Dissections aortiques
C Veyssier-Belot R é s u m é. – Pour le médecin et le chirurgien, la dissection aortique est une urgence
diagnostique puis thérapeutique, car le pronostic vital du patient est mis en jeu par le risque
de rupture aortique. Le diagnostic est évoqué devant une douleur thoracique intense et
prolongée. Les moyens les plus rapides et fiables de confirmer le diagnostic sont
actuellement l’échographie cardiaque par voie transoesophagienne et le scanner ou la
résonance magnétique nucléaire. Mais ces examens ne sont pas toujours faisables si le
patient est en situation hémodynamique très instable ou si le plateau technique n’est pas
disponible. L’artériographie est utile au chirurgien dans l’évaluation de l’extension de la
dissection. Le traitement en urgence est en effet avant tout chirurgical par remplacement de
l’aorte thoracique ascendante lorsqu’elle est disséquée.
© 1999, Elsevier, Paris.
Rappel anatomique
Du point de vue anatomique, la dissection aortique est une déchirure
longitudinale de la paroi aortique au niveau de la média. Cette déchirure
s’accompagne d’une irruption du sang artériel par une brèche de l’intima au
sein de la média et conduit à la constitution d’un hématome intrapariétal qui
sépare la paroi artérielle en deux parties. La paroi externe (constituée de
l’adventice et de la partie externe de la média) est fragile ce qui explique le
risque élevé de rupture de l’aorte disséquée. On ne sait pas, de la déchirure
médiale ou de la plaie de l’intima, quel événement survient en premier et
déclenche le processus de la dissection [4].
Les radiologues (et les chirurgiens en peropératoire) recherchent plusieurs
points de repère sur l’aorte disséquée : la porte d’entrée est l’endroit où
s’interrompt la paroi aortique et par lequel s’engouffre le sang. Lorsqu’il
existe une ou plusieurs autres déchirures, le sang peut quitter l’hématome et
regagner la lumière aortique par un site dit de réentrée. Le canal constitué par
la déchirure de la média s’appelle le faux chenal. Il peut être circulant ou
thrombosé. Enfin, le flap intimal est un lambeau de la paroi aortique interne
qui flotte dans la lumière artérielle.
Une fois ces points repérés, le type de dissection est établi, essentiellement
d’après la classification de De Bakey (fig 1). Les dissections de types I et II
ont leur origine dans l’aorte ascendante, juste au-dessus des sigmoïdes
aortiques. La dissection de type II ne touche que l’aorte ascendante, s’arrêtant
avant la naissance du tronc artériel brachiocéphalique. La dissection de
type I s’étend au-delà de l’aorte ascendante sur la crosse, l’aorte thoracique
descendante, voire l’aorte abdominale et les artères iliaques. La dissection de
type III touche l’aorte thoracique descendante. Elle peut s’arrêter au niveau
du diaphragme (type IIIa) ou s’étendre au-delà du diaphragme (type IIIb).
Cette classification est utile et pratique car elle coïncide avec les indications
thérapeutiques actuellement en vigueur (tableau I).
Catherine Veyssier-Belot : Chef de clinique-assistant, service de médecine interne du
professeur Capron, Hôtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex
04, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Veyssier-Belot C. Dissections
aortiques. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine,
2-0480, 1998 - Cardiologie, 11-650-A-10, 1999, 5 p.
Les dissections aiguës de types I et II nécessitent un traitement chirurgical
urgent tandis que les dissections aiguës de type III ne sont traitées
chirurgicalement qu’en cas de complications. Cette classification a
l’inconvénient de faire un amalgame entre la localisation de la porte d’entrée,
qu’il faut le plus souvent repérer et réparer chirurgicalement, et l’extension
de la dissection qui conditionne le pronostic vital. En effet, la mortalité dans
la première semaine d’une dissection aortique aiguë de type I ou II est de
80 %, par rupture dans le péricarde ou insuffisance aortique majeure avec
défaillance cardiaque.
