Électrophysiologie cardiaque
D Babuty
J Argibay
Résumé. – La contraction du myocarde est déclenchée par un signal électrique ou potentiel d’action qui
prend naissance dans le tissu nodal et se propage de façon ordonnée à l’ensemble du muscle cardiaque. Le
potentiel d’action correspond à un changement de potentiel membranaire provoqué par une succession de
mouvements ioniques à travers la membrane cellulaire. Ces mouvements d’ions se font dans des structures
spécialisées, les canaux ioniques, et se traduisent par des courants électriques. Le développement des
méthodes électrophysiologiques telles que l’électrocardiogramme, les microélectrodes et plus récemment la
technique du patch clamp ont permis d’enregistrer l’activité électrique cardiaque globale, puis le potentiel
d’action et les courants électriques au niveau cellulaire et canalaire. Ces courants sont classés en courants
dépolarisants et repolarisants ; les premiers sont représentés principalement par INa et ICa, L, les seconds par
les courants potassiques. Chaque courant se caractérise par ses propriétés biophysiques intimement liées à la
structure biochimique du canal traversé. La structure des canaux ioniques, la relation structure-fonction, ainsi
que les gènes codant les protéines canalaires ont été identifiés grâce au développement de la biologie
moléculaire et de la génétique. La confrontation des résultats expérimentaux avec les données cliniques et
génétiques améliore les connaissances physiopathologiques de certains syndromes électrocardiographiques
et arythmies cardiaques tels que le syndrome du QT long.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : coeur, électrophysiologie, potentiel d’action, canaux ioniques, patch clamp, conduction,
structure, fonction, génétique.
Introduction
La principale fonction physiologique du muscle cardiaque est de
nature contractile afin d’assurer un débit sanguin adapté aux besoins
de l’organisme. Cette fonction contractile du myocarde est
intimement liée aux propriétés électrophysiologiques des cellules
cardiaques : en effet, l’activité électrique précède et déclenche
l’activité contractile de la cellule cardiaque (fig 1). L’excitation
électrique de la cellule par un brusque changement de potentiel, ou
potentiel d’action, s’accompagne d’une entrée importante de calcium
dans la cellule qui provoque directement ou indirectement
l’augmentation de la concentration de calcium libre cytoplasmique.
Ce calcium libre se fixe aux protéines contractiles provoquant leur
contraction. Cette séquence d’événements est communément
appelée couplage excitation-contraction.
Au sein du myocarde, toutes les cellules n’ont pas les mêmes
propriétés. Certaines sont spécialisées dans l’automaticité et la
propagation de l’activité électrique, alors que d’autres ont
principalement une fonction contractile. La distribution organisée de
ces différentes cellules au sein des quatre cavités cardiaques concourt
à une contraction séquentielle et synchrone du myocarde qui
optimise le débit sanguin.
Les propriétés électrophysiologiques de la cellule cardiaque relèvent
en grande partie de la perméabilité de la membrane plasmique aux
Dominique Babuty : Praticien hospitalier, service de cardiologie B, UMR 6542, centre hospitalier
universitaire, 37044 Tours, France.
Jorge Argibay : Professeur des Universités, directeur de l’unité CNRS UMR 6542, faculté des sciences,
université François Rabelais, 37200 Tours, France.
ions. Cette membrane, faiblement perméable aux ions, est munie de
structures protéiques transmembranaires qui permettent le passage
des ions. Trois catégories de protéines sont impliquées : les pompes
ioniques qui consomment de l’acide adénosine triphosphorique
(ATP) (pompe sodium-potassium [Na+-K+] par exemple), les
systèmes d’échange (échangeur Na+/échangeur Na+/Ca2+ par
exemple) et les canaux ioniques (canaux sodiques par exemple)
quantitativement les plus importants. Le transport des ions est dit «
actif » (avec consommation d’énergie) dans les pompes car il
s’effectue contre le gradient de concentration. Les échangeurs ne
consomment pas directement l’énergie provenant de l’hydrolyse de
l’ATP. Finalement, dans les canaux ioniques, les ions traversent la
membrane une fois le canal ouvert et dans la direction de leur
1 Couplage excitation-contraction. Enregistrement simultané du potentiel d’action
(noir) et de la force développée (rouge) par un papillaire de ventricule droit de rat. La
contraction du papillaire est déclenchée par le potentiel d’action. Conditions expérimentales
: fréquence de stimulation 2,5 Hz ; contraction isométrique ; pH 7,4 ; température
37 °C.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-003-A-10
11-003-A-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Babuty D et Argibay J. Électrophysiologie cardiaque. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-003-A-10,
2001, 16 p.
gradient électrochimique. Dans tous les cas, si le passage
transmembranaire d’une espèce ionique (anion ou cation) n’est pas
compensé par le passage d’un ion de charge opposée, ceci se traduit
par un courant électrique mesurable. Le développement de
méthodes d’enregistrement de ces courants a permis d’identifier un
grand nombre de canaux ioniques, mais aussi différents échangeurs
et pompes présents dans la membrane de la cellule cardiaque, et de
préciser pour chacun leurs caractéristiques biophysiques et leurs
rôles physiologiques. Le fonctionnement de ces protéines de
transport ionique est modulé de manière directe ou indirecte par un
autre type de protéines membranaires, les récepteurs, sur lesquels
viennent se fixer les neurotransmetteurs.
