Méthode d’analyse
des électrocardiogrammes
de surface douze dérivations
C. Chapelon-Abric
Résumé. – L’analyse de l’activité électrique du coeur repose sur une méthodologie d’enregistrement et de
lecture rigoureuse. La connaissance de l’électrocardiogramme normal, ainsi que ses variations physiologiques
sont un préalable indispensable.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Électrocardiogramme ; Ondes ECG ; Intervalles ECG ; Durée ECG ; Amplitude ECG ; Axe ECG ;
Rythme cardiaque
Introduction
Chaque contraction cardiaque donne lieu à l’inscription d’une suite
d’ondes électriques correspondant au processus de la dépolarisation
puis de la repolarisation des oreillettes et des ventricules entraînant
l’inscription de déflexions et d’intervalles désignés, depuis
Einthoven, par les lettres P, QRS, T et U pour les ondes et PR, QT,
QU pour les intervalles (Fig. 1). L’onde P reflète la dépolarisation
des oreillettes ; le complexe QRS traduit la dépolarisation des
ventricules ; l’onde T correspond à la repolarisation des ventricules.
L’onde U est inconstante. [4]
L’analyse d’un électrocardiogramme s’appuie d’abord sur
l’identification des différentes ondes qui le composent. Les mesures
d’amplitude ou de durée des ondes et des intervalles s’effectuent
aisément grâce aux coordonnées millimétriques que portent la
plupart des papiers d’enregistrement en se référant aux étalonnages
de voltage et de vitesse de déroulement du papier.
Méthodologie de l’enregistrement
L’électrocardiogramme (ECG) standard doit comporter au moins
12 dérivations : six dérivations standards et six dérivations
périphériques. Avant l’enregistrement, il est nécessaire de vérifier le
défilement régulier du papier, la forme de l’onde rectangulaire de
calibrage et la durée de la constante de temps. [3] Les mesures de
durée et d’amplitude doivent avoir des références précises.
L’enregistrement se fait sur papier en quadrillage millimétrique avec
des carrés de 5 mm × 5 mm et des carrés plus petits de 1 mm de
côté permettant de calculer les amplitudes et les durées :
1 mm = 0,04 secondes.
La vitesse de déroulement du papier est habituellement de 25 mm/s,
mais certains appareils peuvent aussi donner un déroulement plus
rapide à 50, à 100, voire à 200 mm/s.
Pour les amplitudes habituelles, le condensateur doit marquer lors
du test (courant de 1 mV) une onde de 1 cm. Lorsque les amplitudes
du tracé sont élevées les étalonnages doivent être augmentés à 2 cm
pour 1 mV (désignés par 2 N) ou au contraire en cas d’amplitude
faible, les étalonnages sont réduits à 0,5 cm pour 1 mV (désignés
par N/2). Ceci doit être absolument précisé sur chaque
enregistrement, soit par l’inscription de l’onde rectangulaire
d’étalonnage, soit par la mention N, N/2 ou 2 N (Fig. 2).
Les conditions d’enregistrement doivent être optimales afin que le
tracé électrique soit dépourvu si possible de tout artefact. Ceux-ci
peuvent être induits par un parasitage par le courant alternatif, mais
surtout un tremblement musculaire, des contractions musculaires,
des déplacements de la ligne de base. Le plus souvent, il suffit, sauf
tremblement neurologique, de mettre les patients dans des
conditions de confort physique et psychologique et de vérifier que
tous les contacts peau-électrodes sont corrects. Parmi les erreurs
C. Chapelon-Abric (Médecin des Hôpitaux)
Adresse e-mail : catherine.chapelon@psl.ap-hop-paris.fr
Centre hospitalier universitaire Pitié- Salpêtrière, 47- 83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13,
France.
intervalle PR
onde P
QRS
intervalle QT
intervalle QU
onde T
Q
U
T
segment
PR
J
P
R
segment
ST
Figure 1 Nomenclature des ondes, intervalles et segments du tracé électrocardiographique.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-003-C-10 (2004)
11-003-C-10
fréquentes, il convient d’insister sur le mauvais positionnement des
électrodes avec inversion des fils reliés aux électrodes des membres.
PLACE DES DÉRIVATIONS USUELLES
La situation des électrodes périphériques sur le thorax est la suivante
(V = vecteur) (Fig. 3) :
– V1 : 4e espace intercostal droit au ras du sternum ;
– V2 : 4e espace intercostal gauche au ras du sternum ;
– V3 : à mi-distance entre V1 et V2 ;
– V4 : au croisement entre la ligne passant par le 5e espace
intercostal et la ligne médioclaviculaire ;
– V5 : intersection entre la ligne passant par le 5e espace intercostal
et la ligne axillaire antérieure ;
– V6 : au croisement entre la ligne passant par le 5e espace
intercostal et la ligne axillaire moyenne.
