Anomalies congénitales des artères coronaires







Anne-Marie Worms: Praticien hospitalier, chef du service de cardiologie infantile
Service de cardiologie infantile, Hôpitaux de Brabois, hôpital d'Enfants, rue du Morvan, 54511 Vandoeuvre cedex France
François Marçon: Praticien hospitalier
11-041-I-10 (1994)



Résumé

Les anomalies congénitales des artères coronaires regroupent un très large éventail de malformations, de signification et de gravité très diverses. A côté des malformations " majeures ", symptomatiques dès le plus jeune âge, ou parfois chez l'adolescent ou l'adulte jeune, certaines anomalies, dites " mineures ", restent silencieuses ; elles ne sont pas sans intérêt pratique, toutefois, en raison de leur incidence sur l'interprétation de la coronarographie et sur la chirurgie cardiovasculaire, surtout celle des cardiopathies congénitales. La connaissance des anomalies coronaires, d'abord exclusivement anatomique, a suivi les progrès des techniques d'exploration : aortographie, puis coronarographie sélective, chez l'adulte, et chez l'enfant. Actuellement, l'échocardiographie bidimensionnelle, la vélocimétrie-Doppler et le Doppler à codage couleur, méthodes non invasives, orientent le diagnostic dans un certain nombre de cas ; elles permettent de guider les méthodes invasives d'opacification, exceptionnellement même de s'en dispenser [ 21 ]. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) peut également fournir des images très démonstratives. Les épreuves d'effort et les techniques isotopiques contribuent à l'évaluation du retentissement hémodynamique et myocardique de ces malformations. La correction chirurgicale, lorsqu'elle est jugée nécessaire, bénéficie des progrès considérables de ces dernières années, en particulier chez le jeune enfant. Plus récemment, les techniques d'embolisation par cathétérisme interventionnel ont obtenu de beaux succès dans le traitement des fistules coronaires.

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Plan

Rappel embryologique
Anomalies congénitales d'origine et de trajet des artères coronaires naissant de l'aorte
Anomalies de naissance des artères coronaires à partir de l'artère pulmonaire
Fistules coronaires
Anévrismes congénitaux des artères coronaires

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L'origine embryologique des artères coronaires est double.

- D'une part une origine distale, à partir d'un réseau primitif qui se développe dans les sillons auriculoventriculaires et interventriculaires ; il existe des connexions entre le réseau réticulaire et les cavités cardiaques, par l'intermédiaire des espaces intertrabéculaires ou sinusoïdes embryonnaires, oblitérés secondairement lors de la condensation de la gelée myocardique.
- D'autre part, une origine proximale, à partir de bourgeons artériels développés lors de la septième semaine sur le truncus arteriosus, avant son cloisonnement ou, pour certains, après sa division. Classiquement, il y aurait une ébauche coronaire au-dessus de chacune des quatre valves : seules celles correspondant aux sinus aortiques antéro-droit et antéro-gauche persisteraient et prendraient des connexions avec le réseau distal, les autres évoluant vers la régression. Ces théories sont contestées par des études plus récentes [ 22 ].
Des anomalies peuvent intervenir à tous les stades : anomalies de développement ou persistance anormale des sinusoïdes, anomalies de développement des bourgeons du truncus, bourgeons accessoires, déviations du cloisonnement du truncus, anomalies de capture des coronaires distales par les bourgeons.
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Il existe de très nombreuses variations dont beaucoup n'ont pas de signification pathologique : ce sont plus des variantes de la normale que de véritables anomalies, et nous ne nous y arrêterons pas. D'autres, au contraire, portent une responsabilité dans l'apparition de symptômes, qu'elles soient isolées ou qu'elles soient associées à des malformations cardiaques. A ces deux groupes d'anomalies, qui posent des problèmes différents, nous en ajouterons un troisième, celui des rares atrésies et sténoses ostiales. Ce sont, pour la plupart, des variantes de la normale, fréquentes, dépourvues de toute symptomatologie, découvertes d'autopsie ou de coronarographie. On peut les qualifier d'anomalies " mineures ". En fait, certaines d'entre elles jouent un rôle en pathologie, soit du fait de difficultés techniques ou des risques qu'elles peuvent susciter lors des explorations angiographiques, des techniques d'angioplastie coronaire, ou de la chirurgie cardiovasculaire, soit plus rarement en étant responsables de certains cas d'ischémie myocardique [ 4], [5 ].
Variations du nombre des ostia
- Les ostia surnuméraires droits se rencontrent très fréquemment. L'ostium accessoire donne le plus souvent naissance à l'artère du conus pulmonaire. Les ostia coronaires gauches multiples sont beaucoup plus rares. Le diagnostic coronarographique peut en être difficile.
- L'artère coronaire unique est définie comme une artère coronaire naissant d'un seul ostium aortique et vascularisant la totalité du myocarde. La première description est attribuée à Thébésius en 1716. Une revue de la littérature en dénombre 190 cas en 1977 [ 40 ]. C'est néanmoins une malformation rare : sa fréquence est estimée à 0,36 des statistiques d'autopsie, 1,3 à 1,7 des séries de coronarographie. La plupart des cas sont découverts chez l'adulte. On peut en décrire plusieurs variantes, en fonction du siège de l'ostium unique par rapport aux sinus aortiques, du trajet des branches, de l'existence ou non d'un trajet aberrant de l'une d'entre elles entre l'aorte et l'artère pulmonaire, ou à travers le myocarde, de l'association à une autre malformation cardiaque [ 67 ]. L'échocardiographie transoesophagienne peut en faire le diagnostic [ 26 ], néanmoins, le diagnostic différentiel avec l'atrésie d'un ostium coronaire, l'hypoplasie d'une artère coronaire ou l'origine ectopique d'une artère coronaire, en particulier née de l'artère pulmonaire, demande le plus souvent une aortographie et une coronarographie sélective. La responsabilité de l'artère coronaire unique en pathologie est discutée. Il ne semble pas qu'elle soit plus exposée à l'athérosclérose qu'un système artériel à deux coronaires. Par contre, l'athérome sur le tronc artériel unique est évidemment sévère. En l'absence d'athérome, l'artère unique pourrait favoriser la survenue d'une ischémie myocardique à l'effort par divers mécanismes : compression d'une branche - surtout coronaire gauche (CG) ou interventriculaire antérieure (IVA) - passant entre l'aorte et l'artère pulmonaire, naissance à angle aigu de la CG qui serait comprimée, par un mécanisme de clapet, sous l'influence de la distension aortique, de coudures ou de sinuosités anormales. Le risque d'ischémie myocardique concernerait 10 à 15 % des cas [ 40], [67 ]. Lorsqu'un tel mécanisme est soupçonné devant des symptômes d'ischémie myocardique, l'indication d'une intervention chirurgicale - pontage, réimplantation ostiale - doit être discutée.


Variations du niveau d'origine des ostia
L'ostium se trouve plus ou moins haut sur le sinus correspondant. Il y a souvent aussi dans ces cas des anomalies d'origine par rapport aux sinus. La situation près d'une commissure expose l'ostium concerné à des lésions dégénératives précoces. Plus haut, sur l'aorte ascendante, un ostium peut être lésé lors d'une aortotomie.

Variations de l'origine aortique des artères coronaires
Ces anomalies concernent seulement l'une ou les deux coronaires. Le cas le plus fréquent est celui de la circonflexe (Cx) née du sinus droit à côté de la coronaire droite (CD), ou de la CD elle-même près de son origine. La CD peut naître du sinus gauche, la CG ou l'IVA du sinus droit, l'une ou l'autre, mais rarement, du sinus postérieur. Leur trajet est alors variable avant de rejoindre leur territoire habituel : en avant, ou en arrière des gros vaisseaux, ou entre l'aorte et l'artère pulmonaire, ou intramyocardique [ 60 ]. Comme dans certains types d'artère coronaire unique, le trajet anormal de la CG, de l'IVA, ou plus rarement de la CD, peut être responsable d'ischémie myocardique à l'effort, et de mort subite, notamment lorsqu'elles passent entre l'aorte et l'artère pulmonaire ou bien en raison d'une naissance aortique à angle aigu et d'un trajet initial dans la paroi aortique. Le diagnostic échocardiographique est possible [ 46], [61 ] mais ne dispense pas d'une coronarographie [ 63 ] qui permet de préciser l'indication chirurgicale.

