Cardiomyopathies restrictives
J.-M. Langlard
Résumé. – Les cardiomyopathies restrictives sont les plus rares des cardiomyopathies, caractérisées par un
profil de remplissage restrictif et une réduction du volume diastolique d’un ou des deux ventricules, avec une
épaisseur pariétale et une fonction systolique à peu près conservées. Une augmentation de la fibrose
interstitielle peut être présente. La cardiomyopathie restrictive est parfois familiale ou associée à une autre
maladie (amylose, pathologie endomyocardique avec ou sans hyperéosinophilie). Les symptômes ne sont pas
spécifiques, hormis l’angor en cas d’amylose. Tous les signes de l’insuffisance cardiaque, sauf la
cardiomégalie importante, sont présents au cours des formes évoluées. La fibrillation auriculaire et les
complications thromboemboliques sont fréquentes en cas de forme idiopathique. Les troubles de conduction
sont fréquents en cas d’amylose ou de sarcoïdose. Le diagnostic différentiel avec la péricardite chronique
constrictive est classique, mais parfois difficile malgré l’apport de nouveaux outils diagnostiques. Toutes les
techniques d’examen peuvent être prises en défaut et la péricardectomie peut être proposée en dernier
recours. La biopsie endomyocardique est essentielle dans le bilan étiologique. Le traitement symptomatique
repose sur les diurétiques, le traitement préventif de la fibrillation auriculaire et le traitement anticoagulant.
La transplantation cardiaque est proposée dans les formes évoluées, après exclusion d’une amylose. Les
thérapeutiques spécifiques selon l’étiologie sont passées en revue.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Cardiomyopathie restrictive ; Desmine ; Amylose ; Sarcoïdose ; Hémochromatose ; Maladie de
Fabry ; Hyperéosinophilie ; Fibrose endomyocardique ; Insuffisance cardiaque
Introduction
Les cardiomyopathies restrictives sont les cardiomyopathies les plus
rares, caractérisées par une anomalie de la fonction diastolique
(adiastolie). Elles ne sont pas tant une maladie, stricto sensu, des
myocytes que de l’interstitium, de l’endocarde ou de la matrice
extracellulaire. Elles forment un groupe hétérogène, souvent liées à
une maladie de système, dominé par l’amylose dans les zones
tempérées et la fibrose endomyocardique dans la ceinture tropicale.
Les formes primitives sont rares ; certaines d’entre elles sont
génétiquement déterminées, à transmission autosomique dominante,
liées à des mutations dans le gène de la desmine. Le diagnostic est
suspecté devant des signes d’insuffisance cardiaque contrastant avec
une fonction systolique normale. Le cathétérisme démontre
l’adiastolie avec l’aspect de dip-plateau. La biopsie
endomyocardique est essentielle dans le diagnostic étiologique. Le
diagnostic différentiel avec la péricardite chronique constrictive
demeure parfois difficile, malgré l’apport de nouveaux outils
diagnostiques. Le traitement est habituellement symptomatique avec
un pronostic sévère, dominé par l’insuffisance cardiaque réfractaire.
Historique
Les cardiomyopathies restrictives sont à la croisée de deux concepts
émergeant au milieu du XXe siècle. [43] Le concept hémodynamique
d’adiastolie, initialement décrit pour les péricardites chroniques
constrictives au cours des années 1940-1950, a rapidement été
retrouvé pour des maladies du myocarde, essentiellement l’amylose,
ou de l’endocarde. L’autre concept, celui des cardiomyopathies
idiopathiques, émerge à la même époque, aboutissant à la première
classification moderne de Goodwin en 1961. [40] La convergence de
ces deux concepts permit de définir les cardiomyopathies restrictives
comme ne pouvant pas se distinguer des péricardites chroniques
constrictives par l’examen clinique, la radiographie thoracique et le
cathétérisme. Ceci explique l’importance du diagnostic différentiel
cardiomyopathies restrictives/péricardites chroniques constrictives,
qui a toujours fait partie intégrante de la problématique des
cardiomyopathies restrictives. Malgré les modifications de leur
définition, elles demeurent les cardiomyopathies les plus rares et les
moins documentées.
Définition – Classification
La définition et la classification des cardiomyopathies ont été
modifiées et validées pour la dernière fois par l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS) en 1995. Elles sont définies comme des
maladies du myocarde associées à une dysfonction ventriculaire.
Elles sont désormais classées selon la physiopathologie dominante
ou, si possible, selon des facteurs étiologiques ou pathogènes. On
distingue ainsi quatre catégories de maladie selon des
caractéristiques morphologiques et hémodynamiques :
cardiomyopathie dilatée, cardiomyopathie hypertrophique,
dysplasie arythmogène du ventricule droit et cardiomyopathie
restrictive.
Celle-ci se caractérise par un profil de remplissage restrictif et une
réduction du volume diastolique d’un ou des deux ventricules, avec
une épaisseur pariétale et une fonction systolique à peu près
conservées. Une augmentation de la fibrose interstitielle peut être
présente. Cette cardiomyopathie peut être idiopathique ou associée
à une autre maladie (amylose, pathologie endomyocardique avec ou
sans hyperéosinophilie) (Tableau 1). [79]
J.-M. Langlard (Praticien hospitalier)
Adresse e-mail : jeanmarc.langlard@chu-nantes.fr
Clinique cardiologique et des maladies vasculaires, hôpital G. et R. Laënnec, 44035 Nantes cedex, France.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-023-A-10 (2004)
11-023-A-10
Épidémiologie
La cardiomyopathie restrictive est la plus rare des cardiomyopathies
avec une incidence annuelle de 0,06 pour 100 000 personnes-année,
comparée aux incidences des cardiomyopathies dilatées et
hypertrophiques estimées respectivement à 3,58 et 4,14 pour
100 000 personnes-année, selon la nouvelle définition de l’OMS de
1995. [64] Il en est de même pour les enfants avec une incidence
annuelle de 0,03 à 0,04 pour 100 000 personnes-année. [59, 73]
Cardiomyopathie restrictive
idiopathique
CLINIQUE
La présentation clinique est peu spécifique ; tous les signes cliniques
de l’insuffisance cardiaque sont possibles, hormis une cardiomégalie
importante, ne permettant pas de suspecter une adiastolie. Les
symptômes et signes cliniques sont étroitement liés au degré
d’hypertension auriculaire gauche nécessaire à la compensation de
l’adiastolie. Les patients peuvent difficilement augmenter leur débit
cardiaque par le biais de la tachycardie, sans compromettre le
remplissage ventriculaire gauche ; ceci aboutit à une intolérance à
l’effort dans les premiers stades de la maladie avec dyspnée et
asthénie. Les formes les plus évoluées impliquent une élévation de
la pression veineuse centrale avec hépatomégalie, oedèmes des
membres inférieurs, ascite, voire anasarque. Les manifestations
thromboemboliques sont particulièrement fréquentes (un tiers des
cas). [53] L’examen clinique peut objectiver une turgescence jugulaire,
un bruit de galop le plus souvent protodiastolique B3 ou plus
rarement présystolique B4, voire un galop de sommation (B3 + B4) et
un signe de Kussmaul. [99]
RADIOGRAPHIE THORACIQUE
Une cardiomégalie modérée est fréquente avec un rapport
cardiothoracique supérieur à 50 %. [11, 41, 50, 88] Les signes d’oedèmes
alvéolaire et interstitiel sont classiques, accompagnés de lignes B de
Kerley dans les formes les plus sévères. Enfin, un épanchement
pleural peut se voir. [53]
ÉLECTROCARDIOGRAMME
L’électrocardiogramme (ECG) est exceptionnellement normal. [25] Les
anomalies non spécifiques du segment ST et de l’onde T sont les
plus constantes. [50, 53] Il est possible d’observer d’autres anomalies
telles que bloc de branche, hypertrophie auriculaire et/ou
ventriculaire, bloc auriculoventriculaire. La fibrillation auriculaire est
le trouble du rythme le plus classique (75 % des cas), étant donné la
dilatation bi-auriculaire. [4]
ÉCHOCARDIOGRAPHIE DOPPLER
Le ventricule gauche est typiquement de taille normale, à fonction
systolique peu ou pas altérée et avec des épaisseurs pariétales
inférieures à 13 mm. L’augmentation des pressions de remplissage
ventriculaire provoque une dilatation de l’oreillette gauche ou mieux
bi-auriculaire, puis des veines caves, sus-hépatiques et pulmonaires.
