Exploration électrophysiologique
endocavitaire
G. Lascault Étude de la fonction sinusale
et de la conduction auriculoventriculaire
Résumé. – Dans ce chapitre consacré à l’exploration électrophysiologique endocavitaire seront abordées les
différentes étapes de l’examen, à l’exclusion de l’étude des tachycardies traitée dans d’autres chapitres de
l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. La conduction à tous les étages est envisagée : étude de la fonction
sinusale, de la conduction antérograde nodale, intrahisienne et infrahisienne ainsi que de la conduction
rétrograde.
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Mots-clés : Exploration électrophysiologique ; Faisceau de His ; Fonction sinusale ; Conduction
auriculoventriculaire ; Conduction rétrograde ; Syncope
Introduction
L’apparition en 1901 du premier électrocardiographe, le
galvanomètre à cordes d’Einthoven, marque le début de l’étude de
l’activité électrique du coeur. Les développements techniques
successifs de l’électrocardiographie ont fait faire de grands progrès
à la connaissance de l’électrophysiologie cardiaque normale et
pathologique. Un certain nombre de concepts ou de mécanismes
échafaudés à l’époque de l’électrocardiographie de surface ont été
confirmés et validés ultérieurement par l’électrophysiologie
endocavitaire. L’invention du cathétérisme cardiaque dans les
années 1940-1950 a été une nouvelle étape décisive de la cardiologie.
Pourtant ce n’est que beaucoup plus tard, en 1957, que sont réalisés
par Puech en France les premiers enregistrements de potentiels du
faisceau de His. Ces enregistrements deviendront de pratique
courante à partir des années 1970, en particulier grâce aux travaux
de Scherlag aux États-Unis. Par la suite, l’étude de la conduction
auriculoventriculaire s’est enrichie peu à peu de nouvelles méthodes
d’analyse dynamique plus fines et plus élaborées, utilisant les
méthodes de stimulation. Dans les années 1970 à 1980, diverses
méthodes d’évaluation de la fonction sinusale par voie endocavitaire
ont fait l’objet de très nombreux travaux. Parallèlement à l’étude
des troubles de la fonction sinusale et de la conduction
auriculoventriculaire, beaucoup d’attention a été apportée à la
classification et l’analyse des différents types de tachycardies
supraventriculaires et ventriculaires. Les deux grands types
d’indications des explorations électrophysiologiques endocavitaires
sont l’étude des bradycardies et des tachycardies. Seule l’exploration
de la fonction sinusale et de la conduction auriculoventriculaire, plus
orientée vers le diagnostic des bradycardies, sera envisagée, celle
spécifique des tachycardies faisant l’objet d’autres chapitres de
l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.
Remarques générales
La pratique d’explorations électrophysiologiques nécessite, d’une
part des connaissances rythmologiques spécifiques, d’autre part une
infrastructure suffisante en matériel et en personnel. [1, 2, 3] Il est
notamment indispensable de disposer d’un matériel de réanimation
et d’un défibrillateur externe en bon état de marche. Nous ne
reviendrons pas sur la technique du cathétérisme cardiaque droit
qui doit être parfaitement maîtrisée.
Un plan d’exploration méthodique et rigoureux doit être suivi, sans
oublier toutefois que l’exploration électrophysiologique n’est que le
complément d’une analyse clinique rigoureuse et qu’elle doit être
adaptée au cas particulier de chaque patient et vue comme un
complément de l’électrocardiographie de surface. Par exemple dans
le bilan étiologique d’une syncope, le contexte clinique a une valeur
d’orientation considérable : en présence de troubles conductifs
intraventriculaires sur l’électrocardiogramme (ECG) de surface,
l’hypothèse d’un bloc auriculoventriculaire (BAV) paroxystique est
la plus probable, alors qu’en cas d’antécédents d’infarctus du
myocarde, une tachycardie ventriculaire devra être suspectée en
priorité. On conçoit que dans le premier cas, une étude extrêmement
complète de la conduction auriculoventriculaire sera indispensable
et que dans le second cas, il sera nécessaire de pratiquer une
stimulation ventriculaire programmée.
