cas d'atteinte fasciculaire, il se produit un asynchronisme de la réponse myocardique. Si le faisceau antérosupérieur est bloqué, l'activation initiale passe par le faisceau postéro-inférieur, ce qui entraîne des forces orientées à droite comme normalement, mais en bas. Inversement, dans le bloc fasciculaire postérieur, le faisceau antérosupérieur entraîne des forces orientées à gauche et en haut.
L'activation pariétale du ventricule gauche est également modifiée, la zone dépendant du faisceau bloqué étant activée à retardement par l'intermédiaire du faisceau resté fonctionnel. Du faisceau antérosupérieur dépend la partie haute de la paroi antérieure du ventricule gauche ; son activation donne naissance à des forces orientées vers le haut. En cas de bloc fasciculaire antérieur, ces forces seront retardées et feront dévier vers le haut la partie moyenne et terminale de QRS. De la même manière, le faisceau postéro-inférieur est responsable de l'activation de la paroi postéro-inférieure et septale basse qui engendre normalement des forces orientées en arrière en bas et à droite. En cas de bloc fasciculaire postérieur, ces forces retardées feront dévier QRS en arrière, en bas et à droite.

Critères électrocardiographiques

Critères diagnostiques du bloc fasciculaire antérieur (fig 3) [ 42 ]

- Une déviation de l'axe de QRS dans le plan frontal comprise entre -45 et -90°. La valeur de -30° est proposée par certains auteurs, mais quoique plus sensible pour le diagnostic de bloc fasciculaire antérieur, elle est moins spécifique, d'autres causes étant susceptibles d'entraîner une déviation axiale gauche de QRS de cet ordre.
- Un aspect qR en dérivation a VL.
- Un retard de l'apparition du pic de R atteignant 45 ms ou plus en dérivation aVL.
- Une prolongation modérée de la durée de QRS, n'excédant pas 20 ms.


Par ailleurs, on observe fréquemment au cours du bloc fasciculaire antérieur un déplacement vers la gauche de la zone transitionnelle en précordiales, avec en dérivations V5 et V6 une diminution d'amplitude de R et la persistance d'ondes S. Un tel aspect est lié au déplacement vers le haut des forces de QRS caractéristique du bloc fasciculaire antérieur. En effet, l'axe des dérivations V5 et V6 n'est pas situé strictement dans le plan horizontal, mais est orienté à gauche et légèrement vers le bas, de telle manière que les forces terminales de QRS se projettent sur la portion négative de ces axes, ce qui explique l'existence d'ondes négatives S amples en V5 et V6 alors qu'en dérivations I et a VL, situées strictement dans le plan horizontal, ces ondes S n'apparaissent pas.

Critères diagnostiques du bloc fasciculaire postérieur [ 38 ]
Il est plus rare que le bloc fasciculaire antérieur, probablement pour des raisons anatomiques : vascularisation double par le réseau coronarien droit et gauche, structure plus courte et plus épaisse, division rapide en multiples fibres dès son émergence du tronc de la branche gauche, situation dans la chambre de remplissage du ventricule gauche, moins turbulente que la chambre de chasse où se trouve situé le faisceau antérosupérieur. Les critères diagnostiques proposés pour le diagnostic électrocardiographique de bloc fasciculaire postérieur sont les suivants :

- axe de QRS dans le plan frontal compris entre +90° et +180° ;
- aspect rS en dérivations I et a VL, associées à un aspect qR en dérivations inférieures et impérativement présence d'ondes Q en dérivations III et a VF, atteignant 0,04 seconde ; ceci, compte tenu de la déviation axiale droite de QRS, rend compte du voltage de RII supérieur à RIII et de l'aspect S1 Q 3 ;
- d'autres modifications peuvent être observées en dérivations précordiales : la zone transitionnelle est souvent déplacée vers la gauche, avec pour résultat la présence de complexes RS en dérivations V5 et V6, source de difficultés diagnostiques avec une hypertrophie ventriculaire droite.

Le diagnostic de bloc fasciculaire postérieur doit être étayé par des données cliniques. Il est nécessaire d'éliminer d'autres causes de déviation axiale droite : hypertrophie ventriculaire droite, affections respiratoires chroniques, coeur vertical et infarctus latéral étendu. Ce diagnostic doit être porté avec prudence chez des sujets de moins de 30 ans.

