Embolies artérielles des membres
F Bacourt
JL Lasry
Résumé. – Les embolies artérielles des membres sont dues essentiellement à la migration de caillots venus du
coeur. Les causes rhumatismales ont régressé au profit des causes athéromateuses.
La connaissance des embolies à point de départ artériel s’est développée, ainsi que celle des embolies
paradoxales à point de départ veineux.
La recherche de l’origine des embolies a bénéficié de l’apport des techniques modernes, notamment le holterélectrocardiogramme
(ECG), l’échographie transoesophagienne, l’angioscanner et l’angio-imagerie par
résonance magnétique (IRM). La place de l’artériographie doit être discutée en fonction du degré d’urgence et
des doutes sur l’intégrité de l’artère avant l’oblitération.
Le traitement bénéficie de nouvelles techniques : à côté du cathéter de Fogarty toujours d’actualité, est
apparue la thromboaspiration, réalisable par voie percutanée. La thrombolyse in situ représente un apport
complémentaire, notamment dans les ischémies distales.
Les embolies sur artères pathologiques nécessitent souvent des gestes complémentaires : dilatation
endoluminale ou pontage.
Le pronostic reste grave du fait d’un taux élevé d’amputations et de décès en rapport avec l’étiologie, le
terrain et les autres localisations emboliques.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : artères des membres, embolies, ischémie aiguë, embolie paradoxale, artériographie,
angiographie par résonance magnétique nucléaire, angioscanner, échographie cardiaque
transoesophagienne, thromboaspiration, cathéter de Fogarty, thrombolyse intra-artérielle.
Introduction
Les embolies artérielles des membres se définissent par l’arrêt d’un
corps étranger en migration dans une artère. Il s’agit le plus souvent
d’un caillot provenant d’une source située en amont, cardiaque ou
vasculaire, et s’arrêtant à un niveau variable des artères des
membres supérieurs ou inférieurs. L’étiologie s’est modifiée depuis
trois décennies. Les causes rhumatismales se sont raréfiées, au profit
des causes athéromateuses, ce qui a modifié l’âge et le pronostic de
cette pathologie.
L’embolectomie par le cathéter de Fogarty ainsi que les nouvelles
techniques de thromboaspiration et de fibrinolyse in situ ont permis
de limiter le taux d’amputation, mais le taux de mortalité reste élevé,
en relation avec l’étiologie, le terrain et l’association d’embolies dans
d’autres territoires.
Anatomie pathologique
La nature des emboles est variable.
– Les caillots rouges formés de fibrine et de tous les éléments figurés
du sang sont les plus fréquents. Les caillots blancs purement
plaquettaires s’observent notamment au cours des thrombopénies
induites par l’héparine réalisant des thromboses in situ susceptibles
de migrer.
– Les embolies athéromateuses sont formées de fragments de plaque
athéromateuse verruqueuse (fig 1), elles renferment du tissu fibreux
et calcaire ainsi que du cholestérol. Une variante est représentée par
les embolies de cholestérol pur qui migrent dans les artérioles
périphériques.
– Les embolies calcaires proviennent surtout des rétrécissements
aortiques et parfois de végétations artérielles coralliformes.
François Bacourt : Professeur des Universités, Hôpital américain, 63, boulevard Victor-Hugo, 92202 Neuilly
sur Seine, France.
Jean-Louis Lasry : Radiologue vasculaire.
Département de radiologie, Hôpital américain, chef de service, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-
Serres, 75015 Paris, France.
1 Plaque athéromateuse
verruqueuse aortique à l’origine
d’embolies des artères fémorales
(pièce d’endartériectomie
de l’aorte thoracique
descendante).
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-501-G-10
11-501-G-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bacourt F et Lasry JL. Embolies artérielles des membres. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-501-G-10, 2003, 7 p.
