Angioplastie transluminale
des artères coronaires
M Angioï
N Danchin
Résumé. – L’angioplastie transluminale coronaire percutanée est devenue une technique de
revascularisation myocardique de référence. Les améliorations successives dont elle a fait l’objet ces dernières
années font qu’elle peut dorénavant être envisagée chez la plupart des patients, dans des situations cliniques
variées (angor stable, angor instable, ischémie silencieuse, infarctus aigu, postinfarctus) et pour une grande
majorité des lésions coronaires. L’angioplastie coronaire est donc parallèlement devenue très sûre, avec en
particulier un taux de complications hospitalières majeures faible grâce à la fois aux progrès réalisés sur le
matériel (en particulier sur les stents) et à l’émergence de nouvelles thérapeutiques antithrombotiques. Elle
est la technique de choix pour la revascularisation des atteintes monotronculaires. Pour les atteintes
multitronculaires, de nombreuses études comparatives avec la chirurgie ont permis de montrer que les
résultats en termes de survie et de survenue d’infarctus étaient similaires pour les deux techniques chez les
patients non diabétiques. Néanmoins, le problème de la resténose reste le talon d’Achille de la technique en
étant la source principale de réintervention chez les patients dilatés. À ce sujet, des progrès très importants
ont été obtenus dans certaines indications grâce à l’utilisation des endoprothèses coronaires qui ont permis
de diminuer significativement les taux de resténose. Enfin, l’angioplastie s’est avérée être une thérapeutique
de reperfusion à la phase aiguë de l’infarctus très efficace entre les mains d’équipes entraînées.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
L’angioplastie transluminale coronaire (ATC) percutanée est une
technique de revascularisation myocardique qui a été décrite
initialement par Andreas Gruentzig et qui est utilisée chez l’homme
depuis 1977. Elle est devenue, au fil des années, une méthode de
revascularisation myocardique de référence, au même titre que la
chirurgie coronaire. Durant ces dernières années, de nombreux
progrès techniques ont rendu l’ATC plus sûre et ont donné la
possibilité de traiter la majorité des lésions coronaires. Enfin, elle a
acquis, grâce aux études comparatives randomisées angioplastiechirurgie,
un niveau de preuve suffisant de son efficacité. De ce fait,
et compte tenu de sa facilité de mise en oeuvre, l’activité
d’angioplastie est actuellement en constante augmentation. En 1995,
278 982 angioplasties coronaires ont été réalisées en Europe (dont
53 724 en France), alors que seulement 184 330 interventions de
revascularisation par pontages étaient réalisées [64].
Angioplastie coronaire : différentes
techniques et mécanismes d’action
MODE D’ACTION IMMÉDIAT
L’objectif technique de l’ATC est le rétablissement d’un diamètre
endoluminal le plus satisfaisant possible au niveau d’un segment
Michaël Angioï : Praticien hospitalier.
Nicolas Danchin : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de cardiologie, hôpitaux de Brabois, centre hospitalier de Nancy, allée du Morvan,
54511 Vandoeuvre-lès-Nancy, France.
artériel significativement rétréci. Le traitement s’effectue donc in situ
et c’est ce qui différencie la chirurgie coronaire par pontage de
l’angioplastie. Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour y
parvenir, avec des modes d’action qui sont différents au niveau de
la plaque et de la paroi artérielle adjacente. La technique de base est
la dilatation au ballon qui a pour effet d’élargir la lumière artérielle
grâce à plusieurs mécanismes. D’autres techniques sont disponibles :
l’athérectomie (directionnelle ou rotative) et le laser, qui peuvent être
utilisées seules ou qui, plus généralement, précèdent l’angioplastie
au ballonnet. Enfin, les endoprothèses coronaires sont utilisées après
la dilatation au ballon, soit pour traiter certaines des complications
liées aux lésions induites par le ballon, soit pour en améliorer les
résultats, ce qui est le cas le plus fréquent.
¦ Angioplastie au ballonnet
L’action du ballon de dilatation au niveau des lésions
d’athérosclérose a pu être étudiée chez l’homme, d’abord par des
études anatomopathologiques et, plus récemment, par l’échographie
endocoronaire. En pratique, le ballon qui est amené au niveau de la
lésion (cf infra) est gonflé progressivement pour la dilater. C’est donc
par l’application d’une contrainte de pression sur toute la
circonférence de l’artère que la dilatation s’effectue. Le ballon agit à
la fois sur la lésion athéromateuse et sur les parois saines adjacentes.
L’élargissement de la lumière artérielle est consécutif à plusieurs
mécanismes qui peuvent chacun être prédominants en fonction de
la nature de la lésion dilatée. Schématiquement, le ballon induit un
étirement et/ou une rupture de la plaque qui s’accompagne(nt)
presque obligatoirement d’une dissection sous-intimale plus ou
moins profonde et plus ou moins étendue. L’importance, en
profondeur et de façon transversale, de cette dissection conditionne
généralement la survenue de complications au décours de
l’angioplastie. Les phénomènes de compression-redistribution de la
plaque jouent un rôle beaucoup plus modeste que ce qui avait été
décrit initialement. L’étirement des zones saines, contiguës à la
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-030-T-10
11-030-T-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Angioï M et Danchin N. Angioplastie transluminale des artères coronaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Cardiologie, 11-030-T-10, 2000, 12 p.
lésion ou controlatérales en cas de sténose excentrique, contribue
également à l’élargissement de la lumière. Le résultat final au site
dilaté est donc un mélange de ces différentes actions (compression,
rupture, fracture, dissection, étirement des parois saines adjacentes)
et dépend en fait à la fois de la force appliquée et de la nature des
lésions traitées (morphologie et consistance). Par exemple, pour une
lésion concentrique, le mécanisme prédominant est la
rupture/dissection. En revanche, pour une lésion très excentrique et
dure, l’élargissement de la lumière est souvent lié à l’étirement de la
paroi saine controlatérale, qui est en fait la zone de moindre
résistance.
Le coup de ballon entraîne également un effet abrasif en superficie
et il s’ensuit une désendothélialisation de la paroi artérielle. Les
lipides de la plaque d’athérome qui a été rompue se trouvent donc
en contact avec le sang et induisent, en conjonction avec d’autres
stimuli, une activation des systèmes d’hémostase. Il en résulte donc
une situation à risque thrombogène qui doit être contrôlée par un
traitement antithrombotique adéquat.
¦ Endoprothèses coronaires
Les endoprothèses coronaires ont un effet mécanique sur la paroi.
Elles constituent un véritable système d’étayage qui maintient la
paroi artérielle en place grâce à leur support. Elles permettent de
prévenir ou de traiter un retour élastique de la paroi et constituent
le traitement de choix des dissections coronaires en les « recollant »
contre la paroi. Nous verrons ultérieurement qu’il s’agit de la
méthode qui permet généralement d’obtenir les meilleurs résultats
initiaux en termes d’élargissement de la lumière artérielle. Par cet
effet de restauration d’un calibre artériel optimal, elles permettent
également de combattre un des facteurs favorisant la thrombose que
constitue le ralentissement circulatoire lié à une obstruction
persistante, même partielle.
¦ Autres techniques
Ces techniques ont un objectif commun qui est différent du ballon :
c’est l’ablation de la plaque (debulking). Elles peuvent constituer à
elles seules le geste d’angioplastie, mais comme dans la plupart des
cas l’élargissement de la lumière artérielle obtenu est insuffisant, une
dilatation complémentaire est habituellement nécessaire.
Athérectomie rotative à haute vitesse (Rotablatory)
L’ablation de la plaque est, dans ce cas, assurée par une fraise
métallique recouverte de copeaux de diamant qui tourne à haute
vitesse (jusqu’à 200 000 tours/min). L’effet de la fraise s’exerce
uniquement au niveau des segments artériels pathologiques grâce à
la différence de consistance et de topologie avec la paroi saine. Ainsi,
théoriquement, la fraise se contente de repousser la paroi saine
élastique et abrase les segments pathologiques, pulvérisant la plaque
en particules d’environ 5 mm en laissant une surface abrasée lisse et
régulière. Ces microparticules sont projetées dans le lit d’aval et
drainées par la microcirculation. La quantité embolisée est fonction
de l’importance de la lésion et du nombre de passages de la fraise.
Plusieurs conséquences sont possibles : des phénomènes de flux lent
avec élévation enzymatique liée à l’embolisation de ces débris qui
sont alors responsables de multiples foyers de micro-infarcissements
et de phénomènes de spasme coronaire. L’utilisation de ce système
est généralement réservée aux lésions calcifiées et aux cas où il est
impossible de lever une lésion au ballon.
Athérectomie directionnelle
Il s’agit d’une technique peu employée en Europe, mais plus utilisée
en Amérique du Nord. L’ablation de la lésion se fait par
l’intermédiaire d’un athérotome coupant dans un plan de l’espace
avec un système de guillotine. Les problèmes posés par ce type
d’intervention sont liés à son encombrement, au positionnement
optimal par rapport à la lésion à traiter et au contrôle de la
profondeur de l’ablation. Son utilisation préférentielle est
représentée par les lésions focales, courtes, proximales et
excentriques. L’émergence de l’échographie endocoronaire comme
système de contrôle du positionnement de l’athérotome et de la
qualité de l’ablation, ne semble cependant pas devoir élargir les
indications de l’athérectomie directionnelle qui sont actuellement
limitées.