La classification de Roux et Guilmet, plus précise, tient compte de l’endroit
où se situe la porte d’entrée et de l’extension de l’aorte. Ainsi, selon que la
porte d’entrée est située sur l’aorte ascendante (65 à 70 % des cas), sur la
partie horizontale de la crosse (10 à 15 % des dissections), sur la portion de
l’aorte thoracique qui est située après l’émergence de l’artère sous-clavière
gauche (15 à 20 %des cas) ou enfin sur l’aorte abdominale (moins de 5 %des
cas), la dissection sera classée en type A, B, C, D (tableau II). L’extension de
1 Classification de De Bakey.
11-650-A-10
© Elsevier, Paris ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 11-650-A-10
la dissection sera notée en chiffre romain. L’extension limitée à l’aorte
ascendante est de type I. La dissection est de type II si elle s’étend sur la
crosse, de type III si elle touche l’aorte thoracique descendante et de type IV
si elle concerne l’aorte abdominale et les artères iliaques. Ainsi, une dissection
de typeAIVest une dissection dont la porte d’entrée est sur l’aorte ascendante
qui s’étend sur toute l’aorte, de la valve aortique jusqu’à l’artère iliaque
gauche (fig 2).
– Devant quels signes atypiques faut-il évoquer le diagnostic de dissection
aortique ? Quels sont les examens complémentaires nécessaires et suffisants
au diagnostic ? Quel traitement mettre en oeuvre ? Existe-t-il une maladie
associée sous-jacente que la dissection aortique révèle ?
Après ces définitions anatomiques, les difficultés que pose le diagnostic de
dissection aortique peuvent être abordées.
Fréquence
La fréquence des dissections est rarement rapportée dans la littérature. Elle
est évaluée indirectement par leurs proportions dans les autopsies (2/1000
autopsies dans un hôpital général). Chez la femme de moins de 40 ans, la
dissection survient dans 4 cas sur 5 au cours de la grossesse, presque toujours
au cours du dernier trimestre, mais c’est un événement heureusement très rare
avec 200 cas environ rapportés dans la littérature.
Signes cliniques
Pour les cliniciens, la dissection aortique est évoquée essentiellement devant
une douleur intense, d’emblée maximale, prolongée et migratrice, sans
position antalgique. La douleur est le plus souvent rétrosternale mais elle peut
aussi toucher les épaules et le cou dans les dissections proximales (types I et
II) ou être abdominale ou dorsale dans les dissections aortiques distales (type
III). Le patient décrit parfois la migration de la douleur, en écharpe, débutant
au niveau du sternum et du creux épigastrique pour finir dans le dos
(tableau III).
Lorsque la douleur a fait évoquer le diagnostic, l’examen clinique recherche
un souffle d’insuffisance aortique, un frottement péricardique ou des signes
de tamponnade, des signes d’insuffisance cardiaque, l’abolition d’un ou
plusieurs pouls ou leur asymétrie, une asymétrie tensionnelle, des signes en
faveur d’une ischémie cérébrale, d’une ischémie de membre ou d’une
ischémie viscérale essentiellement rénale ou mésentérique. Il faut signaler
que tous les signes « vasculaires » (l’asymétrie des pouls, les signes
d’ischémie cérébrale par exemple) peuvent être fluctuants. Ceci témoigne de
l’obstruction artérielle transitoire, par compression par le faux chenal, ou du
fait de l’état hémodynamique instable du patient.
Les examens complémentaires initiaux simples comme l’électrocardiogramme
(ECG), la radiographie de thorax et le dosage des enzymes
musculaires (CPK) et pancréatiques confortent l’hypothèse de la dissection.
Le tracé ECG est normal, sans signes de nécrose ou d’embolie pulmonaire,
c’est-à-dire discordant avec l’intensité et la durée de la douleur. La
radiographie de thorax montre un élargissement du médiastin, et parfois le
signe pathognomonique de l’éloignement des calcifications artérielles à plus
de 1 cm du bord externe visible de la paroi aortique. Enfin, les CPK et les
amylases sont normales.