Pour les explorations courantes, deux ou trois sondes sont en
général utilisées, introduites dans une veine fémorale, et destinées à
enregistrer les potentiels intracardiaques et à réaliser une
stimulation. Elles sont placées dans l’oreillette droite, à la jonction
auriculoventriculaire et dans le ventricule droit. Dans certains cas
particuliers qui n’entrent pas dans le cadre de l’exploration standard,
en fonction de l’orientation clinique, d’autres sondes (bi-, quadri- ou
multipolaires) sont placées dans d’autres sites : le sinus coronaire,
où l’on recueille l’activité auriculaire gauche (et ventriculaire
gauche), en utilisant comme voie d’abord, soit la veine sous-clavière
gauche ou la veine jugulaire interne droite, soit une voie basse par
la veine fémorale ; le ventricule gauche ou l’oreillette gauche atteints
par voie artérielle rétrograde ou au travers d’un foramen ovale
perméable.
Les sondes les plus utilisées sont les bipolaires et les quadripolaires,
les pôles distaux servant plus volontiers à la stimulation, les pôles
proximaux à l’enregistrement.
G. Lascault (Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris)
Adresse e-mail : g.lascault@ccncardio.com
Centre cardiologique du Nord, 32-36, avenue des Moulins-Gémeaux, 93207 Saint-Denis cedex 1, France.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-003-L-10 (2004)
11-003-L-10
Il ne faut commencer l’exploration proprement dite que lorsque les
sondes sont correctement placées et enregistrent des signaux
parfaitement identifiables, stables, d’amplitude suffisante. Beaucoup
d’erreurs d’interprétation ou de conclusions incertaines viennent de
la mauvaise qualité et de l’instabilité des signaux enregistrés.
Étude de la fonction sinusale
Les anomalies de la fonction sinusale sont une cause fréquente de
malaises ou de syncopes. Les données cliniques et les
renseignements fournis par les enregistrements de Holter permettent
dans un grand nombre de cas de reconnaître les dysfonctions
sinusales. La sensibilité du Holter n’étant toutefois pas égale à
100 %, il est parfois nécessaire de recourir à une exploration
endocavitaire.
Différentes méthodes peuvent être utilisées pour étudier la fonction
sinusale. [6]
MESURE DU TEMPS DE RÉCUPÉRATION SINUSAL
OU MÉTHODE DE MANDEL
C’est le temps de récupération sinusal qui renseigne le mieux sur
l’état de la fonction sinusale. [8] Sa mesure est effectuée en stimulant
l’oreillette droite pendant au moins 30 secondes, à une fréquence
fixe, nettement supérieure à la fréquence sinusale spontanée.
Plusieurs fréquences de stimulation sont employées : par exemple,
90, 110, 130, 150, 170 et 190/min. Le temps de récupération sinusal
est l’intervalle entre la dernière onde A stimulée et la première onde
A spontanée ou le plus long intervalle A-A spontané parmi les dix
cycles faisant suite à l’arrêt de la stimulation (Fig. 1). Comme le
temps de récupération sinusal est dépendant du cycle sinusal
spontané, Mandel a proposé de standardiser la mesure en utilisant
le temps de récupération sinusal corrigé, égal à la différence entre le
temps de récupération sinusal et le cycle sinusal. Sa valeur normale
est inférieure à 525-550 millisecondes (ms). La sensibilité de ce test
est assez faible, entre 40 et 80 %, mais sa spécificité est élevée,
dépassant 90 %.