– Les embolies septiques sont des amas de germes provenant de
végétations septiques situées sur les valves cardiaques natives ou
non, ou sur une prothèse artérielle, ou encore lors d’une infection
artérielle (anévrismes septiques).
– Les embolies tumorales provenant de tumeurs cardiaques ou
artérielles sont exceptionnelles.
– Les embolies de corps étrangers peuvent concerner des balles, des
plombs, des cathéters...
Étiologie
Le tableau I montre la fréquence respective des causes d’embolies
artérielles des membres inférieurs (embolies tronculaires
essentiellement). Il apparaît que la plupart des embolies artérielles
des membres sont d’origine cardiaque. La meilleure connaissance
des causes artérielles et celle des embolies paradoxales a réduit la
fréquence des embolies de cause inconnue, qui reste encore
importante.
ORIGINE CARDIAQUE
Les principales causes sont l’arythmie par fibrillation auriculaire
(60 %) et l’infarctus du myocarde (20 %). Les lésions valvulaires,
surtout le rétrécissement mitral, sont moins souvent en cause depuis
la régression du rhumatisme articulaire aigu. Les autres causes les
plus fréquentes sont les cardiopathies dilatées non ischémiques, les
endocardites infectieuses, les prothèses valvulaires.
Ces étiologies cardiaques sont détaillées dans le fascicule 19-0530 de
l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale « Ischémie aiguë des
membres ».
ORIGINE ARTÉRIELLE
Elles représentent le quart des embolies des membres supérieurs [30,
31].
Elles proviennent de plaques athéromateuses aortique, iliaque,
fémorale ou sous-clavière, à l’origine :
– soit d’embolies macroscopiques formées de débris athéromateux
ou de fragments de thrombose fixés sur une plaque, appelée
thrombose « murale », observée surtout au niveau de l’aorte
thoracique [12] ou abdominale [19, 21] (fig 2, 3, 4) ;
– soit d’embolies microscopiques constituées de dépôts fibrineux
hyalins ou de cristaux de cholestérol (objet d’un chapitre distinct).
Les anévrismes artériels, quels qu’en soient le siège et la nature,
peuvent être la source de migrations provenant de la fragmentation
de la thrombose murale quasi constante (fig 5).
Les traumatismes artériels aigus ou répétitifs peuvent être à l’origine
d’une embolie artérielle à partir d’une lésion intimale, partiellement
thrombosante. Il peut s’agir de traumatismes itératifs externes
provoqués par certains sports [10] ou certaines professions, ou
internes en rapport avec un os anormal tel qu’une côte cervicale [2,
32], une tumeur osseuse, un tendon anormal (artère poplitée piégée).
Une embolie peut être en rapport avec divers gestes diagnostiques
ou thérapeutiques : cathétérisme artériel, traitement fibrinolytique,
chirurgie artérielle [33], prothèse thrombosée...
D’autres causes très rares peuvent être citées : tumeurs aortiques,
projectiles...
ORIGINE VEINEUSE
Les embolies paradoxales résultent de la migration d’une thrombose
veineuse dans le système artériel par une communication anormale
Tableau I. – Étiologie des embolies tronculaires des membres.Valeurs
extrêmes des taux rapportés dans plusieurs séries [5, 11, 16, 28].
- Origine cardiaque 80 à 90 %
- Infarctus du myocarde 20 à 30 %
- Fibrillation auriculaire 50 à 77 %
- Valvulopathies rhumatismales 1 à 20 %
- Cardiomyopathies 1 à 4 %
- Chirurgie cardiaque 1 à 3 %
- Origine artérielle 2 à 10 %
- Embolies paradoxales 0,5 à 1 %
- Causes inconnues 10 à 12 %
2 Aortographie : irrégularités
anfractueuses du bord
gauche de l’aorte juxta- et
sous-rénale (entre les deux
flèches), répondant à des plaques
athéromateuses emboligènes
(une néphrectomie ancienne
explique l’absence
d’artère rénale gauche).
