De toutes les macroangiopathies, l'athérosclérose est la maladie la plus répandue principalement dans les pays développés, où elle constitue, et de loin, la cause majeure de mortalité. La maladie se développe de manière insidieuse bien avant l'apparition des premiers symptômes et débute dès les premières années de la vie chez l'homme. L'athérosclérose est une lésion commune des parois artérielles. Sa définition anatomique se résume à un énoncé des principales composantes de la plaque évoluée, au premier rang desquelles figurent les lipides sous forme de cholestérol. La ou les causes de l'athérosclérose restent cependant hypothétiques. De nombreuses études épidémiologiques ont cherché à la (les) définir. Elles ont abouti à la notion de facteurs de risque et conduisent aux actions thérapeutiques actuelles. Cependant, ces études n'ont pu éclaircir les mécanismes pathogéniques de cette maladie grave par les complications qu'elle entraîne, et entretiennent trop souvent la confusion entre facteurs de risque des complications athéroscléreuses et facteurs de risque de la maladie vasculaire elle-même. Cela explique sans doute la multiplicité et parfois l'hétérogénéité des tentatives thérapeutiques. La tendance, nette, à la diminution de la mortalité de cause cardiovasculaire dans divers pays semble devoir renforcer les orientations actuelles de la politique de prévention des maladies cardiovasculaires.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l'athérosclérose comme : " une association variable de modifications de l'intima des artères consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, un développement de tissu fibreux et des dépôts calcaires, le tout associé à des modifications de la média ". Il s'agit là d'une description morphologique de la lésion artérielle évoluée qui ne renseigne en rien sur sa pathogénie et qui n'a pour seul mérite que d'être incontestée parce que suffisamment générale. Définition consensus, elle met cependant en place la caractéristique principale de l'athérosclérose maladie : à savoir une pathologie de l'intima artérielle. L'athérosclérose est en effet une maladie de l'intima des gros et moyens vaisseaux, à développement focalisé, d'évolution le plus souvent lente et irrégulière, touchant de façon variable les territoires artériels, parfois soumise à des poussées évolutives ou à des complications, et donnant alors naissance à la plupart des pathologies artérielles humaines. Les mécanismes conduisant à l'athérosclérose non compliquée sont inconnus. L'analyse immunohistologique des plaques athéroscléreuses humaines permet cependant de définir les constituants cellulaires et structuraux de la lésion et de constituer un fil conducteur des événements cellulaires conduisant à l'athérosclérose sans qu'il soit jamais évident de définir la hiérarchie de ces événements et l'origine exacte du phénomène initial déclenchant l'ensemble des processus pathologiques. Le développement de cet épaississement intimal va se traduire par une altération des fonctions vasculaires normales, mais le retentissement clinique va rester le plus souvent mineur et le diagnostic difficile. L'évolution de cette athérosclérose non compliquée va se faire le plus souvent vers une stabilisation, voire une sorte de cicatrisation de la lésion artérielle, permettant le développement des systèmes d'adaptation des débits régionaux. Mais l'évolution peut se faire aussi vers l'athérosclérose compliquée dont la physiopathologie est dominée par la rupture de plaque. Cette rupture de plaque va se traduire par l'apparition d'une part, des poussées évolutives de l'athérosclérose mais surtout par la survenue des événements cliniques souvent majeurs aux conséquences irréversibles. À ce stade, le diagnostic de l'athérosclérose est facile mais le contrôle de l'évolution de la maladie est beaucoup plus complexe.
Nous définirons dans un premier temps les caractéristiques d'une artère normale puis nous analyserons dans un deuxième temps les caractéristiques de l'artère athéroscléreuse avant de définir l'épidémiologie, les méthodes de diagnostic et enfin les moyens thérapeutiques de la maladie athéroscléreuse.
La paroi d'une artère est composée de trois tuniques concentriques nommées de l'intérieur vers l'extérieur, intima, média et adventice. Chacune de ces tuniques a une structure spécifique que nous rappellerons brièvement.
Intima
L'intima est constituée de l'endothélium reposant sur une membrane basale, de la couche sous-endothéliale, et est limitée dans la zone profonde par la limitante élastique interne, d'autant mieux individualisée que le diamètre du vaisseau est plus faible.
Endothélium
L'endothélium est constitué de cellules endothéliales, jointives, formant une couche continue entre sang circulant et paroi artérielle dont l'épaisseur varie entre 0,3 et 0,5
m. Ces cellules, polygonales, dont le grand axe est orienté dans la direction du flux sanguin, sont bien pourvues de toute la machinerie de synthèse protéique et présentent des structures contractiles et en particulier des filaments d'actine et de myosine. Des structures spécifiques, les corps de Weibel-Palade sont également retrouvés ; leur taille est sensiblement inférieure à celle d'une mitochondrie et ils contiennent différents facteurs intervenant dans les propriétés adhésives du vaisseau, le facteur von Willebrand et la P-sélectine. Un autre élément caractéristique, mais non spécifique, est la présence de nombreuses vésicules plasmalemmiques dont la distribution péri- et intracytoplasmique évoque des fonctions dans le transport des macromolécules. Comme nous le verrons ces cellules jouent par leur capacité métabolique un rôle fonctionnel important dans l'homéostasie vasculaire.
Mais ces cellules jouent aussi un rôle structural majeur par leurs trois surfaces distinctes : surface luminale antithrombogène, surface intercellulaire cohésive, surface vasculaire adhésive.
Surface luminale antithrombogène
La cellule endothéliale est recouverte du côté de la lumière d'un manteau riche en sucres complexes, le glycocalyx. Les sucres constitutifs incluent les glycoprotéines, les glycolipides, les glycosaminoglycanes et les polysaccharides libres. Ces constituants, fortement chargés négativement, constituent peut-être un des facteurs clés de la thromborésistance
.
Surface intercellulaire cohésive
Les contacts entre les cellules se présentent sous divers aspects : juxtaposition, chevauchement ou imbrication. L'espace intercellulaire, allant de la lumière vasculaire à la membrane basale, est de taille variable, généralement de 10 à 20 nm de large. Dans les artères de gros et moyen calibres, au niveau de l'espace intercellulaire, près de la lumière, les cellules sont souvent très proches et forment des jonctions interendothéliales. Ces jonctions intercellulaires sont essentiellement de trois types, les jonctions serrées (tight junctions), imperméables dont le nombre et la disposition régulent en partie la perméabilité endothéliale, les jonctions communicantes (gap junctions ou nexus) assurant la coopérativité métabolique des cellules endothéliales entre elles, et enfin les jonctions d'ancrage, essentiellement des jonctions d'adhérence intercellulaire, constituant des sites d'attachement des filaments d'actine. La nature des jonctions interendothéliales est caractéristique du territoire. Au niveau des tissus artériels, l'endothélium est le plus souvent continu.
Surface vasculaire adhésive
La surface vasculaire des cellules endothéliales repose sur une lame basale de structure complexe et d'importance variable en fonction du niveau de l'arbre artériel. Les cellules endothéliales sont directement attachées à la membrane basale essentiellement par l'intermédiaire des jonctions d'adhérence entre cellules et matrice, c'est-à-dire les contacts focaux. Les récepteurs membranaires spécifiques des protéines matricielles, notamment de la lame basale, c'est-à-dire essentiellement les intégrines, mais aussi les protéoglycanes intermembranaires jouent un rôle déterminant dans ces interactions.
Lame basale
La lame basale sous-endothéliale, comme la lame basale des feuillets épithéliaux, est constituée de protéines matricielles spécialisées organisées en minces treillis flexibles. Elle est synthétisée par les cellules endothéliales elles-mêmes. Elle est composée essentiellement de collagène de type IV, de glycoprotéines de structure, notamment de laminine, et de protéoglycanes tel le perlecan. Un espace amorphe, d'environ 40 nm d'épaisseur, sépare la lame basale de la membrane plasmique de la cellule endothéliale. La lame basale constitue un guide pour la régénération endothéliale.
Couche sous-endothéliale
La couche sous-endothéliale est d'épaisseur variable avec l'âge et l'étage artériel. Cette zone est composée originellement de protéoglycanes et de collagène. Par la suite, des glycoprotéines de structure et de l'élastine s'accumulent ainsi que quelques éléments cellulaires, macrophages et CML. À l'état normal, l'épaisseur du sous-endothélium varie entre 1 et 250
m chez l'homme. L'épaississement progressif avec l'âge de la couche sous-endothéliale va le plus souvent aboutir à un épaississement intimal, diffus, homogène, modéré, correspondant à ce que certains groupes appellent l'artériosclérose, se différenciant de l'épaississement majeur, focalisé de l'athérosclérose.
Limitante élastique interne
La limitante élastique interne est en général une couche fenêtrée de tissu élastique, d'environ 70 à 100 nm d'épaisseur.
Média
Organisation structurale de la média
La média est organisée autour d'une structure élémentaire, l'unité lamellaire. La média des artères élastiques contient plusieurs lames élastiques concentriques, d'environ 3 à 8
m d'épaisseur. Ces lames élastiques sont constituées de fibres élastiques. Entre chacune d'elles se trouvent des cellules musculaires lisses (CML), des fibres de collagène, des microfibrilles d'élastine et des protéoglycanes. L'ensemble constitue l'unité lamellaire décrite par Wolinsky et Glagov
. L'espace entre deux lames élastiques est quasiment constant (12 à 17
m). Le nombre d'unités lamellaires est rapidement défini après la naissance (1 an). Au sein des différentes espèces, le nombre d'unités lamellaires varie avec le diamètre du vaisseau, augmente progressivement avec le poids et la taille des animaux afin de maintenir une relation linéaire entre le nombre d'unités lamellaires, l'épaisseur de la média et le diamètre aortique. Il apparaît ainsi une relation directe entre la force développée par unité de surface vasculaire et le nombre d'unités lamellaires afin de normaliser la tension pariétale moyenne par unité lamellaire. Les vaisseaux comportant moins de 29 unités lamellaires sont dépourvus de vasa vasorum. Les lames élastiques ont une orientation axiale hélicoïdale, le pas de l'hélice alternant d'une lame à l'autre. Un réseau de fibres d'élastine maintient les lames élastiques entre elles. L'organisation de la média des artères élastiques (aorte, artères sous-clavières, carotides ou iliaques) et des artères musculaires (fémorales, humérales, coronaires) est différente, ces dernières ayant essentiellement une moindre abondance et une moins nette individualisation des lames élastiques.
Cellule musculaire lisse
La CML est définie comme une cellule multipotente susceptible de présenter au cours de l'ontogenèse, et lorsqu'elle est soumise à un processus pathogène, des modulations structurales et fonctionnelles entre ses deux pôles d'expression physiologique : contraction et sécrétion, c'est une des cellules clés de la pathogénie athéroscléreuse
. Au cours de l'organogenèse, les tubes endothéliaux embryonnaires, d'origine commune, recrutent dans les différents somites les cellules d'origine mésodermique qui vont former les CML des médias vasculaires. Les origines sommitales différentes de ces cellules expliquent vraisemblablement le comportement physiologique et pathologique différent des CML suivant l'origine territoriale des cellules.
Cependant l'organisation structurale des CML au sein des différents types d'unités lamellaires est globalement similaire. La CML, cellule allongée (25-50
m de long) et fine (5
m de diamètre), uninucléée, est entourée d'une lame basale et est en étroite connexion avec celle-ci et avec la matrice interstitielle par l'intermédiaire de protéines membranaires assurant les jonctions cellule-matrice. Elles sont, de plus, connectées entre elles par des jonctions cellules-cellules de type macula adherens et desmosomes. Ces connexions permettent la transmission de la force des tractions de cellule à cellule. Ces CML, dans une artère normale, sont des cellules contractiles. Leur fonction est essentiellement tournée vers la vasomotricité. Ces cellules sont dans un état différencié, mature, contractile. L'état différencié de la cellule se caractérise ainsi par la présence au niveau ultrastructural des filaments contractiles de formes identiques à celles observées dans les myocytes cardiaques, mais moins nombreux et moins organisés et par l'expression au niveau biochimique de protéines contractiles et du cytosquelette, des protéines membranaires et matricielles qui lui permettent d'assurer sa fonction de base qui est la contraction et font de ces protéines de bons marqueurs du niveau de différenciation.
Au niveau ultrastructural, l'analyse de l'appareil contractile révèle que les filaments de myosine présentent un diamètre de 15 à 19 nm et une longueur de 2,2
m, se regroupant par trois à cinq filaments pouvant être considérés comme des minisarcomères. Les filaments d'actine filamentaire mesurent 6,8 nm de diamètre. Les filaments de myosine sont entourés d'une collerette de filaments d'actine dans un rapport actine/myosine de l'ordre de 15/1. Deux autres structures du sarcoplasme des CML peuvent aussi être individualisées et rendent compte de l'activité contractile de ces cellules : les filaments intermédiaires (10 nm) et les corps denses disséminés disposés parallèlement au grand axe de la cellule et occupant une large part de la surface cellulaire qui pourraient correspondre aux stries Z des fibres striées, et les bandes denses associées à la membrane. De nombreuses structures spécifiques de la transmission de la force contractile à la membrane cellulaire ont été reconnues au niveau des sites d'insertion des filaments d'actine à la membrane plasmique comme les bandes denses. Les structures contractiles occupent la majorité du volume cytoplasmique dans la cellule musculaire adulte saine. Cependant, en situation périnucléaire, il faut noter la présence d'organelles directement liée à la régulation du Ca2+ cytoplasmique nécessaire à la contraction : le réticulum sarcoplasmique qui occupe environ 5 % du volume cytoplasmique total, et les mitochondries. Au-delà de ces structures spécifiques de la contraction ou de la communication intracellulaire, les CML disposent d'une machinerie synthétique dont l'expression est liée à l'état de différenciation. Les CML élaborent en effet la matrice extracellulaire vasculaire (collagènes, élastine, protéoglycanes) et assurent la synthèse de très nombreuses molécules à fonction informative intra- et/ou intercellulaire (messagers protéiques et ou lipidiques, cytokines...) au niveau d'un système ergastoplasmique et golgien peu développé dans la cellule en phénotype contractile mais très abondant dans la cellule à phénotype sécrétoire dont les caractéristiques seront développées dans le chapitre consacré à la pathogénie athéroscléreuse et dont l'apparition constitue un des témoins morphologiques de la modulation phénotypique.
Sur le plan biochimique, l'état différencié, mature, de la CML se traduit par l'expression spécifique d'un certain nombre de protéines contractiles et du cytosquelette, de protéines matricielles et de protéines membranaires interagissant spécifiquement avec ces protéines matricielles, les intégrines membranaires
.
En ce qui concerne les protéines contractiles et du cytosquelette, le système des microfilaments de la CML comprend les protéines contractiles majeures, actine et myosine, mais comprend également de nombreuses protéines jouant un rôle dans la régulation de la contraction, caldesmone et calponine, lié à la calmoduline et à la F-actine et régulant les interactions actine-myosine, tropomyosine, gelsoline, filamine,
-actinine et fimbrine, jouant un rôle dans l'organisation des microfilaments, vinculine, taline, paxilline et tensine, participant à l'attachement des microfilaments à la membrane plasmique. Il existe également des filaments intermédiaires, desmine et vimentine.
Au cours du développement, il existe une maturation de ces protéines vers des variants spécifiques de la CML différenciée :
-actine, chaîne lourde de la myosine spécifique du muscle lisse, metavinculin, caldesmone de haut poids moléculaire, calponine... L'apparition de ces variants est liée soit à l'induction de gènes spécifiques au sein de familles multigéniques (
-actine), soit à l'induction de formes d'épissages spécifiques du muscle lisse (caldesmone de haut poids moléculaire), soit aux deux, induction de gène et épissage spécifique (isoformes SM-1 et SM-2 de la chaîne lourde de la myosine spécifique du muscle lisse). Ainsi en ce qui concerne l'actine, six isoformes ont été différenciées, quatre sont présentes dans le muscle lisse, les isoformes
-et
-cytoplasmiques et les isoformes
- et
-musculaires lisses. Ces isoformes sont séparables en électrophorèse bidimensionnelle. Dans l'aorte adulte saine, les CML présentent 75 % d'actine
, moins de 20 % de
et moins de 10 % de
. Dans l'aorte foetale, l'isoforme
prédomine. La présence d'actine
est bien corrélée à la différenciation musculaire lisse et constitue un marqueur particulièrement utile. De même, les protéines du cytosquelette des CML (filaments < 10 nm) comportent deux structures principales vimentine et desmine. Dans le muscle adulte d'aorte de rat, il y a prédominance de vimentine (50 % de cellules à vimentine, 49 % des cellules à vimentine et desmine et 1 % de cellules à desmine seule). Au cours du développement, il existe une diminution progressive des cellules à vimentine et une augmentation des cellules contenant les deux types de filament (pas de desmine seule chez le foetus). L'abondance de la vimentine pourrait être liée aux propriétés non contractiles de la CML (migration, prolifération) et en fait un élément discriminant de l'expression phénotypique entre les deux pôles fonctionnels contractiles et sécrétoires.
Le profil biochimique des protéines matricielles est lui aussi le reflet de l'état de différenciation des CML et sera abordé un peu plus loin.
En ce qui concerne les protéines membranaires, la CML est en étroite connexion avec la matrice extracellulaire par l'intermédiaire de protéines membranaires assurant les interactions cellule-matrice, les intégrines. Les intégrines sont des hétérodimères constituées d'une chaîne
associée à différentes chaînes
qui confèrent la spécificité des interactions. À la naissance, les récepteurs pour la laminine semblent augmenter, essentiellement sous la forme d'
1
1, alors que les récepteurs pour la fibronectine, surtout
5
1, diminuent.
Les mécanismes régulant le phénotype mature des CML sont actuellement inconnus. Un certain nombre d'argument laisse cependant penser qu'il existe à la fois une induction et un maintien permanent de l'état différencié par les interactions cellule-matrice, notamment par les interactions de la cellule avec la laminine, mais aussi vraisemblablement par des facteurs continus de régulation transcriptionnelle positifs ou négatifs. Il faut noter qu'aucun facteur de transcription spécifique de la CML n'a pu être identifié. Les cellules différenciées de la média, maintenues dans leur environnement matriciel normal, restent insensibles aux facteurs de croissance tels que les platelet-derived growth factor (PDGF), suggérant que l'induction des phénomènes de prolifération et de migration des cellules passe par une première étape de dédifférenciation. La relation inverse entre différenciation et réplication cellulaires n'est cependant pas claire dans les modèles in vitro où l'expression des marqueurs de différenciation ne signifie pas forcément une insensibilité aux facteurs de croissance.
Matrice extracellulaire
La matrice extracellulaire entourant les CML et contenue dans l'espace entre les lames élastiques joue également un rôle fondamental dans l'organisation de la média. Deux types de matrice extracellulaire sont observés, d'une part une lame basale entourant totalement les CML, et d'autre part une matrice interstitielle occupant l'espace entre les cellules et leurs lames basales. La constitution de ces deux zones matricielles est fondamentalement différente. La lame basale est essentiellement formée de collagène de type IV, de laminine et de nidogène, de protéoglycanes alors que la matrice interstitielle est essentiellement formée des collagènes fibrillaires, de fibronectine, de vitronectine et de thrombospondine. L'ensemble de ces protéines matricielles associées aux protéines des lames élastiques essentiellement constituées de fibres élastiques est synthétisé par les CML elles-mêmes et constitue la part la plus importante du poids sec de la paroi.
L'étude de la structure de ces protéines matricielles permet de retenir certaines caractéristiques fondamentales qui comme nous le verrons plus loin sont perturbées au cours de l'athérosclérose. Quatre classes de macromolécules synthétisées par les cellules artérielles constituent la matrice extracellulaire de l'artère : les collagènes, l'élastine, les protéoglycanes et les glycoprotéines. Il existe, à l'état normal, de grandes variations dans les taux relatifs de ces constituants extracellulaires tout au long de l'arbre artériel (exemples : artères élastiques/artères musculaires). Le point le plus important est en fait dans l'association de ces macromolécules extracellulaires, associations susceptibles de moduler à la fois les propriétés trophiques et mécaniques de la paroi vasculaire.