Laser
De nombreuses technologies sont développées dans ce domaine,
mais la technique qui est employée actuellement est celle du laser
Excimer. Le rayonnement induit par le laser agit sur les tissus en les
transformant en un mélange de gaz et de petites particules créé par
la rupture des ponts moléculaires. Il en résulte une véritable
vaporisation de la plaque d’athérome avec un effet thermique
modéré. Outre l’infrastructure et le coût de la méthode, le problème
technique majeur est également le contrôle de l’importance de
l’ablation qui est vraisemblablement à l’origine des résultats
décevants.
CICATRISATION DE LA PAROI ARTÉRIELLE
APRÈS ANGIOPLASTIE ET RESTÉNOSE
Les lésions causées par le système d’angioplastie induisent une série
de réactions locales qui vont aboutir à la cicatrisation de la paroi
lésée. La resténose, réapparition d’une sténose significative au site
dilaté, est considérée comme la conséquence d’une cicatrisation
pathologique et survient généralement dans les 6 premiers mois
suivant la dilatation. Elle représente un problème majeur pour
l’angioplastie puisqu’elle en limite l’efficacité à moyen terme et
qu’elle peut nécessiter de nouvelles interventions pour la traiter. Son
incidence est diversement appréciée et varie de 30 à 60 % pour les
évaluations les plus pessimistes dans des populations à risque et
dans le cas d’une dilatation exclusive au ballon. L’utilisation des
endoprothèses coronaires a récemment modifié ces données.
Un certain nombre de réactions de la paroi artérielle sont induites
par l’angioplastie qui peuvent concourir à la perte du résultat initial.
La première est quasi immédiate, c’est le retour élastique de la paroi
(recoil) qui peut être observé durant la dilatation. Il peut en résulter
une diminution très importante du calibre de la lumière et faire
perdre jusqu’à 50 % du gain obtenu initialement. Ensuite, concernant
la réparation vasculaire proprement dite, il est classique de
différencier deux éléments dans la cicatrisation artérielle : la
néoprolifération intimale et le remodelage.
La formation d’une néo-intima est la conséquence d’une
prolifération cellulaire et extracellulaire. La prolifération cellulaire
est essentiellement constituée par des cellules musculaires lisses. Elle
est initiée par la réaction inflammatoire post-traumatique liée à
l’angioplastie et par la sécrétion de facteurs de prolifération par
d’autres cellules, en particulier par les plaquettes présentes au
niveau des thrombi générés au contact du site dilaté. Cette néointima
est également formée par le dépôt d’une matrice
extracellulaire qui peut être quantitativement majoritaire.
Ensuite, le remodelage de la paroi artérielle est un concept plus
récent, il peut être décrit chez l’homme in vivo, grâce à l’échographie
endocoronaire. Cependant, les mécanismes par lesquels il survient
sont encore mal connus. On désigne par remodelage l’ensemble des
modifications de la géométrie de la lumière et de la paroi artérielle
induites par la dilatation et leur évolution dans le temps. On peut
donc constater que la diminution de la lumière artérielle peut être
liée non pas à la formation d’une néo-intima mais à la rétraction de
l’ensemble du vaisseau à partir de l’adventice, ce qui est désigné
par le terme de remodelage négatif (shrinkage).
La resténose est donc la conséquence d’un remodelage négatif et/ou
de la constitution d’une néoprolifération intimale excessifs. Le
mécanisme prédominant est en fait différent suivant la technique
d’angioplastie pratiquée. Schématiquement, le remodelage est
prédominant avec le ballon et les systèmes d’athérectomie, et la
néoprolifération intimale avec les endoprothèses coronaires.
En effet, il est à l’heure actuelle bien démontré qu’un des effets
positifs des endoprothèses coronaires est de prévenir le remodelage
11-030-T-10 Angioplastie transluminale des artères coronaires Cardiologie
2
négatif de la paroi artérielle. En revanche, la prolifération intimale
est quantitativement plus importante qu’avec l’utilisation du ballon
seul. Comme nous le verrons plus loin, le bénéfice observé sur le
taux de resténose dans certaines circonstances avec les
endoprothèses par rapport au ballon seul est donc lié au fait que la
prévention du remodelage prévaut sur l’importance de la
néoprolifération induite par le stent.
Réalisation de l’angioplastie
transluminale coronaire par voie
percutanée
MATÉRIEL UTILISÉ
¦ Cathéters guides
Ils sont également appelés « sondes porteuses ». Ils servent à
cathétériser l’ostium coronaire de l’artère sur laquelle siège la lésion
cible. Un certain nombre de caractéristiques les différencient de ceux
utilisés pour une coronarographie simple.
Il s’agit d’une part de leur diamètre interne, car c’est à l’intérieur de
ces sondes que sera glissé et amené tout le matériel de dilatation
(guide, ballonnet, endoprothèses, fraises, athérotome, etc). Il doit
donc être suffisamment large pour laisser passer ce matériel sans
frottement et pour pouvoir réaliser des injections de produit de
contraste pour vérifier le positionnement des systèmes au niveau de
la lésion à traiter. La majorité des angioplasties en France est réalisée
en 6 ou 7 french (1 french = 0,33 mm) ; la majorité du matériel
courant est donc compatible 6 F. Pour les systèmes d’athérectomies,
des tailles supérieures ou égales à 8 F sont souvent nécessaires.
D’autre part, les cathéters guides doivent posséder des qualités de
support leur permettant de faciliter le passage du ballon quand
celui-ci rencontre une résistance à sa progression à l’intérieur de
l’artère. Le support est fonction de la rigidité des cathéters, de leur
taille (plus le diamètre est grand, plus il y a de support) et de leur
forme. Les cathéters permettant un appui sur la paroi aortique
controlatérale à l’ostium coronaire (back-up) sont dotés d’un bon
support. Afin de minimiser les risques de traumatisme des ostia,
l’extrémité distale est plus souple que le corps du cathéter. De
nombreuses formes de cathéters guides sont disponibles, adaptées
aux différentes morphologies de l’aorte, à la position et à la direction
des ostia coronaires, ce qui permet, presque toujours, de pouvoir
cathétériser l’ostium et de réaliser l’angioplastie dans de bonnes
conditions.
¦ Guides dirigeables
Il s’agit d’un fil métallique dont la fonction est de franchir la lésion
à dilater. C’est le point commun à tous les systèmes d’angioplastie,
il est obligatoire de franchir la lésion avec un guide pour pouvoir la
traiter que ce soit au ballon, avec une fraise de Rotablatory, un
athérotome ou un laser Excimer. Les guides sont dirigeables de
l’extérieur par des mouvements de rotation (torque). Leur extrémité
distale est radio-opaque afin de pouvoir vérifier leur position
pendant les manoeuvres de progression. Toute une gamme de guides
est disponible en fonction de leur rigidité. Plus le guide est rigide,
plus il est susceptible de créer un traumatisme de la paroi de l’artère
dans laquelle il chemine, mais inversement il offre un bon support
au ballon pour sa progression. Schématiquement, il existe des guides
flexibles (floppy), intermédiaires et durs (guides standards). La
dernière catégorie n’est utilisée que pour franchir les occlusions.
Quel que soit le type de guide utilisé, l’extrémité distale est toujours
moins rigide que le corps du ballon et une courbe en « J » plus ou
moins marquée lui est généralement imprimée pour pouvoir suivre
les courbes de l’artère et pour empêcher le guide de se piquer dans
la paroi et d’entraîner des lésions (dissection, perforation). Des
guides hydrophiles (entièrement ou seulement à leur extrémité
distale) à usage intracoronaire sont également disponibles depuis
peu. Leur intérêt par rapport aux guides classiques n’a pas encore
été précisé, mais semble être le franchissement des occlusions.
¦ Cathéters à ballonnet
Plusieurs types de cathéters à ballonnet sont disponibles. On
distingue les ballons sur guide et les ballons à guide intégré. Ces
derniers ne sont quasiment plus utilisés. Pour les autres, comme leur
nom l’indique, le ballon est glissé sur le guide qui a préalablement
franchi la lésion. Le guide est donc logé dans une lumière interne
dans le cathéter. Soit il existe une lumière interne centrale sur tout le
long du cathéter et le système est alors dit coaxial, soit cette lumière
quitte le cathéter quelques centimètres en amont de l’extrémité
distale du ballon et il s’agit alors d’un système d’échange rapide ou
monorail. Ce dernier système permet des échanges de ballons plus
aisés qu’avec un système coaxial avec lequel on doit utiliser des
guides plus longs. Le système d’échange rapide est le plus utilisé en
France. Les ballons utilisés actuellement sont faits en polymères et
possèdent un excellent profil (capacité à franchir des lésions serrées).
La longueur standard est de 20 mm, mais des ballons plus longs ou
plus courts sont également disponibles. Pour chaque ballon, il existe
une relation entre la pression exercée pour le gonflage et le diamètre
du ballon ainsi déployé qui définit la courbe de compliance. Les
ballons compliants ont un diamètre qui augmente en fonction de la
pression de gonflage, alors que les non-compliants ont un diamètre
qui varie peu avec la pression exercée. Chacun de ces ballons a une
utilité propre.