Trajets intramyocardiques
Les artères coronaires et leurs principales branches cheminent à la surface du coeur : leur trajet est épicardique. Dans certains cas, toutefois, elles peuvent avoir un trajet intramyocardique sur un segment plus ou moins long. La fréquence de cette anomalie est diversement appréciée : elle atteindrait 32 à 40 % des statistiques d'autopsies mais ne dépasse pas 1 à 2 % des statistiques de coronarographies. L'IVA est la plus souvent touchée. L'existence d'un " pont " myocardique pourrait être à l'origine d'une ischémie ou d'un infarctus du myocarde, en particulier par un phénomène de spasme coronaire. Cette anomalie de trajet peut être associée à une cardiopathie congénitale : le risque de blesser l'artère intramyocardique impose d'en faire le diagnostic, par échocardiographie, ou par coronarographie, en particulier dans la tétralogie de Fallot [ 13], [19 ].

Lorsque la CD est dominante, la Cx est habituellement petite et parfois considérée comme hypoplasique. Inversement, la CD peut être hypoplasique en cas de Cx dominante. Mais on a décrit quelques cas [ 58 ] d'hypoplasie touchant à la fois la CD et la Cx, qui peut se compliquer d'ischémie myocardique.

L'atrésie ou la sténose d'un ostium coronaire aboutissent à un système de perfusion myocardique à partir d'une seule artère coronaire, grâce à des voies de suppléance. L'origine embryologique serait plus tardive que dans les cas d'artère coronaire unique, sur un réseau normalement constitué au départ. Des symptômes d'ischémie myocardique sévère se manifestent habituellement très tôt. Dans les observations publiées, ce sont l'aortographie et la coronarographie sélective qui ont permis d'identifier les lésions, ou parfois une découverte chirurgicale, ou encore autopsique, après mort subite ou infarctus du myocarde.

Atrésie d'un ostium coronaire
Une trentaine d'observations ont été publiées. Il s'agit le plus souvent d'une atrésie de l'ostium coronaire gauche ; le tronc coronaire gauche peut être normalement développé ou plus ou moins hypoplasique, ou atrésique. Les branches périphériques sont normales ou hypoplasiques : la vascularisation en est assurée par de nombreuses collatérales à partir de la coronaire saine. Les manifestations d'ischémie myocardique sont variables. L'âge va de la première enfance à l'âge adulte. Le diagnostic différentiel avec la naissance anormale de la CG à partir de l'artère pulmonaire peut être difficile à l'angiographie, mais il n'y a pas de shunt vers l'artère pulmonaire. Le diagnostic de coronaire unique peut également se discuter dans certains cas. Plusieurs cas de pontages coronaires réussis ont été publiés [ 64 ], parfois associés à une angioplastie d'élargissement du tronc coronaire gauche, lorsqu'il est de taille suffisante.

Sténose d'un ostium coronaire
Les sténoses aortiques supravalvulaires, avec des artères coronaires qui naissent en amont de l'obstacle, en sont la cause la plus fréquente [ 41 ]. Les coronaires sont fréquemment dilatées, tortueuses, et parfois le siège d'un athérome précoce. En outre, il peut y avoir une sténose ostiale, l'ostium mal perfusé étant, selon les cas, situé anormalement bas dans un sinus, ou recouvert par l'adhérence d'une sigmoïde à la zone fibreuse de la sténose. Dans certaines observations, la sténose supravalvulaire est réduite à une bande ou un éperon fibreux, que l'on peut considérer comme l'amorce d'un diaphragme. Les manifestations ischémiques sont généralement sévères, dans l'enfance ou l'adolescence. Plusieurs cas ont été opérés avec succès.
En l'absence de sténose supravalvulaire, les sténoses ostiales par anomalie d'une sigmoïde ou membrane recouvrante sont exceptionnelles, souvent accompagnées d'une sténose valvulaire, ou d'une insuffisance aortique. La coronaire correspondante est normale, perfusée à contre-courant par l'autre artère coronaire. Le diagnostic peut être méconnu lorsque la sonde de coronarographie repousse une membrane ostiale pour pénétrer dans la coronaire. Selon les cas, l'intervention comporte une résection de la membrane ostiale, une plastie de l'ostium sténosé, une valvuloplastie, ou un remplacement valvulaire [ 20], [68 ].

Ces anomalies sont fréquentes, et de mieux en mieux connues, surtout grâce aux explorations angiographiques préopératoires [ 27 ]. Selon Anderson, les variations de la distribution coronaire dans les cardiopathies congénitales répondent à certaines " règles " qui, toutefois, ne sont pas absolues. En cas de situs solitus, et lorsqu'il y a concordance auriculoventriculaire, la CG se divise habituellement en IVA et Cx, l'IVA marquant la position du sillon interventriculaire antérieur ; la CD et la Cx suivent les sillons auriculoventriculaires, droit et gauche respectivement. Lorsqu'il y a discordance auriculoventriculaire, la CD donne naissance à l'IVA, puis chemine dans le sillon auriculoventriculaire droit, tandis que la CG est réduite à la Cx. La disposition est inversée en cas de situs inversus. Par ailleurs, quelle que soit la position respective de l'aorte et de l'artère pulmonaire, les artères coronaires naissent en général des deux sinus aortiques qui font face à l'artère pulmonaire. En fait, ces " règles " souffrent de nombreuses exceptions. Dans certaines cardiopathies, en particulier les malformations conotruncales, les sillons épicardiques sont peu ou non déplacés, et les anomalies coronaires occasionnelles. Il s'agit surtout d'anomalies de capture du système coronaire épicardique embryonnaire par les bourgeons du truncus arteriosus. Les cardiopathies complexes, par contre, telles que le ventricule unique, comportent un tel bouleversement de l'architecture cardiaque que les anomalies de distribution coronaire ne répondent plus aux mêmes critères. L'étude de la distribution coronaire dans les cardiopathies congénitales, outre son intérêt théorique et embryopathologique, est surtout utile du point de vue chirurgical, car le risque de léser une artère coronaire aberrante - parfois difficile à voir par le chirurgien car elle peut être masquée par des adhérences péricardiques, un bourrelet graisseux, ou un trajet intramyocardique - impose une parfaite connaissance de la topographie coronaire avant certaines interventions, en particulier celles qui intéressent l'infundibulum et les gros vaisseaux. Le diagnostic repose sur l'aortographie et, éventuellement, la coronarographie sélective. Néanmoins, l'échocardiographie Doppler peut fournir, dans certains cas, des renseignements très précis tant sur l'origine que sur le trajet des artères coronaires [ 30], [50 ].

Tétralogie de Fallot
La fréquence des anomalies d'origine et de distribution des artères coronaires varie selon les auteurs et les séries publiées : globalement, elle atteint 4,82 % des cas dans les séries anatomiques, 2,98 % dans les séries chirurgicales, 7,39 % dans les séries angiographiques. Ce taux moyen tend à s'élever dans les publications récentes, grâce à la coronarographie systématique [ 9], [12], [78 ].

- Les artères du ventricule droit, nées de la CD, sont très développées. Souvent l'une d'entre elles, à destination infundibulaire, est longue et très volumineuse, pouvant atteindre ou dépasser le calibre de la CD. On risque de la confondre en incidence antéropostérieure avec une IVA née de la CD. Elle peut atteindre le calibre de l'IVA, et il est préférable d'éviter sa section chirurgicale.
- L'IVA née de la CD constitue l'anomalie de loin la plus fréquente. Cette disposition, associée à l'hypoplasie de l'infundibulum, serait en rapport avec la dextroposition et la rotation de l'aorte dans le sens antihoraire qui amène le sinus coronaire droit plus en avant et à gauche, et le sinus coronaire gauche plus en arrière que normalement. Cette artère croise par en avant l'infundibulum pulmonaire pour rejoindre le sillon interventriculaire antérieur : c'est au cours de ce trajet qu'elle peut être lésée par une ventriculotomie droite lors de la correction complète. La nécessité pour le chirurgien de respecter cette artère impose l'opacification préalable des artères coronaires. La tactique chirurgicale et l'âge choisi pour la correction peuvent s'en trouver modifiés, et une intervention palliative préalable est souvent nécessaire en cas de mauvaise tolérance de la cardiopathie (fig. 1). La correction complète par voie atriale et pulmonaire, respectant le ventricule droit, peut être une solution élégante à ce problème, lorsqu'elle permet une réparation satisfaisante.
- Il peut exister deux IVA, l'une née de la CG, l'autre née de la CD.
- Une artère coronaire unique née de l'ostium droit ou de l'ostium gauche représente 10 à 20 % des anomalies coronaires rencontrées dans la tétralogie de Fallot. Elle peut donner une branche qui croise en avant l'infundibulum pulmonaire.
- Les autres anomalies d'origine ou de trajet sont plus rares : Cx née de la CD, hypoplasie globale du réseau artériel coronaire, IVA aberrante née d'une artère de la gerbe aortique.
Transposition complète des gros vaisseaux
Les variations de naissance ou de distribution sont nombreuses, puisqu'on peut en dénombrer dans la littérature, à travers les séries chirurgicales et anatomiques, 25 types différents. En fait, les deux types principaux représentent les quatre-cinquièmes des cas :
- dans la plupart des cas (65 %), la CD naît du sinus postéro-droite ; la CG naît du sinus gauche et donne naissance à l'IVA et la Cx ;
- dans 20 % des cas, la CD naît du sinus postéro-droite et donne naissance à la Cx qui passe en arrière de l'artère pulmonaire, tandis que l'IVA naît isolément du sinus gauche. Les autres schémas de distribution sont beaucoup plus rares, qu'il y ait deux ostia, un seul ostium, ou deux ostia dans un même sinus.