La douleur est donc le signe principal de la dissection aortique. C’est sur elle
que se fonde le diagnostic principal ou que sont discutés les diagnostics
différentiels. Elle est absente ou n’est pas signalée par le patient dans 5 à 15 %
des cas. On ne sait pas s’il existe des circonstances particulières pour
expliquer l’absence de douleur dans la dissection aortique comme c’est connu
par exemple pour le diabète avec l’infarctus du myocarde indolore. La
douleur peut aussi être fluctuante, modérée au début, disparaître, pour revenir
ensuite plus intense, signalant la progression du processus disséquant ou la
survenue d’une complication. Enfin, le patient peut ne pas avoir signalé la
douleur s’il a fait une syncope inaugurale ou eu des troubles de conscience
secondaires à un accident ischémique cérébral [6]. Une syncope peut être
l’unique signe de la dissection aortique, particulièrement dans les dissections
aortiques de type I (15 % d’entre elles). La cause précise de la syncope est
mal connue et on invoque, selon les cas, une hypotension en rapport avec
l’extension de l’hématome disséquant ou avec une tamponnade, une
hypoperfusion cérébrale secondaire à l’extension de la dissection au niveau
des troncs artériels à destinée encéphalique ou une réponse vagale exagérée à
la douleur quand elle est présente. Enfin, la dissection aortique peut provoquer
d’emblée des troubles de conscience dans 2 à 15%des cas selon les études.
D’autres signes cliniques que la douleur accompagnent la dissection aortique.
Ils varient en fonction de la localisation de la dissection. La plus fréquente
des complications immédiates de la dissection aortique est la rupture de
l’aorte.
Les dissections proximales se rompent en général dans le péricarde qui
recouvre une partie de l’aorte ascendante, conduisant à une tamponnade. Les
dissections distales se rompent de préférence dans l’espace pleural gauche, le
médiastin ou le rétropéritoine. Ces ruptures peuvent parfois se faire à bas
bruit, en particulier dans la plèvre, et posent initialement le problème
diagnostique d’un patient fatigué ayant une pleurésie unilatérale. Le patient
peut aussi développer un état de choc très sévère qui nécessite un traitement
chirurgical en urgence extrême.
L’insuffısance cardiaque est aussi une complication classique de la dissection
aortique. Elle peut être due à un shunt aortocardiaque, à un infarctus du
myocarde, à une péricardite ou, cas le plus fréquent, à une insuffisance
aortique. L’ischémie viscérale, outre le système nerveux central, touche
surtout le rein ou le mésentère. L’obstruction d’une artère rénale peut se
manifester par une oligurie, une hypertension artérielle, une douleur lombaire
d’infarctus rénal, une élévation de la créatinine plasmatique. Elle peut être
asymptomatique. L’ischémie mésentérique est souvent diagnostiquée
tardivement car ses signes cliniques, déjà difficiles à reconnaître en temps
normal, sont masqués initialement par ceux de la dissection aortique.
D’autres circonstances plus atypiques de diagnostic d’une dissection aortique
ont été décrites. Ainsi, une dissection aortique proximale a été diagnostiquée
Tableau I. – Classification de De Bakey. Indications chirurgicales
I I I I I I
Localisation anatomique
de la dissection
Partie ascendante
de l’aorte thoracique,
s’étendant sur
la crosse ou au-delà
Partie ascendante
de l’aorte thoracique
s’arrêtant avant
le tronc artériel
brachio-céphalique
Aorte thoracique
après la naissance
de l’artère sousclavière
gauche
Chirurgie en
phase aiguë
oui oui non
(sauf si
complications)
Tableau II. – Classification de Roux et Guilmet. Indications chirurgicales.