3 Artériographie du pied montrant les interruptions artérielles multiples, témoin
des migrations emboliques distales provenant des lésions aortiques de la figure 2.
4 Tomodensitométrie de
l’aorte thoracique descendante
montrant une plaque
athéromateuse calcifiée emboligène
méconnue sur une
artériographie.
11-501-G-10 Embolies artérielles des membres Cardiologie
2
entre les cavités droite et gauche (le plus souvent un foramen ovale
persistant), à la faveur d’une hyperpression dans les cavités droites
(embolie pulmonaire, manoeuvre de Valsalva) (fig 6) [9, 13, 14].
TOPOGRAPHIE DES EMBOLIES
Les caillots s’arrêtent en règle au niveau d’une bifurcation artérielle
ou après la naissance d’une grosse branche collatérale, lorsque le
calibre de l’artère se réduit.
Les embolies artérielles des membres inférieurs représentent 75 %
des cas. Leur répartition figure sur le tableau II. La localisation sur
la bifurcation aortique est particulièrement grave, menaçant les deux
membres inférieurs et mettant en cause le pronostic vital.
Les embolies des artères des membres supérieurs concernent pour
20 % les artères sous-clavières, 20 % les artères axillaires, et 60 % la
bifurcation de l’artère humérale [23]. L’embolie de la bifurcation du
tronc artériel brachiocéphalique associe une ischémie du membre
supérieur droit et des signes neurologiques du côté gauche.
Signes cliniques
L’expression clinique des embolies artérielles des membres est très
variable. Tous les intermédiaires peuvent s’observer entre l’ischémie
aiguë et les formes asymptomatiques.
ISCHÉMIE AIGUË TRONCULAIRE
Le premier signe est une douleur très violente prédominant à
l’extrémité du membre, résistant aux calmants usuels, à type de
broiement par étau.
Le membre est pâle et froid et surtout paralysé, rapidement
insensible. Ce déficit sensitivomoteur d’intensité variable caractérise
l’« ischémie aiguë ». Les muscles sont tendus et douloureux. Les
pouls sont abolis et le retour veineux très ralenti ou nul.
¦ Diagnostic clinique
Le diagnostic d’ischémie aiguë est facile et impose une enquête bien
réglée, qui cherche à déterminer : la gravité, le siège, l’étiologie, l’état
antérieur de l’artère occluse, l’existence éventuelle d’autres
localisations emboliques. Cependant, cette enquête ne doit pas
retarder le traitement qui s’impose d’urgence.
La gravité de l’ischémie est appréciée sur l’étendue du territoire
atteint, sur le degré des signes neurologiques et sur l’ancienneté des
troubles. De ces données dépend le pronostic local. Au plan général,
il importe de chercher un retentissement septique, rénal, ou
pulmonaire, éventuel. Les examens biologiques aident à
l’appréciation du pronostic, notamment sur le degré d’élévation des
taux de créatinine, de la kaliémie et des enzymes musculaires, ainsi
que sur la présence d’une acidose.
Le siège de l’oblitération peut être soupçonné d’après le niveau de
la douleur initiale, d’après la limite supérieure des signes
ischémiques, toujours décalée en aval de l’occlusion (d’un segment
de membre environ). L’échodoppler d’urgence le confirme.
Les signes bilatéraux peuvent être dus à une embolie du carrefour
aortique ou à des embolies bilatérales, le caillot se fragmentant sur
l’éperon aortique.
¦ Enquête étiologique
L’enquête étiologique est un temps essentiel de difficulté variable.
La recherche des causes artérielles par les examens les plus récents a
diminué le nombre de « causes inconnues ».
Causes cardiaques
La recherche d’un foyer emboligène est souvent simple. La prise du
pouls, l’auscultation, l’électrocardiogramme permettent à eux seuls
de reconnaître les causes les plus fréquentes : arythmie et infarctus
du myocarde, parfois associés. Les causes cardiaques plus rares sont
recherchées par l’échographie bidimensionnelle, notamment
transoesophagienne, et l’enregistrement Holter.