Des thrombi sont parfois présents dans la cavité ventriculaire,
malgré une contractilité segmentaire sous-jacente normale. Un
épanchement péricardique de faible abondance peut également être
présent. Une insuffisance tricuspidienne peut être secondaire à
l’hypertension artérielle pulmonaire. En cas de pression diastolique
ventriculaire gauche élevée, une insuffisance mitrale diastolique est
parfois notée. Le profil typique du flux de remplissage transmitral
est de type restrictif (Tableau 2). Néanmoins, un trouble de la
relaxation avec un rapport E/A inférieur à 1 peut se voir aux
premiers stades de la maladie. Ce profil transmitral restrictif n’est
pas pathognomonique des cardiomyopathies restrictives, pouvant se
voir chez des patients en insuffisance cardiaque congestive ou au
cours de cardiopathies ischémiques ou hypertensives, d’insuffisance
aortique sévère et de péricardite constrictive. L’analyse des vitesses
de déplacement de l’anneau mitral par doppler tissulaire recueille
des paramètres de dysfonction diastolique moins dépendants des
conditions de précharge ; la vélocité maximale de Ea est
généralement inférieure à 8 cm/s et le rapport E/Ea supérieur à 15,
reflétant une élévation des pressions ventriculaires gauches. La
vitesse de propagation du flux de remplissage ventriculaire gauche
[Vp], en mode TM couleur, est inférieure à 45 cm/s. [93] Enfin,
l’épaisseur du péricarde peut être désormais mesurée de façon fiable
par échographie transoesophagienne, dans le cadre du diagnostic
différentiel avec la péricardite constrictive. [58]
IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
L’échocardiographie est l’examen complémentaire de première
intention, mais a ses limitations. L’apex et le ventricule droit sont
difficiles à évaluer ; les fenêtres échographiques sont quelquefois
inexploitables, interdisant une analyse exhaustive avec un
pourcentage allant de 3 à 30 % selon les séries. Enfin, les méthodes
ultrasonores ne donnent pas encore accès à une caractérisation
tissulaire. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) surmonte ces
écueils et permet les calculs d’épaisseur pariétale, de volume, de
masse et de fraction d’éjection ventriculaires, trouvant ainsi un
nouveau champ d’application dans les cardiomyopathies. En cas de
formes restrictives, l’IRM procure des informations anatomiques sur
la dilatation du massif auriculaire et de la veine cave inférieure, des
informations tissulaires avec présence de fibrose interstitielle, de
nodules intramyocardiques hypodenses en cas d’amylose cardiaque
ou d’une réduction diffuse du signal myocardique en cas
d’hémochromatose. Mais la contribution essentielle de l’IRM se situe
plutôt au niveau du diagnostic différentiel avec la péricardite
Tableau 1. – Classification des cardiomyopathies restrictives en
fonction de l’étiologie. [53]
Causes myocardiques
Non infiltratives
Cardiomyopathie idiopathique
Cardiomyopathie familiale
Cardiomyopathie hypertrophique
Sclérodermie
Pseudoxanthome élastique (élastorrhéxie systématisée)
Cardiomyopathie diabétique
Infiltrative
Amylose
Sarcoïdose
Maladie de Gaucher
Maladie de Hurler
Infiltration adipeuse (« fatty infiltration »)
Maladies de surcharge
Hémochromatose
Maladie de Fabry
Glycogénose
Causes endomyocardiques
Fibrose endomyocardique
Syndrome d’hyperéosinophilie
Maladie carcinoïde
Cancer avec métastases
Radiothérapie
Toxicité des anthracyclines
Médicaments causant une endocardite fibreuse : sérotonine, méthysergide, ergotamine,
agents mercuriels, busulfan
Tableau 2. – Caractéristiques du remplissage restrictif dans les cardiomyopathies
restrictives. [93]
Flux transmitral
E/A > 1,5
Temps de décélération < 150 ms
Temps de relaxation isovolumique < 60 ms
Absence de variation respiratoire significative
Flux veineux pulmonaire
Rapport des flux systolique/diastolique < 0,4
Vélocité maximale onde A > 35 cm/s
Durée onde A pulmonaire-durée onde A mitrale > 30 ms
Durée onde A mitrale/durée onde A pulmonaire ≤ 0,9
Flux des veines sus-hépatiques
Onde S < onde D
Onde A de reflux auriculaire profonde
11-023-A-10 Cardiomyopathies restrictives Cardiologie
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chronique constrictive ; dans ce cas, le péricarde apparaît
irrégulièrement épaissi avec des épaisseurs supérieures à 4 mm.