¦ Endoprothèses coronaires
Les endoprothèses, ou stents, sont généralement faites en acier
inoxydable. De nombreux modèles d’endoprothèses coronaires sont
disponibles actuellement. On distingue deux grandes familles : les
prothèses autoexpansibles et les prothèses expansibles par ballon,
qui sont les plus nombreuses et les plus utilisées. Les prothèses
autoexpansibles sont montées en position « contrainte » entre deux
cathéters coaxiaux et c’est le retrait du cathéter externe qui permet à
la prothèse de se déployer. Les prothèses expansibles par ballon sont
actuellement le plus souvent serties industriellement sur un ballon
et déployées par le gonflage de celui-ci. En fonction du dessin de la
prothèse et de la façon dont elle est assemblée, on distingue les
prothèses tubulaires, cellulaires et monofilamentaires (coil). Plusieurs
caractéristiques mécaniques sont importantes, essentiellement le
support radial qu’offre la prothèse, puisque sa fonction est de
soutenir l’artère, et sa flexibilité qui conditionne l’accessibilité à la
lésion à traiter. Schématiquement, les prothèses tubulaires sont faites
d’un seul bloc et sont celles qui ont le meilleur support, mais elles
sont plus rigides. Les monofilaments sont les plus flexibles au prix
d’un support moindre. Les modèles cellulaires ont des propriétés
intermédiaires. Plus récemment, des modèles de stents couverts ont
été développés afin d’améliorer la biocompatibilité de l’acier
inoxydable en l’isolant à la fois de la paroi artérielle et des éléments
figurés sanguins. Les biomatériaux utilisés à cette fin peuvent
également contenir des agents pharmacologiques et leur servir de
système de largage.
PLATEAU TECHNIQUE ET COMPÉTENCES HUMAINES
NÉCESSAIRES À LA RÉALISATION
D’UNE ANGIOPLASTIE CORONAIRE
La Société française de cardiologie a édité des recommandations à la
fois sur les plateaux techniques nécessaires à la réalisation dans des
conditions de sécurité optimale d’une angioplastie coronaire, ainsi
que sur la formation et l’activité des médecins réalisant les gestes
interventionnels [35]. Celles-ci se rapprochent des recommandations
en vigueur aux États-Unis [46]. Nous ne nous attarderons pas sur les
considérations propres à l’équipement d’angiographie et sur les
moyens de stockage des images. Concernant les centres
d’angioplastie coronaire, ils doivent pratiquer environ
200 angioplasties annuelles après 2 ans de fonctionnement du centre,
avec au moins deux praticiens qui ont satisfait aux critères de
formation. Chaque praticien doit effectuer au moins 75 angioplasties
Cardiologie Angioplastie transluminale des artères coronaires 11-030-T-10
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par an. Outre le médecin qui pratique l’angioplastie, doivent être
présents dans la salle un anesthésiste ou un cardiologue et deux
paramédicaux (infirmière, manipulateur de radiologie ou
technicien). Un éventail large de matériel (cathéters, guides, ballons,
endoprothèses coronaires) doit être disponible pour la réalisation du
geste et pour la gestion d’une occlusion aiguë perprocédurale, et
une assistance circulatoire par contre-pulsion intra-aortique doit
pouvoir être mise en place. Une couverture chirurgicale doit être
organisée sur site, mais peut l’être également hors site par une
convention signée impliquant le service d’hémodynamique, de
chirurgie cardiaque et le Samu (service d’aide médicale urgente).
Dans ce cas, le délai entre la décision du recours à la chirurgie et la
mise en place d’une circulation extracorporelle ne doit pas dépasser
60 minutes. Les centres d’angioplastie doivent être capables
d’intervenir 24 h/24 pour traiter les complications différées. Ils
doivent également pouvoir prendre en charge, en coordination avec
les unités de soins intensifs ou de réanimation cardiologique, le
traitement de l’infarctus du myocarde. Enfin, un registre des
angioplasties ainsi que de leurs résultats doit être tenu.
INFORMATION DU PATIENT
Que l’angioplastie soit réalisée tout de suite après l’examen
coronarographique (ATC ad hoc) ou de façon différée, le patient doit
recevoir une information sur la réalisation pratique du geste, son
utilité, avec les bénéfices qu’il est susceptible d’apporter ainsi que
les risques immédiats encourus. Une recherche d’antécédents
d’allergie à l’iode ou aux divers traitements antithrombotiques
utilisés habituellement doit également être effectuée.
RÉALISATION PROPREMENT DITE
¦ Prémédication
L’ATC ne nécessite habituellement pas d’anesthésie générale. Une
prémédication par antihistaminique est la règle et parfois une
neuroleptanalgésie peut être réalisée.
¦ Sélection du produit de contraste
Trois classes de produits de contraste sont disponibles : les
monomères ioniques hyperosmolaires, les non ioniques hypoosmolaires
et les dimères ioniques hypo-osmolaires. Compte tenu
des effets systémiques générés par ces produits, l’utilisation de
produits hypo-osmolaires est préférable. Des études comparatives
ont été menées avec les dérivés hypo-osmolaires qui ont donné des
résultats contradictoires : la plupart des premières études ont montré
une incidence significativement accrue d’événements coronariens
thrombotiques avec les non ioniques ; cela ne semble pas être le cas
des études plus récentes. Actuellement, la plupart des centres
préfèrent utiliser les dimères ioniques hypo-osmolaires pendant les
angioplasties.
¦ Voie d’abord
L’ATC est généralement réalisée par voie fémorale droite. Outre les
fémorales, d’autres abords artériels sont utilisés au niveau du
membre supérieur : l’artère radiale et l’artère humérale. L’abord
fémoral est celui qui offre le plus grand confort technique pour
l’opérateur, tant au niveau de la ponction que de la manipulation
des sondes. La voie radiale, quand elle est utilisable, offre la
possibilité de mobiliser très précocement le patient et a l’avantage
de la quasi suppression des complications hémorragiques, ce qui
peut permettre de diminuer la durée d’hospitalisation. La ponction
radiale est en revanche plus douloureuse que la fémorale. Elle
nécessite, pour être employée, que l’on s’assure que la suppléance
palmaire par l’artère cubitale est fonctionnelle (test d’Allen).
Après la ponction artérielle, un introducteur (Désilet) souple est mis
en place et y reste pendant tout le geste d’angioplastie. C’est à
travers celui-ci que les cathéters guides sont montés jusqu’aux
coronaires. Le diamètre des introducteurs est fonction de la taille
des cathéters guides que l’on veut utiliser.
¦ Geste proprement dit (fig 1 à 7)
Dans un premier temps, l’ostium coronaire est cathétérisé par la
sonde porteuse, puis une injection de dérivés nitrés intracoronaire
est réalisée (isosorbide dinitrate : 2 à 3mg, ou molsidomine : 1 mg),
qui peut être renouvelée ultérieurement. La raison principale de
l’injection de dérivés nitrés en intracoronaire avant de débuter l’ATC
est qu’ils permettent d’éliminer et/ou de prévenir un facteur
1 Angioplastie de la bifurcation interventriculaire antérieure proximale (IVA)
et première diagonale (D1). Sténose serrée excentrée avec retard de flux sur l’IVA (type
B2) englobant le départ de D1, elle-même le siège d’une sténose ostiale.
2 Angioplastie de la bifurcation interventriculaire antérieure proximale (IVA)
et première diagonale (D1). Guides en place dans les deux artères (technique de kissing)
et ballon gonflé au niveau de la bifurcation IVA. L’empreinte de la lésion sur le ballon
est bien visible.
11-030-T-10 Angioplastie transluminale des artères coronaires Cardiologie
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spastique, et d’obtenir un calibrage reproductible de la taille de
l’artère. Dans un second temps, l’opérateur passe la lésion avec le
guide. Enfin, un ballon de taille adaptée au diamètre de la lumière
artérielle est glissé sur le guide jusqu’au niveau de la lésion, puis est
gonflé à une pression suffisante pour lever la lésion. L’obtention
d’un bon résultat (cf infra) peut nécessiter l’utilisation de plusieurs
tailles de ballons gonflés à des pressions plus ou moins importantes,
et enfin la mise en place d’une endoprothèse coronaire. La procédure
peut également débuter par des techniques d’athérectomie afin de
faciliter l’angioplastie au ballon. Toute la procédure est réalisée sous
surveillance continue électrocardiographique et des pressions
intracoronaires, via le cathéguide relié à un kit de pression.
TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES ENTOURANT
LE GESTE
¦ Protocole classique
Afin de diminuer le risque d’occlusion, un traitement
antithrombotique est systématiquement administré au début de la
procédure, une fois l’introducteur artériel mis en place. Il est
constitué d’un bolus intraveineux d’aspirine (250 à 500 mg) et
d’héparine (généralement 10 000 UI), un bolus supplémentaire de
5 000 UI d’héparine est administré si la dilatation dure plus de
1 heure. L’efficacité de la posologie d’héparine administrée sur les
paramètres de coagulation peut être contrôlée en mesurant l’ACT
(activated clotting time) en salle de cathétérisme avec un appareillage
3 Angioplastie de la bifurcation interventriculaire antérieure proximale (IVA)
et première diagonale (D1). Résultat final après pose d’un stent sur la bifurcation IVA
à cheval sur D1 et dilatation au ballon de D1 en passant à travers le stent.