Causes vasculaires
Les causes artérielles sont recherchées par l’examen clinique des
trajets artériels et par l’échodoppler artériel. Cependant, c’est
l’apport de l’échographie transoesophagienne [25] et plus encore de
l’angio-IRM ou de l’angioscanner qui permet de découvrir des
lésions artérielles emboligènes, notamment aortiques, autrefois
méconnues même par l’artériographie classique.
Les causes veineuses (embolies paradoxales) sont soupçonnées
devant l’existence de signes de thrombose veineuse des membres
et/ou d’embolie pulmonaire. Elles imposent la mise en évidence
d’un foramen ovale perméable par l’échographie cardiaque
transoesophagienne avec contraste gazeux [13, 14].
Facteurs thrombophiliques
La recherche de facteurs thrombophiliques [6, 17] pouvant favoriser
les thromboses veineuses ou artérielles emboligènes est impérative
(antithrombine III, protéine C, protéine S, facteur V de Leiden,
facteur II, homocystéine).
5 Anévrisme de l’artère sous-clavière (flèche) au niveau de la traversée thoracobrachiale.
De la thrombose murale (bord inférieur irrégulier) s’est détachée une embolie
ayant oblitéré l’artère axillaire (flèche penchée).
6 Schéma du trajet d’une embolie paradoxale.
Caillot provenant d’une phlébite des membres inférieurs, migrant dans la veine cave inférieure
(1), puis dans l’oreillette droite (2), à travers le foramen ovale (3) qui s’ouvre
lors d’une augmentation de pression dans l’oreillette droite, secondaire à une embolie
pulmonaire (EP), passant alors dans les cavités gauches (4,5), puis dans l’aorte (6) et
ses branches.
Tableau II. – Topographie des embolies artérielles des membres inférieurs
[16, 23].
Aorte 10 à 14 %
Iliaque 15 à 20 %
Fémorale 35 à 50 %
Poplitée 15 à 20 %
Tibiale postérieure 1 à 3 %
Tibiale antérieure 1 à 3 %
Cardiologie Embolies artérielles des membres 11-501-G-10
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Artère antérieurement saine ou pathologique ?
L’embolie s’est-elle produite sur une artère antérieurement saine ou
pathologique ?
Le traitement ou le pronostic sont très différents selon que l’embolie
survient sur un arbre artériel sain ou athéromateux. Les antécédents
de claudication intermittente ou d’autres ischémies athéromateuses,
les facteurs de risque athéromateux, l’absence de pouls au niveau
du membre opposé, sont autant d’arguments en faveur d’une
artériopathie préexistante. Une simple radio du membre montrant
des calcifications artérielles, l’échodoppler et l’artériographie du
membre ischémié, mais encore plus du membre controlatéral,
apportent des arguments complémentaires essentiels.
Existe-t-il d’autres localisations emboliques ?
Les embolies multiples sont fréquentes [16]. On les recherche au
niveau :
– des artères cérébrales par l’examen neurologique. Cette association
est fréquente dans les embolies des membres supérieurs ;
– des autres membres, supérieurs ou inférieurs, par l’examen
clinique ;
– mais aussi des artères rénales et des artères digestives.
L’échodoppler, l’angioscanner, l’angio-IRM ou l’artériographie de
ces différents territoires doivent être effectués au moindre doute.
C’est l’artériographie qui permet de découvrir les localisations
homolatérales ou controlatérales souvent muettes, notamment au
niveau des artères hypogastriques ou des artères fémorales ou
humérales profondes (fig 7).
¦ Artériographie
La place de l’artériographie doit être discutée.
En présence d’une ischémie sévère sur une artère manifestement
saine, elle risque de faire perdre un temps précieux. Chaque heure
compte, la désobstruction doit être effectuée au plus vite.
