Cardiopathie ischémique du diabétique
M Rodier
Résumé. – La cardiopathie ischémique est une cause majeure de morbidité et de mortalité parmi les patients
diabétiques. Par rapport aux non-diabétiques ayant une maladie coronaire, les diabétiques ont plus de
lésions extensives et plus d’épisodes silencieux d’ischémie. Les diabétiques ont ainsi une maladie coronaire
plus évolutive et une survie moins bonne que les non-diabétiques coronariens. Si le traitement des diabétiques
peut sembler similaire à celui des non-diabétiques, quelques résultats spécifiques sont malgré tout à
reconsidérer dans la population des diabétiques comme la place de la revascularisation coronaire et le
traitement des facteurs de risques associés, en particulier la dyslipidémie.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : cardiopathie ischémique, diabète, diagnostic, traitement.
Introduction
La présence d’un diabète constitue un risque majeur de morbidité et
de mortalité cardiovasculaires. L’accumulation des facteurs de risque
cardiovasculaire, en particulier chez le diabétique de type 2, explique
en partie cette forte association. La maladie coronaire est non
seulement plus fréquente chez le diabétique, mais aussi plus
insidieuse et plus sévère. Il est donc indispensable d’en identifier les
différents facteurs et marqueurs de risque vasculaire de façon à la
dépister largement. D’autre part, la place de la revascularisation et
le traitement des différents facteurs de risque chez le diabétique
méritent d’être précisés, même si le traitement de la cardiopathie
ischémique n’est pas fondamentalement différent, qu’il y ait ou pas
diabète.
Épidémiologie
Même si l’essentiel des données concerne le seul diabète de type 2
(ex-diabète non insulinodépendant [DNID]), tous les travaux
épidémiologiques sont unanimes, la maladie coronaire est beaucoup
plus fréquente en cas de diabète. Dans ce diabète, comparativement
à des sujets non diabétiques de même âge, le risque relatif de décès
par cardiopathie ischémique est deux fois plus élevé chez l’homme
et quatre fois chez la femme [63]. Plus globalement, chez le diabétique,
la mortalité annuelle est multipliée par deux, la moitié au moins des
décès sont de cause coronaire et la durée de vie moyenne est
amputée de 5 à 10 ans [63].
Aux États-Unis, la prévalence des événements cardiovasculaires
fatals et non fatals chez l’adulte diabétique de type 2 s’élève à plus
de 20 % après 65 ans [63]. Dans l’étude de Framingham, après 20 ans
de suivi, le nombre d’infarctus silencieux ou paucisymptomatiques
et celui des mort subites sont multipliés par trois chez le
Michel Rodier : Praticien hospitalier, service des maladies métaboliques et endocriniennes, centre hospitalier
universitaire de Nîmes, hôpital Caremeau, rue du Professeur-Debré, 30900 Nîmes cedex 4, France.
diabétique [46]. Dans l’étude de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), la prévalence de la cardiopathie ischémique atteint 35 % chez
l’homme diabétique et plus encore chez la femme, et le diabète
augmente d’autant plus la fréquence de la cardiopathie ischémique
que le risque cardiovasculaire de la population est faible [63]. Le sujet
diabétique se complique, plus jeune, d’une cardiopathie ischémique
plus sévère, a un moins bon pronostic après infarctus du myocarde
– mortalité augmentée deux à trois fois par rapport aux sujets non
diabétiques – et présente plus souvent une insuffisance cardiaque
congestive [63]. Dans une étude récente, le risque d’infarctus à 7 ans
de patients non diabétiques ayant déjà fait un infarctus apparaît
équivalent à celui de patients diabétiques sans infarctus préalable [32].
Plus inquiétant encore, la diminution de la mortalité
cardiovasculaire observée au cours de ces dernières années aux
États-Unis est nettement moins importante chez les diabétiques [30].
Dans le diabète de type 1 (DID), l’incidence de décès par
cardiopathie ischémique entre 30 et 55 ans est, dans l’étude
prospective de la Joslin Clinic, de 35 % quel que soit le sexe, alors
qu’elle est de 8 et de 4 % respectivement chez l’homme et la femme
non diabétiques [52].
FACTEURS DE RISQUE DE LA CARDIOPATHIE
ISCHÉMIQUE DU DIABÉTIQUE
Ces facteurs de risque diffèrent selon le type du diabète. Dans le
diabète de type 2, les facteurs de risque cardiovasculaire
traditionnels sont habituellement présents et la maladie coronaire
existe souvent dès le diagnostic de diabète quand elle ne le précède
pas. À l’inverse, dans le diabète de type 1, ces facteurs de risque
cardiovasculaire sont en règle absents et l’élément prédictif majeur
de survenue d’une cardiopathie ischémique est la durée du diabète.
FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE CLASSIQUES
Les facteurs de risque cardiovasculaire identifiés dans la population
générale sont aussi, pour la plupart, déterminants en cas de diabète,
notamment de type 2.
Ainsi, l’âge est un important facteur de risque de cardiopathie
ischémique chez le diabétique comme chez le non-diabétique, la
cardiopathie ischémique survenant dès la quarantaine en cas de
diabète de type 1 et après 50 ans dans celui de type 2 [63].
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-030-R-30
11-030-R-30
Toute référence à cet article doit porter la mention : Rodier M. Cardiopathie ischémique du diabétique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-030-R-30,
2001, 10 p.
Les anomalies du bilan lipidique communément observées dans le
diabète, de type 2 surtout, sont l’hypertriglycéridémie et la baisse
du cholestérol high density lipoprotein (HDL) [53]. Ces perturbations
s’accompagnent d’un excès de particules low density lipoprotein
(LDL) petites et denses dont le potentiel athérogène est bien établi.
De plus, l’hyperglycémie favorise la glycation et l’oxydation des
lipoprotéines, LDL en particulier, et accroît ainsi leur athérogénicité.
Dans le diabète, l’hypertriglycéridémie apparaît comme un facteur
de risque vasculaire indépendant, la concentration du cholestérol
HDL est inversement corrélée avec le risque de cardiopathie
ischémique et le risque lié au cholestérol total n’apparaît pas
supérieur à celui observé dans la population générale [53].
L’hypertension artérielle (HTA), dont la prévalence est
particulièrement élevée dans le diabète de type 2, constitue un
facteur de risque d’autant plus sévère que la pression systolique est
élevée [53].
Le tabagisme constitue aussi un facteur de risque majeur de
mortalité cardiovasculaire chez le diabétique [77].
L’obésité, plus fréquente dans le diabète de type 2 que dans la
population générale, favorise les dyslipidémies, l’HTA et
l’hyperinsulinisme, mais son rôle comme facteur de risque
indépendant de la cardiopathie ischémique n’est pas établi. Plusieurs
études prospectives chez le diabétique ont cependant montré qu’une
répartition androïde des graisses constituait un caractère prédictif
de survenue d’une cardiopathie ischémique [53]. La sédentarité,
fréquente dans ce contexte, est reconnue comme un facteur de risque
de mortalité cardiovasculaire prématurée [53].
En revanche, l’excès de risque cardiovasculaire observé chez
l’homme dans la population non diabétique disparaît en cas de
diabète. La présence d’un diabète supprime en effet la protection
cardiovasculaire dont bénéficie la femme avant la ménopause [63].
FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE LIÉS AU DIABÈTE
Comme l’excès de risque de cardiopathie ischémique observé au
cours du diabète ne peut être exclusivement attribué à ces seuls
facteurs de risque, le diabète lui-même ou ses conséquences y
participent donc probablement. Comme l’a montré l’étude MRFIT,
le diabète est non seulement un facteur de risque indépendant de
cardiopathie ischémique, mais il potentialise les facteurs de risque
cardiovasculaire associés (fig 1) [77].
Dans le diabète de type 2, l’excès de risque de cardiopathie
ischémique existe non seulement dès le diagnostic de diabète ou
celui d’intolérance au glucose, mais aussi chez les apparentés
normoglycémiques du premier degré de sujets DNID [53]. Ce
surrisque est attribué à la présence d’un ensemble d’éléments
cliniques et biologiques (obésité abdominale, hyperinsulinisme,
hypertriglycéridémie, cholestérol HDL abaissé, chiffres tensionnels
élevés, augmentation de l’inhibiteur du plasminogène...) regroupés
sous le vocable de « syndrome X métabolique » au sein duquel
l’insulinorésistance jouerait un rôle cardinal [53].
