Microcirculation coronaire
P Garot
JL Dubois-Randé
Résumé. – La microcirculation coronaire est dotée d’une capacité d’adaptation à l’augmentation des
besoins métaboliques du myocarde appelée autorégulation métabolique qui permet de mettre en phase les
besoins du myocarde (consommation en oxygène) et les apports sanguins (augmentation régionale de débit).
L’intégrité morphologique et fonctionnelle de la microcirculation coronaire est compromise dans de nombreux
domaines de la pathologie cardiovasculaire. Elle peut alors être à l’origine de la pathologie ou en compliquer
l’évolution. L’exploration morphologique et fonctionnelle de la microcirculation coronaire fait souvent appel
aux méthodes d’imagerie myocardique qui ont largement fait progresser les connaissances dans ce domaine.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : microcirculation, coronaire, réserve coronaire, reperfusion, infarctus du myocarde.
Physiologie de la circulation
coronaire
La circulation coronaire doit répondre à la demande métabolique
du myocarde en apportant l’oxygène et les métabolites nécessaires à
son fonctionnement. Elle constitue une entité singulière dotée d’un
système d’autorégulation précis et rapide permettant une adaptation
immédiate aux circonstances de demande métabolique accrue. La
circulation coronaire se distingue des autres circulations locales par
deux caractéristiques essentielles : le métabolisme myocardique est
presque exclusivement aérobie et l’extraction d’oxygène par le
myocarde est quasi maximale à l’état basal. La microcirculation
coronaire constituée par les artérioles et capillaires coronaires,
également appelées « artères de résistance », est le siège de
l’autorégulation métabolique qui garantit cet équilibre.
Régulation métabolique
du débit coronaire
La régulation métabolique est à la base de l’adéquation des besoins
aux apports en oxygène du myocarde [3]. La consommation en
oxygène du myocarde (MvO2) est déterminée par le produit du
débit coronaire et de la différence artérioveineuse du contenu en
oxygène qui est quasi maximale dès l’état basal. Il en résulte que
toute demande accrue ne peut être assurée que par une
augmentation immédiate du débit coronaire par une « adaptation
métabolique » du tonus artériolaire, de façon à assurer l’adéquation
entre les besoins et la demande en oxygène du myocarde et ne pas
générer une situation d’ischémie.
CONCEPT DE RÉSERVE CORONAIRE
La réserve coronaire (RC) traduit la capacité maximale du débit
coronaire à s’élever au-dessus de sa valeur basale à travail
myocardique, MvO2 et pression de perfusion coronaire constants [4].
Elle représente le rapport du débit coronaire maximal (après
injection d’un vasodilatateur artériolaire) sur le débit coronaire basal.
Ce concept repose sur le phénomène d’autorégulation. La baisse de
la RC traduit un déséquilibre du rapport demande/apport en
oxygène du myocarde, qui peut être liée à une augmentation du
débit coronaire basal ou à une diminution du débit coronaire
maximal.
Techniques d’exploration
de la microcirculation coronaire
Aucune méthode ne permet d’étudier directement la
microcirculation coronaire chez l’homme. Schématiquement, les
méthodes d’exploration de la microcirculation sont fondées sur :
– la mesure invasive d’indices de vitesse ou pressions
intracoronaires à partir de laquelle est calculée la réserve coronaire ;
– l’imagerie de perfusion, qui permet l’étude de la circulation
myocardique régionale.
MÉTHODES INVASIVES
Le « guide doppler » placé dans la lumière coronaire permet la
mesure de la vitesse de circulation des hématies. L’injection
intracoronaire de vasodilatateurs artériolaires majore le débit
sanguin, sans modifier la MvO2 et la pression de perfusion
coronaire. Le rapport des débits (maximal/état basal) définit la
réserve coronaire. La mesure des pressions intracoronaires requiert
l’emploi d’un guide spécifique muni d’un capteur de pression
distale. Cet outil permet la mesure de la réserve coronaire
fractionnée qui a l’avantage sur la technique précédente d’être moins
sujette aux variations de conditions hémodynamiques locales et aux
turbulences poststénotiques [6].
IMAGERIE DE PERFUSION MYOCARDIQUE
Plusieurs techniques ont été développées. L’échocardiographie et
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les plus
prometteuses.
Philippe Garot : Chef de clinique-assistant.
Jean-Luc Dubois-Randé : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Fédération de cardiologie, hôpital Henri Mondor, 51 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny,
94010 Créteil cedex, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-029-A-10
11-029-A-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Garot P et Dubois-Randé JL. Microcirculation coronaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-029-A-10,
2002, 2 p.