[27, 60]
CATHÉTÉRISME CARDIAQUE
L’élévation des pressions télédiastoliques ventriculaires est
l’anomalie hémodynamique la plus courante. Mais l’aspect de dipplateau
signe la caractéristique hémodynamique des
cardiomyopathies restrictives ; il consiste en une chute rapide et
profonde de la pression ventriculaire au début de la diastole, suivie
d’une remontée rapide jusqu’à un plateau en protodiastole, réalisant
la forme d’une racine carrée (). La pression systolique ventriculaire
droite peut être élevée, aux alentours de 40 mmHg. La courbe de
pression diastolique ventriculaire gauche a le même aspect de (),
avec une pression classiquement supérieure de 5 mmHg à celle du
ventricule droit (Fig. 1). Cependant, une égalité des pressions
diastoliques dans les deux ventricules n’exclut pas le diagnostic de
cardiomyopathie restrictive. L’hypertension diastolique est
habituellement sévère avec une pression auriculaire droite moyenne
entre 15 et 20 mmHg. Sa courbe a une forme de M ou de W, due à
une chute profonde des ondes x et y, sans variation respiratoire ;
cependant, la chute de l’onde y peut s’accentuer en inspiration. Le
nadir de l’onde y correspond à l’arrêt brutal du remplissage
ventriculaire précoce. [53]
BIOPSIE ENDOMYOCARDIQUE
Tout patient porteur d’une cardiomyopathie restrictive devrait
théoriquement avoir une biopsie endomyocardique (BEM) afin de
diagnostiquer des cardiopathies spécifiques telles que l’amylose. [2]
Grâce à elle, 19 causes spécifiques furent diagnostiquées au sein
d’une cohorte de 54 patients ayant un tableau d’adiastolie, évitant
une thoracotomie pour 15 d’entre eux. [85]
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ENTRE
CARDIOMYOPATHIE RESTRICTIVE ET PÉRICARDITE
CHRONIQUE CONSTRICTIVE
C’est une étape importante d’un bilan d’adiastolie. Bien que la
cardiomyopathie restrictive et la péricardite chronique constrictive
impliquent une gêne au remplissage ventriculaire, la pathogénie est
un ventricule rigide dans le premier cas et un péricarde rigide
engainant des ventricules normaux dans le second. Cette gangue
péricardique empêche la transmission des pressions intrathoraciques
au massif ventriculaire et accentue le phénomène d’interdépendance
ventriculaire au sein de l’enceinte rigide.
Le diagnostic différentiel repose sur un faisceau d’arguments
cliniques, radiologiques, échocardiographiques, IRM,
hémodynamiques et anatomopathologiques qui recueillent des
paramètres anatomiques (caractérisation des parois et du péricarde)
et physiopathologiques (variations respiratoires, interdépendance
ventriculaire) (Tableau 3). Chez des patients traités par des
diurétiques, l’accentuation des conditions de précharge par la
perfusion de sérum salé isotonique peut sensibiliser des examens
complémentaires comme le cathétérisme [18] ou l’échographie
transoesophagienne [1] en toute sécurité et démasquer l’aspect
d’adiastolie (dip-plateau et égalisation des pressions) et les variations
respiratoires typiques de la péricardite chronique constrictive.
De nouveaux indices doppler tissulaires ou TM couleur tels que les
vélocités de déplacement de l’anneau mitral, la vitesse de
propagation du flux de remplissage ventriculaire [78] et le gradient
de vélocité myocardique [76] ont apporté un pouvoir discriminant
supplémentaire aux méthodes ultrasonores. La vélocité de
Figure 1 Courbes de pression ventriculaire droite et
gauche chez un patient âgé de 19 ans porteur d’une cardiomyopathie
restrictive en fibrillation auriculaire ; aspect de
dip-plateau biventriculaire.
Tableau 3. – Diagnostic différentiel entre cardiomyopathie restrictive et péricardite chronique
Type d’évaluation Cardiomyopathie restrictive Péricardite chronique constrictive
Examen clinique signe de Kussmaul peut être présent signe de Kussmaul habituel
choc de pointe peut être augmenté choc de pointe non palpable
B3 peut être présent, B4 rare vibrance péricardique parfois
souffle de régurgitation fréquent souffle de régurgitation inhabituel
ECG microvoltage (amylose), pseudo-infarctus, déviation axiale
gauche, fibrillation auriculaire, trouble de conduction
microvoltage (< 50 %)
Échographie cardiaque épaississement des parois (SIA en cas d’amylose) épaisseur normale des parois
épaississement des feuillets valvulaires (amylose) péricarde épaissi > 3 mm (ETO)
aspect granité (amylose) déplacement abrupt du SIV en phase précoce de remplissage
Doppler peu de variation respiratoire de E variation respiratoire importante de E (>10 %)
augmentation inspiratoire du flux diastolique veineux sushépatique
variation respiratoire importante de D (>18 %)
insuffisances mitrale et tricuspide habituelles augmentation expiratoire du flux diastolique sus-hépatique
Doppler tissulaire Ea < 8 cm/s Ea > 8 cm/s
gradient de vélocité myocardique positif pendant relaxation isovolumique
gradient de vélocité myocardique négatif pendant relaxation isovolumique
TM couleur pente du flux de remplissage rapide < 45 cm/s pente du flux de remplissage rapide > 100 cm/s
Hémodynamique PTDVG souvent > PTDVD (5 mmHg) PTDVD et PTDVG souvent équivalents
pression systolique VD < 50 mm Hg
PTDVD > 1/3 pression systolique VD
Biopsie endomyocardique peut révéler une cause spécifique de cardiomyopathie restrictive normale ou hypertrophie myocytaire et/ou fibrose myocardique
TDM/IRM péricarde habituellement normal péricarde peut être épaissi
D : onde diastolique du flux veineux pulmonaire ; E : onde de remplissage rapide transmitral ; Ea : vélocité de déplacement de l’anneau mitral en protodiastole ; ETO : échographie transoesophagienne ; IRM : imagerie par résonance
magnétique ; PTDVD : pression télédiastolique ventriculaire droite ; PTDVG : pression télédiastolique ventriculaire gauche ; SIA : septum interauriculaire ; SIV : septum interventriculaire ; TDM : tomodensitométrie.