Aspects vectocardiographiques
Au cours du bloc fasciculaire antérieur, la morphologie de la boucle QRS est caractéristique avec une rotation antihoraire de la majeure partie de la boucle. L'activité supérieure gauche est prédominante, à la fois en surface et en durée, et élévation du vecteur maximal spatial au-dessus de -10°.
Le bloc fasciculaire postérieur se manifeste par une morphologie particulière avec une boucle largement ouverte, en rotation horaire sur le plan frontal, antihoraire sur le plan horizontal. La déflexion initiale est inscrite en avant, à gauche et en haut ou horizontalement. L'activité prédominante est développée dans l'octant postérieur droit inférieur. Le vecteur maximal s'inscrit dans cet octant, et la surface spatiale qui s'y développe dépasse 45 % de la surface totale de QRS.

Le concept de bloc centroseptal repose sur l'existence généralement admise d'une troisième subdivision de la branche gauche destinée à la partie moyenne du septum. Cependant, l'atteinte autonome de ce faisceau et ses conséquences électrocardiographiques restent discutées. Ce faisceau fait apparaître normalement des forces antérieures issues de la paroi antérieure basse du ventricule gauche. En cas de bloc centroseptal, ces forces antérieures retardées entraînent une orientation antérieure et gauche en rotation horaire de QRS dans le plan horizontal. Cet aspect de rotation horaire est un critère différentiel avec d'autres aspects de développement antérieur de QRS dans le plan horizontal, tels que la nécrose postérieure, ou la variante du normal, alors que l'hypertrophie ventriculaire droite comporte également une rotation horaire, mais une boucle développée en avant et à droite. Par ailleurs, cet aspect est habituellement décrit en association avec un autre trouble conductif, tel qu'un bloc fasciculaire gauche antérieur ou un bloc de branche droite.
Sur l'électrocardiogramme, on observe une onde R très augmentée en V1 et V2, une onde S très diminuée ou absente, ou un aspect RR' en cas de bloc de branche droite associé [ 28 ].

Le terme de bloc de branche bilatéral ou " bibloc " désigne l'existence de troubles conductifs à la fois sur la branche droite et la branche gauche du faisceau de His (fig 4). Ces troubles conductifs peuvent être incomplets, intermittents ou de degré différent sur la branche droite et les subdivisions de la branche gauche (fig 5). Si le bloc est complet et permanent sur les deux branches, il en résulte un bloc auriculoventriculaire complet. On a aussi utilisé ce terme en cas de bloc de branche droite ou gauche associé à un bloc auriculoventriculaire du premier ou du second degré. Cependant, dans de tels cas, on ignore si le bloc auriculoventriculaire est lié à un bloc incomplet sur la branche controlatérale ou à un bloc nodal ou tronculaire hisien. Cet usage est donc équivoque et doit être évité.


Les termes de bloc bifasciculaire et trifasciculaire sont aussi source de confusion sémantique. On parle de bloc bifasciculaire en cas d'association d'un bloc de branche droite avec un bloc sur une des subdivisions de la branche gauche. Le terme de bloc trifasciculaire peut correspondre à huit combinaisons différentes de bloc associé entre la branche droite et les deux subdivisions principales de la branche gauche, entraînant fréquemment un bloc auriculoventriculaire du premier ou du second degré. Conformément aux recommandations OMS/IFSC il est préférable de désigner chaque trouble de façon détaillée et spécifique.

Le terme de bloc intraventriculaire non spécifique doit être utilisé en cas de prolongation de QRS au-delà de 0,11 seconde sans que les critères de bloc de branche droite ou gauche puissent être satisfaits.

Ce terme désigne un trouble conductif correspondant au retard de l'activation d'une région localisée d'une paroi ventriculaire. Sur l'électrocardiogramme, ce diagnostic est évoqué devant des aspects de ralentissement d'une partie du ventriculogramme, souvent la partie terminale, parfois associés à des modifications de l'orientation des forces de QRS. Il s'agit d'un terme ancien, qui répond probablement dans un grand nombre de cas soit à des blocs fasciculaires, soit au cadre des blocs intraventriculaires non systématisés.

Ce terme désigne un ralentissement de la partie terminale de QRS dans les dérivations où est enregistrée une onde Q de nécrose. L'orientation des vecteurs terminaux est également affectée, avec opposition spatiale entre les vecteurs initiaux et terminaux dépassant habituellement 150°.