4 Angioplastie du segment vertical de la coronaire droite. Sténose excentrique
du segment vertical de la coronaire droite (type B1) qui est par ailleurs très
athéromateuse.
5 Angioplastie du segment vertical de la coronaire droite. Résultat final après angioplastie
avec pose d’un stent.
6 Angioplastie de l’interventriculaire antérieure proximale en phase aiguë d’infarctus
du myocarde. Sténose subocclusive avec retard de flux (le lit distal de l’artère n’est
pas opacifié par le produit de contraste).
Cardiologie Angioplastie transluminale des artères coronaires 11-030-T-10
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de mesure spécifique, en se fixant comme objectif un ACT compris
entre 300 et 350 secondes. Des mesures itératives peuvent alors être
effectuées, surtout en cas de procédure longue où la pratique des
bolus répétés reste de nature empirique. Certaines études ont
documenté l’intérêt de ces systèmes qui permettent de diminuer à
la fois le risque thrombotique et hémorragique [36]. Par la suite, soit
le Desilet est enlevé précocement et l’héparine n’est pas poursuivie,
soit le Desilet est enlevé de façon différée et il est habituel de laisser
le patient quelques heures sous héparine par voie intraveineuse.
¦ Mise en place d’une endoprothèse coronaire
En cas de mise en place d’une endoprothèse coronaire, le traitement
comporte, immédiatement après la mise en place de celle-ci, une
association d’antiagrégants, aspirine et ticlopidine 250 mg, deux fois
par jour, sans autre thérapeutique antithrombotique associée [32, 47].
Ce traitement est poursuivi 4 semaines sous surveillance
hématologique (une prise de sang tous les 15 jours) en raison du
risque de survenue d’une neutropénie sous ticlopidine. Par la suite,
la ticlopidine est interrompue. Le clopidogrel qui bloque la même
voie d’agrégation que la ticlopidine sans en avoir les effets
secondaires hématologiques est vraisemblablement amené à la
remplacer prochainement dans cette indication. Certaines équipes
préfèrent « prétraiter » systématiquement les patients par la
ticlopidine dans les jours précédant l’angioplastie.
¦ Inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa
Les inhibiteurs des récepteurs plaquettaires glycoprotéiques IIb/IIIa
sont, à l’heure actuelle, les agents antiagrégants les plus efficaces
puisqu’ils permettent un blocage complet de l’agrégation
plaquettaire. À ce jour, le seul pour lequel des études de validation
ont été réalisées concernant son utilisation au décours de
l’angioplastie coronaire est l’abciximab (Réoprot) [29, 33, 54-57, 60]. Il s’agit
du fragment c7E3 Fab monoclonal d’une immunoglobuline G (IgG)
qui induit un blocage irréversible des récepteurs IIb/IIIa sur lesquels
il est fixé. Compte tenu de son immunogénicité potentielle, sa
réadministration n’est pour le moment pas recommandée passé le
délai habituel de production des anticorps. De nombreuses études
ont démontré sa supériorité sur les protocoles classiques
d’antithrombotiques dans des circonstances variées (angioplastie à
haut risque, angor instable réfractaire, angioplastie tout-venant, pose
élective ou non planifiée d’endoprothèses coronaires) [29, 33, 54-57, 60].
Compte tenu des implications médicoéconomiques qui
découleraient de sa prescription systématique, son utilisation est à
l’heure actuelle confinée aux situations dans lesquelles son bénéfice
clinique est maximal, à savoir essentiellement les syndromes
coronariens aigus.
Différents protocoles d’administration ont été validés sous la forme
d’un bolus, suivi d’une perfusion en intraveineuse continue de
12 heures. En plus de la prescription concomitante de l’aspirine, le
bolus d’héparine doit être adapté au poids, et la perfusion
d’entretien pour obtenir un TCA entre une fois et demie et deux fois
le témoin, afin de ne pas majorer le risque de complication
hémorragique.
ABLATION DE L’INTRODUCTEUR ARTÉRIEL
Les Desilets étaient classiquement enlevés quelques heures après la
procédure pour ne pas avoir à reponctionner le patient en raison de
la survenue d’une complication périprocédurale précoce.
Cependant, le niveau de sécurité actuel de l’ATC, surtout avec pose
élective d’endoprothèse coronaire, est en train de modifier ces
données et l’on peut envisager une ablation immédiate après le
geste. Pour les dilatations par voie radiale, l’ablation est dans tous
les cas faite immédiatement après le geste. Les temps de
compressions manuelles (ou pneumatiques) pour obtenir une
hémostase au point de ponction sont fonction de la taille du système
utilisé. Des systèmes de fermeture percutanés sont développés,
utilisant soit un système de suture vrai, soit des colles biologiques.
SURVEILLANCE HOSPITALIÈRE IMMÉDIATE
APRÈS LE GESTE
La surveillance dans les heures suivant le geste est essentiellement
clinique (récidive douloureuse et surveillance des points de
ponctions). Un électrocardiogramme postprocédural est
systématiquement réalisé chaque fois que la clinique le requiert.
Certaines équipes préconisent le dosage systématique des CPK
(créatine phosphokinase) et de leur fraction MB (isoenzyme)
quelques heures après l’ATC afin de ne pas méconnaître des
élévations enzymatiques chez des patients asymptomatiques,
élévations qui pourraient avoir une traduction pronostique à long
terme. Une surveillance biologique liée à la prescription d’héparine
et/ou d’abciximab est également nécessaire.
La durée d’hospitalisation en cas d’angioplastie réglée et non
compliquée est courte, d’environ 3 jours.
Résultats globaux de l’angioplastie
RÉSULTATS HOSPITALIERS
¦ Définitions du succès d’une angioplastie
Deux critères sont habituellement utilisés pour juger des résultats
immédiats d’une angioplastie. Tout d’abord le succès technique, qui
correspond au résultat angiographique à l’issue de la procédure. Il
fait l’objet d’un large consensus et on considère comme une réussite
une angioplastie avec une diminution d’au moins 20 % de la lésion
initiale avec une sténose résiduelle inférieure à 50 % du diamètre de
la lumière de l’artère [6]. Néanmoins, au vu des éléments apportés
par les études comparatives stent/ballon sur la relation entre le
diamètre minimal postprocédural et la survenue d’une resténose, on
peut considérer qu’il s’agit d’un objectif minimal. De plus, l’absence
de survenue d’une complication majeure durant la phase
hospitalière (décès, infarctus du myocarde, chirurgie coronaire en
urgence sont les trois critères habituellement retenus) est nécessaire
pour considérer l’intervention comme un succès clinique.
¦ Succès technique
Actuellement, les taux de succès techniques sont globalement élevés
(supérieurs à 95 %), y compris pour la mise en place d’endoprothèse
7 Angioplastie de l’interventriculaire antérieure proximale en phase aiguë d’infarctus
du myocarde. Résultat final après angioplastie et pose de stent sous abciximab.
11-030-T-10 Angioplastie transluminale des artères coronaires Cardiologie
6
coronaire. Ils sont en net progrès par rapport aux premières
publications et sont liés à la fois à l’expérience accumulée et aux
progrès techniques réalisés. Le taux de succès est essentiellement
influencé par des critères angiographiques. L’ACC/AHA (American
College of Cardiology/American Heart Association) avait établi dès
1988 une classification des lésions (qui a été modifiée au cours des
années suivantes) [19] à partir de caractéristiques angiographiques
(tableau I), permettant une stratification à la fois sur le taux de succès
technique et le taux de complications, à partir des résultats des
grands registres nord-américains. Cette classification est largement
utilisée et même si les chiffres donnés n’ont pas été récemment
actualisés, elle reste valide avec schématiquement un taux de succès
technique plus élevé pour les lésions de type A et B1 que pour celles
de type B2 et C. Les occlusions coronaires totales et chroniques
restent des lésions à part, difficiles à dilater, pour lesquelles le taux
de succès est relativement bas en raison de la difficulté de franchir
l’occlusion avec le guide [40].
¦ Complications majeures
Bien que le profil des patients soumis à une angioplastie soit
actuellement plus défavorable (patients plus âgés, plus souvent
multitronculaires, fractions d’éjection plus basses, antécédents
d’infarctus plus fréquents) qu’auparavant, les taux de complications
majeures sont faibles si l’on se réfère aux grandes séries. Leur
survenue est généralement liée à celle d’une occlusion per- ou
périprocédurale du vaisseau dilaté ou, plus accessoirement, à celle
de l’une de ses collatérales.