TEMPS DE CONDUCTION ATRIO-SINO-ATRIAL
(TCASA OU TECASA) OU MÉTHODE DE STRAUSS
Il est mesuré sur rythme sinusal spontané en délivrant, tous les huit
cycles sinusaux, un extrastimulus auriculaire en diminuant le
couplage de l’extrastimulus de 10 ms jusqu’à atteindre la période
réfractaire effective de l’oreillette. Les temps Al-A2 (intervalle de
couplage de l’extrastimulus auriculaire) et A2-A3 (cycle de retour)
sont comparés. Une courbe est établie avec en abscisse Al-A2 et en
ordonnée A2-A3 (Fig. 2). La courbe normale comporte plusieurs
parties : une première partie est linéaire à 45 ° (zone I) lorsque le
repos postextrasystolique est compensateur (extrasystoles induites,
tardives) ; une partie horizontale ou plateau (zone II) lorsque
l’extrasystole auriculaire plus précoce est décalante, c’est-à-dire
recyclant le noeud sinusal ; les zones III et IV correpondent à des
intervalles A2-A3 plus courts que le cycle sinusal spontané. Dans la
zone III, les extrasystoles sont interpolées et dans la zone IV elles
induisent des échos auriculaires par un mécanisme de réentrée
sinoatriale. Le TCASA (ou TECASA) est la différence entre A2-A3
mesuré au niveau du plateau (zone II) et le cycle sinusal spontané
Al -Al. Le temps de conduction sinoatrial (TCSA) est égal à la moitié
du TCASA si l’on admet (ce qui n’est pas tout à fait exact en fait)
que les temps de conduction atriosinusal et sinoatrial sont égaux.
Les valeurs normales du TCSA sont, selon les auteurs, comprises
entre 40 et 150-160 ms.
MÉTHODE DE NARULA
Cette méthode d’évaluation de la fonction sinusale est comme la
méthode de Strauss peu utilisée en clinique du fait de sa faible
sensibilité. [10] Elle consiste à stimuler l’oreillette à 10 coups/min audessus
de la fréquence sinusale pendant huit cycles. La pause
poststimulation diminuée du cycle sinusal donne le TCASA dont la
valeur supérieure normale est de 200 ms, ce qui correspond à un
TCSA de 100 ms.
TESTS PHARMACOLOGIQUES
Le noeud sinusal est influencé en permanence par le système
nerveux autonome, le sympathique augmentant l’automatisme du
noeud sinusal, le parasympathique le diminuant. Ces influences du
système nerveux autonome, dites extrinsèques, faussent l’analyse de
la fonction sinusale, et peuvent dans certains cas faire faussement
conclure à une dysfonction sinusale alors que le noeud sinusal est en
fait soumis à une influence parasympathique exagérée.
L’idéal est d’apprécier la fonction sinusale après avoir bloqué le
système nerveux autonome. Ceci est à vrai dire rarement utile, sauf
dans quelques cas particuliers ou dans un cadre de recherche. Les
produits utilisés sont le propranolol en intraveineuse à la dose de
0,2 mg/kg et l’atropine intraveineuse à la dose de 0,04 mg/kg.
La fréquence sinusale après blocage autonomique est dite fréquence
sinusale intrinsèque. Elle dépend de l’âge et est égale à 118 - (0,57 ×
âge). Cette valeur est normale en cas de dysfonction sinusale
extrinsèque et abaissée en cas de dysfonction sinusale intrinsèque,
c’est-à-dire organique. Le test à l’atropine est d’utilisation plus
Figure 1 Les quatre tracés du haut représentent les dérivations électrocardiographiques
de surface. Les cinquième et sixième sont les électrogrammes auriculaires droits
et les septième et huitième sont les dérivations endocavitaires hisiennes proximale et
distale. Sur la dernière ligne sont indiqués les stimuli délivrés dans l’oreillette droite.
Le temps de récupération sinusal, mesuré depuis le dernier auriculogramme stimulé
jusqu’au premier auriculogramme spontané, est égal à 1 315 ms.
Figure 2 Mesure du temps
de conduction atrio-sino-atrial
(TCASA) et construction de la
courbe de Strauss. Le TCASA
est ici mesuré à 140 ms environ.
11-003-L-10 Exploration électrophysiologique endocavitaire Cardiologie
2
simple. On estime que l’absence d’accélération sinusale au-dessus
de 90/min après injection de 0,04 mg/kg d’atropine témoigne d’une
dysfonction sinusale.