Collagènes
Dix-neuf collagènes sont actuellement décrits, définissant ainsi une superfamille de protéines matricielles. Ces collagènes se caractérisent par un certain nombre de caractéristiques :
- - l'existence d'un domaine en triple-hélice ;
- - la participation à une organisation supramoléculaire (fibrilles, filaments, réseau), seule ou en conjonction avec d'autres protéines matricielles ;
- - la contribution à l'intégrité structurale de la matrice extracellulaire .
La structure en triple hélice se caractérise par l'existence de trois chaînes appelées chaînes
, caractérisées sur le plan biochimique par une répétition du motif (Gly-Xaa-Yaa)n. Chaque chaîne
est enroulée à gauche et la triple hélice correspond à une superhélice enroulée à droite avec le résidu glycine en position centrale et la proline (Xaa) et l'hydroxyproline (Yaa) en position externe, stabilisant la structure. L'analyse de la structure de ces collagènes a amené à identifier plusieurs groupes de collagènes : les collagènes fibrillaires, les collagènes associés aux fibrilles ou FACIT collagens, les collagènes formant les réseaux ou collagènes des membranes basales, les collagènes à petites chaînes, les multiplexines et les autres collagènes. Tous ces collagènes ne sont pas présents dans la paroi artérielle. Les collagènes fibrillaires de types I et III constituent 80 % à 90 % du total des collagènes vasculaires et sont essentiellement présents dans la média et dans l'adventice. Les collagènes de types I et III semblent colocalisés au niveau de la média. Le collagène fibrillaire de type V est également retrouvé au niveau artériel, formant 5 % de la masse des collagènes. Le collagène de type IV est présent essentiellement dans la membrane basale sous-endothéliale et autour des CML. Les collagènes de types XII et XIV associés au collagène de type I sont vraisemblablement associés à la fibrilloformation des collagènes vasculaires. Le collagène de type VIII, appartenant à la famille des collagènes à petites chaînes, a été aussi identifié dans le produit de synthèse des cellules endothéliales. Le collagène de type VI appartenant au groupe des autres collagènes a quant à lui, été essentiellement décrit au niveau de l'intima et semble synthétisé essentiellement par les cellules endothéliales. Les rôles respectifs et les interrelations entre ces types génétiquement différents restent mal connus. Cependant, la fragilité artérielle observée dans la maladie d'Ehlers-Danlos type IV caractérisée par une diminution des concentrations tissulaires de collagène de type III, les anomalies du phénotype des CML dans le cadre des syndromes d'Alport associées à des léiomyomes avec mutations sur les chaînes
du collagène de type IV indiquent bien l'importance de la relation entre les CML et sa matrice extracellulaire et notamment ses collagènes dans le maintien du phénotype mature de la cellule et de la structure du vaisseau.
Élastine
L'élastine est le constituant majeur des structures orcéinophiles présentes dans les artères sous forme de puissantes lames élastiques
. Ces structures résultent, en fait, de l'association d'au moins deux types de constituants discernables en microscopie électronique : l'élastine et les microfibrilles associées. La composition de l'élastine est voisine de celle du collagène. La structure moléculaire tient son originalité de la présence de produits de condensation de dérivés de la lysine et plus particulièrement de composés pyridiniques, la desmosine et l'isodesmosine, résultant de la condensation de quatre résidus allysine. Ces composés réalisent la liaison stable et résistante de quatre chaînes peptidiques conférant ainsi à la molécule des propriétés totalement insolubles. Plusieurs glycoprotéines participant à la formation des microfibrilles ont été décrites. Parmi celles-ci, les fibrillines jouent un rôle essentiel comme en témoigne l'apparition des anomalies structurales aortiques dans la maladie de Marfan caractérisée par une mutation sur le gène de la fibrilline
. Les étapes de la synthèse de l'élastine paraissent assez comparables à celles du collagène. Le taux de microfibrilles associées à l'élastine diminue au cours de l'ontogenèse, dans le même temps, l'élastine devient plus insoluble par augmentation du nombre des résidus desmosines. En revanche, au cours du vieillissement, l'association de l'élastine avec les microfibrilles deviendrait plus importante et l'élastine deviendrait plus soluble par suite de la diminution des desmosines. La qualité de l'élastine évolue aussi avec l'âge et les conditions pathologiques. La proportion relative des microfibrilles, l'interférence avec les structures lipidiques, l'importance d'éventuelles calcifications sont autant de caractères pouvant altérer la structure de l'élastine.
Glycoprotéines de structure
Plusieurs glycoprotéines de structure ont été identifiées au sein de la paroi artérielle. Au niveau de la lame basale des CML, la laminine et le nidogène, qui lui est associé, semblent jouer un rôle majeur dans le maintien du phénotype normal, différencié, contractile des CML en position médiale. L'analyse biochimique de ces deux glycoprotéines majeures de la lame basale révèle la complexité de leur structure. Les laminines sont effectivement des protéines trimériques contenant deux chaînes courtes,
et
, et une chaîne longue,
. Il existe actuellement huit chaînes différentes et sept hétérotrimères clairement identifiées. Les trois chaînes sont connectées par des ponts disulfures et forment une structure en forme de croix avec un bras long et trois bras courts. L'expression de chacun des types de chaîne est plus ou moins spécifique d'un tissu. Dans le tissu artériel, la chaîne
1 est présente dans les lames basales des cellules endothéliales et des CML. La chaîne
2, de large distribution, est également retrouvée au niveau de la média aortique. En revanche, contrairement à la plupart des tissus qui expriment la forme
1 du complexe trimérique de la laminine, l'aorte du sujet adulte exprime essentiellement la chaîne
2 de la laminine. Cette expression qui se retrouve également au niveau des plaques motrices est le témoin d'un état de différenciation du muscle lisse. En effet au cours du développement ontogénique, c'est essentiellement la chaîne
1 du complexe trimérique qui est exprimée. Le nidogène ou entactine joue un rôle important dans l'organisation des lames basales des cellules endothéliales et musculaires lisses. Il est en effet porteur de deux domaines d'interactions lui permettant de se lier d'une part entre la laminine et d'autre part le collagène de type IV. Au niveau de la matrice interstitielle séparée de la CML par la lame basale, d'autres protéines matricielles jouent un rôle majeur dans le maintien du phénotype mature de la CML et de la structure pariétale. Au premier rang de ces protéines se trouve la fibronectine. La fibronectine est une glycoprotéine de haut poids moléculaire, dimérique ou multimérique, dont la sous-unité de base a une taille de l'ordre de 235 kDa
. Il existe une grande variabilité de la structure de la molécule par la survenue ou non d'épissages alternatifs de trois segments, deux répétitions de type III, les extradomaines A et B, et un segment non homologue dénommé V ou IIICS. Ces trois zones d'épissage permettent l'existence de 20 combinaisons différentes de fibronectine. Les CML de la média de l'aorte humaine adulte expriment essentiellement une fibronectine épissée des extradomaines A et B. Au cours du développement, au stade foetal, les CML aortiques expriment essentiellement une forme totale de fibronectine non épissée des extradomaines A et B. Ces variations montrent, comme nous l'avons déjà rapporté pour les protéines contractiles ou du cytosquelette comme la caldesmone et la vinculine, la mise en place de systèmes d'épissages au cours de la différenciation du muscle lisse vasculaire.
Protéoglycanes
Les protéoglycanes, constituants majeurs de la substance fondamentale sont des complexes protéine-polysaccharides. Les polysaccharides appelés glycosaminoglycanes (GAG) sont des polymères de dimères monosaccharidiques dont un des composants est un sucre aminé le plus souvent sulfaté. Les glycosaminoglycanes ne peuvent exister libres dans l'espace intercellulaire et sont toujours liés par covalence à une protéine porteuse. La caractérisation protéique et moléculaire de la protéine porteuse a permis de mieux définir ces protéoglycanes qui sont actuellement classés par l'identification de leur protéine et non plus par l'identification des glycosaminoglycanes. Ces structures sont très abondantes dans des tissus spécialisés tel le cartilage. Cependant, elles apparaissent également importantes dans les tissus où elles ne représentent qu'un constituant pondéralement mineur telles les parois vasculaires, car la qualité de leurs interactions avec le constituant majeur qu'est le collagène est fondamentale. Au sein de la paroi, plusieurs protéoglycanes ont pu être identifiés
. Une forte expression de biglycan, protéoglycane à deux chaînes latérales de dermatan sulfate, localisée à la surface des cellules et en péricellulaire, est observée dans la média. Les expressions au niveau de la média aortique normale du perlecan, protéoglycane porteur d'un héparan-sulfate et du versican, protéoglycane porteur d'un chondroïtine sulfate, sont plus faibles. De même, le niveau d'expression dans la média aortique normale des protéoglycanes liés à des héparan-sulfates, le syndecan et le ryudocan, est relativement bas.
Adventice
L'adventice, couche protectrice externe, contient des CML, des fibroblastes et des taux importants de fibres collagéniques, élastiques et des protéoglycanes. Elle sert de support aux vaisseaux sanguins et lymphatiques et aux nerfs artériels et joue un rôle trophique majeur. Les vasa vasorum n'existent que dans les vaisseaux de diamètre supérieur à 200 mm. Ils restent localisés à l'adventice, ne pénétrant la média que pour les vaisseaux dont la média dépassent 29 unités lamellaires. Le réseau lymphatique adventiel est également observé, assurant l'élimination des déchets pariétaux. L'innervation adrénergique et non adrénergique pariétale, particulièrement présente dans les artères de petit calibre, reste confinée dans l'adventice, à la limite externe de la média. La stimulation nerveuse des CML se fait par action directe des nerfs sur les CML de la couche externe de la média. La transmission de l'excitation aux cellules adjacentes du reste de la média se fait par couplage électrique entre les cellules.
Fonctions de l'endothélium
Perméabilité sélective
L'endothélium est une barrière qui régule sélectivement le transfert de substances de taille variable entre le sang et les tissus environnants. Les vésicules plasmalemmiques et les jonctions vasculaires sont les voies de transfert des molécules. Un problème majeur reste l'importance relative des transferts par les vésicules plasmalemmiques et les espaces interendothéliaux à l'état normal et pathologique, et de savoir dans quelle mesure l'endothélium normal constitue une barrière effective aux passages des macromolécules et notamment des lipoprotéines dans la paroi vasculaire. Les cellules endothéliales ne constituent pas en effet une barrière infranchissable pour les lipoprotéines mais elles en régulent le mouvement. Leur perméabilité aux petites particules (HDL, high density lipoprotein) est supérieure à celle des grosses particules (LDL, low density lipoprotein, VLDL, very low density lipoprotein) mais celle-ci est accrue par l'hypercholestérolémie, même en présence d'un endothélium intact. L'important est que la captation des LDL par les cellules endothéliales n'est pas dépendante, pour l'essentiel, de récepteurs spécifiques. En situation normale, les flux d'entrée et de sortie des macromolécules à travers l'endothélium sont d'égale importance. En situation pathologique, l'accumulation de cholestérol dans l'espace situé entre l'endothélium et la première lame élastique (intima) peut résulter soit d'une augmentation du flux d'entrée à travers l'endothélium (hypercholestérolémie), soit d'une diminution de flux de sortie, soit une altération concomitante des deux mécanismes. La concentration intimale des LDL est environ le double de la concentration plasmatique alors que les LDL ne sont présentes qu'à l'état de traces dans la média. Tout se passe comme si les LDL étaient piégées par la barrière que constitue la limitante élastique interne. Cependant, la concentration vasculaire de LDL ne dépend pas que de ces facteurs mécaniques, elle est aussi fonction de la perméabilité endothéliale et de la capacité de dégradation intracellulaire. L'hypercholestérolémie, si elle accroît la perméabilité endothéliale aux LDL, réduit leur dégradation intravasculaire du fait de la diminution des récepteurs membranaires. La perméabilité endothéliale aux lipides est un facteur essentiel
. Elle est en partie régulée par l'état biologique des cellules endothéliales. Plus de 80 % des cellules endothéliales en phase de mitose représentaient des zones perméables aux lipides grâce à l'ouverture des jonctions intracellulaires. Ces zones pourraient, dans certains cas, représenter plus de la moitié des zones perméables d'une artère. En dehors de ce type particulier de transport des lipoprotéines dans l'espace sous-endothélial, le transport des lipoprotéines de faible densité se fait selon deux modes, l'un appelé transcytose et l'autre appelé endocytose. L'avancée la plus significative dans la compréhension de la perméabilité endothéliale aux lipoprotéines résulte probablement des travaux qui démontrent que la majeure partie du transport des lipides dans le vaisseau s'effectue par transcytose endothéliale via des vésicules plasmalemmiques non saturées et non spécifiques qui délivrent directement des lipoprotéines dans l'espace sous-endothélial sous une forme native et/ou modifiée qui, dans ce dernier cas, pourraient modifier les interactions des lipoprotéines avec les autres composantes de la paroi artérielle. L'importance relative de cette voie s'accroît de manière proportionnelle à la concentration des lipoprotéines dans le plasma, contrairement au processus d'endocytose lié à la présence de récepteurs spécifiques aux apolipoprotéines B, E, qui est saturable et régulé négativement en retour entraînant une implication inversement proportionnelle à la concentration des lipoprotéines LDL. Cette voie conduit par ailleurs à la libération de cholestérol dans l'espace sous-endothélial et non pas de lipoprotéines comme les deux mécanismes précédemment décrits. Il est intéressant de noter que les cellules endothéliales peuvent se contracter sous l'effet d'agents vasoactifs tels que les catécholamines, l'histamine, la sérotonine, l'angiotensine II. La contraction des cellules endothéliales provoque un élargissement des espaces intercellulaires, induisant une augmentation de la perméabilité endothéliale.
Thromborésistance
Une des propriétés principales de l'endothélium est d'être inerte vis-à-vis des plaquettes ou des leucocytes, de ne pas induire leur adhésion et d'empêcher l'activation des facteurs extrinsèques et intrinsèques du système de coagulation. La cellule endothéliale comporte plusieurs mécanismes susceptibles de rendre compte de propriétés thromborésistantes. La thromborésistance passive est une propriété aspécifique. Elle est essentiellement le fait de la présence du glycocalyx, celui-ci, présent à la surface des cellules endothéliales aussi bien que des plaquettes constitue une structure chargée négativement grâce à la présence d'acide sialique, dès lors, des phénomènes de répulsion électrostatique entre charges de signes identiques ont été évoqués. Ils sont peu probables, les structures sous-endothéliales identiquement chargées s'avérant proagrégantes et la digestion enzymatique du coat ne modifiant pas les propriétés agrégantes. La présence d'
2-macroglobuline, connue pour ses propriétés antiprotéasiques, pourrait également interférer avec les protéases de la coagulation. Les mécanismes de thromborésistance active pourraient dépendre de la présence de récepteurs membranaires spécifiques pour l'adénosine diphosphate (ADP), la sérotonine, etc, et d'un catabolisme cellulaire de ces substances proagrégantes. L'ADP est ainsi très rapidement détruit par les cellules endothéliales. Parallèlement l'endothélium synthétise des substances anticoagulantes. Un des mécanismes fondamentaux rendant compte de la non-thrombogénéité endothéliale est la synthèse de prostacycline (PGI2) et d'un facteur vasorelaxant d'origine endothéliale (endothelium derived relaxing factor, EDRF) et l'existence d'une fibrinolyse locale induite par la cellule endothéliale. Il ne s'agit pas là de propriété véritablement spécifique des cellules endothéliales bien que celles-ci aient une activité de synthèse particulièrement élevée. Concernant la PGI2, cette prostaglandine est remarquable par ses propriétés vasodilatatrice et antithrombotique (antagoniste du thromboxane plaquettaire). La synthèse de PGI2 s'effectue à partir d'acide arachidonique (AA) libéré des phospholipides membranaires. Une participation de précurseurs circulants n'est cependant pas à exclure. Des systèmes enzymatiques complexes (cyclooxygénases) transforment l'AA en endoperoxydes cycliques qui constituent le substrat d'un deuxième système enzymatique : la prostacycline synthétase. Comme pour la nitric oxide synthetase (NOS), il existe deux formes de cyclooxygénases, une constitutive constamment exprimée dans les cellules endothéliales, et une inductible, induite par les cytokines. La PGI2 est immédiatement libérée dans la circulation sur les lieux mêmes de sa production. Elle pourrait temporairement transiter dans le flux sanguin, mais sa durée de vie à pH physiologique est très courte (quelques minutes) et rend improbable une action à distance, et seule doivent être considérées la production et l'action locale aux sites de sécrétion de la PGI2 (autacoïde). Nous analyserons plus loin les propriétés de synthèse de facteur EDRF ou radical NO (monoxyde d'azote) qui participe également aux propriétés antithrombotiques de l'endothélium mais dont la fonction essentielle est de réguler la vasomotricité. Parallèlement, la cellule endothéliale est capable d'induire à sa surface une inhibition du système de la coagulation passant par l'activité de la thrombomoduline, protéine membranaire de la cellule endothéliale, activant la protéine S et la protéine C qui inhibe les fonctions de la coagulation intrinsèque et la thrombine. Mais surtout, la cellule endothéliale est capable d'induire la synthèse et la sécrétion à sa surface de l'activation tissulaire du plasminogène (tPA), synthèse et sécrétion activées par la thrombine ainsi que par de nombreux autres facteurs, et qui permettent la formation de plasmine. Celle-ci joue vraisemblablement un rôle fondamental dans l'antithrombogénicité de la cellule endothéliale. Cependant, la cellule endothéliale est aussi capable de synthétiser et de sécréter les inhibiteurs du tPA qui sont les PAI-1 et les PAI-2. Il est vraisemblable que la perte de la thrombogénicité vasculaire est en partie liée dans bien des cas, à un déséquilibre entre tPA et PAI. Il est important de noter l'identité de structure existante entre le plasminogène et une fraction lipoprotéique très athérogène, la LP(a). Cette identité, explique vraisemblablement une compétition des substrats au niveau de l'enzyme qu'est le tPA membranaire endothélial et une diminution locale de la formation de plasmine. Ainsi, en présence d'un excès de LP(a) il apparaît ainsi une hypofibrinolyse locale induisant la thrombogénicité de la cellule endothéliale, notamment dans le contexte d'une paroi athéroscléreuse.
Régulation de la vasomotricité
Actuellement le rôle majeur attribué à l'endothélium est son rôle dans le contrôle de la vasomotricité artérielle. En 1980, Furchgott et ses collègues
démontraient la synthèse d'un facteur vasorelaxant d'origine endothéliale, l'EDRF. Moncada a caractérisé ce facteur en 1987 comme étant du NO
. Ce dérivé est synthétisé par les cellules endothéliales sous l'action d'une enzyme la NOS, présente sous forme constitutive dans la cellule endothéliale, à partir d'un substrat qui est la L-arginine. L'enzyme NOS constitutive des cellules endothéliales est la Ca++-calmoduline-dépendante et est rapidement activée. À côté de la forme constitutive de la NOS observée dans les cellules endothéliales, il existe une forme inductible de l'enzyme dans d'autres types cellulaires, notamment les macrophages et les CML. Sous l'action de certains facteurs plasmatiques comme les médiateurs immunologiques et les cytokines, l'expression de cet enzyme est induite et la production locale de NO augmentée. Le NO formé va induire une activation de la guanylate cyclase présente dans la CML ainsi qu'une forte augmentation du taux de GMP cyclique. Celui-ci est à l'origine d'une série de réactions biochimiques qui aboutissent à la diminution de la concentration cytoplasmique du Ca++ et la relaxation de la CML. Les stimuli physiologiques capables d'induire la libération de NO sont nombreux. L'acétylcholine, la sérotonine, la bradykinine, l'histamine, l'adénosine triphosphate, la noradrénaline font partie des substances qui sont capables d'induire la libération de NO par les cellules endothéliales. Mais le stimulus physiologique le plus important de la libération de NO est le frottement du sang sur l'endothélium. L'intensité de ces forces de cisaillement est sous la dépendance du débit local et des conditions d'écoulement. L'endothélium synthétise également d'autres substances vasodilatatrices comme la prostacycline (PGI2) que nous avons déjà vue, mais aussi un facteur hyperpolarisant (Endothelium derived hyperpolarizing factor ou EDHF), qui augmente le potentiel de membrane du muscle lisse et favorise la relaxation. L'EDHF semble agir sur le muscle lisse en ouvrant les canaux potassiques. Ces canaux potassiques seraient dépendants de l'ATP. L'EDHF pourrait stimuler l'ATPase de l'échangeur Na+/K+, permettant au K+ de sortir de la cellule, entraînant une hyperpolarisation de la membrane. Enfin dans l'analyse des propriétés vasodilatatrices de l'endothélium, il ne faut pas oublier sa capacité à dégrader les peptides vasoconstricteurs par ses ectopeptidases
.