L’étude pharmacologique des protéines-canal et la connaissance plus
récente de leur structure avec les techniques de la biologie
moléculaire ont été utiles à l’identification de la fonction de chacune
de leurs sous-unités. Cette relation structure-fonction a été confirmée
en clinique humaine par quelques syndromes électrocardiographiques
associés à des arythmies cardiaques dues à des
mutations génétiques affectant une sous-unité d’une protéine-canal.
L’utilisation simultanée des méthodes électrophysiologiques et de
biologie moléculaire et génétique a donné naissance à une nouvelle
approche pharmacologique orientée vers une connaissance précise
de la cible moléculaire de l’agent thérapeutique. Ceci permettra le
développement de nouvelles molécules pharmacologiques, leur
prescription plus adaptée et l’application de nouvelles mesures
préventives.
Potentiel
ORIGINE DU POTENTIEL DE REPOS
Toutes les cellules vivantes ont leur cytoplasme séparé de
l’environnement par une bicouche lipidique qui a le rôle d’une
barrière physique et fonctionnelle. Le cytoplasme contient des
protéines chargées négativement, des polyphosphates et d’autres
substances ionisées qui ne peuvent traverser la membrane cellulaire.
À l’inverse, les ions (par exemple K+, Cl-) et l’eau, qui se trouvent
dans le cytoplasme et dans le compartiment extracellulaire, sont
capables de traverser plus ou moins facilement la membrane
cellulaire. Pour chaque espèce ionique, la concentration dans le
cytoplasme et dans le milieu extracellulaire est différente mais, selon
le principe de l’électroneutralité, chaque compartiment (intra- et
extracellulaire) doit avoir autant de charges positives que de charges
négatives. Dans le cas de la cellule vivante, la perméabilité de
certaines espèces ioniques conduit à l’apparition d’une différence de
potentiel, le potentiel de membrane (Vm) entre l’intérieur et
l’extérieur de la cellule.
MODÈLE THÉORIQUE
L’établissement d’une différence de potentiel à travers une
membrane biologique est mieux compris à l’aide du concept de
potentiel d’équilibre. Dans le modèle de la figure 2, une membrane
semi-perméable sépare deux compartiments dont les concentrations
d’un cation (C+) et d’un anion (A-) sont plus importantes dans le
compartiment de gauche. La perméabilité de la membrane aux
cations conduit à une séparation de charges et au développement
d’une différence de potentiel qui s’oppose au passage ultérieur du
cation. À l’équilibre, ce gradient électrique arrive à annuler la
diffusion du cation selon son gradient de concentration et le flux
ionique s’arrête. Il est important de signaler que le passage de
quelques particules ioniques suffit pour développer ce potentiel
d’équilibre, si bien que la concentration ionique de chaque
compartiment peut être considérée comme invariable. Le potentiel
alors mesuré est le potentiel d’équilibre pour l’ion perméable
considéré (Eion) qui peut être calculé par l’équation de Nernst :
gradient électrique = gradient chimique
zEionF = RT log [ion]ext/[ion]int
Eion = RT/zF log [ion]ext/[ion]int
où z est l’électrovalence de l’ion, F la constante de Faraday, R la
constante des gaz parfaits et T la température absolue. À 25 °C et
pour un ion monovalent :
Eion = 59 log [ion]ext/[ion]int
À partir de cette équation, les potentiels d’équilibre des différents
ions peuvent être calculés selon leurs concentrations dans le
cytoplasme et dans le milieu extracellulaire (proches des
concentrations dans le sang). Par exemple, dans les cellules
cardiaques : [Na+]int = 5-10 mM ; [K+]int = 140 mM ; [Na+]ext
= 145 mM ; [K+]ext = 4-5 mM, ce qui donne approximativement : ENa
= +60 mV et EK = -90 mV.