L'intérêt de ces variations est essentiellement chirurgical, particulièrement lors d'une correction anatomique à l'étage artériel (intervention de Jatène) [ 79 ].
De nombreuses classifications ont été proposées par les équipes chirurgicales. Celle de Yacoub distingue cinq types différents. Ils peuvent en fait se réduire à trois groupes principaux qui guident le chirurgien en fonction du risque d'élongation, de coudure ou de rotation des artères coronaires au cours de leur translation [ 55 ].

Ventricule droit à double issue
L'origine et le trajet des artères coronaires varient en fonction du sens de la boucle ventriculaire, de la position des ventricules et de la position respective des gros vaisseaux : les variations sont donc nombreuses [ 23 ]. Dans les cas de boucle ventriculaire droite avec malposition des gros vaisseaux, la distribution " normale " des artères coronaires est la plus fréquente. Néanmoins, une artère coronaire croise l'infundibulum pulmonaire dans 25 % des cas. Cette anomalie serait plus fréquente en cas de sténose sous-pulmonaire [ 29 ].

Transposition corrigée des gros vaisseaux
L'origine et la distribution des artères coronaires sont inversées : la CD naît du sinus postéro-droit, donne naissance à l'IVA, puis chemine dans le sillon auriculoventriculaire droit ; la CG naît du sinus postérogauche et ne donne qu'une Cx gauche : le sinus antérieur est non coronaire.

Truncus arteriosus
L'origine et la distribution des artères coronaires sont extrêmement variables. L'orifice peut être bi- ou quadricuspide mais il est souvent tricuspide avec un sinus postérieur. La CG naît le plus souvent du sinus postérieur, et la CD du sinus antérodroit ou du sinus antérogauche. Mais il y a de nombreuses variations, on rencontre un seul ostium dans 5 à 13 % des cas, ou bien deux ostia proches l'un de l'autre. Souvent, l'un des ostia se trouve près d'une commissure ou anormalement haut sur le tronc. La CD donne habituellement de grosses branches diagonales qui croisent la face antérieure du ventricule droit.

Coeur univentriculaire
Le coeur univentriculaire de type gauche, avec chambre accessoire antérosupérieure, a été le plus étudié. La plupart du temps, deux artères " délimitantes ", nées respectivement de la CD et de la CG selon des modalités qui dépendent du siège droit ou gauche de la chambre accessoire, circonscrivent celle-ci plus ou moins exactement. De même, dans le coeur univentriculaire de type droit, avec chambre accessoire postéro-inférieure, deux artères délimitantes descendantes analogues à une IVA et une interventriculaire postérieure (IVP) marquent les limites de la chambre accessoire. Dans le coeur univentriculaire sans chambre accessoire, il n'y a généralement pas de disposition coronaire bien systématisée.

Atrésie pulmonaire à septum interventriculaire intact et hypoplasie du coeur gauche
Se reporter au paragraphe " Fistules coronaires - Anatomie pathologique et physiopathologie " (cf. infra).

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La naissance anormale de la CG à partir de l'artère pulmonaire est une anomalie rare mais non exceptionnelle puisqu'elle représente environ 0,5 % des cardiopathies congénitales. Son incidence serait de 1 pour 300 000 à 400 000 naissances. Elle est de loin la plus fréquente des anomalies de naissance des artères coronaires (plus de 90 % de l'ensemble). C'est aussi la plus intéressante en raison des problèmes diagnostiques et thérapeutiques qu'elle pose. Décrite pour la première fois anatomiquement par Brooks [ 8 ] en 1886, l'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire ne devient vraiment une entité anatomoclinique qu'en 1933 avec les travaux de Bland, White et Garland [ 6 ]. Ultérieurement apparaît la distinction entre la forme du nourrisson, grevée d'une lourde mortalité précoce, et les formes à révélation plus tardive, parfois asymptomatiques ou de symptomatologie trompeuse. En 1968, Wesselhoeft [ 76 ] en fait une étude complète à partir de 147 observations de la littérature. De nombreux travaux récents témoignent de l'intérêt que suscite toujours cette anomalie, notamment en ce qui concerne son diagnostic par méthodes non invasives et son traitement chirurgical.

Physiopathologie
La naissance anormale de la CG à partir de l'artère pulmonaire a pour conséquence une baisse de la pression d'alimentation de la CG aboutissant à une insuffisance de perfusion du territoire myocardique sous sa dépendance et à une moindre teneur en oxygène du sang délivré au myocarde ventriculaire gauche, facteurs d'ischémie myocardique. Pendant la vie foetale, l'anomalie n'a pas de conséquences puisque la pression et la teneur en oxygène du sang de l'artère pulmonaire ne sont pas différentes de celles de l'aorte. Celles-ci ne vont apparaître qu'à la suite des modifications cardiocirculatoires de la période néonatale. A la naissance, la chute de la teneur en oxygène du sang de l'artère pulmonaire n'est cependant pas suffisante à elle seule pour provoquer une ischémie myocardique. Les cardiopathies cyanogènes sévères du nouveau-né et du nourrisson n'entraînent d'ailleurs qu'exceptionnellement des accidents ischémiques myocardiques. De plus, la forte proportion d'hémoglobine foetale chez le nouveau-né contribue aussi à la bonne tolérance. L'ischémie myocardique survient lorsque la baisse de pression artérielle pulmonaire (secondaire à celle des résistances artérielles pulmonaires) est suffisante pour obérer la perfusion du territoire de la CG. Au cours de cette période de baisse progressive des résistances artérielles pulmonaires, l'établissement d'un gradient de pression entre les territoires coronaires droit et gauche favorise le développement d'anastomoses intercoronaires qui permettront le passage du sang à contre-courant de la CD vers la CG et l'artère pulmonaire. Le développement de cette circulation collatérale intercoronaire conditionne la survie. En effet, elle permet la perfusion du territoire de la CG à partir de la CD perfusée par l'aorte. Toutefois, les phénomènes de " vol " en direction de l'artère pulmonaire viennent altérer plus ou moins cette perfusion.
Les formes sans circulation collatérale n'autorisent guère une longue survie. Le plus souvent il y a bien une circulation collatérale, mais elle est insuffisante pour éviter l'ischémie myocardique et, après quelques semaines ou quelques mois, se constitue un infarctus myocardique antérieur plus ou moins étendu. L'ischémie sévère et a fortiori la nécrose, avec ou sans dilatation anévrismale, ont pour conséquence une dysfonction myocardique sévère, mais aussi une hypertrophie réactionnelle de la paroi ventriculaire gauche dans les zones non infarcies, qui a l'intérêt de normaliser la tension pariétale mais aggrave en revanche l'ischémie des couches sous-endocardiques dans ces zones. Plus rarement, la circulation collatérale devient rapidement très importante et l'ischémie myocardique n'apparaît pas : la tolérance est alors bonne, parfois jusqu'à l'âge adulte. L'augmentation du nombre et du calibre des artères de suppléance aboutit à un shunt gauche-droite à l'étage artériel. La physiopathologie est alors celle d'une large fistule coronaropulmonaire. Le risque d'ischémie myocardique persiste néanmoins car le territoire irrigué normalement par la CG est partiellement court-circuité par le courant sanguin préférentiel qui s'établit de la CD vers l'artère pulmonaire, ce qui entraîne un " vol coronaire ".

Anatomie pathologique
L'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire est très souvent une malformation isolée.