A B C D
Localisation
anatomique
de la porte
d’entrée
Aorte thoracique
ascendante
Partie horizontale
de l’aorte
thoracique
Aorte thoracique
descendante
après la
naissance de
l’artère sousclavière
gauche
Aorte abdominale
Fréquence 65 - 70% 10 - 15% 15 - 20% <5 %
Chirurgie en
phase aiguë
oui oui non non
(à discuter) (sauf
complications)
A
B
C
D
2 Classification de Roux et
Guilmet.
A. Les portes d’entrée A,
B, C, D.
A B B.Dissection de typeAIV.
11-650-A-10 DISSECTIONS AORTIQUES Cardiologie
page 2
devant un syndrome de Claude Bernard-Horner qui avait initialement fait
suspecter une dissection carotidienne. Des cas de syndrome cave supérieur,
de dysphonie acquise (par compression du nerf récurrent gauche),
d’hémoptysie ou d’hématémèse récentes ont aussi été des modes de révélation
d’une dissection aortique proximale.
Parmi les circonstances de diagnostic de dissection distale, on note, dans 5 %
des dissections aortiques de type III, la survenue brutale d’une paraparésie ou
d’une paraplégie. Cette préférence anatomique est rapportée au niveau
d’émergence de l’artère d’Adamkiewicz qui, bien que variable, est situé sur
l’aorte thoracique descendante, le plus souvent en D8.
Une neuropathie ischémique périphérique secondaire à une occlusion
artérielle ou à une compression nerveuse par l’hématome disséquant peut
révéler une dissection. Elle se manifeste par un déficit sensitif brutal avec
pâleur, abolition des réflexes ostéotendineux et parfois disparition des pouls.
Il existe enfin une circonstance très particulière de découverte d’une
dissection aortique lorsqu’elle est au stade chronique, c’est-à-dire lorsqu’elle
évolue depuis plus de 15 jours, ce qui surviendrait dans 5 % des cas. Les
patients ont une altération de l’état général avec fièvre et syndrome
inflammatoire qui font suspecter de nombreux diagnostics parmi lesquels
l’endocardite bactérienne, la péricardite, la tuberculose ou un cancer occulte
sont les plus fréquents [10]. La thrombose étendue du faux chenal est
probablement à l’origine du syndrome inflammatoire.
Ainsi, on voit que la présentation clinique de la dissection aortique passe d’un
extrême à l’autre, de l’état de choc qui dépend en urgence des chirurgiens au
syndrome inflammatoire prolongé exploré en médecine interne, en passant
par le point commun quasiment obligatoire de la douleur thoracique.
Examens complémentaires
Le premier pas dans le diagnostic est déjà de l’évoquer. Une fois le diagnostic
suspecté, les examens complémentaires qui permettent de voir la dissection
sont le scanner thoracique, la résonance magnétique nucléaire,
l’aortographie et l’échographie cardiaque essentiellement par voie
transoesophagienne [1]. Ces examens ont non seulement pour but de confirmer
le diagnostic mais doivent aussi, dans l’idéal, répondre aux questions
suivantes
– Quels sont l’étendue de la dissection et l’état de l’ostium des grosses artères
intrathoraciques qui naissent de l’aorte ? Quels sont la fonction ventriculaire
gauche et le degré de l’insuffisance aortique ?Où sont situées la porte d’entrée
et les portes de réentrée ?
· Artériographie
C’est l’examen de référence auxquels sont comparées les autres techniques.
Faite le plus souvent par voie fémorale rétrograde, elle présente
l’inconvénient de l’injection d’une importante quantité de produit de
contraste et le risque de cathétériser, par erreur, le faux chenal. En outre, elle
doit parfois être faite sous anesthésie, pour calmer l’agitation et la douleur du
patient, particulièrement lors de l’injection du produit de contraste. Elle
permet en revanche de voir des signes directs de dissection comme la porte
d’entrée, le flap intimal, le faux chenal, et d’évaluer la fonction cardiaque si
une coronarographie ou une ventriculographie sont faites dans le même
temps. Elle peut être faussement rassurante en cas de thrombose complète du
faux chenal. Chez les patients en situation hémodynamique extrêmement
précaire, l’artériographie est parfois le seul examen possible puisqu’elle peut
se faire dans une unité radiochirurgicale, juste avant le branchement de la
circulation extracorporelle (CEC) et l’intervention chirurgicale.
