Coeur pulmonaire aigu
C Lorut
JP Laaban
Résumé. – La cause principale de coeur pulmonaire aigu est de loin l’embolie pulmonaire cruorique. Malgré
les progrès effectués dans le diagnostic et le traitement de l’embolie pulmonaire, cette affection reste souvent
méconnue et responsable d’une mortalité et d’une morbidité non négligeables. L’approche diagnostique
classique reposant sur l’angiographie pulmonaire tend à être remplacée par une attitude plus pragmatique
s’appuyant sur des examens non invasifs. La scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation a une
excellente sensibilité, mais son intérêt est limité par le grand nombre d’examens non concluants.
L’angioscanner thoracique à rotation continue, le dosage des D-dimères par méthode enzyme-linked
immunosorbent assay, l’échodoppler veineux des membres inférieurs et l’échocardiographie permettent
actuellement d’envisager des stratégies diagnostiques non invasives reposant sur l’association de plusieurs
examens. Les héparines de bas poids moléculaire, dont l’efficacité est supérieure à celle de l’héparine non
fractionnée dans le traitement de la thrombose veineuse profonde, montrent des résultats intéressants dans
l’embolie pulmonaire. Le relais de l’héparine par les antivitamines K est réalisé précocement afin de limiter le
risque de thrombopénie induite par l’héparine. La durée du traitement antivitamine K dépend en particulier
du caractère récidivant de la pathologie thromboembolique et de l’existence d’une thrombophilie sousjacente.
Les indications de l’interruption de la veine cave inférieure ont considérablement diminué au cours
des dernières années, grâce à une meilleure connaissance de l’efficacité et des complications à long terme des
filtres caves. Les thrombolytiques sont utilisés essentiellement dans les embolies pulmonaires massives et
hémodynamiquement instables ; dans ces formes menaçantes, l’activateur tissulaire du plasminogène
permet d’obtenir une diminution rapide des résistances vasculaires pulmonaires. L’embolectomie
chirurgicale, dont le taux de mortalité a fortement diminué au cours des dernières années, ne garde que des
indications exceptionnelles.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : embolie pulmonaire, thrombophilie, héparine, thrombolytiques, scintigraphie pulmonaire,
angiographie pulmonaire, scanner thoracique, D-dimères.
Introduction
La définition classique du coeur pulmonaire aigu (CPA) est une
insuffisance ventriculaire droite (IVD) aiguë secondaire à une
augmentation brutale de la postcharge du ventricule droit. La cause
principale de CPA étant de loin l’embolie pulmonaire (EP) cruorique,
le CPA lié à l’EP représente l’essentiel de cet article. L’EP reste une
pathologie fréquente dans la population générale dont le diagnostic
est difficile. Depuis ces dix dernières années, l’avènement d’examens
non invasifs tels que la scintigraphie de ventilation et de perfusion,
l’angioscanner (fig 1), l’échographie des membres inférieurs et de
nouveaux tests biologiques (D-dimères) a permis de développer de
nouvelles stratégies diagnostiques non invasives.
Les autres causes de CPA sont brièvement citées.
Coeur pulmonaire aigu de l’embolie
pulmonaire
ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PHYSIOPATHOLOGIE
¦ Anatomie pathologique
Les localisations de l’EP sont le plus souvent multiples et bilatérales
prédominant dans les branches droites de l’artère pulmonaire et
dans les branches artérielles pulmonaires inférieures, le débit
sanguin pulmonaire étant plus important au sein des artères
vascularisant les lobes inférieurs. Dans la grande majorité des cas,
les embolies sont localisées dans les artères de gros calibre :
essentiellement artères segmentaires, lobaires, mais aussi artères
intermédiaires, principales et tronc de l’artère pulmonaire. Chez les
patients décédés d’EP massive, l’autopsie retrouve souvent un
volumineux thrombus ou plusieurs thrombi, soit au niveau de la
bifurcation du tronc de l’artère pulmonaire, soit obstruant l’une ou
les deux artères pulmonaires principales. D’autres thrombi sont
souvent présents dans le ventricule droit. La structure
morphologique de ces thrombi est celle d’un thrombus récent,
cylindrique, de couleur rouge et peu adhérent à la paroi vasculaire.
Ces thrombi peuvent s’étendre distalement dans les artères
musculaires plus petites, soit par contiguïté, soit par fragmentation.
Christine Lorut : Assistant des hôpitaux de Paris.
Jean-Pierre Laaban : Professeur agrégé.
Service de pneumologie et réanimation, Hôtel Dieu de Paris, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris
cedex 04, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-037-B-10
11-037-B-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lorut C et Laaban JP. Coeur pulmonaire aigu. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-037-B-10, 2003, 15 p.
L’artère pulmonaire obstruée par le thrombus est généralement
dilatée et sa paroi plus fine. Le ventricule droit et l’oreillette droite
sont dilatés mais on ne retrouve pas d’hypertrophie du ventricule
droit en l’absence de pathologie cardiaque ou pulmonaire antérieure.
¦ Physiopathologie
Les facteurs responsables de l’hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP) au cours de l’EP sont : l’obstruction vasculaire et l’existence
d’une pathologie cardiaque ou respiratoire antérieure. Deux
mécanismes de l’obstruction vasculaire sont décrits, l’obstruction par
les thrombi et la vasoconstriction pulmonaire. La vasoconstriction
pulmonaire serait sous la dépendance de substances vasoactives
libérées par les plaquettes (sérotonine, histamine, thromboxane A2,
etc). Son rôle dans la genèse de l’HTAP n’est que secondaire.
L’obstruction vasculaire pulmonaire par les thrombi est le
mécanisme essentiel de l’HTAP dans l’EP.
Chez les patients sans antécédents cardiopulmonaires, il faut
atteindre une obstruction vasculaire de 30 % pour voir s’élever les
pressions artérielles pulmonaires (PAP) et de plus de 50 % pour voir
apparaître une HTAP significative (PAP moyenne supérieure à
25 mmHg) [85]. Il existe une corrélation nette entre l’augmentation de
la PAP et le degré d’obstruction au moins pour les embolies
d’importance faible à moyenne. En revanche, une obstruction plus
importante, voire massive, peut être tolérée sans augmentation
supplémentaire de pression en raison de la grande réserve de
capacité du réseau vasculaire pulmonaire [61]. En l’absence de
pathologie antérieure, l’élévation de la PAP, même dans les EP
massives avec état de choc, est modérée et la PAP moyenne est le
plus souvent comprise entre 30 et 40 mmHg et n’est jamais
supérieure à 40 mmHg. Un ventricule droit non hypertrophié est
incapable de générer une PAP moyenne supérieure à 40 mmHg.
Les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) sont élevées et il
existe une corrélation très significative, mais non linéaire, entre le
pourcentage d’obstruction et les RVP : jusqu’à 60 % d’obstruction
vasculaire pulmonaire, l’augmentation des RVP est faible ; à partir
de 60 %, l’augmentation des RVP est rapide et importante pour de
petites variations du pourcentage d’obstruction vasculaire
pulmonaire [61]. Il existe ainsi une discordance entre la PAP qui
augmente dès 30 % d’obstruction et les RVP qui ne s’élèvent de
façon significative qu’à partir de 60 % d’obstruction. En cas
d’obstruction modérée, l’HTAP serait donc en partie due à
l’augmentation du débit cardiaque. Toutefois pour les obstructions
supérieures à 60 %, la postcharge du ventricule droit augmente de
façon abrupte, le ventricule droit (structure compliante à paroi
mince) réagit par une diminution du volume d’éjection systolique et
une dilatation avec altération de la contractilité. La précharge
ventriculaire gauche est diminuée par réduction du retour veineux
au coeur gauche et par altération de la compliance diastolique du
ventricule gauche, qui est comprimé par un ventricule droit dilaté
au sein d’un péricarde peu extensible. Le débit cardiaque chute, la
PAP peut être paradoxalement normalisée et ne peut plus être
considérée comme le reflet de l’obstruction pulmonaire. La chute de
la pression artérielle qui en découle compromet la perfusion
coronaire droite et altère davantage la fonction systolique du
ventricule droit [11].
Chez les patients ayant une pathologie cardiaque ou respiratoire
antérieure, il n’existe pas de corrélation entre la PAP et le degré
d’obstruction vasculaire pulmonaire. Il est souvent difficile de
déterminer la part de l’HTAP qui revient de l’EP et à la pathologie
antérieure [85]. De même, la tolérance hémodynamique est très
variable et peut être médiocre pour des EP modérées.
1 Angioscanner thoracique : aspects typiques d’embolie pulmonaire.
A. Thrombi de la partie distale de l’artère pulmonaire gauche et artère lobaire
supérieure droite.
B. Thrombi de l’artère pulmonaire droite et de l’artère lobaire inférieure gauche.
C. Thrombi de l’artère lobaire inférieure droite (image en « cocarde ») et artère
lobaire inférieure gauche.
*A
*B
*C
11-037-B-10 Coeur pulmonaire aigu Cardiologie
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ÉPIDÉMIOLOGIE ET HISTOIRE NATURELLE
DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
¦ Incidence et mortalité de l’embolie pulmonaire
L’incidence exacte de la maladie thromboembolique veineuse n’est
pas connue, elle peut être estimée à 1,5/1 000, avec une incidence de
0,5/1 000 pour l’EP.
Les séries autopsiques réalisées chez des patients décédés à l’hôpital
retrouvent une EP dans 13 à 30 % des cas [19, 56] et ce pourcentage
d’EP reste stable au fil du temps [19].
L’incidence de l’EP aux États-Unis retrouvée en extrapolant les
résultats d’études de cohortes est de 55 à 69 000 cas par an [1, 86]. En
France, on estime que l’incidence annuelle de la maladie
thromboembolique veineuse est comprise entre 100 000 et
110 000 nouveaux cas avec 10 000 décès liés uniquement à l’EP, soit
3 % de la mortalité générale [26, 70].
L’incidence de l’EP augmente de façon très importante avec l’âge, la
plupart des patients ayant plus de 60 ans [86, 91].