APPLICATION À LA CELLULE
Dans le développement théorique décrit ci-dessus, le potentiel est
développé par l’espèce ionique perméante. Dans la cellule cardiaque,
la valeur expérimentale du Vm au repos (entre -70 mV et -80 mV
selon le type cellulaire) est proche du potentiel d’équilibre des ions
potassium (EK), ce qui est en accord avec une haute perméabilité de
la cellule à ce cation. L’anion imperméant du modèle théorique est
représenté par les protéines et autres composantes imperméables du
cytoplasme. Cependant, si l’on compare les résultats théoriques aux
résultats expérimentaux, les valeurs du Vm mesurées divergent des
valeurs théoriques pour les concentrations faibles (physiologiques)
de potassium extracellulaire (fig 3), démontrant l’intervention
d’autres ions dans la genèse du Vm. Les valeurs expérimentales sont
positives par rapport aux prédictions théoriques, dans la direction
du potentiel d’équilibre du sodium (ENa), indiquant une
perméabilité de la membrane à ce cation au repos. Même si elle est
faible, cette perméabilité au sodium est néfaste pour la cellule car
elle conduirait d’une part à la dissipation du Vm (et donc la perte de
l’excitabilité) et d’autre part à la lyse cellulaire liée à une entrée
d’eau dans la cellule due au gradient osmotique créée par le sodium.
L’existence au repos d’un mécanisme actif d’extrusion du sodium
milieu intracellulaire milieu extracellulaire
Fc
(C+)
(C+)
Fe
(A-)
Galvanomètre
Vm
2 Modèle théorique de membrane et origine du potentiel de repos.
Une membrane biologique semi-perméable aux cations sépare deux compartiments
dont les concentrations ioniques en cations (C+) et anions (A-) sont différentes : les
concentrations à gauche sont plus élevées. Les cations subissent deux forces opposées :
une force chémomotrice (Fc) qui tend à déplacer le cation vers le milieu extracellulaire
et une force électromotrice (Fe) qui ramène les cations dans le milieu intracellulaire.
La perméabilité de la membrane aux cations entraîne ainsi une séparation de charge
jusqu’à ce que le gradient de concentration équilibre le gradient électrique (Fe = Fc).
Vm : potentiel de membrane.
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
2
(pompe Na+-K+) évite ces conséquences négatives de la perméabilité
membranaire au sodium. Le fonctionnement de la pompe, avec
consommation d’énergie par l’hydrolyse d’ATP, stabilise la cellule
dans un état ressemblant à la situation d’équilibre décrite dans le
modèle théorique ci-dessus.
La membrane cellulaire est aussi plus ou moins perméable à d’autres
espèces ioniques (Cl-, HCO3
-) et son Vm est alors calculé avec
l’équation de Goldman-Hodgkin-Katz en affectant un coefficient de
perméabilité (P) à chaque ion :
Vm = RT/zF log RPion [ion]ext/RPion [ion]int
D’après le modèle théorique, chaque espèce ionique perméante a
tendance à établir son potentiel d’équilibre et le Vm résultant se
déplace dans la direction du potentiel d’équilibre de l’espèce ionique
de plus haute perméabilité. Pour des concentrations de potassium
et de sodium constantes, le potentiel de repos est déterminé par le
rapport PNa+/PK+, c’est-à-dire la perméabilité relative de la
membrane aux ions sodiques et potassiques.
Le potentiel de repos est parfois interprété comme dû à
l’établissement d’un équilibre de Gibbs-Donnan, par exemple :
[Na+]ext = [K+]int + [Na+]int
Dans cet équilibre, tous les ions diffusibles sont en équilibre, ce qui
n’est pas le cas, comme nous venons de le voir, pour le potassium et
le sodium (mais aussi pour le calcium et le H+). Le Vm établi selon
l’équilibre de Gibbs-Donnan serait de moins de –20 mV, alors que le
potentiel de repos est toujours de quelques dizaines de millivolts.
Finalement, une cellule en équilibre de Gibbs-Donnan développerait
une pression osmotique accompagnée de variations importantes de
volume cellulaire.
POTENTIEL D’ACTION
Les cellules cardiaques sont des cellules excitables, c’est-à-dire
qu’elles sont capables de générer un signal électrique en réponse à
une stimulation d’intensité suffisante. Dans le coeur, cette réponse
est le potentiel d’action (fig 4). Sous l’influence d’une excitation, la
perméabilité membranaire ionique change et le Vm tend à se
rapprocher du potentiel d’équilibre de l’ion considéré. La force
électromotrice de chaque ion, définie par la différence entre le Vm et
le potentiel d’équilibre de l’ion (Vm - Eion), gouverne le mouvement
de l’ion considéré à travers la membrane cellulaire qui se traduit
par un courant obéissant à la loi d’Ohm :
I = V/R = gV
où V est la différence de potentiel, R la résistance et g la
conductance.
Dans une membrane biologique, la conductance (l’inverse de la
résistance) d’un ion peut être considérée comme équivalente, du
point de vue électrique, à sa perméabilité. Pour un courant ionique :
Iion = gion (Vm - Eion)
où Iion est le courant généré par le mouvement des ions avec une
conductance (gion) et une force électromotrice (Vm - Eion) données.
