Hypertensions artérielles pulmonaires
précapillaires
E Weitzenblum
A Chaouat
Résumé. – Les hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP) précapillaires sont définies par une élévation
anormale (> 20 mmHg) de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP), alors que la pression capillaire
pulmonaire est normale (£ 12 mmHg). L’HTAP primitive est la forme la plus sévère d’HTAP précapillaire. Elle
est rare (incidence annuelle de 1/500 000) et prédomine dans le sexe féminin. Elle évolue plus ou moins
rapidement vers une insuffisance cardiaque droite irréversible. Lorsque les vasodilatateurs pulmonaires (le
plus efficace est la prostacycline en perfusion intraveineuse continue) sont inopérants, il faut envisager la
greffe cardiopulmonaire. L’HTAP thromboembolique a des points communs avec l’HTAP primitive (sévérité,
rapidité évolutive) ; le diagnostic différentiel entre l’une et l’autre est parfois difficile. L’HTAP
thromboembolique peut bénéficier d’un traitement chirurgical : la thromboendartériectomie.
L’HTAP des affections respiratoires chroniques, essentiellement les bronchopneumopathies chroniques
obstructives (BPCO), est la plus fréquente des HTAP précapillaires. Elle n’a pas la gravité de l’HTAP primitive,
mais elle peut favoriser des poussées d’insuffisance cardiaque droite. La PAP est modérément élevée dans la
plupart des cas (20-40 mmHg), mais l’HTAP peut s’accentuer considérablement au cours des exacerbations
aiguës, de l’exercice physique et du sommeil. L’hypoxie alvéolaire représente le facteur majeur de l’HTAP et,
logiquement, le meilleur traitement de l’HTAP hypoxique (celle des BPCO) est l’oxygénothérapie prolongée
(16 heures sur 24 heures ou plus). Celle-ci améliore ou, tout au moins, stabilise l’hypertension pulmonaire.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : hypertension artérielle pulmonaire précapillaire, BPCO, hypertension artérielle pulmonaire
primitive, hypoxie alvéolaire.
Introduction
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) précapillaire est celle
qui résulte d’une élévation des résistances vasculaires pulmonaires
(RVP), par opposition aux hypertensions pulmonaires postcapillaires
(rétrécissement mitral, insuffisance cardiaque gauche) et aux
hypertensions pulmonaires hypercinétiques (shunts gauche-droit).
De façon schématique, l’HTAP précapillaire correspond donc en gros
aux causes pneumologiques, par opposition aux causes
cardiologiques. En fait, le cadre des HTAP précapillaires est très
vaste et ne se limite pas aux hypertensions pulmonaires compliquant
les affections respiratoires chroniques. Ce cadre comporte également
l’HTAP « primitive » et les états apparentés, ainsi que l’HTAP
thromboembolique : il s’agit d’affections sévères, rapidement
évolutives, qui ont finalement peu de points communs avec l’HTAP
précapillaire compliquant les affections respiratoires chroniques,
bronchopneumonies chroniques obstructives (BPCO) le plus
souvent. Nous décrivons séparément ces HTAP, qui sont très
différentes sur le plan clinique, mais aussi sur le plan
hémodynamique et sur le plan des possibilités thérapeutiques. Après
un rappel des mécanismes de l’HTAP précapillaire, nous
envisageons donc successivement l’HTAP « primitive » et les états
apparentés, l’HTAP thromboembolique et l’HTAP des affections
respiratoires chroniques.
Définitions
On définit généralement l’HTAP par l’existence d’une pression
artérielle pulmonaire moyenne (PAP) de repos, en décubitus,
supérieure à 20 mmHg. Le caractère précapillaire est attesté par une
pression capillaire pulmonaire (PCP) normale inférieure ou égale à
12 mmHg. Comme on le verra plus loin, la définition de l’HTAP
primitive est quelque peu différente (PAP > 25 mmHg).
Chez les sujets sains et jeunes (< 50 ans), la PAP est le plus souvent
comprise entre 10 et 15 mmHg. Avec le vieillissement, il existe une
discrète élévation de la PAP, de l’ordre de 1 mmHg par décennie.
Une PAP supérieure à 20 mmHg est toujours anormale [72], alors que
des valeurs comprises entre 15 et 20 mmHg doivent être interprétées
en fonction de l’âge, du contexte clinique et fonctionnel, et surtout
de la PAP d’exercice. En effet, dans l’évolution de l’insuffisance
respiratoire, l’HTAP est souvent précédée par une élévation
anormale de la PAP lors de l’exercice, définie par une pression
supérieure à 30 mmHg pour un exercice modéré (40 W) en régime
stable [89]. Le terme d’HTAP d’exercice (ou d’effort) est parfois
employé dans ce cas mais, à notre avis, le terme d’HTAP doit être
réservé à l’élévation de la PAP de repos.
Nouvelle classification
des hypertensions pulmonaires
Un groupe de travail réuni à Evian en septembre 1998 a proposé
une nouvelle classification des hypertensions pulmonaires, présentée
Emmanuel Weitzenblum : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Ari Chaouat : Praticien hospitalier.
Service de pneumologie, hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg cedex, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-037-D-10
11-037-D-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Weitzenblum E et Chaouat A. Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Cardiologie, 11-037-D-10, 2002, 13 p.
dans le tableau I. Cette classification se veut empirique et pratique.
Elle n’a pas de base physiopathologique. Les cinq grands groupes
d’hypertension pulmonaire sont :
– l’HTAP « primitive » et les états apparentés ;
– les hypertensions veineuses pulmonaires dans lesquelles il faut
inclure la maladie veino-occlusive pulmonaire ;
– l’hypertension pulmonaire consécutive aux affections respiratoires
et/ou à l’hypoxémie chronique ;
– l’hypertension pulmonaire thromboembolique ;
– l’hypertension pulmonaire en rapport avec des affections qui
touchent directement le lit vasculaire pulmonaire, telles que la
schistosomiase.
Dans cette mise au point, nous traitons :
– l’HTAP « primitive » et les états apparentés (chapitre 1 de la
classification) ;
– l’HTAP des affections respiratoires chroniques (chapitre 3 de la
classification) ;
– l’HTAP thromboembolique (chapitre 4 de la classification).
Mécanismes de l’hypertension
artérielle pulmonaire
La PAP représente la somme de l’hypertension postcapillaire (PCP)
et de la pression motrice à travers la circulation pulmonaire. Cette
dernière est le produit du débit cardiaque (Q) et des RVP. On peut
donc écrire : PAP = PCP + (Q ´ RVP). Ainsi, trois variables peuvent
contribuer à l’élévation de la PAP : la PCP, le débit cardiaque
(hypertension pulmonaire hypercinétique) et les RVP (hypertension
pulmonaire précapillaire). L’HTAP précapillaire que nous
envisageons est caractérisée par l’élévation des RVP alors que le
débit cardiaque et la PCP (£ 12 mmHg) sont normaux.
Les facteurs responsables d’une élévation des RVP apparaissent sur
le tableau II. On distingue classiquement les facteurs anatomiques
(amputation du lit vasculaire pulmonaire illustrée par la maladie
thromboembolique pulmonaire) des facteurs fonctionnels, mais cette
distinction est un peu artificielle puisque l’hypoxie alvéolaire, qui
représente de loin le facteur fonctionnel le plus important, a
également à long terme des conséquences morphologiques notables
(« remodelage » du lit vasculaire pulmonaire). Nous reviendrons
ultérieurement, à propos de l’HTAP des affections respiratoires
chroniques, sur les mécanismes d’action de l’hypoxie alvéolaire
aiguë et de l’hypoxie alvéolaire chronique.
Le cas de l’HTAP primitive est particulier. Elle débute peut-être par
un vasospasme pulmonaire diffus et, chez certains patients, la
vasoconstriction artériolaire reste au premier plan tout au long de
l’évolution. Pour certains, la prolifération intimale est le point de
départ du processus. Plus ou moins rapidement vont s’installer des
lésions irréversibles des artères pulmonaires de petit calibre. Il y a
donc une association ou une succession de facteurs fonctionnels et
anatomiques responsables de l’HTAP.
Hypertension artérielle pulmonaire
primitive
DÉFINITION
Il s’agit en fait d’une hypertension pulmonaire inexpliquée ; le terme
de primitive témoignant de notre ignorance (relative) des causes
précises de cette HTAP. Dans la nouvelle classification de
l’hypertension pulmonaire (tableau I), l’hypertension artérielle
primitive et les formes apparentées sont regroupées sous le terme
général d’hypertension artérielle pulmonaire.
L’HTAP primitive est définie par une PAP de plus de 25 mmHg au
repos, la PCP étant normale. Aucune cause habituelle d’HTAP ne
peut être documentée, ni cardiopathie gauche, ni cardiopathie
Tableau I. – Nouvelle classification des hypertensions pulmonaires
(groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé [OMS],
1998).
1. Hypertension artérielle pulmonaire
1.1 Hypertension artérielle pulmonaire primitive
- sporadique
- familiale
1.2 Hypertension artérielle pulmonaire associée à
- collagénose
- shunts congénitaux gauche-droite
- hypertension portale
- infection par le VIH
- prise d’anorexigènes, d’autres médicaments, de toxines etc...
- hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né
- autres
2. Hypertension veineuse pulmonaire
2.1 Cardiopathie gauche
2.2 Cardiopathie valvulaire du coeur gauche
2.3 Compression extrinsèque des veines pulmonaires centrales
- médiastinite fibreuse
- adénopathies, tumeurs
2.4 Maladie veino-occlusive pulmonaire
2.5 Autres
3. Hypertension pulmonaire associée aux affections de l’appareil respiratoire
et/ou à l’hypoxémie
3.1 BPCO
3.2 Pneumopathies interstitielles
3.3 Troubles respiratoires du sommeil
3.4 Syndromes d’hypoventilation alvéolaire
3.5 Exposition chronique à la haute altitude
3.6 Pathologie pulmonaire néonatale
3.7 Dysplasie alvéolocapillaire
3.8 Autres
4. Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique
4.1 Obstruction thromboembolique des artères pulmonaires proximales
4.2 Obstruction des artères pulmonaires distales
- par embolie pulmonaire
- par thrombose in situ
- dans le cadre de la drépanocytose
5. Hypertension pulmonaire due à des affections touchant directement
les vaisseaux pulmonaires
5.1 Processus inflammatoires
- schistosomiase
- sarcoïdose
- autres
5.2 Hémangiomatose capillaire pulmonaire
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.