¦ Imagerie ultrasonore
Le principe de l’échocardiographie de contraste myocardique (ECM)
repose sur l’injection intravasculaire d’un agent de contraste
rehaussant le signal ultrasonore dans les tissus normalement
perfusés. Ces agents de contraste sont constitués de microbulles qui
entrent en résonance au contact du faisceau ultrasonore et amplifient
alors considérablement la réflexion des ultrasons. Les anomalies de
perfusion myocardique sont ainsi visualisées sous la forme d’un
défaut de contraste, c’est-à-dire d’un moindre rehaussement
pariétal [5]. L’ECM évalue également la répartition transmurale du
débit coronaire, ce qui lui confère l’aptitude à visualiser les nécroses
sous-endocardiques.
¦ Imagerie par résonance magnétique
L’IRM a la possibilité de suivre la progression du produit de
contraste (gadolinium-diethylene triamine pentaacetic acid [DTPA])
dans l’épaisseur de la paroi myocardique avec une excellente
résolution temporelle. La perfusion régionale est ainsi objectivée et
quantifiée de manière non invasive. En postinfarctus [7], les zones
non perfusées suite à l’obstruction microvasculaire, sont détectées
précocement après administration de gadolinium (1 minute) alors
que la zone nécrosée apparaît rehaussée bien après le premier
passage (environ 10 minutes après l’injection). La rapidité
d’exécution des séquences d’acquisition récentes (séquences pulsées,
échoplanar) ainsi que son potentiel d’étude de la contraction
myocardique (tagging) et de la perméabilité coronaire (angio-IRM)
la placent au rang des techniques d’avenir.
Microcirculation coronaire
et pathologie cardiovasculaire
L’intégrité de la microcirculation est compromise dans la plupart
des cardiopathies (ischémiques, hypertrophiques, restrictives...). Les
anomalies de la microcirculation précèdent en général l’apparition
des signes avérés de cardiopathie. Ainsi, les patients diabétiques,
hypertendus, fumeurs ou ayant une dyslipidémie, ont
d’authentiques perturbations de la microcirculation coronaire se
traduisant par une altération précoce et marquée de la réserve
coronaire. La correction ou l’éradication précoce de ces facteurs
permet, dans bien des cas, de corriger ces anomalies et d’éviter le
développement des cardiopathies.
CAS PARTICULIER DE L’INFARCTUS DU MYOCARDE
Des anomalies intrinsèques de la microcirculation sont souvent
présentes dans les cardiopathies ischémiques, en particulier lors
du phénomène de reperfusion myocardique. Si la réouverture
coronaire et la récupération d’un flux sanguin optimal à
l’angiographie coronaire demeurent l’objectif du traitement de la
phase aiguë de l’infarctus, il est maintenant clairement établi
qu’elles ne garantissent pas la reperfusion aux étages tissulaire et
cellulaire. En effet, des lésions de la microcirculation qui sont le
fait de l’ischémie/reperfusion sont présentes dans plus de 20 %
des cas en dépit d’une recanalisation optimale de l’artère coronaire
épicardique. Cette « non-reperfusion myocardique » constitue un
facteur pronostique défavorable à l’origine d’une prolongation de
l’ischémie, aboutissant à la nécrose du territoire myocardique
engagé et favorisant le remodelage et les troubles du rythme
ventriculaire [5]. Les profondes modifications de la microcirculation
sont d’ordre morphologique et fonctionnel. Les dégâts
morphologiques sont dominés par l’obstruction microvasculaire
provoquée par l’accumulation dans les capillaires de leucocytes,
plaquettes et autres débris accumulés pendant la période
ischémique. Les anomalies fonctionnelles [1] se traduisent par un
dysfonctionnement aigu de l’appareil sphinctérien précapillaire,
indispensable au recrutement de capillaires (non fonctionnels à l’état
basal) en situation de demande accrue. Si l’ischémie myocardique
est suffisamment prolongée et suivie d’une reperfusion salvatrice,
ces anomalies fonctionnelles semblent alors récupérer (sidération
microvasculaire) avant la régression de l’obstruction
microvasculaire [2]. Cette récupération fonctionnelle de la
microcirculation est en général associée au maintien de la viabilité
dans le territoire ischémique.
Conclusion
Les anomalies de la microcirculation coronaire sont impliquées dans de
nombreuses pathologies myocardiques. Ces anomalies précèdent, dans
bien des cas, la survenue des événements cliniques. L’avènement de
méthodes d’exploration fiables suscite l’espoir d’intervenir dès les
premiers stades de la maladie afin de prévenir l’apparition de dommages
irréversibles.
Références
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