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déplacement de l’anneau mitral en protodiastole Ea supérieure à
8 cm/s et la pente du flux de remplissage rapide au premier aliasing
supérieure à 100 cm/s sont en faveur d’une péricardite chronique
constrictive. [78] Le gradient de vélocité myocardique est
significativement abaissé pendant la systole auriculaire dans les
deux pathologies, signant l’adiastolie ; mais au cours de la relaxation
isovolumique, ce gradient est négatif chez les sujets sains et ceux
porteurs d’une péricardite chronique constrictive, alors qu’il est
positif dans les cardiomyopathies restrictives. [76]
Les nombreuses publications évaluant les différences entre les deux
pathologies reflètent les difficultés parfois rencontrées. [1, 38, 43, 44, 51, 60,
63, 76, 78, 85, 95] Ces éléments distinctifs concernent toutes les étapes
diagnostiques (anamnèse, examen clinique, ECG, radiographie
thoracique, échocardiographie doppler, cathétérisme,
tomodensitométrie, IRM, BEM). Tous ces examens pouvant être pris
en défaut, une péricardectomie diagnostique et thérapeutique peut
être proposée en dernier recours dans les dossiers les plus
litigieux. [53]
Formes étiologiques
CAUSES MYOCARDIQUES NON INFILTRATIVES
¶ Cardiomyopathie familiale
La desmine, protéine du cytosquelette extrasarcomérique, a été la
première protéine impliquée dans les formes familiales de
cardiomyopathie restrictive. La transmission est autosomique
dominante, liée à des mutations faux-sens sur le gène DES codant
pour la desmine et situé sur le chromosome 2q35. Cette
cardiomyopathie est associée à des troubles de conduction
auriculoventriculaire et une myopathie squelettique distale
d’apparition tardive, par accumulation de dépôts de desmine dans
les muscles squelettiques et cardiaque. Des mutations sur le gène
DES sont également impliquées dans des cardiomyopathies
dilatées ; les mécanismes inhérents à ces différences d’expression
phénotypique ne sont pas encore élucidés. [34, 100]
Il existe également des formes frontières entre cardiomyopathies
restrictive et hypertrophique, souvent dans un contexte familial. Dès
1990, le registre japonais de 26 patients porteurs de cardiomyopathie
restrictive note deux cas s’intégrant dans un contexte familial de
cardiomyopathie hypertrophique. [45] La même année, McKenna
rapporte deux familles de cardiomyopathie hypertrophique sans
hypertrophie pariétale, mais avec une désorganisation cellulaire
typique et décrit des similitudes histologiques avec des coeurs
explantés de cardiomyopathie restrictive. [62] Angelini suggère une
expression phénotypique variable d’une même maladie génétique,
sur la base de rapprochements histologiques touchant la
désorganisation cellulaire et la fibrose entre les deux types de
cardiomyopathie. [7] Il faut attendre 2003 pour démontrer cette
hypothèse par Mogensen, décrivant une expression phénotypique
de cardiomyopathie restrictive ou hypertrophique au sein d’une
même famille ; la mutation responsable touche le locus TNNI3,
codant pour la troponine I. [65] C’est également la première fois que
la cardiomyopathie restrictive est l’expression phénotypique d’une
mutation concernant une protéine contractile sarcomérique. Le
phénotype final résulte indubitablement de l’interaction de
nombreux facteurs d’intervention à partir du génotype initial. [21]
¶ Sclérodermie
La sclérodermie est une connectivite se manifestant par une
microangiopathie accompagnée de fibrose touchant essentiellement
la peau, le poumon, le coeur et le tube digestif. Les lésions
histologiques cardiaques associent des zones de nécrose dues à une
vasoconstriction artérielle intramyocardique et une fibrose
myocardique focale indépendante de la distribution artérielle
coronaire. Aucun traitement de fond à visée antifibrotique n’est
efficace dans l’atteinte myocardique. Un traitement symptomatique
par inhibiteur calcique et inhibiteur de l’enzyme de conversion est
proposé pour lutter contre les phénomènes de vasoconstriction et
contrôler l’hypertension artérielle. [56]
¶ Pseudoxanthome élastique
(élastorrhéxie systématisée)
Cette affection autosomique dominante est liée à une dysfonction
métabolique des fibres élastiques qui se fragmentent et se calcifient.
L’échocardiographie a permis de décrire des calcifications
endomyocardiques responsables de cardiomyopathies restrictives et
accessibles à une résection chirurgicale. [10]
¶ Cardiomyopathie diabétique
La cardiomyopathie diabétique peut être responsable d’une
insuffisance cardiaque par dysfonction diastolique isolée, en rapport
avec une fibrose interstitielle. [92]
CAUSES MYOCARDIQUES INFILTRATIVES
¶ Amylose
L’amylose est une affection héréditaire ou sporadique, caractérisée
par un dépôt extracellulaire de protéines fibrillaires disposées en
feuillets b-plissés, dont la formation est irréversible. [55] En dehors
de la protéine majoritaire, quelques protéines sont constamment
retrouvées dans les dépôts amyloïdes : composant P, protéoglycanes,
apoprotéine E et facteur stimulant la formation de l’amylose. Plus
d’une quinzaine de protéines différentes sont répertoriées dans les
fibrilles d’amylose. On distingue plusieurs types d’amylose selon la
protéine spécifique impliquée constituant la plus grande part du
dépôt amyloïde : [24]
– amylose AL : elle est secondaire à la synthèse d’une chaîne légère
ou exceptionnellement lourde d’immunoglobuline monoclonale
isolée, associée ou non à une prolifération tumorale (myélome,
maladie de Waldenström). La localisation cardiaque est présente
dans 60 à 80 % des cas avec un pronostic plus sévère ; une
insuffisance cardiaque survient dans 55 % des cas ;
– amylose AA ou amylose inflammatoire : elle est secondaire à des
pathologies impliquant une inflammation. L’atteinte cardiaque y est
rare, décrite essentiellement dans la polyarthrite chronique juvénile
et la maladie de Still de l’adulte, et exceptionnellement
symptomatique ; [9]
– amyloses héréditaires : il s’agit de maladies autosomiques
dominantes dont la protéine majoritairement impliquée est la
transthyrétine. Cette préalbumine de 127 acides aminés compte plus
de 80 mutations décrites. [13, 84] Cette hétérogénéité génétique va de
pair avec une hétérogénéité clinique, [83] toutes ces mutations
n’entraînant pas obligatoirement d’atteinte cardiaque. [84] Malgré
cette diversité clinique et évolutive, la neuropathie périphérique est
la manifestation clinique la plus habituelle. Une amylose cardiaque
isolée, associée à la mutation Ile122, est fréquente chez les Noirs
américains de plus de 60 ans, participant à la prévalence élevée
d’insuffisance cardiaque dans cette population. [48] Les autres
protéines, plus rarement impliquées dans les amyloses familiales,
sont l’apolipoprotéine AI, la gelsoline, la chaîne a du fibrinogène et
le lysozyme. La moitié d’entre elles peuvent avoir une localisation
cardiaque ;
– amylose cardiaque sénile : l’atteinte cardiaque est présente dans
25 % des cas, après 80 ans, avec un pronostic sévère ;
– amylose auriculaire isolée : son incidence croît avec l’âge mais
avec des conséquences cliniques mineures, en général
asymptomatiques.