Étude de la conduction
auriculoventriculaire
MESURES DES INTERVALLES À L’ÉTAT BASAL
Une sonde bipolaire ou quadripolaire est placée à la jonction
auriculoventriculaire. L’électrogramme endocavitaire inscrit un
potentiel auriculaire (A), un potentiel du faisceau de His (H) et un
potentiel ventriculaire (V) (Fig. 3). Les intervalles AH, HV ou plus
précisément HR sont mesurés. De plus la morphologie et la durée
du potentiel du faisceau de His sont appréciées. L’intervalle AH
représente le temps de conduction nodal. Il est mesuré entre le début
de la première déflection rapide de l’auriculogramme enregistré en
position hisienne et le début du potentiel hisien. Sa valeur normale
est entre 50 et 120 ms. En réalité, le noeud auriculoventriculaire est
très sensible à l’influence du système nerveux autonome et la valeur
de AH varie selon l’importance respective des tonus sympathique et
vagal. C’est pourquoi, il peut parfois être intéressant de tester la
conduction nodale sous l’influence de drogues telles que l’atropine
ou les stimulants bêta-adrénergiques. Le potentiel hisien normal est
fin, biphasique ou triphasique et d’une durée inférieure ou égale à
25 ms. Parfois le potentiel du faisceau de His n’est pas aisément
identifiable et l’on ne peut trancher entre un potentiel auriculaire
tardif et un potentiel hisien. Pour les différencier, il convient de
stimuler l’oreillette droite (stimulation à fréquence plus élevée que
la fréquence sinusale ou extrastimulation auriculaire), qui
s’accompagne d’un allongement du temps de conduction nodal du
fait des propriétés décrémentielles de la conduction nodale. Par
conséquent, sous l’effet de la stimulation auriculaire, le potentiel du
faisceau de His s’éloignera du potentiel auriculaire qui le précède
tandis que le potentiel auriculaire tardif restera accolé au potentiel
auriculaire.
Les aspects anormaux du potentiel hisien sont variables.
– Dédoublement du potentiel hisien ou phénomène Hl-H2 : on
enregistre deux potentiels hisiens nettement séparés, avec un
intervalle Hl-H2 au moins égal à 20 ms et une durée totale de
l’activité hisienne atteignant au moins 40 ms (Fig. 4). Pour ne pas
confondre H2 avec le potentiel de la branche droite, il faut que H2-V
soit supérieur à 30 ms.
– Fragmentation ou augmentation de durée du potentiel : le
potentiel hisien, au lieu d’être fin et de durée normale, devient
fragmenté, polyphasique avec des ondes peu voltées, et sa durée
dépasse 30 ms.
– Intervalle HV long et QRS fins : le caractère fin des QRS élimine
un trouble conductif dans les branches du faisceau de His,
l’allongement de l’intervalle HV s’expliquant alors par le siège
intrahisien (ou tronculaire) du bloc.
L’intervalle HV représente le temps de conduction intra- et
infrahisien. Il est mesuré depuis le début du potentiel hisien
jusqu’au début du ventriculogramme le plus précoce sur les
dérivations de surface ou sur la dérivation endocavitaire hisienne.
À l’état normal, l’intervalle HV est inférieur à 50 ms. Une valeur
égale ou supérieure à 70 ms est indiscutablement pathologique et
témoigne d’un bloc infrahisien (ou intrahisien si les QRS sont fins)
du premier degré. Des valeurs entre 50 et 70 ms ont une signification
pathologique moins claire et tout dépend du contexte clinique et du
résultat de l’analyse dynamique de la conduction
auriculoventriculaire (par stimulation auriculaire). Il est important
de placer correctement la sonde hisienne en se repérant sur
l’amplitude respective des potentiels auriculaire et ventriculaire :
lorsque l’amplitude des potentiels auriculaires est grande, on
enregistre le potentiel hisien proximal et l’on ne risque pas de sousestimer
la durée de l’intervalle HV.
STIMULATION ATRIALE À FRÉQUENCE FIXE
AVEC EXTRASTIMULATION : ÉTUDE DES PÉRIODES
RÉFRACTAIRES NODALES
L’étude dynamique de la conduction auriculoventriculaire nécessite
une extrastimulation auriculaire sur rythme auriculaire imposé (à
une fréquence de 100/min en général, sinon légèrement supérieure
à la fréquence sinusale) ou une stimulation auriculaire à fréquence
croissante, de façon à tester son caractère décrémentiel ou non.