Tableau II. – Facteurs susceptibles d’augmenter les résistances
vasculaires pulmonaires.
Facteurs anatomiques
- Amputation (destruction, obstruction) du lit vasculaire pulmonaire
- Lésions thromboemboliques
- Diminution diffuse de la lumière des petites artères et artérioles pulmonaires
(exemple, HTAP « primitive »)
- Fibrose pulmonaire
- Emphysème pulmonaire
Facteurs fonctionnels
- Hypoxie alvéolaire
hypoxie alvéolaire aiguë (vasoconstriction pulmonaire)
hypoxie alvéolaire chronique (« remodelage » du lit vasculaire pulmonaire)
- Acidose, hypercapnie
- Hyperviscosité (polyglobulie)
- Hypervolémie (polyglobulie)
- Facteurs mécaniques (compression des vaisseaux alvéolaires du fait, par exemple,
de l’élévation de la pression intrathoracique)
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.
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congénitale, ni insuffisance respiratoire chronique, ni maladie
thromboembolique pulmonaire. Certaines conditions pathologiques
peuvent être associées à l’HTAP primitive, telles que l’hypertension
portale ou les maladies de système (collagénoses) (tableau I). Il s’agit
des affections apparentées à la l’HTAP primitive.
ÉPIDÉMIOLOGIE. FACTEURS DE RISQUE
On estime que l’incidence annuelle de l’HTAP primitive est de
l’ordre de 1 à 2 cas par million d’habitants [1]. Il s’agit donc d’une
affection rare, « orpheline ». Seules des études multicentriques [1, 56]
ou le recrutement étendu de certains centres de référence comme
l’hôpital Antoine Béclère [13] ont permis de réunir des séries de cas
importantes.
La prévalence féminine est classique dans l’HTAP primitive, le ratio
femme/homme est de 1,7/1 dans le registre national américain [56],
de 1,8/1 dans la statistique de l’hôpital Antoine Béclère [13] et de
2,3/1 dans l’étude récente de l’International Primary Pulmonary
Hypertension Study (IPPHS) [1]. Le pic de fréquence de l’affection
était considéré classiquement comme se situant entre 20 et 40 ans,
mais on observe depuis quelques années un « vieillissement » de la
population avec HTAP primitive et, à titre d’illustration, l’âge moyen
dans l’étude récente IPPHS [1] est de 45 ± 12 ans.
On sait depuis longtemps que certaines conditions pathologiques
peuvent être associées à l’HTAP primitive (états apparentés)
(tableau I) :
– les collagénoses, et en particulier le CREST (calcinose souscutanée,
syndrome de Raynaud, dysfonction de l’oesophage,
sclérodactylie, télangiectasies) syndrome ;
– l’hypertension portale [37] ;
– le syndrome de Raynaud.
Par ailleurs, des anomalies auto-immunes biologiques peuvent être
observées en l’absence de signes cliniques de collagénose. L’HTAP
primitive est plus fréquente chez les sujets infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) que dans la population
générale [71]. À titre d’illustration, la statistique de l’hôpital Antoine
Béclère indique la présence d’une hypertension portale dans 11 %
des cas, et une infection par le VIH dans également 11 % des cas [13].
Le rôle possible de facteurs médicamenteux est bien connu depuis
l’« épidémie » d’HTAP primitive observée en Suisse, en Autriche et
en Allemagne dans les années 1966-1968. Cette augmentation brutale
et sévère de l’incidence de l’HTAP primitive était liée à la mise sur
le marché d’un amphétaminique anorexigène, le fumarate
d’aminorex [30]. L’incidence de la maladie est revenue à son niveau
antérieur après le retrait du produit. Plus récemment, le rôle
favorisant possible d’autres anorexigènes, notamment la
fenfluramine et la dexfenfluramine, a été souligné [14]. Une étude cascontrôle
récente a montré que la prise d’anorexigènes était associée
à un risque accru d’HTAP primitive : le facteur de risque est de 6, et
il passe à 23 si les médicaments anorexigènes sont pris pendant
plus de 3 mois [1]. Ce risque concerne l’ensemble de la classe
des anorexigènes et pas seulement la fenfluramine et la
dexfenfluramine [1]. La plupart de ces anorexigènes, et notamment la
fenfluramine et la dexfenfluramine, ont été retirés du marché en
1997.
Des formes familiales d’HTAP primitive ont été décrites : elles
représentent 6 % des cas dans l’étude américaine du National
Institute of Health [56]. Un mode de transmission autosomique
dominant est généralement retenu ; il existe des sauts de génération.
Un gène favorisant l’apparition de l’HTAP a été décrit récemment.
La susceptibilité génétique ne représente cependant que l’un des
facteurs étiopathogéniques de l’HTAP primitive.
MORPHOLOGIE
Il n’est pas question ici d’entrer dans le détail de la classification
morphologique et des lésions observées. L’aspect morphologique le
plus caractéristique est l’artériopathie plexogénique [77, 78], laquelle
n’est d’ailleurs pas spécifique de l’HTAP primitive. Le mécanisme
de constitution des lésions plexiformes est encore inconnu, et on ne
sait si elles sont la conséquence d’une prolifération anormale ou
d’un processus d’angiogenèse. Les lésions plexiformes ne concernent
que les stades avancés de la maladie. Les stades de début sont
caractérisés par une prolifération cellulaire endothéliale et par une
muscularisation artérielle accrue. Le « remodelage » vasculaire
pulmonaire intéresse aussi bien l’intima (endothélium) que la média
musculaire et l’adventice.
ÉTIOPATHOGÉNIE
Les conceptions qui prévalent actuellement peuvent être
schématisées ainsi : chez des sujets qui présentent une susceptibilité
génétique (tous les gènes n’ont probablement pas été identifiés) et,
par ailleurs, des facteurs de risque (tels que la prise de certains
anorexigènes) ou des conditions associées (telles que l’hypertension
portale, l’infection par le VIH, un syndrome de Raynaud, etc), le
point de départ de la maladie est sans doute une dysfonction de
l’endothélium et/ou du muscle lisse vasculaire pulmonaire. La
vasoconstriction artérielle pulmonaire, conduisant ultérieurement à
l’épaississement de la média musculaire, était considérée
classiquement comme l’élément le plus précoce [76]. En fait, la
dysfonction endothéliale peut également conduire à la prolifération
cellulaire endothéliale, au « remodelage » vasculaire pulmonaire, et
finalement, à l’élévation des RVP. Cette dernière, qui est très
caractéristique de l’HTAP primitive, n’est donc pas liée
exclusivement à la vasoconstriction, et s’explique également par les
modifications structurelles (remodelage) du lit vasculaire
pulmonaire. Lorsque les modifications structurelles sont évoluées,
elles ne sont généralement pas réversibles, et on ne peut espérer
alors une normalisation des RVP sous traitement.
Au cours de ces dernières années, le rôle des perturbations
fonctionnelles de l’endothélium pulmonaire dans la genèse de
l’HTAP primitive a été largement souligné. Le mécanisme précis de
la constitution de cette maladie demeure cependant méconnu pour
l’essentiel.
CLINIQUE ET DIAGNOSTIC
Le délai moyen entre le début des symptômes et le diagnostic est
souvent élevé, en moyenne de 2 ans [61]. Le signe fonctionnel qui
amène les patients à consulter est généralement la dyspnée : elle est
pratiquement constante au moment du diagnostic, mais de gravité
variable. La moitié des patients environ sont dans les classes
fonctionnelles NYHA (New York Heart Association) III et IV, ce qui
correspond à une dyspnée importante, voire invalidante. Les
patients décrivent volontiers une dyspnée progressivement
croissante qui a fini par les amener à consulter.
Les autres symptômes les plus fréquents sont l’asthénie, des
douleurs angineuses et des syncopes survenant à l’exercice. Un
phénomène de Raynaud est observé dans 10 % des cas environ.
L’examen clinique montre un éclat de B2 au foyer pulmonaire dans
la plupart des cas ; un souffle d’insuffisance tricuspidienne
(traduisant la dilatation des cavités cardiaques droites) est également
fréquent. Des oedèmes des membres inférieurs et une hépatomégalie
sont observés à un stade avancé de l’affection.
L’électrocardiogramme (ECG) montre dans presque tous les cas des
signes francs d’hypertrophie ventriculaire droite. La radiographie
thoracique montre généralement une augmentation du volume des
artères pulmonaires qui peut être impressionnante dans certains cas ;
la cardiomégalie est plus tardive ; les poumons sont d’aspect normal.
L’échocardiographie permet d’exclure d’autres cardiopathies. Elle
montre que la fonction ventriculaire gauche est normale. Il existe
une dilatation importante du ventricule droit dans les formes
avancées de l’affection. L’échodoppler autorise, en cas d’insuffisance
tricuspidienne, une estimation indirecte de la PAP systolique. Il
permet également, en cas d’insuffisance pulmonaire, une estimation
de la PAP diastolique. Il est donc possible de connaître avec une
assez bonne précision le niveau de l’hypertension pulmonaire. Ces
Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
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examens sont très utiles pour le suivi des patients, et évitent la
multiplication des explorations invasives (cathétérisme droit). La
scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion montre un aspect
normal ou un aspect hétérogène diffus. Lorsqu’une maladie
thromboembolique pulmonaire ne peut être éliminée (cas de defects
multiples) on demande un angioscanner pulmonaire plutôt qu’une
angiographie pulmonaire. Le diagnostic différentiel le plus difficile
est en effet l’HTAP thromboembolique. Dans l’HTAP primitive,
l’angioscanner et l’angiographie pulmonaire montrent des artères
pulmonaires proximales libres et dilatées. L’exploration
fonctionnelle respiratoire montre soit des valeurs normales, soit des
perturbations discrètes : déficit ventilatoire restrictif modéré.
