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L'appareil valvulaire des deux gros vaisseaux provient de quatre bourgeons. L'antérieur forme la sigmoïde pulmonaire antérieure, le postérieur la sigmoïde aortique non coronaire. Le bourgeon latéral droit donne les sigmoïdes aortique antéro-droite et pulmonaire postérieure droite, tandis que le bourgeon latéral gauche forme les sigmoïdes aortique antéro-gauche et pulmonaire postéro-gauche. L'étiologie reste assez obscure, mais il est vraisemblable que la bicuspidie soit due à un défaut de cloisonnement bulboartériel.
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L'orifice aortique n'est formé que de deux valves, le plus souvent de dimension inégale. La fente intersigmoïdienne est libre jusqu'à l'anneau avec un orifice d'ouverture excentré. Une des deux valves est fréquemment plus grande que l'autre et est divisée par un raphé fibreux (bicuspidie par fusion). On distingue plusieurs types selon l'axe de la fente intersigmoïdienne :
- - la fente antéro-postérieure où les deux valves sont placées côte à côte dans le plan frontal. L'ostium des coronaires est situé à la partie antérieure des deux sinus valvulaires ;
- - la fente transversale où les deux valves sont en relation antéro-postérieure. Les ostiums coronaires se situent dans la partie antérieure du sinus antérieur ;
- - la fente oblique avec une grande valve antéro-postérieure et une petite valve antéro-gauche.
Chez l'adulte, il est parfois difficile, du fait des remaniements valvulaires, de distinguer une bicuspidie congénitale d'une bicuspidie acquise par symphyse commissurale.
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La longueur des bords libres des deux valves ne permet pas une ouverture complète de celles-ci lors de la systole ventriculaire, comme un orifice normal tricuspide
. Ceci génère des turbulences d'où la présence d'un souffle systolique et d'une dilatation de l'aorte ascendante. A la longue, les valves se remanient, deviennent fibreuses et calcifiées, entraînant une véritable sténose valvulaire aortique
.
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La bicuspidie aortique isolée, non sténosante, se traduit par un souffle éjectionnel protosystolique situé au foyer aortique, voire pulmonaire et irradiant dans les vaisseaux du cou. Les bruits du coeur sont normaux mais parfois, il s'associe un clic éjectionnel protosystolique qui peut être totalement isolé, dû à la dilatation de l'aorte ascendante. L'absence de souffle est aussi possible. Dans cette forme, l'électrocardiogramme et la radiographie thoracique sont normaux. Plus rarement, il existe un souffle diastolique le long du bord gauche du sternum, dû à une insuffisance aortique légère ou modérée par mauvaise coaptation des deux sigmoïdes.
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C'est l'examen clé.
Le mode TM
(fig. 1) montre un écho de fermeture des valves aortiques excentré du fait de l'inégalité valvulaire
avec un index d'excentricité supérieur à 1,3
, ou 1,5
. C'est un signe classique, mais il existe de nombreux faux positifs et cet examen est aujourd'hui largement supplanté par le mode bidimensionnel.
L'échographie bidimensionnelle en coupe parasternale petit axe visualise le mieux la bicuspidie
(fig. 2). Elle localise l'axe intersigmoïdien et montre la différence de dimension des deux sigmoïdes aortiques
. En systole, l'ouverture aortique est le plus souvent incomplète avec un aspect en dôme et une ouverture valvulaire asymétrique ressemblant à un ballon de rugby.
L'échographie Doppler pulsé et à codage couleur enregistre le flux transaortique, détermine l'importance du gradient, l'extension du jet et recherche une fuite valvulaire associée
.
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Le cathétérisme et l'angiographie ne sont plus nécessaires pour le diagnostic. Ils ne sont réalisés qu'en cas de malformations associées. L'aortographie sus-sigmoïdienne montre une dilatation de l'aorte ascendante, deux sinus de Valsalva et parfois une fuite valvulaire. La ventriculographie gauche visualise deux sigmoïdes aortiques qui s'ouvrent incomplètement en systole.
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La bicuspidie aortique est le plus souvent isolée. Néanmoins, en cas de coarctation aortique, il est fréquent de trouver une bicuspidie aortique puisque l'association a été décrite dans 25 % à 50 % des cas
. Celle-ci doit donc être systématiquement recherchée.
La bicuspidie aortique peut aussi être associée à une autre pathologie du coeur gauche : anévrisme du sinus de Valsalva, sténoses aortiques valvulaire, sous-valvulaire et sus-valvulaire, ou à une autre cardiopathie complexe.
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L'évolution peut être latente et seule la présence d'un souffle systolique permettra d'évoquer le diagnostic qui sera confirmé par échocardiographie.
En revanche, le flux turbulent à travers les valves aortiques génère souvent à la longue une sténose valvulaire plus ou moins calcifiée. La bicuspidie aortique est une cause importante de sténose aortique chez l'adulte
.
L'endocardite infectieuse est une complication possible surtout chez l'adulte
et la prévention anti-oslérienne doit être de rigueur devant toute bicuspidie aortique.
Une insuffisance aortique est parfois associée ou apparaîtra secondairement
. La présence d'une indentation sur une des sigmoïdes apparaît être un élément majeur dans la survenue ultérieure d'une fuite valvulaire
. Celle-ci peut être minime, inaudible à l'auscultation et diagnostiquée seulement en échographie Doppler à codage couleur. En revanche, elle peut devenir flagrante et symptomatique même sans greffe oslérienne
.
Enfin, un anévrisme du sinus de Valsalva peut aussi compliquer la bicuspidie.
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La bicuspidie est habituellement bien tolérée.
Aucune thérapeutique n'est nécessaire en dehors de la prophylaxie contre l'endocardite d'Osler. Il n'y a aucune restriction aux activités physiques et sportives. Une surveillance reste de mise pour dépister une éventuelle complication : sténose et/ou insuffisance aortique.