On a décrit sous ce vocable un aspect électrocardiographique particulier associant dans le plan frontal un aspect évocateur de bloc de branche gauche avec en dérivation I un aspect R quasi exclusif avec une onde s très petite ou absente et dans le plan horizontal un aspect évoquant un bloc de branche droite avec R exclusif ou RR' ; il s'y associe généralement une déviation axiale droite très marquée dans le plan frontal, de l'ordre de -45 à -60° et une prolongation de la durée de QRS au-delà de 120 à 140 ms. De tels aspects correspondent vraisemblablement à un bloc de branche droite complet associé à un bloc fasciculaire gauche antérieur, avec pour certains un trouble conductif gauche supplémentaire qui pourrait être un bloc centroseptal. L'intérêt de cet aspect est pronostique, car ces patients évoluent en général rapidement vers le bloc auriculoventriculaire complet.

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Les lésions histologiques rencontrées dans les blocs intraventriculaires ont été décrites durant les années 1960, notamment par Lenègre [ 30 ] par Lev [ 31], [32 ] et par Rosenbaum.
Les aspects électrocardiographiques de bloc de branche complet correspondent à des lésions interruptives des branches le plus souvent complètes mais parfois incomplètes. Dans le bloc de branche droite, on trouve généralement des lésions destructrices importantes, le plus souvent au niveau de la partie moyenne dite mimétique de la branche. L'interruption est le plus souvent totale, mais peut n'être que partielle. Au cours du bloc incomplet droit, on peut trouver des lésions interruptives partielles, mais la branche droite est souvent normale, ce qui corrobore la notion selon laquelle cet aspect électrocardiographique ne correspond pas toujours à un trouble conductif, mais parfois à d'autres remaniements, en particulier à une hypertrophie ventriculaire droite. Au cours du bloc de branche gauche, on observe des lésions destructrices totales ou quasi totales des filets de la branche gauche, siégeant le plus souvent à l'origine de la branche, dès son émergence du tronc commun du faisceau de His. Au cours du bloc incomplet gauche on trouve des altérations partielles plus ou moins importantes des filets de la branche, de même type.
Les lésions rencontrées dans les blocs fasciculaires ne correspondent pas toujours étroitement à la topographie suggérée par l'aspect électrocardiographique, en raison des dispositions anatomiques très variables des divisions de la branche gauche, des filets anastomotiques unissant les subdivisions entre elles, de l'existence plus ou moins nettement individualisée d'un faisceau centroseptal.
Les processus lésionnels peuvent être non spécifiques : infarctus septaux, malformation congénitale avec agénésie de la branche droite, myocardite ; la maladie de Chagas, fréquente en Amérique Latine est une myocardite chronique microfocale, disséminée et nécrosante affectant initialement le myocarde et secondairement le tissu de conduction.
En revanche, deux processus spécifiques au tissu conductif ont été isolés.

- Lenègre a décrit dans les blocs de branche des lésions sclérodégénératives intéressant le tissu de conduction de façon spécifique, alors même que le tissu myocardique environnant peut demeurer intact.
- Lev a décrit un processus de sclérose de la partie gauche du squelette cardiaque, avec calcification et fibrose progressive intéressant l'anneau mitral, le corps fibreux central, le septum membraneux, la base de l'aorte et le sommet du septum musculaire. Ces altérations pourraient être d'origine mécanique, en rapport avec les microtraumatismes répétés liés aux mouvements cardiaques chez les hypertendus, les sujets porteurs de lésions de la valve aortique ou simplement les sujets âgés.