L’hypoxémie artérielle est fréquente, mais le plus souvent modérée,
accompagnée d’hypocapnie et d’élévation de la différence
alvéoloartérielle de la pression en oxygène (PO2). À un stade avancé
de l’évolution, on peut observer une hypoxémie sévère, mal corrigée
par l’O2, en rapport avec un shunt droite-gauche, liée généralement
à l’ouverture d’un foramen ovale perméable. La capacité de transfert
de l’oxyde de carbone (CO) est abaissée. L’exploration
hémodynamique pulmonaire (cathétérisme cardiaque droit) est
essentielle pour le diagnostic mais aussi pour apprécier la gravité
de l’HTAP. Il s’agit d’une HTAP de type précapillaire avec une PAP
moyenne généralement supérieure à 40 mmHg. L’élévation de la
PAP est liée à celle des RVP. Le débit cardiaque est normal ou
abaissé.
À titre d’illustration, le tableau III rapporte les résultats hémodynamiques
pulmonaires de trois des séries les plus importantes de la
littérature. On constate que les résultats sont tout à fait
superposables d’une série à l’autre :
– hypertension pulmonaire importante avec une PAP moyenne de
l’ordre de 55-60 mmHg ;
– élévation considérable des RVP alors que la pression capillaire
pulmonaire est normale ;
– chute du débit cardiaque ;
– élévation de la pression moyenne de l’oreillette droite.
Les critères hémodynamiques pulmonaires de gravité sont [21] :
– l’élévation de la PAP au-delà de 60-70 mmHg ;
– l’élévation sévère des RVP (> 25 mmHg/L/min/m2) ;
– l’élévation de la pression moyenne de l’oreillette droite au-delà de
15 mmHg ;
– la chute du débit cardiaque en dessous de 2,5 L/min/m2.
ÉVOLUTION ET TRAITEMENT
L’évolution ne peut être dissociée du traitement. Avant l’ère des
traitements modernes (époprosténol, transplantation pulmonaire), la
médiane de survie à partir du diagnostic n’était que de 2 ans et
demi environ [21]. L’évolution était marquée par la répétition
d’épisodes d’insuffisance cardiaque droite de gravité croissante. Le
décès survenait généralement dans un tableau d’insuffisance
cardiaque droite irréversible. Les décès brutaux n’étaient pas rares.
Les traitements vasodilatateurs et l’époprosténol ont permis
d’améliorer très notablement l’espérance de vie.
Le schéma thérapeutique généralement accepté aujourd’hui est
schématisé sur la figure 1 sous la forme d’un algorithme. Ce schéma
est valable pour l’HTAP primitive et pour les états apparentés
(HTAP associée à une maladie systémique, à une infection par le
VIH, HTAP avec hypertension portale, etc).
Il n’est pas possible de prévoir quels malades vont être répondeurs
aux vasodilatateurs [79]. Il est donc nécessaire de tester la réponse
vasculaire pulmonaire au cours d’une exploration hémodynamique
et on fait appel le plus souvent, pour cela, au monoxyde d’azote
(NO) qui est d’utilisation plus facile que l’époprosténol [54, 62, 69]. Les
auteurs nords-américains utilisent également l’adénosine [43] pour
tester la réponse vasculaire pulmonaire. En cas de réponse favorable
caractérisée par une baisse des RVP d’au moins 20 % (avec élévation
simultanée du débit cardiaque et baisse de la PAP), on initie un
traitement de longue durée avec inhibiteurs calciques (nifédipine ou
diltiazem), mais un effet vasodilatateur persistant n’est observé que
chez 25 % environ des patients répondeurs [57]. Les doses sont plus
importantes que celles que l’on utilise dans le traitement de
l’hypertension systémique et de l’insuffisance coronarienne. Le
cathétérisme cardiaque droit est indispensable lors du bilan initial,
mais l’échocardiographie doppler est très précieuse pour suivre, de
façon non invasive, l’évolution des pressions sous traitement. Les
effets secondaires des inhibiteurs calciques ne sont pas rares
(hypotension systémique, oedèmes importants des membres
inférieurs, hypoxémie liée à une aggravation des inégalités
ventilation-perfusion) et conduisent parfois à l’arrêt du traitement.
Chez les non-répondeurs « en aigu » aux vasodilatateurs
pulmonaires, l’attitude thérapeutique dépend de la classe
fonctionnelle NYHA (fig 1).
Si la classe fonctionnelle NYHA est I ou II, témoignant d’une assez
bonne tolérance clinique, on se limite au traitement
« conventionnel », lequel se résume à des anticoagulants. Les
anticoagulants sont prescrits en raison du risque accru d’accident
thromboembolique pulmonaire chez ces patients. Une étude
rétrospective a montré que le traitement anticoagulant prolongeait
l’espérance de vie des malades avec HTAP [28].
Lorsque les non-répondeurs sont de classe NYHA III-IV, on envisage
un traitement au long cours avec l’époprosténol (prostacycline)
intraveineux. Ce traitement a été essayé dès 1984 au Royaume-
Uni [34] et il est actuellement utilisé sur une large échelle [33, 38, 63]. En
raison de la demi-vie très courte de l’époprosténol, une perfusion
continue est nécessaire : le traitement peut être assuré par un
réservoir portable relié à un cathéter central. Une étude
multicentrique nord-américaine de 1996 [7] a montré qu’un
traitement de 3 mois par perfusion continue d’époprosténol améliore
significativement l’hémodynamique pulmonaire, la tolérance à
l’exercice, et surtout l’espérance de vie des malades avec HTAP
primitive par comparaison au traitement par inhibiteurs calciques.
Le tableau IV montre les résultats hémodynamiques pulmonaires
obtenus après plus de 1 an de traitement par époprosténol dans une
série de 27 patients avec HTAP primitive [38]. Alors qu’en « aigu »
(sous adénosine), il n’y a pas de chute de la PAP et une baisse
seulement modérée des RVP, au bout de 1 an de traitement par
époprosténol, il existe une baisse importante de la PAP, une baisse
spectaculaire des RVP et une élévation considérable du débit
cardiaque.
Le traitement au long cours par époprosténol peut donc donner de
très bons résultats, même lorsque les vasodilatateurs pulmonaires
ne sont pas actifs au cours des tests « aigus » de réversibilité. On
Tableau III. – Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) primitive :
données hémodynamiques pulmonaires de trois importantes séries
de la littérature (valeurs moyennes ± écart-type).
Étude
multicentrique
américaine du
NIH (1981-1985)
[56]
Hôpital
A Béclère,
Clamart
(1981-1992) [13]
Étude
multicentrique
IPPHS
(septembre
1992-septembre
1994 [1]
Nombre de patients 187 173 95
Âge (années) 36 ± 15 39 ± 13 45 ± 12
Rapport femmes/
hommes 1,7/1 1,8/1 2,3/1
PAP (mmHg) 60 ± 18 58 ± 14 57 ± 13
PCP (mmHg) 8 ±4 7±3 9± 3
POD (mmHg) 9 ± 6 8,5 ± 5,0 11 ± 6
IC (l/min/m2) 2,27 ± 0,90 2,2 ± 0,5 2,30 ± 0,70
RVP
(mmHg/L/min/m2 26 ± 14 28 ± 11 -
PAS (mmHg) 91 ± 14 91 ± 13 97 ± 14
FC (coups/min) 85 ± 15 87 ± 13 84 ± 13
POD : pression oreillette droite ; PAP : pression artérielle pulmonaire moyenne ; PCP : pression capillaire
pulmonaire ; IC : index cardiaque ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires ; PAS : pression artérielle systémique
moyenne ; FC : fréquence cardiaque.
NIH : National Institute of Health. IPPHS : International Primary Pulmonary Hypertension Study.
11-037-D-10 Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires Cardiologie
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suppose que l’époprosténol favorise un « remodelage » du lit
vasculaire pulmonaire. En dépit de son coût très élevé et de sa
complexité technique, ce traitement est d’un grand intérêt, puisqu’il
a permis chez certains malades une amélioration persistante,
clinique et hémodynamique pulmonaire, pendant plusieurs années.
Des analogues de la prostacycline sous forme orale, sous-cutanée ou
inhalée (aérosols), sont en cours de développement ou déjà
disponibles sur le marché. Ils permettront sans doute un traitement
moins contraignant, en particulier dans les formes cliniques moins
sévères (classe NYHA II). Les antagonistes de l’endothéline
(Bosentan), utilisés per os, ont donné des résultats prometteurs et
seront prochainement disponibles.
Lorsque le traitement par époprosténol ne peut empêcher la
dégradation progressive sur le plan clinique (accentuation de la
dyspnée, poussées répétitives d’insuffisance cardiaque droite) et sur
le plan hémodynamique pulmonaire, on envisage la transplantation
pulmonaire ou cardiopulmonaire. L’espérance de vie 2 ans après
transplantation pour HTAP primitive est de l’ordre de 70 %. Le
nombre de cas proposés pour transplantation a diminué très
significativement depuis le développement du traitement par
époprosténol. Beaucoup de centres adoptent actuellement l’attitude
suivante : les patients les plus sévères sont mis sous traitement par
époprosténol et sont inscrits sur une liste d’attente de
transplantation ; ceux qui s’améliorent suffisamment sous
prostacycline peuvent renoncer à la transplantation [61].
La grossesse aggrave franchement l’état hémodynamique des
patientes avec HTAP primitive et elle doit être formellement
déconseillée.
Les traitements « modernes » ont amélioré considérablement
l’espérance de vie dans l’HTAP primitive : les patients qui répondent
aux inhibiteurs calciques auraient une espérance de vie de 95 % à 5
ans [57]. L’amélioration de l’espérance de vie sous prostacycline est
également très significative [63].