L’hyperglycémie chronique constitue, même si cela a été longtemps
contesté, un facteur de risque indépendant de la maladie coronaire.
Dans le diabète de type 2, le risque de décès cardiovasculaire est
d’autant plus élevé que le déséquilibre glycémique est important [53].
Il n’a cependant pas pu être mis en évidence de valeur-seuil et
l’association entre maladie coronaire et glycémie apparaît beaucoup
moins forte que celle observée avec les facteurs de risque vasculaire
conventionnels [29].
Les anomalies de la fonction endothéliale et les troubles de
l’hémostase sont fréquemment associés au diabète et à
l’insulinorésistance. Il existe, entre autres, un excès d’activité
prothrombotique (hyperagrégation plaquettaire, élévation du
fibrinogène et du facteur von Willebrand...) et un défaut de
fibrinolyse (augmentation du PAI-1). Cependant, la responsabilité
des troubles de l’hémostase dans la survenue de la maladie
coronaire n’est formellement établie que chez le non-diabétique [53].
MARQUEURS DE RISQUE VASCULAIRE
CHEZ LE DIABÉTIQUE
¦ Néphropathie protéinurique
Elle augmente considérablement le risque de décès par cardiopathie
ischémique dans le diabète [80] et la microalbuminurie (excrétion
d’albumine comprise entre 30 et 300 mg/L) constitue un puissant
indicateur de risque de morbimortalité cardiovasculaire dans le
diabète de type 2 [20].
¦ Médiacalcose
Elle serait prédictive d’un risque cardiovasculaire supérieur et d’une
survie plus courte chez le diabétique de type 2, comme d’ailleurs
toute localisation extracardiaque de macroangiopathie [53].
¦ Neuropathie autonome cardiovasculaire (NAC)
Elle constitue un autre marqueur de mauvais pronostic
cardiovasculaire [93]. La NAC participerait au caractère
asymptomatique de la maladie coronaire du diabétique (ischémie
myocardique silencieuse) et l’allongement du segment QT,
fréquemment associé, favoriserait le décès par troubles du
rythme [93].
L’importance respective des principaux facteurs et marqueurs de
risque pour les diabètes de type 1 et 2 est schématisée dans le
tableau I.
¦ Éléments de gravité
Dans la plupart des travaux consacrés à l’évaluation des lésions
coronaires du diabétique, ces dernières apparaissent plus extensives
(atteinte de plusieurs artères), plus diffuses (plusieurs localisations
sur une même artère) et plus volontiers distales que dans la
population non diabétique [21, 49]. En cas de cardiopathie ischémique,
une atteinte tritronculaire serait retrouvée chez plus de 40 % des
malades diabétiques, alors qu’elle n’est présente que chez seulement
un quart des sujets non diabétiques [21]. La survie du coronarien
dépendant du nombre de troncs coronaires atteints et de la fonction
ventriculaire gauche résiduelle, l’extension des lésions et la
fréquence de l’altération de la fonction du ventricule gauche (VG)
observées chez le diabétique expliquent au moins partiellement le
mauvais pronostic de la cardiopathie ischémique du diabétique [81].
120
100
80
60
40
20
0
0 1 2 3
Nombre de facteurs de risque
Mortalité CV
ajustée pour
l'âge / 10 000
personnes-an
Non diabétique
Diabétique
1 Mortalité cardiovasculaire en fonction du nombre de facteurs de risque (cohorte
MRFIT [29]). CV : cardiovasculaire.
Tableau I. – Importance respective des facteurs de risque cardiovasculaire
pour les diabètes de type 1 et 2.
Diabète de type 1 Diabète de type 2
Ancienneté du diabète +++ -
Facteurs de risque
classique(1)
++ ++
Hyperglycémie ++ ±
Syndrome X - +++
Néphropathie diabétique +++ +
(1) Sauf sexe.
11-030-R-30 Cardiopathie ischémique du diabétique Cardiologie
2
Les lésions coronaires modérées (50 à 75 % de diminution du calibre
de l’artère), responsables d’infarctus d’autant plus graves que la
collatéralité ne s’est pas, dans ce cas, développée, seraient plus
fréquentes chez le diabétique [37]. L’ischémie myocardique
silencieuse, particulièrement fréquente en cas de diabète, pourrait
contribuer à l’aggravation des lésions d’ischémie, de même que la
NAC [93]. Par ailleurs, la réserve coronaire, qui explore plus
particulièrement les petits vaisseaux du réseau coronaire, apparaît
diminuée au cours du diabète, traduisant une véritable
microangiopathie myocardique susceptible de participer au déficit
de la fonction ventriculaire gauche [64]. L’environnement métabolique
lié à la maladie diabétique favoriserait en outre l’accumulation des
lipides dans la plaque athéromateuse qui serait ainsi plus sujette
aux remaniements et aux ruptures [17], et la thrombose serait facilitée
par l’hypercoagulabilité observée chez le diabétique [43].
Diagnostic
L’expression clinique de la cardiopathie ischémique du diabétique
est éminemment variable et son diagnostic réputé difficile. Devant
un tel polymorphisme clinique, compte tenu de la fréquence et de la
gravité de la cardiopathie ischémique chez le diabétique, il est
recommandé d’en faire, une fois par an, la recherche systématique
sur un examen cardiovasculaire bien conduit et un
électrocardiogramme (ECG) de repos. Ce dépistage est fait chez la
plupart des diabétiques de type 2 et chez les diabétiques de type 1
de plus de 35 ans ou d’une durée du diabète supérieure à 15 ans [69].
Néanmoins, le diagnostic définitif de cardiopathie ischémique
repose, en règle, sur des explorations plus invasives dont la stratégie
d’utilisation dépend du contexte clinique.
SITUATIONS CLINIQUES
Le bilan initial comporte un interrogatoire soigneux, un examen
cardiovasculaire complet et un ECG de repos.
La clinique peut être évidente (angor patent avec ou sans signe
électrique de repos ou bien infarctus révélateur) mais elle s’avère,
notamment chez la femme, souvent atypique (vague gêne
thoracique ou épigastrique, dyspnée d’effort, simple fatigue...), voire
même absente [68]. La prévalence de la coronaropathie ischémique
asymptomatique, communément appelée ischémie myocardique
silencieuse, varie entre 10 et 50 % selon la population étudiée et les
méthodes de dépistage utilisées. Dans une étude italienne récente,
menée sur une population de diabétiques de type 2 homogène et
exempte de complications évoluées, cette prévalence est estimée à
12 % selon les résultats de l’épreuve d’effort, soit trois fois supérieure
à celle observée dans une population comparable non diabétique [61].
Parfois encore, le malade est asymptomatique mais l’ECG révèle des
signes d’ischémie, voire la séquelle d’un infarctus passé inaperçu (le
tiers d’entre eux est silencieux chez le diabétique [12]).
OUTILS DIAGNOSTIQUES ET LEURS INDICATIONS
Le dépistage de l’insuffisance coronaire chez le diabétique suppose
que l’on dispose de méthodes de détection fiables, non iatrogènes et
financièrement acceptables, alors que la confirmation diagnostique
et le traitement de cette affection justifient le recours à des examens
plus invasifs. La mise en oeuvre de ce dépistage implique que le
malade ait été informé des conséquences potentielles de ces
explorations, à savoir la réalisation d’une coronarographie suivie
d’un éventuel geste de revascularisation local. La stratégie
diagnostique doit donc prendre en compte à la fois la diversité
d’expression clinique de la cardiopathie ischémique du diabétique
et le contexte clinique du malade (espérance de vie, pathologie
associées...).
Quatre méthodes d’exploration non invasives sont disponibles en
clinique : l’épreuve d’effort, la scintigraphie myocardique,
l’échographie de stress et l’enregistrement Holter.