La conduction auriculoventriculaire normale, empruntant le noeud
auriculoventriculaire (puis le faisceau de His et ses branches) est
décrémentielle. Ceci signifie qu’une extrasystole auriculaire sera
conduite avec d’autant plus de retard aux ventricules qu’elle sera
prématurée du fait d’un allongement progressif du temps de
conduction nodal, qui se traduit par une augmentation progressive
de l’intervalle AH (Fig. 5). Si l’on met en abscisse les intervalles
A1-A2 extrasystoliques et en ordonnée les intervalles H1-H2
résultants, la courbe correspondante normale a une forme en J. Par
définition la période réfractaire fonctionnelle du noeud
auriculoventriculaire est le plus court intervalle H1-H2 obtenu
(Fig. 5). La période réfractaire effective du noeud
auriculoventriculaire est le plus long intervalle A1-A2 non suivi de
H2, c’est-à-dire non conduit au faisceau de His (Fig. 6).
En cas de dualité nodale, fréquemment observée chez les patients
sujets à des tachycardies par réentrée intranodale, la courbe est
discontinue, la conduction se faisant par la voie rapide du noeud
auriculoventriculaire pour les couplages Al-A2 les plus longs puis
par la voie lente lorsque la période réfractaire de la voie rapide (plus
longue que celle de la voie lente) a été atteinte, ceci pour des
intervalles Al-A2 plus courts. En cas de conduction par une voie
accessoire auriculoventriculaire (faisceau de Kent), la conduction est
Figure 3 Mesure des intervalles AH et HV en rythme sinusal spontané. C’est sur
la dérivation hisienne distale que l’on a fait les mesures : AH = 160 ms ; HV : 50 ms.
Figure 4 Dédoublement du potentiel hisien ou phénomène H1-H2, témoignant
d’un bloc tronculaire.
Cardiologie Exploration électrophysiologique endocavitaire 11-003-L-10
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non décrémentielle avec une courbe linéaire et les ventriculogrammes
sont élargis et préexcités.
Une fois la période réfractaire de conduction auriculoventriculaire
atteinte, lorsque les extrastimuli S1-S2 sont progressivement
raccourcis, on atteint la période réfractaire fonctionnelle de
l’oreillette droite (le plus court intervalle A1-A2 obtenu) puis sa
période réfractaire effective (le plus long intervalle S1-S2 non suivi
d’un auriculogramme A2). Lorsque l’on s’approche de la période
réfractaire fonctionnelle de l’oreillette, les potentiels A2 ont
physiologiquement tendance à s’allonger un peu, voire à se
fragmenter de façon anormale chez les sujets ayant des oreillettes
pathologiques, et ceci indique la présence de troubles de conduction
intra- et interauriculaires. Il peut arriver, lorsque les périodes
réfractaires du noeud auriculoventriculaire sont courtes, qu’elles
soient inférieures aux périodes réfractaires auriculaires et donc non
mesurables.
Certaines anomalies de la conduction intra- et infrahisienne sont
mises en évidence par l’extrastimulation auriculaire qui peut
démasquer des allongements de l’intervalle HV ou induire des blocs
intrahisiens ou infrahisiens du deuxième degré, l’auriculogramme
A2 non conduit étant suivi d’un potentiel hisien non conduit aux
ventricules.
STIMULATION ATRIALE À FRÉQUENCE CROISSANTE :
POINT DE WENCKEBACH
À l’état normal, l’augmentation de la fréquence de stimulation
auriculaire s’accompagne d’un allongement progressif du temps de
conduction auriculoventriculaire (conduction décrémentielle) du fait
d’un allongement croissant du temps de conduction nodal se
traduisant par un allongement de l’intervalle AH. À partir d’une
certaine fréquence auriculaire, correspondant au point de
Wenckebach, sont observées des séquences de Luciani-Wenckebach,
caractérisées par des ondes A bloquées non suivies d’un potentiel
hisien, avec lors des cycles précédant le blocage, un allongement
progressif de l’intervalle AH (Fig. 7). Au-delà de ce point, si la
fréquence auriculaire est augmentée, la réponse ventriculaire est en
2/1. Chez l’adulte, le point de Wenckebach normal est au-dessus de
150/min.