Synthèses endothéliales
La cellule endothéliale est susceptible de réaliser de nombreuses synthèses. La synthèse du facteur von Willebrand et du facteur VIII antigénique a été reconnue en particulier en culture de cellule endothéliale et mise en évidence in vivo. Le facteur von Willebrand est associé dans le plasma au facteur VIII coagulant. La synthèse du facteur VIII coagulant n'a pas été reconnue dans les cellules endothéliales. Le facteur von Willebrand participe aux mécanismes d'adhésion des plaquettes au collagène sous-endothélial. Il serait particulièrement actif dans les zones à fort cisaillement et donc pour des interactions temporellement courtes, liées aux glycoprotéines 1 plaquettaires. Un des autres rôles majeurs des cellules endothéliales est également le contrôle trophique de la tunique musculaire sous-jacente. Il s'agit là d'un des chapitres le plus fécond de la recherche vasculaire de ces dernières années. Il est né de la possibilité d'obtenir en culture des cellules endothéliales et de les entretenir. La première démonstration d'une activité endothéliale de contrôle de la fonctionnalité musculaire est sans doute la mise en évidence du rôle antiprolifératif des héparan-sulfates synthétisés par les cellules endothéliales par le groupe de Karnowsky dès la fin des années 1970
. De même, l'existence d'enzymes de conversion de l'angiotensine dans les cellules endothéliales, la mise en évidence de l'endothéline, peptide aux propriétés vasoconstrictives et peut-être proprolifératives, la capacité de synthèse de facteurs de croissance du type PDGF, EGF (epidermal growth factor) ou FGF (fibroblast growth factor) et autres montrent le rôle majeur des cellules endothéliales dans le contrôle du phénotype normal des CML et donc la fonctionnalité de l'artère normale.
Fonctions de la média
Contraction de la cellule musculaire lisse
Actine et myosine sont présentes dans le muscle lisse et sont responsables de l'activité contractile de la cellule. La myosine du muscle lisse diffère de celle du muscle strié par sa séquence qui est partiellement publiée mais surtout par sa fonctionnalité. Elle diffère par le niveau de son activité ATPasique dix fois inférieur à celui de la myosine squelettique, cette activité étant soumise à une régulation Ca2+ dépendante, et par le fait qu'elle ne peut interagir avec les filaments d'actine que si les chaînes légères sont phosphorylées. La phosphorylation des chaînes légères de la myosine est sous le contrôle de kinase régulée par la calmoduline. La lenteur de la contraction s'explique par la vitesse réduite de la formation des ponts de myosine. Les cellules sont cependant capables de maintenir une tension pendant des périodes longues pour une consommation cinq à dix fois plus faible d'ATP que celle nécessaire à la fibre squelettique. La transmission de la force de l'appareil contractile de la cellule à la membrane plasmique se fait par l'insertion des filaments d'actine aux bandes denses. Ces bandes denses, qui correspondent à des jonctions d'adhérence, rassemblent du côté cytoplasmique plusieurs protéines comme l'alpha-actinine, la vinculine, la taline, la filamine. Les CML, comme les neurones, peuvent être mécaniquement, chimiquement et électriquement excitées pour produire un potentiel d'action.
Contraction du muscle lisse
La coordination de la contraction des CML au sein de la paroi artérielle est liée aux jonctions communicantes impliquées dans le transfert entre cellules des ions et des petits métabolites. Le couplage excitation-contraction est cependant lent dans le muscle lisse. La transmission de la force de traction de cellule à cellule est liée à la fois aux jonctions entre les cellules et leurs membranes basales associées à la matrice interstitielle, mais aussi à l'existence de jonctions cellule-cellule observables en microscopie électronique sous la forme de macula adherens assez dispersées et de quelques jonctions serrées.
La définition des phénomènes pathologiques conduisant à l'athérosclérose humaine ne peut se faire que par la caractérisation histologique et cytologique des lésions athéroscléreuses. Deux types de travaux ont permis de caractériser les lésions athéroscléreuses, les études anatomopathologiques classiques et les études immunohistologiques
(fig 1).
Caractérisation anatomopathologique
Les analyses anatomopathologiques ont permis de révéler de nombreux types de lésions intimales focalisées : accumulation de macrophages spumeux, stries lipidiques et plaques gélatineuses, lésions préathéromateuses, lésions athéromateuses et fibroathéromes ou plaques fibrolipidiques et plaques fibreuses, fibroathéromes ulcérés ou lésions compliquées. La filiation de ces lésions dans l'évolution naturelle de l'athérosclérose n'est pas claire. Il existe de plus des variations considérables dans l'étendue et le degré de développement des lésions entre des individus d'âge comparable et chez le même sujet suivant les territoires artériels. Très schématiquement, et sans qu'il existe de véritable consensus sur ce point, plusieurs types de lésions peuvent être individualisés : la strie lipidique, la plaque athéromateuse, la plaque fibreuse et la lésion compliquée
.
Strie lipidique
Caractérisée par l'accumulation focalisée d'un petit nombre de cellules dans l'intima artérielle, elle est communément rencontrée chez l'individu jeune. Les cellules contiennent des inclusions lipidiques et il n'est pas rare de trouver également des dépôts lipidiques extracellulaires. Les cellules spumeuses sont de deux types reconnus grâce au développement récent de marqueurs immunologiques spécifiques : pour l'essentiel, des macrophages et à un moindre degré, des CML. Cette lésion jaunâtre et sessile reste cliniquement muette sur le plan symptomatologique. Ces lésions sont distribuées dans tout l'arbre artériel avec une prédominance dans les parties distales des jonctions et les bifurcations, zones où les forces de cisaillement de l'endothélium par le flux sanguin sont les plus perturbées. Leur prévalence semble maximale entre 12 et 14 ans ainsi que le démontre les études de Stary portant sur la bifurcation des artères coronaires gauches. Dans cette étude, 60 % des individus de la population étudiée présentent ce type de lésion à cet âge. Le milieu de la deuxième décennie apparaît comme une étape cruciale correspondant à un doublement de l'incidence des lésions type strie lipidique et l'apparition des premières lésions évolutives bien que toujours cliniquement muettes. L'incidence globale des surfaces lésées ne semble plus évoluer par la suite. Ce résultat qui suggère une filiation directe entre strie lipidique et lésion athéroscléreuse s'oppose au concept généralement accepté d'une réversibilité potentielle des stries lipidiques.
Lésion d'athérosclérose constituée non compliquée
Elle a été décrite sous plusieurs termes : lésion athéromateuse, fibroathérome, plaque fibrolipidique, plaque fibreuse. Elle se caractérise par une accumulation cellulaire intimale associée à une accumulation de tissu conjonctif et de dépôts lipidiques. Deux zones distinctes la constituent, en superficie, la chape fibreuse dominée par l'infiltration cellulaire et la fibrose péricellulaire, et en profondeur, sous le dôme de la chape fibreuse, le centre athéromateux, pratiquement acellulaire, rempli d'un matériel nécrotique lipidique, de cristaux de cholestérol et d'éventuelles calcifications. À la jonction de ces deux zones, les couches profondes de la chape fibreuse s'enrichissent de cellules spumeuses, cellules gorgées de lipides, et de lipides extracellulaires sous forme de fines particules disséminées. L'importance de l'accumulation des lipides, des débris cellulaires, des processus dégénératifs et des calcifications est extrêmement variable, dépendante à la fois de l'individu et du territoire artériel. Certains auteurs distinguent ainsi la plaque athéromateuse caractérisée par un dépôt lipidique extracellulaire abondant groupé en un agrégat unique (bouillie lipidique) qui atteint les couches les plus superficielles de la média. La partie centrale contient de rares cellules, côté lumière elle est bordée par une couche de cellules spumeuses ou non d'origines multiples. Le deuxième type de lésion d'athérosclérose constituée, non compliquée est la plaque fibreuse. Elle a pour caractère essentiel la richesse en fibres collagènes. D'apparence blanchâtre, elle réalise une protrusion dans la lumière intimale. La plaque fibreuse consiste en une accumulation de CML entourées de tissu conjonctif et réalisant un véritable dôme qui recouvre l'aire profonde faite de lipides intra- et surtout extracellulaires. Des macrophages, des débris cellulaires, et une nécrose sont généralement associés à ces dépôts lipidiques. Ces plaques fibreuses sont distribuées principalement dans les zones soumises à des perturbations des forces de cisaillement.
Lésions compliquées
Les lésions compliquées ou avancées se différencient des plaques fibreuses principalement par l'association, aux caractères précédemment décrits, de dépôts calcaires. Ces zones apparaissent aussi comme des plaques fibreuses soumises à des processus thrombotiques, hémorragiques et nécrotiques avancés.
Évolution et filiation des lésions
Un des points cruciaux de la compréhension de la pathogénie athéroscléreuse réside dans l'établissement de la chronologie évolutive de ces différentes entités anatomiques. Alors qu'il ne fait aucun doute que la lésion compliquée n'est qu'une aggravation, par des processus thrombotiques et/ou nécrotiques, des plaques fibreuses et que celles-ci ne sont probablement que la réponse cicatricielle de processus inflammatoires conduisant à l'athérome, de très nombreuses discussions animent depuis des années les pathologistes, de savoir si la strie lipidique fait ou non le berceau de la lésion athéroscléreuse. Il est impossible encore aujourd'hui de trancher entre les différentes interprétations basées sur des études anatomopathologiques chez l'homme et soulignant les profils de distribution en fonction de l'âge. Pour Stary, il semble que, dans certains cas, la strie lipidique soit le véritable précurseur de la lésion d'athérome. Pour d'autres au contraire, l'aspect potentiellement régressif et la distribution anatomique plutôt spécifique des stries lipidiques ne permettent pas d'émettre une telle hypothèse. Ce point est bien évidemment fondamental car il gouverne véritablement toute la stratégie préventive de l'athérosclérose. En effet, si on admet la présence de stries lipidiques dans les sites préférentiels de développement des lésions athéroscléreuses dès l'âge de 12-15 ans, il est bien évident que le caractère régressif ou non de telles lésions conditionnera l'attitude thérapeutique et/ou préventive. Un autre point majeur est l'absence d'une augmentation significative de l'incidence de ces lésions après 12-15 ans mais aussi l'augmentation linéaire de leur aggravation.
Distribution anatomique des lésions
Les différents types lésionnels, indépendamment de leurs caractères histologiques, sont distribués d'une manière assez caractéristique tout au long des branches majeures de l'arbre artériel. Trois localisations préférentielles peuvent être reconnues :
- - la première, qui détermine, et de loin, les plus hauts risques potentiels touche les branches principales de l'aorte ascendante et de la crosse aortique. Une des plus communes et des plus graves concerne les artères coronaires (75 % de la mortalité par maladie cardiovasculaire chez l'homme entre 25 et 65 ans). La distribution la plus fréquente est dans la partie proximale des coronaires, sans atteinte de la partie distale (tronc coronaire droit, tronc commun de l'artère coronaire gauche et de l'interventriculaire antérieure). Lorsque l'athérosclérose intéresse les artères innominées, carotides ou sous-clavières et leurs branches principales, là encore, la distribution la plus fréquente intéresse leurs segments proximaux dès leur départ de la crosse aortique et généralement, plusieurs vaisseaux sont atteints, alors que les segments distaux sont normaux. La bifurcation des artères carotides, l'origine des carotides internes, l'origine des artères vertébrales constituent également les lieux de prédilection, de même que le développement des lésions athéroscléreuses. Beaucoup plus rarement, c'est la portion distale de ces artères, dans leur trajet intracrânien, qui est touchée ;
- - la deuxième localisation est celle qui concerne les branches viscérales de l'aorte abdominale : coeliaques, mésentériques et rénales. Ici encore, le processus athéroscléreux est préférentiellement localisé à la partie proximale de ces branches, dès leur origine aortique ;
- - la troisième localisation est celle qui affecte l'aorte abdominale dans sa portion terminale et ses branches majeures. Les sites les plus fréquents concernent l'origine des artères iliaques et la fémorale superficielle et, à un moindre degré, principalement chez les diabétiques, l'artère poplitée et ses branches.
Ces trois localisations présentent une certaine sélectivité d'expression dans différentes catégories de patients en fonction de l'âge, du sexe, etc. Chez un certain nombre de patients, les lésions sont préférentiellement coronariennes sans évidence marquée d'un développement athéroscléreux par ailleurs. Ces lésions interviennent dans les deux sexes mais les patients sont généralement plus jeunes que ceux présentant des lésions carotidiennes par exemple. De même, les lésions aorto-iliaques s'observent chez des patients beaucoup plus jeunes que ceux porteurs de lésions fémoropoplitées. Dans ce dernier cas, le sex-ratio est de l'ordre de dix hommes pour une femme. Notons enfin que l'athérosclérose est exceptionnelle pour les artères des membres supérieurs et qu'elle n'affecte que très rarement les artères pulmonaires où elle n'est présente qu'en cas d'hypertension artérielle pulmonaire.
Caractérisation immunohistologique
Un des problèmes essentiels dans l'analyse des lésions athéroscléreuses est la définition de la nature des cellules pariétales participant à la naissance et à l'évolution du processus pathologique artériel.
Endothélium et plaque d'athérosclérose
Le développement intimal des lésions amène à poser d'emblée le problème de la nature des lésions endothéliales. L'endothélium est anatomiquement présent au cours du développement des plaques athéroscléreuses et au niveau des plaques constituées
. La présence d'un endothélium anatomiquement intact à la surface des plaques athéroscléreuses n'implique pas une fonctionnalité normale de celui-ci. Les études de vasoréactivité, de potentialité thrombogène ou de proadhésivité ont montré la profonde altération des propriétés physiologiques de l'endothélium vasculaire. La destruction anatomique de l'endothélium en regard des plaques est un phénomène tardif qui est un des points de départ des complications de la plaque.
Caractérisation cellulaire des lésions d'athérosclérose non compliquées
La définition des populations cellulaires de l'épaississement intimal athéroscléreux, sous un endothélium anatomiquement présent, a pu être partiellement abordée par les études en microscopie électronique, mais se sont les études immunohistologiques à l'aide d'anticorps monoclonaux spécifiques de différents types cellulaires qui ont permis de définir réellement les composants cellulaires de la plaque athéroscléreuse
. Ces études ont montré que la plaque fibreuse aussi bien que le centre athéromateux étaient constitués de trois types cellulaires : les CML, les macrophages et les lymphocytes T. Plusieurs études immunohistologiques avaient pu montrer la présence de monocytes-macrophages au niveau des plaques, mais c'est le groupe de Hansson à Göteborg (Suède) qui a le premier montré non seulement la présence de macrophages mais également de lymphocytes. Leurs résultats montrent que la chape fibrocellulaire est constituée de 60 % de cellules desmine-positives, marqueurs spécifiques des CML, de 25 % de cellules porteuses de l'antigène Leu-M3 spécifique de la lignée monocytaire macrophagique et de 15 % de cellules marquées par un anticorps antipanlymphocyte T (T4+T8). Le centre athéromateux ou nécrotique est constitué de 60 % de cellules de la lignée monocytaire macrophagique, de 30 % de CML et de 10 % de lymphocytes T. Il est important de noter que 40 % des cellules de l'épaulement de la plaque n'étaient marquées par aucun des anticorps, laissant évoquer une forte proportion de CML desmine-négatives. De nombreuses études ont confirmé ces données et permis d'affiner notamment les populations lymphocytaires, révélant la prédominance de lymphocytes T8 notamment dans les plaques jeunes, les lymphocytes T4 apparaissant plus dans les lésions anciennes. Ces données confirment les approches expérimentales montrant le recrutement précoce des monocytes circulants dans la paroi artérielle au cours de régimes hypercholestérolés. L'athérosclérose se caractérise également par un autre type cellulaire, les cellules spumeuses chargées de lipides. Elles s'accumulent essentiellement autour et dans le centre nécrotique athéromateux. Les études immunohistologiques ont permis de définir l'origine essentiellement macrophagique de ces cellules. Cependant, une partie de ces cellules est constituée de CML. Ces données permettent en fait de confirmer la double origine des cellules spumeuses, macrophagiques et musculaires lisses
.
La caractérisation des populations cellulaires et de la structure histologique des plaques athéroscléreuses permet de définir les problèmes fondamentaux contrôlant la naissance et l'évolution de l'athérosclérose :
- - le recrutement pariétal des monocytes et T-lymphocytes circulants ;
- - l'accumulation néo-intimale des CML ;
- - la présence d'une matrice extracellulaire, péricellulaire et interstitielle en excès ;
- - l'accumulation intracellulaire de lipides aboutissant à la formation de cellules spumeuses.
L'analyse des mécanismes cellulaires et moléculaires contrôlant ces différentes étapes permet de mieux comprendre les mécanismes de l'athérogenèse. Cependant cette analyse comme nous le verrons est forcément fragmentaire, non intégrative, et ne permet pas de répondre à trois questions majeures : qui instaure l'ensemble du processus ? comment l'ensemble des phénomènes se stabilise ? quels sont les facteurs qui conduisent l'athérosclérose, processus réactionnel pariétal, à l'athérosclérose maladie, source des maladies vasculaires. Dans un premier temps, nous analyserons les mécanismes des étapes clés qui caractérisent l'athérosclérose puis nous essayerons d'aborder ces trois questions qui conditionnent l'évolution de l'athérosclérose.
Mécanismes cellulaires et moléculaires de l'épaississement intimal athéroscléreux
Mécanismes du recrutement pariétal des monocytes et T-lymphocytes circulants
Bien que souvent suspecté, le rôle du macrophage dans la formation des cellules spumeuses a fait l'objet de bien des débats depuis les travaux initiaux de Virchow 1872, puis d'Anistsckow. Aujourd'hui, ces discussions ne sont plus d'actualité, l'utilisation des marqueurs spécifiques tels les anticorps monoclonaux (HAM 35, Leu 3...) permet de signer sans ambiguïté la nature macrophagique de certaines des cellules constitutives des plaques athéroscléreuses. Les macrophages seraient de type cellulaire dominant dans les lésions initiales et les stries lipidiques puis diminueraient en pourcentage dans les lésions avancées de type fibrolipidique puis compliquées. Dans tous les cas, macrophages et CML cohabitent dans les plaques athéroscléreuses, indépendamment de leur degré de développement. Mais un point essentiel et inattendu est venu quelque peu compliquer ce tableau, c'est la présence en quantité importante (jusqu'à 30 %) de lymphocytes T tant dans les plaques jeunes qu'âgées (antigène T3-CD3) sous une forme activée (HLA DR+) suggérant des mécanismes liés à une réaction immune localisée dans l'athérogenèse. La présence de cellules circulantes mononucléées dans la paroi vasculaire et principalement de monocytes/macrophages pose plusieurs problèmes qui constituent actuellement l'enjeu de nombreuses recherches. Parmi ceux-ci, trois questions essentielles se posent : quels sont les mécanismes qui gouvernent le recrutement pariétal des monocytes et des lymphocytes ? quels sont les mécanismes de la formation des cellules spumeuses ? quels sont les rôles des macrophages dans le développement des lésions d'athérosclérose ? Nous aborderons, dans un premier temps, les mécanismes cellulaires du recrutement macrophagique, les mécanismes amenant à la formation des cellules spumeuses seront discutés ultérieurement comme la place potentielle de l'infiltration mononucléée dans l'évolution de la maladie. Le recrutement pariétal des monocytes et des lymphocytes dans la paroi artérielle se fait à travers un endothélium anatomiquement présent. Ce recrutement est en fait lié à une succession de deux processus cellulaires, l'adhésion des cellules circulantes à l'endothélium et la migration de ces cellules à travers l'endothélium.