Hypertension artérielle pulmonaire
thromboembolique chronique
L’HTAP thromboembolique chronique (HTAPTEC) est synonyme de
coeur pulmonaire chronique postembolique. Elle est connue de
longue date mais elle était plutôt considérée jusqu’à ces dernières
années comme une curiosité rare. Les progrès des méthodes
HTAPP et HTAP en rapport avec / associée à
prise d'anorexigènes
hypertension portale
connectivites
infection VIH
shunts cardiaques congénitaux
Cathétérisme droit et test de réversibilité au
monoxyde d'azote inhalé (NO)
Non-répondeurs Réponse : baisse de la PAP et des RVP
> 20 % sous NO
NYHA III-IV
Époprosténol et
traitement
conventionnel
Bons résultats cliniques
et hémodynamiques,
poursuite du traitement
NYHA I-II
Traitement
conventionnel
Échec
Évoquer la possibilité
d'une septotomie atriale
Transplantation en cas
d'HTAPP ou de shunt
cardiaque congénital
Répondeurs
Inhibiteurs calciques et
traitement conventionnel
Bons résultats
cliniques et
hémodynamiques,
poursuite du
traitement
Absence de résultats
voir Non-répondeurs
1 Algorithme de traitement de l’hypertension artérielle
pulmonaire primitive (HTAPP). PAP : pression artérielle
pulmonaire moyenne ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires
; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ;
NO : monoxyde d’azote ; VIH : virus de l’immunodéficience
humaine ; NYHA : New York Heart Association.
Tableau IV. – Évolution des données hémodynamiques pulmonaires
dans 27 cas d’hypertension artérielle pulmonaire primitive ayant fait
l’objet de 1 an de traitement par époprosténol (d’après [38]).
Variables État de base
Administration
« aiguë »
d’adénosine
Après 1 an de
traitement par
époprosténol
PAS (mmHg) 102 ± 18 99 ± 16 87 ± 10(2)
POD (mmHg) 15 ±6 16 ±6 9± 7(2)
PAP (mmHg) 67 ± 10 65 ± 13 52 ± 12(2)
Débit cardiaque L/min 3,76 ± 1,19 5,09 ± 1,68(1) 6,29 ± 1,97(2)
RVP (unités) 16,7 ± 5,4 12,1 ± 4,6(1) 7,9 ± 3,8(2)
Résistances vasculaires
systémiques (unités) 25,1 ± 8,9 17,7 ± 6,2 13,5 ± 4,9(2)
SaO2 (%) 91 ±5 94 ± 4(1) 93 ± 6(1)
Sv¯O2(%) 53 ±8 65 ± 8(1) 64 ± 10(2)
PAS : pression artérielle systémique moyenne ; POD : pression oreillette droite ; PAP : pression artérielle
pulmonaire moyenne ;RVP : résistances vasculaires pulmonaires ; Sv¯O2 : saturation en oxygène du sang de l’artère
pulmonaire ; SaO2 : saturation de l’hémoglobine en oxygène dans le sang artériel.
Valeurs moyennes ± écart-type.
(1) p < 0,001 pour la comparaison avec l’état de base.
(2) p < 0,005 pour la comparaison avec l’état de base.
Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
5
diagnostiques (angioscanner) et les possibilités thérapeutiques
nouvelles ouvertes par la chirurgie (endartériectomie,
transplantation) ont indiscutablement contribué au regain d’intérêt
suscité par l’HTAPTEC.
La définition hémodynamique est la même que pour l’HTAP
primitive : PAP > 25 mmHg alors que la PCP est normale
(£ 12 mmHg). L’HTAPTEC concerne généralement les gros
vaisseaux pulmonaires. Elle est parfois difficile à différencier de
l’HTAP primitive, laquelle représente le diagnostic différentiel
majeur.
Pour Moser et al [45], sur les 500 000 patients présentant chaque année
une embolie pulmonaire aux États-Unis, 450 environ (1 ‰) vont
développer une HTAPTEC. Si l’on rapporte ces chiffres à la
population française, on obtient une incidence annuelle de 90 cas, ce
qui est assez proche de celle de l’HTAP primitive (cf supra).
L’affection touche également les deux sexes et se rencontre à tous
les âges.
PATHOGÉNIE. PHYSIOPATHOLOGIE
On fait intervenir deux facteurs principaux ne s’excluant d’ailleurs
pas l’un l’autre :
– la non-résolution (ou le défaut de résolution) des emboles
pulmonaires par insuffisance des mécanismes de la fibrinolyse ;
– la répétition d’embolies pulmonaires conduisant à un
dépassement des possibilités de résorption des caillots.
Dans certains cas, l’HTAPTEC est effectivement observée à la suite
d’embolies pulmonaires récidivantes. Dans de nombreux cas, elle
est en fait découverte sans que l’on ait la notion d’embolies
pulmonaires préexistantes. Le risque d’HTAPTEC est minime en
regard de la fréquence des embolies pulmonaires (moins d’un cas
pour 1 000 embolies). Par ailleurs, les séquelles de thromboembolies
chroniques n’entraînent pas nécessairement d’HTAP : on admet qu’il
faut une amputation de plus de 50 % du lit vasculaire pulmonaire
pour qu’apparaisse une hypertension pulmonaire. L’HTAPTEC
représente le type de l’élévation des RVP liée à une cause
anatomique (en l’occurrence l’obstruction du lit vasculaire
pulmonaire proximal).
MORPHOLOGIE
Le plus souvent, les lésions concernent les gros troncs artériels
pulmonaires. Leur lumière est oblitérée par des thrombi qui peuvent
être incorporés à la paroi, réalisant des zones de fibrose intimale
excentrée. Les thrombi sont souvent reperméabilisés. Le caractère
excentré de la fibrose est un élément important du diagnostic : dans
l’HTAP primitive, la fibrose intimale est en effet de type
concentrique. Les lésions plus distales sont relativement rares (moins
de 20 % des cas). Des lésions plexogéniques et angiomatoïdes
peuvent s’observer dans l’HTAPTEC [45] ; ces lésions ne sont pas
spécifiques de l’HTAP primitive.
CLINIQUE
La dyspnée d’effort est le symptôme majeur. Elle est constante dans
l’HTAPTEC, mais de degré variable, liée à l’importance de
l’amputation du lit vasculaire. Les autres symptômes sont plus
inconstants : douleurs thoraciques, syncopes d’effort, hémoptysies.
Des antécédents thromboemboliques (phlébite, embolie pulmonaire)
ne sont retrouvés que dans 50 % des cas. Les signes d’examen
physique sont les mêmes que dans l’HTAP primitive. Ils ne sont en
fait observés qu’à un stade avancé de l’affection. En particulier, les
signes cliniques d’insuffisance cardiaque droite (oedèmes des
membres inférieurs) sont tardifs. Moser et al [44, 45] ont appelé
« période de lune de miel » l’intervalle parfois très long (jusqu’à
quelques années) précédant l’apparition d’une dyspnée d’effort
majeure ou de signes cliniques d’insuffisance cardiaque droite.
L’explication est l’apparition de lésions d’hypertension pulmonaire,
proches de celles de l’HTAP primitive, dans les régions non occluses
de l’arbre artériel pulmonaire [44, 45].
Des souffles thoraciques postérieurs, systoliques ou continus, mieux
audibles au cours de l’apnée, sont d’une grande valeur
diagnostique [6, 45]. Ils sont liés à l’obstruction totale ou partielle des
gros vaisseaux pulmonaires.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES. DIAGNOSTIC
La radiographie thoracique peut être normale. Il existe souvent une
dilatation des artères pulmonaires donnant un aspect de « gros
hiles ». Des zones hypo- ou avasculaires sont parfois présentes.
L’ECG peut être normal en début d’évolution. À un stade plus
avancé, il montre des signes d’hypertrophie ventriculaire droite.
L’exploration fonctionnelle respiratoire montre habituellement des
valeurs normales ; un déficit ventilatoire restrictif modéré est
observé dans 20 % des cas environ. Le transfert du CO est
généralement abaissé, mais une valeur normale n’exclut pas le
diagnostic d’HTAPTEC. Elle traduit un lit capillaire perméable dans
les territoires embolisés du fait d’une revascularisation par le
système artériel bronchique. Les gaz du sang artériel peuvent être
initialement normaux au repos, mais on note une chute de la
pression artérielle en oxygène (PaO2) à l’exercice. Au cours de
l’évolution de la maladie, apparaît une hypoxémie, liée à des
inégalités ventilation-perfusion et parfois à un shunt droite-gauche.
L’hypoxémie peut devenir sévère (< 50-55 mmHg) à un stade avancé
de l’affection ; elle s’accompagne le plus souvent d’une hypocapnie.
La scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion apporte des
éléments importants au diagnostic, en tout cas lorsqu’il n’y a pas
d’affection bronchopulmonaire associée : elle montre de multiples
zones non perfusées, bilatérales, parfois étendues, alors que la
distribution de la ventilation est normale. Cet examen est important
pour le diagnostic différentiel avec l’HTAP primitive.
Le scanner thoracique avec acquisition spiralée (angioscanner) a
pratiquement détrôné l’angiographie pulmonaire pour le diagnostic
de l’HTAPTEC. Nous avons vu que les lésions concernent
généralement les artères proximales, et les progrès techniques de
ces dernières années font que l’angioscanner est très performant
pour détecter des obstructions à ce niveau. Il est en revanche parfois
pris en défaut pour des lésions plus périphériques. L’angiographie
pulmonaire reste donc l’examen de référence [48], mais elle est moins
souvent pratiquée du fait du développement récent de
l’angioscanner. Elle est indispensable lorsque l’on envisage un
traitement chirurgical.
Le cathétérisme cardiaque droit permet de mesurer de façon précise
le niveau de l’HTAP. Celle-ci est généralement sévère et le tableau V,
qui rapporte l’expérience de l’équipe de l’hôpital Antoine Béclère [6],
indique que la PAP moyenne d’une importante série de 70 patients
est d’environ 50 mmHg. Le niveau de l’HTAP est donc proche de
celui que l’on observe dans l’HTAP primitive. Le débit cardiaque est
initialement normal, mais s’abaisse au cours de l’évolution.