L’épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique ou tapis roulant, peu
onéreuse, bien codifiée et réalisable partout, doit être
systématiquement envisagée, même si le diabétique, volontiers
sédentaire, en surpoids ou encore artéritique, s’avère souvent
incapable de la réaliser. Pour être contributive, cette épreuve doit
être maximale, « démaquillée » (arrêt des médicaments antiangineux
à l’exception, si nécessaire, de la trinitrine sublinguale) et strictement
interprétée [12]. La sensibilité et la spécificité de cet examen
(moyennes respectives autour de 70 %) varient cependant
considérablement selon la population étudiée [26]. L’épreuve est
parfois impossible à interpréter (stimulateur cardiaque, bloc de
branche gauche...) et sa rentabilité est réputée moins bonne chez la
femme. Malgré tout, dans une population de diabétiques
relativement jeunes, asymptomatiques mais avec plusieurs facteurs
de risque vasculaire, la valeur prédictive positive de l’épreuve
d’effort pour le diagnostic de coronaropathie est de 75 % [54]. Ce
résultat diminue avec l’âge, mais la valeur prédictive négative élevée
de ce test (86 %) plaide en faveur de son utilisation large pour le
dépistage de l’insuffisance coronaire du diabétique [66].
¦ Scintigraphie myocardique
Lorsque l’épreuve d’effort n’est pas possible ou non concluante, la
scintigraphie myocardique constitue l’examen de choix. Cet examen
isotopique, très fiable, a pour inconvénient d’être plus coûteux et
moins accessible que l’épreuve d’effort. Ce test consiste à reproduire
une situation d’ischémie, puis à injecter, au décours immédiat de
celle-ci, un traceur radioactif, le thallium 201 ou le sestamibi marqué
au technétium (ce traceur permet en outre d’évaluer la fonction du
VG) et à suivre par tomoscintigraphie sa fixation sur le parenchyme
myocardique. L’épreuve est positive lorsqu’il existe une hypofixation
segmentaire du traceur ; l’absence de redistribution à la quatrième
heure signe en général la présence d’une nécrose myocardique, alors
que sa présence témoigne d’une simple ischémie. La provocation de
l’ischémie est obtenue par l’effort ou, à défaut, lorsque celui-ci est
impossible, par l’injection de dipyridamole qui entraîne, du fait de
la vasodilatation, un « vol coronaire » aux dépens des territoires
lésés [12]. L’épreuve d’effort, plus physiologique, semble donner de
meilleurs résultats que le dipyridamole, mais la tendance actuelle
est à l’association des deux stimuli. Le gain de sensibilité et de
spécificité diagnostique apporté par ce test, par rapport à l’épreuve
d’effort, est estimé à 15 % [66]. Sa valeur prédictive négative,
identique à celle de l’épreuve d’effort simple, permet théoriquement,
devant un examen normal, d’éliminer le diagnostic de cardiopathie
ischémique. Les faux positifs, relativement rares et bien connus, sont
le fait d’hypofixations limitées de la région inférobasale du VG sans
redistribution tardive ; ils sont dus, pour l’essentiel, à l’existence
d’un flux compétitif entre le myocarde et le tissu mésentérique dans
ce territoire et peuvent être réduits en retournant le malade, surtout
lorsque l’on utilise le technétium qui a un rayonnement gamma
supérieur. Les faux négatifs correspondent volontiers à des lésions
sévères soit pluritronculaires, soit du tronc commun de la coronaire
gauche, mais le diagnostic est en règle rattrapé par la clinique, par
l’ECG concomitant ou encore par un aspect scintigraphique
évocateur (dilatation du VG à l’effort ou augmentation du bruit de
fond pulmonaire). Toute épreuve douteuse impose de toute façon la
réalisation d’une coronarographie. L’intérêt pronostique de cet
examen a été confirmé chez le malade diabétique, la présence de
plus de deux zones hypofixantes constituant un élément prédictif
majeur de décès ou d’infarctus à 2 ans dans cette population [96].
¦ Échocardiographie de stress
Peu coûteuse, elle a bénéficié des progrès des échographes et du
traitement numérique des images. Le principe de l’examen repose
sur le fait que les anomalies de la contractilité myocardique
(dyskinésie ou hypokinésie) précèdent, lors de l’ischémie, les
anomalies électriques et la douleur. L’ischémie peut être provoquée
par l’effort, le dipyridamole ou des amines pressives à activité
inotrope positive. Les limites de l’épreuve d’effort simplex sont, là
encore, les indications de cet examen. Sa rentabilité diagnostique
apparaît d’ores et déjà équivalente à celle de la scintigraphie
myocardique [12]. Cette exploration n’est pas, pour l’instant,
Cardiologie Cardiopathie ischémique du diabétique 11-030-R-30
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d’utilisation courante, mais son développement devrait être rapide,
compte tenu du coût relativement faible du matériel nécessaire.
¦ Holter
L’enregistrement Holter de 24 ou 48 heures est un examen non
invasif et facile à réaliser, spécifique mais peu sensible, donc de peu
d’utilité diagnostique [66].
¦ Coronarographie
Elle reste l’examen de référence du diagnostic de coronaropathie
ischémique et permet, seule, d’apprécier le nombre et le siège des
sténoses dites hémodynamiquement significatives, ainsi que le lit
d’aval [42]. Cette exploration invasive qui n’est pas dénuée de risque
(un accident grave pour 1 000) ne doit être réalisée que si le malade
a accepté le principe d’un éventuel geste de revascularisation. Le
malade diabétique est systématiquement préparé à cet examen :
remplissage vasculaire et arrêt préalable des biguanides et des
antiagrégants respectivement 3 et 8 jours avant la coronarographie.
En cas d’insuffisance rénale avancée (clairance de la créatinine
inférieure à 30 mL/min), compte tenu de la toxicité des agents de
contraste iodés, la quantité de produit de contraste utilisée doit être
minimale.
Les modalités d’utilisation de tous ces outils diagnostiques n’ont pas
été systématiquement évaluées chez le diabétique. Cependant, des
recommandations et une conférence de consensus aident à
rationaliser leur emploi et définissent un arbre décisionnel [6, 69].
En cas d’angor stable typique, le diagnostic d’insuffisance coronaire
est, comme chez le non-diabétique, confirmé par l’épreuve d’effort.
Devant un malade asymptomatique qui présente des signes
électriques évocateurs d’ischémie ou de nécrose, aucune exploration
complémentaire à visée diagnostique n’est a priori nécessaire. La
coronarographie est alors volontiers pratiquée d’emblée,
essentiellement dans un but thérapeutique, si le contexte clinique
l’autorise. La scintigraphie myocardique, dont la valeur pronostique
est établie, permet de moduler cette conduite à tenir en ne proposant
la coronarographie qu’aux malades à haut risque d’événements
cardiovasculaires et en traitant médicalement les autres [6].
Devant un angor instable, une hospitalisation en urgence dans un
centre de soins intensifs cardiologiques est recommandée et une
coronarographie est en général réalisée.
Dans l’angor atypique et chez le malade à risque d’ischémie
silencieuse, le classique bilan annuel ne suffit pas pour éliminer une
coronaropathie. La recherche d’une ischémie myocardique
silencieuse chez tous les diabétiques étant, malgré sa forte
prévalence, ni économiquement justifiée ni réalisable, il convient de
la réserver aux malades à risque vasculaire élevé sélectionnés selon
les recommandations disponibles (tableau II) [6, 69]. Celles-ci ont été
partiellement validées dans une étude prospective de dépistage de
l’ischémie silencieuse qui a permis, en outre, de déterminer un
groupe de malades diabétiques à risque particulièrement élevé, à
savoir des diabétiques de type 2, de sexe masculin, ayant une
rétinopathie, des antécédents familiaux de cardiopathie ischémique,
plus de deux facteurs de risque vasculaire et surtout une atteinte
artérielle périphérique [41]. En pratique, les propositions de
l’ALFEDIAM semblent trop peu restrictives ; en revanche, la
recherche d’une cardiopathie ischémique en présence d’une NAC
ou d’une médiacalcose mériterait de figurer dans ces
recommandations.