Adhésion des monocytes et des lymphocytes à la surface de l'endothélium
L'adhésion des monocytes et des lymphocytes à la surface de l'endothélium est liée à l'interaction de protéines d'adhésions membranaires leucocytaires avec leurs ligands spécifiques endothéliaux
. Les protéines d'adhésion leucocytaire responsables de l'adhésion des monocytes et des lymphocytes à la surface de l'endothélium sont actuellement partiellement connues. Les protéines les plus importantes appartiennent à la famille des intégrines. Ce sont des protéines hétérodimériques constituées d'une chaîne
commune et de chaînes
différentes et conférant la spécificité à l'intégrine. Les intégrines de la famille des " leuCAM : leukocyte adhesion molecule ", caractérisées par une chaîne
2 ou CD18 et trois chaînes
différentes,
L ou CD11a,
M ou CD11b,
X ou CD11c, sont retrouvées à la surface des lymphocytes et des monocytes comme des polynucléaires. En revanche, VLA-4, intégrine
4
1 appartenant à la famille des VLA, est une autre intégrine intervenant dans les interactions cellule-endothélium, mais n'est retrouvée qu'à la surface des lymphocytes et des monocytes, et est absente de la surface des polynucléaires. Les cellules mononucléées peuvent subir, sous l'action de différentes substances (lipopolysaccharides, leucotriènes, LDL, cytokines), un processus d'activation, augmentant leurs propriétés adhésives pour l'endothélium. Cependant, il a pu être démontré que ce processus d'activation des propriétés adhésives ne correspond pas à une mobilisation membranaire de réserve intracellulaire des intégrines mais, en fait, à une modification de l'affinité des intégrines. Cette activation induite par l'interaction agoniste/récepteur semble médiée par la phosphorylation des chaînes des intégrines. Les protéines d'adhésion leucocytaire vont reconnaître à la surface de l'endothélium leurs ligands spécifiques, les protéines d'adhésion endothéliale. Ces protéines d'adhésion appartiennent à deux familles différentes, la famille des sélectines et la superfamille des immunoglobulines. Les sélectines sont absentes de la surface endothéliale à l'état de repos. L'activation par des substances plasmatiques telles que la thrombine, les leucotriènes, induit une mobilisation très rapide mais transitoire de la P-sélectine, stockée dans les corps de Weibel-Palade. L'activation de la cellule endothéliale par des cytokines telles que l'interleukine 1 ou le TNF-
induit par néosynthèse l'apparition en quelques heures d'une deuxième sélectine, la E-sélectine. La fonctionnalité et la demi-vie de cette sélectine restent relativement courtes. Les ligands de ces sélectines endothéliales ont été récemment identifiés comme étant des groupes sialyls hydrocarbonés proches du groupe Lewis et présents à la surface des leucocytes, surtout polynucléaires. La deuxième grande famille de protéines d'adhésion endothéliale est la superfamille des immunoglobulines. Trois protéines différentes ont été identifiées à la surface des cellules endothéliales : ICAM-1, ICAM-2 (ICAM : intercellular adhesion molecule) et VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule). ICAM-1 et -2 reconnaissent les intégrines leucocytaires CD18-dépendantes, c'est-à-dire les trois intégrines caractérisées par la chaîne
2. VCAM-1 reconnaît l'intégrine VLA-4. ICAM-2 est présente à la surface des cellules endothéliales de manière constitutive et est non régulée par les cytokines. ICAM-1 est faiblement exprimée à la surface des cellules endothéliales non activées, mais très fortement induite par les cytokines IL 1 et TNF-
. Le pic d'expression est obtenu en plusieurs heures et est stable sur une période de 24 heures. VCAM-1 n'est pas exprimée par les cellules endothéliales à l'état de repos mais elle est en revanche très fortement induite par les cytokines et sa durée d'expression à la surface endothéliale est longue, proche de 3 jours. Ces données suggèrent que l'adhésion des monocytes et des lymphocytes à l'endothélium est en fait la conséquence de la coopération de plusieurs protéines exprimées de façon séquentielle à la surface endothéliale à la suite d'une activation de ces cellules par des cytokines. Les cellules mononucléées sont vraisemblablement immobilisées transitoirement à la surface endothéliale par les sélectines, mais une adhésion stable et irréversible ne s'installe que par la mise en jeu des protéines de la superfamille des immunoglobulines, ICAM-1 dans un premier temps puis VCAM-1. Cette adhésion stable est nécessaire au phénomène de migration transendothéliale des monocytes et des lymphocytes. Les facteurs responsables de l'activation endothéliale sont multiples. De nombreux facteurs physiologiques sont capables d'induire l'expression des protéines d'adhésion endothéliale. La libération locale par les cellules inflammatoires ou immunologiques de cytokine joue comme nous l'avons vu, un rôle majeur dans l'induction de ces protéines. L'hyperlipidémie par les particules LDL ou leurs formes oxydées est également capable d'activer l'adhésion des cellules mononucléées aux cellules endothéliales, cette activation passant par l'activation des intégrines leucocytaires ou l'induction de l'expression des protéines d'adhésion endothéliale. Par ailleurs, l'hypercholestérolémie favorise de manière focalisée la réplication des cellules endothéliales pouvant entraîner une augmentation localisée de la perméabilité. De même, les altérations du flux, au travers des modifications hémodynamiques qu'elles entraînent (altération des forces de cisaillement), induisent des modifications morphologiques et fonctionnelles (pinocytose, prolifération) mais surtout régulent l'expression de nombreux gènes dont l'activité transcriptionnelle est régulée au niveau des promoteurs par un élément de réponse sensible aux forces de cisaillement. C'est ainsi que certaines des protéines qui vont jouer un rôle dans l'infiltration des cellules monucléées comme la baisse de l'activité NO synthase endothéliale, l'expression d'ICAM-1, la sécrétion par les cellules endothéliales de facteurs chimioattractants ou proprolifératifs comme le PDGF ou le MCP-1 (monocyte chemotactic protein-1), sont très fortement induits par une baisse des forces de cisaillement.
Migration transendothéliale
La migration transendothéliale des lymphocytes et des monocytes est dépendante de l'expression endothéliale de l'ICAM-1 et du VCAM-1. Mais la migration transendothéliale des cellules mononucléées est également dépendante de l'existence de substances chimioattractantes attirant notamment les monocytes dans l'intima artérielle
. De nombreuses substances pariétales ont un effet chimioattractant, les unes sont d'origine plasmatique comme les LDL oxydées par les cellules endothéliales, les
VLDL, les leucotriènes, d'autres sont issues de la dégradation de la matrice extracellulaire comme les peptides d'élastine, la fibronectine, d'autres sont synthétisées par les cellules de la paroi elle-même, telle la protéine MCP-1 synthétisée par les CML et les cellules endothéliales sous l'action de LDL oxydées ou des cytokines. Le recrutement localisé des monocytes et des lymphocytes dans les plaques athéroscléreuses apparaît ainsi comme la conséquence d'une activation locorégionale de l'endothélium et des CML sous-jacentes, cette activation induisant l'apparition à la fois des protéines d'adhésion nécessaires à l'adhésion et la migration mais aussi des facteurs chimioattractants. Les mécanismes de déclenchement de cette activation sont vraisemblablement multiples et variables suivant le stade de la maladie, le point de départ pouvant être issu soit du sang circulant (LDL, monocytes circulants, hémodynamique pariétale...), soit des cellules de la paroi elle-même (cellules endothéliales et musculaires lisses, macrophages).
Mécanismes contrôlant l'accumulation néo-intimale des cellules musculaires lisses
À la naissance, l'intima artérielle est constituée d'un endothélium reposant sur sa lame basale et séparé de la média et de la limitante élastique interne par une mince couche de matrice interstitielle où se trouvent quelques rares CML. Au cours du vieillissement physiologique, l'intima s'épaissit avec l'accumulation de glycosaminoglycanes, de quelques fibrilles d'élastine et de petits faisceaux de collagène auxquels s'associent quelques CML et parfois des macrophages. Au cours de l'athérosclérose, l'accumulation massive de CML dans l'intima, sans atrophie de la média sous-jacente, n'est possible que par une multiplication massive de ces cellules. Cependant l'accumulation et donc la prolifération des CML intimales posent le problème de l'origine de ces cellules. L'origine médiale de ces cellules est généralement admise bien que non évidente chez l'homme ; mais ceci suggère d'emblée que la prolifération est sous la dépendance de deux phénomènes majeurs, la dédifférenciation des CML et leur migration vers l'intima. Nous aborderons ainsi les mécanismes conduisant à l'accumulation intimale des CML dans l'athérosclérose en quatre points :
- - les mécanismes de la dédifférenciation des CML ;
- - l'origine des CML athéroscléreuses ;
- - la régulation de la migration des CML ;
- - la régulation de la prolifération des CML.
Mécanismes de la dédifférenciation des cellules musculaires lisses
Au cours de l'organogenèse, les tubes endothéliaux embryonnaires, d'origine commune, recrutent dans les différents somites les cellules d'origine mésodermique qui vont former les CML des médias vasculaires. Les origines sommitales différentes de ces cellules expliquent vraisemblablement le comportement physiologique et pathologique différent des CML suivant l'origine territoriale des cellules. Après la naissance, les CML de la média des gros et moyens calibres sont organisées en multicouches, en unités lamellaires. Les CML de la média normale sont des cellules contractiles dont la fonction essentielle est tournée vers la vasomotricité. Ces cellules sont dans un état différencié, mature, contractile. L'état différencié de la cellule se caractérise comme nous l'avons vu par l'expression de protéines contractiles et du cytosquelette, des protéines membranaires et matricielles qui lui permettent d'assurer sa fonction de base qui est la contraction et font de ces protéines de bons marqueurs du niveau de différenciation. Les CML de la média aortique ne sont cependant pas totalement homogènes.
La CML athéroscléreuse subit un phénomène de transformation phénotypique correspondant en fait à un phénomène de dédifférenciation
. La cellule évolue vers un statut fonctionnel différent avec la perte ou la modification des protéines contractiles, une augmentation et une modification de la synthèse matricielle et une modification de la répartition des intégrines. Ces modifications rendent la cellule apte à répondre au stimulus chimioattractant et prolifératif.
Protéines contractiles et du cytosquelette
L'
-actine spécifique du muscle lisse, les isoformes de la chaîne lourde de la myosine spécifique du muscle lisse, SM-2, la métavinculine, la caldesmone de haut poids moléculaire, la calponine, la desmine voient leur expression s'effondrer. Parallèlement l'expression des autres isoformes de l'actine du muscle lisse, de la chaîne lourde de la myosine non musculaire et des isoformes non épissés de la caldesmone et de la vinculine augmentent. Ces modifications correspondent à une dédifférenciation de la cellule qui retourne vers un phénotype proche du phénotype des CML observé au cours des premières semaines de la vie foetale
.
Matrice extracellulaire
La CML athéroscléreuse modifie sa matrice. La fibronectine est exprimée sous un variant particulier caractérisé par l'expression de l'extradomaine A, absent dans la média normale. La chaîne
2 de la laminine tend à disparaître pour laisser place à la chaîne
1. Une forte induction des gènes de tropoélastine, d'ostéopontine et d'
1 procollagène est également observée. Ces protéines sont là aussi assez proches de celles observées au cours de l'organogenèse, suggérant l'évolution de la cellule vers un niveau de dédifférenciation
.
Protéines d'interactions cellule-matrice
Parallèlement à la modification des protéines matricielles, les protéines d'interaction cellule-matrice se modifient avec notamment la diminution de l'expression des intégrines
1
1 et
3
1, récepteurs de la laminine. Il est intéressant de noter que le rôle des interactions CML/laminine dans le maintien du phénotype différencié, mature, est vraisemblablement modifié fondamentalement dans l'athérosclérose par la modification de la structure de la laminine et de ses récepteurs
.
Ainsi, la CML athéroscléreuse semble réexprimer de nombreuses protéines normalement exprimées au cours du développement artériel et témoin d'un état dédifférencié. La dédifférenciation des cellules semble être un phénomène clé de l'athérosclérose. Les mécanismes conduisant la cellule à un état différencié sont actuellement inconnus, mais peuvent être liés soit à la réinduction active d'un ou de plusieurs programmes génétiques foetaux, soit à la répression ou au défaut de maintien des programmes génétiques de la cellule mature différenciée.
Cependant, si les cellules matures, différenciées, sont hétérogènes, les CML intimales, " athéroscléreuses ", présentent une hétérogénéité encore plus grande. L'étude de l'expression des protéines de différenciation révèle des cellules
-actine positive mais négative pour la chaîne lourde de la myosine spécifique du muscle lisse, des cellules positives pour la chaîne lourde de la myosine mais négatives pour la calponine et la h-caldesmone, des cellules calponine positives mais h-caldesmone négatives, etc. Ces cellules sont particulièrement présentes dans la région subendothéliale de l'intima. L'étude d'autres marqueurs a permis de révéler la présence de groupes cellulaires exprimant des marqueurs foetaux (cytokératines 8 et 18, chaîne lourde de la myosine non musculaire, tenascine, ICAM-1, VCAM-1). Ces analyses semblent révéler que les protéines, les dernières acquises au cours de la différenciation, sont les premières à disparaître, et ainsi que le caractère asynchrone de la différenciation des CML.
Origine des cellules musculaires lisses dans la plaque athéroscléreuse
L'origine exacte des CML athéroscléreuses est actuellement inconnue. L'origine médiale des CML, secondaire à la migration des CML de la média artérielle vers l'intima, est largement acceptée. Les études expérimentales sur les modèles de désendothélialisation et de régime hypercholestérolé ont pu démontrer la migration des CML de la média vers l'intima à travers les fenêtres de la lame élastique interne. Chez l'homme, la démonstration de l'origine médiale des CML de la plaque est impossible. Les arguments qui permettent d'évoquer une telle origine sont l'absence de CML dans l'intima artérielle des enfants, la présence de cellules activées, dédifférenciées ou en prolifération dans la média juxta-intimale dans l'athérosclérose, la démonstration de l'origine médiale des cellules dans les modèles expérimentaux, les analyses en microscopie électronique des plaques humaines.
Cependant, l'hypothèse d'une origine intimale des CML a été émise. Benditt a pu démontrer en 1973 la clonalité des CML athéroscléreuses, résultats jamais réellement contredits, voire confirmés par les méthodes de biologie moléculaire
. Le développement monoclonal pose le problème de l'existence de cellules particulières, dédifférenciées, uniques ou en petit nombre, de même origine et capables de répondre aux stimuli initiaux. Ces cellules siègeraient en position intimale, soit piégées au cours de l'ontogenèse par le développement de la limitante élastique interne, soit migrant à travers la limitante élastique interne au cours du développement. La persistance de ces cellules dédifférenciées dans l'intima permet d'expliquer le caractère focalisé du développement de l'athérosclérose.
Régulation de la migration des cellules musculaires lisses
Les mécanismes régulant la migration des cellules sont mal connus. Ils ont été essentiellement étudiés dans les phénomènes d'angiogenèse, de métastases ou d'embryogenèse. La migration des CML est cependant distincte de la prolifération. Les études expérimentales par ballonnet sur la carotide de rat ont montré que 24 à 72 heures après l'agression pariétale une sous-population de cellules de la média subissait un processus de synthèse d'ADN. Ces cellules migrent vers l'intima à travers la fracture de la limitante élastique interne. Ces cellules vont continuer à proliférer dans l'intima. Cependant 50 % des cellules qui ont migré ne prolifèrent pas
.
Les mécanismes de migration sont sous la dépendance des modifications des contacts normaux cellule-matrice et cellule-cellule. Comme nous l'avons vu, les CML modifient leur lame basale et leur matrice interstitielle, la fibronectine pourrait jouer ici un rôle important dans l'induction de la migration. Les intégrines membranaires jouent également un rôle considérable, certaines de ces intégrines pouvant inhiber la migration comme les intégrines
1
1,
V
1, d'autres étant nécessaires à la migration des CML comme l'intégrine
V
3 ou l'intégrine
5
1
. Parallèlement les cellules doivent se libérer de leurs attaches matricielles vraisemblablement par l'apparition d'activités protéasiques membranaires. Il a été ainsi démontré que les CML en cours de migration expriment à leur surface du tPA contrairement aux cellules en prolifération qui expriment essentiellement de l'uPA
. Les modifications des protéines contractiles et du cytosquelette sont des éléments également nécessaires à la mise en place des phénomènes de migration. Les phénomènes migratoires impliquent la mise en jeu de l'actine et de la myosine non musculaire ainsi qu'une modification de la plasticité du cytosquelette.
De multiples facteurs sont capables d'induire la migration des CML vers l'intima
. Ces facteurs sont issus de plasma, des plaquettes sanguines, mais également, pour certains d'entre eux, des cellules pariétales, cellules endothéliales macrophages et CML. Les études in vitro ont montré que la norépinéphrine, la sérotonine, l'histamine, le PDGF, le TGF
(transforming growth factor), la fibronectine, le bFGF, l'IL 1, les LDL oxydées, la thrombospondine, la vitronectine ou même des facteurs spécifiques synthétisés par la CML elle-même comme le SMC-derived migration factor peuvent avoir suivant les conditions de culture un effet inducteur de la migration des CML. Il est important de noter que certains de ces facteurs, notamment les peptides d'origine plasmatique ou plaquettaire, ont un effet inverse sur la migration des cellules endothéliales. La plupart de ces facteurs sont également proprolifératifs pour les CML. Cependant les effets de ces facteurs sur la migration et la prolifération des CML doivent être dissociés. Ainsi, le PDGF induit une migration des CML à des doses inférieures à celles nécessaires à la prolifération. Certains facteurs peuvent induire la migration et inhiber la prolifération comme le TGF
. Cette complexité est évidente in vivo. Les études expérimentales d'angioplastie ont pu montrer que l'induction d'une thrombocytopénie, supprimant l'adhésion plaquettaire néo-intimale, réduisait l'épaississement intimal secondaire sans diminuer la synthèse d'ADN des CML. Ces résultats suggèrent que la migration et la production de matrice extracellulaire par les CML sont plus dépendantes des plaquettes que la synthèse d'ADN et la prolifération dans ce modèle d'hyperplasie intimale. L'origine multiple de ces facteurs, notamment des facteurs de croissance, montre le rôle déterminant des régulations paracrines et autocrines dans l'induction de la migration des CML. Les macrophages sont capables de synthétiser du PDGF, du bFGF, du TGF
1, du TGF
, de l'IL 1. Les mêmes facteurs sont synthétisés par la CML. Le rôle de ces régulations autocrines et paracrines dans l'induction de la migration des CML a été démontré in vivo sur les modèles d'angioplastie. L'injection d'anticorps anti-PDGF inhibe la migration et l'épaississement intimal. De même, les anticorps anti-bFGF inhibent la prolifération et potentiellement la migration des CML après angioplastie chez le rat.
La migration des CML apparaît ainsi soumise à une régulation différente de celle de la prolifération et constitue un phénomène cellulaire important non seulement dans les phases précoces de l'athérosclérose mais également dans la resténose après angioplastie.
Régulation de la prolifération des cellules musculaires lisses
Les CML de la paroi artérielle d'un sujet adulte ont un taux de prolifération extrêmement faible, environ une cellule sur 1 000. Dans certaines conditions expérimentales comme les dénudations artérielles ou les régimes hypercholestérolés, la proportion des CML en prolifération augmente considérablement. Chez l'homme, le rôle de la prolifération dans l'installation de l'hyperplasie intimale est considéré comme très important
. Plusieurs arguments sont là pour étayer une telle hypothèse : le rapprochement avec les modèles animaux où le rôle de la prolifération et de la migration des CML de la média vers l'intima est essentiel dans l'apparition de l'épaississement intimal ; la présence d'une augmentation considérable de la masse intimale des CML dans les artères athéroscléreuses humaines sans atrophie majeure de la média sous-jacente et contrastant avec la quasi-absence des CML dans l'intima normale. Cependant l'analyse du taux de réplication des CML dans les plaques athéroscléreuses humaines, soit par thymidine tritiée sur des artères ex-vivo, soit par des marqueurs de la phase S comme le PCNA (proliferating cell nuclear antigen) sur des fragments artériels, montre un taux très faible de cellules en cours de prolifération. Ainsi, Schwartz ne retrouve aucun marquage par le PCNA dans 82 % de fragments d'athérectomie de sténose primaire et dans 74 % de fragments de resténose postangioplastie. Le reste des fragments montre un taux de marquage extrêmement faible
. De plus, le même groupe avait pu montrer antérieurement que les cellules en division peuvent être également des cellules leucocytaires. Ce faible pourcentage n'exclut cependant pas l'hypothèse du rôle fondamental de la prolifération. La présence d'un taux très faible de prolifération est compatible avec une accumulation lente mais majeure des cellules, donnée compatible avec l'évolution lente de la maladie. Il est de plus vraisemblable que l'évolution des plaques soit épisodique, variable d'une plaque à l'autre, comme peut le suggérer le faible pourcentage de plaques présentant des cellules en cours de prolifération.