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Blocs de branche [ 41 ]
La présence d'un bloc de branche droite ne modifiant pas les vecteurs initiaux de QRS, l'onde Q de nécrose se surajoute à l'aspect de bloc de branche droite comme à un QRS normal. Seule la nécrose postérieure est difficile à identifier en présence d'un bloc de branche droite ; en effet, l'une et l'autre peuvent entraîner un déplacement antérieur des forces moyennes de QRS.
En revanche, l'inversion des vecteurs septaux caractéristique du bloc de branche gauche modifie profondément les conditions d'apparition de l'onde Q de nécrose. Les troubles de la repolarisation sont souvent difficiles à apprécier et peu spécifiques ; on peut admettre que certaines modifications ont la signification d'une ischémie, mais elles ne permettent pas en général d'affirmer la nécrose. Ainsi, un sus-décalage de ST avec onde T négative en précordiales droites ou en dérivations inférieures, un sus-décalage de ST en précordiales gauches suggèrent une ischémie dans le territoire considéré. D'autres signes de nécrose ont été rapportés ; ils sont en général plus spécifiques que sensibles [ 24 ].
Un aspect QS en V1 et V2 est pour certains auteurs signe de nécrose antéroseptale, mais ce signe est peu spécifique ; l'existence d'ondes Q en dérivations I, a VL, V5 et V6 peut suggérer une nécrose septale, surtout si ces ondes Q sont relativement larges et profondes. Cabrera a souligné la valeur diagnostique d'un crochetage de la branche ascendante de l'onde S en V3 ou V4 atteignant 0,05 seconde pour le diagnostic d'infarctus antéroseptal. La présence d'ondes Q à caractères pathologiques en dérivations inférieures, associée ou non à des modifications de ST-T est de valeur controversée. Enfin, l'existence d'ondes S en V5 et V6 peut suggérer l'existence d'une nécrose septale.
Le vectocardiogramme propose des critères particuliers élaborés à partir d'études autopsiques ou angiographiques :

- déplacement à droite et rotation horaire autour du point O des vecteurs initiaux de QRS dans le plan horizontal (nécrose septale) ;
- orientation postérieure du vecteur initial 10 ms (nécrose antéroapicale) ;
- orientation antérieure droite de la branche efférente, en rotation antihoraire dans le plan horizontal (nécrose latérale) ;
- déplacement de la branche afférente à droite avec rotation complètement antihoraire de la boucle QRS sur le plan horizontal (nécrose antérolatérale) ;
- augmentation d'amplitude des forces initiales antérieures avec orientation antérieure du vecteur de 20 ms (nécrose postérieure).

En réalité, la localisation de la nécrose manque souvent de précision, et si la sensibilité des critères proposés approche 80 %, leur spécificité est moindre, de l'ordre de 40 %.

Blocs fasciculaires [ 16 ]
Le bloc fasciculaire antérieur, identifié dans le plan frontal, ne pose guère de difficulté en cas d'association à un infarctus antérieur ou latéral, dont les signes apparaissent dans le plan horizontal. En revanche, en cas d'infarctus inférieur, sur les dérivations II, III, aVF, le diagnostic peut être très difficile. L'aspect habituel est QS ou qrS ou rS avec une onde R crochetée. Le vectocardiogramme peut aider au diagnostic en montrant dans le plan frontal le départ habituel de la boucle dans la nécrose inférieure, concave vers le haut et en rotation horaire, auquel succède la morphologie caractéristique du bloc fasciculaire antérieur gauche, avec rotation antihoraire et orientation supérieure.


Blocs de branche [ 2], [52 ]

Bloc de branche droite et hypertrophie ventriculaire droite
Les critères proposés pour le diagnostic de cette association sont peu fiables : amplitude de R' en V1 supérieure à 0,15 mV, déplacement vers la gauche de la zone transitionnelle avec aspect rSR' persistant jusqu'en V5-V6, onde S profonde avec R/S supérieur à 1 en V5-V6. Le vectocardiogramme montre une augmentation des forces terminales lentes et irrégulières, orientées en avant et à droite, caractéristiques du bloc de branche droite et qui proviennent du ventricule droit.
L'aspect dit de bloc de branche droite incomplet correspond souvent en réalité à une hypertrophie ventriculaire droite. On peut voir une onde R' augmentée en V1-V2 en cas de véritable association des deux pathologies. Le vectocardiogramme est plus discriminant et montre un aspect tortueux et ralenti de la partie toute terminale de la boucle QRS dans le bloc de branche droite incomplet alors que l'hypertrophie ventriculaire droite entraîne une augmentation des forces droites, c'est-à-dire de la surface de la boucle développée dans les quadrants droits.

Bloc de branche droite et hypertrophie ventriculaire gauche [ 25 ]
Le diagnostic peut en être difficile ; l'hypervoltage est réduit du fait du bloc de branche droite. La déviation axiale gauche de l'hypertrophie ventriculaire gauche doit être différenciée de celle due à un bloc fasciculaire antérieur associé au bloc de branche droite. La présence d'anomalies de la repolarisation en précordiales gauches peut orienter vers l'existence d'une hypertrophie ventriculaire gauche.