L’échocardiographie-doppler est utile pour suivre, de façon non
invasive, l’évolution des pressions, mais le cathétérisme
conventionnel est indispensable lors du bilan initial.
TRAITEMENT
Longtemps le traitement médical de l’HTAPTEC s’est limité aux
anticoagulants. L’espérance de vie est médiocre, de l’ordre de 30 à
50 % à 5 ans [16, 59], et l’existence d’une insuffisance cardiaque droite
au moment du diagnostic a une signification pronostique
péjorative [16]. C’est le mérite de l’équipe de Moser à San Diego
d’avoir souligné l’intérêt du traitement chirurgical de
désobstruction : la thrombendartériectomie réalisée sous circulation
extracorporelle [46]. Il faut s’assurer au préalable du caractère
proximal des thromboses. Pour certains, une bonne perméabilité du
lit capillaire en aval des obstructions, appréciée par le rapport
TCO/VA (transport du CO rapporté au volume alvéolaire), est
également un critère important [16].
L’expérience du groupe de San Diego est considérable et repose
actuellement sur plusieurs centaines de cas. La mortalité opératoire
11-037-D-10 Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires Cardiologie
6
a chuté en dessous de 10 % [45]. Les résultats hémodynamiques
pulmonaires sont spectaculaires, comme l’illustre le tableau VI. Il
s’agit bien sûr d’une chirurgie lourde, devant être réservée à un
nombre limité de centres spécialisés. Notre expérience personnelle
est récente (une dizaine de cas), avec de très bons résultats cliniques
et hémodynamiques à court terme. Si la thrombendartériectomie
n’est pas réalisable, le seul traitement des formes sévères
d’HTAPTEC est la transplantation pulmonaire.
Hypertension artérielle pulmonaire
des affections respiratoires chroniques
Au concept de « coeur pulmonaire chronique » on a substitué
progressivement celui d’HTAP [22]. Les deux termes ne sont à vrai
dire pas synonymes, puisque la définition du « coeur pulmonaire »
est morphologique (hypertrophie ventriculaire droite résultant
d’affections respiratoires intrinsèques [19]), alors que celle de l’HTAP
est physiologique et plus précise. Il est aujourd’hui établi que
l’HTAP a une signification pronostique indiscutable dans les HTAP
des affections respiratoires chroniques (ARC). Il est d’autre part
admis que la présence d’une HTAP conditionne, du moins en partie,
la mise en route de certaines thérapeutiques lourdes comme
l’oxygénothérapie de longue durée (OLD).
ÉPIDÉMIOLOGIE
Il existe très peu de données concernant la prévalence de l’HTAP
résultant des affections respiratoires [60]. La raison en est que le
cathétérisme cardiaque droit ne peut être pratiqué sur une large
échelle chez des patients susceptibles de développer une HTAP. Les
méthodes non invasives sont certainement mieux adaptées aux
études épidémiologiques, mais elles ont rarement été utilisées dans
cette optique.
Quelques études, relativement anciennes, ont étudié la prévalence
du « coeur pulmonaire » chez des malades BPCO : les résultats sont
très variables, de 5 à 40%[24, 27], mais les séries étudiées ne sont pas
représentatives de larges populations de BPCO et la définition du
« coeur pulmonaire » n’est pas uniforme.
Une façon originale d’aborder le problème est d’étudier la fréquence
des patients à risque susceptibles de développer une HTAP, c’est-àdire
les patients présentant une ARC génératrice d’hypoxémie. Une
étude de ce type, réalisée au Royaume-Uni [90], a montré que dans la
population de plus de 45 ans, 0,3 % des sujets avaient à la fois une
PaO2 inférieure à 55 mmHg et un volume expiratoire maximal
seconde (VEMS) inférieur à 50 % de la valeur prédite. Rapporté à
l’Angleterre et au Pays de Galles (population totale un peu
inférieure à celle de la France), ce pourcentage représente environ
60 000 sujets présentant une hypoxémie chronique importante, donc
« à risque » de développer une HTAP.
La prévalence exacte de l’HTAP des ARC est donc mal connue. On
sait qu’elle concerne essentiellement des sujets de plus de 50 ans et
que 80 % d’entre eux sont de sexe masculin. Dans un avenir proche,
des études épidémiologiques adéquates utilisant l’échocardiographie
doppler permettront sans doute de mieux définir la fréquence de
l’HTAP des ARC.
ÉTIOLOGIES
De très nombreuses affections respiratoires chroniques peuvent
conduire à l’HTAP ainsi que l’indique le tableau VII qui n’est
d’ailleurs pas exhaustif. On peut distinguer schématiquement :
– les insuffisances respiratoires chroniques obstructives qui représentent
de loin la cause la plus fréquente des HTAP précapillaires (75 % des
cas environ). Elles sont dominées par la BPCO (bronchite chronique
Tableau V. – Données fonctionnelles, gazométriques et hémodynamiques
pulmonaires d’une importante série de 70 cas d’hypertension artérielle
pulmonaire thromboembolique chronique (équipe de l’hôpital
Antoine Béclère, Clamart). D’après [6].
Nombre de cas 70
Nombre de sujets de sexe féminin 30
Âge moyen (années) 52 ± 15
CPT (% valeur prédite) 90 ± 14
VEMS/CV (% valeur prédite) 81 ± 13
PaO2 (mmHg) 67 ± 15
PAP (mmHg) 48 ± 16
POD (mmHg) 10 ± 6
IC (L/min/m2) 2,6 ± 0,7
RVP (mmHg/L/min/m2) 20 ± 10
CPT : capacité pulmonaire totale ; VEMS/CV : volume expiratoire maximal seconde/capacité vitale ; PAP :
pression artérielle pulmonaire moyenne ; POD : pression oreillette droite ; IC : index cardiaque ; RVP : résistances
vasculaires pulmonaires.
Remarque : valeurs moyennes ± écart-type.
Tableau VI. – Évolution des données hémodynamiques pulmonaires
chez 47 patients avec hypertension artérielle pulmonaire thromboembolique
ayant fait l’objet d’une thrombendartériectomie (d’après [45]).
Données
préopératoires
Données
postopératoires
Suivi ultérieur
(6-24 mois)
PAP (mmHg) 48 ± 12 27 ± 8(1) 24 ± 10
PAP systolique
(mmHg)
80 ± 21 44 ± 15(1) 39 ± 17
DC (L/min) 3,7 ± 1,2 6,0 ± 1,1(1) 4,8 ± 1,0
RVP
(dynes/s/cm-5)
970 ± 550 230 ± 110(1) 280 ± 250
PAP : pression artérielle pulmonaire moyenne ; DC : débit cardiaque ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires.
(1) p < 0,001 par rapport aux valeurs préopératoires.
Tableau VII. – Affections respiratoires chroniques susceptibles d’évoluer
vers l’hypertension pulmonaire (à l’exception de l’HTAP primitive
de la maladie thromboembolique pulmonaire et des affections
primitives du lit vasculaire pulmonaire).
Insuffisances respiratoires chroniques obstructives
- BPCO : bronchite chronique obstructive et/ou emphysème)(1)
- Asthme chronique avec obstruction bronchique permanente
- Bronchiolite oblitérante
- Bronchectasies diffuses
- Mucoviscidose
Insuffisances respiratoires chroniques restrictives
v Origine neuromusculaire
- Séquelles de poliomyélite
- Sclérose latérale amyotrophique
- Myopathies
- Paralysie diaphragmatique bilatérale, etc
v Origine ostéoarticulaire (déformations graves de la paroi thoracique)
- Scolioses et cyphoscolioses sévères(1)
- Cyphoses
- Spondylarthrite ankylosante
- Thoracoplasties et séquelles d’interventions chirurgicales mutilantes
v Origine pleurale
- Pachypleurite grave bilatérale
v Origine pulmonaire
- Séquelles graves de tuberculose pulmonaire
- Fibroses pulmonaires sarcoïdosiques
- Pneumonocioses : silicose, sidérose, asbestose, bérylliose, fibroses aux métaux durs
(tungstène, cobalt) etc
- Alvéolites allergiques extrinsèques (poumon du fermier, poumon de l’éleveur
d’oiseaux, etc)
- Manifestations pulmonaires des collagénoses et d’autres affections de système :
sclérodermie, polyarthrite rhumatoïde, angéites nécrosantes, etc)
- Fibroses interstitielles diffuses primitives(1)
- Autres pneumopathies interstitielles diffuses
Insuffisances respiratoires de type « central »
- Hypoventilation alvéolaire centrale du nourrisson et de l’adulte
- Syndrome obésité - hypoventilation (anciennement syndrome de Pickwick)
- Syndrome d’apnées du sommeil(1)
(1) Ces affections sont des causes fréquentes d’hypertension pulmonaire.
Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
7
obstructive et/ou emphysème). La BPCO est la première cause
d’HTAP secondaire. L’HTAP fait partie des principales
caractéristiques du type blue bloater (BB) ou « bronchitique » des
BPCO, alors qu’elle est plus rare et tardive dans le type pink puffer
(PP) ou « emphysémateux » ;
– les insuffisances respiratoires chroniques restrictives constituent un
vaste groupe plutôt hétérogène, ainsi qu’en témoigne le tableau VII.