L’angiographie digitalisée par voie veineuse donne des images assez précises
mais qui ne permettent pas toujours de voir la porte d’entrée. Ce n’est pas une
technique de référence pour les dissections aortiques.
· Tomodensitométrie
C’est un examen fiable pour le diagnostic de dissection aortique. Après des
coupes thoraciques et abdominales de localisation de la dissection, on injecte
du produit de contraste et des coupes rapprochées sont faites. Cet examen a
l’avantage d’être non invasif, mais nécessite néanmoins une injection d’iode.
Il permet de voir le faux chenal et le flap intimal (fig 3), mais aussi de trouver
un épanchement pleural ou péricardique. Ses inconvénients sont une
médiocre qualité de l’image si l’examen a été fait dans des conditions
difficiles (patient agité) et le fait que les coupes sont uniquement
transversales. D’autres examens radiologiques sont donc plus sensibles et
apportent des renseignements topographiques plus complets que la
tomodensitométrie classique, comme la résonance magnétique nucléaire, le
scanner ultrarapide ou le scanner hélicoïdal (fig 4). Ces appareils ne sont
cependant pas toujours accessibles, rendant intéressante toute autre méthode
de diagnostic.
· Échographie transoesophagienne
L’échographie cardiaque par voie transthoracique est désormais supplantée
par l’échographie transoesophagienne (ETO) qui est une méthode semiinvasive
[8]. L’ETOpermet l’examen de toute l’aorte thoracique à l’exception
parfois de la crosse où l’interposition de la trachée peut rendre l’examen
difficile. Elle permet de voir la porte d’entrée, le flap intimal, la lumière
aortique et le faux chenal même si ce dernier est thrombosé. Elle apprécie
aussi la fonction ventriculaire gauche et l’extension de la dissection aux troncs
supra-aortiques. C’est un examen rapide et d’une excellente sensibilité et
spécificité (respectivement de 99 et 98 %). Certains chirurgiens préconisent
une ETO comme unique examen préopératoire si la situation clinique est très
instable [2, 9]. C’est aussi un bon examen pour le suivi ambulatoire des patients
opérés ou traités médicalement.
Maladies locales ou générales associées
aux dissections aortiques
Une question essentielle après le diagnostic de dissection aortique est celle
d’une éventuelle maladie sous-jacente. La dissection aortique résulte de
l’inadaptation entre la solidité de la paroi artérielle aortique et la pression qui
règne dans l’aorte. C’est l’augmentation des contraintes pariétales sur la paroi
et/ou les lésions de la paroi aortique qui conduisent à sa rupture. Une cause
classique de dissection aortique est l’hypertension artérielle [4]. Mais
l’augmentation de la tension pariétale ne peut pas à elle seule provoquer la
dissection de la média. Une brèche au niveau de l’intima, permettant
l’irruption du sang, ou une maladie de la média qui la fragilise, est aussi
nécessaire.
Tableau III. – Principaux signes cliniques.