Occlusion aiguë per- ou périprocédurale
L’occlusion aiguë du vaisseau dilaté est la cause principale des
complications majeures survenant pendant ou peu de temps après
la procédure. Sa survenue était associée à un risque de décès
multiplié par 10 [34]. Elle est généralement liée à une thrombose et/ou
une dissection. Son incidence est en nette diminution par rapport
aux premières études sur l’angioplastie et était estimée dans les
années 1990 entre 3 et 9 % [14]. La première cause bien documentée
de sa diminution est la prescription d’aspirine et d’héparine à dose
adéquate en péri- et perprocédural. Plus récemment, les études sur
l’abciximab administré de façon prophylactique dans des situations
d’angioplastie à haut risque ont confirmé l’importance des
thérapeutiques antithrombotiques. L’autre raison de cette
diminution est l’utilisation des endoprothèses coronaires qui sont
actuellement à la fois le traitement curatif de choix des dissections
occlusives et le traitement prophylactique des dissections
menaçantes [45]. L’impact global d’une utilisation large des
endoprothèses sur ce paramètre (pas uniquement en traitement des
dissections menaçantes) n’est paradoxalement pas encore bien
évalué.
Différents facteurs prédictifs de la survenue d’une occlusion ont été
décrits. Il s’agit de paramètres angiographiques, de certains sousgroupes
de patients et de situations cliniques à risque [17] (ceux qui
reviennent le plus souvent dans la littérature sont cités dans le
tableau II). En ce qui concerne la présence d’une dissection après la
dilatation, il existe une classification à visée pronostique qui permet
de différencier celle avec un haut risque d’occlusion [26]. La
reconnaissance des dissections avec un mauvais pronostic est
importante, puisqu’elle permet actuellement de poser l’indication de
la pose d’une endoprothèse coronaire pour prévenir l’occlusion. De
la même façon, la connaissance des situations à risque thrombotique
et/ou la constatation d’un thrombus sur l’angiographie permet
d’adapter le traitement antithrombotique de façon prophylactique.
L’implantation d’une endoprothèse implique elle aussi un risque
d’occlusion, compte tenu de la thrombogénicité intrinsèque des
matériaux utilisés pour leur fabrication. Néanmoins, grâce à la
prophylaxie par ticlopidine-aspirine, les taux d’occlusion des stents
sont actuellement faibles, de l’ordre de 1 à 2%[28, 32, 47]. Les facteurs
de risque de survenue d’une occlusion d’endoprothèse avec ce
traitement sont : l’angor instable, la taille des artères (augmentation
du risque avec les petites artères), la pose d’un stent en raison d’une
occlusion perprocédurale, une sténose résiduelle supérieure à 50 %
et la couverture incomplète d’une dissection [28, 32].
Infarctus, pontage en urgence et décès
Nous disposons de plusieurs sources pour évaluer les complications
majeures : d’une part les grands registres, d’autre part les patients
inclus dans des études randomisées récentes. En ce qui concerne les
registres, dans la série de l’Emory University Hospital [62], sur
10 785 patients dilatés entre 1980 et 1991, les taux de mortalité sont
respectivement, pour les mono-, bi- et tritronculaires de 0,2, 0,4 et
1,2 %, d’infarctus avec onde Q de 0,8, 0,9 et 0,2 % et de chirurgie
coronaire en urgence de 1,7, 3 et 3,2 %. Le taux global d’environ
3,5 %, tous événements majeurs confondus, est également retrouvé
par d’autres grandes séries. Néanmoins, ces études ne prennent pas
en compte la fréquence des infarctus sans onde Q qui est importante
Tableau I. – Classification modifiée des lésions coronaires de l’ACC/AHA(American College of Cardiology/American Heart Association) [19].
Lésion de type A
(taux de succès élevé, risque faible)
Lésion de type B
(taux de succès modéré, risque modéré)
B1 : un critère présent
B2 : au moins deux critères présents
Lésion de type C
(taux de succès bas, risque élevé)
- courte < 10 mm - tubulaire (10-20 mm) - lésion diffuse (> 20 mm)
- concentrique - excentrique - tortuosité importante du segment proximal
- contours lisses - contours irréguliers - angulation importante du segment sténosé (> 90°)
- peu ou pas de calcification - calcifications modérées à importantes - occlusion de plus de 3 mois
- pas de problème d’accessibilité - tortuosité modérée du segment proximal - impossibilité de protéger une bifurcation
- pas d’angulation du segment sténosé (< 45°) - angulation modérée du segment sténosé (45-90°) - vieux greffon saphène dégénéré avec lésion friable - non occlusive - occlusion de moins de 3 mois - pas ostiale - localisation ostiale - pas de thrombus - présence de thrombus - pas de lésion significative d’une collatérale au niveau de la lésion - lésion d’une bifurcation nécessitant un kissing Tableau II. – Facteurs de risque de survenue d’une occlusion coronaire per- ou périprocédurale. Facteurs associés à un risque accru d’occlusion per- ou périprocédurale Clinique - sexe féminin - angor instable - diabète Traitement antithrombotique mal conduit Perprocédure - thrombus intracoronaire - sténose subocclusive - sténose longue - lésion d’une bifurcation - lésion angulée (> 45°)
Postprocédure
- dissection longue (> 10 mm) ou de type C, D, E ou F [26]
- échec technique de dilatation (sténose résiduelle > 50 %)
- occlusion transitoire perprocédure
Cardiologie Angioplastie transluminale des artères coronaires 11-030-T-10
7
et est difficilement appréciable avec précision dans des séries
rétrospectives. En revanche, si on prend comme référence les
résultats d’études randomisées récentes [56] sur de l’angioplastie toutvenant,
on obtient, pour le groupe contrôle de l’étude EPILOG
(angioplastie au ballon, aspirine et héparine à dose habituelle), un
taux de décès de 0,8 %, d’infarctus avec onde Q de 0,8 %, d’infarctus
sans onde Q de 7,9 % (5,6 % si l’on tient compte uniquement des
taux de CPK supérieurs à 5 fois la normale) et de chirurgie coronaire
en urgence de 1,7 %, ce qui fait un taux d’événements, infarctus sans
onde Q compris, de 11,2 %. La survenue de ce type d’infarctus est
certainement moins péjorative que pour ceux avec onde Q, mais leur
signification pronostique exacte fait à l’heure actuelle l’objet de
discussions.
Il existe en fait de grandes disparités suivant les caractéristiques des
patients et des lésions dilatées. Comme le déterminant principal
d’une complication majeure est la survenue d’une occlusion, on sait
parfaitement que celle-ci n’aura pas les mêmes conséquences dans
toutes les situations cliniques (terrain fragile, fraction d’éjection
basse, dilatation sur la seule artère alimentant un territoire viable...).
En fonction de la présence ou de l’absence d’un ou plusieurs facteurs
de risques, les taux de complications majeures peuvent varier de
1,3 % pour des cohortes à bas risque jusqu’à quasiment 30 % pour
des cohortes à très haut risque [30].
¦ Autres complications
D’autres complications cardiaques sont possibles. Parmi les
complications perprocédurales, on peut retenir les perforations
coronaires au guide et les ruptures qui sont en augmentation avec la
pose des endoprothèses avec des pressions élevées. Des dissections
traumatiques des ostia par les cathéguides sont possibles, ainsi que
des spasmes coronaires.
Parmi les complications extracardiaques, les complications au point
de ponction, les complications rénales (insuffisance rénale aux
produits iodés) et les allergies au produit de contraste sont au
premier plan. Les complications au point de ponction vont de
l’hématome bénin sans déglobulisation au volumineux hématome
avec déglobulisation et nécessité de transfusion, à la plaie artérielle
nécessitant une réparation, à la fistule artérioveineuse ou au faux
anévrisme. La fréquence de ces complications augmente avec l’âge
et la taille des cathéters utilisés, ainsi qu’avec le niveau
d’anticoagulation. Par ailleurs, l’abord radial permet de réduire
significativement ce type de complications par rapport au fémoral.
Les complications infectieuses locales ou générales sont rares et les
cas d’infections sur endoprothèses coronaires apparaissent
exceptionnels au vu du nombre de stents posés.
RÉSULTATS À MOYEN TERME :
PROBLÈME DE LA RESTÉNOSE
¦ Définition et incidence de la resténose
La définition de la resténose est angiographique et correspond à la
réapparition au site dilaté d’une sténose hémodynamiquement
significative (réduction du diamètre de la lumière artérielle de plus
de 50 % par rapport au diamètre de référence). D’autres définitions
utilisant des critères quantitatifs différents existent mais ne sont pas
utiles en pratique courante. La resténose survient généralement dans
les 6 mois suivant la dilatation. Elle reste la référence pour évaluer
l’efficacité à moyen terme des différentes techniques de dilatation et
implique donc, pour la détermination de son incidence, des séries
avec un contrôle coronarographique exhaustif. La resténose est le
problème majeur limitant l’efficacité de la technique, en particulier
en comparaison à la chirurgie. Néanmoins, la resténose ne
correspond pas à un besoin obligatoire de revascularisation
ultérieure. En effet, les resténoses modérées ont un bon pronostic et,
du fait que le bénéfice essentiel de l’angioplastie réside dans
l’amélioration du statut angineux, toute resténose ne justifie pas par
elle-même une redilatation.