En pratique, les causes les plus fréquentes d’HTAP dans ce groupe
sont les fibroses pulmonaires diffuses et les scolioses, affections
d’ailleurs très dissemblables sur le plan physiopathologique. Dans
les fibroses diffuses, l’HTAP résulte principalement d’une
amputation anatomique du lit vasculaire pulmonaire, alors que dans
les scolioses, les facteurs fonctionnels (hypoventilation alvéolaire
chronique) sont prédominants ;
– certaines formes d’insuffisance respiratoire sont caractérisées par
la discrétion ou par l’absence de déficit ventilatoire : ce sont les
insuffisances respiratoires de type « central », qui regroupent :
– l’hypoventilation alvéolaire centrale, congénitale ou acquise,
affection très rare ;
– le syndrome obésité-hypoventilation, dont l’appellation
ancienne est le syndrome de Pickwick ;
– le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, affection en
revanche fréquente puisqu’on estime qu’elle concerne près de 5 %
de la population adulte de sexe masculin [92]. Dans le syndrome
d’apnées obstructives du sommeil, la fréquence de l’HTAP est
estimée à 15-20 % des cas. L’HTAP est observée presque
exclusivement chez des malades présentant une hypoxémie
diurne [12, 18, 83], laquelle est expliquée le plus souvent par
l’existence d’une BPCO associée [12, 18, 83], plus rarement par la
présence d’une obésité importante [18].
MÉCANISMES DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE
PULMONAIRE DANS LES AFFECTIONS RESPIRATOIRES
ET NOTAMMENT DANS LES BRONCHOPNEUMONIES
CHRONIQUES OBSTRUCTIVES
Dans les affections respiratoires chroniques, l’HTAP est
« précapillaire » et le rôle d’une élévation du débit cardiaque ou de
la PCP est en pratique négligeable : chez les malades en état stable,
le débit cardiaque et la PCP sont généralement normaux. Parmi les
facteurs d’élévation des RVP listés sur le tableau I, les facteurs
fonctionnels, et en particulier l’hypoxie alvéolaire, sont au premier
plan dans les BPCO, mais également dans les insuffisances
respiratoires de type « central ». Il n’y a que dans les fibroses
pulmonaires que l’amputation anatomique du lit vasculaire
pulmonaire joue un rôle déterminant. Deux mécanismes d’action de
l’hypoxie alvéolaire différents doivent être distingués : l’hypoxie
aiguë est responsable d’une vasoconstriction pulmonaire ; l’hypoxie
chronique entraîne à la longue des modifications structurelles
(remodelage) du lit vasculaire pulmonaire.
¦ Effets de l’hypoxie aiguë : vasoconstriction
pulmonaire hypoxique
Depuis les travaux classiques de Von Euler et Liljestrand en 1946,
sur le chat, il est établi que l’hypoxie alvéolaire aiguë entraîne une
élévation des RVP et de la PAP qui s’explique par une
vasoconstriction. Celle-ci a été documentée chez l’homme et chez
les autres mammifères. Chez l’homme, il existe une importante
variation interindividuelle de la réactivité de la circulation
pulmonaire à l’hypoxie aiguë [29], et cette variabilité se retrouve chez
les malades présentant une BPCO [88]. Les situations cliniques qui se
rapprochent le plus des tests d’hypoxie aiguë sont les poussées
d’insuffisance respiratoire aiguë et les épisodes d’aggravation de
l’hypoxémie liés au sommeil.
¦ Effets de l’hypoxie chronique : « remodelage »
du lit vasculaire pulmonaire
L’HTAP s’observe avec prédilection chez les insuffisants
respiratoires présentant une hypoxémie chronique franche (PaO2
< 55-60 mmHg). On dispose par ailleurs d’un modèle presque
expérimental des effets de l’hypoxie chronique : l’HTAP des sujets
sains vivant en haute altitude (> 3 500 m). Chez ces sujets, l’hypoxie
alvéolaire, avec une PaO2 se situant entre 45 et 60 mmHg,
s’accompagne d’une HTAP précapillaire, discrète ou modérée (PAP
généralement comprise entre 20 et 30 mmHg) [53], tout à fait
comparable à celle que l’on observe dans les BPCO. Les études
morphologiques des poumons des résidents de haute altitude ont
montré un « remodelage » du lit vasculaire pulmonaire, avec
hypertrophie de la média musculaire des petites artères
pulmonaires, muscularisation des artérioles pulmonaires et fibrose
de l’intima [31]. Il y a une similarité indiscutable entre ces
modifications structurelles et celles que l’on observe chez les patients
BPCO présentant une HTAP. Cependant, l’hypoxie chronique n’est
pas le seul facteur en cause, et les malades BPCO ont des poumons
profondément pathologiques avec lésions bronchiques et
bronchiolaires (inflammation, sténose) et destruction du lit
vasculaire pulmonaire (emphysème), ce qui est profondément
différent des sujets sains vivant en altitude.
Le rôle de l’hypoxie alvéolaire chronique est en tout cas illustré par
les affections respiratoires ne modifiant pas les structures
bronchiques et alvéolaires, et évoluant vers l’HTAP et le
retentissement cardiaque droit : c’est le cas de l’hypoventilation
alvéolaire centrale (rare) et du syndrome d’apnées du sommeil
(fréquent). Même s’il persiste des incertitudes sur le rôle de
l’hypoxie chronique dans le « remodelage » vasculaire pulmonaire,
il est clair qu’elle représente la cause déterminante de l’élévation
des RVP dans les affections respiratoires, et principalement dans les
BPCO. Le rôle des autres facteurs fonctionnels (acidose
hypercapnique [23], hyperviscosité liée à la polyglobulie [67], facteurs
mécaniques respiratoires [32]) est secondaire.
CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DE L’HYPERTENSION
PULMONAIRE DES AFFECTIONS RESPIRATOIRES
CHRONIQUES
Dans les ARC, et particulièrement dans les BPCO, l’HTAP est en
règle générale modérée avec une PAP le plus souvent comprise entre
20 et 35 mmHg, au repos, au cours d’une période stable de la
maladie [81]. Ce niveau d’HTAP est discret, voire négligeable, en
comparaison des chiffres de pression relevés dans les cardiopathies
gauches décompensées, les cardiopathies congénitales, la maladie
thromboembolique pulmonaire, et surtout, l’HTAP primitive (cf
supra).
La modestie relative de l’HTAP explique l’absence fréquente de
signes physiques d’hypertension pulmonaire, mais aussi la difficulté
de diagnostic par les méthodes non invasives, car ces dernières sont
d’autant plus performantes que la PAP est plus élevée. La possibilité
d’évolution des malades BPCO vers l’insuffisance cardiaque droite a
été mise en doute par certains en raison des chiffres peu élevés de
PAP [39, 58]. Il est important de souligner que si l’HTAP des ARC, et
principalement des BPCO, est discrète ou modérée à l’état de
« base », elle peut s’accentuer, de façon parfois brutale et
considérable, au cours de l’exercice, du sommeil et des épisodes
d’insuffisance respiratoire aiguë.
¦ Exercice musculaire
Dans les BPCO, l’exercice musculaire en régime stable s’accompagne
d’une élévation importante de la PAP qui est bien illustrée par la
figure 2 tirée d’un travail personnel [89] : un effort de 40 watts fait
doubler en moyenne la PAP par rapport à sa valeur de référence au
repos. Par conséquent, les activités de la vie quotidienne, comme la
marche prolongée ou la montée des escaliers, peuvent aggraver
franchement l’hypertension pulmonaire et contribuer à l’apparition
ultérieure de l’insuffisance cardiaque droite.
¦ Sommeil
On sait que certaines phases du sommeil, notamment le sommeil
« paradoxal », s’accompagnent d’une accentuation de l’hypoxémie
11-037-D-10 Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires Cardiologie
8
dans les BPCO [25]. Ces épisodes de désaturation s’accompagnent
souvent de poussées d’hypertension pulmonaire par le biais de la
vasoconstriction pulmonaire hypoxique [11, 20, 26, 85] ainsi que l’illustre
la figure 3, qui montre l’enregistrement simultané de la saturation
de l’hémoglobine en O2 dans le sang artériel (SaO2) et de la PAP
pendant le sommeil chez un malade atteint d’une BPCO, présentant
une hypoxémie diurne importante : on note un aspect en « miroir »
des variations de la SaO2 et de la PAP. Chez certains malades, la
PAP peut s’élever de 20-25 mmHg par rapport à son niveau
d’éveil [20, 85].
¦ Épisodes d’insuffisance respiratoire aiguë
Les épisodes d’insuffisance respiratoire aiguë sont caractérisés par
une aggravation franche de l’hypoxémie et de l’hypercapnie, et
s’accompagnent d’une élévation importante de la PAP par rapport à
son niveau de base [3, 36, 82]. La PAP peut augmenter dans certains cas
de 25-30 mmHg, mais elle retourne habituellement à son niveau
initial après guérison de l’épisode aigu [84]. La figure 4 montre les
résultats obtenus chez 24 malades atteints de BPCO étudiés pendant
un épisode d’insuffisance respiratoire aiguë et 3 semaines après la
guérison [82]. Alors que la valeur moyenne de la PAP, à l’état stable,
est de 27 mmHg, on constate qu’elle peut dépasser 50 mmHg au
cours des épisodes aigus. On note par ailleurs un parallélisme
frappant entre les modifications chronologiques de la PaO2 et de la
PAP, suggérant l’intervention de la vasoconstriction pulmonaire
hypoxique.
Les élévations brutales de la postcharge du ventricule droit,
observées au cours de l’exercice musculaire, du sommeil et des
épisodes d’insuffisance respiratoire aiguë, peuvent favoriser le
développement de l’insuffisance cardiaque droite.
2 Pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP) de repos (axe des x) et PAP d’exercice
(axe des y) chez 30 malades atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive.
L’épreuve d’exercice (8-10 min) est réalisée en régime stable avec une charge constante
de 40 watts. On note que la PAP d’exercice représente en moyenne le double de la
PAP de repos.
4 Variations de la pression artérielle en oxygène (PaO2)
et de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP) chez
24 malades atteints de bronchopneumopathie chronique
obstructive explorés pendant un épisode d’insuffisance respiratoire
aiguë et après guérison de cet épisode (contrôle).
On constate qu’il y a un parallélisme très frappant entre les
variations de PaO2 et celles de la PAP, suggérant l’intervention
de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique au cours
de l’épisode aigu.