- L'artère coronaire gauche naît le plus souvent du tronc de l'artère pulmonaire au niveau du sinus postérogauche ; exceptionnellement, elle naît plus en aval, de l'une des deux artères pulmonaires.
- Le tronc coronaire gauche se divise rapidement en ses deux branches, dont le trajet et la distribution sont habituellement normaux. La CD a une origine aortique normale, un trajet et une distribution normaux ; elle est dilatée et tortueuse et cet aspect est d'autant plus marqué que la circulation collatérale est plus développée. Les rameaux anastomotiques entre la CD et la CG ont un aspect angiomateux, en particulier dans les formes du grand enfant et de l'adulte.
- Le ventricule gauche est dilaté et hypertrophié, pesant deux à trois fois plus qu'un ventricule gauche normal. Une fibroélastose endocardique, de degré variable, est toujours présente. Elle s'associe à des infarctus myocardiques circonscrits, des aires de fibrose sous-endocardique parfois calcifiée, des plaques fibreuses cicatricielles et des anévrismes pariétaux. Des thrombi muraux sont la source possible d'embolies artérielles périphériques, ou même d'embolies dans la CD. Les piliers du ventricule gauche, particulièrement le postérieur, sont fréquemment atteints par la fibrose, les cordages tendineux paraissent courts et épais. Cette fibrose peut se compliquer de calcifications et on a même rapporté l'observation d'un adulte dont la valve mitrale était entièrement calcifiée. Ces constatations expliquent la grande fréquence de l'insuffisance mitrale à l'origine de laquelle le dysfonctionnement des piliers, leur nécrose, la fibroélastose de l'appareil valvulaire et sous-valvulaire, la dilatation de l'anneau, participent à des degrés variables.
- L'oreillette gauche est le plus souvent dilatée, sa paroi est épaissie, principalement en cas d'insuffisance mitrale, où l'on peut observer une lésion de jet.


Forme du nourrisson
C'est la forme la plus grave et la plus fréquente : 82 % des cas [ 76 ].

Forme isolée
La forme isolée, sans autre malformation cardiaque, est de loin la plus habituelle.

Signes cliniques

Habituellement, la latence clinique est totale pendant une période de 1 à 4 mois, puis le nourrisson entre dans la maladie par une asystolie aiguë ou subaiguë, à prédominance gauche, en général sévère et rapidement progressive, révélée par son cortège habituel de troubles fonctionnels respiratoires, d'anorexie et de difficultés d'élevage, signes d'appel les plus fréquents. Plus caractéristiques mais plus rares sont les crises évoquant un angor, magistralement décrites par Bland, White et Garland [ 6 ]. Elles seraient cependant retrouvées dans près du tiers des cas lors d'un interrogatoire précis des parents, lorsque le diagnostic a été posé. Elles surviennent à l'occasion d'un repas : le nourrisson s'arrête de boire, pousse des cris stridents, devient pâle et se couvre de sueurs tandis que son faciès hagard et son regard anxieux semblent exprimer la douleur. La crise peut s'accompagner d'une perte de connaissance brève. Elle se termine en général par des éructations, correspondant à un soulagement et à la reprise de l'alimentation. Plus rarement, le mode de début est brutal, gravissime, sous forme d'un véritable choc cardiogénique avec insuffisance cardiocirculatoire aiguë, correspondant à la constitution d'un infarctus myocardique. Exceptionnellement, l'anomalie peut prendre le masque d'une mort subite du nourrisson [ 39 ].
L'examen est généralement pauvre. Les bruits du coeur sont habituellement normaux et la constatation d'un bruit de galop assez rare. Dans un tiers des cas environ, on entend à l'auscultation un souffle systolique 2 à 3/6 d'insuffisance mitrale. Il est exceptionnel d'entendre un souffle continu. Suivant la gravité du tableau clinique, des signes de stase circulatoire sont présents à des degrés divers (oedème pulmonaire et surtout hépatomégalie).
L'évolution fatale par mort subite ou par insuffisance cardiaque est la règle en l'absence de traitement.

Signes radiologiques

Une cardiomégalie est pratiquement constante, souvent très importante, touchant essentiellement le ventricule gauche (fig. 2) : l'index cardiothoracique est le plus souvent compris entre 0,60 et 0,70. L'oreillette gauche est habituellement dilatée, surtout en cas d'insuffisance mitrale. La vascularisation pulmonaire est soit normale, soit augmentée, de type " passif ", avec des signes de congestion veineuse.


Electrocardiogramme (ECG)

Il est d'un appoint majeur au diagnostic en montrant dans 80 % des cas [ 76 ] un aspect caractéristique d'infarctus antérolatéral avec des ondes Q larges et profondes et des ondes T négatives en D1, aVL et dans les dérivations précordiales gauches de V4 (ou V3) à V6 (fig. 3). Dans ces dernières dérivations, les ondes T négatives sont associées à un sus-décalage du segment ST. L'aspect est parfois moins typique : absence d'anomalie dans les dérivations frontales ou à l'inverse onde Q de nécrose seulement en D1 et aVL ou uniquement en aVL, exceptionnellement aspect d'infarctus postérolatéral. Les ondes Q en D1 et aVL sont en général stables dans le temps ; en revanche, les anomalies électriques des dérivations précordiales (ondes Q y compris) s'atténuent et disparaissent presque toujours au bout de quelques années [ 45 ]. La persistance d'un courant de lésion à distance de l'épisode initial doit suggérer, comme chez l'adulte, la constitution d'un anévrisme ventriculaire. A côté des signes de nécrose myocardique, il y a le plus souvent des signes d'hypertrophie ventriculaire gauche et une déviation axiale gauche, inhabituelle à cet âge.

Le vectocardiogramme de nos jours abandonné montre un aspect évocateur dans la majorité des cas, avec un aspect d'infarctus antérolatéral et d'hypertrophie ventriculaire gauche et pourrait permettre de faire la distinction entre une fibroélastose endocardique primitive s'accompagnant de signes d'ischémie coronaire et l'anomalie de naissance de la CG [ 44 ].

Echocardiographie et vélocimétrie Doppler

L'échocardiographie en mode TM montre des signes de myocardiopathie hypokinétique. Le ventricule gauche et l'oreillette gauche sont dilatés, la fraction de raccourcissement et la fraction d'éjection du ventricule gauche sont effondrées. Bien que non spécifiques, les renseignements fournis par le mode TM sont très utiles pour la surveillance de l'évolution avant et après l'intervention. L'échocardiographie bidimensionnelle couplée au Doppler permet désormais de reconnaître l'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire et de se passer dans certains cas de l'angiographie pour confier l'enfant au chirurgien [ 31 ]. Il s'agit néanmoins d'un diagnostic assez difficile nécessitant une technique d'examen rigoureuse et complète. Le diagnostic d'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire repose sur plusieurs critères directs et indirects.

- Visualisation de l'origine pulmonaire anormale de la CG par l'échocardiographie bidimensionnelle, sa seule absence à partir de l'aorte étant insuffisante pour affirmer le diagnostic. A l'inverse, un faux aspect de naissance normale de la CG à partir de l'aorte n'est pas rare en raison d'artefacts (" drop-out ", sinus péricardique transverse...).
- Mise en évidence d'un flux de shunt gauche-droite au niveau de l'artère pulmonaire en regard de l'origine pulmonaire anormale de la CG. C'est l'élément diagnostique principal. Le Doppler couleur, par la représentation spatiale du jet en couleur, facilite le repérage et a supplanté le Doppler pulsé conventionnel [ 31], [62 ] dans cette indication (fig. 4). Le flux de shunt couleur peut être minime lorsque la circulation collatérale est peu développée.
- Dilatation de l'artère coronaire droite (rapport diamètre CD/diamètre aorte > 0.20) [ 36], [62 ].
- Présence d'une circulation collatérale épicardique abondante, le Doppler à codage couleur pouvant montrer une direction générale du flux dans les collatérales septales et antérieures opposée à celle des collatérales épicardiques postérieures.
- Direction anormale du flux dans le tronc coronaire gauche et ses deux branches, ce qui peut permettre en face d'un tableau de myocardiopathie dilatée de reconnaître l'anomalie de naissance de la CG et de la différencier des myocardiopathies dilatées d'autre origine dans lesquelles le flux a une direction normale [ 32 ].