Les CML sont normalement à l'état quiescent dans la média. Ces cellules, arrêtées en phase G0, ne peuvent sortir et progresser dans le cycle cellulaire jusqu'à la mitose que sous l'action conjuguée de différentes substances telles que les facteurs de croissance, des hormones, des lipoprotéines,... Les études in vitro ont permis de montrer que de nombreux facteurs plasmatiques ou dérivés des cellules sanguines, mais également synthétisés par les cellules pariétales, cellules endothéliales et CML elles-mêmes, sont capables d'induire la prolifération des CML. Individuellement, chacun de ces facteurs ne peut induire qu'une prolifération limitée. Ils agissent la plupart du temps en association ou en synergie.
Un des exemples les plus représentatifs est l'association du PDGF avec soit les lipoprotéines, soit l'IGF1. Dans ce cas, le PDGF (facteur de compétence) prépare la cellule à l'action des facteurs de progression (lipoprotéines, IGF1) qui vont amener la cellule à se diviser. Cette association et cette synergie des facteurs expliquent que beaucoup de facteurs ne peuvent potentialiser la prolifération que dans des modèles de culture en présence de sérum. Un des facteurs les plus étudiés est le PDGF
. Deux types de molécules ont pu être clonés, le PDGF-A et le PDGF-B. Le PDGF existe sous forme soit dimérique, soit homodimérique, soit hétérodimérique. Le PDGF est relargué par les plaquettes, mais également par les macrophages, les cellules endothéliales et les CML. L'action du PDGF nécessite la reconnaissance d'un récepteur spécifique qui existe sous deux formes, les formes
et
. La sous-unité
est reconnue par les PDGF A et B, alors que la sous-unité
n'est reconnue que par le PDGF-B. Le taux et le type de récepteur sont fortement régulés à la surface des CML. Dans la paroi normale, le taux d'expression de la forme
du récepteur est faible, alors que dans les zones artérielles où l'on observe une prolifération des CML, il existe une forte expression de la chaîne
du récepteur. Le TGF
, par exemple, régule l'expression du seul récepteur
et pas du récepteur
. L'angioplastie chez le rat induit à 2 semaines une augmentation importante de l'expression de la forme
du récepteur au PDGF, précédé d'une forte augmentation de l'expression du PDGF-A, effet partiellement reproduit in vitro par la stimulation des cellules par la thrombine-
ou les LDL natives ou oxydées. Il est cependant intéressant de noter que les expérimentations in vivo n'ont jamais réellement démontré une augmentation de l'expression de la forme BB du PDGF, seule forme capable de reconnaître la forme
du récepteur et que la forme AA du PDGF, seule forme synthétisée et sécrétée par les CML, a un effet prolifératif nettement moindre que les formes AB et BB, alors que ces effets sur la migration sur les CML sont majeurs. Ces récepteurs au PDGF sont des protéines transmembranaires fonctionnant comme des tyrosine-protéine kinases. L'activation du récepteur par son ligand conduit à de multiples signaux. L'activation de la phospholipase C produit les inositol triphosphates, inducteur de l'accumulation du Ca++ intracellulaire, et le diacylglycérol, activateur de la protéine kinase C. Une stimulation de l'échange Na+/H+ induit une alcalinisation cytoplasmique, une activation de la phospholipase A2 qui induit le métabolisme des eicosanoïdes. L'activation de ces différents signaux induit l'induction de nombreux gènes incluant les protooncogènes, les cytokines...
Mais le PDGF n'est pas le seul candidat mitogène. De nombreux facteurs ou hormones plasmatiques, le plus souvent vasoconstricteurs sont capables d'instaurer la prolifération (angiotensine II, adénosine, ATP, hormones corticoïdes, catécholamines, eicosanoïdes, sérotonine, somatostatine, thrombine). Cependant ces facteurs apparaissent souvent comme des facteurs potentialisateurs. Les cellules pariétales sont en revanche capables d'induire la synthèse de puissants facteurs de croissance. Les modèles d'angioplastie ont pu montrer que le TGF
1 est fortement induit et ce très précocement et de manière prolongée. L'éffet potentiel du TGF
n'est pas évident dans la mesure où cette cytokine est capable d'inhiber ou de stimuler la prolifération des cellules suivant les conditions de culture. Infusé sur des artères dénudées, le TGF
induit une hyperplasie intimale et une stimulation de la réplication des CML. Cependant, le TGF
est sécrété sous une forme inactive et doit être activé pour pouvoir agir. Or la plasmine, principal activateur du TGF
, apparaît très rapidement après une agression vasculaire par l'induction des activateurs du plasminogène. Il apparaît ainsi possible que le TGF
1 soit un des facteurs déterminant de la prolifération. De même, le bFGF comme l'aFGF, heparin binding growth factors, sont capables d'induire la prolifération des CML in vitro. Normalement sécrétés et séquestrés au niveau de la matrice extracellulaire, ces facteurs de croissance ont peu de potentialité proliférative à l'état normal. Cependant, dans certaines conditions d'agressions vasculaires associées à une mortalité cellulaire, une forte libération de ces facteurs, notamment du bFGF, pourrait jouer un rôle déterminant dans l'induction de la prolifération
.
Mais la prolifération des CML est aussi contrôlée négativement à différents niveaux par des molécules d'origine intra- ou extrapariétale. C'est ainsi que le TGF
, l'interféron-
, le radical NO, l'héparine et les héparan-sulfates produits par les cellules pariétales, la matrice extracellulaire maintenant la cellule dans un état différencié au niveau de la média, peuvent inhiber la prolifération des CML in vitro et probablement in vivo.
Il est difficile de donner une hiérarchie de ces facteurs mitogènes et de définir leur place réelle dans l'athérosclérose. Le rôle physiopathologique de ces facteurs ne peut être démontré que par des études in vivo. Ces facteurs doivent être capables d'induire la prolifération des CML sur des modèles expérimentaux tels que les modèles de dénudation endothéliale douce sans agression de la média. De même, le contrôle in vivo de ces facteurs, soit par des anticorps monoclonaux, soit des inhibiteurs spécifiques de leurs récepteurs, soit des antisens contrôlant l'expression des gènes induits par ces facteurs, doit être capable d'inhiber la prolifération spontanée des CML dans des modèles expérimentaux adaptés tels que les modèles d'angioplastie par ballonnet où la prolifération des cellules est majeure. Ainsi, l'angiotensine II, hormone circulante, est capable d'induire sur des modèles d'angioplastie par ballonnet une forte stimulation de la prolifération des CML ; le PDGF ne multiplie que par deux la prolifération des CML dans le modèle de dénudation douce alors que le bFGF multiplie la prolifération par 40. L'utilisation d'anticorps monoclonaux dans les modèles d'agression pariétale majeure par ballonnet a permis de montrer que le PDGF est plus un facteur de migration que de prolifération alors que le bFGF apparaît comme le facteur majeur d'induction de la prolifération. Ces résultats laissent suspecter que l'attrition pariétale et la mort cellulaire induites par le ballonnet aboutissent à un relargage massif de bFGF soit intracellulaire, soit stocké par la matrice extracellulaire. Ces conclusions peuvent éventuellement être étendues au modèle de resténose après angioplastie chez l'homme, elles sont en revanche non applicables dans l'athérosclérose, processus lent et survenant indépendamment de toute agression artérielle brutale. Ainsi il a pu être démontré que le taux d'expression du bFGF dans les plaques athéroscléreuses est plus bas que dans les artères normales, laissant soupçonner un rôle mineur de cette cytokine dans le contrôle de la prolifération des CML des plaques fibreuses. Ces résultats montrent combien il est difficile de définir de manière réelle la place de chacun de ces facteurs dans l'induction de la prolifération des CML dans les différentes phases de l'athérosclérose.
Accumulation matricielle interstitielle et péricellulaire en position intimale au cours de l'athérosclérose
Les composants majeurs de la matrice extracellulaire entourant les CML dans la paroi artérielle sont, comme nous l'avons vu, les collagènes, l'élastine, les glycoprotéines non collagéniques et les protéoglycanes. Ces molécules, présentes dans l'intima, la média et l'adventice, confèrent à la paroi artérielle à la fois son intégrité et ses propriétés viscoélastiques. Elles jouent, de plus, un rôle majeur par la nature des messages qu'elles sont capables de délivrer à l'intérieur des CML par l'intermédiaire de leurs ligands membranaires, les intégrines. Les composés de la matrice extracellulaire se répartissent en deux compartiments majeurs, la membrane basale et la matrice interstitielle.
L'athérosclérose s'associe à de profondes perturbations de cette matrice extracellulaire, à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Une accumulation progressive des collagènes fibrillaires et notamment du collagène de type I est observée dans les plaques athéroscléreuses. Une augmentation de synthèse et une accumulation de collagène sont retrouvées dans les modèles d'athérosclérose animale induite par les régimes hypercholestérolés. Une augmentation de deux à trois fois de la masse des collagènes est observée dans les plaques athéroscléreuses humaines. Normalement le tissu artériel synthétise plus de collagène de type III que de type I. L'accumulation préférentielle de collagène de type I par rapport au collagène de type III laisse soupçonner le rôle du changement phénotypique dans cette expression. Une augmentation du collagène de type V a été également rapportée. Parallèlement une augmentation de l'élastine est observée dans les épaississements intimaux. Cependant l'élastine néosynthétisée est souvent altérée dans sa structure avec une diminution des ponts intercatenaires et apparition d'une fragmentation anormale en microscopie électronique. De même, une très forte augmentation des protéoglycanes est observée dans les plaques, correspondant à une augmentation des différents types de glycosaminoglycanes, chondroïtine-sulfate et dermatan-sulfate, alors que les héparan-sulfates, dont une des propriétés est de diminuer la prolifération des CML, diminuent en quantité. Ces protéoglycanes ont la propriété de fixer les lipoprotéines, facilitant la pénétration des lipides dans les macrophages et participant ainsi à l'accumulation des lipides dans l'intima.
Il est intéressant de noter que dans les modèles d'agression pariétale une forte induction de l'expression de l'ARNm des gènes de l'élastine, du collagène de type I, mais aussi des protéines de certains protéoglycanes comme le ryudocan, le syndecan, le versican, le perlecan, le biglycan est observée.
Ces inductions sont relativement tardives par rapport à l'agression pariétale, mais jouent vraisemblablement un rôle majeur dans l'induction de l'épaississement intimal. Parallèlement, les protéines matricielles se modifient également dans leur nature, augmentation des formes non épissées de la fibronectine, apparition de formes trimériques de la laminine particulière par l'expression de la chaîne
1.
Les mécanismes qui conduisent à cette fibrose pariétale ne sont que partiellement compris. La CML est la source essentielle de cette fibrose pariétale. Il a été démontré que l'accumulation pariétale de collagène et d'élastine est bien corrélée à l'induction de l'expression des ARNm des collagènes I et III et d'élastine dans les CML. La CML, comme nous l'avons vu, au cours de sa dédifférenciation, va en fait augmenter l'expression de protéines matricielles déjà présentes (collagène de type I, élastine), et induire l'apparition de nouvelles protéines soit par induction de l'expression de gènes normalement non exprimés (chaîne
1 de la laminine), soit par l'induction de processus d'épissage (fibronectine). Les facteurs qui régulent plus spécifiquement l'induction de l'expression de ces protéines matricielles ne sont pas connus. Il est vraisemblable que le TGF
joue un rôle majeur dans cette induction. Il faut souligner cependant que l'activité du TGF
nécessite son activation par la plasmine qui permet le passage de la forme inactive à la forme active du TGF
.
Influx des lipoprotéines dans la paroi vasculaire et formation des cellules spumeuses
Rôle des cellules endothéliales
Les cellules endothéliales ne constituent pas une barrière infranchissable pour les lipoprotéines mais elles en régulent le mouvement. Leur perméabilité aux petites particules (HDL) est supérieure à celle des grosses particules (LDL, VLDL) mais celle-ci est accrue par l'hypercholestérolémie, même en présence d'un endothélium intact. De plus, la captation des LDL par les cellules endothéliales n'est pas dépendante, pour l'essentiel, de récepteurs spécifiques
.
En situation normale, les flux d'entrée et de sortie des macromolécules à travers l'endothélium sont d'égale importance. En situation pathologique, l'accumulation de cholestérol dans l'espace situé entre l'endothélium et la première lame élastique (intima) peut résulter soit d'une augmentation du flux d'entrée à travers l'endothélium (hypercholestérolémie), soit d'une diminution du flux de sortie, soit d'une altération concomitante des deux mécanismes.
La concentration intimale des LDL est environ le double de la concentration plasmatique alors que les LDL ne sont présentes qu'à l'état de traces dans la média. Tout se passe comme si les LDL étaient piégées par la barrière que constitue la limitante élastique interne. Cependant, la concentration de LDL vasculaire ne dépend pas que de ces facteurs mécaniques, elle est aussi fonction de la perméabilité endothéliale et de la capacité de dégradation intracellulaire. L'hypercholestérolémie, si elle accroît la perméabilité endothéliale aux LDL, réduit leur dégradation intravasculaire du fait de la diminution des récepteurs membranaires.
La perméabilité endothéliale aux lipides est un facteur essentiel. Elle est en partie régulée par l'état biologique des cellules endothéliales. Plus de 80 % des cellules endothéliales en phase de mitose représenteraient des zones perméables aux lipides grâce à l'ouverture des jonctions intracellulaires. Ces zones pourraient, dans certains cas, représenter plus de la moitié des zones perméables d'une artère.
L'avancée la plus significative dans la compréhension de la perméabilité endothéliale aux lipoprotéines résulte probablement des travaux qui démontrent que la majeure partie du transport des lipides dans le vaisseau s'effectue par transcytose endothéliale via des vésicules plasmalemmiques non saturables et non spécifiques qui délivrent directement des lipoprotéines dans l'espace sous-endothélial sous une forme native et/ou modifiée qui, dans ces derniers cas, pourraient modifier les interactions des lipoprotéines avec les autres composantes de la paroi artérielle.
Transport pariétal : rôle des récepteurs cellulaires
Le devenir des lipoprotéines libérées dans l'espace sous-endothélial est fonction de la nature de la matrice extracellulaire qui constitue à la fois un filtre et un piège des lipoprotéines, et des mécanismes de captation cellulaire et donc de la nature et de la qualité des cellules et des lipoprotéines pariétales. Le rôle des récepteurs cellulaires semble ici mieux marqué.
Trois types principaux de récepteurs pourraient entrer en jeu, le récepteur Apo B/E, les récepteurs aux apolipoprotéines modifiées (et/ou les récepteurs aux
VLDL) et les récepteurs aux HDL
. Ces récepteurs sont inégalement répartis selon les types cellulaires vasculaires (CML, macrophages), l'état fonctionnel et/ou phénotypique d'un type cellulaire donné. Leurs mises en jeu dépendent de la qualité des lipoprotéines présentes et de la qualité des interactions cellulaires établies dans le tissu artériel (leur nombre peut être modulé par de nombreux signaux membranaires).
Les travaux de Goldstein et Brown ont établi l'importance des récepteurs Apo B/E aux LDL dans la captation des lipoprotéines
. Plus des deux tiers de l'extraction tissulaire des LDL plasmatiques sont médiés par le récepteur aux Apo B/E présent sur les cellules hépatiques ; mais la captation des LDL au sein de la paroi artérielle semble pour l'essentiel indépendante de ce récepteur. En effet, un dépôt interne de cholestérol vasculaire est observé dans l'hypercholestérolémie familiale essentielle et chez le lapin Watanabe homozygote, deux situations caractérisées par une déficience des récepteurs fonctionnels aux LDL. La charge lipidique résulte donc de voies alternatives. Un deuxième argument à l'encontre d'un rôle significatif du récepteur Apo B/E est apporté par l'expérimentation in vitro. Les monocytes-macrophages, de même que les CML en culture, ne peuvent être transformés en cellules spumeuses par une simple incubation en présence de LDL natives, même à forte concentration. Les récepteurs Apo B/E sont en effet exprimés en quantités relativement faibles sur ces types cellulaires et sont de plus régulés négativement en présence de fortes quantités de LDL.
Ces observations ont conduit à l'hypothèse que les lipoprotéines dans l'espace sous-endothélial pourraient présenter des modifications structurales et/ou fonctionnelles, se traduisant par une captation plus rapide et moins régulée susceptible d'entraîner la formation des cellules spumeuses. Brown et Goldstein ont les premiers décrit un récepteur aux lipoprotéines modifiées (récepteur scavenger) impliqué dans le dépôt lipidique intracellulaire et la formation de cellules spumeuses à partir de macrophages. Ils ont montré que des modifications chimiques (acétylation, conjugaisons diverses...) des LDL rendaient possible leur captation par le macrophage de manière spécifique mais non régulée. Ces récepteurs ont été trouvés présents jusqu'ici dans les macrophages, les cellules endothéliales et les CML. Leurs structures sont identifiées, et leurs gènes clonés
. Depuis ces travaux, plusieurs types de modifications biologiques et non plus chimiques, susceptibles d'intervenir in vivo et d'instaurer la mise en jeu de ces récepteurs, ont été reconnus (oxydation, glycosylation...)
.
Modifications intravasculaires des lipoprotéines
Il apparaît de plus en plus évident que les lipoprotéines sont susceptibles de subir un certain nombre de remaniements structuraux au cours de leur transfert pariétal. Parmi ceux-ci, l'oxydation biologique a fait l'objet des études les plus larges, en particulier par le groupe de Steinberg
. Les auteurs ont démontré que les LDL incubées en présence de cellules endothéliales, musculaires lisses ou de macrophages en culture subissaient une série de modifications qui se traduisaient par une captation macrophagique dix fois plus rapide que celle des LDL normales. Ainsi, trois types cellulaires majeurs de la paroi artérielle sont susceptibles de transformer les LDL natives en LDL modifiées reconnues par un récepteur spécifique non régulé. Une des voies majeures de cette transformation pourrait être due à des mécanismes d'oxydation débutant par la peroxydation des acides gras polyinsaturés présents dans les LDL (la transformation est en effet inhibée par les antioxydants tels que vitamine E ou probucol) et se propageant au sein de la lipoprotéine, entraînant des modifications des structures protéiques (masquage des groupes C aminés de la lysine) qui altèrent la reconnaissance du récepteur spécifique Apo B/E. Il semble aujourd'hui acquis que de telles modifications révélées in vitro puissent intervenir in vivo. Bien que la présence de LDL oxydées circulantes n'ait pu être mise en évidence, des travaux récents indiquent la présence de LDL oxydées dans la paroi artérielle de lapins Watanabe et chez l'homme. De plus, les anticorps circulants, antilipoprotéines oxydées ont été retrouvés dans le plasma humain.
L'oxydation ne constitue pas la seule modification postsécrétoire susceptible d'affecter les lipoprotéines. La formation de complexes (glycosaminoglycanes/lipoprotéines/fibronectine/lipoprotéine), le catabolisme cellulaire, en particulier par les plaquettes, l'agrégation des lipoprotéines...suffisent à permettre la reconnaissance et la captation par les macrophages, soit par des mécanismes dépendants des récepteurs des lipoprotéines modifiées et/ou de la protéine complexante, soit encore et plus généralement par des mécanismes de phagocytose. La glycosylation représente sans aucun doute un élément important de ces mécanismes. L'Apo B peut se conjuguer en effet de manière non enzymatique avec le glucose. La glycosylation in vitro conduit à une captation réduite des LDL par le récepteur Apo B/E dans les cellules endothéliales, les fibroblastes et les hépatocytes mais ces formes lipoprotéiniques glycosylées sont très rapidement captées par les macrophages et les CML. De telles modifications pourraient être impliquées dans l'accélération du processus athéroscléreux chez les diabétiques. Les LDL peuvent aussi se combiner avec les immunoglobulines et être captées via le récepteur Fc. La captation des
VLDL (IDL+VLDL) normales et/ou oxydées peut également constituer une voie alternative à la charge cholestérolée des cellules vasculaires.