Dans cette population à haut risque, asymptomatique ou avec angor
atypique, le dépistage initial se doit d’être non invasif. L’épreuve
d’effort est réalisée en première intention lorsqu’elle est possible
quoiqu’une scintigraphie myocardique puisse être proposée
d’emblée chez la femme, compte tenu des limites de cet examen sur
ce terrain. Lorsque l’épreuve d’effort est rapidement positive, la
réalisation d’une coronarographie s’impose. Si l’épreuve d’effort
n’est que « modérément » ou tardivement positive, une scintigraphie
myocardique doit être pratiquée afin de préciser l’importance des
lésions et, ainsi, de mieux évaluer le risque de survenue
d’événement coronarien grave. La coronarographie n’est alors
réalisée qu’en cas de defects étendus ou multiples à la scintigraphie
en vue d’un éventuel geste de revascularisation, les autres malades
étant traités médicalement. En cas de dépistage négatif par épreuve
d’effort maximale, il n’y a pas lieu de pratiquer d’autres
explorations. Cependant, le statut cardiovasculaire de ces malades
n’étant pas immuable, celui-ci doit être réévalué régulièrement
(épreuve d’effort annuelle, par exemple) en fonction de l’évolution
des facteurs de risque.
Traitement
Les grands principes du traitement de la cardiopathie ischémique
restent les mêmes, que le malade soit ou pas diabétique. Les
caractéristiques et la gravité de la cardiopathie ischémique du
diabétique méritent néanmoins d’être prises en compte, même si les
études menées spécifiquement chez le diabétique sont peu
nombreuses. En particulier, la place de la revascularisation
myocardique dans ce traitement mérite d’être précisée, ses résultats
à court et à plus long termes étant moins bons chez le diabétique.
Par ailleurs, le traitement des facteurs de risque associés, qui
constitue l’élément préventif essentiel de l’évolutivité de
l’insuffisance coronaire, est complexe et surtout insuffisamment mis
en pratique [25].
TRAITEMENTS À VISÉE CARDIOLOGIQUE
Le traitement a pour objectif de retarder ou de prévenir l’extension
des lésions coronaires afin d’améliorer le pronostic, de diminuer la
morbidité cardiaque et de supprimer les symptômes. Il repose sur le
traitement médical, l’angioplastie coronaire transluminale (ACT) et
la chirurgie coronaire (CC). Ces traitements sont en règle
complémentaires mais deux approches sont théoriquement
possibles. La première consiste à traiter médicalement et à réserver
une revascularisation éventuelle aux malades dont l’angor s’avère
réfractaire à un traitement médicamenteux bien conduit. La seconde,
plus interventionnelle, postule que certaines lésions à pronostic
défavorable relèvent d’une revascularisation. Dans ce cas, la
coronarographie constitue la pierre angulaire de la stratégie
thérapeutique bien que l’âge du malade, sa volonté et les
pathologies associées puissent modifier la conduite à tenir. En
pratique, compte tenu du mauvais pronostic de la cardiopathie
ischémique chez le diabétique, l’inventaire des lésions du réseau
artériel coronaire est volontiers réalisé, à moins que le malade n’ait
été identifié « à risque faible » par l’épreuve d’effort ou, mieux, par
la scintigraphie myocardique. En cas d’ischémie silencieuse, la
symptomatologie clinique étant par définition absente, la première
approche n’est envisageable que si l’efficacité du traitement médical
est appréciée par l’épreuve d’effort ou la scintigraphie mais, à ce
Tableau II. – Recommandations pour le dépistage de la cardiopathie ischémique chez le diabétique.
Recommandations de l’ALFEDIAM, 1995 Conférence de consensus ADA, 1998
Diabète + artériopathie périphérique Diabète + atteinte vasculaire périphérique
Diabète + microalbuminurie/ protéinurie Diabétiques sédentaires de plus de 35 ans en vue d’un programme de réentraînement à l’effort
Diabète + un (ou plus) facteur de risque CV (HTA, dyslipidémie, tabagisme) Diabète + au moins deux facteurs de risque :
Diabète + parents du premier degré décédés prématurément d’accident CV chol/total ³ 2,4 g/L, chol LDI ³ 1,60 g/L ou chol HDL < 0,35 g/L ; PA > 140/90 mmHg ;
Diabétiques âgés de plus de 65 ans (surtout si sexe féminin) tabagisme ; ATCD familiaux de décès CV prématuré ; micro- ou macroalbuminurie
CV : cardiovasculaire ; HTA : hypertension artérielle ; chol : cholestérol ; LDL : low density lipoprotein ; HDL : high density lipoprotein ; PA : pression artérielle :ATCD : antécédent.
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jour, bien que les preuves du bien-fondé de cette attitude fassent
défaut, la pratique d’un bilan lésionnel est préférée.
¦ Traitement médical
Le traitement médical de l’angor stable repose sur l’utilisation des
dérivés nitrés, des antagonistes calciques et des bêtabloquants. Ces
trois classes thérapeutiques ont montré leur efficacité sur le contrôle
des symptômes cliniques et sur la réduction de l’ischémie mais,
faute d’étude de morbimortalité adaptée, aucune n’a fait la preuve
de sa supériorité sur la survie des malades atteints d’angor stable. Il
est néanmoins recommandé d’utiliser les bêtabloquants en première
intention dans la population générale et d’éviter les anticalciques
du type dihydropyridine à courte durée d’action, réputés
dangereux [72]. En pratique, la prescription d’un médicament
antiangineux se fait donc en fonction de son efficacité clinique et de
ses propriétés pharmacologiques. En effet, si la prescription de
dérivés nitrés et d’anticalciques ne requiert pas de précautions
particulières chez le diabétique, il n’en est pas de même pour les
bêtabloquants. Le risque d’une détérioration de l’équilibre
glycémique apparaît négligeable, mais celui d’une aggravation des
hypoglycémies mérite d’être soigneusement évalué, même lorsque
l’on prescrit des bêtabloquants cardiosélectifs, en particulier chez le
diabétique de type 1 qui perçoit mal les hypoglycémies. Ce risque
métabolique ne doit cependant pas être surestimé car les
bêtabloquants ont démontré qu’ils diminuaient la morbimortalité
cardiovasculaire à 3 ans chez le diabétique insuffisant coronarien [44].
De plus, une étude observationnelle récente a montré que le rapport
bénéfice/risque des bêtabloquants restait très favorable dans le
postinfarctus, même lorsqu’ils étaient prescrits chez les malades
présentant les classiques contre-indications à la prescription de cette
classe thérapeutique [72]. Tout ceci plaide en faveur de l’utilisation
large des bêtabloquants dans l’angor stable chez le diabétique.
L’utilité des associations thérapeutiques, pourtant largement
utilisées, reste discutée [44]. L’intérêt des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion (IEC) chez le diabétique insuffisant coronarien ou à haut
risque vasculaire a été formellement établi : baisse de la mortalité
cardiovasculaire de 37 % après 4,5 ans de traitement [35].
En l’absence de revascularisation, le traitement médical de l’ischémie
silencieuse est considéré comme nécessaire, mais son efficacité sur
la prévention des événements cardiovasculaires graves n’est pas
parfaitement établie [16].
Chez le non-diabétique, l’intérêt de l’aspirine à faible dose (75 mg/j)
est bien établi dans l’angor stable et l’ischémie silencieuse [45, 65]. En
cas de diabète, l’aspirine, utilisée à posologie supérieure (300 à
650 mg/j) diminue, en prévention secondaire, la morbimortalité
cardiovasculaire [9]. Dans une étude d’observation plus récente, la
prise d’aspirine apparaît plus efficace chez les diabétiques vis-à-vis
de la mortalité cardiovasculaire et globale [34]. En conséquence, même
si le choix de la dose d’aspirine susceptible de fournir le meilleur
rapport bénéfice/risque reste débattu chez le diabétique, sa
prescription en prévention secondaire dans cette population doit être
considérée comme indispensable. L’utilité des nouveaux
antiagrégants (clopidogrel, antiglycoprotéine (anti-GP) IIb/IIIa) reste
à définir dans cette indication.
¦ Revascularisation myocardique
La plupart des données disponibles chez le diabétique pour évaluer
les résultats de la revascularisation myocardique sont issues
d’études rétrospectives à partir de registres ou bien de l’analyse de
sous-groupes de grandes études d’intervention menées dans la
population générale, ce qui limite leur portée. De plus, les incessants
progrès de la revascularisation, qu’elle soit chirurgicale (anesthésieréanimation,
prise en charge périopératoire, technique miniinvasive)
ou bien par ACT (matériel, endoprothèses), rendent vite
obsolètes les résultats disponibles. Les constats d’un jour sont donc
susceptibles d’être rapidement remis en question. Actuellement,
l’absence de recommandations spécifiques et la multiplicité des
facteurs à prendre en compte font que, dans la plupart des cas, les
indications thérapeutiques sont portées cas par cas. Enfin, les
différentes méthodes de revascularisation disponibles doivent être
considérées, compte tenu de la diffusion des lésions et dans l’optique
d’une revascularisation optimale, comme complémentaires.