En cas de bloc nodal, cette valeur est abaissée. Des points de
Wenckebach inférieurs à 130/min sont pathologiques, et inférieurs à
100/min très pathologiques.
Elle est en revanche augmentée lorsque le noeud
auriculoventriculaire est « trop perméable », dit hyperdromique, et
alors capable de transmettre en 1/1 aux ventricules des rythmes
auriculaires très rapides.
Certaines anomalies de la conduction intrahisienne ou infrahisienne
ne sont mises en évidence que lors de la stimulation à fréquence
croissante, tandis que l’intervalle HV basal est normal (Fig. 8). Il peut
s’agir de blocs du deuxième degré de type I (Luciani-Wenckebach),
de type II (Mobitz II) ou 2/1. Les blocs de type 1 intra- ou
infrahisiens sont rares et se caractérisent par un incrément faible de
l’intervalle PR, aux dépens de l’intervalle HV. L’espace PR basal est
en général normal. L’onde A bloquée est suivie d’un potentiel hisien.
Les blocs intrahisiens ou infrahisiens de type II ou 2/1 sont
beaucoup plus fréquents. Il faut néanmoins savoir que les blocs
2/1 peuvent aussi être de siège nodal et dans ce cas l’onde A bloquée
n’est pas suivie d’un potentiel hisien. De même l’espace PR conduit
est généralement long, lorsqu’il s’agit d’un bloc de siège nodal.
Enfin, l’effort, l’atropine ou l’Isuprelt, en améliorant la conduction
nodale, vont pouvoir transformer un bloc 2/1 en bloc 3/2 ou 4/3,
voire rétablir une conduction 1/1 si le siège du bloc est nodal alors
qu’ils n’amélioreront pas la conduction auriculoventriculaire si le
bloc est de siège intra- ou infrahisien.
TESTS PHARMACOLOGIQUES
Le test à l’ajmaline (antiarythmique de classe 1, d’action rapide et
brève), a longtemps été utilisé pour évaluer la conduction intra- et
infrahisienne mais ne peut plus être employé actuellement. Ce
produit n’a plus l’autorisation de mise sur le marché (AMM), y
compris dans cette utilisation diagnostique. Son intérêt était, du fait
Figure 5 Stimulation auriculaire à fréquence fixe avec extrastimulation auriculaire
: mesure de la période réfractaire fonctionnelle du noeud auriculoventriculaire.
C’est le plus court intervalle H1-H2 obtenu, soit 470 ms dans l’exemple présenté.
Figure 6 Stimulation auriculaire à fréquence fixe avec extrastimulation auriculaire
: mesure de la période réfractaire effective du noeud auriculoventriculaire. C’est le
plus long intervalle A1-A2 pour lequel A2 n’est pas suivi de H2, soit 390 ms. Même
patient que sur la Figure 5.
Figure 7 Stimulation auriculaire à fréquence croissante : mesure du point de
Wenckebach. L’augmentation de la fréquence de stimulation s’accompagne d’un allongement
progressif de l’intervalle AH jusqu’au point de Wenckebach où apparaissent
des ondes A1 bloquées (astérisque) non suivies d’un potentiel hisien (le siège du bloc
étant nodal).
11-003-L-10 Exploration électrophysiologique endocavitaire Cardiologie
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de ses propriétés dépressives sur la conduction distale (intra- et
infrahisienne), de démasquer des troubles conductifs distaux non
apparents à l’état basal. Rappelons que les réponses anormales lors
du test à l’ajmaline (injectée à la dose de 1 mg/kg/s) étaient un
allongement de l’intervalle HV de plus de 50 % par rapport à sa
valeur basale, un allongement de HV au-dessus de 100 ms, un bloc
du deuxième degré de type I ou II intra- ou infrahisien ou un bloc
du troisième degré intra- ou infrahisien. Ce test était en revanche
inutile lorsque l’intervalle HV basal était supérieur ou égal à 70 ms.