Lorsque l’ischémie est très récente, ou qu’un doute existe sur la
présence d’athérome associé, ou d’une autre localisation,
l’artériographie préopératoire est souhaitable mais uniquement si
elle peut être obtenue immédiatement (notamment en salle
d’opération). Elle doit toujours montrer l’aorte et les deux membres
inférieurs. Dans tous les cas, une artériographie suit un geste de
désobstruction en salle d’opération, ou très précocement après
l’intervention.
L’aspect typique d’une embolie est une image d’arrêt en cupule
convexe vers le haut. Le degré d’athérome éventuel de l’artère
oblitérée est jugé d’après la régularité de sa paroi (plus ou moins
calcifiée) en amont de l’obstacle, sur l’importance du développement
de la collatéralité, mais surtout sur l’aspect des artères du membre
opposé.
ISCHÉMIE SUBAIGUË
Lorsque les signes neurologiques sont mineurs, transitoires ou
absents, on parle volontiers d’« ischémie subaiguë ».
L’enquête doit être la même et le traitement rapide. Cependant,
l’absence de signe neurologique autorise une artériographie dans les
meilleurs délais.
ISCHÉMIE CHRONIQUE
Une embolie peut se traduire d’emblée par une claudication
intermittente, ce qui est en faveur d’un athérome préexistant ayant
permis le développement d’une circulation collatérale.
EMBOLIES ASYMPTOMATIQUES
Une embolie de l’artère fémorale profonde, de l’artère hypogastrique
ou d’une artère de jambe est souvent asymptomatique, découverte
sur une artériographie (fig 7). Ces embolies sont dangereuses car
elles suppriment des collatérales importantes et entraînent une
dégradation du lit d’aval, aggravant le pronostic en cas de récidive.
MICROEMBOLIES ATHÉROMATEUSES
ET DE CHOLESTÉROL
Elles font l’objet d’un chapitre distinct.
MICROEMBOLIES SEPTIQUES
Elles évoluent dans un contexte fébrile et septicémique. Elles se
manifestent par des nodules sous-cutanés inflammatoires, des
placards lymphangitiques, des taches purpuriques plus ou moins
diffuses, (fig 8). Elles peuvent s’accompagner d’arthrites septiques
du pied, de la cheville ou du genou. Elles doivent faire rechercher
un foyer septique en amont, artériel ou cardiaque.
Diagnostic différentiel
EMBOLIES TRONCULAIRES
¦ Thrombose artérielle
Le principal diagnostic est la thrombose artérielle qui se caractérise
par une oblitération in situ, sans migration de caillot, sur une artère
habituellement athéromateuse.
7 Embolie de l’artère fémorale
profonde (flèche supérieure)
découverte par
l’artériographie effectuée
pour une embolie de l’artère
poplitée (flèche inférieure).
8 Multiples taches purpuriques
plantaires, témoins de microembolies
disséminées.
11-501-G-10 Embolies artérielles des membres Cardiologie
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Typiquement, elle diffère de l’embolie par :
– l’âge plus avancé ;
– l’existence d’antécédents de claudication intermittente ;
– un début moins brutal ;
– un terrain athéromateux (antécédents vasculaire, cardiaque, ou
cérébral, facteurs de risques, terrain familial) ;
– l’existence d’une cause favorisante : chute du débit cardiaque par
insuffisance cardiaque ou par hypovolémie, hypercoagulabilité
(polyglobulie, hyperplaquettose, facteurs thrombophiliques
constitutionnels) ;
– l’absence de causes emboliques cardiaques ;
– des signes d’artériopathie chronique particulièrement visibles sur
le membre inférieur controlatéral ;
– l’aspect artériographique de l’oblitération : effilé, en « queue de
radis », opposé à l’aspect cupuliforme de l’embolie, l’existence de
collatérales partant de l’artère en amont de la zone oblitérée étant
un des meilleurs arguments en faveur d’une sténose préexistante,
ainsi que l’existence de sténoses sur les artères du membre opposé.