¦ Facteurs favorisant la survenue d’embolie pulmonaire
Il est connu depuis longtemps que l’hypercoagulabilité, la stase
veineuse et un traumatisme de la paroi veineuse peuvent favoriser
la survenue d’une maladie thromboembolique veineuse. Il existe de
nombreux facteurs de risque de la maladie thromboembolique
veineuse, acquis ou congénitaux, réversibles ou permanents [81, 84].
La maladie thromboembolique veineuse n’est pas une pathologie
monofactorielle mais une pathologie plurifactorielle, la conjonction
de plusieurs facteurs de risques environnementaux et/ou
constitutionnels étant un prérequis pour l’apparition d’une maladie
thromboembolique veineuse.
Facteurs de risque environnementaux acquis
– La chirurgie : le risque d’accident thromboembolique veineux
postopératoire dépend d’une part de l’intervention pratiquée
(chirurgie générale, orthopédique, neurochirurgicale, gynécologique,
urologique) et d’autre part du terrain du patient. La fréquence des
EP mortelles postopératoires sans prophylaxie est de 0,2 à 5 % pour
un risque très élevé, de 0,4 à 1 % pour un risque élevé, de 0,1 à
0,4 % pour un risque modéré et de 0,002 % pour un risque faible [29,
31]. La fréquence des complications thromboemboliques est maximale
dans les 10 premiers jours postopératoires, mais quand les
conditions favorisant la thrombose persistent, l’accident
thromboembolique peut se révéler à distance de l’acte chirurgical ;
– les traumatismes, en particulier des membres inférieurs, du bassin
et du rachis. Le risque est plus faible dans les traumatismes crâniens,
de la face, du thorax ou de l’abdomen ;
– les antécédents d’EP ou de phlébite. L’incidence des récidives est
de 5 % ;
– la contraception orale et les oestrogènes ;
– la grossesse et le post-partum ;
– l’immobilisation prolongée au cours d’un voyage en avion
(syndrome de classe économique), en train ou même en voiture ;
– les cardiopathies, en particulier l’insuffisance cardiaque congestive
et l’infarctus aigu du myocarde ;
– l’insuffisance respiratoire ;
– le syndrome néphrotique ;
– l’âge [91] ;
– les maladies systémiques : le lupus érythémateux disséminé, la
maladie de Behçet, la rectocolite ulcérohémorragique, la maladie de
Crohn et la maladie de Buerger. L’alitement, l’inflammation pariétale
veineuse, la fuite intestinale d’antithrombine (AT) dans les
entéropathies exsudatives et la présence d’un anticoagulant circulant
sont souvent associés et rendent compte de la forte prévalence des
accidents thromboemboliques veineux dans ces pathologies ;
– le syndrome des antiphospholipides primitif ou associé à un lupus
érythémateux disséminé.
Cancers et hémopathies malignes
– Le cancer, en particulier du pancréas, du poumon, du côlon, de
l’utérus, de la prostate, des autres organes génito-urinaires et du
sein. En clinique, la thrombose veineuse profonde ou l’EP complique
souvent un cancer connu antérieurement [22], mais l’accident
thromboembolique veineux peut aussi révéler un cancer occulte [4,
88] ;
– les hémopathies, spécialement les syndromes myéloprolifératifs
mais également l’hémoglobinurie paroxystique nocturne.
Thrombophilies constitutionnelles
La fréquence des thrombophilies constitutionnelles associées à la
maladie thromboembolique veineuse est indiquée dans le
tableau I [25].
Il existe deux types de risque : les déficits en inhibiteurs de
coagulation (AT, protéine C, protéine S), mutations familiales rares
mais associées à un risque relatif élevé et des polymorphismes
fréquents (facteur V Leiden, prothrombine 20210A, augmentation du
facteur VIII, IX, XI et hyperhomocystéinémie) dans la population
générale associés à un risque relatif de thrombose plus faible.
¦ Histoire naturelle de l’embolie pulmonaire
La mortalité immédiate dépend de l’importance de l’amputation du
lit vasculaire. Pour Dalen et Alpert, 11 % des patients atteints d’EP
décèdent dans la première heure suivant les manifestations
cliniques [15]. Parmi ceux qui survivent, la mortalité est de 30 %
lorsque l’EP n’est pas traitée et serait due le plus fréquemment à des
récidives d’EP. Ces récidives précoces ou tardives surviennent chez
50 % des patients non traités et sont fatales une fois sur deux [5]. La
mortalité reste élevée, à moyen terme (1 an), de 6 à 25% suivant les
études pour les EP traitées [1, 15, 41, 96]. Le pronostic est lié à l’existence
d’un état de choc du fait de l’importance de l’obstruction vasculaire
pulmonaire ou pour des EP plus modérées à l’existence d’une
pathologie cardiopulmonaire sous-jacente.
L’évolution peut se faire vers la fragmentation des thrombi et la
possibilité de migration périphérique entraînant une aggravation ou
la constitution d’un infarctus pulmonaire ou vers la lyse des thrombi
Tableau I. – Prévalence des accidents thromboemboliques veineux (ATEV) chez les patients porteurs d’une thrombophilie congénitale [25].
Facteurs de risque
Prévalence dans la population
générale
Prévalence chez les patients porteurs
d’une ATEV Risque relatif
Déficit en antithrombine 0,02 1 10
Déficit en protéine C 0,2-0,4 3 10
Déficit en protéine S Inconnu 1-2 10
Facteur V Leiden 5 20 5
Prothrombine 20210A 2 6 3,5
Facteur VIII > 150 % 11 25 3
Facteur IX > 95e percentile 5 20 2
Facteur XI > 95e percentile 5 20 2
Homocystéine > 18,5 μmol/L 5 10 2
Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10
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et la recanalisation. Cependant, cette reperméabilisation ne devient
significative qu’après 2 ou 3 jours et la dissolution complète des
thrombi n’est obtenue qu’après le premier mois dans la majorité des
cas [72].
À long terme, l’HTAP de l’EP aiguë massive régresse le plus souvent
complètement en 4 à 6 semaines [15]. La survenue d’une HTAP
chronique est rare, moins de 1 % des cas ; elle est le plus souvent la
conséquence d’EP répétées non diagnostiquées et non traitées [72].
DIAGNOSTIC DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
¦ Signes cliniques
Les signes cliniques ne sont pas spécifiques dans l’EP [58]. Les signes
les plus fréquemment constatés, chez des patients sans antécédents
cardiopulmonaires, sont la dyspnée, la douleur pleurétique et la
tachypnée (fréquence respiratoire > 20/min) (tableau II). Cependant,
ces symptômes sont retrouvés avec une fréquence comparable chez
les patients suspects d’EP dont le diagnostic n’a pas été affirmé [93].
Seule, l’association de plusieurs de ces signes cliniques apparaît utile
pour identifier les patients à forte suspicion d’EP. Par exemple,
l’association de dyspnée, tachypnée et de signes cliniques de
thrombose veineuse profonde est constatée dans 91 % des patients
ayant une EP sans antécédents cardiopulmonaires.
¦ Électrocardiogramme (ECG)
Chez les patients indemnes de pathologie cardiopulmonaire, Stein
et al [93] ont montré qu’il existe des anomalies de l’ECG dans 70 %
des cas : anomalies non spécifiques du segment ST et de l’onde T ;
fibrillation auriculaire ; flutter auriculaire ; bloc de branche droit ;
déviation axiale droite de QRS ; aspect S1Q3 ; onde P pulmonaire et
rarement déviation axiale gauche (qui n’exclut pas le diagnostic
d’EP). Les signes ECG de surcharge ventriculaire droite aiguë
(inversion de l’onde T de V1 à V3, déviation axiale droite de QRS,
aspect S1Q3, bloc de branche droit) sont plus rares et s’observent
essentiellement dans les EP massives avec HTAP importante et
index cardiaque abaissé.
Les signes ECG sont transitoires et parfois retardés. Ces signes ont
plus de valeur si l’on peut affirmer leur caractère récent par
comparaison avec un tracé précédent, surtout en cas de pathologie
cardiopulmonaire antérieure. Néanmoins, l’ECG peut être trompeur
orientant vers une autre pathologie (péricardite, insuffisance
coronaire) et lorsqu’il existe des signes de CPA, ils ne sont pas
spécifiques d’EP. Ainsi, l’ECG n’a qu’un intérêt relativement limité
pour le diagnostic d’EP.
¦ Radiographie de thorax
On considère classiquement que la normalité de la radiographie
thoracique chez un patient très dyspnéique est fortement évocatrice
d’EP. Cependant, la radiographie thoracique est rarement normale
dans l’EP. Seulement 24 % des radiographies des 2 322 EP rapportées
par Elliot et al [24] étaient normales.
Dans la série d’Elliott et al [24], certaines anomalies sont observées
plus fréquemment :
– cardiomégalie (27 %) ;
– épanchement pleural (23 %) ;
– les infiltrats pulmonaires (22 %) témoignent d’une hémorragie
intra-alvéolaire ou d’un infarctus pulmonaire. Il s’agit d’opacités
systématisées, uni- ou multisegmentaires, non rétractées, largement
appuyées sur la surface pleurale, prédominant à la périphérie des
poumons, souvent en forme de tronc de cône arrondi, très rarement
excavées et siégeant le plus souvent dans les lobes inférieurs ;
– ascension d’une hémicoupole diaphragmatique (20 %) ;
– distension d’une artère pulmonaire principale (19 %) ;
– les atélectasies (18 %) sont à type d’opacités linéaires, fines,
horizontales, siégeant au niveau des bases pulmonaires, juste audessus
de l’hémidiaphragme, touchant la plèvre et souvent
multiples. Elles sont très précoces, parfois dans les heures qui
suivent l’embolisation ;
– un oedème pulmonaire est observé dans 14 % des cas.
Plus rarement, on observe :
– une hyperclarté lobaire ou pulmonaire dans 8 % des cas ;
– une distension thoracique dans 5 % des cas.
Certaines anomalies (atélectasies, infiltrats pulmonaires, pleurésies,
hyperclarté ou oedème pulmonaire) sont plus évocatrices car elles
sont retrouvées plus fréquemment ayant une EP par rapport aux
patients sans EP [93].
La radiographie thoracique reste donc un bon examen permettant
d’orienter le diagnostic mais vu sa faible spécificité, elle n’a pour le
diagnostic qu’un intérêt limité.