Un courant entrant (entrée de cations dans la cellule) provoque une
perte de la polarisation négative de repos ou dépolarisation. À
l’inverse, un courant sortant (sortie de cations de la cellule) est
hyperpolarisant. Par exemple, pour le courant sodique de la phase
initiale du potentiel d’action :
INa = gNa (Vm - ENa)
INa = gNa (Vm - 60)
si les valeurs de Vm sont plus négatives que +60 mV, le courant INa
est négatif et entrant. Le potentiel qui annule le courant (+60 mV
pour Na+) est son potentiel d’inversion (Vinv).
Dans toutes les cellules excitables, la perméabilité (et donc la
conductance) de la membrane pour chaque type d’ion est régulée
par des protéines transmembranaires appelées canaux ioniques
sélectifs pour chaque ion. Pour un canal très sélectif, le Vinv est très
proche du potentiel d’équilibre de l’espèce ionique perméante. Ainsi,
la détermination de Vinv sert à estimer la sélectivité d’un canal
ionique.
Après une excitation, la membrane de la cellule cardiaque est donc
le siège d’une succession d’ouvertures et de fermetures de canaux
ioniques différents générant le potentiel d’action (fig 4). Comme
nous l’avons mentionné, les concentrations des ions ne varient pas
significativement lors des variations transitoires du Vm. Cependant,
l’excitation répétitive de la cellule cardiaque pourrait arriver à
modifier ces concentrations. Les systèmes d’échange (échangeur
Na+/Ca2+) et les pompes ioniques (pompe Na+-K+) rétablissent les
gradients de concentration ionique permettant la répétition de
l’activité électrique.
Méthodes d’enregistrement
de l’activité électrique du coeur
Différentes méthodes ont été créées pour enregistrer l’activité
électrique du coeur. La plus ancienne (Einthovein 1903) est
Em (mV)
- 80
- 60
- 40
- 20
0
5 10 50 100 500
Concentration de K+ extracellulaire (mM)
3 Évolution du potentiel de membrane de repos (Em) en fonction de la concentration
en potassium (K+) du milieu externe. Comparaison des résultats expérimentaux (ligne
hachurée) et théoriques (ligne pleine). Pour des concentrations faibles, la courbe expérimentale
s’écarte de la courbe théorique, d’autres cations participant à la genèse
du potentiel de repos (d’après Hodgkin).
0
1
2
3
4
100 ms
0
- 25
mV
INa
INaCa
Ito
INaCa
ICa
INaCa
INa etICa
Ikp1
Ik
Ik1
Ip
Ik1
4 Enregistrement d’un potentiel d’action ventriculaire de cobaye par une micropipette
de verre. Les différentes phases du potentiel d’action sont notées de 0 à 4 enorange
et les différents courants ioniques participant au potentiel d’action sont représentés par
une flèche bleue pour les courants entrants et rouge pour les courants sortants. INa :
courant entrant sodique ; Ito : courant sortant transitoire (en pratique absent dans
le ventricule de cobaye) ; ICa : courant calcique de type L ; IKpl : courant potassique
de plateau ; IK : courant potassique retardé ; IK1 : courant potassique à rectification entrante
; INa/Ca : courant d’échange sodium/calcium ; Ip : courant de pompe.
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
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l’électrocardiogramme qui enregistre l’activité électrique globale du
coeur (oreillettes, ventricules et leur séquence) à l’aide de plusieurs
électrodes placées à la surface du corps et reliées à un galvanomètre.
Quelques dizaines d’années plus tard, vers 1950, sont apparus les
premiers enregistrements de l’activité électrique d’une cellule
(potentiel d’action) à l’aide de microélectrodes ou d’un groupe de
cellules (potentiel d’action monophasique) à l’aide d’électrodes de
succion. Au début des années 1980, l’enregistrement des courants
ioniques dans une cellule cardiaque isolée et même de l’activité d’un
seul canal transmembranaire a été possible avec la méthode du patch
clamp.