Bloc de branche gauche et hypertrophie ventriculaire gauche [ 27 ]
La prévalence de l'hypertrophie ventriculaire gauche chez les patients porteurs de bloc de branche gauche est élevée, de 70 à 100 %. Cependant, le diagnostic électrocardiographique en est difficile, en particulier parce que les critères d'amplitude de QRS appartiennent aux deux entités. Le critère le plus fiable paraît être la durée de QRS supérieure à 160 ms et des critères de surface (durée × amplitude). L'aspect de bloc de branche gauche incomplet peut être l'expression d'une hypertrophie ventriculaire gauche, souvent dans une forme sévère.

Bloc de branche gauche et hypertrophie ventriculaire droite [ 6 ]
Il s'agit d'une association très rare et de diagnostic très difficile. L'association d'un bloc de branche gauche et d'une déviation axiale droite a été proposée comme critère de cardiomyopathie dilatée.

Blocs fasciculaires [ 2 ]

- Bloc fasciculaire antérieur gauche et hypertrophie ventriculaire gauche : cette association est difficile à affirmer. Une déviation axiale gauche au-delà de -30° peut permettre d'affirmer le bloc fasciculaire antérieur. Sur le vectocardiogramme, l'aspect de bloc fasciculaire est évident, avec une branche initiale en bas, tandis que la plus grande partie de la boucle se retourne vers le haut en rotation antihoraire. En cas d'hypertrophie ventriculaire gauche associée, un bon critère est constitué par l'augmentation du vecteur maximal spatial de QRS au-delà de 1,8 mV.
- Bloc fasciculaire antérieur gauche et hypertrophie ventriculaire droite : cette association entraîne une augmentation des forces terminales de QRS, situées dans l'octant postérieur droit supérieur, qui sont plus modérées en cas de bloc fasciculaire antérieur gauche isolé.
- Bloc fasciculaire postérieur gauche et hypertrophie ventriculaire : le diagnostic de l'association bloc fasciculaire postérieur et hypertrophie ventriculaire droite est impossible car les deux situations entraînent les mêmes modifications électriques.
- En revanche, l'existence d'une déviation axiale droite en présence d'une hypertrophie ventriculaire gauche orientera vers le diagnostic de bloc fasciculaire gauche postérieur associé.



Bloc de branche gauche avec déviation axiale de QRS [ 3], [11], [39], [53 ]
Un aspect de bloc de branche gauche peut s'accompagner d'un axe de QRS dans le plan frontal soit normal, soit dévié à gauche, soit de façon plus rare, dévié à droite. Les études anatomiques ont montré, en cas de déviation axiale de QRS, des lésions plus sévères hypertrophiques ou ischémiques que chez les patients porteurs de bloc de branche gauche avec axe normal.
L'aspect de bloc de branche gauche peut succéder à une déviation axiale gauche préexistante par bloc fasciculaire antérieur et dans de tels cas, l'apparition du bloc de branche gauche peut amener la normalisation de l'axe de QRS (fig 3) (suggérant alors que le bloc fasciculaire antérieur a été complété par un bloc fasciculaire postérieur) alors que chez d'autres patients la déviation axiale persistera après l'apparition du bloc de branche gauche.
Cette déviation axiale peut en outre être intermittente : alors que l'aspect de bloc de branche gauche est permanent, l'axe de QRS peut être chez le même patient soit normal, soit dévié en particulier à gauche (fig 6), ce phénomène pouvant être spontané ou provoqué, par exemple par stimulation auriculaire prématurée (fig 7) ou par compression sinocarotidienne.


L'interprétation de tels aspects a donné lieu à d'intéressantes discussions relatives à la physiopathologie et à l'électrogenèse de l'activation ventriculaire dans le bloc de branche gauche. Pour certains, le faisceau antérieur gauche participerait à l'activation ventriculaire dans le bloc de branche gauche avec axe normal, alors que le faisceau postérieur serait silencieux, d'où la possibilité d'un blocage additionnel du faisceau antérieur gauche entraînant la déviation axiale gauche. Pour d'autres, le bloc étant prédivisionnel, situé avant la division de la branche gauche, l'activation pourrait atteindre par voie transseptale les subdivisions de la branche gauche qui concourraient à l'activation ventriculaire mais pourraient être le siège de troubles conductifs surajoutés, divisionnels, à la traduction électrocardiographique variable en fonction de leur période réfractaire et des lésions propres à chacune d'elles.
L'interprétation actuelle est basée sur la notion de retard de conduction qui peut ne pas être un blocage complet, même si la durée de QRS est supérieure à 120 ms, et de dissociation longitudinale du faisceau de His [ 12], [37 ]. Ainsi, le retard d'activation du ventricule gauche n'exclut pas que la branche gauche puisse concourir à l'activation ventriculaire, et que ses subdivisions puissent être le siège de troubles conductifs variables additionnels.