¦ Gaz du sang
L’étude des gaz du sang montre habituellement une hypoxie et une
hypocapnie.
Mécanismes de l’hypoxie
Différents mécanismes sont possibles :
– l’augmentation de l’espace mort alvéolaire : en effet, dans les
zones embolisées, la perfusion est diminuée alors que la ventilation
est maintenue ;
– essentiellement, l’effet shunt par augmentation de la perfusion au
niveau des zones pulmonaires non embolisées, entraînant une
diminution des rapports VA/Q et donc une baisse de la pression
partielle en oxygène du sang artériel (PaO2) ;
– l’existence d’un shunt vrai, c’est-à-dire des zones non ventilées
mais perfusées (zones d’atélectasie si ces zones sont reperfusées par
dissolution ou migration des thrombi ; zones d’oedème pulmonaire
localisé) ;
Tableau II. – Évaluation de la fréquence des symptômes et des signes
cliniques dans l’embolie pulmonaire (EP) [93].
Patients*
Patients sans antécédents
cardiopulmonaires**
EP confirmée
(n = 260) (%)
EP confirmée
(n = 117) (%)
EP non
confirmée
(n = 248) (%)
Symptômes
Dyspnée 79 73 72
Douleur pleurale 58 66 59
Toux 40 37 36
OEdème des MI 30 28 22
Douleur des MI 27 26 24
Hémoptysie 16 13 8
Palpitations 12 10 18
Wheezing 13 9 11
Douleur angineuse 6 4 6
Signes
Tachypnée 73 70 68
Râles 59 51 40*
Tachycardie 28 30 24
Galop 27 24 14*
Éclat de B2 21 23 13*
TVP 15 11 11
Fièvre (> 38,5 °C) 7 7 12
Signe de Homans 3 4 2
IVD 3 4 2
Souffle pleurétique 4 3 2
Cyanose 3 1 5
État de choc 9 8 9
MI : membres inférieurs ; TVP : thrombose veineuse profonde ; IVD : insuffisance ventriculaire droite.
* Patients avec ou sans antécédents cardiopulmonaires : données de l’étude Prospective Investigation of Pulmonary
Embolism Diagnosis (PIOPED).
** Patients sans antécédents cardiopulmonaires : données de l’étude PIOPED.
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– plus rarement, l’existence d’un shunt intracardiaque droitegauche,
par ouverture d’un « patent foramen ovale » présent chez
15 % des sujets normaux.
Fréquence de l’hypoxémie
Dans une étude incluant 88 patients sans antécédents
cardiopulmonaires atteints d’une EP [93], la PaO2 est retrouvée
inférieure à 59 mmHg dans 25 % des cas, comprise entre 60 et
79 mmHg dans 49 % des cas et supérieure à 80 mmHg dans 26 %
des cas. Cette distribution de la PaO2 est comparable chez les
patients ayant une suspicion non confirmée d’EP.
Pression partielle en CO2 du sang artériel (PaCO2) et pH
La PaCO2 est généralement abaissée dans l’EP en raison de
l’hyperventilation. Chez les insuffisants respiratoires chroniques
obstructifs avec hypercapnie chronique, l’existence d’une
hypocapnie ou d’une hypercapnie moins marquée qu’à l’état basal
doit faire évoquer une EP.
Du fait de cette hypocapnie, il existe le plus souvent une alcalose
respiratoire. Mais dans les EP massives avec état de choc, on peut
retrouver une acidose métabolique due à l’augmentation des lactates
sanguins.
En conclusion, l’analyse des gaz du sang artériel a une valeur
diagnostique limitée dans l’EP puisque l’hypoxémie et l’hypocapnie
ne sont pas spécifiques et que l’hypoxémie manque dans 26 % des
cas.
¦ Examens biologiques
Les différents examens biologiques « classiques » (numérationformule
sanguine, taux des plaquettes ou du fibrinogène, dosage
des lacticodéshydrogénases) ne présentent aucun intérêt pour le
diagnostic d’EP.
D-dimères
Parmi les nouveaux marqueurs biologiques plus spécifiques de
l’activation de la coagulation et de la fibrinolyse, les D-dimères ont
une place dans la stratégie diagnostique de l’EP [74]. Les D-dimères
sont des produits spécifiques de dégradation de la fibrine dosés à
l’aide d’anticorps monoclonaux soit par agglutination (méthode
latex), soit par méthode enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa),
soit par des méthodes rapides : VIDAS D-dimer qui utilise des
réactifs prêts à l’emploi avec une calibration mémorisée par un
automate et donne un résultat quantitatif en 35 minutes ; une
méthode Elisa est réalisée sur une membrane poreuse, Instant I.A
D-dimer et donne une estimation qualitative du taux de D-dimères
en 10 minutes ; une méthode latex « rapide », LPIA-100, qui utilise
un test latex quantitatif automatique et photométrique, exécutable
en moins de 10 minutes ; dosage par SIMPLIRED, technique qui
utilise des anticorps bispécifiques (pour le globule rouge et les
D-dimères). Pour un taux élevé de D-dimères, l’anticorps provoque
une agglutination avec les propres globules rouges du patient. Ce
dosage est semi-quantitatif et exécutable en 30 minutes ; dosage par
Nycocard test, technique semi-quantitative d’immunofiltration. Ce
dosage est de l’ordre de 30 minutes. Le seuil de positivité pour la
majorité de ces méthodes est un taux de D-dimères supérieur ou
égal à 500 ng/mL.
Une revue de la littérature portant sur un collectif de plus de
1 000 patients [59] montre que la sensibilité du dosage des D-dimères
par méthode latex est en moyenne de 89 % et donc insuffisante pour
utiliser ce test dans la stratégie diagnostique de l’EP. En revanche, la
sensibilité et la valeur prédictive négative du dosage des D-dimères
par méthode Elisa sont excellentes, autour de 97 % [59]. Cependant,
certains faux négatifs peuvent s’observer dans le cadre de diagnostic
tardif (début des symptômes supérieur à 5 jours). Un taux normal
(inférieur à 500 ng/mL) de D-dimères permet donc d’exclure avec
quasi-certitude le diagnostic d’EP. La spécificité est en revanche
faible, inférieure à 50 %. Un taux de D-dimères est élevé dans de
nombreuses pathologies : cancer, coagulation vasculaire disséminée,
arythmie complète par fibrillation auriculaire... et un taux de
D-dimères supérieur à 500 ng/mL n’a donc aucune valeur
diagnostique. L’inconvénient essentiel de ce test est sa lenteur
d’exécution.
Pour l’évaluation des méthodes rapides, les résultats des différentes
études sont encourageants [17, 23, 28, 46], une sensibilité de 95 à 100 %
suivant les différentes méthodes, excepté pour le dosage par
Simplired pour lequel la sensibilité varie de 61 % à 85 % [28, 34, 46]. La
spécificité pour ces différents tests, comme pour la méthode Elisa,
est faible, autour de 35 %.
Troponine
Deux études [33, 65] ont montré une élévation de la troponine chez les
patients porteurs d’une EP moyenne à massive et l’augmentation de
ce marqueur serait un facteur péjoratif pour le pronostic.
L’explication physiopathologique est que la libération de troponine
chez les patients porteurs d’EP serait liée à une souffrance
myocardique secondaire à la dilatation du ventricule droit.
¦ Scintigraphie pulmonaire de perfusion
et de ventilation
La scintigraphie de perfusion-ventilation est un examen simple, non
invasif et peu irradiant. La scintigraphie de perfusion utilise des
microsphères ou des microagrégats d’albumine humaine de 30 μm
de diamètre marqués par le technétium 99m. L’injection doit être
pratiquée en décubitus dorsal strict, position qui permet d’assurer
une perfusion homogène sur toute la hauteur du poumon.
Classiquement, six incidences (faces antérieure et postérieure, profils
et obliques postérieurs droits et gauches) sont réalisées (fig 2). La
scintigraphie de ventilation est réalisée habituellement par
inhalation de gaz radioactifs (xénon 133 ou krypton 80m). La
sensibilité de la scintigraphie de perfusion pour le diagnostic d’EP
est de 100 % [7, 8, 27, 44, 96]. Une scintigraphie de perfusion pulmonaire
normale élimine donc le diagnostic d’EP à condition que l’examen
soit techniquement parfait, que les six incidences soient réalisées et
que l’épisode aigu date de moins de 48 heures. En revanche, des
defects de perfusion peuvent s’observer au cours de nombreuses
affections (bronchopneumopathies chroniques obstructives,
pleurésies, pneumopathies etc) et doivent être rapportés pour la
majorité des auteurs aux anomalies observées à la scintigraphie de
ventilation selon des critères d’interprétation définis. Une
scintigraphie pathologique peut être en effet plus ou moins
évocatrice d’EP et les résultats en sont classés en : faible probabilité,
probabilité intermédiaire et forte probabilité d’EP représentant la
présence d’au moins deux défauts de perfusion segmentaire sans
anomalie de ventilation associée (tableau III). Différentes études ont
évalué la valeur diagnostique de la scintigraphie de perfusionventilation
en comparaison à l’angiographie (tableau IV) [7, 8, 27, 44, 96].
La plus importante étude récente Prospective Investigation of
Pulmonary Embolism Diagnosis (PIOPED) [96] incluant 933 patients
montre que la valeur prédictive positive pour les scintigraphies
classées de haute probabilité est de 88 %. Il existe cependant un
certain nombre de causes de faux positifs de la scintigraphie
pulmonaire (tableau V). L’étude PIOPED montre aussi que la
combinaison évaluation clinique et scintigraphie perfusionventilation
augmente les chances d’un diagnostic correct : l’EP est
affirmée dans 96 % des cas lorsque les deux sont de haute
probabilité, l’EP est éliminée dans 96 % des cas quand s’associent
images scintigraphiques et évaluation clinique de faible probabilité.
Ainsi, une scintigraphie de perfusion-ventilation de haute
probabilité selon les critères PIOPED est le plus souvent suffisante
pour affirmer le diagnostic d’EP. Cependant, seulement 13 % des
patients suspects d’EP ont une scintigraphie de haute probabilité et
14 % ont une scintigraphie normale. Les 73 % restants présentent
des scintigraphies de probabilité intermédiaire (39 %) ou faible
(34 %) ; la valeur prédictive positive de ces deux catégories pour tout
patient suspect d’EP est respectivement de 30 % et de 14 % et ne
permet pas d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic d’EP. Certains
Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10
5
auteurs suggèrent donc de faire un groupe de scintigraphies non
concluantes réunissant les scintigraphies intermédiaires et de faible
probabilité [42].