MICROÉLECTRODES DE VERRE INTRACELLULAIRES
L’utilisation de microélectrodes de verre remplies d’une solution
saline (KCl à 3 M) dont l’extrémité est extrêmement fine (< 1 μm) permet d’empaler, sans lésion importante de la membrane, une seule cellule cardiaque au sein d’une préparation multicellulaire stimulée, et d’effectuer un enregistrement intracellulaire de l’activité électrique. La microélectrode est reliée à un préamplificateur qui enregistre les variations de potentiel de part et d’autre de la membrane visualisée sur un écran d’oscilloscope ou d’ordinateur après digitalisation du signal [34]. Les variations de potentiel enregistrées caractérisent le potentiel d’action, dont un exemple est montré sur la figure 4. Il comprend quatre phases successives : une phase rapide (phase 0) de dépolarisation amenant le Vm à +30 mV, une courte phase de repolarisation (phase 1) suivie d’un plateau prolongé aux alentours de 0 mV (phase 2), puis une phase de repolarisation (phase 3) qui ramène le Vm à la valeur du potentiel diastolique de repos négatif (-80 mV). Durant une partie du potentiel d’action, la cellule n’est pas excitable : cet intervalle de temps est la période réfractaire. La figure 5 illustre la réponse ventriculaire à un extrastimulus délivré à différents moments du cycle cardiaque : l’intervalle S1-S2 le plus long non suivi de réponse ventriculaire définit la période ventriculaire absolue, l’intervalle S1S2 le plus court suivi d’une réponse ventriculaire définit la période ventriculaire relative. Selon le site d’enregistrement du potentiel d’action, celui-ci change de forme et de caractéristiques physiques (fig 6). Ces différences sont à rattacher à l’hétérogénéité des courants ioniques au sein des différentes structures du coeur. Grossièrement, on oppose les cellules à réponse rapide (phase 0 dépendante du courant sodique) des oreillettes et des ventricules aux cellules à réponse lente (phase 0 dépendante du courant calcique) du noeud sinusal et du noeud auriculoventriculaire (fig 6). ÉLECTRODES DE CONTACT ET ÉLECTRODES DE SUCCION L’un des problèmes techniques rencontrés avec les microélectrodes de verre est la stabilité de l’enregistrement. En effet, la cellule empalée avec la microélectrode est rapidement endommagée par les battements du tissu qui accompagnent chaque potentiel d’action. Pour parer à cela, il a été développé des électrodes de succion ou de contact beaucoup plus stables mais qui enregistrent l’activité électrique simultanée de plusieurs cellules. Contrairement à la technique de la microélectrode, l’enregistrement est extracellulaire. Le signal ainsi capté est un potentiel de lésion proche du potentiel de repos et un potentiel d’action monophasique (MAP) dont l’amplitude est nettement plus petite que celle d’un potentiel d’action classique [12]. Bien que cette technique ait ses limites, qui sont l’absence de renseignement sur la valeur absolue de la vitesse de conduction (Vmax), du potentiel de repos et sur l’amplitude du potentiel d’action, elle est intéressante pour l’étude de la durée du potentiel d’action sur coeur isolé ou in vivo chez l’animal et l’homme (fig 5). L’utilisation récente de colorants dont la couleur est sensible au voltage (voltage sensitive dyes) permet d’enregistrer simultanément un grand nombre de MAP et d’analyser la dispersion de la dépolarisation et de la repolarisation au niveau de l’épicarde [25]. TECHNIQUES DE POTENTIEL IMPOSÉ OU VOLTAGE « CLAMP » La compréhension des mécanismes qui sous-tendent les variations de Vm à l’origine du potentiel d’action dérive des expériences de voltage imposé ou voltage clamp. L’étude des courants ioniques traversant la membrane à un potentiel donné suppose le contrôle du potentiel à une valeur fixe sans que le potentiel d’action puisse se déclencher. ¦ Principe du voltage imposé La technique de potentiel imposé consiste à maintenir le Vm constant, en injectant un courant qui est proportionnel à la différence entre le Vm et le potentiel commande (Vc) que l’on souhaite imposer pour obtenir et étudier un courant ionique (fig 7). Ce courant macroscopique est uniquement dû aux mouvements d’ions transmembranaires. La figure 7 illustre le courant global obtenu en imposant un Vm à 0 mV qui se compose successivement d’un courant sortant capacitif (a) de nature potassique, d’un courant sodique entrant (b) suivi d’un courant potassique sortant (c). Par définition, les courants portés par des cations et dirigés vers le bas (négatifs) sont des courants entrants dépolarisants, et les courants dirigés vers le haut (positifs) sont des courants sortants repolarisants et inversement pour les courants portés par des anions. Pour certaines études, c’est le courant qui est imposé et le potentiel mesuré : on parle de courant imposé ou current clamp. ¦ Variations de la technique du voltage imposé La technique du potentiel imposé qui nécessite l’introduction de deux électrodes dans la cellule est difficilement applicable à des 5 Enregistrement de potentiel d’action monophasique (MAP) à l’aide d’une électrode de succion et détermination de la période réfractaire du ventricule droit selon la méthode de l’extrastimulus. Un train de stimulation est délivré à 250 coups/min (intervalle S1-S1 = 240 ms), suivi d’un extrastimulus S2. L’intervalle S1-S2 est progressivement raccourci. Sur le tracé du haut, S1-S2 est l’intervalle le plus court suivi d’un MAP définissant la période réfractaire relative (S1-S2 = 120 ms). Sur le tracé du bas, S1-S2 est l’intervalle le plus long non suivi d’un MAP définissant la période réfractaire absolue (S1-S2 = 115 ms). Enregistrement effectué sur coeur de cobaye isolé et perfusé avec une solution de Krebs (température 37 °C ; pH 7,4 ; pression de perfusion 90 mmHg). 