Douleur Douleur thoracique migratrice, ou douleur dorsale ou
abdominale
Signes d’ischémie Infarctus rénal (hypertension artérielle, élévation de
la créatinine), ischémie mésentérique, ischémie de
jambe, paraplégie ou accident vasculaire cérébral,
syncope
Insuffisance cardiaque
Souffle d’insuffisance aortique
Signes de rupture État de choc
Tamponnade
Épanchement pleural gauche
Rupture dans le rétropéritoine
3 Scanner dans une dissection de type III.
Les coupes disposées de haut en bas et de la droite vers la gauche sont descendantes. Elles
mettent en évidence la membrane de dissection qui sépare le vrai chenal du faux chenal,
avec des calcifications qui sont déplacées vers le centre de la lumière aortique
Cardiologie DISSECTIONS AORTIQUES 11-650-A-10
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L’hypertension artérielle est le facteur prédisposant le mieux connu, présente
chez 70 à 90 % des patients qui ont une dissection aortique. La grossesse au
troisième trimestre ou la période du post-partum est aussi une circonstance
favorisante classique puisque retrouvée chez la moitié des femmes de moins
de 40 ans ayant eu une dissection [3]. Parmi les maladies du tissu élastique,
c’est la maladie de Marfan qui est le plus souvent associée à la survenue d’une
dissection aortique [7]. Une anomalie de la média, longtemps incriminée dans
la survenue d’une dissection aortique, est la médianécrose kystique. Le terme
est impropre puisque l’examen anatomopathologique ne trouve en général ni
kyste, ni nécrose. Il s’agit plutôt de l’accumulation d’une substance mucoïde
au niveau de la média qui interrompt sa structure musculaire et élastique, sans
inflammation associée ni processus de cicatrisation. Cette anomalie est
retrouvée chez les patients hypertendus ou tout simplement âgés, et chez les
patients qui ont une maladie du tissu élastique. Elle fragilise la média.
Certaines maladies inflammatoires peuvent être rendues responsables d’une
dissection aortique, comme le lupus érythémateux disséminé mais surtout
l’artérite temporale. La dissection peut ainsi révéler une maladie de Horton.
Les traumatismes représentent près de 10 % des cas de dissection aortique.
Initialement, il s’agissait surtout d’accidents de la voie publique avec
traumatisme thoracique où la déchirure intimale est localisée au niveau de
l’isthme. Puis, des dissections aortiques secondaires à un traumatisme
chirurgical ont été décrites. La déchirure intimale siège alors au niveau d’un
clamp aortique ou d’une cicatrice de canulation aortique au cours d’une
circulation extracorporelle. Plus récemment, quelques cas de dissection
survenant au décours immédiat d’une angioplastie coronaire ont été
rapportés [5].
Enfin, certaines anomalies cardiaques congénitales comme la bicuspidie
aortique et le défaut congénital de commissurotomie de la valve aortique sont
trouvées 10 à 20 fois plus fréquemment chez les patients autopsiés à la suite
d’une dissection aortique que chez les témoins [4]. La fréquence de la
bicuspidie aortique dans le syndrome de Turner explique probablement la
survenue relativement fréquente de dissection chez ces femmes. La
coarctation de l’aorte a aussi été associée à la survenue d’une dissection
aortique, mais c’est probablement par le biais de l’hypertension artérielle ou
de la bicuspidie associées. En ce qui concerne l’athérosclérose, elle n’est pas
associée à la survenue d’une dissection aortique. Pour certains auteurs, le
processus athéroscléreux développé au sein d’une plaque pourrait même
enrayer l’extension du processus disséquant.
Diagnostic différentiel
Toutes les causes classiques de douleur thoracique ou abdominale aiguë
peuvent être suspectées, en particulier l’infarctus du myocarde, l’embolie
pulmonaire, la péricardite ou la pancréatite aiguë. L’ulcération de la paroi
aortique qui survient en général au niveau d’une plaque d’athérosclérose est
extrêmement douloureuse, mais la douleur, le plus souvent postérieure, n’est
pas migratrice. L’ulcération aortique est un diagnostic différentiel difficile de
la dissection, souvent éliminée par les examens complémentaires.
L’évolution peut se faire ultérieurement vers la dissection.
Traitements
Comme le diagnostic, le traitement de la dissection aortique est une urgence.
Il est chirurgical et / ou médical. Le choix du traitement dépend du siège de la
dissection, de son étendue, de la durée d’évolution et des complications
survenues.