PLACE DES DÉRIVATIONS MOINS HABITUELLES
D’autres dérivations peuvent être enregistrées en fonction des
données cliniques (Fig. 3) :
– V7 : intersection entre la ligne passant par le 5e espace intercostal
et la ligne axillaire postérieure ;
– V8 : intersection entre la ligne passant par le 5e espace intercostal
et la ligne passant par la pointe de l’omoplate ;
– V9 : dans le dos, au niveau du 5e espace intercostal et le bord
gauche du rachis ;
– les dérivations V3R, V4R, V5R, V6R, V7R, V8R, V9R sont les
symétriques droites des précordiales gauches ;
– VE est une électrode épigastrique, placée sous la xiphoïde sur le
côté gauche.
Données cliniques
Durant cette préparation, il est possible de rassurer le patient afin
que sa respiration soit calme et normale, de compléter, si nécessaire,
l’interrogatoire et de relever certaines conditions physiologiques qui
pourraient à tort conduire à des erreurs d’interprétation : âge, sexe,
ethnie, la prise d’un repas moins de 1 heure auparavant, présence
d’une obésité, de déformations thoraciques, une activité sportive de
haut niveau, une vie habituelle en altitude, une maladie
extracardiaque ou un trouble métabolique, la prise régulière de
médicaments, des troubles digestifs récents, un caractère
neurotonique.
Analyse de l’électrocardiogramme
MESURE DE LA FRÉQUENCE CARDIAQUE
Lorsque le rythme cardiaque est régulier, la règle graduée permet
de calculer la durée de l’intervalle séparant deux ondes de même
nature, comme deux ondes P successives dans un rythme sinusal ou
deux ondes R. La fréquence cardiaque est obtenue en divisant par
60 la durée de l’intervalle RR en secondes. Par exemple, un espace
RR de 0,75 correspond à une fréquence de 80 par minute.
En l’absence de règle graduée, il est possible d’évaluer la fréquence
cardiaque, pour un déroulement standard de 2,5 cm/s, par ces
formules :
– un intervalle de 0,5 cm (1 carreau) égale une fréquence de
300/min ;
– un intervalle de 1 cm (deux carreaux) égale une fréquence de
150/min ;
– un intervalle de 1,5 cm (trois carreaux) égale une fréquence de
100/min ;
– un intervalle de 2 cm (quatre carreaux) égale une fréquence de
75/min ;
– un intervalle de 2,5 cm (cinq carreaux) égale une fréquence de
60/min ;
– un intervalle de 3 cm (six carreaux) égale une fréquence de
50/min ;
– un intervalle de 3,5 cm (sept carreaux) égale une fréquence de
43/min ;
– un intervalle de 4 cm (huit carreaux) égale une fréquence de
38/min.
N/2 2N N 5 N/2 2N N
1
Figure 2 Déflexions tests.
L’étalonnage se fait alors que le papier se déroule à 25 mm/s soit 1 mm = 0,04 s et
5 mm = 0,20 s.
L’étalonnage normal (N) enregistre une déflexion de 1 cmde hauteur pour un courant
électrique de 1 mV.
L’étalonnage 2N enregistre une déflexion de 2 cm de hauteur pour un courant
électrique de 1 mV.
L’étalonnage normal N/2 enregistre une déflexion de 0,5 cm de hauteur pour un
courant électrique de 1 mV.
v4r.v3r v4.v5v6 v7 v8 v9
v1.v2v3 A
V9R V9 V8
V7
V6
V5
V1 V2 V3 V4
V8R
V7R
V6R
V5R
V4R V3R B
Figure 3 Emplacement des électrodes.
A. Emplacement des électrodes sur le gril costal.
B. Coupe horizontale du thorax avec schématisation des différentes dérivations.
11-003-C-10 Méthode d’analyse des électrocardiogrammes de surface douze dérivations Cardiologie
2
Lorsque le rythme cardiaque est irrégulier, comme lors d’une
arythmie complète par fibrillation auriculaire, une fréquence
moyenne approximative peut être calculée en comptant le nombre
de complexes QRS inscrits pendant 6 secondes (15 cm de papier se
déroulant à 2,5 cm/s) et en multipliant par 10 le chiffre obtenu.