L'échocardiographie bidimensionnelle et le Doppler couleur permettent par ailleurs de préciser l'importance et le mécanisme d'une régurgitation mitrale (dilatation de l'anneau mitral, fibrose ischémique de pilier, élongation et rupture de cordages avec prolapsus) et d'analyser d'éventuels troubles segmentaires de la cinétique ventriculaire gauche. Néanmoins, chez le nourrisson, l'anomalie de naissance de la CG entraîne plutôt une hypokinésie globale diffuse impossible à différencier de celle des myocardiopathies dilatées d'autre origine [ 57 ].
Enfin, l'échocardiographie transoesophagienne ne se justifierait que si l'échocardiographie transthoracique était prise en défaut [ 33 ].

Cathétérisme et angiocardiographie

Lorsque l'anomalie de naissance de la CG est soupçonnée, il faut, dès que la situation clinique est stabilisée par le traitement médical, confirmer le diagnostic par des explorations intracardiaques si l'échocardiographie-Doppler couleur n'est pas parfaitement démonstrative : dans ce but, l'aortographie reste l'examen clé.
Le cathétérisme des cavités droites est peu utile et dangereux et comporte un risque de fibrillation ventriculaire. Il montre des pressions droites élevées en cas d'insuffisance ventriculaire gauche ou d'insuffisance mitrale sévère mais ne décèle que rarement un shunt gazométrique gauche-droite significatif à l'étage artériel pulmonaire. Il est possible dans des cas exceptionnels d'opacifier la CG à partir de l'artère pulmonaire. Le blocage transitoire du flux de l'artère pulmonaire gauche par un ballonnet lors de l'injection, proposé par certains auteurs [ 54 ], permet de mieux opacifier l'artère coronaire gauche anormale mais est loin d'apporter la confirmation du diagnostic dans tous les cas.
Le cathétérisme des cavités gauches est effectué par voie artérielle rétrograde. L'aortographie est l'examen clé et en règle générale il n'est pas nécessaire de recourir à une coronarographie sélective droite. L'aortographie montre l'absence de CG naissant de l'aorte et la dilatation de la coronaire droite en position normale. Cette dernière opacifie à contre-courant la CG puis l'artère pulmonaire par le biais d'anastomoses intercoronaires dont on peut ainsi apprécier le degré de développement. La cinéventriculographie gauche permet d'étudier la fonction ventriculaire gauche, de préciser l'importance d'un anévrisme pariétal et de quantifier une éventuelle régurgitation mitrale.

Isotopes

La scintigraphie myocardique au thallium 201 permet le diagnostic d'infarctus du myocarde. A titre diagnostique, elle est rarement indispensable, sauf en cas d'ECG atypique : c'est alors une technique très sensible mais relativement peu spécifique [ 25 ]. Elle pourrait être utile pour préciser l'extension d'un infarctus, en particulier dans la région postérobasale du coeur, mal explorée par l'ECG. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'à cet âge l'irradiation répétée par le thallium n'est pas anodine, ce qui restreint son utilisation.
Les isotopes ont surtout un intérêt après l'intervention pour confirmer le succès d'une revascularisation [ 16 ], déceler une ischémie myocardique résiduelle au repos ou lorsque l'enfant est plus grand, à l'effort [ 17 ]. Elle pourra être complétée utilement par une étude de la fraction d'éjection ventriculaire gauche au repos et à l'effort par angioscintigraphie cavitaire.

Traitement

Il est essentiellement chirurgical et a pour but de rétablir un système à deux coronaires. Pour autant, le traitement médical ne doit pas être négligé, permettant parfois de passer un cap difficile et d'opérer un nourrisson dans de meilleures conditions.

Traitement médical
Il est uniquement symptomatique et doit être entrepris dans tous les cas sans délai et mené à doses suffisantes sous surveillance stricte en milieu spécialisé. Il fait appel à la digoxine, aux diurétiques et aux vasodilatateurs utilisés dans toute insuffisance cardiaque grave du nourrisson. La digoxine est donnée à dose modérée, sous monitorage de la digoxinémie, en raison du risque de troubles du rythme ventriculaire chez ces patients. Les vasodilatateurs ont en principe un double but : aider le développement de la circulation collatérale et favoriser le travail du ventricule gauche en modifiant ses conditions de charge. On utilise préférentiellement, au moins à la phase aiguë, la trinitrine intraveineuse à la dose de 3 à 6 mg/kg/24 h sous surveillance stricte de la tension artérielle. Le captopril est prescrit à la dose de 1 à 3 mg/kg/24 h : il peut être utile en cas d'insuffisance mitrale importante en réduisant la post-charge ventriculaire gauche.
Le traitement médical est efficace chez plus de la moitié des patients. Toutefois, cette amélioration ne doit pas faire différer inutilement la chirurgie en raison de la persistance du risque de mort subite.

Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical de l'anomalie de naissance de la coronaire gauche à partir de l'artère pulmonaire est actuellement mieux codifié. Il persiste néanmoins quelques controverses sur le moment de la chirurgie et sur les techniques d'opération.
Le traitement chirurgical a pour but de rétablir un système à deux coronaires qui, seul, est vraiment capable d'améliorer voire de rétablir une fonction ventriculaire gauche normale, d'éviter un athérome précoce sur la coronaire droite et de réduire sinon de supprimer totalement le risque de mort subite [ 2], [24], [28 ]. Cette chirurgie s'est heurtée pendant longtemps à des problèmes techniques difficiles en raison du petit calibre des vaisseaux coronaires auxquels elle s'attaque mais l'essor considérable de la correction anatomique de la transposition complète des gros vaisseaux en période néonatale a permis aux équipes chirurgicales qui la pratiquent d'acquérir une bonne expérience de la réimplantation des artères coronaires chez le nouveau-né et le petit nourrisson.
Nous ne ferons que citer pour mémoire la ligature de la CG qui a eu quelques bons résultats à son actif mais ne soustrait pas l'enfant au risque de mort subite [ 1], [2], [28 ] et laisse persister une ischémie myocardique ou une altération de la fonction ventriculaire gauche au repos ou à l'effort [ 34 ].
La réimplantation de la CG dans l'aorte est le procédé de choix pour rétablir un système à deux coronaires. La CG est réimplantée le plus souvent directement dans l'aorte en prélevant une large collerette de la paroi adjacente de l'artère pulmonaire. Lorsque le tronc coronaire gauche est trop court et trop grêle pour se prêter à une anastomose directe dans l'aorte, la réimplantation peut être effectuée par l'intermédiaire d'une portion d'artère sous-clavière moins sujette aux thromboses que les greffons veineux.
L'anastomose artère sous-clavière gauche CG rétablit également un système à deux coronaires et ne nécessite pas l'utilisation d'une circulation extracorporelle. L'anastomose est, de plus, susceptible, comme l'anastomose directe CG-aorte, de grandir avec la croissance. Il s'agit d'un procédé presque toujours applicable au petit nourrisson et qui donne de bons résultats [ 35 ] mais on a cependant décrit des sténoses ou des plicatures de l'anastomose [ 2 ]. Un procédé voisin, réalisé sous circulation corporelle sans clampage aortique, consiste à anastomoser l'artère sous-clavière droite à la CG anormale en prolongeant cette dernière à l'aide d'un lambeau d'artère pulmonaire [ 73 ].
La dérivation ou tunnellisation intrapulmonaire vise à diriger une partie du sang de l'aorte vers l'ostium coronaire gauche pulmonaire anormal en créant une fistule aortopulmonaire connectée à un conduit intrapulmonaire utilisant soit un lambeau de la paroi de l'artère pulmonaire elle-même [ 69 ], soit une portion d'artère sous-clavière [ 1 ]. Cette technique est réalisable même en cas de naissance de la CG à partir de la face antérolatérale de l'artère pulmonaire mais l'évolution à long terme de ces tunnellisations n'est pas connue. Lorsque la CG naît de la partie très antérieure de l'artère pulmonaire à distance de l'aorte, on peut réaliser une anastomose passant devant l'artère pulmonaire constituée, en avant, par un large lambeau d'artère pulmonaire solidaire de l'extrémité de la CG désinsérée et en arrière, par un lambeau de paroi aortique [ 65 ].