¦ Chirurgie coronaire
Le pronostic immédiat d’un pontage coronaire n’est pas différent
chez le diabétique et le non-diabétique [56]. La morbidité
périopératoire est en revanche augmentée chez le diabétique,
notamment lors de pontages artériels du fait de surinfections locales
et de retards de cicatrisation [3].
À l’inverse, la survie à moyen et long termes est significativement
réduite après CC chez le diabétique. La mortalité à 30 jours passe de
2,5 % chez le non-diabétique à 5 % [15]. À 5 ans, 80 et 91 % des
diabétiques et des non-diabétiques respectivement sont encore en
vie [62]. À 10 ans, la survie est de 50 % chez les diabétiques et de
71 % chez les non-diabétiques [88]. Globalement, les malades
diabétiques ont, par rapport aux non-diabétiques, un profil de risque
vasculaire plus marqué, sont plus âgés, ont plus de lésions multiples
et une fraction d’éjection plus faible [15, 98]. Malgré cela, la différence
de pronostic apparaît surtout liée à une plus grande évolutivité de
la maladie athéromateuse [4].
¦ Angioplastie coronaire transluminale
Si les débuts de l’ACT ont été marqués par une plus grande
fréquence des décès, des infarctus initiaux et des pontages en
urgence chez les diabétiques [69], les travaux plus récents montrent
un taux de succès primaire comparable entre les diabétiques et les
non-diabétiques, même si l’état vasculaire des malades diabétiques
est souvent plus précaire [79, 95]. À noter que si le taux de succès
angiographique et clinique précoce, de l’ordre de 90 %, est
comparable chez les diabétiques et les non-diabétiques lorsque les
lésions sont en majorité monotronculaires [79], les complications,
ischémiques en particulier, sont plus fréquentes et le succès de la
procédure plus rare (74 % contre 87 % chez le non-diabétique) en
cas de lésions multitronculaires chez le diabétique [23].
Le devenir des diabétiques est en revanche moins bon à long terme,
mais les résultats disponibles ne portent que sur des malades traités
par ACT seule [49, 79]. Dans le registre rétrospectif du National Heart
Lung and Blood Institute (NHLBI), le risque de décès avant la
dixième année est deux fois supérieur chez le diabétique [49]. Dans
celui d’EMORY, après 5 ans, le pourcentage de décès ou d’infarctus
est pratiquement multiplié par deux chez les diabétiques (décès :
11 % contre 7 % ; infarctus : 19 % contre 11 %) avec nécessité, plus
souvent, d’un nouveau geste de revascularisation (64 % contre
47 %) [79]. Dans cette étude, la baisse de la survie chez le diabétique
est statistiquement liée à l’altération de la fonction ventriculaire
gauche, à la diffusion des lésions et au traitement par l’insuline.
L’excès de resténose observé chez les diabétiques pourrait expliquer
cette évolution défavorable [73]. Chez ces malades, la resténose est
deux fois plus fréquente (63 % contre 36 %) et sa forme occlusive
cinq fois plus (14 % contre 3 %) [95]. Ces resténoses occlusives,
d’autant plus fréquentes que le nombre de lésions traitées augmente,
participeraient à l’altération de la fonction ventriculaire gauche et
seraient ainsi responsables du mauvais pronostic [94].
Dans la plupart des études, l’utilisation des endoprothèses
coronaires réduit, sans le normaliser, le risque de resténose chez le
diabétique [22]. Toutefois, dans l’étude lilloise, après endoprothèse, la
fréquence des resténoses non occlusives et occlusives n’est pas
différente chez les diabétiques et les non-diabétiques (25 % contre
27 % et 2 % contre 1 % respectivement) [95]. Dans une autre
publication, le risque de décès ou d’infarctus des diabétiques de
type 2 et des non-diabétiques est identique dans l’année qui suit la
mise en place d’une endoprothèse, alors qu’il double pratiquement
en cas de diabète de type 1 [1]. Les resténoses observées chez le
diabétique traité par ACT plus endoprothèse seraient en fait
exclusivement observées en cas d’implantation de stents de petite
taille (moins de 3 mm de diamètre) [55].
L’utilisation de nouveaux agents antiagrégants plaquettaires comme
l’abciximab qui bloque le récepteur GPIIb/IIIa permet de réduire de
Cardiologie Cardiopathie ischémique du diabétique 11-030-R-30
5
plus de 50 % le risque de décès et d’infarctus à 6 mois après ACT
chez le diabétique [50]. De même, le nombre de décès ou d’infarctus
ainsi que la nécessité d’un geste de revascularisation à 6 mois sont
significativement diminués lorsque l’on associe l’endoprothèse et
l’abciximab chez ces malades [59].
ÉTUDES COMPARATIVES DES OPTIONS
THÉRAPEUTIQUES
¦ Comparaison traitement médical/chirurgie coronaire
Plusieurs études relativement anciennes ont permis d’identifier, dans
la population générale, des sous-groupes de malades aux lésions
bien définies pour lesquels la CC améliore la survie
comparativement au traitement médical [14, 86]. Dans une métaanalyse
regroupant sept essais randomisés, la mortalité après CC est
significativement réduite à 5, 7 et 10 ans par rapport au traitement
médical [100]. Le bénéfice de la chirurgie est d’autant plus important
que les malades ont un risque préopératoire élevé : atteinte
vasculaire étendue, altération de la fonction ventriculaire gauche.
Les lésions du tronc commun de l’artère coronaire gauche et les
atteintes tritronculaires associées à une altération modérée de la
fonction du VG représentent les indications les plus claires de la
CC, mais les malades ayant des lésions tritronculaires sans atteinte
de la fonction du VG et ceux présentant une sténose proximale de
l’intraventriculaire antérieure (IVA), tout comme ceux qui présentent
un angor sévère avec atteinte multitronculaire quelle que soit la
fonction du VG, bénéficient aussi de la CC. En revanche, les malades
qui ont une lésion monotronculaire et un VG normal ne tirent aucun
profit, en termes de mortalité, du pontage. La CC améliore la survie
des diabétiques coronariens tritronculaires (deux tiers des malades
étudiés) par rapport au seul traitement médical (mortalité abaissée
de 45 et 30 % à 5 et 10 ans respectivement [11]). Même si ces résultats
sont ceux d’un travail non randomisé mené sur des malades de plus
de 65 ans, la pratique exclusive, dans cette étude, de pontages
veineux conduit vraisemblablement à sous-estimer le bénéfice de ce
mode de revascularisation. En effet, l’utilisation de l’artère
mammaire interne, perméable à 10 ans dans plus de 90 % des cas,
bénéficie autant aux diabétiques qu’aux non-diabétiques [62]. Par
ailleurs, en cas d’ischémie silencieuse chez des diabétiques de type
1 en insuffisance rénale terminale, la CC améliore la survie [58]. Ainsi,
chez le diabétique comme chez le non-diabétique, la CC apparaît
formellement indiquée en présence d’une lésion du tronc commun
de l’artère coronaire gauche, d’atteintes multiples avec lésion de
l’artère interventriculaire antérieure proximale ou encore d’atteinte
tritronculaire avec altération de la fonction ventriculaire gauche et
préférable en cas d’angor sévère avec atteinte multitronculaire quelle
que soit la fonction du VG.
¦ Comparaison traitement médical/angioplastie
coronaire transluminale
Dans l’étude ACME, le traitement médical a été comparé à l’ACT
chez des malades ayant une atteinte monotronculaire. L’ACT réduit
l’incidence de l’ischémie symptomatique, mais les complications et
le coût sont dans ce cas plus élevés et il n’est observé aucune
différence pour le nombre d’infarctus et de décès [67]. Des résultats
équivalents ont été publiés chez les malades ayant une atteinte isolée
de l’IVA [39]. Malgré un nombre d’études réduit et l’absence d’analyse
spécialement dédiée aux diabétiques, le traitement médical est
considéré comme l’approche thérapeutique initiale la plus adaptée
chez les malades ayant une lésion monotronculaire, et l’ACT est
donc théoriquement réservée aux échecs du traitement médical. Les
résultats de l’étude AVERT, menée chez des malades non
diabétiques mono- ou bitronculaires à angor stable, confortent l’idée
qu’un traitement médical agressif, faisant appel en l’occurrence à
l’atorvastatine à forte posologie, est au moins aussi efficace que
l’angioplastie dans cette population [70].