Cliniquement, un angor est parfois décrit. Sur l’ECG, un
microvoltage des dérivations périphériques (50 à 80 % des cas) et
des ondes Q de pseudonécrose dans le territoire antéroseptal (25 à
50 % des cas) sont évocateurs d’amylose (Fig. 2). De nombreux
signes échographiques ont été décrits dans l’amylose cardiaque :
épaississement des parois ventriculaires, du septum interauriculaire,
des feuillets valvulaires, aspect granité du septum interventriculaire,
épanchement péricardique (Fig. 3). [12] La plupart d’entre eux sont
présents dans moins de la moitié des cas, hormis l’hypertrophie
septale (87 %), signe le plus fréquent, et l’aspect granité du septum
(64 %). [32] Les paramètres échocardiographiques ne permettent pas
de caractériser l’amylose et de se substituer à l’immunohistochimie.
[30, 72]
11-023-A-10 Cardiomyopathies restrictives Cardiologie
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Le diagnostic de l’amylose est histologique, sous forme de dépôts
extracellulaires amorphes, chromophiles mais d’aspect délavé, situés
au contact de la matrice extracellulaire. Ces dépôts amyloïdes
acellulaires n’entraînent pas de réaction inflammatoire ; ils étouffent
progressivement les structures parenchymateuses. Leur congophilie
et surtout leur biréfringence vert-jaune en lumière polarisée est une
propriété caractéristique en microscopie optique (Fig. 4). La
caractérisation de la protéine amyloïde par immunohistochimie est
une étape obligatoire pour la conduite à tenir ultérieure, ayant
recours à des anticorps dirigés contre les chaînes légères
d’immunoglobuline j ou k, la protéine AA, la transthyrétine, la b2-
microglobuline, la protéine Ab ou la gelsoline. [29]
De nombreux indices pronostiques ont été évalués. En cas d’amylose
primitive, le coeur est l’organe cible ayant le plus mauvais pronostic,
avec une survie moyenne de 13 mois. Ce pronostic est plus péjoratif
qu’en cas d’amylose familiale ou secondaire. [70] Des marqueurs
cliniques diminuent ce dernier, telles l’insuffisance cardiaque
congestive (5 à 9 mois) et les syncopes d’effort, signe précurseur de
mort subite (2 mois). Le degré d’hypertrophie septale intervient
également avec une survie de plus en plus péjorative au fur et à
mesure que l’épaisseur pariétale croît. La dilatation ventriculaire
droite prédit une survie moyenne de 4 mois. Enfin, l’analyse doppler
du flux transmitral en faveur d’une restriction sévère, avec
association d’un temps de décélération de l’onde E inférieur ou égal
à 150 ms et un rapport des vélocités maximales E/A supérieur ou
égal à 2,1, signe une survie de 50 % à 1 an. [54]
¶ Sarcoïdose
La sarcoïdose est une granulomatose polysystémique secondaire à
une réaction immunitaire exagérée de type cellulaire, en réponse à
des antigènes non identifiés. La lésion histologique élémentaire
caractéristique est le granulome épithélioïde sans nécrose caséeuse.
Tous les organes peuvent être atteints par le processus et la
localisation cardiaque est un facteur déterminant dans le pronostic
de la maladie. La fréquence de cette localisation varie entre 3 et 51 %,
selon les critères cliniques, paracliniques ou autopsiques retenus,
reflétant le caractère infraclinique fréquent des lésions histologiques.
Ces dernières, incluant infiltration granulomateuse et fibrose, se
situent préférentiellement dans la partie basale du septum
interventriculaire, la paroi libre du ventricule gauche ou les muscles
papillaires. La forme clinique commune est une cardiomyopathie
dilatée, mais les troubles de relaxation et de compliance peuvent
prédominer. Des troubles du rythme ventriculaire graves ou de la
conduction aboutissant à un bloc auriculoventriculaire complet sont
classiques. Le diagnostic de sarcoïdose cardiaque demeure difficile
et frustrant, avec un délai diagnostique moyen de 30 mois après
l’apparition des signes cliniques, [74] tous les examens
complémentaires étant, soit peu sensibles, soit peu spécifiques ; [87]
l’examen de référence reste l’examen du coeur explanté ou
l’autopsie [28]. Le diagnostic est facilité quand l’atteinte cardiaque
survient dans un contexte de sarcoïdose multisystémique.
L’électrocardiogramme, systématique dans le contexte de sarcoïdose,
recherche des troubles de conduction de tous types et des arythmies
surtout ventriculaires. L’échocardiographie recherche des troubles
de la contractilité et/ou une hypertrophie septale, une dysfonction
des muscles papillaires. Les scintigraphies au thallium201 et au
gallium [67] donnent également des éléments diagnostiques et
évolutifs sous traitement. Seule la biopsie endomyocardique affirme
le diagnostic en démontrant les lésions histologiques, mais avec une
sensibilité inférieure à 20 % ; ces faux-négatifs, dus au caractère
segmentaire et focal des lésions, ne permettent pas d’exclure le
diagnostic. [94] Les facteurs de mauvais pronostic sont les signes
cliniques et électriques, une dysfonction ventriculaire gauche et la
résistance initiale au traitement.
Figure 2 ECG d’un patient porteur d’une amylose cardiaque ; microvoltage dans
les dérivations précordiales et ondes Q de pseudonécrose antéroseptale.
Figure 3 Amylose cardiaque : échographie mode TM incidence parasternale gauche
grand axe (en haut) ; hypertrophie concentrique (septum : 15 mm ; paroi postérieure
: 14 mm) et épanchement péricardique ; échographie bidimensionnelle incidence
apicale 4 cavités (en bas) ; aspect granité du septum interventriculaire hypertrophique,
épaississement du septum interauriculaire, dilatation auriculaire droite et épanchement
péricardique.
Figure 4 Maladie de Fabry : biopsie endomyocardique, grossissement × 40, coloration
vert trichrome de Masson ; fibres myocardiques augmentées de volume et vacuolisées
par la surcharge lipidique.