Déterminisme du dépôt lipidique - Formation des cellules spumeuses
Le mécanisme de la formation des cellules spumeuses a été très largement étudié depuis les travaux princeps de Goldstein et Brown consacrés aux récepteurs spécifiques de lipoprotéines. Pour les résumer très succinctement, il faut aujourd'hui admettre que le récepteur de lipoprotéines normales (Apo B/E) ne joue aucun rôle direct dans la genèse des cellules spumeuses. Ce récepteur en effet, dont l'expression est régulée négativement par la concentration de LDL, n'est plus exprimé dès que la concentration de cholestérol intracellulaire est suffisante, empêchant ainsi tout effort superflu à la cellule. Il ne peut donc expliquer l'accumulation intracellulaire de cholestérol. D'ailleurs, son absence d'activité dans l'hypercholestérolémie familiale homozygote se traduit par une accumulation précoce et explosive du cholestérol dans la paroi artérielle et par le développement d'une athérosclérose juvénile intense. Il en est de même dans le modèle expérimental que constitue le lapin Watanabe. Les récepteurs aux
VLDL et le(s) récepteur(s) aux LDL modifiées, isolés et caractérisés, mal ou pas régulés en retour paraissent en revanche plus directement impliqués. Par exemple, les VLDL de patients hypertriglycéridémiques se lient aux récepteurs des
VLDL, sont internalisés et hydrolysés, le cholestérol ainsi libéré est réestérifié et s'accumule sous forme de gouttelettes lipidiques conduisant à la formation de macrophages spumeux.
N'oublions pas cependant qu'une partie importante du dépôt lipidique intracellulaire résulte de mécanismes de macrophagie (agrégats lipidiques, complexes lipides-protéoglycanes non saturables et/ou de mécanismes saturables dépendant de récepteurs non directement liés aux apolipoprotéines mais à des épitopes présents dans le complexe lipoprotéines-protéine) et que les macrophages ne représentent pas la totalité des cellules à l'origine des cellules spumeuses artérielles puisque les CML sont capables d'accumuler des gouttelettes lipidiques et de prendre le caractère spumeux bien quelles soient, semble-t-il, dépourvues de récepteurs aux LDL modifiées.
Lipoprotéines pariétales
L'épuration du cholestérol vasculaire est une étape essentielle. Cependant, les capacités cataboliques du tissu vasculaire restent limitées. Des travaux récents ont en effet démontré que 70 % des lipoprotéines à Apo B pénétrant le tissu aortique in vivo le quittaient sans dégradation.
Plusieurs études chez l'homme et chez l'animal ont permis de préciser que la quantité de stérol présente dans les couches moyennes ou profondes de la média après exposition in vivo à du cholestérol radioactif restait très faible lorsqu'on la comparait à celle observée dans les couches superficielles de l'artère (intima). Ces résultats suggèrent une pénétration limitée des lipoprotéines plasmatiques et une incidence faible des lymphatiques et des vasa vasorum dans ces mécanismes d'épuration alors qu'un rôle des récepteurs spécifiques dans le transfert pariétal a pu être proposé. Dans ces conditions, le cholestérol pariétal devrait être essentiellement commandé par le transport reverse lié aux HDL.
Rôle des HDL
L'hypothèse la plus attractive concernant le rôle protecteur des HDL vis-à-vis de l'athérogénécité est très probablement celle du transport reverse, très largement étayée in vitro. Cependant, aucune évidence qualitative et/ou quantitative n'a pu jusqu'ici être fournie in vivo. Plusieurs hypothèses alternatives demeurent. Par exemple, les HDL inhibent la liaison des LDL aux composantes de la matrice extracellulaire ou encore inhibent l'oxydation des LDL. De manière générale, il semble que le flux vasculaire des HDL qui surpasse très largement le flux des LDL est donc susceptible d'assurer une épuration optimale.
Le problème de l'implication d'un récepteur spécifique (des HDL) dans la captation périphérique du cholestérol reste l'objet de discussion. Il a été démontré, en effet, en culture de fibroblastes et de CML humaines que l'activité du récepteur extrahépatique était régulée par le taux de cholestérol (régulation positive). Plus récemment, il a été trouvé dépendant de l'état de croissance cellulaire (régulation négative). Cependant, des résultats contradictoires suggèrent une simple diffusion membranaire, dans la mesure où une modification chimique des HDL, altérant leur affinité pour les récepteurs, ne semble pas modifier le flux du cholestérol cellulaire bien qu'elle puisse en modifier l'influx. Dans ce cas, le transport de cholestérol libre est bidirectionnel mais sa direction préférentielle est influencée par plusieurs événements métaboliques spécifiques. En particulier, la captation tissulaire du cholestérol par les HDL ne peut se faire que sous forme libre et suppose donc un catabolisme actif des lipoprotéines et des esters de cholestérol au sein du tissu vasculaire.
Métabolisme vasculaire des esters de cholestérol Coopération cellulaire et régulation
Après endocytose dépendante des récepteurs, les lipoprotéines LDL sont dégradées dans le compartiment lysosomial cellulaire. Les esters de cholestérol sont hydrolysés par une hydrolase acide spécifique (ACEH) et le cholestérol libre rejoint le pool cytoplasmique. Sous cette forme, il régule l'activité de synthèse endogène du cholestérol (régulation négative de l'HMg CoA-réductase) et limite la synthèse des récepteurs Apo B/E (réduction de la transcription). Cependant, le cholestérol libre est métaboliquement actif et sa concentration cellulaire est étroitement contrôlée. Le cholestérol libre en excès est stocké sous forme d'ester via l'acyl-CoA acyltransférase (ACAT) et s'accumule sous forme de gouttelettes lipidiques intracytoplasmiques à l'origine des cellules spumeuses. Il peut être secondairement hydrolysé par une hydrolase neutre cytoplasmique (NCEH). Le cholestérol libre transite alors vers la membrane cellulaire où il peut être pris en charge par les HDL ou d'autres accepteurs, par des mécanismes encore mal élucidés. L'ensemble réalise le cycle des esters de cholestérol.
Les différents systèmes enzymatiques impliqués dans le métabolisme cellulaire sont très étroitement régulés par des mécanismes autocrines et/ou paracrines dans lesquels des médiateurs lipidiques (eicosanoïdes) semblent devoir jouer un rôle tout particulièrement actif.
Le concept d'une modulation du métabolisme des lipoprotéines par les eicosanoïdes est né d'observations démontrant que la PGE2 inhibait l'estérification par l'ACAT du cholestérol dans des homogénats de peau de rat. Ces résultats ont été rapidement confirmés en système cellulaire intact (CML et macrophages). La PGE2 reste en revanche sans action sur les activités hydrolasiques neutres ou acides. Hajjar a par la suite démontré, en système cellulaire intact, que la PGI2 stimulait ces activités hydrolasiques neutres et acides des esters de cholestérol
. Cet effet n'est d'ailleurs pas lié aux seules prostaglandines puisque les dérivés monohydroxylés de type 12-et 15-HETE et dihydroxylés sont susceptibles de stimuler les activités ACEH et NCHEH. Compte tenu de ces résultats, l'hypothèse d'un contrôle du métabolisme du cholestérol dépendant des interactions cellulaires par des mécanismes autocrines et/ou paracrines a pu être proposée et démontrée en coculture de cellules endothéliales et musculaires lisses. Les eicosanoïdes pourraient par ailleurs jouer un rôle plus direct dans le contrôle de l'efflux de cholestérol par les HDL.
Bien d'autres facteurs (état phénotypique des cellules, cytokines, facteurs de croissance...) sont susceptibles de moduler le dépôt de cholestérol intracellulaire. Par exemple, les cellules endothéliales, particulièrement à confluence, facilitent la fixation des
VLDL aux CML et ainsi stimulent le dépôt de cholestérol, en particulier dans les CML en phénotype sécrétoire via un double effet sur les lipoprotéines (oxydation) et sur les CML. Les mitogènes issus des cellules endothéliales peuvent stimuler l'entrée des CML en prolifération avec pour conséquence des modifications du métabolisme des LDL. D'autre part, un facteur de faible poids moléculaire, issu des cellules endothéliales, stimule le métabolisme du cholestérol par les CML.
Ainsi, la paroi vasculaire dispose de tout un arsenal étroitement régulé pour s'opposer à une surcharge en cholestérol. La surcharge, lorsqu'elle intervient ne dépend pas seulement de l'accroissement du cholestérol circulant, elle est aussi le fait de déséquilibres métaboliques divers des voies normales de régulation de l'influx et de l'efflux des lipoprotéines pariétales.
L'analyse des mécanismes cellulaires et moléculaires contrôlant les différentes étapes de l'épaississement intimal athéroscléreux permet de comprendre les différentes phases de l'athérogenèse, mais n'apporte qu'une vision fragmentaire, non intégrative de celle-ci. Quatre questions majeures doivent être posées : qui instaure l'ensemble des processus cellulaires ? qui détermine l'ampleur du processus réactionnel pariétal ? comment l'ensemble des phénomènes se stabilise ? quels sont les facteurs qui conduisent l'athérosclérose, processus réactionnel pariétal, à l'athérosclérose maladie, source des maladies vasculaires ?
Facteurs d'initiation de l'athérogenèse
Les facteurs responsables de l'initiation de l'athérosclérose sont imparfaitement connus. La première difficulté vient dans la définition même de la phase initiale de l'athérosclérose. Cependant, si l'on considère l'athérosclérose comme un processus pariétal réactionnel caractérisé par un double phénomène d'infiltration lipidique et de fibrose pariétale tel que nous l'avons défini, nous pouvons définir la phase initiale de l'athérosclérose comme l'étape qui permet aux trois acteurs cellulaires responsables de l'infiltration lipidique et de la fibrose pariétale d'être présents, les macrophages, les lymphocytes T, les CML.
Dès lors, deux hypothèses pathogéniques non exclusives dominent cette phase initiale de l'athérosclérose, soit l'activation locorégionale de l'endothélium permettant le recrutement des cellules macrophagiques et des lymphocytes T, ceux-ci activant dans un deuxième temps le recrutement des CML, soit l'activation locorégionale des cellules intimales normalement présentes au cours du vieillissement physiologique, les cellules macrophagiques, les rares CML intimales, voire des cellules souches d'origine musculaire lisse. Cette activation induit dans un deuxième temps l'activation endothéliale et le recrutement néo-intimal des CML.
Dans les deux cas, l'étape d'initiation est dominée par l'activation de l'endothélium et/ou des cellules intimales. Le problème est dès lors de définir les facteurs responsables de cette activation, les facteurs d'initiation. C'est à ce niveau que s'intègrent certains facteurs de risque vasculaires tels qu'ils ont été définis par les études épidémiologiques. Le rôle de certains facteurs est évident comme les conditions de flux et le stress hémodynamique pariétal, les facteurs plasmatiques au premier rang desquels sont les lipoprotéines, mais également certains agents chimiques, toxiques, ou infectieux comme l'homocystéine, les agents cancérigènes, les virus, certaines hormones ou peptides.
Suivant la conception des phénomènes d'initiation, plusieurs théories pathogéniques de l'athérosclérose ont été évoquées, chacune mettant en exergue un point particulier, lipides, plaquettes, virus... Nous reprendrons quelques-unes de ces théories, tout en sachant qu'elles sont souvent non contradictoires.
Théorie de réponse à l'agression
: cette hypothèse, héritière des conceptions des grands pathologistes de la fin du siècle dernier (Rokitansky), est basée sur des observations expérimentales d'induction de la prolifération des CML dans l'espace intimal sous l'effet d'une lésion (mécanique ou autre) de l'endothélium, la lésion ainsi créée pouvant être accélérée et accentuée par une hypercholestérolémie. La reconnaissance d'un facteur dérivé des plaquettes susceptibles d'induire la réponse proliférative des CML, le PDGF, a stimulé les recherches dans cette voie en particulier sur différents aspects de la biologie des cellules endothéliales et des CML. Cependant, la théorie initiale reposant sur une lésion morphologique de l'endothélium avec dénudation a dû être modifiée pour répondre aux conditions d'initiation de l'athérosclérose en particulier sous l'effet d'une hypercholestérolémie, dans laquelle incontestablement, la lésion dénudante de l'endothélium ne peut être considérée comme un prérequis à la formation des lésions. Aujourd'hui, il est considéré qu'une simple altération fonctionnelle de l'endothélium, sans dénudation, est suffisante pour conduire au développement d'une plaque. En conséquence, le rôle des plaquettes, agents réactifs privilégiés par la sécrétion de facteurs de croissance (PDGF), de cytokines, ou d'autacoïdes divers, a dû être revu puisque leur activation nécessitait une adhésion et une agrégation dépendante des structures fibrillaires sous-endothéliales. Le monocyte macrophage est alors revenu occuper le devant de la scène, compte tenu de ses propriétés sélectives d'adhésion, de migration et de sécrétion de facteurs activateurs des cellules vasculaires.
Ainsi, sous des termes nouveaux autour de concepts, issus de la biologie cellulaire, sommes-nous revenus aujourd'hui à une théorie très proche de la théorie initiale de Virchow et Rindfleisch (1872), théorie inflammatoire supportant des origines multiples dont l'hypercholestérolémie même modérée, et dont les principales composantes se caractérisent par une infiltration monocytaire, un dépôt lipidique et une prolifération des CML.
Théorie monoclonale
: au-delà des concepts inflammatoires liés à l'induction de facteurs interactifs humoraux et cellulaires susceptibles d'être traduits par une réponse univoque (prolifération) d'un type cellulaire mésenchymateux, la CML vasculaire, d'autres hypothèses susceptibles d'expliquer la prolifération des CML méritent attention. C'est le cas en particulier de l'hypothèse originale de Benditt (1973) assimilant l'athérosclérose et la prolifération des CML qui est liée à un phénomène néoplasique bénin, consécutif à une mutation induite par des agents variés. La nature monoclonale des lésions athéroscléreuses observées dans le travail original a été discutée sur des bases théoriques, en particulier sur le fait qu'une composition monoclonale des cellules de plaque pourrait être la conséquence d'une sélection d'une sous-population cellulaire au cours du développement et donc n'exprimer qu'un monotypisme cellulaire.
Théorie virale
: de nombreux travaux montrent la présence du virus de l'Herpès (HSV1) dans des plaques athéroscléreuses et surtout, la réalisation de plaques fibrocellulaires chez le poulet par un protocole d'initiation-promotion utilisant le dimétyl-benzène anthracène et la méthoxamine, la création de plaque après injection de virus de Harek, et enfin l'obtention de gènes transformants à partir d'ADN extrait de plaques athéroscléreuses humaines sont autant d'arguments positifs de la possibilité d'une prolifération autonome des CML vasculaires.
En somme, de très nombreux mécanismes sont susceptibles d'expliquer l'initiation d'un processus prolifératif des CML, mais leur mise en jeu in vivo reste pour l'essentiel hypothétique. La réponse pariétale à ces facteurs d'initiation est sûrement dépendante du terrain génétique de l'individu, mais la constance de ces facteurs et la prévalence de l'athérosclérose, en tant qu'entité anatomopathologique, dans les pays industrialisés, suggèrent que l'athérosclérose n'est peut-être qu'un processus réactionnel pariétal normal et quasi obligatoire et qu'il est peut-être illusoire d'espérer l'éviter. Le vrai problème est peut-être non pas dans l'initiation du phénomène mais dans son évolution.
Mécanisme de progression de l'athérosclérose
Qui détermine l'ampleur du processus réactionnel pariétal ? L'ampleur de la phase initiale conditionne évidemment l'ampleur du phénomène, mais il apparaît de plus en plus vraisemblable que la présence des trois composants cellulaires va permettre le développement d'une réaction inflammatoire et/ou immunologique qui ne va qu'amplifier l'importance de la réaction pariétale. Les CML comme les macrophages portent à leur surface des antigènes d'histocompatibilité qui vont permettre l'amplification autocrine et paracrine de la réaction inflammatoire. Les facteurs plasmatiques (LDL oxydés, thrombine, angiotensine, ADP) ou relargués par les cellules pariétales (facteurs de croissance ou chimioattractants, protéines matricielles) ne vont que majorer les phénomènes de recrutement cellulaire, mononucléées ou musculaires lisses, en favorisant l'activation endothéliale et macrophagique, la dédifférenciation, la migration et la prolifération des CML. L'athérosclérose est un phénomène lent qui va évoluer par poussées. Parmi les facteurs essentiels de ces poussées évolutives, il faut mentionner les poussées inflammatoires et l'accumulation massive de lipides. Un autre facteur important est la réendothélialisation de thrombi pariétaux localisés et déclenchés par les lésions endothéliales.
Stabilisation des plaques
Les mécanismes de stabilisation ou de cicatrisation ont été peu abordés dans la littérature scientifique. Il est cependant évident que dans la très grande majorité des cas, le processus réactionnel pariétal s'arrête. La resténose après angioplastie donne un bon exemple de cette progression limitée dans le temps. Il est possible que les phénomènes d'activation cellulaire s'épuisent. Cependant certaines données laissent penser que l'arrêt pourrait être un phénomène actif contrôlé par la CML, soit par des facteurs cytokiniques (TGF
), soit par la modification de l'environnement matriciel (héparansulfates), soit par une redifférenciation des cellules
. D'autres cellules comme les lymphocytes T pourraient jouer un rôle dans la stabilisation de la réaction pariétale.
Régression des plaques d'athérosclérose
La régression de l'athérosclérose est-elle possible ? La notion de régression des lésions athéroscléreuses a été établie sur la base de données expérimentales obtenues sur des modèles animaux. Chez l'homme, il n'y a pas d'évidence d'une véritable régression. Les données obtenues suggèrent bien plus un retard évolutif cliniquement apprécié par angiographies séquentielles, dont on connaît toutes les limites, et les difficultés de mise en oeuvre. Une stabilisation du processus évolutif devrait cependant être obtenue par un contrôle rigoureux des principaux facteurs de risque et des actions thérapeutiques sur lesquels nous reviendrons. En dehors d'une véritable prévention primaire de l'athérosclérose (régime alimentaire, suppression du tabac, etc) du domaine de l'éducation, la prévention secondaire, en fait le ralentissement de l'évolutivité, présente plusieurs modalités d'approche dont les principales, en pratique, interfèrent avec le contrôle du risque lipidique d'une part et du risque thrombotique d'autre part.