En fait, le diagnostic est souvent difficile :
– l’embolie survient souvent à l’heure actuelle chez des sujets âgés,
athéromateux ;
– l’athérome peut atteindre également des malades jeunes ;
– la brutalité du début peut être identique ;
– l’athérome cardiaque est une cause fréquente d’embolie ;
– l’aspect artériographique de l’interruption n’est pas un signe
constant ;
– la cause des embolies n’est pas toujours évidente ;
– une embolie peut survenir sur une artère athéromateuse, ce qui
est fréquent à l’heure actuelle puisque le terrain est commun.
En pratique, il est surtout important de déterminer si l’oblitération
artérielle survient sur une artère saine (essentiellement embolie) ou
sur une artère pathologique, qu’il s’agisse d’une embolie ou d’une
thrombose. Les mesures thérapeutiques seront déterminées
essentiellement par cette donnée.
¦ Maladie de Buerger
Elle peut se discuter devant des oblitérations tronculaires
prédominant sur les artères de jambe, chez un sujet jeune. Le
diagnostic est orienté par un tabagisme constant, une atteinte
veineuse associée. Il ne doit être retenu qu’après élimination
formelle d’une compression extrinsèque par un « piège poplité », ou
d’un kyste adventiciel, ou encore d’un athérome du sujet jeune, qui
peuvent se manifester par une symptomatologie voisine.
¦ Dissection aortique
La dissection aortique peut se traduire uniquement par une ischémie
d’un membre en cas d’atteinte iliaque ou sous-clavière. Le diagnostic
n’est parfois évoqué qu’à l’intervention devant une artère non
battante mais vide, sans caillot, l’oblitération siégeant en amont.
¦ Phlébites bleues
Les phlébites bleues sont trompeuses du fait de l’existence de signes
d’ischémie (douleurs, membre froid, abolition des pouls). Mais,
l’existence d’un oedème et d’une coloration bleutée ou rosée du
membre doit redresser le diagnostic [20]. Elles répondent à des
oblitérations veineuses tronculaires massives, iliaques et/ou du
carrefour veineux fémoral. Les signes artériels sont liés au blocage
de la circulation artérielle par l’hyperpression veineuse et l’absence
de retour veineux. Une désobstruction veineuse s’impose parfois,
mais en règle aucun geste artériel n’est indiqué.
¦ Spasmes artériels
Le spasme artériel ne doit être retenu comme une cause d’ischémie
qu’avec réserve. Cependant, l’association de dérivés de l’ergot de
seigle et de triacétyl-oléandomycine est susceptible d’entraîner une
ischémie grave [1, 27] répondant aux traitements vasodilatateurs.
MICROEMBOLIES [18]
L’orteil bleu peut être dû à une oblitération distale non embolique :
artérite distale, maladie de Buerger, polyglobulie, ergotisme.
Cependant, la discussion doit s’élargir aux maladies de système :
sclérodermie, lupus, connectivite mixte. La périartérite noueuse est
le diagnostic principal.
La cryoglobulinémie, les spasmes digitaux au cours des hépatites B,
les nécroses digitales des cancers peuvent simuler des
microembolies.
Traitement
MÉTHODES
Les méthodes comportent :
– le traitement médical : héparines, fibrinolytiques ;
– le traitement intra-artériel percutané : thromboaspiration (fig 9,
10), fibrinolyse in situ [34] ;
– l’embolectomie chirurgicale par le cathéter de Fogarty [29] ou un
autre procédé mécanique [26] ;
– la revascularisation par pontage ou dilatation endoluminale en cas
d’embolies sur artérite ;
– des gestes chirurgicaux complémentaires : aponévrotomies,
excisions musculaires, lavage de membre, prévention d’équinisme
du pied par fixateur externe, amputations.
Ces méthodes sont détaillées au chapitre « Ischémie aiguë des
membres ».