Cardiologie Cardiomyopathies restrictives 11-023-A-10
5
¶ Maladie de Gaucher
La maladie de Gaucher est une maladie rare, autosomique récessive,
due à un déficit en une enzyme lysosomale, la b-glucocérébrosidase ;
le glucosylcéramide non dégradé s’accumule dans les lysosomes des
cellules du système réticuloendothélial. L’atteinte cardiaque est
exceptionnelle avec une infiltration interstitielle conduisant à une
hypertrophie ventriculaire gauche, un épanchement péricardique et
un épaississement des valves. Le dosage de l’activité de l’enzyme
déficitaire permet de faire le diagnostic. Le pronostic de la maladie
a été transformé par le traitement substitutif par perfusion
d’imiglucérase (enzyme recombinante), avec notamment une
régression de l’infiltration myocardique. [91]
¶ Maladie de Hurler
La maladie de Hurler est un déficit en a-L-iduronidase autosomique
récessif, aboutissant à des dépôts de mucopolysaccharides dans
l’interstitium myocardique, les valves et les artères coronaires. La
diminution d’amplitude des QRS est la principale anomalie
électrique. Une pseudohypertrophie ventriculaire gauche et une
insuffisance mitrale sont les anomalies échographiques usuelles.
L’évolution cardiaque est souvent compliquée d’infarctus du
myocarde. Il n’y a pas de thérapeutique spécifique à ce jour. [99]
¶ Infiltration adipeuse
Des observations isolées de patients, obèses ou non, porteurs d’un
profil hémodynamique restrictif secondaire à une infiltration
adipeuse du myocarde (« fatty infiltration ») sont rapportées dans la
littérature. [23, 53]
MALADIES DE SURCHARGE
¶ Hémochromatose
Cette maladie autosomique récessive est caractérisée par une
hyperabsorption digestive de fer et déterminée essentiellement par
le gène Hfe-1 situé sur le chromosome 6, codant pour une protéine
ubiquitaire siégeant préférentiellement au niveau des cryptes
duodénales, sites majeurs d’absorption du fer ; les principales
mutations sont C282Y (85 % des patients) et H63D. [80] L’atteinte
cardiaque s’intègre dans un contexte polyviscéral de surcharge en
fer avec atteintes hépatique, cutanée, ostéoarticulaire et pancréatique
dans les formes complètes. Le dépistage et la prise en charge précoce
permettent d’éviter une telle évolution. [8] Le coeur est dilaté avec un
épaississement pariétal du massif ventriculaire ; le tissu nodal est
souvent atteint. Le fer se dépose au sein du réticulum
sarcoplasmique, préférentiellement au niveau de la région sousépicardique,
avec une discrète réaction inflammatoire et fibreuse. La
sévérité du retentissement ventriculaire gauche est directement
proportionnelle à l’intensité de l’accumulation tissulaire de fer.
L’atteinte cardiaque peut rester longtemps infraclinique, en dépit de
lésions échocardiographiques évidentes sous forme d’hypertrophiedilatation
ventriculaire gauche suivie d’une dysfonction systolique.
Les patients symptomatiques ont des anomalies de l’ECG incluant
des anomalies du segment ST et de l’onde T et des troubles du
rythme supraventriculaire ou de la conduction. La BEM confirme la
surcharge ferrique myocardique à l’aide de la coloration de Perls. [66]
Le diagnostic d’hémochromatose passe par une évaluation de la
surcharge en fer à l’aide des dosages du fer sérique, de la
ferritinémie et du calcul du coefficient de saturation de la
transferrine ; ce dernier paramètre est le meilleur test de dépistage
des sujets homozygotes. En cas d’élévation, le diagnostic est souvent
confirmé par la mise en évidence de la mutation C282Y à l’état
homozygote, plus rarement par d’autres mutations. [17, 80]
Outre l’hémochromatose génétique, la surcharge survient
principalement chez des malades atteints d’affections
hématologiques traitées par la transfusion sanguine régulière de
concentrés érythrocytaires. Tous les patients polytransfusés doivent
recevoir un traitement chélateur du fer lorsque la ferritine sérique
s’élève aux alentours de 1000 μg/l.
¶ Maladie de Fabry
La maladie de Fabry est une anomalie congénitale du métabolisme
des glycosphingolipides liée au chromosome X avec déficit en
a-galactosidase A, entraînant une accumulation tissulaire de
glycolipides neutres. La plupart des hommes atteints développent
une cardiomyopathie de surcharge apparaissant au cours de la 3e
ou 4e décennie. Elle est due au dépôt progressif de
glycosphingolipides dans les cellules myocardiques, le tissu nodal,
les fibroblastes valvulaires et l’endothélium des artères coronaires.
L’hypertrophie ventriculaire gauche, l’insuffisance mitrale et les
troubles de conduction sont les premières manifestations cardiaques
phénotypiques ; les manifestations plus tardives incluent ischémie
myocardique et hypertension artérielle d’origine rénale. Certains
hommes hémizygotes conservent une activité a-galactosidase A
résiduelle, développant une cardiomyopathie isolée simulant une
cardiomyopathie hypertrophique d’apparition tardive. [82] L’ECG
objective une hypertrophie ventriculaire gauche avec des anomalies
du segment ST et une inversion de l’onde T, un espace PR court.
L’échocardiographie montre une hypertrophie concentrique ou
asymétrique, avec parfois un obstacle dynamique intraventriculaire
gauche et une insuffisance mitrale. La BEM objective des fibres
myocardiques augmentées de volume par des vacuoles lipidiques
optiquement vides, caractérisées par la coloration au noir Soudan
(Fig. 5). Un traitement substitutif par injection d’a-galactosidase A
recombinante semble efficace sur la maladie et des études
complémentaires sont nécessaires pour étudier l’impact sur la
cardiopathie. [26]
¶ Glycogénose
Les glycogénoses de type III, par déficit en amylo-1,6-glucosidase
ou enzyme débranchante, peuvent être à l’origine d’une
cardiomyopathie. Les anomalies sont marquées par une
hypertrophie ventriculaire gauche électrique et échographique. [57] La
ciné-IRM couplée à une perfusion de gadolinium permet de mettre
en évidence la fibrose myocardique. [68]
CAUSES ENDOMYOCARDIQUES
¶ Fibroses endomyocardiques
Les deux grandes entités cliniques, le syndrome hyperéosinophilique
des zones tempérées (ou endocardite de Löffler) et la
fibrose endomyocardique tropicale ont été longtemps considérées
comme des expressions cliniques géographiques d’une même
maladie, en raison des similitudes histologiques des formes
terminales. [35] L’endocarde d’un ou des deux ventricules est
remplacé par du tissu fibreux, aboutissant à une oblitération
progressive de la cavité ventriculaire et une régurgitation
auriculoventriculaire par dysfonction des muscles papillaires. Au
début des années 1990, les deux maladies paraissent plus distinctes
avec des différences plus convaincantes que leurs points communs.