DURÉE DES ONDES ET DES INTERVALLES
La durée d’une onde se mesure entre le moment où elle quitte la
ligne isoélectrique jusqu’au moment où elle la rejoint.
La vitesse d’enregistrement conditionne la mesure :
– à vitesse standard de 2,5 cm/s, 1 mm en abscisse correspond à
une durée de 0,04 seconde ou 4 centièmes de seconde ;
– à vitesse de 5 cm/s, 1 mm correspond à 0,02 seconde ;
– à vitesse de 10 cm/s, le millimètre correspond à 0,01 seconde.
Le début et/ou la fin réels d’une onde ou d’un intervalle peuvent
être parfois difficiles à préciser quand il existe une nullité du voltage
initial ou terminal de l’onde ou de l’intervalle. Pour cela, il est
nécessaire d’enregistrer des dérivations simultanées qui permettent
de repérer le début et la fin réels des accidents ou de déterminer la
valeur la plus longue dans les six dérivations périphériques des
membres.
– P est ≤ 0,11 s ; QRS est ≤ 0,10 s ; Q est ≤ 0,04 s
– PE est ≤ à 0,20 s ; Qt est de 0,39 +/- 0,04 pour une fréquence
cardiaque à 60/min.
DÉLAI D’APPARITION DE LA DÉFLEXION
INTRINSÉCOÏDE
La déflexion intrinsécoïde (DI) correspond au temps que met l’onde
de dépolarisation à parcourir le myocarde de l’endocarde à
l’épicarde. Elle correspond à la fin de la dépolarisation de la paroi
myocardique qui fait face à l’électrode exploratrice, donc à la rupture
brutale de pente de la déflexion positive (sommet de l’onde R). La
DI est d’autant plus longue que le myocarde est épais. Elle se mesure
au niveau des dérivations droites (V3R, V1, V2) pour le ventricule
droit, des dérivations gauches (V5, V6, V7) pour le ventricule
gauche, et plus rarement sur les dérivations unipolaires (aVR, AVL).
La mesure de la DI se fait du début de l’onde Q au sommet de
l’onde R ou r ou du dernier crochetage de R, si l’onde R est crochetée
(Fig. 4).
Dans les dérivations droites, le délai d’apparition de la DI est
inférieur ou égal à 0,03 seconde ; dans les dérivations gauches, elle
est de 0,055 seconde.
Cette différence entre deux ventricules s’explique par la différence
d’épaisseur de leur paroi musculaire, respectivement 2,5 et 12 mm.
AMPLITUDE DES ONDES
L’amplitude d’une onde positive se définit comme la distance entre
le sommet de l’onde et le bord supérieur de la ligne isoélectrique.
Cette amplitude peut être exprimée en millimètres ou en voltage et
est fonction de l’étalonnage du tracé. En étalonnage standard N, le
même chiffre indique des millimètres ou des dixièmes de millivolt.
En cas d’étalonnage N/2, 1 mm correspond à 0,2 mV. En cas
d’étalonnage 2N, 1 mm correspond à 0,05 mV.
Les valeurs normales de l’amplitude de l’onde P sont dans le plan
frontal : inférieure à 2,5 mm en D2 ; et dans le plan horizontal :
inférieure à 2mm en V1 ou V2.
L’amplitude normale de l’onde Q est inférieure à 3 mm en
précordiales gauches et inférieures à 25% de l’onde R qui la suit,
quelle que soit la dérivation. Le rapport R/S doit rester inférieur à
1 en V1, supérieur à 1 en V5 et supérieur à 2 en V6.
La valeur normale de l’amplitude de l’onde T est inférieure à 5 mm
en V6 et V7 au repos en position couchée.
En dehors de ces valeurs normales, il est possible d’observer :
– un bas voltage ou microvoltage quand la plus grande déflexion
de QRS, positive ou négative, dans n’importe quelle des six
dérivations frontales n’excède pas 5 mm ou que la somme des
déflexions les plus amples positives ou négatives en D1, D2 et D3
n’excède pas 15 mm. Pour les précordiales, le bas voltage se définit
par une amplitude inférieure à 15 mm de la plus grande déflexion
positive ou négative, et ce dans toutes les dérivations ;
– une hypertrophie ventriculaire qui peut être recherchée en
calculant différents indices :
– indice de Sokolow : somme de S en V1 et R en V5 ou V6 (en
prenant la plus ample), normalement inférieur à 35 mm chez
l’adulte ;
– indice de Blondeau-Heller-Lenègre : somme de S en V2 et R en
V7 : normalement inférieur à 35 mm chez l’adulte ;
– indice de Lewis : somme de R en D1 et S en D3, dont on
retranche la somme de S en D1 et R en D3. Sa valeur normale est
comprise entre -14 et +17 ;
– indice de White et Bock : somme de la positivité la plus grande
en D1 et de la négativité la plus grande en D3 dont on retranche
la somme de la négativité la plus grande en D1 et de la positivité
la plus grande en D3. Sa valeur normale est comprise entre -14 et
+17 ; cette formule ne différant de celle de Lewis que lorsque
l’onde Q est plus grande que l’onde S en D1 et D3.