Indications thérapeutiques. Pronostic

Les indications thérapeutiques font encore l'objet de controverses tenant lieu probablement aux faibles populations des séries étudiées et leur caractère souvent inhomogène, mais un assez large consensus semble se dessiner en faveur d'une opération précoce une fois le diagnostic établi et l'état de l'enfant amélioré par le traitement médical [ 1], [2], [24], [28 ]. L'idée classique d'attendre l'âge d'un an paraît tomber en désuétude car le risque opératoire, autrefois prohibitif avant cet âge, est devenu inférieur au risque de mortalité sous traitement médical, que ce soit par insuffisance cardiaque progressive ou par mort subite [ 24 ]. De plus, l'intervention précoce semble réduire la nécessité de gestes associés tels qu'une plastie ou un remplacement valvulaire mitral ou encore une résection d'une plaque akinétique ou d'un anévrisme ventriculaire gauche. Pour la majorité des auteurs, il n'y a d'ailleurs pas d'indication à corriger la fuite mitrale lors du traitement de l'anomalie de la CG, la régression de celle-ci ou même sa disparition intervenant le plus souvent après la réimplantation de la CG [ 2], [75 ]. Ce n'est que la persistance d'une insuffisance mitrale massive en rapport avec une fibrose majeure des piliers ou de l'appareil sous-valvulaire mitral qui imposera secondairement un geste chirurgical sur la valve mitrale. La résection d'une zone anévrismale du ventricule gauche ne se justifie que dans les rares cas de très volumineux anévrismes du ventricule gauche.
La mortalité opératoire a nettement baissé au cours de ces dernières années. Les différentes études la situent entre 0 et 25 %. L'âge n'est plus considéré comme un facteur de risque opératoire indépendant. L'importance de l'insuffisance mitrale et la gravité de l'insuffisance cardiaque congestive en préopératoire n'aggravent pas le pronostic. En revanche, le dysfonctionnement ventriculaire gauche avec fraction d'éjection effondrée reste un facteur de mauvais pronostic et peut faire exceptionnellement discuter une transplantation cardiaque [ 2], [75 ].
A long terme, la perméabilité des anastomoses CG-aorte et sous-clavière G-CG est excellente [ 35], [75 ]. La récupération d'une bonne fonction ventriculaire gauche est fréquente si la chirurgie est réalisée précocement. L'insuffisance mitrale régresse progressivement dans 80 % des cas.

Formes associées à une autre cardiopathie congénitale
C'est une éventualité rare. Les principales associations décrites sont [ 43], [48], [74], [77 ] : la persistance du canal artériel, la fistule aortopulmonaire, la communication interventriculaire, la coarctation de l'aorte, la tétralogie de Fallot, le truncus arteriosus. L'association à une large communication interventriculaire est particulièrement démonstrative de l'influence de la cardiopathie associée sur la physiopathologie de l'anomalie de naissance de la CG et du risque de sa méconnaissance : tant que le shunt gauche-droite entraîne une hypertension artérielle pulmonaire, la CG est bien perfusée et, de plus, le sang issu de l'artère pulmonaire est bien saturé. L'ischémie n'apparaît qu'à la suite de la réduction de la taille de la communication interventriculaire ou de sa fermeture chirurgicale [ 77 ]. L'identification précoce de l'anomalie de la CG devrait permettre d'éviter l'ischémie et la constitution d'un infarctus en opérant systématiquement à la fois la communication interventriculaire et l'anomalie coronaire mais son diagnostic reste difficile, même par l'angiocardiographie, du fait du shunt gauche-droite par la communication interventriculaire. Une autre association, beaucoup plus rare, a au contraire des conséquences très rapidement dramatiques sur le ventricule gauche : c'est le cas où il existe une sténose valvulaire pulmonaire serrée ou une tétralogie de Fallot. Enfin, l'association avec une coarctation de l'aorte mérite d'être signalée d'une part parce que la coarctation de l'aorte peut masquer l'anomalie de naissance de la CG en provoquant elle-même une insuffisance ventriculaire gauche et, d'autre part, parce que dans cette association l'origine de la CG est souvent située près de la bifurcation pulmonaire voire au niveau de l'artère pulmonaire droite [ 43 ].

Forme du grand enfant et de l'adulte
Lorsque la circulation collatérale se développe rapidement et intensément, il n'y a pas d'ischémie coronaire pendant la première enfance. L'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire est découverte alors dans la seconde enfance ou à l'âge adulte, parfois très tardivement [ 56 ] sous des aspects cliniques très variés et parfois trompeurs [ 10], [76 ].

Circonstances de découverte
Elles sont les suivantes :

- découverte systématique, ou lors d'un examen motivé pour des signes fonctionnels banals, d'un souffle continu ou d'un double souffle mésocardiaque, de faible intensité, plus rarement d'un souffle uniquement systolique ;
- insuffisance mitrale parfois connue de plus ou moins longue date susceptible de se compliquer d'une insuffisance cardiaque et d'arythmie complète par fibrillation auriculaire ;
- angor d'effort plus ou moins typique : dans ce cas, l'épreuve d'effort et la coronarographie sont généralement indiquées et permettent d'aboutir au diagnostic de la malformation ;
- infarctus du myocarde ;
- syncopes au repos ou à l'effort ;
- tachycardie ventriculaire récidivante [ 47 ] ;
- mort subite, et c'est alors l'autopsie qui donne le diagnostic.


Diagnostic
Le cliché thoracique n'apporte guère de renseignements. L'ECG peut être normal ou montrer un aspect de nécrose antérieure ou latérale haute, des signes d'ischémie myocardique. Des ondes Q profondes en D1 et/ou aVL, égales ou supérieures à 0,5 millivolt doivent retenir l'attention, de même qu'un aspect d'hémibloc antérieur gauche insolite chez le grand enfant ou l'adulte jeune. L'échocardiographie bidimensionnelle couplée au Doppler à codage couleur permet le diagnostic d'anomalie de naissance de la CG à condition d'y avoir pensé et de la rechercher soigneusement. Les signes échocardiographiques sont les mêmes que ceux décrits à propos de la forme précoce. L'épreuve d'effort a un grand intérêt lorsqu'elle dévoile des signes d'ischémie myocardique sous forme d'un sous-décalage du segment ST mais elle est rarement demandée de première intention, sauf en cas d'angor, de même que la scintigraphie myocardique au thallium 201 au repos et à l'effort qui a l'intérêt de préciser la topographie et l'étendue de l'ischémie myocardique. L'IRM peut clairement démontrer à cet âge l'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire [ 14 ] et pourrait jouer un rôle diagnostique important dans l'avenir.
Le cathétérisme des cavités droites montre des pressions droites normales ou légèrement augmentées. Le shunt gazométrique gauche-droite à l'étage artériel pulmonaire est rarement significatif. Comme dans la forme précoce, le diagnostic est confirmé par l'aortographie et surtout la coronarographie droite sélective qui montre le réseau angiomateux des collatérales injectant à contre-courant la CG et l'artère pulmonaire (fig. 5).


Pronostic et traitement
La bonne tolérance fonctionnelle habituelle de la malformation ne doit pas faire perdre de vue son pronostic sévère puisque, dans près de la moitié des 28 premiers cas rapportés dans la littérature, il y a eu mort subite. Ce risque justifie la cure chirurgicale systématique de la malformation dès qu'elle est découverte. A cet âge, la réimplantation directe ou indirecte de la CG dans l'aorte sous circulation extracorporelle [ 2], [10], [56 ] est l'intervention de choix qui permet de rétablir un système à deux coronaires mais on peut aussi facilement réaliser un pontage mammaire interne gauche sur le tronc coronaire gauche ou l'une de ses branches [ 2 ]. L'insuffisance mitrale sera corrigée éventuellement lors de la même intervention (plastie ou remplacement valvulaire prothétique). La mortalité paraît faible et les résultats de cette chirurgie semblent excellents [ 10], [28 ]. Les isotopes (tomoscintigraphie au thallium 201 et scintigraphie cavitaire, au repos et à l'effort) permettent d'apprécier la réduction ou la disparition de l'ischémie myocardique et l'amélioration de la fraction d'éjection ou d'une dyskinésie pariétale [ 72 ].