En résumé, la scintigraphie infirme le diagnostic d’EP lorsqu’elle est
normale (10 à 15 % des cas) ou lorsqu’elle est de faible probabilité
associée à une probabilité clinique faible (moins de 5 % des cas) et
affirme le diagnostic, lorsqu’elle est de haute probabilité selon les
critères PIOPED (13 % des cas). Pour la majorité des patients qui ont
une scintigraphie pulmonaire de probabilité faible ou intermédiaire,
cet examen ne permet pas de conclure et d’autres examens
diagnostiques doivent être envisagés pour affirmer ou infirmer le
diagnostic d’EP.
¦ Tomodensitométrie thoracique
De nouvelles techniques scanographiques non invasives, en
particulier la tomodensitométrie à rotation continue avec balayage
spiralé volumétrique (TDM-BSV) permettent de visualiser
directement les caillots dans les artères pulmonaires. L’image
évocatrice d’EP est un defect endoluminal partiel ou complet défini
par une zone d’hypoatténuation endoluminale de siège central,
périphérique ou occupant la totalité de la section vasculaire. Sept
études [9, 20, 30, 39, 79, 80, 103], incluant 467 patients, ont comparé le TDMBSV
à l’angiographie pulmonaire (tableau VI). La sensibilité varie de
60 à 100 %. Ces différences s’expliquent par le nombre limité de cas
dans certaines séries, les différences scanographiques, les différences
de mode de recrutement des patients. À noter, dans les études où
seuls les vaisseaux proximaux sont analysés [9, 79, 80, 103], la sensibilité
est très bonne, en moyenne, de 95 %. La majorité de ces études
retrouvent, par ailleurs, une très bonne spécificité ; peu d’images
peuvent prêter à confusion (présence d’adénopathies hilaires,
opacification partielle des veines pulmonaires). D’autres études [49, 60,
75] ont comparé le TDM-BSV à une stratégie diagnostique incluant la
scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion, l’échographiedoppler
des membres inférieurs et pour certains les D-dimères et
l’angiographie pulmonaire (tableau VI). La sensibilité varie
également de 70 % à 92 %. La spécificité est également bonne, en
moyenne, de 94 %.
L’analyse des différentes études [32] confirme donc la fiabilité du
TDM-BSV dans la détection des caillots endoluminaux proximaux.
Un autre avantage du TDM-BSV est la possibilité d’examiner le
médiastin et le parenchyme pulmonaire et donc d’expliquer la
symptomatologie diagnostique et de proposer un diagnostic
2 Scintigraphies pulmonaires de perfusion avec six incidences
: face antérieure, face postérieure, profil droit, profil gauche,
oblique postérieure droit, oblique postérieure gauche.
A. Scintigraphie normale.
B. Scintigraphie forte probabilité ; les images de ventilation
non montrées sont normales.
*A
*B
Tableau III. – Classification des images scintigraphiques et critères d’interprétation utilisés au cours de l’étude Prospective Investigation of
Pulmonary Embolism Diagnosis (PIOPED) [96].
Aspect scintigraphique Définition
Probabilité élevée - Au moins deux importants défauts de perfusion segmentaire (> 75 % d’un segment) sans anomalies ventilatoires ou radiographiques dans les
mêmes territoires, ou notablement plus étendues qu’elles
- Au moins deux défauts modérés de perfusion segmentaire (entre 25 et 75 %) sans anomalies ventilatoires ou radiographiques dans les mêmes
territoires, associés à un important défaut de perfusion segmentaire dans un autre territoire sans anomalie ventilatoire
- Au moins quatre défauts de perfusion modérés sans anomalies ventilatoires ou radiographiques
Probabilité intermédiaire - Ne pouvant être classées dans les autres catégories (normales, très faible probabilité, faible probabilité, haute probabilité)
- À la limite des catégories haute ou faible probabilité
- Difficiles à classer en haute ou faible probabilité
Faible probabilité - Défauts de perfusion non segmentaire (effacement du cul-de-sac pleural, cardiomégalie, élargissement de l’ombre aortique, du hile et du
médiastin, ascension diaphragmatique)
- Un seul défaut de perfusion segmentaire, isolé et de faible importance, sans anomalie radiographique
- Défaut de perfusion associé à une anomalie radiographique significativement plus importante
- Défauts de perfusion de taille importante ou modérée ne concernant pas plus de quatre segments dans un poumon ni plus de trois segments
dans une zone pulmonaire, avec des défauts de ventilation de taille égale ou supérieure et une radiographie de thorax normale ou présentant
des anomalies significativement moins étendues
- Plus de trois petits défauts de perfusion segmentaire (< 25 %) associés à une image radiographique normale Très faible probabilité - Trois ou moins de trois petits défauts de perfusion segmentaire avec une image radiographique normale Normale - Aucun défaut de perfusion - Perfusion strictement parallèle aux contours pulmonaires radiographiques (visualisation possible des contours hilaires et aortiques, images radiographiques et/ou scintigraphiques de ventilation pouvant être anormales) 11-037-B-10 Coeur pulmonaire aigu Cardiologie 6 différentiel en l’absence d’EP. En revanche, la sensibilité pour les EP distales est plus faible et donc une TDM-BSV normal n’élimine pas formellement le diagnostic d’EP. ¦ Échocardiographie L’échocardiographie notamment depuis le développement de l’échographie transoesophagienne a un grand intérêt en cas de suspicion d’EP massive, en particulier chez les patients sans antécédents cardiopulmonaires. Dans l’EP, l’échocardiographie peut montrer [13, 14, 47] : – des signes directs : présence de thrombus dans le tronc de l’artère pulmonaire, dans les artères pulmonaires ou dans les cavités droites. Ces signes sont rarement retrouvés par échocardiographie transthoracique, mais plutôt par échocardiographie transoesophagienne [6] ; – des signes indirects tels que la présence d’une HTAP soit par la mesure en échographie-doppler de la vitesse maximale du flux de l’insuffisance tricuspidienne, soit par l’existence d’autres signes échographiques (dilatation du tronc de l’artère pulmonaire et de ses branches, déformation du septum interventriculaire) ou la présence de signes de CPA (dilatation du ventricule droit, septum paradoxal, diminution du pourcentage de raccourcissement ventriculaire droit, diminution du volume du ventricule gauche) [47]. Jardin et al [47], chez 104 patients suspects d’EP grave, montrent que tous les patients qui ont des signes échocardiographiques de CPA ont une EP. Ces signes peuvent donc orienter le diagnostic chez un patient fortement suspect d’EP et n’ayant pas d’autre cause évidente d’HTAP. En revanche, l’absence de signes échocardiographiques d’HTAP ou de CPA n’élimine pas le diagnostic d’EP sans répercussion hémodynamique. Certains auteurs recommandent l’échocardiographie dans la stratégie thérapeutique afin de rechercher les signes de gravité de l’EP et de porter l’indication d’un traitement thrombolytique ; l’évolution peut de même être appréciée par l’échocardiographie [13]. ¦ Angiographie pulmonaire L’angiographie pulmonaire (fig 3) est classiquement l’examen de référence du diagnostic de l’EP sous réserve d’une technique appropriée incluant plusieurs incidences et avec un court délai de réalisation (idéalement 24 à 48 heures) par rapport à l’épisode embolique. L’angiographie pulmonaire numérisée est actuellement la technique la plus utilisée [68]. L’examen est réalisé en utilisant la méthode percutanée de Seldinger, en ponctionnant plutôt une veine du bras que la veine fémorale, ce qui limite le risque de complications hémorragiques en cas de traitement thrombolytique. L’injection est sélective dans les artères pulmonaires droite et gauche. Le diagnostic positif d’EP repose sur la présence d’une image de caillot endoluminal (filling defect) ou d’un arrêt cupuliforme du Tableau IV. – Prévalence de l’embolie pulmonaire (EP) en fonction des différents critères d’interprétation d’une scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation. Biello [8] Biello [7] Hull [44] PIOPED [96] PIOPED modifié [27] Probabilité élevée d’EP 87-92 % 90 % 86 % 88 % 84 % Probabilité intermédiaire d’EP 20-33 % 30 % 21-40 % 33 % 32 % Probabilité faible d’EP 0-8% 10 % - 12 % 6 % Aspect normal 0 % 0 % 0 % 0 % 0 % Tableau VI. – Intérêt de l’angioscanner dans l’embolie pulmonaire (EP). Études Stratégie diagnostique Nombre de patients Nombre de patients (EP) Se (%) Sp (%) VPP (%) VPN (%) Rémy-Jardin [80] angiographie 42 19 100 96 95 100 Blum [9] angiographie 10 7 100 100 100 100 Goodman [39] angiographie 20 11 63 89 87 52 Rémy-Jardin [79] angiographie 75 39 91 100 100 89 Van Rossump [103] angiographie 249 41 95 97 97 97 Drucker [20] angiographie 47 32 60 81 60 81 Garg [30] angiographie 24 6 67 100 90 100 Mayo [60] scinti P/V ± angiographie 139 46 87 95 ND ND Kim [49] arbre décisionnel 110 25 92 96 ND ND Perrier [75] arbre décisionnel 299 118 70 91 ND ND Se : sensibilité ; Sp : spécificité ; VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative ; scinti P/V : scintigraphie de ventilation/perfusion ;ND : données non fournies. Tableau V. – Faux positifs de la scintigraphie pulmonaire (autres causes de mismatch de perfusion/ventilation). - Embolie pulmonaire ancienne - Compression d’une artère pulmonaire Tumeur bronchopulmonaire Anévrisme disséquant de l’aorte thoracique ascendante Adénopathies médiastinales ou hilaires Médiastinites, hématome médiastinal - Vascularites pulmonaires Takayashu, lupus, toxicomanie intraveineuse - Anomalies vasculaires pulmonaires congénitales Agénésie ou sténose de l’artère pulmonaire Fistule artérioveineuse pulmonaire - Sarcome de l’artère pulmonaire - Pseudoanévrismes artériels pulmonaires post-traumatiques - Embolies pulmonaires non thrombotiques Embolie graisseuse ou gazeuse, toxicomanie intraveineuse - Drépanocytose 3 Angiographie pulmonaire numérisée. Embolie pulmonaire droite massive. Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10 7 produit de contraste dans une artère pulmonaire dont le diamètre est supérieur à 2 mm [12]. D’autres aspects sont non spécifiques et ne sont que des signes indirects d’EP : hypovascularisation ou avascularisation périphérique systématisée, opacification retardée d’un territoire, non-visualisation des veines pulmonaires. L’examen permet également de quantifier le degré d’obstruction par le calcul d’index de Miller basé sur le siège de l’obstruction et le degré d’hypoperfusion périphérique (fig 4). La sensibilité de l’angiographie pulmonaire n’est cependant pas parfaite, de l’ordre de 94 à 97 % [69, 90]. La variabilité interindividuelle de lecture est de 8 à 14% pour affirmer la présence d’une EP et peut atteindre 20 % pour en infirmer le diagnostic [90, 96]. De plus, cet examen invasif est associé à une mortalité de 0,5 %, des complications majeures non fatales dans 1 % et de complications mineures dans 5 % des cas [90]. En conséquence, l’angiographie pulmonaire ne doit plus être actuellement la technique d’investigation de première intention en présence d’une suspicion d’EP, mais se justifie quand les techniques non invasives n’établissent ou n’éliminent pas le diagnostic avec certitude. ¦ Étude hémodynamique Le cathétérisme droit par sonde de Swan-Ganz, qui doit si possible être réalisé en utilisant une veine du bras, peut être utile pour orienter le diagnostic et surtout pour la prise en charge et le suivi des patients atteints d’EP grave. La pression auriculaire droite n’est élevée que dans les EP massives et peut être normale en cas d’hypovolémie associée ou d’obstruction pulmonaire modérée. La pression télédiastolique du ventricule droit peut être élevée ou normale. L’aspect en dip-plateau est habituel dans les embolies massives, traduisant une diminution de la compliance du ventricule droit. La PAP et les résistances artérielles pulmonaires sont augmentées (cf Physiopathologie de CPA de l’EP). Dans les embolies de plus de 60 % d’obstruction, la courbe de PAP évoque un tracé ventriculaire (ventricularisation) avec une descente télésystolique et une onde dicrote peu visible ou absente. La baisse de l’index cardiaque est le signe de gravité majeur de l’EP. Elle traduit la faillite des mécanismes d’adaptation. Ce signe a une importance majeure dans les décisions thérapeutiques (cf Traitement thrombolytique). ¦ Diagnostic d’une thrombose veineuse profonde Dans la grande majorité des cas, l’EP est secondaire à une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs. D’autre part, en présence d’une thrombose veineuse profonde, des défauts de perfusion très suggestifs d’EP « asymptomatique » sont mis en évidence dans près de la moitié des cas par la scintigraphie de perfusion [67]. Certains auteurs proposent donc, afin d’éviter de pratiquer une angiographie pulmonaire chez des patients suspects cliniquement d’EP et avec une scintigraphie non contributive, de rechercher une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs par des méthodes non invasives (échographie-doppler des membres inférieurs ou pléthysmographie d’impédance) afin de confirmer l’indication d’un traitement anticoagulant [42, 57, 73]. Cependant, si ces examens permettent d’affirmer la maladie thromboembolique veineuse, la normalité des explorations veineuses n’exclut pas le diagnostic d’EP. La sensibilité et la spécificité de l’échographie-doppler des membres inférieurs sont très élevées pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde proximale chez les patients symptomatiques, mais la sensibilité est beaucoup moins bonne chez les patients asymptomatiques [48] ce qui est fréquemment le cas chez les patients suspects d’EP. La phlébographie est plus performante chez ces patients, mais cet examen est invasif et son indication dans ce contexte est discutée. En résumé, l’avènement d’examens non invasifs plus performants entraîne le développement de nouvelles stratégies pour le diagnostic d’EP. En cas d’EP non grave, plusieurs études ont évalué différentes stratégies diagnostiques non invasives incluant la probabilité clinique, la scintigraphie de perfusion-ventilation selon les critères d’interprétation PIOPED, la recherche d’une thrombose veineuse profonde [42, 92] et pour certains auteurs les D-dimères par méthode rapide en première intention [74]. Leurs résultats montrent que le diagnostic d’EP peut être infirmé ou affirmé dans plus de 70 % des cas, ce qui permet de diminuer le nombre d’angiographies réalisées ainsi que le coût global du diagnostic de l’EP [43]. Une seule stratégie diagnostique a associé l’angioscanner thoracique à la scintigraphie pulmonaire, le dosage des D-dimères et l’échodoppler veineux, et permet d’affirmer ou d’exclure le diagnostic d’EP dans 99 % des cas, sans recourir à l’angiographie pulmonaire [57]. Ces résultats permettent de proposer de nouvelles stratégies qui restent à évaluer (fig 5). Dans les suspicions d’EP grave, l’angioscanner thoracique ou l’échocardiographie doivent être réalisés en première intention. Ils permettent d’affirmer en urgence le diagnostic d’EP, et bien souvent de fournir un diagnostic différentiel en l’absence d’EP (fig 6). L’angiographie pulmonaire doit être réservée aux patients chez qui les résultats des examens non invasifs ne permettent pas de conclure formellement ou sont en désaccord majeur avec la probabilité clinique d’EP. Droit Gauche 0-1-2-3 perfusion 0-1-2-3 perfusion 0-1-2-3 0-1-2-3 0-1-2-3 0-1-2-3 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 4 6 3 16 9 7 2 2 5 3 OBSTRUCTION 0-19 OBSTRUCTION 0.17 RÉDUCTION DE LA PERFUSION 0-19 RÉDUCTION DE LA PERFUSION 0-19 SCORE TOTAL 0-18 SCORE TOTAL 0-16 TOTAL GÉNÉRAL 0-34 L’index de Miller permet d’apprécier l’importance de l’embolie pulmonaire. Il se calcule en affectant 1. Un coefficient de perfusion pulmonaire périphérique à chacun des 6 territoires pulmonaires suivant la cotation suivante : • vascularisation normale = 0 • hypovascularisation modérée = 1 • hypovascularisation sévère = 2 • absence totale de vascularisation = 3 2. Un coefficient d’obstruction artérielle pulmonaire d’autant plus élevé que le thrombus siège dans une artère de calibre important. • tronc de l’AP = 16 • LSD = 3 • lingula = 2 • AP droite = 9 • culmen = 2 • LID = 4 • AP gauche = 7 • LM = 2 • LIG = 3 • segmentaire = 1 Le coefficient maximum d’obstruction est : – à droite : = 9 = 3 + 6 = 3 + 2 + 4 = 1 x 9 – à gauche : = 7 = 2 + 5 = 2 + 2 + 3 = 1 x 7 L’index de Miller permet de calculer un pourcentage d’obstruction vasculaire pulmonaire: Index de Miller (%) = coefficient de perfusion + coefficient d’obstruction 34 4 Index de Miller. AP : artère pulmonaire ; LSD : lobe supérieur droit ; LM : lobe moyen ; LID : lobe inférieur droit ; LIG : lobe inférieur gauche. 11-037-B-10 Coeur pulmonaire aigu Cardiologie 8 TRAITEMENT DE L’EMBOLIE PULMONAIRE (fig 7) ¦ Traitement anticoagulant Il est démontré, depuis 1960, que les anticoagulants diminuent la mortalité de l’EP et la fréquence des récidives [5]. L’héparine doit être utilisée à la phase aiguë de l’EP du fait de sa rapidité d’action. Elle agit en empêchant la formation de nouveaux caillots, mais elle n’a pas (ou peu) d’activité thrombolytique. L’héparine non fractionnée (HNF) est le traitement de référence. Son mode d’action nécessite une liaison, par l’intermédiaire d’un site pentasaccharidique, à un domaine spécifique de l’AT. Le complexe héparine-AT neutralise immédiatement la thrombine (facteur IIa) formée, ainsi que d’autres facteurs de la coagulation à l’exception du facteur VIIa [10]. L’HNF peut être administrée par voie intraveineuse en continu à la seringue électrique ou par voie souscutanée deux à trois fois par jour. La voie intraveineuse discontinue est déconseillée en raison des pics d’hypocoagulabilité qu’elle génère. La posologie initiale d’héparine est de 500 UI/kg/j précédée d’un bolus de 5 000 UI permettant d’atteindre plus rapidement un plateau stable d’hypocoagulabilité. Il existe une grande variabilité interindividuelle dans la réponse anticoagulante à une même dose d’héparine ; ce qui nécessite un ajustement individuel de la posologie de l’héparine. Le test de choix pour la surveillance biologique du traitement héparinique est le temps de céphaline avec activateur (TCA) qui doit être égal à deux à trois fois le témoin et accessoirement l’héparinémie qui doit être comprise entre 0,3 et 0,6 UI/mL. Les contrôles biologiques doivent être effectués 4 à 6 heures après le début du traitement, après chaque changement de dose puis une fois par jour, l’équilibre étant atteint. Une surveillance plaquettaire doit être également effectuée avant le traitement puis deux fois par semaine pendant 3 semaines si le traitement doit se prolonger, afin de détecter les thrombocytopénies héparinoinduites [45]. Les héparines de bas poids moléculaires (HBPM) sont des fragments plus légers des héparines standards obtenues grâce à différents traitements chimiques. Elles ont une forte activité anti-Xa et une faible activité AT (anti-IIa). Leurs principaux avantages sont une demi-vie plus longue permettant une ou deux injections par jour et une biodisponibilité par voie sous-cutanée de 100 % [10]. La posologie habituelle est de 100 UI/kg toutes les 12 heures. La surveillance biologique (mesure de l’activité anti-Xa) d’un traitement par HBPM n’est pas nécessaire, sauf dans des cas particuliers : sujet âgé, obésité, insuffisance rénale, diathèse hémorragique, survenue d’un accident thrombotique ou hémorragique. La numération plaquettaire doit, comme pour le traitement par HNF, être surveillée. Dans le traitement des thromboses veineuses profondes, de nombreuses études rapportent une efficacité et une tolérance des HBPM supérieures à celle de l’HNF [22]. Dans l’EP, les HBPM n’ont été Suspicion d’EP (clinique-radiographie thoracique-ECG-gaz du sang) Angioscanner thoracique et D-dimères (Elisa) Scan + inadéquate Scan CI et D-dimères Scan – et D-dimères > 500 ng/mL
Scan –