¦ Comparaison chirurgie coronaire/angioplastie
coronaire transluminale
Ces deux techniques de revascularisation sont comparées à partir
d’études dans lesquelles le pourcentage de patients inclus est très
faible par rapport au nombre de sujets sélectionnés (environ 5 % de
la population) et dont les centres participants étaient hautement
expérimentés pour les deux techniques. De plus, dans ces études
dont la durée de suivi ne dépasse pas en général 5 ans, l’ACT était
exclusivement faite par ballonnet et sans stent.
Dans la population générale, en cas d’atteinte monotronculaire (45 %
de l’étude RITA), la CC et l’ACT donnent des résultats équivalents
pour le nombre de décès et d’infarctus non mortels. L’ACT, plus
simple, coûte à court terme moins cher qu’un pontage, mais les
douleurs angineuses résiduelles sont plus fréquentes, notamment
chez la femme, le traitement antiangineux est plus important et les
récidives sont plus fréquentes [74]. En cas d’atteinte pluritronculaire,
les études randomisées comparant l’ACT à la CC ont montré de
façon remarquablement constante que ces deux modalités
thérapeutiques étaient comparables, pour ce qui concerne la survie
et l’infarctus non fatal après 5 ans de suivi en moyenne. En revanche,
le nombre de réinterventions est plus fréquent après ACT, l’angor
résiduel est moins fréquent après CC et le coût de la chirurgie plus
élevé, toutes ces différences ayant tendance à s’amenuiser avec le
temps [36, 48]. De même, l’étude prospective randomisée BARI dont
l’objectif principal était de comparer la survie à 5 ans de malades
atteints de lésions multitronculaires revascularisés soit par CC soit
par ACT, a montré qu’il n’y avait pas de différence, en termes de
survie, dans la population générale, entre ces deux types de
traitement (89,3 % contre 86,3 % [83]). En revanche, l’analyse séparée
des malades diabétiques (352 patients) a révélé que les malades
traités par ACT avaient une survie moins bonne (65,5 %) que les
malades traités par CC (80,6 %), ce bénéfice n’étant cependant
retrouvé que pour les malades ayant reçu un greffon artériel :
mortalité à 5 ans de 2,9 % contre 18,2 % après pontage veineux [83].
Cette apparente remise en question de l’intérêt de l’ACT chez le
diabétique est cependant battue en brèche par les résultats des
registres qui reflètent peut-être mieux la pratique clinique. Dans le
registre d’EMORY, la survie à 5 et 10 ans des malades traités par
ACT (78 et 45 %) n’est pas différente de celle des patients ayant subi
une CC (76 et 48 %) [97]. Dans celui du Duke Heart Center, la survie
à 5 ans des diabétiques est équivalente quel que soit le traitement
(76 % pour l’ACT contre 74 % pour la CC [10]). De plus, les résultats
concernant la survie à 5 ans des malades qui n’ont pas été inclus
dans l’étude BARI vont dans le même sens puisque la mortalité n’y
apparaît pas différente, que les malades aient été traités par ACT ou
par CC [19]. Le débat sur les mérites respectifs de la CC et de l’ACT
chez le malade diabétique multitronculaire a récemment rebondi à
la suite d’une publication montrant, sur l’ensemble des malades de
l’étude BARI (registre plus randomisation), que la CC réduisait la
mortalité à 5 ans chez le diabétique, tout particulièrement dans le
sous-groupe des malades ayant fait un infarctus [18]. L’apparent
moins bon résultat de l’ACT en cas de lésions multiples chez le
diabétique pourrait être expliqué par la progression plus rapide des
lésions d’athérosclérose [4], par le nombre plus élevé de resténose
occlusive [95] ou encore par une moins bonne revascularisation du
myocarde à risque [31]. Si le traitement des facteurs de risque
vasculaire et les progrès de l’ACT sont susceptibles de limiter
l’impact des deux premières hypothèses, la troisième, inhérente à la
technique de revascularisation utilisée, apparaît plus irréversible. En
termes de coût, le prix initial de l’ACT est inférieur à celui de la CC,
mais à 5 ans, chez le diabétique, le rapport coût-efficacité est
favorable à la CC [38].
RECOMMANDATIONS
Dans le cadre de l’angor stable, le traitement ayant pour but de
soulager les symptômes et d’améliorer le pronostic vital, il convient,
pour choisir le traitement approprié, de prendre en compte l’état
général du malade (âge, sexe et affections concomitantes), la
clinique, la fonction du VG et l’étendue des lésions coronaires.
Globalement, lorsque le pronostic est susceptible d’être amélioré par
la chirurgie, une intervention est préconisée, quelle que soit la
sévérité de la clinique. Ainsi, toute sténose du tronc commun
coronaire gauche doit être traitée chirurgicalement quelle que soit la
11-030-R-30 Cardiopathie ischémique du diabétique Cardiologie
6
fonction du VG. En cas d’atteinte tritronculaire comprenant l’atteinte
de l’artère interventriculaire antérieure proximale, la CC est
recommandée, surtout si les lésions sont associées à une altération
de la fonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection [FE] inférieure
à 30 %). D’une façon générale, une mauvaise fonction du VG
constitue une indication chirurgicale. Si le pronostic n’est pas
péjoratif (atteinte monotronculaire, voire lésion isolée de l’IVA
proximale), le traitement initial est médical, le geste de
revascularisation n’étant envisagé qu’en cas d’échec du traitement
médical. Dans ce cas, une ACT avec endoprothèse sera préférée en
cas de sténose mono- ou bitronculaire. Enfin, devant des lésions
multitronculaires autres que celles suscitées, en l’état actuel des
connaissances, il est recommandé, chez le diabétique, de recourir à
la CC avec greffon artériel surtout lorsque la revascularisation par
ACT risque d’être incomplète et qu’une grande partie du myocarde
est à risque d’ischémie. Ceci dit, il faut souligner que ces deux
techniques de revascularisation sont plus complémentaires
qu’exclusives surtout chez le diabétique où les lésions sont multiples
et complexes.
TRAITEMENT DU DIABÈTE
La place de l’hyperglycémie dans les complications
cardiovasculaires liées au diabète a été largement étudiée (cf supra),
mais les études d’intervention sur le sujet sont peu nombreuses.
Le travail prospectif et randomisé des années 1960 de l’UGDP
(12,5 ans de suivi moyen) avait pour objectif de comparer l’efficacité,
en termes de survie, de trois traitements dans le diabète de
type 2 [92]. Dans cette étude, un excès de mortalité cardiovasculaire a
été observé sous sulfamide hypoglycémiant (tolbutamide) et sous
biguanides (phenformine). De plus, l’insulinothérapie à doses
ajustées n’a pas montré, malgré un meilleur équilibre glycémique,
de bénéfice sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires
comparativement à une insulinothérapie à doses fixes. Ces résultats,
qui ont été l’objet de multiples polémiques, n’en ont pas moins eu
un vaste retentissement et ont laissé planer, pendant de longues
années, un doute sur le bien-fondé du traitement hypoglycémiant
oral.
Le débat à propos des sulfamides hypoglycémiants a été récemment
ravivé par la découverte de leur mécanisme d’action. Les
sulfonylurées stimulent en effet la sécrétion d’insuline en inhibant
des canaux potassiques d’adénosine triphosphate (ATP) dépendants
de la cellule bêta. D’autres isoformes de ces canaux, présentes sur
les vaisseaux et les cellules myocardiques, sont activées en cas
d’ischémie. Cette activation provoque d’une part une diminution de
la contraction du myocardiocyte et d’autre part une vasodilatation,
qui protègent le myocarde de l’ischémie. Les sulfonylurées, qui n’ont
qu’une spécificité relative vis-à-vis de ces isoformes, seraient
susceptibles d’inhiber cette réaction protectrice du myocarde dite de
« préconditionnement myocardique » et donc potentiellement
délétères en cas de cardiopathie ischémique. Les récents résultats de
l’UKPDS plaident contre le retentissement clinique de ce
phénomène, mais l’innocuité des sulfonylurées dans le postinfarctus
n’est pas établie [57].