L’endocardite de Löffler est une pathologie plus agressive,
d’évolution plus rapide, à forte prédominance masculine,
s’accompagnant d’une hyperéosinophilie et de phénomènes
thromboemboliques ; inversement, la fibrose endomyocardique
tropicale survient chez des patients plus jeunes, sans distinction de
sexe, ni de contexte d’hyperéosinophilie le plus souvent, mais avec
des facteurs environnementaux nutritionnels (carence en
magnésium, consommation de manioc). [36, 89, 99] Mais le débat est
loin d’être clos avec de nouveaux liens entre fibrose
endomyocardique tropicale et hyperéosinophilie, parfois secondaire
à une helminthiase, au Nigeria et en Ouganda. [5, 6, 81] Quoi qu’il en
soit, les deux entités cliniques seront décrites séparément.
Syndrome hyperéosinophilique
L’hyperéosinophilie, indépendamment de son étiologie, peut être
responsable de lésions viscérales spécifiques, liées à la toxicité des
éosinophiles activés. Trois étapes histopathologiques sont décrites.
– Phase nécrotique : c’est une myocardite avec nécrose
endocardique et infiltration myocardique par des microabcès à
éosinophiles et lymphocytes ; cette étape de quelques semaines est
généralement asymptomatique.
11-023-A-10 Cardiomyopathies restrictives Cardiologie
6
– Phase thrombotique : après 10 mois d’évolution, des thrombi
intraventriculaires se forment au contact de l’endocarde lésé ; les
embolies artérielles sont fréquentes à cette étape.
– Phase fibreuse : elle survient après 2 ans d’évolution avec une
fibrose s’enfonçant dans le myocarde tandis que les infiltrats
s’estompent.
La forme typique d’endocardite de Löffler survient dans un contexte
de syndrome hyperéosinophilique essentiel associant
hyperéosinophilie prolongée (éosinophilie supérieure à 1500/mm3
pendant plus de 6 mois) et lésions viscérales, en l’absence d’une
autre cause d’hyperéosinophilie. Les autres causes
d’hyperéosinophilie (infectieuse, parasitaire, allergique, tumorale ou
générale) peuvent également se compliquer de fibrose endomyocardique.
[15] La présentation clinique est bruyante avec fièvre,
amaigrissement, éruption cutanée et insuffisance cardiaque. Les
éléments cliniques marquants sont l’insuffisance mitrale et les
embolies artérielles, principalement cérébrales et rénales.
L’échocardiographie fait le diagnostic en montrant typiquement un
épaississement de la paroi postérobasale ventriculaire gauche, un
dépôt thrombotique endocardique avec oblitération apicale et
insuffisance mitrale. L’IRM peut également faire le diagnostic et
apporter des informations complémentaires pour le chirurgien sur
l’existence d’un plan de clivage entre le thrombus et le myocarde. [14]
La mortalité est liée à une insuffisance cardiaque réfractaire. [89]
Fibrose endomyocardique tropicale
C’est une cardiopathie très fréquente dans les pays de la ceinture
tropicale, pouvant représenter jusqu’à 20 % des diagnostics
échographiques en Ouganda [37] et 15 à 25 % de mortalité cardiaque
en Afrique équatoriale. La majorité des patients sont des enfants ou
des adolescents parmi les populations les plus pauvres. [81] Le
tableau clinique est celui d’une insuffisance cardiaque d’installation
progressive. L’échocardiographie montre l’épaississement
endocardique, le comblement apical et la dilatation auriculaire. Le
pronostic est sévère avec 44 % de décès 1 an après l’apparition des
signes cliniques et une mortalité subite importante. [53]
¶ Maladie carcinoïde
Les tumeurs carcinoïdes sont des tumeurs malignes rares sécrétant
des substances vasoactives inactivées par le foie. Mais les métastases
hépatiques les déversent dans la veine cave inférieure, atteignant le
coeur droit. Les lésions histologiques sont des plaques fibreuses
couvrant l’endocarde du coeur droit. Les conséquences sont
principalement valvulaires avec atteintes tricuspide et pulmonaire.
L’efficacité du traitement symptomatique par des analogues de la
somatostatine se conjugue à celle de la chirurgie valvulaire, au prix
d’une morbimortalité périopératoire élevée. [52] Moller a récemment
démontré que le traitement par somatostatine et les embolisations
artérielles hépatiques ne freinent pas la progression des lésions
cardiaques ; de plus, les patients recevant une chimiothérapie
cytotoxique ont un risque accru de cardiopathie évolutive. [67]
¶ Radiothérapie
La maladie de Hodgkin, les cancers du sein et des poumons et les
séminomes sont les pathologies à risque de séquelles radiques
cardiologiques. L’insuffisance cardiaque est rare et sur le mode
restrictif quand il n’y a pas eu de traitement par anthracycline
associé. [3] La fibrose radique myocardique et endocardique a une
prédilection pour le ventricule droit. [53] Le meilleur traitement est
préventif en optimisant les champs d’irradiation et en utilisant des
agents cardioprotecteurs empêchant la formation de radicaux libres,
tels que le dexrazoxane. [3] Malgré l’optimisation des champs
d’irradiation des cancers du sein, la partie antérieure du ventricule
droit demeure exposée. [71]
¶ Toxicité des anthracyclines et autres médicaments
Les anthracyclines peuvent induire des lésions similaires à une
fibrose endomyocardique avec une quinzaine des cas rapportés dans
la littérature. [69, 98] D’autres médicaments peuvent être également à
l’origine de telles lésions (sérotonine, méthysergide, ergotamine,
busulfan et agents mercuriels). Ce diagnostic nécessite le recours à
la BEM. [53]
Évolution et pronostic
L’évolution de la cardiomyopathie restrictive idiopathique est
marquée par la fibrillation auriculaire, l’insuffisance cardiaque, la
mort subite et les complications thromboemboliques. Les données
les plus récentes indiquent une survie de 64 % à 5 ans et 37 % à
10 ans chez l’adulte. La mortalité double en cas de sexe masculin,
de diamètre auriculaire gauche supérieur à 60 mm, d’âge supérieur
à 70 ans et à chaque changement de classe fonctionnelle de la
NYHA. [4] Les formes diagnostiquées chez l’enfant ont un pronostic
spontané plus sévère, avec une mortalité précoce importante et une
survie à 2 ans inférieure à 50 % ; [25] les facteurs de mauvais pronostic
sont l’âge inférieur à 5 ans, [20] une hypertension artérielle
pulmonaire et des résistances vasculaires pulmonaires indexées
supérieures à 6 U-m [2, 97] la survenue d’accidents thromboemboliques
et d’épisodes d’ischémie myocardique. [25]
Figure 5 Amylose cardiaque.
En haut à gauche : coupe macroscopique ; hypertrophie
ventriculaire concentrique.