< 500 ng/mL pas de diagnostic différentiel diagnostic différentiel EP affirmée EP affirmée EP affirmée EP affirmée ou éliminée EP infirmée EP infirmée EP infirmée Scintigraphie pulmonaire V/P Haute probabilité Probabilité indéterminée Normale Échodoppler veineux ou IPG des MI TVP Pas de TVP Angiographie pulmonaire 5 Stratégie diagnostique non invasive devant une suspicion d’embolie pulmonaire. EP : embolie pulmonaire ; ECG : électrocardiogramme ; Scan : angioscanner ; CI : contre-indiqué ; P/V : perfusion et ventilation ; MI : membres inférieurs ; IPG : pléthysmographie ; TVP : thrombose veineuse profonde ; Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay. Suspicion d’EP grave (clinique-radiographie thoracique-ECG-gaz du sang Angioscanner thoracique ou échocardiographie transoesophagienne Diagnostic différentiel évident EP infirmée EP infirmée EP affirmée EP affirmée Absence de thrombus pulmonaire et de diagnostic différentiel Scintigraphie pulmonaire perfusion-ventilation D-dimères ± échodoppler veineux des MI EP ? Angiographie pulmonaire 6 Stratégie diagnostique d’une embolie pulmonaire grave. EP : embolie pulmonaire ; ECG : électrocardiogramme ; MI : membres inférieurs. EP < 5 jours CI formelle aux anticoagulants interruption VCI Héparine (HNF IV ou HBPM S/C) EP non massive EP massive Héparine Signes de gravité – état de choc – IVD-syncope – critères échocardiographiques : dilatation ventriculaire droite sévère (rapport VD/VG > 0,6)
– ou critères hémodynamiques :
PAP > 30 mmHg ; IC < 2,2 L/min/m2 Absence de signes de gravité Héparine Héparine* Thrombolytique CI aux thrombolytiques embolectomie chirurgicale sous CEC embolectomie transveineuse rt-PA UK 7 Stratégie thérapeutique de l’embolie pulmonaire. HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; IV : intraveineuse ; S/C : sous-cutanée ; CI : contre-indication ; EP : embolie pulmonaire ; IVD : insuffisance ventriculaire droite ; PAP : pression artérielle pulmonaire ; VCI : veine cave inférieure ; AVK : antivitamine K ; CEC : circulation extracorporelle ; rt-PA : activateur tissulaire du plasminogène ; IC : index cardiaque ; UK : urokinase ; SK : streptokinase. * L’héparine est administrée pendant ou après le traitement thrombolytique, en fonction du protocole thrombolytique utilisé. Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10 9 évaluées que par quatre études prospectives [4, 87, 95, 98] incluant 1 200 patients qui montrent une efficacité au moins comparable des HBPM par rapport à l’HNF. La tinzaparine est la seule HBPM à avoir actuellement l’autorisation de mise sur le marché en France pour le traitement curatif de l’EP (EP non grave exclusivement), à la posologie de 175 UI/kg/j, en une injection sous-cutanée quotidienne. Deux études [4, 87] dont une multicentrique [87] ont parfaitement démontré que la tinzaparine a une efficacité et une tolérance équivalentes à celles de l’HNF dans le traitement des EP non graves. Malgré les facilités d’administration et de surveillance des HBPM, le traitement à domicile de l’EP non grave par une HBPM ne peut pas être recommandé actuellement, en l’absence d’études ayant évalué l’efficacité et la sécurité de cette pratique. En cas de survenue d’une thrombopénie à l’héparine (TIH), on peut proposer un antithrombinique (hirudine) en attendant l’efficacité du traitement par les AVK. En effet, les HBPM autrefois proposées à la place de l’HNF dans la TIH, peuvent également être responsables de TIH [45]. L’hirudine est un polypeptide qui inhibe directement de façon réversible la thrombine. Cette molécule et ses dérivés apparaissent prometteurs dans le traitement curatif des accidents thromboemboliques [45]. Le relais est ensuite pris par les antivitamines K (AVK). Ce sont les seuls anticoagulants actifs après administration par voie orale. Ils agissent en altérant la biosynthèse des facteurs de coagulation vitamine K-dépendants. Leur demi-vie est variable d’une molécule à l’autre et le recours à une AVK de courte durée d’action impose deux prises quotidiennes [10]. Le relais « héparine-AVK » peut être très précoce mais il nécessite une surveillance biologique très étroite. La durée totale du traitement anticoagulant n’a fait l’objet que de peu d’études consacrées spécifiquement à l’EP ; deux études prospectives récentes [82, 83], comparant l’efficacité d’un traitement court (4 à 6 semaines) par les AVK à un traitement plus long (3 à 6 mois) après un premier accident thromboembolique veineux (thrombose veineuse profonde ou EP), montrent un nombre de récidives statistiquement moins important dans le groupe du traitement plus long sans augmentation du risque hémorragique. On admet donc une durée moyenne de 3 à 6 mois, mais ceci peut être modulé par l’évaluation du risque thrombotique et du risque hémorragique pour chaque patient. Ainsi, la sévérité de l’épisode initial, la persistance d’une obstruction vasculaire pulmonaire, l’existence de facteurs de risque persistants et les antécédents thromboemboliques doivent inciter à prolonger le traitement en l’absence de contre-indications (tableau VII) [45]. La surveillance du traitement des AVK par le temps de Quick est remplacée par l’international normalized ratio (INR), test standardisé tenant compte de la thromboplastine utilisée. En général, la zone thérapeutique optimale, exprimée en INR, est comprise entre 2 et 3 [45]. Cependant, dans les formes récidivantes d’EP, en particulier en cas de cancer, un INR entre 3 et 4 est préconisé et en cas de nouvelle récidive, un relais par HNF ou HBPM en sous-cutané est alors recommandé. Les récidives précoces d’EP sous traitement anticoagulant efficace sont possibles mais leur fréquence semble être inférieure à 5 %. Les complications hémorragiques majeures varient suivant les études entre 3 et 8 % [55] mais sont exceptionnellement fatales. En fait, le risque hémorragique dépend essentiellement du terrain. En cas de contre-indications aux anticoagulants (tableau VIII), la seule solution est une interruption de la veine cave inférieure. ¦ Traitement symptomatique de l’insuffisance respiratoire et circulatoire – Au niveau respiratoire : dans les EP massives, il existe généralement une hypoxémie sévère imposant une oxygénothérapie nasale à débit élevé. Une ventilation artificielle est parfois nécessaire. – Au niveau circulatoire : dans les EP massives, il peut exister un état de choc sévère avec CPA (cf Physiopathologie). L’expansion volémique rapide peut augmenter modérément l’index cardiaque, mais elle doit être prudente et contrôlée idéalement par l’évaluation des volumes ventriculaires droits ou au moins par la surveillance de la pression veineuse centrale. L’action des drogues inotropes positives n’a été étayée en clinique humaine que par quelques publications [94]. Quand la baisse de l’index cardiaque est modérée, la dobutamine peut être utilisée pour augmenter le débit cardiaque et maintenir la pression artérielle [78]. L’intérêt de l’isoprotérénol, drogue inotrope, bronchodilatatrice et vasodilatatrice, est controversé mais des résultats expérimentaux suggèrent qu’elle ne doit plus être utilisée car elle entraîne une vasodilatation artérielle importante et une diminution de la perfusion coronaire. En cas d’état de choc plus sévère, la norépinéphrine semble être une excellente drogue pour maintenir à court terme une stabilité hémodynamique [78, 94]. Les vasodilatateurs ne sont pas habituellement recommandés dans les EP massives en raison de la réduction des résistances vasculaires systémiques qui ne peut être compensée par une augmentation proportionnelle du débit cardiaque. Mais le traitement de choix reste la désobstruction vasculaire pulmonaire par les thrombolytiques ou par une embolectomie. L’évolution sous traitement doit être suivie par des mesures hémodynamiques afin d’objectiver la baisse des RVP et de la PAP concomitante de l’augmentation de l’index cardiaque en cas de succès thérapeutique. ¦ Traitement thrombolytique Le traitement thrombolytique accélère la lyse des thrombi pulmonaires, induit une revascularisation pulmonaire relative de 30 à 50 % en 12 à 24 heures et réduit les RVP de 30 à 40 % dès les 6 premières heures. Mécanisme d’action des thrombolytiques Les agents thrombolytiques dissolvent le thrombus en activant de manière directe ou indirecte le plasminogène en plasmine. Il s’agit donc d’activateurs du plasminogène, le véritable agent fibrinolytique étant la plasmine. Au contact du thrombus, la plasmine dégrade la fibrine en peptides solubles. La plasmine circulante dégrade le fibrinogène et plusieurs sérines protéases (facteur V et facteur VIII) [45]. Thrombolytiques disponibles À l’heure actuelle, trois thrombolytiques ont l’autorisation de mise sur le marché dans l’EP aiguë massive. – L’urokinase (UK ; u-PA, urokinase-type plasminogen activator) est une sérine protéase proche de la trypsine. Son action est très spécifique vis-à-vis du plasminogène. L’urokinase a été isolée de l’urine et de cellules rénales embryonnaires en culture. Son gène a été cloné et exprimé dans Escherichia coli. L’urokinase existe sous deux formes : la première de bas poids moléculaire (31 500 Da), forme bicaténaire de l’urokinase provenant de l’hydrolyse de la seconde, de haut poids moléculaire (54 400 Da), forme monocaténaire (Scu-PA, single chain urokinase-type plasminogen activator), également dénommée pro-urokinase ou saruplase. Tableau VII. – Durée moyenne des anticoagulants [45]. 3 à 6 mois Premier épisode associé à un facteur de risque réversible* et limité dans le temps (les patients peuvent être porteurs d’une mutation du facteur V ou II) > 6 mois Premier épisode idiopathique
6 à 12 mois Premier épisode** chez un patient porteur :
- d’un cancer évolutif
- d’anticorps antiphospholipides
- d’un déficit en antithrombine
Récidive, idiopathique ou chez un patient porteur d’une
thrombophilie
* Réversible ou limité dans le temps : traumatisme, chirurgie, immobilisation, hormonothérapie.