AMPLITUDE DU DÉCALAGE D’UN INTERVALLE
Les intervalles sont, en principe, isoélectriques mais parfois sus- ou
sous-décalés. L’amplitude du décalage de l’intervalle PR ou ST par
rapport à la ligne isoélectrique, exprimée en millimètres, correspond
à la distance verticale entre le bord supérieur de l’intervalle et le
bord supérieur de la ligne isoélectrique.
Si le segment ST par exemple n’est pas horizontal, la mesure se fait
au niveau du point J ou à partir d’un point situé 0,08 seconde après
le début du segment.
MORPHOLOGIE DES ONDES
Différents termes permettent d’exprimer la morphologie des ondes.
Les ondes peuvent être monophasiques (totalement au-dessus ou
au-dessous de la ligne isoélectrique) ou biphasiques (une partie audessus
et une partie au-dessous de la ligne isoélectrique), ou même
polyphasiques comme le complexe QRS. Le contour des ondes est
en principe régulier, à pentes lentes pour les ondes P et T, à pentes
rapides pour le complexe QRS.
0,08
e
0,07
f
g h
0,10
0,2 s
a
c
0,04 0,09
0,02
b
d
0,06
0,05
Figure 4 Exemples de mesure du temps d’apparition de la déflexion intrinsécoïde
du complexe QRS.
Cardiologie Méthode d’analyse des électrocardiogrammes de surface douze dérivations 11-003-C-10
3
La bifidité, possible en P, QRS, T, représente un double sommet.
Le plateau est le remplacement du sommet de l’onde par un
segment horizontal ou proche de l’horizontale. Ceci est possible sur
les ondes P ou le complexe QRS.
L’empâtement est un ralentissement plus ou moins localisé d’une
déflexion rapide et fine pouvant être visible sur les branches
ascendantes ou descendantes du complexe QRS.
Le crochetage est un ressaut brusque et momentané qui interrompt
la progression d’une déflexion rapide ou lente.
¶ Morphologie de l’onde P
En D1, D2, elle est normalement positive. Une négativité en D1 doit
faire rechercher une inversion des électrodes bras droit et bras
gauche, un situs inversus ou un rythme ectopique prenant naissance
au niveau de l’oreillette gauche. Une négativité en D2 correspond à
une onde P rétrograde liée à une activation auriculaire inversée, du
bas vers le haut.
En V1, l’onde P est positive ou diphasique.
En V6, l’onde P est positive ou plate en V6. Si l’onde P est négative
en V6, il peut s’agir d’un rythme auriculaire gauche (l’activation des
oreillettes prend naissance dans la partie basse de l’oreillette gauche
et se dirige ensuite de gauche à droite).
¶ Morphologie du complexe QRS
Le complexe QRS correspond à trois vecteurs successifs qui
représentent l’activation du septum (vecteur initial : q) puis
l’activation de la portion moyenne des ventricules (vecteur
principal : R), enfin l’activation des régions basales des ventricules
(vecteur terminal : s) (Fig. 5).
Morphologie en précordiales droites V1, V2, V3
Les précordiales V1-V2-V3 explorent la partie antérieure du
ventricule droit et la moitié antérosupérieure du septum. L’aspect
dans ces dérivations est rS avec une augmentation progressive de
l’amplitude de l’onde r de V1 à V3. L’onde r positive correspond
essentiellement à l’activation du septum. L’onde S négative
correspond à l’activation du ventriculaire gauche qui masque
l’activation de la paroi antérieure du ventricule droit.
Morphologie en précordiales gauches
Les précordiales V5-V6-V7 explorent la paroi latérale (ou libre) du
ventricule gauche dans sa partie basse. L’aspect habituel est qRs :
l’onde négative q correspond à l’activation du septum (qui fuit les
électrodes), l’onde R positive correspond à l’activation du ventricule
gauche (qui avance vers les électrodes) et l’onde s négative est liée à
l’activation des régions basales des ventricules et du septum.