Les taux de resténose rapportés pour l’angioplastie au ballonnet sont
très variables. Dans les études de références, les taux rapportés
varient de 30 à 40 % [11, 39], mais pour certains sous-groupes ils
peuvent atteindre presque 60 % [61]. Certains états cliniques
prédisposant à sa survenue ont été décrits. Toutes les études ne
concordent pas sur ce sujet, mais on peut citer le diabète,
l’insuffisance rénale au stade de la dialyse et peut-être l’angor
instable. De même, plusieurs types de lésions ont un taux de
resténose élevé ; c’est surtout le cas des occlusions coronaires (où le
taux de resténose est lié à l’incidence de la réocclusion), des lésions
longues, des bifurcations et des ponts saphènes.
¦ Limitation et prévention de la resténose
Nous n’avons pas, à l’heure actuelle, d’étude convaincante sur la
prévention pharmacologique de la resténose. Les progrès réalisés
actuellement sur ce sujet sont liés à l’utilisation des endoprothèses
coronaires, à certaines techniques d’athérectomie et à l’optimisation
des résultats initiaux de l’angioplastie. Par ailleurs, la radiothérapie
endovasculaire, si l’on s’en tient à ses résultats initiaux, pourrait
devenir une technique d’avenir, à condition de faire preuve de son
innocuité.
Si l’on s’en tient uniquement aux études randomisées, l’utilisation
des endoprothèses coronaires pour certains types de lésions permet
de diminuer le taux de resténose par rapport à l’angioplastie au
ballon seul et de diminuer les événements liés à la resténose. Dans
les deux études de référence sur ce sujet, BENESTENT I et STRESS
[21, 48], les taux de resténose pour les patients traités avec une
endoprothèse étaient respectivement de 22 et 31,6 % contre 32 et
42,1 % pour ceux traités par ballon seul en première intention. Le
type de lésions traitées dans ces études était similaire, à savoir des
lésions courtes (couvertes par un stent de 15 mm), sans difficulté
d’accès, dans des artères d’au moins 3 mm de diamètre. Par la suite,
dans l’étude BENESTENT II [49] qui utilisait un stent hépariné, le taux
de resténose rapporté était encore plus bas à 16 % (31 % au ballon),
alors que les critères d’entrée dans l’essai étaient moins stricts que
dans BENESTENT I. L’origine de la supériorité des endoprothèses
est que leur utilisation permet un gain de lumière initial (évalué par
la mesure du diamètre minimal au site dilaté) supérieur à celui
obtenu dans des conditions standards par le ballon et qu’elle
préviennent le remodelage négatif. Hormis ce qu’il est classique
d’appeler les lésions STRESS-BENESTENT, la pose d’endoprothèse
coronaire permet également de diminuer le taux de resténose pour
les occlusions complètes [51]. Le mécanisme de ce bénéfice est là peutêtre
un peu différent puisque, dans ce cas, c’est le taux de
réocclusion qui est considérablement diminué. À l’heure actuelle, le
taux de pose de stent dépasse très largement le cadre de ces
indications et on peut penser, au vu d’études de registre, que les
endoprothèses diminuent les taux de resténose d’autres types de
lésions par rapport au ballon seul et dans des situations cliniques
variées [4, 61]. Le revers de l’utilisation large des endoprothèses est
que les resténoses intraprothétiques de type diffus sont actuellement
difficiles à traiter.
Pour l’athérectomie directionnelle, alors que les premières études
randomisées n’avaient pas permis de retrouver de supériorité par
rapport au ballon, le dernier essai a mis en évidence une diminution
du taux de resténose par rapport au ballon seul [3]. Ce résultat a été
obtenu en adoptant une stratégie d’athérectomie plus agressive
suivie d’un complément de dilatation au ballon. Le même type de
résultat qu’avec les endoprothèses a été obtenu, à savoir l’obtention
d’un meilleur diamètre minimal initial en utilisant l’athérectomie, ce
qui était corrélé à une diminution du taux de resténose à 6 mois.
Ces études ont toutes été menées avec des moyens d’analyse
angiographique quantitative centralisée et ont en fait mis en
évidence que, si l’on se place dans l’optique d’une diminution de la
resténose, les résultats angiographiques initiaux jouent un rôle
important et qu’il faut donc envisager l’utilisation de tous les
moyens utiles pour parvenir à un résultat angiographique
satisfaisant, si la dilatation au ballon ne le permet pas. De plus,
l’analyse des patients traités par angioplastie au ballon dans ces
études a montré que les résultats dits stent-like avaient également
un taux de resténose réduit. Cette constatation a conduit à
s’interroger sur la façon d’optimiser les résultats du ballon et, pour
11-030-T-10 Angioplastie transluminale des artères coronaires Cardiologie
8
ce faire, l’intérêt d’utiliser d’autres moyens de guidage de la
dilatation est actuellement évalué : l’échographie intracoronaire (en
remplacement de l’angiographie) et le calcul de la réserve coronaire
par doppler et des gradients de pressions translésionnels (en
complément).
Résultats et indications actuelles
de l’angioplastie
L’indication de la réalisation d’une angioplastie coronaire est basée
sur un certain nombre de considérations. Le préambule est bien
entendu qu’il existe une sténose avec un retentissement
hémodynamique et une ischémie myocardique. La sténose est
considérée comme hémodynamiquement significative quand la
réduction du diamètre de la lumière à son niveau en angiographie,
mesurée de façon objective, est supérieure ou égale à 50 % de celui
du calibre de référence. La présence d’une ischémie myocardique
doit être documentée par toute méthode adéquate, s’il n’y pas de
manifestations angineuses patentes. Une fois ces deux points acquis,
la décision fait intervenir des critères de faisabilité technique au
niveau de la lésion, le nombre de lésions significatives et leur
localisation, l’évaluation du risque immédiat lié au geste, les
résultats à court et long termes, le tout comparé aux résultats des
thérapeutiques alternatives (traitement médical et revascularisation
chirurgicale). Les indications actuelles de l’angioplastie coronaire
peuvent donc être déduites des résultats des études randomisées
angioplastie versus chirurgie ou traitement médical, ainsi que des
résultats des grands registres.
Il n’y a pas à proprement parler de contre-indications formelles à la
réalisation d’une angioplastie. Néanmoins, toute pathologie
susceptible d’induire ou de favoriser un saignement (état
d’hypocoagulabilité sanguine, lésions hémorragipares) expose à un
risque hémorragique qui peut compromettre le pronostic, compte
tenu des traitements antithrombotiques utilisés durant l’angioplastie.
ANGIOPLASTIE VERSUS TRAITEMENT MÉDICAL
En cas d’atteinte monotronculaire, l’étude de référence sur le sujet
est celle de Parisi [37] portant sur 212 patients, qui a montré que
l’angioplastie dans cette situation clinique était supérieure au
traitement médical pour améliorer les symptômes (64 % de patients
asymptomatiques versus 46 % à 6 mois) et permettait d’obtenir de
meilleures performances à l’effort. Ce résultat favorable était obtenu
en dépit d’un taux de succès de l’angioplastie de 80 %, ce qui peut
être considéré actuellement comme faible. Bien entendu, chez les
patients dilatés, le traitement médical était très significativement
allégé. Comme cela avait déjà été décrit pour la chirurgie, aucun
bénéfice n’était retrouvé à long terme pour la survie ou la survenue
d’un infarctus du myocarde, ce qui n’est pas très étonnant compte
tenu du fait que ce type de population a un excellent pronostic
spontané. Concernant spécifiquement les patients porteurs d’une
lésion isolée de l’interventriculaire antérieure proximale, il semble
qu’un geste de revascularisation (chirurgicale avec l’artère
mammaire interne ou par angioplastie) soit supérieur au traitement
médical [27]. Là aussi, on note une meilleure efficacité des techniques
de revascularisation sur les symptômes sans obtenir, après 3 ans de
suivi, de bénéfice sur la survie sans infarctus.
Plus récemment, l’étude RITA-2 [42] a comparé les résultats de
l’angioplastie et du traitement médical dans une population où 40 %
des patients étaient multitronculaires, avec les mêmes conclusions :
une meilleure efficacité de l’angioplastie pour soulager les
symptômes. Cependant, dans cette étude, la réalisation d’une
angioplastie s’accompagnait d’un risque immédiat d’événements
majeurs assez élevé, rendant le traitement médical significativement
plus efficace à moyen terme pour la prévention du risque de décès
ou d’infarctus.
ANGIOPLASTIE VERSUS REVASCULARISATION
CHIRURGICALE
De nombreuses études sont disponibles sur ce sujet [10, 23, 25, 31, 38, 41, 43,
50, 52] mais elles ont toutes été réalisées avant l’utilisation des
endoprothèses coronaires. Compte tenu de la supériorité démontrée
des endoprothèses coronaires dans bon nombre de situations par
rapport au ballon, de nouveaux essais sont donc en cours qui
devraient sensiblement modifier les enseignements tirés de ces
premières études. Par ailleurs, il faut bien garder à l’esprit que les
patients inclus dans ces études devaient être porteurs de lésions
techniquement accessibles aux deux méthodes de revascularisation,
ce qui n’est pas le cas de tous les patients.
¦ Monotronculaires
Peu d’études spécifiques sur cette population ont été conduites,
vraisemblablement parce que la simplicité de mise en oeuvre de
l’angioplastie par rapport à la chirurgie fait qu’elle constitue, chez
ces patients, la technique de revascularisation de premier choix.