Artère interventriculaire antérieure - artère circonflexe gauche
La naissance anormale de l'IVA ou de la Cx à partir de l'artère pulmonaire constitue une variante exceptionnelle de l'anomalie de naissance de la CG à partir de l'artère pulmonaire [ 15], [51], [59 ], mais il est probable que nombre d'entre elles sont méconnues en raison de leur bonne tolérance ou du caractère atypique de leur symptomatologie. La physiopathologie n'est pas différente de celle de l'anomalie de naissance du tronc coronaire gauche à partir de l'artère pulmonaire mais la limitation du territoire myocardique intéressé et la double source aortique de collatéralité expliquent la rareté d'une intolérance précoce avec infarctus chez le nourrisson [ 51 ]. L'anomalie est découverte le plus souvent chez le grand enfant ou l'adulte, fréquemment par un angor plus ou moins typique [ 59 ], ailleurs lors du bilan d'un souffle d'allure organique, ou encore lors de la réparation d'une cardiopathie à laquelle cette anomalie est éventuellement associée. L'ECG est rarement normal et montre des troubles de la repolarisation ou une image de nécrose antéroseptale ou apicale mais l'épreuve d'effort peut être nécessaire pour démasquer l'ischémie myocardique [ 51 ]. Celle-ci peut être confirmée par l'étude isotopique au repos ou à l'effort. Le diagnostic repose sur l'écho Doppler couleur mais surtout la coronarographie sélective.
Le pronostic rejoint celui de la naissance anormale de la CG à partir de l'artère pulmonaire dans sa forme du grand enfant et de l'adulte avec le même risque d'accident coronarien aigu et de mort subite. Ce risque justifie la réimplantation de l'IVA ou de la CG ou le pontage, les techniques n'étant pas très différentes de celles utilisées pour le tronc coronaire gauche.

Coronaire droite
La naissance anormale de la CD à partir de l'artère pulmonaire est une anomalie rare dont l'incidence, néanmoins, est probablement sous-estimée en raison de l'absence fréquente de toute traduction clinique, électrique ou radiologique et de sa bonne tolérance. Il n'est pas rare qu'elle soit une découverte fortuite d'autopsie, parfois chez des sujets très âgés, ou encore qu'elle soit diagnostiquée lors d'un cathétérisme motivé par une autre malformation, voire d'une intervention sur celleci [ 42 ]. Cependant, des cas de mort subite ou d'infarctus du myocarde chez des sujets âgés ont été décrits [ 42], [66 ]. Rarement, c'est un souffle continu qui est à l'origine de sa découverte. Tout à fait exceptionnellement, l'anomalie a pu être responsable d'une insuffisance cardiaque congestive précoce dans les premiers mois de vie [ 70 ]. Elle peut être diagnostiquée par l'écho-Doppler couleur [ 66 ]. Les faibles besoins nutritionnels du ventricule droit expliquent vraisemblablement l'absence de retentissement et la bonne tolérance de cette anomalie qui peut cependant être symptomatique, en particulier en cas de distribution coronaire droite dominante. Il semble donc logique de la traiter lorsqu'on la rencontre au cours d'une intervention pour une cardiopathie qui lui est associée ou de la corriger à titre prophylactique chez des patients atteints d'un athérome de la CG, ou encore d'une hypertension artérielle, pour éviter les inconvénients d'un système à une seule coronaire sur ce terrain.

Coronaires droite et gauche - coronaire unique
La naissance anormale des deux artères coronaires ou d'une coronaire unique à partir de l'artère pulmonaire est exceptionnelle [ 74 ] et incompatible généralement avec une survie de plus de deux semaines, qu'elle soit isolée ou associée à des malformations cardiaques complexes.

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On désigne sous ce terme les communications anormales entre les artères coronaires, nées de l'aorte, et les cavités cardiaques ou les vaisseaux voisins. Seules les fistules congénitales seront traitées ici, ce qui élimine de notre étude les fistules acquises, traumatiques ou post-chirurgicales, ou encore consécutives à une pneumopathie chronique.
On distingue essentiellement : les fistules coronarocavitaires (ou coronarocamérales) et les fistules coronaropulmonaires. Les autres variétés sont beaucoup plus rares [ 11 ].
Ces malformations représenteraient 0,25 à 0,40 % des cardiopathies congénitales mais la multiplication des coronarographies les montre plus fréquentes qu'il n'était classique de la dire. Elles touchent également les deux sexes. La première observation est attribuée à Krause, en 1865. Le nombre des cas publiés dépasse actuellement 700. Les progrès de ces dernières années portent sur les méthodes de diagnostic non invasives, et sur le traitement, avec l'avènement des techniques d'embolisation par cathétérisme.

Les fistules entre artères coronaires et cavités cardiaques sont probablement dues à la persistance de sinusoïdes embryonnaires, ou au développement anormal de vaisseaux artériocavitaires. Les fistules coronaropulmonaires centrales peuvent s'expliquer par l'existence d'artères coronaires accessoires développées à partir de bourgeons surnuméraires sur le tronc pulmonaire, puis anastomosées avec les artères coronaires normales issues de l'aorte.


- L'artère coronaire concernée est plus souvent la CD (environ 60 % des cas) que la CG. La fistule concerne les deux artères coronaires dans 5 % environ des fistules coronarocavitaires, 20 % environ des fistules coronaropulmonaires. La communication anormale siège le plus souvent sur une branche collatérale, sinueuse, dilatée, angiomateuse, voire anévrismale. Les dilatations s'accroissent avec le temps. Les parois de l'artère fistulisée sont épaissies, parfois calcifiées, athéromateuses ; les dilatations anévrismales peuvent contenir des caillots.
- La fistule elle-même se fait à plein canal par un orifice unique, ou par des multiples pertuis, ou par l'intermédiaire d'une poche anévrismale ; elle peut être terminale ou latérale.
- Cavités réceptrices : il s'agit le plus souvent des cavités droites : ventricule droit, 42 % des cas ; oreillette droite, 22 % ; artère pulmonaire, 18 % ; sinus coronaire, 10 % ; veine cave supérieure, 1 à 2 %. A gauche, le ventricule est intéressé dans 5 % des cas environ, l'oreillette dans 3 à 4 %, les veines pulmonaires, exceptionnellement.
- Associations malformatives : on a décrit des fistules coronaires au cours de la plupart des cardiopathies congénitales : canal artériel, communication interauriculaire, transposition complète des gros vaisseaux, tétralogie de Fallot, atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire, insuffisance mitrale, atrésie d'une coronaire proximale en amont de la fistule, artère coronaire unique...

Dans les atrésies pulmonaires à septum ventriculaire intact et, plus rarement, dans les atrésies aortiques, il peut exister des fistules entre le ventricule droit, ou le ventricule gauche, et les artères coronaires : ce sont en réalité de larges sinusoïdes coronaires embryonnaires qui font communiquer la cavité borgne hypoplasique avec le système artériel coronaire définitif [ 3 ].

La fistule coronaire est responsable d'un shunt, dont les conséquences s'exercent de part et d'autre sur les cavités réceptrices, et sur le système artériel coronaire. L'importance du shunt varie beaucoup en fonction de la taille de la fistule, de sa morphologie, de son trajet épicardique ou intramyocardique, du gradient de pression entre la circulation systémique et la cavité réceptrice, en systole et en diastole. Les fistules courtes et directes ont en général un shunt important, les fistules longues et contournées, un shunt minime.
Au niveau du coeur droit, le shunt gauche-droite peut entraîner une surcharge plus ou moins importante, mais l'hypertension artérielle pulmonaire semble rare. Au niveau du ventricule gauche, la fuite est diastolique. Dans l'un et l'autre cas, une ischémie myocardique peut apparaître par un phénomène de " vol " coronaire. Il faut y ajouter le risque d'athérome précoce, de dilatation anévrismale progressive, et de greffe bactérienne.
Dans les cas d'atrésie aortique ou pulmonaire, les sinusoïdes embryonnaires qui font communiquer la cavité ventriculaire borgne avec les artères coronaires ont pour effet de décharger le ventricule, à la faveur d'un shunt ventricule-artère coronaire. Parfois le shunt est bidirectionnel. Après ouverture chirurgicale de la voie d'éjection ventriculaire droite dans les cas d'atrésie pulmonaire à septum ventriculaire intact, une ischémie myocardique parfois massive peut compromettre le résultat du traitement chirurgical, par un phénomène de vol coronaire, ou bien en raison d'une circulation coronaire dépendante des hautes pressions ventriculaires droites, avec des sténoses sévères ou des interruptions des artères coronaires. Certaines de ces fistules peuvent également évoluer vers la fermeture spontanée.