** La durée des anticoagulants chez les patients présentant un premier accident thromboembolique et porteurs
d’une mutation homozygote du facteur V Leiden, d’hyperhomocystéinémie, d’un déficit en protéine C ou S ou de
plusieurs thrombophilies n’est pas claire. Il en est demêmepour les patients présentant plusieurs épisodes avec des
facteurs de risque réversibles.
11-037-B-10 Coeur pulmonaire aigu Cardiologie
10
– La streptokinase (SK) est produite par certaines souches de
streptocoques bêtahémolytiques du groupe C. Dépourvue d’activité
enzymatique propre, la SK forme, avec le plasminogène, un
complexe activateur équimolaire qui acquiert un site actif au niveau
du plasminogène et devient capable d’une part de se transformer en
un complexe actif SK-plasmine et d’autre part d’activer le
plasminogène libre en plasmine. Les acyl-enzymes (APSAC :
anisolated plasminogen streptokinase activator complex, anistréplase)
sont des dérivés inactifs d’un complexe SK-plasminogène où le
centre actif est masqué par un groupement acylé. L’hydrolyse
progressive en milieu plasmatique du groupement acylé rend le
complexe actif. La durée d’action des complexes est longue. Ces
acyl-enzymes sont antigéniques au même titre que la SK.
– L’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) est un activateur
physiologique de la fibrinolyse, sécrété par les cellules endothéliales.
Initialement isolé à partir de cellules humaines de mélanome, le t-PA
est actuellement obtenu par recombinaison génétique (rt-PA) sous
une forme monocaténaire (altéplase). L’activité enzymatique du t-PA
sur son substrat, le plasminogène, faible en l’absence de fibrine, est
fortement accrue lorsque le t-PA est lié à la fibrine. En fait, le t-PA et
le plasminogène, en s’adsorbant sur le réseau de fibrine, forment
avec la fibrine un complexe ternaire permettant l’activation du
plasminogène en plasmine au niveau du caillot. D’autres dérivés du
t-PA, plus fibrinospécifiques (rétéplase, ténectéplase) sont en cours
d’études.
Posologies utilisées des différents thrombolytiques
· Urokinase
La posologie d’urokinase utilisée dans l’EP est variable :
– perfusion intraveineuse continue de 4 400 UI/kg/h pendant 12
ou 24 heures, précédée ou non d’un bolus de 4 400 UI/kg ;
– perfusion intraveineuse continue de 2 000 UI/kg/h pendant 12 à
24 heures, précédée ou non d’un bolus de 2 000 UI/kg ;
– bolus de 15 000 UI/kg.
· Streptokinase
La posologie de SK est de 250 000 UI en 30 minutes puis de
100 000 UI/h pendant 24 heures en perfusion intraveineuse
continue.
· rt-PA
La posologie de rt-PA est habituellement de 100 mg en 2 heures.
Efficacité des traitements thrombolytiques dans l’embolie
pulmonaire
Différentes études randomisées [16, 36, 54, 66, 77, 99, 101] ont comparé
l’efficacité des thrombolytiques à l’HNF dans le traitement de l’EP
Tableau VIII. – Contre-indications des anticoagulants et des thrombolytiques [10, 55].
Contre-indications
Anticoagulants Thrombolytiques
Absolues Absolues
- syndromes ou tendances hémorragiques (sauf en cas de coagulation intravasculaire disséminée) - manifestations hémorragiques en cours ou très récentes
- endocardites bactériennes aiguës - altérations constitutionnelles ou acquises incontrôlables de l’hémostase ou
- accident vasculaire cérébral récent (sauf embolie) traitement anticoagulant oral en cours non neutralisé
- accident vasculaire cérébral, ou traumatisme crânien, ou intervention neurochirurgicale
datant de moins de 2 mois
- hypertension artérielle maligne
- intervention chirurgicale récente, datant de moins de 10 jours
- ulcère digestif évolutif
- traumatisme grave, datant de moins de 10 jours
- intervention neurochirurgicale ou oculaire récente
- examen invasif dans les 10 jours précédents : artériographie, biopsie hépatique
ou rénale, ponction veineuse sous-clavière, ponction pleurale, ponction
lombaire. Cependant, une ponction artérielle pour mesurer les gaz du sang
n’est pas une contre-indication
- injections intramusculaires, intra-artérielles, intra-articulaires
- grossesse et post-partum précoce (< 10 jours) - épanchement péricardique - hypertension artérielle sévère (systolique > 200 mmHg, diastolique
> 100 mmHg)
- dissection aortique, péricardite
Relatives Relatives
- interventions chirurgicales récentes - diathèse hémorragique
- péricardite - massage cardiaque externe
- rétinopathie diabétique
- prothèse en Dacront datant de moins de 3 mois
- endocardite
- pathologie mitrale avec fibrillation auriculaire
- insuffisance rénale
- insuffisance hépatique
- lésions ulcérées de la peau et des muqueuses
- hémorragie gastroduodénale datant de moins de 6 mois
- diverticulose colique
- maladie de Crohn
- cancer avec métastases
- âge supérieur à 70 ans
Ces contre-indications relatives dépendent du bénéfice attendu des thrombolytiques
Propres à l’anticoagulant utilisé Propres au thrombolytique utilisé
Pour l’héparine Pour la streptokinase
- antécédents d’allergie - allergie grave
- antécédents de thrombopénie à l’héparine - asthme
Pour les antivitamines K - traitement antérieur par la streptokinase dans un intervalle de 6 mois
- insuffisance hépatique ou rénale grave Pour l’urokinase
- association à l’aspirine à fortes doses, à l’acide tiénilique, au miconazole, au phénylbutazone
et dérivés
- inefficacité du traitement par apparition progressive d’un taux élevé d’inhibiteurs
de l’urokinase
- antécédents d’allergie, notamment aux dérivés de l’indanedione
Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10
11
en termes d’efficacité sur la lyse du thrombus, de taux de mortalité
et d’action à long terme sur la circulation pulmonaire. Elles montrent
que les thrombolytiques permettent une amélioration de
l’hémodynamique artérielle pulmonaire et de la perfusion
pulmonaire significativement plus importante et plus rapide que
l’héparine dans les 12 à 24 heures suivant la thrombolyse
(tableau VII). Au-delà de 7 jours et à plus long terme, la
revascularisation pulmonaire appréciée par la scintigraphie n’est pas
significativement différente entre les deux groupes [16, 54, 77].
Malgré cette recanalisation précoce, les différentes études n’ont pas
pu mettre en évidence de supériorité des thrombolytiques sur la
mortalité ; un tel effet est difficile à mettre en évidence, car chez la
plupart des patients qui meurent d’EP, le décès survient dans la
première heure après le début des symptômes, avant que le
diagnostic n’ait été porté et donc un traitement mis en route alors
que la mortalité des patients qui survivent au-delà des premières
heures et dont le diagnostic peut être fait, est faible. Il faudrait donc
une étude incluant des milliers de patients pour démontrer que les
thrombolytiques diminuent significativement la mortalité. Une seule
étude récente a évalué l’évolution de 719 patients qui présentaient
une EP massive avec une dysfonction ventriculaire droite à
l’échocardiographie ou au cathétérisme droit. Cette étude a des
limites car les patients sont non randomisés mais elle montre
cependant une diminution de la mortalité et du nombre de récidive
chez les patients qui ont été thrombolysés [50].
Différents protocoles thérapeutiques ont été évalués. Certaines
études ont comparé prospectivement différents modes
d’administration du même thrombolytique : perfusion de plusieurs
heures ou bolus. Pour l’urokinase [52, 76, 97] comme pour le t-PA [35, 89,
104], il n’y a pas de différence significative sur la revascularisation
pulmonaire entre les deux modes d’administration. L’administration
du t-PA, qu’il soit injecté par voie intra-artérielle pulmonaire ou par
voie intraveineuse directe, donne des résultats angiographiques
identiques après 2 heures de traitement [104]. La comparaison des
différents thrombolytiques entre eux ne montre pas de différence
significative. L’urokinase, administrée en 12 heures ou 24 heures,
entraîne une amélioration angiographique et hémodynamique
comparable à celle à la streptokinase [71, 102]. De même, les résultats
du t-PA sont comparables à ceux obtenus avec l’urokinase [37, 38, 63]
ou la streptokinase [62].
Effets secondaires et contre-indications des thrombolytiques
Le risque majeur des thrombolytiques est la survenue
d’hémorragies. L’incidence est approximativement de 5 à 10% pour
les hémorragies majeures et de 1 à 2% pour les hémorragies
fatales [53]. L’injection en bolus du thrombolytique ne diminue pas
l’incidence des hémorragies. Cependant, la fréquence des
complications hémorragiques peut être réduite si on limite les
ponctions vasculaires, d’où l’intérêt d’envisager des stratégies
diagnostiques non invasives.
Les contre-indications des thrombolytiques sont nombreuses
(tableau VIII) et réduisent notablement leur utilisation [2].
Indications des thrombolytiques dans l’embolie pulmonaire
Les thrombolytiques ne se discutent que dans les EP récentes
(< 5 jours) et en l’absence de contre-indications absolues. Classiquement, l’indication des thrombolytiques repose sur des données angiographiques et hémodynamiques. Les thrombolytiques sont formellement indiqués [2, 51] : – dans les EP massives (obstruction > 50 %) avec état de choc ;
– dans les EP massives (obstruction > 50 %) sans état de choc mais
avec des signes de gravité : IVD, syncope, signes de CPA
échocardiographiques ou signes de mauvaise tolérance
hémodynamique (PAP supérieure à 30 mmHg, index cardiaque
inférieur à 2,2 L/min/m2) ;
– dans les EP non massives (obstruction < 50 %) mais mal tolérées au plan hémodynamique en raison d’une pathologie cardiaque ou pulmonaire préexistante. Les thrombolytiques se discutent dans les EP massives (obstruction > 50 %) bien tolérées au plan hémodynamique : pour certains
auteurs, le traitement thrombolytique est justifié car une récidive
même minime peut entraîner la mort ; pour d’autres, le pronostic
favorable de ces formes ne justifie pas le risque de complications
hémorragiques graves. Certains facteurs peuvent cependant plaider
en faveur de la thrombolyse : le jeune âge, l’absence de
contre-indications.