Lorsqu’il existe un aspect qR, le vecteur d’activation basale,
perpendiculaire aux électrodes exploratrices n’est pas visible.
Morphologie en précordiales V4, V5
Les précordiales V4-V5 explorent la pointe du coeur, c’est-à-dire la
pointe du ventricule gauche. Elles enregistrent un aspect qRs ou qR.
Morphologie de V1 à V7
L’amplitude des ondes r augmente de V1 à V5 puis diminue de V5
à V7. Inversement, l’amplitude des ondes s augmente de V1 à V2
puis diminue de V2 à V7.
Les précordiales V3-V4 comportent un isodiphasisme où l’amplitude
de l’onde R est à peu près égale à celle de l’onde S. Ceci réalise la
zone de transition qui peut se déplacer à droite ou à gauche selon
les positions électriques du coeur ou selon la prédominance
électrique d’un des deux ventricules.
¶ Morphologie de l’intervalle ST
L’intervalle ST est isoélectrique. Dans certains cas d’ondes T
normalement positives, il peut être situé légèrement au-dessus de la
ligne de base et concave en haut. En cas d’ondes T normalement
négatives, il peut être légèrement au-dessous de la ligne de base et
concave en bas.
¶ Morphologie de l’onde T
L’onde T est en règle positive et asymétrique avec une pente
ascendante plus lente, un sommet arrondi et une pente descendante
plus rapide.
En D1, D2, D3, aVF et de V2 à V7, elle est normalement positive.
En D3, elle peut être diphasique ou négative.
Quand elle est négative en aVF, elle n’est normale que si elle
s’associe à une onde T négative en aVR.
En V1, elle peut être normalement négative. Cette négativité peut
s’étendre de V1 à V4, chez l’enfant, l’obèse et le sujet de race noire.
¶ Morphologie de l’onde U
L’onde U est une petite onde positive, de faible amplitude survenant
0,04 seconde après la fin de l’onde T, inconstamment présente,
surtout visible en D2. Si elle est ample, elle peut simuler une onde P.
SURFACE DES ONDES
La mesure précise de la surface des ondes (surface délimitée par le
contour de l’onde et par la ligne isoélectrique) est plus rarement
effectuée. Elle permet de déterminer avec précision la direction et
l’amplitude de certains vecteurs.
Lorsque l’onde est diphasique, sa surface totale est la somme
algébrique des surfaces positives et des surfaces négatives. La
surface est exprimée en millimètres carrés, ou mieux en unités
Ashman qui correspondent à 1 mm2 lorsque l’étalonnage est de 1 cm
pour 1 mV et le déroulement de 25 mm/s. Une unité Ashman
représente donc 0,1 mV × 0,04 s, soit 4 V-s.
AXE ÉLECTRIQUE DES ONDES
Le processus électrique correspond à une succession de vecteurs
instantanés dont la direction et l’amplitude varient mais qui, par
hypothèse ou approximation, ont une origine commune appelée
centre électrique du coeur. Cette représentation est surtout valide POLYPHASIQUE TRIPHASIQUE DIPHASIQUE MONOPHASIQUE
R R M r
crocheté
QS QS W qs
crocheté
qR QR Qr qr Rs RS rS rs
qRs qRS qrs qrS
QRs QRS Qrs QrS
rSr' rSR' rsr' rsR'
RSr' RSR' Rsr' RsR'
rsR's' rSR's'r"
etc.
Figure 5 Notation du complexe QRS en fonction de sa morphologie et de l’amplitude
des ondes qui le composent.
11-003-C-10 Méthode d’analyse des électrocardiogrammes de surface douze dérivations Cardiologie
4
pour les dérivations frontales car elles sont les plus éloignées du
coeur et relativement équidistantes de l’organe.
¶ Triangle d’Einthoven
L’analyse vectorielle de l’ECG repose sur la théorie du dipôle
résultant unique, proposée par Einthoven. L’ensemble et la
distribution des charges électriques positives et négatives à la
surface des fibres musculaires du coeur à un instant donné de son
activation, peuvent être représentés par un dipôle. Ce dipôle peut
être assimilé à un vecteur dont la longueur correspond au moment
électrique du dipôle, dont la direction est celle de l’axe du dipôle, et
dont la pointe est tournée vers le pôle positif.