Bloc de branche et test d'effort [ 22], [26], [59 ]
La survenue durant l'épreuve d'effort d'un bloc de branche (fig 8) peut être la conséquence de la tachycardie (bloc fréquence dépendant) ou d'une ischémie. S'il est indiscutable que cet aspect a été dans certaines études corrélé à la présence d'une maladie coronarienne, d'autres études ont rapporté l'absence de toute lésion coronarienne angiographique chez de tels patients.

La présence d'un bloc de branche droite préexistant rend difficile l'interprétation du test d'effort [ 61 ]. En fait, selon plusieurs études les modifications de ST-T sont peu sensibles, mais très spécifiques en cas de bloc de branche droite préexistant.

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Le caractère intermittent d'un bloc peut relever de plusieurs mécanismes. Certains blocs sont dépendants de la fréquence cardiaque, soit tachycardie dépendants, soit bradycardie dépendants [ 40], [46], [57], [58 ].

Ils sont parfois appelés bloc en phase 3, en référence à la phase 3 du potentiel d'action qui correspond à la période réfractaire de la fibre de Purkinje [ 15 ]. Ce type de bloc est donc lié soit à la prématurité de l'influx qui rencontre une période réfractaire normale, soit à une prolongation anormale de la période réfractaire. La première condition correspond au bloc de branche fonctionnel ou aberration, tel que peut en entraîner une extrasystole ou une tachycardie supraventriculaire. Ce type de bloc est plus souvent un bloc de branche droite que gauche. La prolongation de la période réfractaire peut être le résultat d'une accumulation extracellulaire de potassium ou de modifications des propriétés passives de la membrane cellulaire. Dans les cellules partiellement dépolarisées, la conduction est ralentie et s'accompagne d'une prolongation de la période réfractaire.



Dit aussi bloc paradoxal ou en phase 4, en référence à la phase 4 du potentiel d'action. Les cellules lésées développent une dépolarisation diastolique lente et un influx tardif survenant sur un potentiel transmembranaire insuffisamment négatif donnera lieu à une réponse lente, non propagée. Le bloc de branche bradycardie dépendant est habituellement à type de bloc gauche.

Un troisième mécanisme de bloc intermittent est lié à l'existence d'une conduction rétrograde cachée sur la branche bloquée, susceptible de maintenir l'état réfractaire de cette branche, jusqu'à ce qu'un influx prématuré (extrasystole), en envahissant la branche bloquée avant que la conduction rétrograde n'ait eu le temps de l'atteindre, vienne remettre à zéro l'ensemble du système.
D'autres mécanismes électrophysiologiques sont invoqués à l'origine du caractère intermittent d'un bloc, tels que la conduction supernormale [ 49 ] ou le phénomène de Wedensky [ 19 ].

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Au cours des tachycardies par réentrée jonctionnelle, la survenue d'un bloc de branche est fréquemment observée de façon transitoire en début d'accès, la morphologie habituelle de QRS se rétablissant généralement après quelques secondes, rarement davantage. L'allongement du cycle de la tachycardie lorsque le bloc est présent implique l'existence d'une voie de conduction accessoire participant en rétrograde au circuit de la tachycardie, située à distance du septum, du côté de la branche bloquée (fig 12). L'excitation doit en effet, du fait de la branche bloquée du côté de la voie accessoire, emprunter en antérograde l'autre branche, ce qui a pour effet d'allonger le circuit et par là le cycle de la tachycardie.


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Un bloc de branche alternativement droite ou gauche, soit d'un battement à l'autre, soit d'un jour à un autre (fig 13), a la signification d'une atteinte des deux branches et du tronc du faisceau de His avec un certain degré d'instabilité du système His-Purkinje. Cet aspect est le plus fortement associé au risque de bloc auriculoventriculaire. L'intervalle HV est presque toujours allongé et dans les cas typiques varie avec le type de bloc. Il dépasse souvent 100 ms. Un tel aspect réclame habituellement la mise en place d'un stimulateur.