L’indication des thrombolytiques va probablement reposer, dans
l’avenir, sur des critères non invasifs : présence d’une EP proximale
à l’angioscanner et des signes de gravité échocardiographiques.
¦ Place de l’embolectomie
L’embolectomie chirurgicale telle qu’elle a été préconisée par
Trendelenburg en 1908 est abandonnée au profit de l’embolectomie
sous circulation extracorporelle (CEC). Elle est toujours associée à
une interruption de la veine cave inférieure. La mortalité est élevée,
de 30 à 40 %, liée essentiellement à un état de choc cardiogénique [40,
64]. Meyer et al [64], dans une étude rétrospective incluant 96 patients,
retrouvent une mortalité plus basse chez les patients n’ayant pas eu
d’arrêt cardiorespiratoire (31 % versus 58 %). La mortalité est plus
élevée chez les patients en état de choc avant l’intervention (42 %
versus 17 %). Dans cette étude, l’existence d’une pathologie
cardiaque ou pulmonaire associée augmente aussi significativement
la mortalité.
Les indications de l’embolectomie chirurgicale sont donc
exceptionnelles :
– EP massive avec état de choc, résistant à un traitement médical
maximal associant drogues inotropes et thrombolytiques ;
– EP massive avec choc réfractaire au traitement inotrope et contreindication
aux thrombolytiques ;
– EP massive avec arrêt cardiaque persistant.
L’embolectomie par cathétérisme est une technique originale de
désobstruction des artères pulmonaires utilisant une sonde de gros
calibre. Peu d’équipes ont utilisé cette technique [100] : l’extraction du
thrombus a été possible dans 70 % des cas et la survie a été de
l’ordre de 72 %. L’obstruction doit être proximale et récente. Cette
méthode semble intéressante dans les cas où le traitement
thrombolytique est contre-indiqué, en particulier pour les patients
en état de choc, chez lesquels la mortalité de l’embolectomie
chirurgicale est très élevée.
¦ Interruption de la veine cave inférieure
Les indications de l’interruption de la veine cave inférieure sont
limitées et controversées du fait qu’aucune des propositions n’a été
validée par un essai contrôlé [45].
Indications admises
Les indications généralement admises sont :
– contre-indication à un traitement anticoagulant efficace ;
– récidive d’EP malgré un traitement anticoagulant efficace ;
– systématique en cas d’embolectomie chirurgicale.
Indications discutées
Les indications discutées sont :
– l’existence d’une thrombose veineuse profonde proximale avec,
en particulier, un « caillot flottant », mais le risque emboligène
supérieur d’une thrombose proximale, même cave, n’a jamais été
confirmé ;
– l’existence d’antécédents d’EP, une nouvelle EP pouvant être
fatale ;
– certains terrains : état cardiorespiratoire déficient, âge avancé,
existence d’un cancer.
11-037-B-10 Coeur pulmonaire aigu Cardiologie
12
Mais aucune de ces attitudes n’a été validée par des études
contrôlées.
Différents types d’interruption cave
Il existe différents types d’interruption de la veine cave inférieure :
– le filtre cave est mis en place sous anesthésie locale, le plus
souvent par abord percutané par voie jugulaire interne ou fémorale.
Depuis quelques années, ont été développés des filtres percutanés
susceptibles d’être enlevés après quelques jours, voire quelques
semaines. Leurs indications ne sont pas clairement établies : en
complément d’un traitement thrombolytique, en traitement préventif
d’une EP postopératoire ?
– le clip cave est mis en place par voie transpéritonéale ou souspéritonéale,
nécessite une anesthésie générale et n’est donc utilisé
qu’en cas d’échec des autres méthodes d’interruption de la veine
cave inférieure ou si une thrombectomie cave est nécessaire.
L’efficacité de l’interruption de la veine cave inférieure n’est pas
totale [3]. Le risque d’EP persiste malgré la pose d’un filtre ; l’analyse
de 11 études retrouve une incidence d’EP de 2,9 %, dont 0,8 % d’EP
mortelles. Les mécanismes de ces EP sont multiples : embole
provenant d’un autre territoire que les membres inférieurs,
thromboses situées au-dessus du barrage cave, migration embolique
par la circulation collatérale en cas de filtre thrombosé, migration à
travers le filtre (petit embole, rétraction du filtre), anomalie
congénitale de la veine cave inférieure (veine cave inférieure
double). De plus, une étude multicentrique et randomisée
(PREPIC) [18] a comparé, chez 400 patients ayant une thrombose
veineuse profonde proximale, la survenue d’une EP dans deux
groupes, l’un traité par héparine et interruption de la veine cave
inférieure et l’autre traité par héparine seule. Dans le groupe avec
interruption de la veine cave inférieure, le nombre d’EP est
significativement moins important. Mais le taux de récidive de
thrombose veineuse profonde à 2 ans de la première thrombose
veineuse profonde est significativement plus élevé.
Complications
Les complications de l’interruption de la veine cave inférieure sont
peu nombreuses [3]. La plus fréquente est l’obstruction du barrage
cave, dans 30 % des cas pour les clips caves et 2 à 6% pour les
filtres. Les autres complications sont plus anecdotiques. Les
migrations, les bascules, les malpositions du filtre sont rares. Les
échecs de pose seraient proches de 5 % pour l’ensemble des filtres.
Dans une analyse de 29 études, 0,12 % des décès ont été attribués à
un barrage cave.
¦ Prévention de l’embolie pulmonaire
La prévention de l’EP repose sur le traitement correct des
thromboses veineuses profondes des membres inférieurs (héparine
puis AVK ; très rarement interruption de la veine cave inférieure) et
surtout la prévention de la maladie thromboembolique veineuse.
Les héparines sous-cutanées utilisées sont l’HNF et les HBPM. Les
résultats des méta-analyses sur l’utilisation de l’HNF montrent une
réduction du risque de survenue d’une thrombose veineuse
profonde et d’EP mortelle d’environ 50 % [31]. Cependant, les HBPM
tendent à remplacer de plus en plus fréquemment l’HNF. Elles ont
fait l’objet de nombreuses études randomisées, surtout dans la
prévention postopératoire, et les résultats montrent qu’elles ont une
efficacité au moins égale à celle de l’HNF et que les complications
hémorragiques surviennent avec une fréquence comparable. Le
risque de thrombopénie induite à l’héparine n’est pas éliminé par
les HBPM. En revanche, les HBPM, du fait de la réduction du
nombre d’injections par rapport à l’HNF, apportent un confort pour
le malade et réduisent la charge de travail du personnel soignant.
Pour la prévention postopératoire, les héparines sous-cutanées
doivent être commencées 2 heures avant l’intervention et
poursuivies jusqu’à déambulation complète ; la dose et les
protocoles utilisés dépendent du risque thromboembolique
(tableau IX) [31] ; elles peuvent être associées à une contention
élastique en cas de risque modéré ou élevé.
Tableau IX. – Risque thromboembolique postchirurgical chez des patients sans prophylaxie [31].
Niveau de risque TVP distale (%) TVP proximale (%) EP (%) EP fatale (%) Prévention
Risque faible 2 0,4 0,2 0,002 Pas de mesures spécifiques
- chirurgie mineure chez des
patients < 40 ans sans facteur de risque Mobilisation rapide Risque modéré 10-20 2-4 1-2 0,1-0,4 HNF/12H ; HBPM ; bas de contention ; IPC - chirurgie mineure chez des patients avec des facteurs de risque - chirurgie non majeure chez des patients âgés de 40-60 ans sans facteur de risque - chirurgie majeure chez des patients < 40 ans sans facteur de risque Risque élevé 20-40 4-8 2-4 0,4-1 HNF/8H ; HBPM ou IPC - chirurgie non majeure chez les patients > 60 ans ou avec des
facteurs de risque
- chirurgie majeure chez des
patients < 40 ans ou avec des facteurs de risque Risque très élevé 40-80 10-20 4-10 0,2-5 HBPM ; ATG oraux ; IPC/bas de contention + HNF/HBPM ou doses HNF ajustées au TCA - chirurgie majeure chez les patients > 40 ans avec antécédent
MTEV, cancer ou état
d’hypercoagulabilité
- arthroplastie de hanche ou de
genou ; fracture de hanche
- polytraumatisme
- lésion rachidienne
HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; IPC : compression pneumatique intermittente ; TCA : temps de céphaline activé ; TVP : thrombose veineuse profonde ; EP : embolie pulmonaire.
Cardiologie Coeur pulmonaire aigu 11-037-B-10
13
Au cours de l’insuffisance cardiaque, de l’infarctus du myocarde et
des accidents vasculaires cérébraux non hémorragiques, l’HNF est
souvent préférée, les HBPM n’ayant pas fait l’objet d’un grand
nombre d’essais cliniques.
D’autres méthodes préventives ont été évaluées mais ne sont pas
utilisées de façon courante [31] : le dextran, les AVK, les méthodes
physiques (contention élastique, la compression mécanique
intermittente), les associations (HNF + dihydroergotamine, HNF
+ compression mécanique intermittente).
Autres étiologies de coeur pulmonaire
aigu
Le CPA peut relever d’autres étiologies plus rares que l’EP :
– les obstructions massives non thrombotiques du lit vasculaire
pulmonaire [21] : tumorale, amniotique, graisseuse, gazeuse,
septique ;
– les états associés à une vasoconstriction artériolaire pulmonaire :
pneumopathies aiguës, décompensations aiguës d’insuffisance
respiratoire chronique, les états de mal asthmatiques ;
– les shunts gauche-droite : perforation septale ;
– les poussées aiguës d’HTAP chronique ;
– le syndrome de détresse respiratoire aiguë où plusieurs
mécanismes sont impliqués : obstruction vasculaire par des thrombi,
compression vasculaire extrinsèque par l’oedème, vasoconstriction
hypoxique, vasospasme d’origine humorale.
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