Dans le plan frontal, l’analyse vectorielle est possible grâce à la
représentation schématique du triangle d’Einthoven [2] (Fig. 6) :
– les trois électrodes des membres occupent les sommets d’un
triangle équilatéral dont les trois côtés représentent les lignes des
trois dérivations bipolaires D1 (ou I), D2 (ou II) et D3 (ou III) ou
dérivations standards ;
– le centre électrique du coeur est situé au centre du triangle.
Les dérivations unipolaires aVR, aVL et aVF de Wilson explorent
également le coeur dans un plan frontal, l’électrode étant placée sur
les bras droit, bras gauche et jambe gauche.
Pour faciliter la construction géométrique des vecteurs du coeur,
Bailey a proposé une figure géométrique dérivée du triangle
d’Einthoven (double triaxe de Bailey) qui consiste à faire passer par
le centre 0 six axes équidistants de 30 ° représentant les trois
médianes du triangle et une translation de ses trois côtés (Fig. 7)
dont la direction et le sens sont ainsi respectés.
¶ Détermination de l’axe électrique moyen dans le plan
frontal
La théorie du dipôle résultant unique permet de représenter l’état
électrique du coeur par un vecteur instantané. La dépolarisation et
la repolarisation des oreillettes puis des ventricules comportent une
infinité de vecteurs instantanés successifs qui ont tous la même
origine, mais dont la longueur et la direction varient d’un instant à
l’autre. La courbe joignant les extrémités de tous ces vecteurs est le
vectocardiogramme. La projection d’un vecteur instantané sur les
côtés et les médianes du triangle d’Einthoven (ou sur les droites du
double triaxe de Bailey) est proportionnelle au voltage inscrit à
l’instant considéré dans les dérivations standards et unipolaires des
membres. Si l’on considère non plus un instant précis mais une
certaine durée de la contraction cardiaque, il existe un vecteur
résultant obtenu en additionnant tous les vecteurs instantanés
successifs de la période considérée.
Les vecteurs les plus intéressants sont ceux qui correspondent à la
durée de la dépolarisation auriculaire (onde P), de la dépolarisation
ventriculaire (complexe QRS) et de la repolarisation ventriculaire
(onde T). On les appelle axe électrique moyen de l’accident
considéré et on les désigne par la lettre A : AP pour l’axe électrique
moyen de l’onde P, AQRS est l’axe électrique moyen du complexe
QRS et AT est l’axe électrique moyen de l’onde T.
Toutes ces méthodes sont précises, mais sont longues à réaliser. En
pratique quotidienne, l’appréciation de la direction du vecteur est
suffisante. Avec une erreur possible et acceptable de 5 à 10 °, une
D2
D1
D3
D2
D1
D3
+
-
-
-
+ +
A
aVR
aVR
aVL
aVL
aVF
aVF
B
Figure 6 Représentation schématique des lignes de dérivations dans le plan frontal.
A. Dérivations standards bipolaires.
B. Dérivations unipolaires des membres.
D1
D1
D1 D1
D2
D2
D2 D2
D3
D3
D3 D3
- +
++
+ +
+
-
-
- -
-
aVR
aVR
aVR
-150°
aVL
aVL
aVL
-30°
aVF
aVF
aVF
-90°
+90°
+120° +60°

Figure 7 Double triaxe de Bailey à partir des dérivations standards et unipolaires.
Cardiologie Méthode d’analyse des électrocardiogrammes de surface douze dérivations 11-003-C-10
5
détermination mentale peut être effectuée, en utilisant les six
dérivations du plan frontal. Deux méthodes sont possibles et
peuvent être associées :
– lorsque les déflexions enregistrées dans une dérivation ont une
somme algébrique nulle, l’axe électrique moyen est perpendiculaire
à la ligne de la dérivation. Lorsque les déflexions enregistrées dans
une dérivation ont une amplitude plus grande que dans toutes les
autres (positive ou négative), l’axe électrique moyen a une direction
proche de celle de la ligne de dérivation ;
– la détermination de l’axe électrique peut se faire également en
analysant d’abord les vecteurs des dérivations D1 et aVF. L’axe
électrique est ensuite précisé à l’aide des autres dérivations.
– Si aVF et D1 sont positifs : l’axe est normal, compris entre 0 ° et
+90 °.
– Si aVF est positif et D1 négatif : l’axe est hyperdroit, compris
entre +90 ° et +180 °.
– Si aVF est négatif et D1 positif : l’axe est entre 0 ° et -90 °. Si D2
est positif, l’AQRS se situe entre 0 ° et 30 ° (normal) ; si D2 est
négatif, l’axe se situe entre -30 ° et -90 °, donc gauche.