L'âge de découverte est variable mais plus de la moitié des fistules se révèle avant 20 ans.
La majorité des patients est asymptomatique, surtout dans l'enfance et l'adolescence, et c'est la constatation fortuite d'un souffle cardiaque qui révèle l'anomalie. Une dyspnée d'effort existe dans 30 à 40 % des cas, l'angor ne se voit qu'après l'âge de 15 ans, il est plus fréquent dans les fistules coronaroventriculaires gauches ; l'insuffisance cardiaque est exceptionnelle mais possible chez le nourrisson ; une endocardite, un infarctus du myocarde sont rarement révélateurs.
Le souffle est systolodiastolique dans la majorité des cas ; il siège dans la région mésocardiaque, le long des bords du sternum, et s'accompagne parfois d'un thrill. Son siège et son temps varient selon le type de la fistule : parfois il est seulement systolique, ou beaucoup plus rarement diastolique. L'ECG est normal dans 40 à 60 % des cas. Parfois, il montre des signes d'hypertrophie biventriculaire si le shunt est important, ou d'hypertrophie auriculaire en cas de fistule dans une oreillette. La radiographie thoracique montre un coeur de volume normal ou, dans les cas de shunt important, une cardiomégalie plus ou moins marquée, avec une dilatation de l'aorte ascendante, et une hypervascularisation pulmonaire.
Le diagnostic repose essentiellement sur l'échocardiographie et sur les explorations intracardiaques.

Grâce à l'imagerie bidimensionnelle, au Doppler pulsé, et surtout au Doppler à codage couleur, elle permet actuellement un diagnostic précis dans bon nombre de cas [ 71 ]. Les signes indirects sont, en mode TM et bidimensionnel, la mise en évidence d'une dilatation aortique, d'une surcharge volumétrique de la cavité réceptrice et des cavités situées en aval, rarement des signes d'hypertension artérielle pulmonaire. L'échographie bidimensionnelle et l'étude du flux-Doppler pulsé montrent l'artère coronaire dilatée, voire anévrismale ; la fistule est directement visible parfois, et confirmée par la découverte d'un flux anormal, turbulent, le plus souvent continu, allant de la coronaire vers la cavité réceptrice, facilement mis en évidence par le Doppler couleur (fig. 6). Parfois, on met en évidence un flux diastolique rétrograde dans l'aorte ascendante. L'échocardiographie transoesophagienne peut fournir, au moins dans certains cas, des renseignements supérieurs à l'échocardiographie transthoracique [ 49 ]. La localisation précise de la malformation guide et facilite les explorations intracardiaques.


Le cathétérisme droit peut mettre en évidence un shunt gauche-droite dont il précise le niveau. Les pressions sont généralement normales. Le cathétérisme gauche permet une aortographie, et surtout une coronarographie sélective, sous plusieurs incidences, qui précise au mieux les caractéristiques de la fistule (fig. 7).


Elle peut dépister une éventuelle ischémie myocardique.

L'angioscintigraphie des cavités cardiaques au 99mTc permet d'étudier le rapport des débits pulmonaire et systémique en cas de shunt important et la fonction ventriculaire droite et gauche, au repos et à l'effort.

La scintigraphie myocardique au thallium 201 peut objectiver dans certains cas un vol coronaire en particulier à l'effort. Ces examens sont surtout utiles pour dépister des complications et préciser une indication opératoire [ 18 ].

Quelques observations de fistules coronaires bien mises en évidence par IRM ont été décrites [ 7 ].

Les fistules coronaires restent, dans la majorité des cas, longtemps bien tolérées. Des complications sont toutefois possibles : insuffisance cardiaque en cas de fistule large chez le nourrisson, endocardite bactérienne, ischémie myocardique. Les artères coronaires fistulisées tendent souvent à se dilater, elles sont le siège d'un athérome précoce, et peuvent se rompre ou se thromboser. Toutes ces complications augmentent en fréquence avec l'âge, surtout après 20 ans. Quelques cas de fermeture spontanée ont été signalés, chez l'enfant ; ou plus tard, chez l'adulte, par dépôts athéromateux.


Fistules coronaropulmonaires
Les fistules proximales, ou centrales, avec le tronc pulmonaire, sont les plus fréquentes. Elles sont bilatérales dans 20 à 25 % des cas souvent par des plexus angiomateux. Elles se caractérisent par un shunt généralement faible, des signes d'auscultation souvent discrets et inconstants, une très bonne tolérance. L'endocardite ne se voit jamais. Des manifestations de vol coronaire sont possibles mais rares.
Les fistules périphériques accompagnent des cardiopathies avec obstacle sur la voie pulmonaire, et se développent probablement, comme voie de suppléance, à partir d'anastomoses préexistantes et non fonctionnelles. On peut en rapprocher les fistules coronarobronchiques découvertes lors de coronarographies systématiques dans des cardiopathies congénitales avec sténose pulmonaire.
Les fistules entre les artères coronaires et les grosses branches de division de l'artère pulmonaire sont très rares. On peut encore citer l'exceptionnelle " séquestration pulmonaire vasculaire pure " à partir d'une artère coronaire qui vascularise à elle seule un segment pulmonaire. La frontière entre malformation congénitale et anomalie acquise - du fait de remaniements inflammatoires par pneumopathie chronique par exemple - est souvent imprécise dans ces cas [ 52 ].

Fistules coronaroventriculaires gauches
On en compte actuellement plus de 80 cas publiés. Il en existe deux types principaux : des fistules uniques, qui réalisent fréquemment un tableau d'insuffisance aortique chez un sujet jeune, avec retentissement ventriculaire gauche ; des fistules multiples ou microfistules qui se manifestent chez un sujet plus âgé par des signes d'insuffisance coronaire : une fois sur deux il n'y a pas de souffle. Certains angors à " coronaires normales " pourraient s'expliquer par des microfistules passées inaperçues à la coronarographie. On a pu rapprocher des fistules coronaroventriculaires gauches l'anomalie décrite sous le nom de " tunnel aortoventriculaire gauche " ; on sait actuellement qu'il ne s'agit pas d'une fistule entre un ostium coronaire accessoire et le ventricule gauche, mais d'une malformation d'une autre nature embryologique.
Quelques cas de fistules coronaroventriculaires gauches concernant à la fois la CD et la CG, ou même les trois coronaires principales, ont été décrits.

Une bonne analyse clinique des caractères du souffle, continu le plus souvent, permet, en principe, d'éliminer un canal artériel, une fistule aortopulmonaire, la rupture d'un anévrisme congénital d'un sinus de Valsalva, un syndrome de Laubry-Pezzi. En fait, c'est l'échocardiogramme bidimensionnel et le Doppler qui permettent le diagnostic, avant confirmation de l'aortographie et de la coronarographie sélective.

Au traitement chirurgical classique est venue s'ajouter, depuis quelques années, l'embolisation par cathétérisme interventionnel.

Techniques chirurgicales
Le chirurgien a le choix, en fonction du type de la fistule, entre plusieurs techniques : ligature simple d'une fistule unique et terminale ; artériorraphie latérale de Cooley, ou fermeture par artériotomie coronaire longitudinale ou par voie endocavitaire des fistules multiples ou angiomateuses ; résection ou anévrismorraphie des poches anévrismales. Il faut éviter à la fois de lier des rameaux à destinée myocardique, et de négliger l'obturation d'une partie de la fistule, ce qui expose aux récidives. La mortalité est voisine de zéro dans les séries les plus récentes, et le résultat est bon dans la plupart des cas.

Embolisation par cathétérisme interventionnel
Plusieurs équipes ont pu emboliser avec succès des fistules coronaires [ 37], [53 ]. Différents matériaux ont été utilisés : spires métalliques ou microspires, ballons largables, double ombrelle Clamshell (Bard). Toutes les fistules ne se prêtent pas à ce mode de fermeture, et parfois plusieurs matériaux doivent être associés lors de la même procédure. Il n'y a pas eu de complications sérieuses.

Indications
La bonne tolérance habituelle des fistules coronaires, la possibilité de fermeture spontanée, incitent souvent à l'abstention. En faveur de l'indication thérapeutique jouent la bonne qualité des résultats, la rareté des complications, face à une morbidité croissante après l'âge de 20 ou 30 ans. En pratique la plupart des petites fistules, surtout à pertuis multiples, sont à respecter. En revanche, l'intervention est justifiée dans les grosses fistules, à partir de volumineuses artères coronaires, l'âge optimal se situant entre 5 et 35 ans, le plus souvent pendant l'adolescence. Le choix de la chirurgie ou du cathétérisme interventionnel dépend du type de la fistule et de l'expérience des équipes.

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A l'état isolé, en l'absence de fistule coronaire, les anévrismes congénitaux des artères coronaires semblent exceptionnels [ 38 ]. Encore l'origine congénitale est-elle difficile à affirmer en l'absence habituelle d'argument clinique ou histologique qui permette d'éliminer une cause telle qu'une maladie de Kawasaki passée inaperçue, une hérédodystrophie du tissu conjonctivo-élastique, une fistule ayant évolué spontanément vers la fermeture, avec ectasie de l'artère afférente.

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