3 Enregistrement continu et simultané de la saturation en oxygène (SaO2) et de la
pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP) pendant le sommeil chez un malade présentant
une bronchopneumopathie chronique obstructive sévère. Axe des x : temps en
heures. Rectangles noirs : périodes de sommeil paradoxal. On constate que les chutes de
SaO2 sont associées à des élévations de la PAP, réalisant des images en « miroir ».
Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
9
DIAGNOSTIC DE L’HYPERTENSION PULMONAIRE
¦ Clinique
La clinique est d’un apport assez limité : les signes fonctionnels et
notamment la dyspnée d’effort traduisent bien plus l’affection
causale (par exemple BPCO) que l’HTAP. Les signes d’examen
physique, tels que l’éclat de B2 au foyer pulmonaire, ou ceux
traduisant la dilatation du ventricule droit (galop droit, souffle
systolique d’insuffisance tricuspidienne) sont absents ou tardifs. Les
oedèmes des membres inférieurs représentent sans doute un bon
signe d’insuffisance cardiaque droite, mais ils ne sont pas spécifiques
et, d’autre part, ils surviennent longtemps après l’installation de
l’HTAP.
Dans les ARC, les signes cliniques d’HTAP sont donc tardifs, voire
absents. À cet égard, l’HTAP « secondaire » des BPCO, où
l’expression clinique est beaucoup plus celle de l’affection causale
que celle de l’HTAP, diffère profondément de l’HTAP primitive et
de l’HTAP thromboembolique.
¦ Diagnostic non invasif de l’hypertension pulmonaire
Les méthodes d’exploration non invasive de la PAP et de la fonction
ventriculaire droite, en dépit de leurs progrès considérables, n’ont
pas totalement supplanté le cathétérisme, parce qu’elles apportent
une information beaucoup moins complète et que leur précision est
souvent insuffisante.
Parmi les méthodes traditionnelles, nous ne ferons que citer l’ECG
dont la sensibilité est très insuffisante pour le diagnostic d’HTAP
[8, 50]. On admet que l’ECG ne permet de diagnostiquer que 20 à 40 %
des hypertrophies ventriculaires droites dans les affections
respiratoires. La radiographie thoracique a les mêmes inconvénients
que l’ECG : manque de sensibilité [50]. L’imagerie de résonance
magnétique permet une bonne appréciation du volume ventriculaire
droit [75], mais cette méthode ne peut être pratiquée en routine.
Parmi les méthodes isotopiques, il faut citer la scintigraphie
myocardique au thallium 201, méthode « statique » dont l’objectif
est de visualiser un ventricule droit hypertrophié. Elle a été
largement supplantée par les méthodes isotopiques « dynamiques »
et par l’échocardiographie doppler. La ventriculographie isotopique
est utilisée pour le calcul de la fraction d’éjection ventriculaire droite
(FEVD). La FEVD permet une appréciation très globale de la
performance du ventricule droit. Elle dépend de nombreux facteurs,
en particulier la postcharge. En cas d’HTAP, la FEVD diminue [15],
mais la corrélation entre la PAP et la FEVD n’est pas très étroite.
L’échocardiographie est souvent de réalisation malaisée chez les
malades BPCO, peu échogènes du fait de la distension aérienne. Les
mesures portant sur le ventricule droit et sur la valve pulmonaire
sont fréquemment difficiles, voire impossibles. L’échocardiographie
permet en principe d’apprécier l’hypertrophie de la paroi libre du
ventricule droit et de rechercher l’existence d’une dilatation de la
cavité ventriculaire droite. L’échocardiographie doppler est
incontestablement l’investigation de choix [17, 47] puisqu’elle autorise
une estimation quantitative de la PAP. Il existe deux méthodes qui
ne s’excluent pas et qui peuvent être combinées : la mesure de la
vitesse maximale d’un jet d’insuffisance tricuspide (ou d’insuffisance
pulmonaire) par doppler continu, et la mesure par doppler pulsé du
temps d’accélération au niveau du tronc artériel pulmonaire.
L’application de la loi de Bernouilli permet de calculer le gradient
de pression systolique transtricuspidien : PVDS - PODS = 4 V2, où
PVDS = pression ventriculaire droite systolique, PODS = pression
auriculaire droite systolique, V = vitesse maximale du jet. La PAP
systolique est en principe égale à la PVDS et on suppose PODS =
5 mmHg (10 mmHg en cas d’insuffisance cardiaque droite). Il existe
une bonne corrélation entre la PAP systolique estimée par doppler
continu et la PAP systolique mesurée par cathétérisme, mais cette
méthode non invasive reconnaît au moins deux écueils majeurs :
– elle est inutilisable en l’absence d’insuffisance tricuspide, c’est-àdire
dans 30 % des cas environ d’insuffisance respiratoire ;
– l’erreur moyenne de l’estimation est relativement élevée, de
l’ordre de 7-10 mmHg [74], ce qui n’est pas grave en cas d’HTAP
sévère, mais pose de gros problèmes dans les BPCO où l’HTAP est
modeste.
Le doppler pulsé permet de mesurer la vélocité du flux sanguin
dans le tronc artériel pulmonaire. Cette vélocité croît avec l’élévation
de la PAP. Le temps d’accélération qui sépare le début de l’éjection
du pic de vitesse systolique est diminué en cas d’HTAP et il est
inversement proportionnel à la PAP. De bonnes corrélations ont été
rapportées dans les BPCO [41].
¦ Cathétérisme cardiaque droit
Compte tenu de la richesse de l’information qu’il fournit et de
l’imprécision (actuelle) de la plupart des méthodes non invasives, le
cathétérisme cardiaque droit demeure la méthode de référence pour
le diagnostic de l’HTAP des affections respiratoires chroniques. On
utilise généralement des cathéters à ballonnet de type Swan-Ganz,
mais les petits cathéters flottés se prêtent très bien aux investigations
hémodynamiques dans les laboratoires d’explorations fonctionnelles
respiratoires. Rappelons qu’il est indispensable d’obtenir
simultanément les gaz du sang artériel, et que la mesure du débit
cardiaque et de la PCP est souhaitable. Si la PAP n’est que
modérément élevée au repos et si l’état du malade le permet, on
demande habituellement une épreuve d’exercice de 5-10 minutes,
en régime stable, la puissance étant de 40 watts, voire moins.
Les indications du cathétérisme cardiaque droit dans l’insuffisance
respiratoire chronique sont très controversées. Pour certains, cet
examen ne doit avoir qu’une place très limitée en raison de son
caractère invasif, des possibilités actuelles de diagnostic non
sanglant de l’HTAP, et enfin parce que la conduite pratique ne serait
pas modifiée par les résultats du cathétérisme (chiffres de PAP). Ce
point de vue nous paraît excessif, et nous pensons au contraire que
les indications du cathétérisme sont larges lorsqu’il existe un tableau
d’insuffisance respiratoire chronique franche (PaO2 < 60 mmHg),
qu’elle soit de type obstructif ou restrictif.
ÉVOLUTION ET PRONOSTIC
¦ Pronostic
L’évolution clinique ne peut être dissociée de celle de l’affection
causale, et le cours de la maladie varie en fonction de l’étiologie.
Ainsi, l’évolution est plus rapidement défavorable dans l’HTAP des
fibroses diffuses et des scolioses que dans celle des BPCO où une
survie prolongée est souvent observée [84].
En tout cas, l’existence d’une HTAP a en elle-même une signification
pronostique péjorative, et plusieurs études ont clairement démontré
que le niveau de la PAP est un bon indicateur pronostique dans les
BPCO [9, 52, 81]. Le pronostic est plus mauvais en cas d’hypertension
pulmonaire et il est particulièrement sombre en cas d’HTAP
sévère [52]. Nous avons observé [81] des taux de survie
significativement très différents, à 4 ans et 7 ans, suivant que les
malades BPCO avaient initialement une HTAP ou non (fig 5).
Le pronostic de l’HTAP dans les BPCO est donc médiocre puisque
le taux de survie est d’environ 40-50 % à 5 ans ; il est encore plus
bas lorsque la PAP dépasse 30 mmHg. Cependant, il faut souligner
que les malades inclus dans les études pronostiques mentionnées
ci-dessus recevaient un traitement conventionnel et non pas une
oxygénothérapie prolongée. Or l’oxygénothérapie améliore
l’espérance de vie des malades BPCO franchement hypoxémiques.
Il est par ailleurs intéressant de signaler que même chez les malades
BPCO traités par oxygénothérapie prolongée, la PAP reste un
excellent indicateur pronostique [51, 70].
¦ Évolution longitudinale de l’hypertension pulmonaire
L’évolution longitudinale de l’HTAP dans les BPCO a fait l’objet
d’études qui indiquent toutes que la progression de l’hypertension
pulmonaire est lente, et que la PAP reste stable sur des périodes de
11-037-D-10 Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires Cardiologie
10
2-5 ans [10, 66, 84]. Dans une étude ayant porté sur 93 malades
présentant une BPCO, suivis pendant plus de 5 ans, et en moyenne
pendant 7 ans et demi [86], nous avons observé que les modifications
hémodynamiques sont discrètes, avec une élévation annuelle
d’environ 0,5 mmHg de la PAP. Mais si la PAP est relativement
stable chez la majorité des patients (70 % des cas environ), elle
s’aggrave de façon progressive chez une minorité de malades (de
l’ordre de 30 %), avec une élévation annuelle moyenne de
2 mmHg [86]. Ces malades diffèrent des autres par l’évolution
chronologique de la PaO2 et de la PaCO2 : il existe une aggravation
franche de l’hypoxémie avec apparition ou aggravation de
l’hypercapnie. Les malades présentant une BPCO dont l’hypoxémie
s’accentue progressivement au cours de l’évolution risquent donc
de voir apparaître ou s’aggraver une HTAP [86]. L’évolution
longitudinale de l’HTAP est influencée par l’oxygénothérapie
(cf infra).