Néanmoins, la chirurgie classique offre également dans cette
situation de très bons résultats et le développement des techniques
de chirurgie mini-invasive pourrait modifier ces données. En effet,
une étude randomisée comparant l’angioplastie (sans stent) à la
chirurgie avec pontage mammaire interne sur l’interventriculaire
antérieure [23], a montré que celle-ci permettait une meilleure
amélioration fonctionnelle que la dilatation, qui nécessitait des
gestes complémentaires durant le suivi en raison des resténoses. Il
n’y avait pas, dans cette étude, de différence sur les événements
majeurs.
¦ Multitronculaires
De nombreuses études randomisées ont été réalisées sur les résultats
comparés de l’angioplastie et de la chirurgie avec, pour certaines,
plus de 1 000 patients inclus. Toutes celles dont les résultats sont
disponibles ont été menées dans la deuxième moitié des années 1980
ou au tout début des années 1990 et ne pouvaient donc pas prendre
en compte les deux avancées récentes de l’angioplastie (les
endoprothèses coronaires et les nouveaux antiagrégants
plaquettaires qui ont permis de diminuer les taux de complications)
et l’amélioration des résultats qui en a découlé [1] ; en revanche, pour
la chirurgie, l’utilisation de l’artère mammaire était déjà préconisée.
À quelques différences mineures près, toutes ces études [10, 25, 31, 41, 43,
52], et les méta-analyses [38, 50] qui en ont été tirées, retrouvent les
mêmes données. Les deux techniques de revascularisation sont
équivalentes à long terme sur la survie et la survie sans infarctus,
sauf chez les patients diabétiques. La chirurgie est responsable d’une
morbidité initiale plus importante, bien que, pour la mortalité et les
infarctus hospitaliers, les deux méthodes soient équivalentes.
L’angioplastie ne permet pas toujours de réaliser une
revascularisation complète (problème des occlusions totales) et
nécessite des réinterventions, le plus souvent dans la première
année, qui sont liées au problème de la resténose. La probabilité de
subir une nouvelle revascularisation est donc significativement plus
élevée pour les patients dilatés (34 % versus 3,3 %) à l’issue des
périodes de suivi dans la méta-analyse de Pocock [38] qui ne prenait
pas en compte l’étude BARI). Néanmoins, les événements liés au
maintien de la perméabilité des pontages saphènes apparaissent
plus tard et la relativement courte durée du suivi de certaines de ces
études a donc minoré leur importance. Enfin, il existe une tendance
à une meilleure efficacité de la chirurgie pour soulager les
symptômes.
Concernant spécifiquement les diabétiques, c’est l’étude BARI [52]
qui, compte tenu du nombre de patients inclus, a la première mis en
évidence la surmortalité des diabétiques dilatés par rapport à ceux
opérés (probabilité de survie à 5 ans : 65 versus 85 %). Le choix de la
technique de revascularisation des diabétiques n’est pas pour autant
résolu définitivement car ce bénéfice n’est observé que si au moins
un des greffons utilisé est l’artère mammaire [53] et, plus récemment,
un important registre n’a pas retrouvé cette supériorité de la
Cardiologie Angioplastie transluminale des artères coronaires 11-030-T-10
9
chirurgie chez tous les types de diabétiques [63]. Enfin, il faut rappeler
que l’analyse du sous-groupe des patients diabétiques dans l’étude
BARI a été réalisée a posteriori.
Au terme de ces études, il apparaît que la chirurgie ou l’angioplastie
sont deux méthodes qui permettent d’obtenir des résultats
équivalents, mais avec des inconvénients et des contraintes
différentes : pour l’angioplastie, une technique peu invasive et de
plus en plus sûre, mais avec un taux de réintervention plus élevé ;
pour la chirurgie, une technique plus complète avec un taux de
réintervention plus bas et plus tardif, mais une technique plus
lourde avec une morbidité initiale plus importante. Les progrès de
l’angioplastie (diminution des complications et de la resténose par
l’abciximab et les endoprothèses) rendent actuellement cette
technique très intéressante dans cette indication.
Bien entendu, le choix se pose uniquement pour les patients
porteurs de lésions accessibles à la fois à l’angioplastie et à la
chirurgie, ce qui était le cas dans ces études. Un certain nombre de
lésions restent du ressort de la chirurgie, même si, dans la plupart
des cas, l’angioplastie peut se poser comme une alternative dans les
populations à haut risque opératoire. C’est en particulier le cas des
lésions non protégées du tronc coronaire gauche [18] qui étaient
considérées, encore récemment, comme une contre-indication à
l’angioplastie et qui sont désormais accessibles avec un bon niveau
de sécurité, grâce à l’utilisation des endoprothèses coronaires chez
des patients pour lesquels la chirurgie est contre-indiquée.
RÉSULTATS SPÉCIFIQUES
¦ Infarctus aigu
L’angioplastie primaire en phase aiguë d’infarctus a connu un
développement important ces dernières années. Depuis la
démonstration de l’efficacité des traitements thrombolytiques
permettant une reperfusion en phase aiguë d’infarctus, plusieurs
éléments plaidaient en faveur de l’évaluation de l’angioplastie dans
cette indication. Les premiers rapports sur des séries de petite taille
avaient fait état d’excellents résultats de la dilatation en termes de
perméabilité artérielle (> 90 % de flux TIMI 2 ou 3) avec des taux
d’événements ischémiques récurrents et des taux de saignement bas.
Les premières comparaisons avec les traitements thrombolytiques
ont été rapportées dès 1993 [22, 24, 65]. La plus grosse série était celle de
l’étude PAMI (primary angioplasty in myocardial infarction) [24] qui
comparait l’angioplastie primaire et le t-PA administré sur 3 heures
qui retrouvait un taux de décès ou de réinfarctus hospitalier en
faveur de l’angioplastie (5,1 versus 12 %) avec un taux de
saignement défavorable pour le traitement thrombolytique. Cette
supériorité n’a pas, par la suite, été confirmée de manière aussi nette
sur des séries plus larges. D’abord, l’étude GUSTO IIb
(1 138 patients), angioplastie versus t-PA protocole d’administration
accélérée [58], n’a pas retrouvé de supériorité de l’un des deux
traitements en termes de mortalité hospitalière (angioplastie 5,7 %,
t-PA 7 %) ou de réinfarctus (4,5 versus 5,7 %). Ensuite, plusieurs
registres nous ont apporté des données sur les résultats comparés
des deux traitements dans des populations non sélectionnées. Tout
d’abord, le registre américain MITI, (12 331 patients consécutifs
traités pour un infarctus du myocarde dans 19 hôpitaux de
Seattle [20], 1 050 avaient eu une angioplastie primaire et 2 095 un
traitement thrombolytique) confirmait l’équivalence des deux
thérapeutiques, mais surtout montrait clairement que les résultats
de la dilatation étaient corrélés au nombre de procédures réalisées
dans cette indication. Pour les hôpitaux utilisant l’angioplastie
primaire, pour plus de 40 % des infarctus reperfusables, la mortalité
hospitalière était significativement plus basse que dans les autres
centres (4,5 % versus 8,1 %). Le registre français USIK confirmait
également ces données avec en particulier l’absence de bénéfice à
1 an d’un traitement sur l’autre [15].
L’angioplastie primaire est donc une méthode donnant des résultats
au moins équivalents à la thrombolyse hospitalière et sans doute
même meilleurs dans certains cas, à condition d’être réalisée dans
un centre entraîné. De plus, elle semble donner de meilleurs
résultats dans les cas où une reperfusion rapide est souhaitable,
comme dans les états de choc cardiogénique primaire. Elle est
également indiquée quand existe une contre-indication formelle à la
thrombolyse. Comme pour les thrombolytiques, aucun bénéfice
évident n’est démontré si l’angioplastie est réalisée après 6 heures.
¦ Postinfarctus
L’angioplastie systématique de l’artère coupable d’un infarctus hors
phase aiguë est actuellement largement répandue, même si son
utilité reste débattue. En cas de persistance de symptômes angineux
ou d’une viabilité résiduelle importante dans le territoire infarci,
l’indication semble néanmoins tout à fait justifiable. De plus, dans le
cas d’une obstruction persistante, la désobstruction systématique
serait susceptible de limiter significativement le remodelage
ventriculaire gauche et ses effets délétères sur la fonction systolique
globale [13]. Des études comparatives avec les traitements médicaux
qui ont fait la preuve de leur efficacité dans cette indication et entre
les relations remodelage-viabilité résiduelle restent néanmoins
souhaitables pour valider définitivement ces indications.