6 Hétérogénéité des potentiels d’action au sein du myocarde. Simulation d’un potentiel d’action ventriculaire et du noeud sinusal à l’aide du logiciel OxSoft Heart V4.8. Le potentiel d’action ventriculaire (noir) est une réponse de type rapide, alors que le potentiel d’action sinusal (rouge) est une réponse de type lent. Cycle de stimulation : 275 ms. 11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie 4 petites cellules comme les cardiomyocytes. D’autres méthodes ont été développées dans les années 1960 et 1970 pour pallier cette difficulté. La méthode du double sucrose gap, par exemple, applicable à des préparations multicellulaires, permet un contrôle assez juste du potentiel, mais la valeur réelle du Vm reste inconnue. Une autre méthode utilise deux microélectrodes à la place des électrodes intracellulaires, mais le courant injecté est insuffisant et le contrôle de potentiel imparfait. « PATCH CLAMP » L’utilisation du potentiel imposé pour des petites cellules a été rendu possible suite au développement de la technique du patch clamp par Hamill en 1981 [20]. Cette méthode utilise une seule microélectrode, fortement scellée à la membrane cellulaire pour mesurer le potentiel, injecter du courant dans la cellule et enregistrer les courants transmembranaires. La possibilité d’utiliser cette technique dans des préparations de taille très réduite, a permis son application à des fragments de la membrane cellulaire (patches), ouvrant ainsi la possibilité d’interroger un canal ionique isolé (courant élémentaire). ¦ Principe Il s’agit d’isoler électriquement une partie infime de la membrane cellulaire à l’aide d’une pipette de verre dépolie très fine appliquée sur la membrane. Le contact très étroit entre la pipette et la membrane (évalué par la résistance de contact de l’ordre de 1010 X) rend possible la mesure de courants inférieurs à 0,2 pA (fig 8). La plupart des études de patch clamp sont réalisées sur cellules isolées. Différentes configurations sont possibles [39], qui permettent à l’expérimentateur d’étudier soit le courant global ou macroscopique, provenant de toute la population des canaux ioniques activés dans une cellule pour un potentiel donné, soit le courant élémentaire ou microscopique, conséquence de l’activité d’une protéine-canal. ¦ Résultats Courants microscopiques Développée plus récemment du point de vue historique, l’analyse du courant microscopique ou élémentaire est conceptuellement plus accessible. En effet, la description d’un canal ionique isolé à l’aide de la technique du patch clamp consiste à mesurer la conductance, la sélectivité ionique et la probabilité d’ouverture du canal considéré. Suite à une dépolarisation, un canal ionique bascule de l’état fermé (F) à l’état ouvert (O) : F Û O La conductance élémentaire du canal à l’état ouvert est déduite du courant élémentaire mesuré en fonction du Vm (i = c [Em - EÉquilibre], c étant la conductance élémentaire). Si la perméabilité du canal à l’état ouvert est une constante, la conductance c l’est aussi et la relation entre le courant « i » et la force électromotrice (Em - EÉquilibre) est une ligne droite. Lorsque la relation courant-potentiel n’est plus une droite (c n’est pas une constante), on dit que le canal rectifie dans le sens entrant ou sortant. La rectification traduit le fait que le canal ne subit pas seulement l’effet de la force électromotrice, mais que la perméabilité de la protéine-canal est modulée par un autre paramètre, tel que la concentration ionique intracellulaire ou encore la présence de particules intracellulaires qui bloquent le canal. À partir de la courbe courant-voltage, la sélectivité du canal ionique est définie en mesurant la valeur du Vinv du courant. À ce potentiel, le courant est nul et théoriquement, pour un canal strictement sélectif, Vinv correspond au potentiel d’équilibre de l’espèce ionique AC Vm Im Cellule Ic Vc 7 Technique du potentiel imposé. A. Le potentiel de membrane (Vm) est enregistré et comparé au potentiel commande (Vc) que l’on souhaite imposer à la membrane. L’amplificateur de contrôle (AC) envoie un courant (Ic), proportionnel à la différence (Vm-Vc), qui passe par la membrane et modifie Vm dans le sens de l’approcher de Vc. Le courant de membrane passe par les canaux ioniques. Son enregistrement (Im) permet l’étude du courant ionique qui traverse la membrane à la valeur de potentiel imposée. B. Courant global obtenu en imposant un potentiel de membrane à 0 mV (axone de Calmar). Les trois composantes du courant global sont un courant capacitif (a), un courant entrant (b) et un courant sortant (c). *A *B I courant ionique (pA) V imposé ouvert ms 1 2 3 - + fermé 8 Technique du « patch clamp ». Dans la configuration de base (« cell attached »), la pipette est déposée sur la cellule et la membrane cellulaire est aspirée à l’intérieur de l’électrode. Le potentiel de la membrane est maintenu à un voltage imposé (V imposé), le courant ionique (I) traversant la membrane sous la pipette est enregistré simultanément. Les grandes déflections négatives du tracé situé en haut à droite représentent les sauts de courants transitoires dus à l’ouverture des canaux ioniques. Par définition, les courants dirigés vers le bas sont de nature entrante et les courants dirigés vers le haut sont de nature sortante. 1. Pipette ; 2. contact électrique R > 1010X ; 3. cellule.