Mécanismes de la rupture de plaque
Quels sont les facteurs qui conduisent l'athérosclérose, processus réactionnel pariétal, à l'athérosclérose maladie, source des maladies vasculaires ? La plaque athéroscléreuse peut entraîner un épaississement intimal considérable, entraînant une réduction notable du calibre de vaisseaux de moyens calibres et des retentissements fonctionnels en aval. Cependant, l'apparition des événements cardiovasculaires aigus nécessite l'évolution de la plaque athérosclérose vers la lésion athéroscléreuse compliquée
. Trois événements brutaux vont faire basculer l'évolution clinique : les ulcérations, les ruptures de plaque et les hémorragies intraplaques. L'ulcération de plaque se caractérise par une ulcération endothéliale permettant l'interaction entre les plaquettes circulantes et le sous-endothélium vasculaire et l'initiation d'un phénomène de thrombose. Le thrombus pariétal reste souvent de volume limité et peut être secondairement incorporé à la paroi, induisant une aggravation du degré de sténose artérielle. Cependant la plaque subit souvent plus qu'une simple ulcération endothéliale, mais une véritable rupture intimale. Les mécanismes conduisant à la rupture de plaque sont inconnus mais plusieurs hypothèses sont actuellement évoquées. La plaque d'athérosclérose peut être comparée à une structure géodique creuse. La fracture peut être liée soit à une fragilisation du toit de la géode, c'est-à-dire de la plaque fibreuse, soit à une augmentation de la pression interne à la géode, c'est-à-dire du centre nécrotique. Dans le premier cas, l'infiltration de l'épaulement de la plaque par les cellules inflammatoires associée à une augmentation de la dégradation matricielle ou la mort cellulaire programmée, l'apoptose des CML, pourrait entraîner la fragilisation de la plaque fibreuse. Dans le deuxième cas, une simple augmentation du contenu en lipides extra ou intracellulaires au centre de la plaque, ou la brusque contraction de la média, plancher de la géode, sous l'effet d'un spasme, suffira pour induire la rupture de la plaque. Les circonstances de survenue de rupture de plaque sont souvent similaires, mais surviennent cependant de façon aléatoire. Dans 5 % des cas, l'infarctus survient dans les heures qui suivent un effort intense. Il existe un pic matinal d'incidence de l'infarctus. Plusieurs hypothèses physiopathologiques peuvent expliquer ces circonstances : augmentation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la vasomotricité coronaire, de l'agrégabilité plaquettaire ou du fibrinogène plasmatique. Quoi qu'il en soit, la rupture de plaque est la complication majeure dans l'évolution de la plaque athéroscléreuse, aboutissant à la formation d'un thrombus majeur artériel induisant soit une occlusion totale du vaisseau, soit une embolie périphérique. Les mécanismes d'initiation des phénomènes thrombotiques sont sous la dépendance d'une part de l'interaction des plaquettes avec le sous-endothélium et l'induction du processus d'agrégation plaquettaire et d'autre part de la formation de thrombine et l'initiation de la coagulation proprement dite. L'interaction des plaquettes avec le sous-endothélium et notamment le collagène de type I se fait par l'intermédiaire de glycoprotéines membranaires notamment la glycoprotéine Ib qui interagit avec les espaces sous-endothéliaux par l'intermédiaire du facteur von Willebrand. La glycoprotéine IIb-IIIa, récepteur plaquettaire du fibrinogène mais aussi de la fibronectine, du facteur von Willebrand, participe aussi à la fixation des plaquettes au sous-endothélium, mais surtout est à l'origine de l'agrégation plaquettaire indispensable à la formation du thrombus artériel. Parallèlement la rupture de plaque va induire la cascade de la coagulation, notamment par la libération du facteur tissulaire. Cela va aboutir à la formation de thrombine amplifiant l'activation plaquettaire, induisant la formation de fibrine. La formation du thrombus va évidemment avoir des conséquences le plus souvent dramatiques, induisant soit un arrêt circulatoire brutal, soit une embolie, le thrombus étant dans ce cas-là rapidement fractionné et détaché par les conditions de flux. Les hémorragies intraplaques sont moins fréquentes que les ulcérations et ruptures thrombogènes de la plaque. Elles sont liées soit à une rupture de microvaisseaux nés d'une néovascularisation s'étendant à partir de l'adventice vers la base de la plaque, soit à une irruption du sang circulant dans la zone nécrotique centrale de la plaque après fracture intimale. Les hémorragies intraplaques induisent une augmentation brutale du volume de la plaque dont les conséquences peuvent être comme précédemment l'aggravation brutale du degré de sténose ou l'occlusion artérielle mais aussi le clivage de la paroi induisant une dissection artérielle ou une embolie distale du contenu du centre nécrotique.
En conclusion, il est difficile de donner une théorie d'ensemble, d'unicité, monofactorielle expliquant l'ensemble de ces phénomènes. La présence de lymphocytes T et de macrophages donne à l'ensemble du processus artériel une dimension inflammatoire et immunologique. La dédifférenciation et la régulation autocrine et paracrine des CML, leur clonalité évoquent un phénomène proche d'un processus néoplasique focalisé et contrôlé dans le temps. Il est également difficile de définir le facteur initial de déclenchement (LDL, virus, hémodynamique, cytokines...) ou l'étape initiale (modification de l'endothélium, infiltration macrophagique, dédifférenciation et stimulation des CML, infiltration lipidique). L'athérosclérose est en fait vraisemblablement un processus réactionnel pariétal qui se met en place à la suite d'agressions pariétales d'origines multiples.
L'épidémiologie de l'athérosclérose, lésion anatomopathologique de l'artère, doit être distinguée de celle de l'athérosclérose-maladie. La différence est liée au fait que l'athérosclérose artérielle peut rester cliniquement silencieuse et ne jamais faire évoluer le patient vers les pathologies cardiovasculaires.
Les études épidémiologiques autopsiques, basées sur les analyses anatomopathologiques, ont permis de montrer l'extrême prévalence de l'athérosclérose artérielle
. L'accumulation de cellules spumeuses en région intimale des artères coronaires est observée chez 65 % des enfants de 12 à 14 ans. Toutes ces lésions minimes n'évolueront pas vers des lésions athéroscléreuses mais 8 % de ces enfants ont déjà des lésions plus avancées, préathéromateuses. À 30 ans, un tiers des hommes présente des lésions fibroathéromateuses des coronaires. La fréquence des lésions est supérieure chez l'homme que chez la femme. Parallèlement à ces données, les études autopsiques rétrospectives et prospectives ont permis de montrer l'existence de différences géographiques dans le degré d'extension de l'athérosclérose, les pays industrialisés étant plus atteints. Elles ont également permis de montrer la prépondérance de l'atteinte aortique et coronarienne par rapport aux autres localisations. Les rares études autopsiques réalisées sur des populations suivies de manière prospectives ont de plus permis de confirmer la notion de facteurs de risque de l'athérosclérose définis initialement par les études épidémiologiques cliniques.
Les études épidémiologiques cliniques des maladies liées à l'athérosclérose, plus faciles à réaliser car basées sur la survenue des maladies cardiovasculaires au sein d'une population, ont montré que l'athérosclérose-maladie est la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Ces études sont évidemment difficiles à interpréter dans la mesure où elles analysent, dans des populations suivies de manière prospective, la survenue d'événements cliniques dont le diagnostic est parfois difficile. Une des rares études menées en France a été l'étude prospective parisienne
.
L'épidémiologie des maladies cardiovasculaires est caractérisée par le déclin de la mortalité due à la cardiopathie ischémique au cours des 30 dernières années. Les principales données sont issues de l'OMS, du Centre national des États-Unis pour les statistiques de santé, les enquêtes canadiennes de santé cardiaque, le projet MONICA et une série de publications nationales.
L'analyse de la mortalité globale montre qu'après ajustement à la pyramide des âges, les taux de décès toutes causes confondues s'échelonnent entre 690 pour 100 000 habitants en France à 990 pour 100 000 au Mexique. En général, le taux de mortalité est plus faible dans les pays du Sud que dans les pays du Nord en Europe et inversement dans le continent américain
.
Les variations suivant les pays des taux de décès pour toutes les maladies cardiovasculaires et pour les cardiopathies ischémiques sont également considérables
. La prévalence des cardiopathies ischémiques est extrêmement importante dans les pays industrialisés. Le profil de décès pour les cardiopathies ischémiques met en évidence un gradient nord-sud en Europe avec ainsi un taux de décès par maladie cardiovasculaire le plus faible en France (62 pour 100 000 habitants), contrastant avec un taux élevé dans le Nord de l'Europe comme la Finlande (400/100 000) ou l'Écosse (427/100 000). En Amérique, les taux de mortalité dus à la cardiopathie ischémique sont plus élevés en Amérique du Nord et plus faibles en Amérique du Sud et en Amérique centrale, contrastant avec la constatation inverse pour la mortalité globale. Ainsi, les maladies cardiovasculaires représentent presque la moitié des décès en Europe mais seulement un tiers en France. Le pourcentage de décès liés aux cardiopathies ischémiques est également extrêmement variable d'un pays à l'autre, allant de 7 à 13 % en Europe du Sud à plus de 20 % en Europe du Nord et en Amérique du Nord. Les taux de décès de la cardiopathie ischémique sont plus élevés pour les hommes que pour les femmes dans tous les pays (4/1 en France). Il existe également une augmentation considérable des taux de décès dus à la cardiopathie ischémique avec l'âge.
L'incidence des pathologies coronariennes, c'est-à-dire le taux moyen de nouveaux cas, est également élevée dans les pays du Nord de l'Europe et dans les pays anglo-saxons, et est faible au Japon, dans les pays du tiers monde et dans certains pays méditerrannéens. Ainsi par exemple, l'incidence moyenne annuelle des cardiopathies ischémiques pour 1 000 sujets entre 55 et 64 ans était de 21 dans l'étude de Framingham et de 10,6 dans l'enquête prospective parisienne. L'incidence des pathologies coronariennes est très faible chez la femme avant la ménopause pour s'accroître très rapidement ensuite et rattraper l'incidence moyenne des sujets de sexe masculin.
La prévalence des artériopathies des membres inférieurs dans la population des pays occidentaux est plus faible, atteignant 1 % dans la cinquième décennie. L'incidence moyenne est également plus faible que celle des cardiopathies ischémiques. Dans l'étude prospective parisienne, l'incidence chez les hommes de la cinquième et de la sixième décennie est de 1,2/1 000 par an.
Les données concernant les accidents vasculaires cérébraux sont plus difficiles à analyser par la nature complexe des mécanismes pathogéniques des accidents vasculaires cérébraux, regroupant notamment les accidents hémorragiques et ischémiques, donc des mécanismes souvent indépendants d'une atteinte athéroscléreuse des troncs supra-aortiques. Il existe là aussi une grande disparité dans le pourcentage des accidents vasculaires cérébraux suivant la répartition géographique. Les taux les plus élevés sont observés au Japon et dans les pays en voie de développement. La mortalité par accident vasculaire cérébral chez les hommes de 40 à 69 ans est estimée à 8,2 % en France contre 26,4 % au Japon.
Certaines de ces données sont anciennes. Elles permettent cependant de montrer la place prépondérante des pathologies cardiovasculaires liées à l'athérosclérose en termes de Santé publique et de définir la place relative des trois grands pôles vasculaires de l'atteinte athéroscléreuse, les cardiopathies ischémiques, les artériopathies des membres inférieurs et les accidents vasculaires cérébraux par athérosclérose carotidienne. Elles ont également permis de définir un certain nombre de facteurs de risque des pathologies cardiovasculaires sur lesquels nous reviendrons.
La fréquence des maladies liées à l'athérosclérose varie avec le temps. Les premières données épidémiologiques, remontant souvent à plusieurs décennies, ont amené certains pays comme les États-Unis à développer une politique active de prévention primaire vis-à-vis des facteurs de risque. Une baisse de la fréquence et de la mortalité des pathologies cardiovasculaires liées à l'athérosclérose est observée depuis 30 ans, aussi bien chez l'homme que chez la femme. Même si ces résultats ne sont pas totalement imputables à la prise en charge des facteurs de risque vasculaire, ils démontrent l'importance de la prise en compte des données épidémiologiques et de la définition des facteurs de risque dans la prise en charge de l'athérosclérose.
Les études épidémiologiques cliniques ou autopsiques ont permis de démontrer que l'athérosclérose ou ses manifestations cliniques sont associées à des facteurs de risque. La notion de facteurs de risque est liée à la démonstration d'un lien statistique entre certains facteurs cliniques ou biologiques, certaines habitudes de vie et la survenue de manifestations cliniques liées à une pathologie cardiovasculaire (études épidémiologiques cliniques) ou la présence d'une atteinte athéroscléreuse anatomique (études épidémiologiques autopsiques). Les études épidémiologiques réalisées à partir d'une définition angiographique ou par écho-doppler vasculaire sont également une approche, en partie analogue aux études autopsiques, puisque définissant la présence ou non d'une athérosclérose vasculaire indépendamment de ses manifestations cliniques. La définition d'un facteur de risque nécessite des analyses multivariées afin de démontrer l'indépendance de la liaison statistique de ce facteur avec l'athérosclérose ou ses manifestations. L'individualisation d'un facteur de risque nécessite ainsi la démonstration répétée dans plusieurs études épidémiologiques d'une relation statistique entre la présence de ce facteur et de la maladie. La puissance prédictive du facteur doit être comparable entre les études. Il faut évidemment ne pas oublier que ce facteur de risque est relié statistiquement à la survenue d'événements cliniques dans les études épidémiologiques cliniques, et que la survenue de ces événements cliniques (infarctus, angor, mort cardiaque, mort subite) correspond à des mécanismes physiopathologiques complexes où se mêlent l'athérosclérose, la thrombose, l'ischémie myocardique... La mise en évidence d'un facteur de risque des cardiopathies ischémiques ne signifie donc pas obligatoirement facteur de risque d'athérosclérose. Enfin facteur de risque ne signifie pas facteur causal.
Les études épidémiologiques ont ainsi pu clairement démontrer que quelques facteurs biologiques et environnementaux ont des valeurs significativement plus élevées chez les sujets qui présentent ou présenteront une atteinte cardiovasculaire secondaire à une athérosclérose. L'ensemble de la communauté scientifique reconnaît actuellement neuf facteurs de risque indépendants : le sexe, l'âge, le taux de cholestérol, le diabète, les valeurs de pression artérielle, la consommation de tabac, le type psychologique, la sédentarité, la notion familiale d'une atteinte athéroscléreuse.
Âge
L'âge est un facteur de risque évident, important en clinique ; les manifestations cliniques de l'athérosclérose débutant généralement au cours de la quatrième ou de la cinquième décennie chez l'homme et de la sixième ou de la septième décennie chez la femme.
Sexe
Le sexe est également un facteur de risque. L'athérosclérose touche essentiellement l'homme. La femme est protégée jusqu'à la ménopause
. Les taux de décès dus à la cardiopathie ischémique sont 3,6 fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes dans la tranche d'âge 45-54 ans, mais seulement 2,2 fois plus élevés dans la tranche d'âge 65-74 ans aux États-Unis. En France, il y a 7,2 fois plus de décès dus à la cardiopathie ischémique parmi les hommes d'âge moyen par rapport aux femmes. Au troisième âge le ratio tombe à 3. Une des explications est évidemment l'impact du climat oestroprogestatif sur les facteurs de risque, notamment lipidique avec des taux de HDL cholestérol plus élevés et des taux de LDL cholestérol plus bas chez la femme. La castration chirurgicale apparaît ainsi comme un facteur de risque indiscutable, bien qu'elle ne puisse être assimilée à une ménopause naturelle. Ces données posent le problème de l'intérêt des traitements substitutifs oestroprogestatifs après la ménopause dans la prévention de l'athérosclérose et de ses manifestations cardiovasculaires. Chez la femme ménopausée, l'administration d'une oestrogénothérapie substitutive est de plus en plus recommandée. Malheureusement, l'interprétation des études en ce qui concerne l'efficacité possible sur la prévention des accidents cardiovasculaires est difficile, le doute sur un rôle prothrombogène persistant pour certains auteurs. L'impact réel de la thérapeutique substitutive selon les habitudes françaises comprenant notamment l'administration d'oestrogène percutané reste à définir.
Cholestérol
Le taux de cholestérol plasmatique est le plus important des facteurs de risque de l'athérosclérose
. Il existe une relation continue entre le taux de cholestérol plasmatique et la mortalité cardiovasculaire. En France, selon l'étude prospective parisienne, l'incidence annuelle de cardiopathie ischémique est de 2,9/1 000 pour les sujets ayant une cholestérolémie inférieure à 1,8 g/L et de 12,9/1 000 si elle est supérieure à 2,8 g/L. Cette notion est retrouvée sur l'ensemble des études épidémiologiques. Le caractère continue de la relation entre le taux de cholestérol plasmatique et la mortalité cardiovasculaire montre qu'il n'y a pas de zone seuil de la cholestérolémie à partir duquel le risque apparaîtrait. Ces données ont amené progressivement l'ensemble des pays occidentaux à définir un taux plasmatique idéal de la cholestérolémie en deçà duquel le risque devient raisonnable. Ce taux est actuellement fixé à 2 g/L, voire 1,8 g/L chez les sujets de moins de 30 ans. Le risque vasculaire lié au cholestérol est en fait la résultante du risque lié à la répartition des différentes fractions du cholestérol. Le cholestérol plasmatique est en effet composé de plusieurs fractions lipoprotéiques comprenant des particules HDL cholestérol, des LDL cholestérol et des VLDL. Les études épidémiologiques ont pu montrer que le risque vasculaire est en relation continue avec le taux de LDL cholestérol. Le taux pathologique à partir duquel le risque est considéré comme trop important est fixé actuellement à 1,4 g/L. Inversement la fréquence des cardiopathies ischémiques est liée de manière négative au taux de HDL cholestérol. Un taux bas de HDL cholestérol apparaît de plus en plus comme un facteur de risque indépendant, la limite pathologique apparaissant comme un taux inférieur à 35 mg/dL. L'existence d'une légère remontée de la mortalité pour des valeurs extrêmement basses de la cholestérolémie pose le problème de la relation possible entre cancer et taux de cholestérol. Cependant, la relation semble être dans le sens cancer cause de l'hypocholestérolémie. Quoi qu'il en soit, La possibilité d'intervenir sur la cholestérolémie par des moyens thérapeutiques efficaces pose évidemment le problème de l'intérêt d'abaisser le taux de cholestérol. Le rapport bénéfice/risque de l'abaissement du cholestérol est favorable en prévention secondaire chez les patients ayant une cholestérolémie supérieure à 2,5 g/L. L'intérêt en prévention primaire est actuellement inconnu sauf pour les valeurs extrêmement élevées de la cholestérolémie. Dans le cadre du risque lipidique, il faut également mentionner les facteurs nutritionnels. Les études épidémiologiques descriptives ont montré une relation directe entre consommation d'acides gras saturés et de cholestérol et l'incidence des cardiopathies ischémiques. En revanche, il existe une relation inverse entre consommation d'acides gras insaturés et incidence de la maladie coronaire. Les études d'intervention purement diététiques ont été menées et ont permis de montrer qu'il est possible de diminuer la fréquence des récidives d'infarctus du myocarde en prévention secondaire.
Le diabète non insulinodépendant, bien que ne touchant que 1 à 2 % de la population générale, est un facteur de risque à part entière
. Il multiplie par deux la fréquence des cardiopathies ischémiques. Il est non seulement un facteur de risque de l'athérosclérose mais est également un facteur majeur des microangiopathies. Les mécanismes sont complexes et partiellement inconnus, mais pourraient être liés à l'hyperinsulinisme ou à des facteurs multiples intriqués, la surcharge pondérale, l'hypertension artérielle, l'abaissement de l'HDL cholestérol ou l'hypertriglycéridémie.
Hypertension artérielle
L'hypertension artérielle est un facteur de risque majeur des pathologies cardiovasculaires liées à une athérosclérose
. La relation du risque de coronaropathie aux pressions systolique et diastolique est pratiquement linéaire. Les pressions systolique et diastolique apparaissent comme deux facteurs de risque indépendants. L'enquête prospective parisienne montre que l'incidence annuelle d'infarctus du myocarde passe de 1,2/1 000 dans le groupe ayant une pression artérielle systolique à 130 mmHg à 5,2 pour ceux qui ont une pression artérielle égale ou supérieure à 169 mmHg. Pour la pression diastolique, le risque de cardiopathie ischémique est divisé par deux, si la pression diastolique passe de 91 mmHg à 76 mmHg et multiplié par deux si la pression diastolique passe de 91 à 105 mmHg. Une élévation de 15 mmHg de la pression artérielle diastolique multiplie par deux le risque de maladie coronaire. La relation est plus forte avec les hémorragies cérébrales où le risque est multiplié par quatre pour chaque élévation de pression de 15 mmHg de la pression diastolique. La pression artérielle apparaît ainsi comme un facteur accélérateur de l'athérosclérose et de ses complications. Les mécanismes sont cependant complexes, mal définis. La dysfonction endothéliale joue vraisemblablement un rôle important. Malgré la relation continue entre le risque vasculaire et les valeurs de pression artérielle, seule la notion d'hypertension artérielle, définie sur des valeurs de chiffres tensionnels supérieurs ou égaux à 160 mmHg de systolique et 95 mmHg de diastolique, est considérée comme un facteur de risque. L'effet de l'abaissement de la pression artérielle sur l'athérosclérose et ses complications a été l'objet de nombreuses études. Les études récentes semblent enfin montrer que la baisse de la pression artérielle systémique entraîne non seulement une diminution de la mortalité liée aux accidents vasculaires cérébraux mais aussi à celle liée aux cardiopathies ischémiques.