En haut à droite : coupe totale de paroi libre en microscopie
optique faible grossissement ; substance amyloïde
amorphe de couleur plus pâle, dissociant les fibres myocardiques.
En bas à gauche : grossissement × 10 ; fibres myocardiques
dissociées par la substance amyloïde
En bas à droite : coloration au rouge Congo avec biréfringence
vert-jaune en lumière polarisée.
Cardiologie Cardiomyopathies restrictives 11-023-A-10
7
Traitement
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Le traitement doit éviter les agents inotropes négatifs (excluant la
plupart des antiarythmiques), l’utilisation excessive des diurétiques
et s’efforcer de maintenir un rythme sinusal. [12] Les diurétiques sont
utilisés en cas de congestion veineuse dans les circulations
pulmonaire et systémique ; leur usage excessif entraîne une
diminution des pressions de remplissage et du débit cardiaque,
responsable d’asthénie et de lipothymies. En cas d’amylose, les
digitaliques sont utilisés avec beaucoup de prudence, en raison du
risque d’arythmie grave aux posologies usuelles, dues à la fixation
sélective de la digoxine sur les fibrilles amyloïdes. C’est également
le cas de la nifédipine, expliquant la dégradation hémodynamique
avec les inhibiteurs calciques. Les autres vasodilatateurs peuvent
apporter un bénéfice symptomatique, au risque d’induire une
hypotension. Le traitement préventif des troubles du rythme
auriculaire, essentiel du point de vue hémodynamique, utilise
l’amiodarone. Enfin, une anticoagulation par antivitamine K
prévient les complications thromboemboliques en cas de fibrillation
auriculaire, de régurgitation valvulaire ou de bas débit cardiaque.
La stimulation cardiaque définitive doit être proposée en cas de
trouble de conduction auriculoventriculaire et de bradyarythmie, car
le volume d’éjection ventriculaire gauche s’adapte peu dans la
cardiomyopathie restrictive. Enfin, la transplantation cardiaque peut
être proposée en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire.
TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
¶ Amylose
Les polyneuropathies amyloïdes familiales secondaires à une
mutation du gène codant pour la transthyrétine peuvent conduire à
une transplantation du foie qui synthétise la protéine pathogène ;
malheureusement, ce traitement enraye rarement la progression de
la cardiomyopathie, en dépit de la stabilisation des autres lésions. [31,
39, 75, 90] Une nouvelle voie de recherche thérapeutique vise à ralentir
la formation des fibrilles amyloïdes, en stabilisant la forme
tétramérique de la transthyrétine par la fixation de molécules
mimant le ligand normal (thyroxine). [46] L’inclusion de ces petites
molécules inhibitrices dans le tétramère augmente le seuil
énergétique d’activation de sa dissociation, facteur limitant de
l’amylogenèse. [42]
Selon les recommandations de la Société française de Cardiologie, [16]
la transplantation cardiaque est classiquement contre-indiquée en
cas d’amylose, en raison de l’infiltration récidivante sur le greffon et
son mauvais pronostic. [47] Elle peut néanmoins s’envisager en cas
de traitement limitant la progression de l’amylose au niveau du
greffon et des autres organes. [33, 77] Le traitement conventionnel de
l’amylose AL par melphalan et prednisone est remis en cause par
l’association melphalan et autogreffe de cellules souches
hématopoïétiques depuis le milieu des années 1990. L’amylose
cardiaque influant la mortalité péritransplantation, la sélection des
patients tient compte des paramètres cardiologiques ; une forme
évoluée contre-indique ce traitement, tandis qu’une forme
infraclinique (épaisseur septale inférieure à 15 mm, fraction
d’éjection supérieure à 55 %) comporte un risque intermédiaire chez
les patients de moins de 71 ans. [22]
¶ Sarcoïdose
Le traitement consiste en une corticothérapie le plus souvent à
1 mg/kg/j, pouvant être précédée par des bolus de Solumédrolt en
cas de troubles graves du rythme et/ou de la conduction ou de
cardiomyopathie aiguë. La dose d’entretien, inférieure à 10 mg/j
doit durer au moins 1 an, sinon à vie. [19] Une stimulation cardiaque
définitive et/ou un défibrillateur implantable peuvent s’avérer
nécessaires en cas de bloc auriculoventriculaire de haut degré ou
d’arythmie ventriculaire maligne. La transplantation cardiaque est
exceptionnellement proposée, voire réalisée dans l’ignorance du
diagnostic histologique, fait sur coeur explanté. [28, 96] Une récidive
de sarcoïdose sur coeur transplanté peut survenir et être traitée par
corticothérapie. [53]
¶ Hémochromatose
Le traitement spécifique par phlébotomies avec phases de déplétion
puis d’entretien permet une régression plus ou moins complète de
la cardiomyopathie et des troubles du rythme. [8] Cette thérapeutique
a pu être associée avec succès à la transplantation cardiaque quand
la cardiomyopathie est trop évoluée. [86] Le diagnostic précoce de la
maladie et son traitement adapté (phlébotomie et chélateurs du fer)
préviennent la survenue des complications cardiaques.
Actuellement, le seul médicament chélateur actif à utiliser est la
déféroxamine par voie sous-cutanée à la posologie initiale de 40 à
50 mg/kg/j ; la fréquence et la posologie unitaire des injections sont
à adapter de façon à maintenir une ferritine sérique entre 500 et
1000 μg/l. L’adjonction de vitamine C per os (200 mg/j) qui permet
de potentialiser l’effet de chélation est habituelle. [66]
¶ Fibrose endomyocardique
En cas d’hyperéosinophilie, le traitement vise à la réduire par
corticothérapie, interféron a ou traitement myélosuppresseur
(hydroxyurée, voire étoposide). [15] Le traitement chirurgical consiste
en une décortication de l’endocarde fibreux par voie transvalvulaire,
souvent associée à une chirurgie mitrale. Les résultats à long terme
sont bons à condition de bien contrôler l’hyperéosinophilie. [61] Cette
décortication doit être la plus complète possible et la voie
transatriale limite l’accessibilité de l’apex, surtout quand l’appareil
mitral doit être préservé. Une double voie d’abord transatriale et
transaortique permet une exposition et une décortication exhaustives
de l’endocarde sans léser la valve mitrale et sans ventriculotomie. [49]
Cette chirurgie améliore également le pronostic de la forme
tropicale, au prix d’une mortalité opératoire pouvant atteindre
25 %. [89]
Remerciements. – Mme le Docteur Marie-Françoise Heymann, service d’anatomopathologie,
pour l’iconographie.
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Cardiologie Cardiomyopathies restrictives 11-023-A-10
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