¦ Traitement de la cause
Ce traitement représente la prévention des récidives, fréquentes et
graves [16].
Le traitement chirurgical est indiqué chaque fois que possible pour
supprimer une cause cardiaque ou artérielle d’embolie :
valvulopathie cardiaque, anévrisme, tumeur, plaque athéromateuse
emboligène. Lorsque le foyer emboligène ne peut être traité
chirurgicalement, le traitement par antivitamine K au long cours est
indispensable.
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
¦ Embolies tronculaires sur artère saine avec ischémie
aiguë
Les embolies tronculaires sur artère saine relèvent d’une
thromboaspiration ou d’une embolectomie chirurgicale encadrée par
une héparinothérapie efficace.
9 Schéma de la thromboaspiration d’une embolie tronculaire.
Cardiologie Embolies artérielles des membres 11-501-G-10
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¦ Embolies sur artère pathologique
Les embolies sur artère pathologique sont traitées par embolectomie
à la sonde de Fogarty ou par thromboaspiration associée à une
dilatation endoluminale ou un pontage pour traiter l’artère
pathologique. Elles peuvent être traitées directement par pontage
sans tentative d’embolectomie, si les lésions artérielles sont diffuses,
sous réserve que le lit distal soit suffisant. En cas de désobstruction
incomplète du lit distal, une fibrinolyse in situ est indiquée.
¦ Embolie du carrefour aortique
L’embolie du carrefour aortique est traitée par embolectomie
bilatérale à partir d’un abord des deux artères fémorales communes
au triangle de Scarpa.
¦ Embolies paradoxales
Le traitement des embolies paradoxales comporte une interruption
cave première, de préférence par filtre, par voie jugulaire sous
anesthésie locale. Ainsi sera évitée l’hypertension pulmonaire
observée fréquemment au cours de l’induction de l’anesthésie
générale et susceptible de provoquer des récidives. Le traitement de
l’embolie artérielle suivra sans particularité [13].
¦ Embolies tronculaires et ischémie subaiguë
Dans ces cas, les traitements fibrinolytiques, de préférence par voie
locale, peuvent donner les meilleurs résultats, surtout en présence
d’une artérite fémorojambière diffuse [15]. Le traitement hépariné
isolé donne lui aussi des résultats satisfaisants dans ces formes [21].
¦ Embolies tronculaires et ischémie chronique
Les embolies tronculaires avec ischémie chronique relèvent en règle
d’un pontage, si le lit d’aval l’autorise.
¦ Microembolies
Les microembolies relèvent de l’héparinothérapie et des
vasodilatateurs par voie générale. Cependant, l’héparine doit être
proscrite dans les embolies de cholestérol qu’elle favoriserait.
RÉSULTATS
Le risque est double, vital et local [22]. La mortalité reste élevée en
relation avec l’âge, la cause, l’état cardiopulmonaire, la localisation
haute de l’embolie et le retard au diagnostic. Elle est globalement
évaluée autour de 15 % dans les séries récentes [3, 28]. Le taux
d’amputations chez les survivants s’est globalement abaissé en
même temps que le taux des gestes de restauration vasculaire s’est
élevé, il se situe autour de 20 % [3].
Les récidives surviennent dans 7 % des cas sous anticoagulant et
dans 21 % des cas sans anticoagulant [8, 28]. Elles sont souvent
multiples et graves et mettent l’accent sur l’intérêt des mesures
préventives.
Les causes de mortalité tardive les plus fréquentes sont en
proportion à peu près égales : les cardiopathies ischémiques, les
accidents vasculaires cérébraux et le cancer [15].
10 A. Artériographie montrant une embolie de l’artère poplitée.
B. Résultat après thromboaspiration.
*A
*B
11-501-G-10 Embolies artérielles des membres Cardiologie
6
Références
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Cardiologie Embolies artérielles des membres 11-501-G-10
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