En urgence
Chez toute personne présentant des signes cliniques compatibles avec le
diagnostic de dissection aortique, une hospitalisation en urgence en
réanimation pour surveillance et examens complémentaires est impérative.
Si l’état clinique le permet, le patient est ensuite adressé dans le service de
radiologie tandis que les équipes de réanimation et de chirurgie sont
prévenues et que le bloc opératoire est préparé dans l’éventualité d’une
décision chirurgicale en urgence.
Le traitement médical en urgence consiste à abaisser la pression artérielle et
à soulager la douleur du patient. Le contrôle de la pression artérielle vise à
abaisser la pression systolique, à diminuer la contractilité du ventricule
gauche et à préserver la perfusion nécessaire aux reins, au cerveau et au coeur.
La pression artérielle systolique doit être maintenue à 100-120 mm de
mercure, voire en dessous. Les médicaments de choix sont d’abord les
bêtabloquants puis les vasodilatateurs (nitroprussiate de sodium par exemple,
ou inhibiteur calcique en perfusion) afin d’éviter l’augmentation de la
contractilité cardiaque secondaire à la vasodilatation et à la baisse de la
postcharge. Le traitement anticoagulant est contre-indiqué, sauf au bloc
opératoire au moment de l’héparinisation du circuit de la CEC.
Indications chirurgicales
Les indications générales du traitement chirurgical sont les suivantes : toute
dissection proximale (type I ou II) vue au stade aigu est traitée
chirurgicalement par remplacement de l’aorte ascendante tandis que toute
dissection de type III vue au stade aigu et non compliquée est traitée
médicalement. Le traitement chirurgical est recommandé dans les dissections
distales en cas de risque de rupture ou si surviennent des complications
ischémiques viscérales ou des membres inférieurs.
Lorsque la dissection est vue au stade chronique (après 15 jours d’évolution),
le traitement est en général médical, même si la dissection touche l’aorte
ascendante. Le patient est ensuite vu régulièrement en consultation et
l’intervention est décidée lorsque la dilatation de l’aorte est jugée trop
importante ou si la thrombose du faux chenal est rendue responsable de
l’apparition d’un important syndrome inflammatoire.
Traitement chirurgical
Dans le cas des dissections de types I et II, le but de la chirurgie en urgence est
d’éviter la rupture intrapéricardique et de traiter l’insuffisance aortique qui
sont les deux principales causes du décès des patients au cours de la première
semaine. Le remplacement chirurgical par une prothèse en Dacront concerne
la totalité de l’aorte ascendante, et s’étend sur la crosse aortique lorsqu’elle
est le siège de la déchirure (20 à 30 % des cas). Pour l’insuffisance aortique,
lorsque la valve aortique est lésée ou ne peut être repositionnée, une prothèse
valvulaire est mise en place.
Pour les dissections distales, l’intervention chirurgicale en urgence est évitée
sauf s’il existe des signes d’ischémie viscérale ou de membre, s’il existe des
signes de rupture ou d’obstruction aortique ou si la douleur persiste malgré le
traitement médical. Cette attitude prudente a permis de diminuer certaines des
complications des dissections de type III. Ces complications étaient souvent
dues au terrain puisque les patients qui ont une dissection distale sont plus
4 A. Dissection aortique de type I. Examen IRM acquisition en mode spin écho T1.
Le flap de dissection est bien visible, séparant le vrai chenal en avant du faux chenal
en arrière qui est partiellement thrombosé.
B. Dissection aortique de type A. Examen IRM acquisition en mode spin écho T1.
Dissection de type I s’étendant à l’aorte abdominale. Le vrai chenal vascularise le tronc
coeliaque. Le faux chenal est partiellement thrombosé.
A B
B
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âgés et fragiles que ceux ayant une dissection de type I ou II. Par ailleurs,
l’artériographie préopératoire en urgence ne montrait pas toujours le niveau
d’émergence de l’artère d’Adamkiewicz ce qui exposait les patients à la
paraplégie ou paraparésie postopératoire. Cette complication est actuellement
extrêmement rare.