– Si aVF et D1 sont négatifs : l’axe est hypergauche, compris entre
-90 ° et -180 °.
Ainsi, l’axe électrique moyen peut être grossièrement situé dans un
des secteurs de 30 ° délimités par deux lignes de dérivations
consécutives sur le double triaxe de Bailey.
Ces méthodes s’appliquent pour AP, AQRS et AT.
¶ Valeurs moyennes normales des différents axes
Axe moyen de P (AP) : entre 0 ° et +80 °, habituellement +60 °.
Axe moyen de QRS (AQRS) : entre -10 ° et +70 °, habituellement
+40 °.
Les directions de AQRS et de AT ne sont jamais écartées de plus de
90 °, leur écart étant inférieur à 60 ° lorsque AQRS se situe entre 0 °
et +60 °.
¶ Gradient ventriculaire
La repolarisation se fait de façon variable en fonction des secteurs
myocardiques. Cette disparité détermine l’existence de ce que
Wilson a appelé le gradient ventriculaire. À l’échelle de l’ensemble
du complexe QRS, ce gradient peut être représenté par un vecteur
qui est la somme vectorielle de AQRS et de AT. La construction de
ce vecteur nécessite la construction préalable de AQRS et de AT non
seulement en direction mais en amplitude. En pratique, cela n’a pas
d’intérêt.
¶ Détermination de l’axe électrique dans le plan
horizontal
L’analyse vectorielle est, dans le plan horizontal, beaucoup moins
pratiquée même si les dérivations unipolaires précordiales peuvent
être considérées comme représentatives de l’ensemble de l’activation
cardiaque.
Des références axiales, analogues dans le plan horizontal à ce qu’est
le double triaxe de Bailey dans le plan frontal, sont proposées ; la
direction des vecteurs étant exprimée par l’angle les séparant de
l’horizontale vers la gauche, affecté du signe + si le vecteur pointe
en avant, du signe - si le vecteur pointe en arrière. Compte tenu des
désaccords sur les valeurs normales, la détermination du quadrant
dans lequel se situe le vecteur est suffisante : antérodroit,
antérogauche, postérodroit ou postérogauche.
RYTHME CARDIAQUE
¶ Rythme sinusal normal
Le rythme sinusal est sous la dépendance du noeud sinusal de Keith
et Flack et conditionne l’ensemble de l’activation cardiaque.
Le rythme auriculaire est régulier, marqué par des intervalles P-P ne
variant pas de plus de 0,15 seconde au repos. Les ondes P ont un
axe et une morphologie normaux précédant des complexes QRS fins
à intervalle PR fixe et toujours supérieurs 0,12 seconde.
La fréquence cardiaque normale chez l’adulte varie entre 60 et
100/min chez l’adulte ; chez le nourrisson et l’enfant, le rythme
physiologique au repos est plus rapide et dépend de l’âge.
¶ Analyse du rythme
L’analyse d’un trouble du rythme nécessite la réalisation de tracés
continus et prolongés sur plusieurs minutes, au mieux sur trois
pistes simultanées en incluant D2 et/ou V1. Plus le tracé est long,
plus les chances de visualiser une anomalie répétitive sont grandes.
La démarche diagnostique doit répondre à un certain nombre de
questions.
– Quelle est la fréquence cardiaque ?
– Les ondes P sont-elles visibles ? L’identification du rythme
auriculaire est parfois difficile car l’activité des oreillettes peut être
intermittente comme dans le rythme sinusal normal, mais elle peut
aussi prendre des formes continues telles que la fibrillation ou le
flutter auriculaire. Les ondes P ne sont faciles à reconnaître que si
elles sont distantes des ventriculogrammes et des ondes T. Le
caractère ectopique des ondes P n’est pas toujours aisé à affirmer. Si
des ondes P franchement négatives en D2 et D3 sont certainement
« rétrogrades », c’est-à-dire d’origine jonctionnelle ou auriculaire
basse, il existe des morphologies ambiguës laissant un doute sur
l’origine sinusale ou ectopique de l’activation auriculaire.
Lorsqu’elles ne sont pas visibles sur le tracé, par exemple en cas de
tachycardie, il faut s’aider de manoeuvres vagales (massage
sinocarotidien, compression des globes oculaires). Si ces manoeuvres
restent sans effet, la visualisation des ondes P peut être facilitée par
une injection intraveineuse rapide d’acide adénosine
triphosphorique (ATP).