Quelques accidents ont été observés : déclenchements de
tachycardies ou de fibrillations ventriculaires parfois mortelles,
asystolie. Ces accidents ont imposé le respect scrupuleux des contreindications
: cardiopathie évoluée, en insuffisance cardiaque ou
s’accompagnant simplement d’une hypertrophie ou dilatation
ventriculaire gauche importante, infarctus myocardique récent,
troubles de conduction intraventriculaires majeurs. D’autres
produits que l’ajmaline, tels que le disopyramide ou le flécaïnide
auraient pu s’avérer utiles dans le cadre d’explorations
électrophysiologiques, mais ils ne sont en fait pas utilisés. Seul le
flécaïnide est utilisé dans une autre indication qui est celle des
suspicions de syndrome de Brugada lorsque l’aspect ECG est
douteux mais nous sortons du cadre de cet article.
Principales indications des
explorations électrophysiologiques
PATIENTS ASYMPTOMATIQUES
Chez les patients asymptomatiques ayant un trouble de conduction
intraventriculaire, l’exploration endocavitaire n’est pas justifiée car
la probabilité de survenue ultérieure d’un BAV est faible. Seules
certaines anomalies sont considérées à haut risque de BAV, comme
par exemple un bloc de branche alternant ou l’association d’un bloc
de branche droit et d’un hémibloc postérieur gauche, et peuvent
justifier une exploration, voire un stimulateur cardiaque d’emblée.
Les blocs dits trifasciculaires correspondant à l’association bloc de
branche droit, hémibloc antérieur gauche, bloc auriculoventriculaire
incomplet (BAVI) sont classiquement considérés à haut risque mais
sont en fait de risque variable, voisin de celui des blocs de branche
droits, hémibloc antérieur gauche si le BAVI est de siège nodal,
grave s’il est infrahisien, cas le moins fréquent.
Il faut également souligner que le pronostic ne dépend pas
seulement du trouble conductif mais d’autres facteurs. L’état
cardiaque sous-jacent et celui de la fonction ventriculaire gauche
conditionnent grandement le pronostic. La mort subite chez les
coronariens porteurs de troubles de conduction intraventriculaires
serait plus souvent due à une tachycardie ventriculaire ou une
fibrillation ventriculaire qu’à un BAV paroxystique. [9]
En cas de dysfonction sinusale asymptomatique documentée par
l’ECG de surface ou par un enregistrement Holter, une exploration
endocavitaire n’est pas indiquée car elle n’apportera rien de plus
pour la décision d’implanter un stimulateur qui dans de tels cas
n’est pas retenue sauf exception (pauses sinusales très longues).
BILAN ÉTIOLOGIQUE DE SYNCOPES
OU DE MALAISES LIPOTHYMIQUES
La principale indication des explorations électrophysiologiques
endocavitaires est l’exploration des syncopes ou des malaises
lipothymiques lorsque la clinique et les explorations non invasives
ne sont pas parvenues à identifier leur cause. Le bilan non invasif
habituel doit comporter, outre l’ECG 12 dérivations avec massage
sinocarotidien, au moins un Holter, un ECG à haute amplification à
la recherche de potentiels tardifs et un test d’inclinaison. La
rentabilité diagnostique de l’exploration endocavitaire varie selon la
cause des malaises ou des syncopes : [5] elle est plutôt faible lorsque
la cause est une dysfonction sinusale, inférieure à celle de
l’enregistrement de Holter ; elle est nettement meilleure lorsque la
cause est un BAV paroxystique. L’ECG de surface a une importante
valeur d’orientation. S’il est normal, la probabilité d’une exploration
endocavitaire pathologique, et donc contributive au diagnostic, sera
faible mais non nulle, pouvant parfois révéler une dysfonction
sinusale ou un bloc intrahisien. Lorsque l’ECG de surface est
anormal, les chances de diagnostiquer un bloc infrahisien du
premier, du deuxième ou du troisième degré sont beaucoup plus
élevées. Certaines anomalies sont hautement suspectes en présence
d’une syncope. Ce sont par exemple un bloc de branche gauche
complet, l’association d’un bloc de branche droit et d’un hémibloc
postérieur gauche, à un moindre degré l’association d’un bloc de
branche droit et d’un hémibloc antérieur gauche. Lorsqu’un bloc de
branche alternant a été vu, là encore la probabilité de BAV
paroxystique est très grande et il existe de fortes chances
d’enregistrer un allongement de l’intervalle HV. Gardons toutefois à
l’esprit qu’une exploration électrophysiologique anormale ne signifie
pas ipso facto que ces anomalies sont à l’origine des syncopes ou
des malaises. La certitude ne vient que de la mise en évidence d’une
bradycardie paroxystique lors des malaises ou syncopes.