¦ Ischémie silencieuse
Peu d’études ont été consacrées à l’intérêt des techniques de
revascularisation et donc de l’angioplastie en cas d’ischémie
silencieuse. L’étude ACIP (asymptomatic cardiac ischemia pilot study)
est la seule à ce jour à avoir comparé plusieurs stratégies de
traitement médical et de revascularisation dans cette situation
clinique [7, 44]. Les trois types de traitement envisagés étaient le
traitement médical guidé par la suppression de l’ischémie
silencieuse, le traitement médical visant à empêcher l’apparition de
symptômes et la revascularisation (angioplastie ou chirurgie), dans
une population de coronariens dont 75 % avaient une atteinte
multitronculaire. À 1 an, la revascularisation permettait de réduire
la mortalité, la mortalité sans infarctus et la mortalité sans
événements cardiaques (infarctus, revascularisation non planifiée,
hospitalisation pour angor). La cohorte des patients opérés avait de
meilleurs résultats que celle des patients dilatés en termes de
suppression de l’ischémie (clinique ou silencieuse), ce qui rejoint les
conclusions des études randomisées chez les multitronculaires. Les
conclusions de cette étude montrent qu’il n’est pas illogique de
proposer une revascularisation à un patient coronarien avec une
ischémie silencieuse. Néanmoins, les auteurs insistaient sur la
nécessité de confirmer les résultats sur une étude à plus grande
échelle (558 patients dans ACIP). De plus, dans cette étude, le
traitement médical prévu n’avait pas encore intégré les traitements
par statines dont on sait avec certitude qu’ils diminuent la mortalité
des patients coronariens avérés. Enfin, on sait que l’étendue de
l’ischémie est un facteur important et que les patients porteurs d’une
ischémie de faible étendue détectée par méthodes isotopiques ont
un excellent pronostic spontané. Donc, si les patients
asymptomatiques porteurs d’une large ischémie devraient, en toute
logique, bénéficier des techniques de revascularisation, il n’en est
probablement pas de même pour les autres. Ces données demandent
donc à la fois des confirmations et des précisions.
¦ Angor instable et infarctus sans onde Q
L’angor instable est classiquement considéré comme un facteur
favorisant la survenue de complications lors de l’angioplastie [16].
Néanmoins, il s’agit également d’un état clinique où il existe un
risque significatif d’évolution à court terme vers la constitution d’un
infarctus transmural. L’angioplastie coronaire est donc largement
utilisée lors de la prise en charge des syndromes coronariens aigus
(angor instable et infarctus sans onde Q). Dans ce cadre, nous
disposons d’études de stratégie thérapeutique validant l’utilisation
de l’angioplastie d’emblée par rapport au traitement médical suivi
éventuellement d’une revascularisation. L’étude, qui a longtemps
fait référence sur le sujet en dépit de sa relative ancienneté, est
l’étude TIMI-IIIB [59]. Dans cette étude, 1 473 patients (angor instable
ou infarctus sans onde Q de moins de 24 heures) ont été randomisés
et deux stratégies étaient évaluées : stratégie invasive qui consistait
11-030-T-10 Angioplastie transluminale des artères coronaires Cardiologie
10
en une coronarographie d’emblée (dans les 48 premières heures)
avec revascularisation systématique en cas d’anatomie coronaire
favorable (angioplastie de préférence) ou stratégie conservatrice avec
coronarographie et revascularisation uniquement après échec du
traitement médical (angor réfractaire ou ischémie résiduelle). Les
patients étaient également randomisés pour recevoir ou non du
rt-PA (recombinant tissue type plasminogen activator) en plus du
traitement antithrombotique classique par aspirine-héparine. En
terme du choix de la stratégie, la probabilité de survenue d’un
événement majeur (décès ou infarctus) était identique à 6 semaines
(invasive 7,2 versus 7,8 %) ainsi qu’à 1 an (10,8 versus 12,2 %). En
revanche, le pourcentage de réhospitalisation était significativement
plus bas pour les patients assignés à une stratégie invasive, à
6 semaines (8 versus 14 %) comme à 1 an (26 versus 33 %). En fait, il
faut bien avoir à l’esprit qu’à 6 semaines la probabilité d’être dilaté
était de 38 % pour les patients coronarographiés d’emblée contre
26 % pour les autres, et qu’à 1 an elle était de 39 % versus 32 % et, si
l’on tient compte de tous les gestes de revascularisation effectués
(angioplastie ou chirurgie), elle était de 61 versus 48 % à 6 semaines
et de 64 versus 58 % à 1 an. Plus récemment, l’étude VANQWISH,
réalisée chez des patients avec infarctus sans onde Q non
compliqué [5], a montré que le risque de décès ou d’infarctus était
initialement plus élevé avec une stratégie invasive ; à 2 ans, il n’y a
cependant pas de différence entre les deux types de stratégie. Ici
encore, il faut souligner que le pourcentage des patients
effectivement revascularisés était très proche dans les deux groupes.
À l’inverse, dans l’étude scandinave FRISC II (FRagmin and Fast
Revascularisation during Instability in Coronary artery disease
Investigators. Invasive compared with non-invasive treatment in
unstable coronary artery disease: FRISC II prospective randomised
multicenter study. Lancet 1999 ; 354: 708-715), menée chez des
patients en angor instable initialement traités par une héparine de
bas poids moléculaire pendant 5 jours, la stratégie invasive s’avère
supérieure en termes de mortalité et de risque d’infarctus à 6 mois
(9,4 versus 12,1 %). Dans cette étude, et à la différence des études
TIMI IIIb et VANQWISH, la prise en charge effective des patients a
été réellement différente dans les deux groupes puisque, 10 jours
après l’inclusion, 71 % des patients du groupe invasif et seulement
9 % des patients du groupe conventionnel avaient été revascularisés.
L’émergence des inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa
a très certainement modifié ces données car elle a permis d’améliorer
à la fois la prise en charge médicale de ces syndromes et de
diminuer les complications périprocédurales de l’angioplastie. De
ce fait, les syndromes coronariens aigus constituent certainement la
meilleure indication actuelle d’utilisation de l’abciximab. En effet,
l’analyse des patients avec un angor instable de l’étude EPIC [33]
montrait que le traitement par abciximab diminuait
significativement la survenue du critère principal (4,8 versus 12,8 %)
dès 30 jours, mais également le taux de décès et d’infarctus à 6 mois
(respectivement : 0,7 versus 6,6 % et 2,4 versus 11,1 %), et cette
analyse rétrospective de l’étude montrait que c’est pour ce sousgroupe
de patients que le bénéfice de l’abciximab était le plus
important. Par la suite, l’étude CAPTURE a analysé les effets d’un
prétraitement de 18 à 24 heures par abciximab chez des patients en
angor instable réfractaire au traitement médical, pour lesquels une
angioplastie était planifiée à la suite d’un examen
coronarographique [54]. Les résultats étaient, là encore, favorables à
l’utilisation de l’abciximab avec la survenue du critère de jugement
principal (décès, infarctus, revascularisation non planifiée pour
traiter un nouvel épisode ischémique à 30 jours) pour 11,3 % des
patients ayant reçu le traitement contre 15,9 % dans le groupe
contrôle. De plus, le taux d’infarctus était significativement réduit
par l’abciximab et ce aussi bien avant (0,6 versus 2,1 %) qu’après
l’angioplastie (2,6 versus 5,5 %). Enfin, dans le cadre de la pose
d’une endoprothèse coronaire dans l’étude EPISTENT [57], c’est
encore le sous-groupe des patients avec un angor instable de moins
de 48 heures traité par abciximab qui a la plus importante réduction
de complications (4,5 versus 14,8 %).
¦ Angioplastie chez les patients âgés
L’âge constitue un des facteurs de risque de complications de
l’angioplastie régulièrement retrouvé. Néanmoins, la morbimortalité
de la chirurgie coronaire dans cette population est très élevée, alors
que l’augmentation du risque de l’angioplastie par rapport aux
sujets plus jeunes est plus modérée. Elle constitue donc une
technique de revascularisation moins agressive en cas de besoin
dans cette population, avec des résultats à long terme tout à fait
satisfaisants [9].
¦ Angioplastie chez les sujets jeunes
Inversement, le problème qui se pose chez le sujet jeune qui
développe un athérome coronaire significatif est l’évolutivité de la
maladie et la préservation de solutions thérapeutiques ultérieures.
L’angioplastie, par rapport à la chirurgie, offre dans cette situation
l’avantage de préserver l’avenir et, compte tenu du faible taux de
complications et du pourcentage de succès élevé, elle représente
souvent le meilleur choix thérapeutique [8].
¦ Angioplastie coronaire chez la femme
Comme cela avait déjà été décrit pour la chirurgie coronaire, les
résultats immédiats de l’angioplastie sont moins bons chez la femme
que chez l’homme en raison d’un taux de complications plus élevé.
En fait, plus que le sexe, il semble qu’il s’agisse d’un problème de
taille des artères, celle-ci étant en relation avec la surface corporelle,
avec un risque accru pour les artères de petit calibre [2]. Cette relation
a été bien documentée pour l’angioplastie au ballon et n’a pas été
réévaluée avec les endoprothèses coronaires.
¦ Angioplastie chez les insuffisants rénaux
L’atteinte coronaire dans l’insuffisance rénale, surtout en cas
d’hémodialyse, est généralement diffuse et calcifiée. Dans cette
situation, les résultats de l’angioplastie ne sont pas bons et
comportent un risque de complications accru, un taux de succès
immédiat diminué et de resténose élevé : en dépit d’une morbidité
initiale élevée, la chirurgie coronaire constitue donc
vraisemblablement la meilleure option thérapeutique en matière de
revascularisation myocardique chez ces patients [12].
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