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De grandes études épidémiologiques, telles que l'enquête de Framingham [ 50], [51 ] et l'étude de Reykjavik [ 20], [54 ] ont permis d'établir certains caractères épidémiologiques, étiologiques et pronostiques des blocs de branche [ 33 ].

La prévalence d'ensemble est voisine pour les deux types de bloc de branche, de l'ordre de 0,3 % de la population globale dans l'enquête de Framingham. L'âge moyen d'apparition y est de 60 ans. La prévalence augmente avec l'âge : 2/1000 à 50 ans, 6/1000 à 70 ans. Le bloc de branche droite est un peu plus fréquent que le bloc de branche gauche, surtout du fait d'une plus forte prévalence chez l'homme (2 à 3 fois plus que chez la femme) alors que le bloc de branche gauche est aussi fréquent dans les deux sexes. La prévalence du bloc de branche droite atteint ainsi un maximum de 4 % environ chez l'homme à la septième décennie contre 1,6 % chez la femme dans l'enquête de Reykjavik.
Lors de l'apparition du bloc, 70 % des sujets sont porteurs d'une anomalie cardiovasculaire, le plus souvent une hypertension artérielle (60 % des cas) ou une cardiomégalie, alors que d'autres (coronaropathie, insuffisance cardiaque, valvulopathie, diabète) sont rarement cliniquement manifestes à l'apparition du bloc. L'apparition d'un bloc de branche gauche est plus souvent associée à une cardiomégalie que celle d'un bloc de branche droite, alors que les autres anomalies cardiovasculaires sont également réparties dans les deux types de bloc.

Dans les années suivant l'apparition du bloc, une coronaropathie apparaît chez 30 % des blocs de branche gauche et 20 % des blocs de branche droite qui en étaient indemnes au départ. Une insuffisance cardiaque apparaît chez près de 20 % des patients porteurs de bloc de branche gauche, alors que cette incidence est deux fois moindre en cas de bloc de branche droite. L'apparition d'un bloc de branche est un facteur de risque pour l'apparition ultérieure d'une coronaropathie ou d'une insuffisance cardiaque, surtout chez la femme où ce facteur est indépendant d'autres éléments tels que l'âge, l'existence d'un diabète ou la pression artérielle. En fait, seule une minorité (10 % des blocs de branche gauche et 20 % des blocs de branche droite) reste indemne d'anomalie cardiovasculaire dans les années qui suivent l'apparition du bloc. Cardiomégalie et insuffisance cardiaque sont plus fréquemment associées au bloc de branche gauche que droite chez l'homme. Lorsque le bloc de branche droite est associé à un bloc fasciculaire antérieur, le risque d'hypertension, cardiomégalie et maladie coronaire rejoint celui attaché au bloc de branche gauche, alors que le risque cardiovasculaire est nettement moindre pour le bloc de branche droite isolé, chez l'homme en tout cas.
La mortalité cardiaque dans les 10 ans suivant l'apparition du bloc est trois à quatre fois celle de la population générale indemne de bloc. Le bloc de branche gauche comporte un risque de mortalité cardiaque supérieur au bloc de branche droite, mais chez l'homme seulement. Toutefois, ce risque est associé aux diverses anomalies cardiovasculaires qui accompagnent le bloc chez la majorité des sujets. Seul le bloc de branche gauche constitue, chez l'homme, un facteur de risque indépendant de mortalité cardiaque.
Si l'on considère les sujets chez qui au cours de l'étude de Framingham, un bloc de branche était présent dès le premier examen, le pronostic du bloc de branche gauche s'avère plus péjoratif que celui du bloc de branche droite en termes de cardiomégalie, hypertension, maladie coronaire et insuffisance cardiaque.
Dans le cadre de l'infarctus du myocarde [ 4], [8], [21], [23 ], la présence d'un bloc de branche préexistant ou survenu au stade aigu s'accompagne d'une mortalité accrue, soit au stade aigu par insuffisance cardiaque que le bloc soit droit ou gauche, soit à 1 an pour les survivants, surtout lorsqu'il s'agit d'un bloc de branche gauche. Certaines études ont montré qu'un bloc de branche droite survenu au stade aigu de l'infarctus s'accompagne d'un pronostic péjoratif à 1 an. Toutefois, en l'absence d'insuffisance cardiaque, le pronostic des patients avec bloc de branche droite rejoint celui des patients sans bloc de branche [ 44 ].
Au cours des coronaropathies chroniques, la présence d'un bloc de branche gauche s'accompagne habituellement de lésions vasculaires diffuses (contrairement au bloc de branche gauche survenu au stade aigu de l'infarctus qui est lié à l'atteinte de l'artère interventriculaire antérieure) et d'anomalies étendues de la cinétique ventriculaire gauche. Le risque vital se trouve multiplié par 5 (multiplié par 2 pour le bloc de branche droite) [ 18 ].
La valeur pronostique d'un bloc de branche après chirurgie coronarienne, [ 7 ] événement relativement fréquent (50 % dans certaines séries), est péjorative dans certaines études, alors que d'autres n'ont pas constaté d'aggravation du pronostic chez ce type de patients.
Chez les sujets jeunes, la prévalence du bloc de branche est faible, le bloc de branche droite étant un peu plus fréquent. Le plus souvent les sujets sont indemnes d'anomalie cardiovasculaire, mais on a noté en cas de bloc de branche gauche une incidence d'hypertension, de maladie coronaire et une mortalité cardiaque un peu plus élevées qu'en cas de bloc de branche droite.