Tabac
La consommation de tabac est un facteur de risque constant et indépendant touchant les deux sexes, non modifié par l'utilisation de cigarettes légères ou avec filtre et dépendant de la consommation totale estimée généralement en années tabac
. L'enquête parisienne ou l'étude de Framingham a démontré que la consommation de tabac multiplie globalement, à facteurs de risque constants, la probabilité de survenue d'un infarctus du myocarde par quatre, de la mort subite par cinq. Le fait d'arrêter de fumer réduit rapidement le facteur de risque de coronaropathie. Cependant si certaines études montrent que le risque revient à la normale au bout de 2 ans, d'autres montrent qu'après 5 ans le risque n'est pas tout à fait revenu à la normale. Il est cependant intéressant de noter que l'âge de début de l'infarctus du myocarde chez le fumeur est 9 ans inférieur à celui du non-fumeur avec souvent une lyse du thrombus artériel, spontanée ou induite par le traitement fibrinolytique, plus complète. Ces données suggèrent que le tabac pourrait jouer un rôle plus important dans l'induction des mécanismes de la rupture de plaque que dans l'athérosclérose elle-même. Le tabac reste enfin le facteur de risque majeur des artériopathies des membres inférieurs.
Sédentarité
La sédentarité est également un facteur de risque indépendant. Le risque d'infarctus du myocarde chez les sédentaires est 1,9 fois plus élevé que chez les non-sédentaires après ajustement de tous les autres facteurs de risque
. Le profil psychologique est également considéré comme un facteur de risque indépendant. Cette notion, bien que contredite par certaines études, est généralement admise. Les sujets présentant un profil psychologique de type A, souvent associé à un stress environnemental important, apparaissent plus exposés au risque de pathologies ischémiques.
Notion familiale
Le dernier facteur de risque prépondérant est la notion familiale de pathologie cardiovasculaire liée à une athérosclérose. Cette notion est difficile à évaluer dans la mesure où de nombreux facteurs de risque, notamment l'hypercholestérolémie, le diabète, l'hypertension artérielle, sont liés à des facteurs génétiques. Cependant, à facteur de risque constant, la probabilité de survenue d'une cardiopathie ischémique est globalement multipliée par deux en présence d'un antécédent familial de coronaropathie. Les analyses génétiques de population ont permis de montrer que certains polymorphismes génétiques pouvaient être considérés comme un facteur de risque de pathologie coronarienne. Certains de ces polymorphismes sont liés aux facteurs de risque classiques, d'autres sont indépendants et permettent de mettre en évidence une relation potentiellement physiopathologique
.
L'athérosclérose et ses complications restent cependant une maladie multifactorielle et si des facteurs génétiques rentrent en jeu, ce sont forcément des facteurs polygéniques.
L'analyse de l'ensemble de ces données montre que les facteurs de risque, tels que nous les avons analysés, sont définis en fonction de la survenue d'événements cliniques, le plus souvent une cardiopathie ischémique, c'est-à-dire la survenue d'une angine de poitrine, d'un infarctus du myocarde, d'une mort cardiaque ou mort subite. Deux problèmes doivent être posés : les facteurs de risque sont-ils identiques pour les trois pôles vasculaires, coronaires, carotides et artères des membres inférieurs ? Ces facteurs de risque définis par les études cliniques et correspondant à des facteurs de risque d'une atteinte clinique liée à une athérosclérose sont-ils identiques aux facteurs de risque de l'athérosclérose considérée en tant que lésion anatomopathologique et donc de façon indépendante de sa traduction clinique ? Les analyses épidémiologiques cliniques montrent qu'en fait les facteurs de risque indépendants ne sont pas parfaitement identiques suivant les localisations de l'athérosclérose. Les valeurs de la pression artérielle et l'âge sont très fortement liés au risque d'accident vasculaire cérébral. L'hypercholestérolémie et le tabagisme présentent une liaison plus faible et pas toujours évidente avec les accidents vasculaires cérébraux. Dans les artériopathies des membres inférieurs, le tabac est le facteur de risque majeur, le rôle potentiel de l'hypercholestérolémie apparaissant plus faible. Les autopsies prospectives confirment en partie les données des études épidémiologiques cliniques. Les taux de cholestérol plasmatique sont significativement associés à l'extension du processus athéroscléreux. Certaines études ont également confirmé la relation inverse entre l'extension de l'athérosclérose coronarienne et le taux d'HDL cholestérol. Cette relation n'a pas été confirmée pour les artères cérébrales. L'élévation de la pression artérielle a été également corrélée à l'extension de l'athérosclérose coronarienne. Les résultats concernant les habitudes tabagiques sont, en revanche, divergents. Une relation positive avec l'extension de l'athérosclérose aortique apparaît indiscutable. En revanche, la relation avec l'extension de l'athérosclérose coronarienne et cérébrale est moins évidente.
La définition d'un facteur de risque ne signifie pas la définition d'un facteur de causalité. La notion de causalité est complexe et nécessite que l'association épidémiologique d'un facteur à l'athérosclérose réunisse plusieurs critères : une corrélation très significative, une gradation de la corrélation, une séquence dans le temps (le facteur étiologique doit précéder la maladie), une constance dans l'association, étude après étude, une indépendance de chaque association, une capacité prédictive basée sur des populations différentes, une cohérence de l'association, c'est-à-dire cohérence avec les autres méthodes de recherche (expérimentation animale, investigation clinique et pathologique) mais aussi cohérence avec les mécanismes pathogéniques connus. Sur l'ensemble de ces données, seule l'hypercholestérolémie présente tous les critères pour considérer ce facteur de risque comme un facteur causal de l'athérosclérose. Cela ne signifie évidemment pas que l'hyperlipémie est le seul facteur causal de l'athérosclérose qui est par excellence une maladie multicausale. Cependant même si la causalité d'un facteur de risque n'est pas démontrée, le contrôle des facteurs de risque de l'athérosclérose ou de ses manifestations constitue un objectif médical de prévention.
Pendant longtemps, les études cliniques, épidémiologiques et d'intervention sur l'athérosclérose chez l'homme se sont souvent intéressées aux stades évolués des complications cliniques et ont pris comme méthode d'évaluation l'artériographie. Il est maintenant possible de quantifier l'athérosclérose à un stade précoce, infraclinique et de suivre son évolution par des méthodes non invasives. Parmi ces méthodes, l'ultrasonographie en mode B est celle qui, pour le moment, a été le plus évaluée. Les raisons du choix de l'échographie sont les suivantes :
- - l'échographie permet de mesurer l'épaisseur de la paroi et le diamètre de l'artère, deux paramètres qui se modifient à un stade précoce de l'athérosclérose. En effet, les lésions initiales se traduisent d'abord par un épaississement pariétal, intimal ou médial (hypertension artérielle). Glagov en 1987 a démontré sur les artères coronaires chez l'homme que cet épaississement pariétal s'accompagnait d'une augmentation progressive du diamètre total de l'artère, par phénomène de remodelage " adaptatif ", mis en route pour conserver une lumière de calibre normal, voire augmentée. Ce n'est qu'au-delà d'un envahissement de 40 % de la surface de section de la limitante élastique interne que la lumière se rétrécit. Ainsi, toute mesure étudiant la lumière vasculaire seule, telle l'artériographie, n'est pas apte à détecter les modifications précoces de la paroi et peut méconnaître ou sous-estimer l'évolutivité des lésions ;
- - la validation de l'échographie pour la mesure de l'épaisseur intima-média (EIM) a été réalisée en comparaison avec les pièces anatomiques par les travaux de Pignoli et al . Le complexe intima-média correspond en ultrasonographie à un double liseré de la paroi profonde, soit deux lignes parallèles séparées par un espace hypoéchogène. La première ligne correspond à l'interface lumière-intima, la deuxième à l'interface média-adventice. La distance entre ces deux lignes est bien corrélée à l'EIM (r=0,90) ;
- - dans les études cliniques et épidémiologiques, l'augmentation de l'EIM serait un marqueur précoce de l'athérosclérose et serait corrélé avec les facteurs de risque, la présence plus fréquente de plaques, d'une artériopathie cervicale ou des membres inférieurs ou encore d'une coronaropathie ;
- - enfin, l'échographie permet de suivre l'évolution de l'athérosclérose au-delà du stade d'épaississement pariétal, lorsque la plaque est constituée ou qu'elle devient sténosante ; le volume de la plaque n'est pas encore parfaitement accessible à la reconstruction en 3D et sa caractérisation tissulaire peu validée. Quant à la quantification d'une sténose, elle peut être maintenant obtenue de façon fiable par le couplage au doppler couleur et pulsé.
Échographie mode B - Méthodologie d'exploration
La méthodologie doit être rigoureuse. Différentes approches sont possibles pour réaliser la mesure et représenter les résultats. Une standardisation est souhaitable. Un appareil d'échographie de haute résolution spatiale muni d'une sonde de haute fréquence de 7,5 à 10 mHz est utilisé. Le sujet est examiné en décubitus dorsal. On réalise selon les différentes incidences possibles, une coupe longitudinale perpendiculaire à la paroi postérieure de l'artère carotide primitive (ou de l'artère fémorale) sur plusieurs centimètres. La mesure est faite sur la paroi profonde de l'artère à distance de la bifurcation, en dehors d'une plaque et d'une zone de tortuosité, en télédiastole. Cette mesure automatisée, assistée par ordinateur et basée sur le profil des densités, est obtenue avec une précision de 0,05 mm en plaçant un curseur de part et d'autre de la paroi de telle sorte que l'on obtienne une ligne perpendiculaire à celle-ci. Il est possible, en utilisant un masque et des repères de positionnement du capteur, de suivre l'évolution des structures pariétales par un repositionnement plus précis
.
D'autres approches sont décrites et varient avec le site de mesure (partie proximale, moyenne ou distale de la carotide primitive, bifurcation, origine de la carotide interne), le nombre de sites de mesure, la longueur du segment (mesure " ponctuelle " ou mesure " segmentaire "), le côté droit ou gauche, la coupe longitudinale ou transversale. La mesure faite sur la paroi superficielle est moins précise
. La mesure faite sur la carotide primitive est plus aisée : 99 % de résultats interprétables contre 87 % sur la carotide interne, voire 75 % pour certaines études. Lorsque la mesure de l'EIM est impossible, il a été proposé de faire une mesure de l'épaisseur de la totalité de la paroi artérielle
.
Les résultats sont exprimés chez l'individu par une valeur maximale ou par une valeur moyenne. La valeur normale est de l'ordre de 0,6 +/- 0,1 mm, mais varie avec la population étudiée. La variabilité intra- et interopérateur est exprimée en différence absolue (totale ou relative) soit pour la valeur maximale, soit pour la valeur moyenne. La variabilité de la mesure est actuellement améliorée et inférieure à 0,10 mm ou 10 +/- 8,5 % pour Persson
. Pour Touboul
, les variations intra- et interobservateur sont respectivement de 0,06 +/- 0,06 et 0,07 +/- 0,07 mm dans les études de suivi. La précision est moins bonne pour les valeurs maximales
. L'appréciation de l'erreur de mesure permet une interprétation adéquate des résultats dans les études épidémiologiques. L'estimation de l'écart type de l'erreur de mesure augmente significativement avec l'épaisseur de la paroi
.
Les facteurs de variabilité sont, outre la variabilité propre à la mesure, l'évolutivité de la lésion et l'effet du traitement. Les sources de variabilité propres à la mesure sont dues à l'appareillage (d'échographie, de lecture ou de mesure), à la structure artérielle (tortuosités, lésions athéroscléreuses compliquées), à l'observateur (manipulation, lecture, mesure). Un protocole rigoureux, une maîtrise de la technique et un contrôle de qualité sont nécessaires.
Facteurs de risque d'épaississement pariétal
La prévalence de l'augmentation de l'EIM est élevée : 27 % de la population adulte dans l'étude de Prati
, 30,4 % de la population féminine de 45 à 54 ans dans l'étude de Bonithon-Kop
; l'EIM augmente avec l'âge de 0,01 mm/an
. Dans les études transversales, il existe une relation nette entre l'augmentation de l'EIM de la carotide primitive et les différents facteurs de risque de l'athérosclérose : âge, hypertension artérielle systolique et parfois diastolique, tabagisme actif et passif, diabète, surcharge pondérale, hypercholestérolémie. Il existe une corrélation positive avec le taux de LDL cholestérol plasmatique et l'Apo A et une corrélation négative avec le taux de HDL cholestérol et l'Apo B. L'augmentation de l'EIM est associée à la Lp (a) lipoprotéine, le taux de fibrinogène plasmatique, la consommation de graisses,
, l'inactivité physique, le faible niveau de revenu et les antécédents familiaux d'atteinte coronaire. Ces données confirment la validation de l'EIM comme marqueur d'athérosclérose, ce qui est important pour l'interprétation de l'association avec de nouveaux facteurs de risque en particulier biologiques : hypertriglycéridémie postprandiale
, autoanticorps anti-LDL oxydés
homocystéinémie
, activateur tissulaire du plasminogène et son inhibiteur PAI1
, enzyme de conversion de l'angiotensine
ou autres
.
Les études cas-témoin s'adressant aux cas de l'hypertension artérielle
, de l'hypercholestérolémie
et de la consommation de matières grasses
confirment ces données et permettent de déduire certaines hypothèses pathogéniques. Dans l'hypercholestérolémie, il existe une association entre plaque et EIM qui n'est pas retrouvée dans l'hypertension artérielle
laissant supposer que l'EIM, probablement liée à un épaississement isolé de la média que ne permet pas de distinguer l'échographie, se développe en dehors d'un processus athéromateux
, mais ceci nécessite d'être confirmé. En effet, dans l'étude transversale EVA (European Vascular Aging)
, la présence de plaque est retrouvée dans l'hypercholestérolémie mais elle est associée à l'EIM dans l'hypertension artérielle. Enfin, la présence de plaque d'athérosclérose en échographie est corrélée aux facteurs de risque
, à la présence de calcifications coronaires détectées par scanner ultrarapide et cette relation augmente avec le nombre de sites vasculaires atteints à l'échographie
.
Progression de l'athérosclérose
Dans une étude longitudinale (étude prospective de suivi), Salonen
montre un risque d'infarctus du myocarde trois fois plus important en présence de plaque ou d'augmentation de l'EIM chez l'homme. Une augmentation de 0,1 mm de l'EIM accroît le risque coronarien de 11 %. L'étude de suivi chez la femme de 45 à 55 ans
montre une augmentation significative de l'incidence de plaque à l'échographie lorsque l'EIM était supérieure à 0,75 mm à l'inclusion. La diminution des LDL était associée dans cette étude à une régression de l'EIM. Cette constatation va dans le sens des études épidémiologiques d'intervention dans l'hypercholestérolémie utilisant principalement des inhibiteurs de l'HMG CoA réductase et l'échographie comme indice de " progression " de l'athérosclérose. Il existe une limitation significative de la progression de l'EIM de la carotide primitive sous traitement associant cholestipol et acide nicotinique
ou sous inhibiteur de l'HMG CoA réductase
, parallèlement à la diminution significative du cholestérol total et du LDL cholestérol ou encore à la diminution significative des événements cardiovasculaires.
Bien que l'EIM soit considérée comme marqueur de l'athérosclérose et qu'elle soit corrélée avec le risque d'atteinte coronaire, sa signification clinique sur le plan évolutif et de l'efficacité préventive du traitement reste à démontrer par d'autres études. Elle reste encore du domaine de la recherche.
L'approche préventive et thérapeutique de l'athérosclérose se pose à deux niveaux, celui de l'individu et celui de la population générale. Au niveau de l'individu, l'athérosclérose se présente globalement sous trois formes cliniques, soit par un premier accident cardiovasculaire (angor, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, artériopathie des membres inférieurs, anévrisme de l'aorte abdominale), soit par le dépistage d'une athérosclérose infraclinique (plaques carotidiennes, fémorales ou aortiques dépistées au cours d'un examen par écho-doppler vasculaire), soit par la mise en évidence d'un terrain à haut risque chez un sujet sain. Au niveau de la population, l'athérosclérose se pose en tant que problème de Santé publique pour les populations des pays industrialisés.
La prévention primaire, c'est-à-dire avant l'installation de la maladie, doit être réalisée non seulement chez l'individu à haut risque mais également sur l'ensemble de la population. Cette approche préventive est basée sur le contrôle des facteurs de risque. La recommandation de ne pas fumer et l'arrêt du tabagisme sont des objectifs permanents. Le dépistage et le traitement des hypercholestérolémies graves et des hypertensions artérielles sont des objectifs également majeurs qui se posent non seulement au niveau de l'individu mais également de la population générale. L'approche diététique de la prévention est également nécessaire bien que non parfaitement définie actuellement. Sa conception est actuellement basée sur une moindre consommation des graisses animales, des acides gras saturés au profit des acides gras insaturés, des fibres, de la consommation de poissons. La consommation de vin en quantité modérée, de vitamines E sont d'autres mesures diététiques en cours de validation.
Parallèlement, la recommandation d'une activité physique fait également partie d'une approche préventive intuitivement nécessaire et recommandée. Le rôle exact de ces différentes attitudes préventives avec le développement de l'athérosclérose reste incertain, mais il est vraisemblable que c'est la prise de conscience de ces facteurs associée à une amélioration du système de soins qui ont amené à une baisse progressive de la mortalité cardiovasculaire au cours des 30 dernières années.
En prévention secondaire, l'intérêt du contrôle des facteurs de risque est, en revanche, à peu près évident. Le traitement des hypercholestérolémies supérieures à 2,5 g/L après un premier accident coronarien entraîne une diminution des événements cardiaques et améliore la survie des patients. De même, la prise en charge de l'hypertension artérielle, l'arrêt du tabac, la reprise d'une activité physique apparaissent comme des éléments thérapeutiques importants dans la prévention des événements cliniques à la suite d'un premier accident coronarien.
En fait, une attitude générale de prévention est parfois la résultante d'une attitude plus pragmatique que scientifique, mais cependant justifiée par les études épidémiologiques. En effet, la prise de conscience de l'ensemble des facteurs de risque par la population entraîne souvent un changement de style de vie, la meilleure prise en charge de facteurs de risque majeur comme l'hypertension et l'hypercholestérolémie. Cette attitude préventive, qu'elle s'inscrive dans une action individuelle des médecins ou dans une attitude systématique d'un système de soin, a amené au cours des années une diminution de la fréquence des cardiopathies ischémiques dans les pays industrialisés. Aussi la lutte contre tous les facteurs de risque constitue un objectif majeur de soin dans la prévention des pathologies cardiovasculaires même si le rôle exact de cette prévention dans le contrôle de l'athérogenèse n'est parfois pas clairement établi.
Parallèlement à la prise en charge des facteurs de risque, se pose le problème des traitements de l'athérosclérose elle-même ou de ses complications. Deux objectifs thérapeutiques doivent être discutés, le contrôle de la progression et la prévention des complications thrombotiques de l'athérosclérose. Les études angiographiques prospectives sur la progression de l'athérosclérose ont permis de montrer qu'il était possible de diminuer la fréquence de l'aggravation des lésions coronariennes par certaines approches thérapeutiques. Certaines sont liées au contrôle des facteurs de risque notamment l'hypercholestérolémie, d'autres sont indépendantes de ceux-ci. Il faut ainsi noter que les inhibiteurs calciques apparaissent capables de limiter l'apparition de nouvelles lésions athéroscléreuses sur l'arbre vasculaire. Les thérapeutiques pouvant diminuer la fréquence des complications thrombotiques de l'athérosclérose doivent être discutées. Les antiagrégants plaquettaires ont ainsi montré leur rôle préventif certain dans la survenue d'accident vasculaire cérébral par embolies sur plaques carotidiennes, sur la récidive d'infarctus du myocarde, sur les épisodes d'ischémie des membres inférieurs. La recherche de nouveaux axes thérapeutiques de l'athérosclérose est actuellement dominée par la recherche sur le contrôle pharmacologique de la resténose après angioplastie, processus réactionnel pariétal différent de l'athérosclérose mais dominé par la réactivité des CML. Aucune thérapeutique chez l'homme n'a réussi pour l'instant à contrôler ce phénomène.
L'athérosclérose apparaît ainsi comme une pathologie artérielle posant un vrai problème de Santé publique par les complications cardiovasculaires qu'elle génère. La prévention de son apparition ou de son aggravation par une prise en charge des facteurs de risque, sa crainte et sa recherche systématique chez tous les malades face à son développement lent et silencieux afin de définir le risque cardiovasculaire sous-jacent, la prévention de ses complications doivent constituer un objectif constant de tous les médecins.