Lorsque l’exploration est négative, retrouvant une fonction sinusale
normale ou une conduction intrahisienne ou infrahisienne normale,
le contexte clinique a énormément de poids (âge, cardiopathie,
description des symptômes). On ne peut néanmoins exclure
totalement un BAV ou une dysfonction sinusale paroxystique car il
existe des faux négatifs de l’exploration électrophysiologique. Ceci a
été bien montré par les pacemakers à fonction diagnostique ou par
les appareils du type « Holter implantable » enregistrant durant le
suivi des épisodes de BAV ou de dysfonction sinusale. [4, 7] Lorsque
la description des syncopes évoque fortement un Adams-Stokes, la
clinique doit donc avoir le dernier mot et éventuellement conduire à
implanter un stimulateur cardiaque. Toutefois, avant d’envisager
cette solution, il faut savoir, surtout en présence d’une cardiopathie
associée, évoquer la possibilité de tachycardies supraventriculaires
ou ventriculaires à l’origine des syncopes et essayer de déclencher
une tachycardie par stimulation auriculaire ou ventriculaire
programmée.
PRÉCISER LE SIÈGE D’UN BLOC VISIBLE
SUR LE TRACÉ DE SURFACE
L’ECG de surface ne permet pas toujours de préciser la nature et le
siège d’un bloc. Lorsque l’on enregistre un BAV III à QRS larges, le
siège du bloc est toujours infrahisien et un stimulateur doit être
implanté d’emblée sans exploration préalable. S’il s’agit d’un
BAV III à QRS fins, le siège du bloc peut être nodal ou intrahisien, et
seule l’exploration permettra de le préciser. Comme nous l’avons
évoqué plus haut, les blocs du deuxième degré de type 1 ne sont
pas toujours de siège nodal et les éléments permettant de
différencier les blocs nodaux de blocs intra- ou infrahisiens ne
permettent pas toujours de trancher. En cas de doute, l’exploration
électrophysiologique peut apporter la solution, notamment en
Figure 8 Stimulation auriculaire à fréquence croissante : mise en évidence d’un
bloc auriculoventriculaire (BAV) du deuxième degré infrahisien. Les deuxième et quatrième
ondes A sont bloquées, sans conduction aux ventricules, mais sont en revanche
suivies d’un potentiel hisien.
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s’aidant des méthodes d’extrastimulation auriculaire ou de
stimulation auriculaire à fréquence croissante. Les blocs du
deuxième degré de type II symptomatiques ne méritent pas
d’exploration et doivent être appareillés. En revanche, lorsque l’on
enregistre un tel bloc chez un patient non symptomatique,
l’exploration est utile et peut montrer d’éventuelles extrasystoles
hisiennes bloquées mais conduites de façon rétrograde à l’oreillette
ou responsables de conduction cachée dans le noeud
auriculoventriculaire et le rendant réfractaire lors de la prochaine
onde P sinusale ; ce qui peut simuler un bloc de type II.
CHOIX DU TYPE DE STIMULATEUR
L’intérêt de l’exploration électrophysiologique avant l’implantation
d’un stimulateur cardiaque, une fois l’indication posée, est limité.
Le choix du mode de stimulation peut être facilement guidé par les
données cliniques. De nos jours, le choix s’est simplifié, soit
stimulateur simple chambre ventriculaire (VVI) en cas de fibrillation
auriculaire permanente, soit stimulateur double chambre (DDD)
pour les autres indications : dysfonctions sinusales associées ou non
à une fibrillation auriculaire paroxystique, BAV. On peut parfois
hésiter entre les deux, en présence d’un BAV paroxystique. En
revanche, lorsque l’on envisage un stimulateur simple chambre
auriculaire (AAI), éventualité devenue plus rare, il est important de
s’assurer de l’intégrité de la conduction nodale, intra- et
infrahisienne.
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