L'évolution vers le bloc auriculoventriculaire des blocs de branche est évaluée de 2 % par an chez des patients asymptomatiques, à 6 % par an chez les patients affectés de syncopes ou de malaises neurologiques brefs.
En présence de syncopes inexpliquées, les données de l'exploration électrophysiologique endocavitaire [ 36], [48 ] peuvent être déterminantes. La mesure de l'intervalle HV représente, en présence d'un bloc de branche, l'état de la conduction dans le reste du système trifasciculaire. Cependant, la proportion de patients ayant un intervalle HV prolongé est estimée à 50 % pour le bloc de branche droite et 75 % pour le bloc de branche gauche ; la spécificité de ce paramètre doit donc être affinée en tenant compte de l'importance de l'allongement de HV. Chez des patients asymptomatiques, une durée de 100 ms est considérée comme une très bonne valeur prédictive (25 % de blocs auriculoventriculaires à 30 mois), mais la sensibilité de ce critère est très faible. Si l'intervalle HV atteint 70 ms, le taux d'apparition de bloc auriculoventriculaire dans les 30 mois est de 12 % contre 3,5 % en cas de HV inférieur à 70 ms. Ce taux est cependant plus élevé chez des patients symptomatiques ; plusieurs auteurs ont proposé la mise en place d'un stimulateur en cas de syncopes chez des patients porteurs de bloc de branche si HV dépasse 70 ms.
Des épreuves pharmacologiques ont été proposées pour améliorer la sensibilité de ce paramètre, en particulier l'utilisation de l'ajmaline (fig 14) ou du procaïnamide. Ces agents peuvent démasquer une fragilité du système de conduction permettant d'affirmer un probable trouble conductif à l'origine des symptômes ; les critères suivants sont proposés :


- apparition de l'intervalle de base,
- intervalle HV atteignant 100 ms,
- apparition d'un bloc auriculoventriculaire du second ou du troisième degré, sous l'effet de ces produits.

D'autres méthodes peuvent être utilisées : la stimulation auriculaire de fréquence croissante ou programmée, si elle entraîne un bloc auriculoventriculaire du second degré de siège infrahisien pour des cycles de stimulation supérieurs à 400 ms est considérée par la plupart des auteurs comme de très bonne valeur prédictive de bloc auriculoventriculaire. La mesure de la période réfractaire du système His-Purkinje par stimulation auriculaire programmée couplée à l'injection d'atropine (qui permet cette mesure en améliorant la conduction intranodale), a été également proposée.
Par ailleurs, l'exploration électrophysiologique chez des patients symptomatiques porteurs de bloc de branche peut permettre de révéler d'autres anomalies, telles que dysfonction sinusale ou tachycardie ventriculaire inductible.

L'existence d'un bloc de branche est grevée d'un risque majoré de mort subite, avec un risque évalué à dix fois dans le bloc de branche gauche. La cause en est toutefois mal déterminée, bloc auriculoventriculaire ou tachycardie ventriculaire et fibrillation. Ceci doit inciter, chez des patients porteurs de bloc de branche avec syncopes, à pratiquer une stimulation ventriculaire programmée à la recherche d'un trouble du rythme ventriculaire grave.

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