L’UKPDS, étude randomisée débutée en 1977 comportant
4 209 sujets diabétiques de type 2 de diagnostic récent suivis
pendant 15 ans, avait pour objectif d’une part de savoir si
l’amélioration de l’équilibre glycémique était susceptible de prévenir
l’ensemble des complications liées au diabète et d’autre part de
comparer l’efficacité des différents traitements disponibles [89, 90]. Le
traitement conventionnel, basé sur la diététique, a donc été comparé
à un traitement dit intensif visant à obtenir un contrôle métabolique
optimal (glycémie à jeun inférieure à 6 mmol/L). Le groupe
« traitement intensif » a lui-même été divisé en deux sous-groupes
principaux, l’un traité par insuline, l’autre par sulfamides
hypoglycémiants, et en un troisième sous-groupe, de taille plus
réduite, composé de sujets obèses traités par biguanides. Au terme
de l’étude, malgré une dérive progressive de l’équilibre glycémique,
un meilleur contrôle glycémique (différence absolue de 0,9 % pour
l’hémoglobine [Hb] A1c), quel que soit le traitement initial, réduit
de façon significative la morbimortalité due au diabète ; la baisse de
la mortalité liée au diabète n’est cependant pas significative et la
réduction du nombre d’infarctus n’atteint pas le seuil de
significativité (moins de 16 %, p = 0,052). Néanmoins, dans le sousgroupe
des obèses traités par la metformine, la mortalité liée au
diabète et le nombre d’infarctus (moins de 39 %) diminuent de façon
significative. Si l’efficacité métabolique des trois traitements est
équivalente, sous metformine, le poids augmente moins et le nombre
d’hypoglycémies diminue. Au total, ces résultats plaident en faveur
d’une prévention possible de la maladie cardiovasculaire par
l’amélioration de l’équilibre glycémique.
Les résultats de l’étude dite « des Vétérans » (VA-CSDM) ne vont
cependant pas dans ce sens [2]. Cette étude prospective et randomisée
avait pour objectif essentiel de tester la faisabilité, dans le diabète de
type 2, d’un traitement intensif visant à obtenir la normalisation de
l’HbA1c, des glycémies de jeûne et des glycémies postprandiales.
Le résultat espéré a été atteint avec une quasi-normalisation de
l’HbA1c sous traitement intensif (baisse de deux points de l’HbA1c
par rapport au groupe conventionnel), au prix cependant d’une
augmentation des hypoglycémies et surtout d’une augmentation des
accidents cardiovasculaires (32 % contre 20 %), il est vrai non
statistiquement significative. La petite taille de cette étude
(153 sujets) et sa courte durée (27 mois) limitent néanmoins la portée
de ces résultats. Quoi qu’il en soit, l’existence d’une cardiopathie
ischémique chez près de 40 % des malades inclus dans l’étude laisse
supposer que les objectifs d’équilibre glycémique doivent être revus
à la hausse lorsque le diabète est compliqué de coronaropathie.
Dans le diabète de type 1, l’étude DCCT comparant, chez
1 441 sujets, une insulinothérapie conventionnelle à une
insulinothérapie intensive visant à maintenir la glycémie dans des
valeurs proches de la normale, a montré que l’amélioration de
l’équilibre glycémique favorisait la prévention des complications
liées à la microangiopathie, sans toutefois diminuer significativement
le nombre des événements cardiovasculaires majeurs. En
fait, le nombre d’accidents cardiovasculaires s’est avéré trop faible
pour espérer mettre en évidence une différence entre les deux
groupes de traitement, probablement en raison de la courte durée
de l’étude et du jeune âge des sujets inclus [84].
Dans les suites d’un infarctus du myocarde, l’étude DIGAMI a
démontré tout l’intérêt d’un meilleur contrôle glycémique [57]. Dans
cette étude, 620 diabétiques avec une glycémie supérieure à
11 mmol/L à l’inclusion ont été répartis en deux groupes, l’un
recevant une insulinothérapie intensifiée, par voie veineuse lors de
l’hospitalisation puis par injections multiples pendant au moins
3 mois, l’autre un traitement standard à la discrétion du médecin en
charge du malade. L’équilibre glycémique était significativement
amélioré dès la 24e heure, à la sortie de l’hôpital et après 1 an de
suivi dans le groupe bénéficiant d’une insulinothérapie intensive.
Bien qu’aucune différence n’ait été observée pour la mortalité
intrahospitalière, la mortalité à 1 an était diminuée de 30 et de 28 %,
après un suivi moyen de 3,4 ans, dans le groupe traité de façon
intensive. Cependant, comme la majorité de ces malades a arrêté les
sulfamides hypoglycémiants, il est difficile de savoir si le bénéfice
obtenu est lié à la seule amélioration de l’équilibre glycémique.
Nous ne disposons donc pas d’étude chez le malade diabétique
ayant une cardiopathie ischémique connue et traitée (hors infarctus),
qui démontre formellement l’efficacité d’un contrôle glycémique
optimal sur l’évolutivité de la coronaropathie. Il est donc difficile de
recommander un objectif de contrôle glycémique. Dans le doute, il
paraît prudent de se contenter, dans cette population, d’une valeur
d’HbA1c comprise entre 7 et 8 % (limite supérieure de normalité
6 %), en évitant, autant que faire se peut, les hypoglycémies qui, sur
un tel terrain, peuvent être responsables d’accidents d’ischémie
aiguë, voire de mort subite, par troubles du rythme paroxystiques
[60]. Toute baisse glycémique au-dessous de 1g/L devrait ainsi
être évitée grâce à la pratique régulière de l’autocontrôle glycémique
et à l’utilisation de médicaments normoglycémiants, l’insuline
n’étant utilisée que sous réserve d’une adaptation stricte des doses.
Cardiologie Cardiopathie ischémique du diabétique 11-030-R-30
7
TRAITEMENT DES AUTRES FACTEURS DE RISQUE
La lutte contre la sédentarité et l’obésité est indispensable. Les
modifications du mode de vie sont susceptibles de corriger la
plupart des perturbations biologiques liées au diabète chez la
majorité des diabétiques en surpoids sans déficit insulinique
marqué. L’obtention d’une perte de poids permanente d’environ
10 % diminue l’insulinorésistance, améliore le contrôle glycémique,
normalise le profil lipidique (réduction des triglycérides et élévation
du cholestérol HDL) et abaisse la pression artérielle. L’activité
physique, pour peu qu’elle soit régulière et soutenue, permet
d’obtenir les mêmes résultats. La perte de poids volontaire accroît
l’espérance de vie du diabétique, comme la pratique régulière d’une
activité physique adaptée. La mesure de prévention du risque
vasculaire la plus efficace et la moins onéreuse est l’arrêt de
l’intoxication tabagique : chez le diabétique, le sevrage tabagique
allonge la durée de vie de 4 ans, alors que l’aspirine et le traitement
de l’hypertension ne l’augmentent que de 1 an chacun [99]. Son arrêt
doit donc être une priorité chez le diabétique coronarien. Des
recommandations relatives au sevrage tabagique chez le diabétique
ont été récemment publiées [8].