– Le nombre d’ondes P est-il le même que le nombre de QRS ?
– Le rythme ventriculaire est-il régulier ou non ?
– En cas de tachycardie régulière, quel est le rapport de la mesure
des intervalles RP et PR ?
– Les complexes QRS sont-ils fins ou larges ? En cas de QRS larges,
l’axe des QRS et l’aspect de retard droit ou gauche doivent être
précisés.
– La durée de l’intervalle QT est-elle manifestement pathologique
(en particulier en cas de bradycardie, avant ou après une
tachycardie) ?
– Quel est le lien qui unit les auriculogrammes et les
ventriculogrammes. Trois situations sont possibles :
– l’activité auriculaire entraîne l’activation ventriculaire ;
– l’activation ventriculaire est la première et active de façon
rétrograde les oreillettes ;
– les deux activations sont indépendantes (dissociation
auriculoventriculaire).
Toute cette analyse permet de préciser le type de trouble du rythme
et le plus souvent son origine. Dans tous les cas, l’interprétation de
l’ECG doit tenir compte du contexte clinique : symptomatologie,
traitements en cours, cardiopathie sous-jacente et tolérance
hémodynamique du trouble du rythme.
Analyse automatique
de l’électrocardiogramme
Les appareils permettant une analyse informatique automatique de
l’ECG se sont multipliés. [1, 5, 6]
Après digitalisation des dérivations ECG, le logiciel d’analyse
effectue la reconnaissance des différentes ondes électriques par
11-003-C-10 Méthode d’analyse des électrocardiogrammes de surface douze dérivations Cardiologie
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localisation de leur début, de leur sommet et de leur fin. Les mesures
de l’amplitude, de la durée, de la morphologie et de la surface de
chaque onde sont réalisées ainsi que la mesure de la durée et du
décalage des intervalles PR et ST. Les complexes sont classés par
famille en fonction de la durée des intervalles RR, de la durée et de
la forme des ondes. Une classification finale intervient en comparant
les caractéristiques de chaque battement avec le complexe dominant.
Sont ensuite calculés la fréquence cardiaque, la position des axes
électriques moyens et les délais d’apparition de la DI. Certains
logiciels peuvent identifier le spike d’un stimulateur cardiaque ou
une onde delta. Enfin, le programme fournit une interprétation
diagnostique établie par une suite de déductions logiques qui tente
de reproduire le raisonnement du médecin.
Une étude de concordance [5] montre que les performances des
meilleurs programmes sont similaires à celles de cardiologues
entraînés pour le diagnostic ECG avec hypertrophie ventriculaire
gauche ou séquelles d’infarctus du myocarde de localisation variée.
La performance des cardiologues est meilleure que celle des logiciels
pour le diagnostic des tracés normaux. Cette étude excluait les
patients ayant un bloc de branche complet, un trouble majeur de la
conduction ou une arythmie ayant été exclus.
L’analyse automatique de l’ECG aide le clinicien à effectuer des
interprétations fiables et reproductibles. Elle permet la constitution
de bases de données, l’enseignement et les travaux
épidémiologiques. Actuellement, la performance des appareils ne
peut en rien substituer l’interprétation classique par le médecin.
Références
[1] Drazen E, Mann N, Borun R, Laks M, Berson A. Survey of computer assisted electrocardiography
in the United States. J Electrocardiol 1988; 21 suppl: S98-S104
[2] Einthoven W, Fahr G, Dewaart A. Über die Richtung und die manifeste grosse der potentiel-
Schwenkungenimmenschilchen HerzenundüberdenEinfluss der Herziage auf dieFormdes
Electrokardiogramms. Pfluger’s Arch Physiol 1913; 150: 275
[3] Gay J, Desnos M, Benoit P. L’électrocardiogramme. Paris: Frison-Roche, 1990
[4] Watanabe Y. Purkinje repolarization as a possible cause of the U wave in the electrocardiogram.
Circulation 1975; 51: 1030-1037
[5] Willems JL, Abreu-Lima C, Arnaud P, Van Bemmel JH, Brohet C, Degani R et al. Effect of
combining electrocardiographic interpretation results on diagnostic accuracy. Eur Heart J
1988; 9: 1348-1355
[6] Willems JL, Abreu-Lima C, Arnaud P, Van Bemmel JH, Brohet C, Degani R et al. The diagnostic
performance of computer programs for the interpretation of electrocardiograms. N Engl J
Med 1991; 325: 1767-1773
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