Traitement médical
Dès la sortie de l’hôpital, le traitement médical de la dissection s’installe dans
la durée. La surveillance comprend la normalisation de la pression artérielle,
avec une préférence pour les bêtabloquants qui seront prescrits
quotidiennement même si le patient n’est pas hypertendu (à petites doses dans
ce cas). La surveillance radiologique, le plus souvent par scanner, de
l’évolution de l’aorte disséquée laissée en place est régulière, deux à trois fois
dans la première année, puis une à deux fois par an. Il faut vérifier qu’une
dilatation trop importante de l’aorte disséquée n’apparaît pas, qui nécessiterait
une intervention chirurgicale. On considère, comme pour les anévrismes de
l’aorte abdominale, qu’une dilatation aortique de 5 cm ou plus doit être prise
en considération et qu’un avis chirurgical est nécessaire. Enfin, dans le cas où
une maladie de Marfan, ou une maladie de Horton, a été diagnostiquée, le
suivi des autres problèmes que peuvent présenter ces patients est impératif.
Traitement préventif de la dissection
C’est le traitement de l’hypertension artérielle et la surveillance des
anévrismes fusiformes de l’aorte qui se compliquent de dissection, en
particulier chez les patients souffrant d’une maladie de Marfan.
Pronostic
La dissection aortique reste une affection redoutable. Avant le traitement
chirurgical, la mortalité était supérieure à 90 %, avec une mortalité précoce et
importante (par rupture intrapéricardique le plus souvent) dans les dissections
proximales, tandis que la mortalité est étalée sur plusieurs semaines dans les
dissections distales, en rapport avec les complications ischémiques viscérales
(rénale, mésentérique, etc). L’évolution des techniques de diagnostic et de
traitement de la maladie, comprenant les techniques de circulation
extracorporelle et surtout les techniques opératoires, a permis d’améliorer la
survie des patients qui dépasse actuellement 90 % et de diminuer certaines
complications postopératoires. Mais cette amélioration du pronostic n’est
rendue possible qu’en cas de diagnostic précoce et de traitement adapté
commencé en urgence. La dissection aortique reste donc une maladie grave,
à classer dans les urgences diagnostiques et thérapeutiques.Avec le traitement
chirurgical, la survie globale est de 80 à 90 %. La mortalité est un peu
inférieure dans les dissections proximales (5-10 %) que dans les dissections
distales (7-15 %). La survie à 5 ans de 80-85 %, chute à 60 % à 10 ans.
•
• •
La dissection aortique est une des urgences cardiovasculaire,
chirurgicale et médicale, dont le pronostic reste redoutable en
l’absence de diagnostic et de traitement. Diagnostic et traitement sont
donc des urgences absolues. Le diagnostic est évoqué
essentiellement devant la douleur thoracique, isolée ou accompagnée
de certains signes cliniques qu’il faut rechercher, parmi lesquels
l’insuffisance aortique, l’insuffisance cardiaque et des signes
d’ischémie viscérale. Le diagnostic est confirmé par le scanner,
l’échographie cardiaque transoesophagienne ou l’artériographie. Le
traitement est chirurgical, en urgence, pour toutes les dissections
aiguës touchant l’aorte ascendante et permet désormais de « sauver »
plus de 90 % des patients. Le traitement médical prend une part
importante dans le suivi des patients dont la survie est accrue. Il
consiste dans le contrôle de la pression artérielle et la surveillance
radiologique de l’évolution de l’aorte disséquée non remplacée, ainsi
que dans le suivi d’autres maladies révélées par la dissection.
Les clichés de scanner et d’IRM ont été aimablement fournis par le Pr Marc Sapoval et le Dr Michel
Azencot, service de radiologie cardiovasculaire, hôpital Broussais, Paris.
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Cardiologie DISSECTIONS AORTIQUES 11-650-A-10
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