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
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qui traverse le canal (EÉquilibre), calculé à l’aide de l’équation de
Nernst. Les différences entre la valeur expérimentale du Vinv et la
valeur théorique EÉquilibre dénoncent une perméabilité du canal à
une autre espèce ionique et permettent de calculer sa sélectivité.
Le second niveau d’analyse consiste à déterminer la probabilité
globale d’ouverture du canal et la distribution statistique des
intervalles de temps d’ouverture et de fermeture. Pour cela, on
mesure la fraction du temps passée à l’état ouvert du canal
considéré.
La technique du patch clamp est utile à l’étude du contrôle
biochimique des canaux ioniques que l’on divise en trois grandes
catégories : les canaux dont l’activité est contrôlée par un facteur
physique (par exemple le Vm), ceux contrôlés par un agent chimique
(par exemple : calcium, acide adénosine monophosphorique cyclique
[AMPc]) et ceux dépendant d’un facteur physique et chimique. Le
patch clamp permet d’analyser le couplage entre canal ionique et
stimuli externes. Certains canaux ioniques qui nécessitent un second
messager entre le canal ionique et le récepteur membranaire sont
facilement identifiables en configuration cellule-attachée.
L’application directe de l’agoniste du canal ionique dans la pipette
n’active pas celui-ci. De même, la technique du patch clamp
différencie facilement les canaux ioniques dont le couplage requiert
une protéine intermédiaire. La configuration inside-out a permis ainsi
de démontrer l’implication de protéines intermédiaires sensibles au
guanine triphosphate intracellulaire.
Courants globaux ou macroscopiques
En faisant varier le voltage imposé, le gradient électrochimique
(modifications de la concentration extracellulaire des ions), et en
utilisant des agents bloqueurs des canaux tels que la tétrodotoxine
pour le canal sodique ou le tétraéthylammonium pour le canal
potassique, une véritable dissection des courants ioniques provenant
d’une cellule entière est possible.
Chaque type de courant est ainsi défini par une courbe courantpotentiel,
une courbe d’activation, d’inactivation, et des constantes
de temps d’activation, inactivation et réactivation.
· Courbe courant-potentiel (courbe I/V) et activation
En prenant l’exemple du canal calcique de type L, si on impose un
Vm à -20 mV, le courant calcique global ou macroscopique enregistré
est de faible amplitude mais devient maximal si le potentiel imposé
est augmenté à 0 mV (fig 9A). Pour un potentiel imposé au-delà de
0 mV, le courant enregistré diminue pour disparaître à +60 mV qui
correspond au Vinv du courant calcique (fig 9B). Une courbe similaire
a été établie pour les courants potassique et sodique.
La forme en « cloche inversée » de la courbe (I/V) du courant
calcique macroscopique est une conséquence de la variation des
paramètres qui déterminent le courant ionique : la conductance et la
force électromotrice (cf supra).
En effet :
Iion = gion (Vm - Eion)
Pour le calcium :
ICa = gCa (Vm - ECa)
À partir du seuil spécifique du canal ionique étudié, la conductance
gCa augmente avec la dépolarisation, au fur et à mesure que les
canaux ioniques de la cellule sont activés. Ceci fait augmenter le
courant. En même temps, la dépolarisation diminue la force
électromotrice (Vm - ECa), Vm s’approchant de ECa (ou Vinv). Ceci
fait diminuer le courant. Au maximum de l’activation des canaux,
bien que la conductance soit maximale, la diminution de la force
électromotrice l’emporte sur l’augmentation de la conductance.
Le phénomène d’activation est étroitement lié à l’augmentation de
la probabilité d’ouverture de chaque canal. Ce phénomène est en
rapport avec la structure des canaux ioniques. En effet, la protéinecanal,
munie de détecteurs de voltage, change sa conformation en
fonction du Vm, ce qui conduit à son ouverture. La dépolarisation
augmente ainsi la probabilité d’ouverture.