Cinquante à 70 % des diabétiques sont hypertendus, soit une
prévalence pratiquement deux fois supérieure à celle de la
population générale. Les récents résultats de l’UKPDS montrent
qu’un contrôle strict de la pression artérielle (144/82 mmHg en
moyenne) permet d’obtenir une réduction significative des décès
attribuables au diabète [91]. Dans l’étude HOT, où l’effet sur
l’incidence d’événements cardiovasculaires majeurs de trois objectifs
différents de pression artérielle diastolique est comparé, seul le
groupe des diabétiques bénéficie d’un abaissement de la pression
artérielle diastolique au-dessous de 80 mmHg [33]. L’objectif
thérapeutique chez le diabétique hypertendu doit être, selon les
recommandations du Joint National Committee (JNC) [85] et de
l’American Diabetes Association (ADA) [5], d’abaisser la pression
artérielle au-dessous de 130/85 mmHg. Les mesures d’hygiène de
vie doivent être encouragées sans pour autant retarder le traitement
pharmacologique. Les IEC sont volontiers recommandés en première
intention, surtout s’il existe une atteinte rénale associée. Deux études
contrôlées menées chez le diabétique de type 2 hypertendu
comparant les inhibiteurs calciques de la famille des
dihydropyridines aux IEC ont montré une augmentation du nombre
d’événements cardiovasculaires majeurs en cas de traitement par
inhibiteur calcique [24, 82]. Il paraît donc préférable de s’abstenir de
prescrire ces agents antihypertenseurs en première intention chez le
diabétique atteint d’une cardiopathie ischémique. Dans l’UKPDS, si
l’efficacité d’un bêtabloquant ou d’un IEC utilisé en première
intention apparaît comparable, une triple association d’antihypertenseurs
s’avère nécessaire chez 30 % environ des malades pour que
la pression artérielle soit contrôlée en fin d’étude [91]. En cas d’objectif
non atteint, l’association de produits de classe différente est donc
non seulement recommandée, mais aussi indispensable. En d’autres
termes, la normalisation des chiffres tensionnels apparaît plus
importante que le choix de la classe thérapeutique à utiliser en
première intention.
Les perturbations du bilan lipidique sont particulièrement
fréquentes dans le diabète de type 2 (près de 50 % des malades). Le
profil lipidique le plus souvent observé associe une
hypertriglycéridémie et un HDL cholestérol bas ; la concentration
de LDL cholestérol est le plus souvent normale, mais les particules
LDL, anormales, sont plus athérogènes.
Les résultats des essais prospectifs visant à déterminer si le
traitement pharmacologique des anomalies lipidiques du diabétique
est susceptible de diminuer le risque cardiovasculaire du diabétique
ne sont pas encore publiés. Les seuls résultats dont nous disposons
proviennent de l’analyse de sous-groupes de malades diabétiques
de grandes études d’intervention. Dans l’Helsinki Heart Study, étude
d’intervention primaire dans laquelle 135 diabétiques de type 2
seulement étaient inclus, après 5 ans de traitement par gemfibrosil,
la baisse du nombre d’événements cardiovasculaires atteint 60 %
sans être significative ; la diminution de la mortalité cardiovasculaire
observée sous fibrate est cependant d’autant plus nette, à LDL
cholestérol équivalent, que l’hypertriglycéridémie initiale est
importante [51]. En prévention secondaire, l’étude 4S a montré, après
5 ans de traitement par la simvastatine, sur 202 diabétiques, une
réduction significative de 55 % des accidents cardiovasculaires
majeurs pour une diminution d’environ 30 % du LDL cholestérol [71].
De même, dans l’étude CARE chez 586 diabétiques coronariens, une
diminution moins importante (25 %), mais néanmoins significative,
des accidents cardiovasculaires est obtenue après 5 ans de traitement
par la pravastatine [27]. La conduite à tenir devant une
hypertriglycéridémie chez le diabétique coronarien ne peut être
précisée par ces deux dernières études car l’hypertriglycéridémie
était une cause d’exclusion. En revanche, en cas de HDL cholestérol
bas (inférieur ou égal à 0,40g/L) avec triglycérides modérément
élevés (inférieurs ou égaux à 3 g/L), une étude récente montre qu’un
traitement de 5 ans en moyenne par le gemfibrosil de sujets
insuffisants coronariens réduit le risque de décès cardiovasculaires
de 24 %, qu’ils soient ou non diabétiques [75]. Dans les
recommandations pour le traitement des dyslipidémies du
diabétique coronarien publiées par l’ALFEDIAM [13] et par l’ADA [7],
l’accent est mis sur la baisse du LDL cholestérol (tableau III).
La prise en charge de ces dyslipidémies débute avec les mesures
hygiénodiététiques usuelles. L’activité physique régulière est
recommandée et le régime sera hypocalorique en cas de surpoids ;
l’apport en cholestérol doit être inférieur à 300 mg/j et le
pourcentage de lipides est réduit à 30 % de la ration calorique,
sachant que l’augmentation relative des glucides est susceptible de
majorer l’hypertriglycéridémie. Néanmoins, un traitement
médicamenteux est en règle nécessaire car la baisse de LDL
cholestérol ainsi obtenue ne dépasse pas 0,25 g/L. L’amélioration de
l’équilibre glycémique ne doit pas être négligée car elle permet
d’abaisser les triglycérides et d’augmenter le HDL cholestérol dans
le diabète de type 2 et même de normaliser le bilan lipidique dans
le diabète de type 1 [7]. Même si l’objectif thérapeutique prioritaire
est, en l’état actuel des connaissances, la normalisation du LDL
cholestérol, il convient, une fois cet objectif atteint, de traiter un HDL
cholestérol bas ou une hypertriglycéridémie résiduelle (tableau IV) [7].
Dans cette optique, les statines sont utilisées en première intention
en cas de LDL cholestérol élevé, alors que les fibrates de deuxième
génération sont préférés en cas d’hyperlipémie mixte à
hypertriglycéridémie prédominante ou d’hypertriglycéridémie
isolée, d’autant qu’ils augmentent le HDL cholestérol. Les résines
qui sont susceptibles d’augmenter les triglycérides (sauf association
thérapeutique) sont évitées, comme les acides gras de la série X3
qui ont été accusés de déséquilibrer le diabète. L’association fibratesstatines,
parfois nécessaire notamment en cas d’hyperlipidémie
mixte, ne doit être utilisée que sous stricte surveillance biologique
compte tenu du risque d’atteinte musculaire.
TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF
La plupart des études d’observation suggèrent un effet protecteur
du traitement hormonal substitutif de la ménopause sur la mortalité
cardiovasculaire [78]. De même, dans la première étude randomisée
publiée sur le sujet, le traitement hormonal supplétif améliore le
profil lipidique et abaisse le fibrinogène [87]. Le bénéfice
cardiovasculaire de ce traitement a cependant été remis en question
par une récente étude prospective randomisée de prévention
secondaire. Cette étude, qui n’a pas démontré de réduction de la
Tableau III. – Objectifs thérapeutiques.
Cholestérol total
(g/L)
LDL cholestérol
(g/L)
Triglycérides
(g/L)
ALFEDIAM (1995) £ 2 £ 1,30(1) £ 1,50
ADA (1993) (2) £ 1 < 2
(1) Abaissé à 1 g/L chez les patients jeunes aux antécédents d’accident cardiovasculaire ou d’infarctus.
(2) HDL(high density lipoprotein) cholestérol supérieur à 0,45 g/L.
LDL : low density lipoprotein.
11-030-R-30 Cardiopathie ischémique du diabétique Cardiologie
8
mortalité et de la morbidité cardiovasculaire sous traitement
hormonal supplétif, a en outre montré une augmentation
significative des accidents thromboemboliques veineux avec ce
traitement [40]. Chez la femme diabétique ménopausée,
l’estrogénothérapie substitutive est susceptible d’améliorer
l’équilibre glycémique, de diminuer le LDL cholestérol, d’augmenter
le HDL cholestérol, mais aussi de provoquer une hypertriglycéridémie
[76]. De plus, une étude cas-contrôle chez la femme
diabétique plaide en faveur d’une diminution du risque d’infarctus
du myocarde en cas d’utilisation prolongée du traitement hormonal
supplétif [47]. Malgré cela, il ne paraît pas prudent de recommander,
compte tenu de l’insuffisance des preuves de son innocuité et de
son efficacité, le traitement hormonal supplétif en prévention
secondaire chez la femme diabétique.
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Tableau IV. – Traitement des dyslipidémies du diabétique.
Objectif Premier choix Deuxième choix Troisième choix
Diminution du LDL cholestérol Statines Résine Fibrates
Augmentation du HDL cholestérol Diminution du poids, activité physique,
arrêt tabac, normoglycémie
Fibrates
Diminution des TG Normoglycémie Fibrates Statines
Diminution du LDL cholestérol et
diminution des TG
Normoglycémie + statines Normoglycémie + statines + fibrates Normoglycémie + résine + fibrates
HDL : high density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein ; TG : triglycérides.
Cardiologie Cardiopathie ischémique du diabétique 11-030-R-30
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11-030-R-30 Cardiopathie ischémique du diabétique Cardiologie
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