¦ De l’hypertension pulmonaire à l’insuffisance
cardiaque droite
L’HTAP aboutit plus ou moins rapidement à l’hypertrophie
ventriculaire droite (HVD) mais le délai d’apparition de
l’insuffisance cardiaque droite (ICD) est variable. On ignore encore
en grande partie les mécanismes de constitution de l’ICD. Il existe
indiscutablement une relation entre la sévérité de l’HTAP et la
rapidité d’apparition de l’insuffisance cardiaque, mais des
comportements très variables peuvent être observés dans les cas
individuels.
Les poussées d’ICD sont réversibles sous traitement, mais elles
tendent à se répéter avec des intervalles libres de plus en plus
restreints. Dans les BPCO, on peut observer une survie relativement
longue, de 10 ans et plus, après la mise en évidence des premiers
signes d’ICD [84].
Des oedèmes des membres inférieurs sont observés fréquemment
chez les malades présentant une BPCO évoluée. Ils sont
classiquement attribués à l’ICD. En fait, ces oedèmes peuvent
reconnaître d’autres origines et notamment un hyperaldostéronisme
secondaire favorisé par l’insuffisance rénale fonctionnelle, ellemême
induite par l’acidose hypercapnique et l’hypoxie [58]. Dans
l’insuffisance respiratoire, et en particulier dans les BPCO, la
présence d’oedèmes des chevilles ne traduit donc pas nécessairement
l’existence d’une ICD [39, 58].
Une étude de notre groupe [80] a permis de suivre l’évolution de
l’hémodynamique pulmonaire chez 16 malades présentant une
BPCO, explorés pendant un épisode d’oedèmes prononcés des
membres inférieurs et à distance de celui-ci. Chez neuf patients sur
16, des signes hémodynamiques d’ICD (élévation importante de la
pression télédiastolique du ventricule droit) étaient présents pendant
l’épisode d’oedèmes. Chez ces malades, l’ICD était probablement liée
à une aggravation significative de l’HTAP par rapport à son niveau
de base, de 27 ± 5 à 40 ± 6 mmHg, p < 0,001. L’à-coup hypertensif
pulmonaire était expliqué par une détérioration franche de
l’hypoxémie. Il est donc acquis qu’une élévation importante de la
postcharge du ventricule droit, à l’occasion d’épisodes aigus, peut
favoriser le développement de l’ICD.
TRAITEMENT
Il n’est pas question d’envisager ici le traitement de l’affection
causale, qui peut varier considérablement suivant qu’il s’agit d’une
BPCO, d’une fibrose diffuse, d’une scoliose grave ou d’un syndrome
d’apnées du sommeil. Jusqu’à une période relativement récente, le
traitement d’HTAP se limitait à celui de ses complications et, en
premier lieu, l’ICD. Le traitement de l’ICD repose sur
l’oxygénothérapie et les diurétiques ; la place des digitaliques est
très limitée, sauf en cas d’insuffisance cardiaque gauche associée ou
de troubles du rythme. Le traitement proprement dit de
l’hypertension pulmonaire est représenté par les vasodilatateurs et
par l’OLD.
¦ Vasodilatateurs pulmonaires
Les vasodilatateurs pulmonaires donnent parfois de bons résultats
dans le traitement de l’HTAP primitive, mais il n’en va pas de même
dans les BPCO. Certaines drogues en administration « aiguë »
(inhibiteurs calciques, bêta-agonistes, urapidil, etc) entraînent une
chute de la PAP et des RVP [4, 64, 68]. Le vasodilatateur « idéal » devrait
avoir des effets spécifiques sur la circulation pulmonaire sans
affecter la circulation systémique ; il devrait entraîner une réduction
de la PAP et des RVP sans diminuer le débit cardiaque ; il ne devrait
entraîner ni hypotension systémique, ni tachycardie, ni aggravation
de l’hypoxémie ; enfin, il devrait être bien toléré. À l’heure actuelle,
le seul vasodilatateur pulmonaire sélectif est le NO inhalé qui donne
de bons résultats dans l’HTAP des BPCO [5, 91]. Malheureusement,
l’inhalation prolongée du NO ne peut être actuellement envisagée
pour des raisons toxicologiques.
Très peu d’études ont rapporté les résultats à long terme (au-delà de
6 mois) des vasodilatateurs pulmonaires [65] et les résultats sont
plutôt décevants dans l’ensemble. Il faut par ailleurs tenir compte
des effets secondaires parfois non négligeables : hypotension
systémique, accentuation de l’hypoxémie par aggravation des
inégalités ventilation-perfusion [42]. La place des vasodilatateurs dans
le traitement de l’HTAP des affections respiratoires est donc pour le
moment très limitée.
¦ Oxygénothérapie de longue durée
Nous avons vu que le facteur principal de l’HTAP, du moins dans
les BPCO, est l’hypoxie alvéolaire chronique qui est responsable de
modifications structurelles du lit vasculaire pulmonaire, aboutissant
à l’élévation des RVP et à l’HTAP. Le traitement le plus logique de
l’HTAP est donc l’oxygénation prolongée de ces malades. L’OLD,
en levant la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et en agissant
éventuellement sur les altérations morphologiques de la circulation
pulmonaire distale, est susceptible d’atténuer l’HTAP. Des études
princeps, réalisées presque simultanément aux États-Unis et au
Royaume-Uni [2, 35] à la fin des années 1960, ont montré des résultats
hémodynamiques pulmonaires très favorables. Au tout début des
années 1980, les études multicentriques NOTT et MRC [49, 55] ont été
conduites selon une méthodologie rigoureuse, et ont inclus des
nombres importants de malades. Ces études ont montré que l’OLD
utilisée pendant plus de 15 heures sur 24 heures chez des malades
BPCO franchement hypoxémiques (PaO2 < 55-60 mmHg) améliorait
significativement l’espérance de vie. Sur le plan hémodynamique
pulmonaire, l’OLD entraînait, soit une stabilisation [55], soit une
régression discrète [49, 73] de l’HTAP.
5 Taux de survie d’une série de 175 patients avec une bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO) sévère en fonction de leur pression artérielle pulmonaire
moyenne (PAP) initiale : £ 20 mmHg (n = 113) ou > 20 mmHg (n = 62). On constate
que les taux de survie sont significativement plus bas chez les patients avec hypertension
pulmonaire initiale. Le niveau de PAP a donc une valeur pronostique importante
dans les BPCO.
Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
11
Pour notre part [87], utilisant une méthodologie différente puisque les
malades étaient leurs propres contrôles, nous avons observé que
l’oxygénothérapie, utilisée pendant plus de 16 heures sur 24 heures
permettait de renverser l’évolution hémodynamique pulmonaire :
chez 16 malades présentant une BPCO, il y a eu une aggravation
hémodynamique franche avant la mise en route de l’OLD, avec une
période d’observation moyenne de 4 ans ; sous OLD, on observait
une diminution significative de la PAP avec un retour à la valeur de
départ au début du suivi, la période d’observation sous OLD étant
en moyenne de 2 ans et demi [87]. Les principaux résultats de cette
étude apparaissent sur le tableau VIII.
Il apparaît donc que l’OLD permet la stabilisation [55], voire
l’amélioration de l’HTAP des BPCO [73, 87]. Les différences entre les
résultats de certaines études peuvent être liées à la durée
quotidienne de l’OLD : il existe un lien entre la durée quotidienne
de l’OLD et les résultats hémodynamiques pulmonaires, une
amélioration de la PAP étant souvent observée lorsque les malades
reçoivent l’oxygénothérapie pendant plus de 16 à 18 heures sur
24 heures. L’oxygénothérapie doit donc être pratiquement continue
pour que l’on obtienne de bons résultats hémodynamiques
pulmonaires.
À l’heure actuelle, l’OLD est le traitement le plus logique de l’HTAP
des affections respiratoires. Elle permet de stabiliser, et parfois
d’améliorer l’HTAP. Cependant, une normalisation de la PAP n’est
presque jamais obtenue. Les résultats hémodynamiques sont
d’autant meilleurs que la durée quotidienne du traitement est plus
longue. La question de la réversibilité potentielle des altérations
vasculaires pulmonaires sous OLD continue à susciter des
controverses, et nous manquons encore de confrontations entre les
données cliniques, hémodynamiques pulmonaires et
morphologiques. À l’avenir, le traitement de l’HTAP des affections
respiratoires sera sans doute représenté par l’association d’OLD et
de vasodilatateurs pulmonaires (incluant peut-être le NO) plus actifs
et sélectifs que les médicaments actuellement disponibles.
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Tableau VIII. – Évolution des données hémodynamiques pulmonaires avant (4 ans en moyenne) et pendant (2 ans et demi en moyenne) une
oxygénothérapie de longue durée chez 16 malades (d’après [87]).
T0 T1 T2 Différence T0-T1 Différence T1-T2 Différence T0-T2
PAP (mmHg) 23,3 ± 6,8 28,0 ± 7,4 23,9 = 6,6 p < 0,005 p < 0,05 NS
PCP (mmHg) 5,9 ± 1,4 5,5 ± 2,7 5,7 ± 2,4 - - -
Q o
(L/min/m2) 3,94 ± 0,79 3,87 ± 0,62 3,35 ± 0,82 NS NS NS
RVP (mmHg/L/min) 2,41 ± 0,76 3,27 ± 0,71 2,68 ± 0,51 - - -
PaO2 (mmHg) 59 ±9 50 ±7 50 ±8 p< 0,001 NS p < 0,001
PaCO2 (mmHg) 43 ±6 51 ±6 51 ±8 p< 0,001 NS p < 0,001
T0 : première exploration ; T1 : début de l’oxygénothérapie ; T2 : fin de l’étude ; BPCO : bronchopneumopathie obstructive ; PAP : pression artérielle pulmonaire moyenne ; PCP : pression capillaire pulmonaire ;Q
o
: débit cardiaque ; RVP :
résistances vasculaires pulmonaires ; PaO2 : pression artérielle en oxygène ; PaCO2 : pression artérielle en gaz carbonique.
11-037-D-10 Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires Cardiologie
12
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Cardiologie Hypertensions artérielles pulmonaires précapillaires 11-037-D-10
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