· Inactivation
Certains canaux voltage dépendants, comme les canaux sodiques et
calciques, montrent une diminution du courant global en fonction
du temps pendant la dépolarisation (fig 9A). Ce phénomène
correspond au passage des canaux à l’état inactivé (I) par effet d’une
dépolarisation prolongée :
F Û O Û I
Au niveau des courants microscopiques, l’inactivation se manifeste
par des ouvertures du canal circonscrites à la phase initiale de la
dépolarisation.
Les conformations adoptées par la protéine-canal peuvent être
schématisées par des portes qui s’ouvrent et se ferment à des
vitesses différentes (fig 10). Ce type de schéma, parfois trop
simpliste, est souvent utilisé. Cependant, il ne faut pas oublier le
caractère probabilitaire des phénomènes d’activation et
d’inactivation qui fait qu’un canal ionique peut se trouver à l’état
ouvert, fermé ou inactivé à toute valeur de Vm.
La cinétique d’activation et d’inactivation des canaux est dépendante
du potentiel imposé à la membrane comme le montre la figure 9A.
L’amplitude du courant et les cinétiques d’activation et
d’inactivation sont très différentes pour deux potentiels imposés
différents (-20 et 0 mV dans notre exemple). Les courbes d’activation
et d’inactivation sont ainsi construites et caractérisent le courant
étudié (fig 9C). Dans le cas des canaux calciques de type L,
l’inactivation voltage dépendante est complétée par une inactivation
calcique induite par le calcium intracellulaire.
Courants transmembranaires
et potentiel d’action ventriculaire
Comme l’illustre la figure 4, le potentiel d’action est construit avec
une succession de courants ioniques que l’on peut différencier en
courants dépolarisants et courants repolarisants.
0
0
mV
– 80
200 pA
100 ms
-20
– 80
– 400
– 40 0 40 80
0
mV
I (pA)
1
- 80 - 40 0 40 80
0,5
0,0
Voltage (mV)
Inactivation Activation
I/I max
9 Technique du « patch clamp » et voltage imposé.
A. Deux pulses dépolarisants différents (-20 mV et 0 mV) induisent deux courants
d’amplitude et de cinétique différentes.
B. À partir des pics de courant obtenus en faisant varier le potentiel imposé, une
courbe courant/potentiel (courbe I/V) est établie.
*A *B
*C
C. Courbe d’activation et d’inactivation du canal calcique en fonction du potentiel. Audelà
de 0 mV, l’inactivation du courant dépend de la concentration calcique intracellulaire.
Conditions expérimentales : cellule isolée ventriculaire de cobaye. Enregistrement selon
la technique du « patch clamp » en configuration cellule entière en présence de
tétraéthylammonium, césium et EGTA. Potentiel de repos imposé -80 mV. Capacité de
membrane 80 pF.
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
6
COURANTS DÉPOLARISANTS
¦ Courant sodique (INa)
Le canal sodique est une glycoprotéine formée de plusieurs sousunités,
dont une seule, la sous-unité a, est nécessaire au
fonctionnement du canal [3]. La sous-unité a est composée de quatre
domaines homologues (I à IV), formés de six segments
transmembranaires. Les quatre domaines sont disposés en cercle
dans la membrane pour former un pore central. Une courte
séquence d’acides aminés (P loop) entre les segments 5 et 6 de
chaque domaine, pénètre à l’intérieur de ce pore et recouvre les
parois du canal. La composition en acides aminés de la boucle P
semble donner au canal sa sélectivité pour le sodium. Les segments
4 de chaque domaine possèdent un excès d’acides aminés de charge
positive, et sont donc responsables de la voltage dépendance de la
protéine-canal.
Les caractéristiques biophysiques du canal sodique ont été
déterminées par deux méthodes de mesures : l’une macroscopique
(voltage clamp et patch clamp en configuration cellule entière) a
montré que le courant sodique global était voltage et temps
dépendant ; l’autre, « microscopique » ou unitaire (patch clamp en
configuration cellule attachée), a déterminé la conductance
élémentaire du canal (16 à 18 pS).
Le courant sodique responsable de la phase 0 du potentiel d’action
de la cellule ventriculaire (dépolarisation rapide de la membrane)
s’active à partir -80 mV. Il est maximal pour un potentiel imposé à
-40 mV, puis s’annule au potentiel d’équilibre de l’ion Na+ (+60 mV).
L’activation de INa est extrêmement rapide, de l’ordre de 1 ms, alors
que l’inactivation est plus lente, de l’ordre de 10 à 15 ms, maximale
pour un Vm à -50 mV. Une faible fraction de canaux sodiques ne
s’inactive que très lentement, participant au plateau du potentiel
d’action et à l’origine du courant de fenêtre sodique. C’est ainsi que
certains agents bloqueurs du canal sodique raccourcissent le plateau
du potentiel d’action avant de diminuer la dépolarisation rapide.
Le canal sodique est bloqué par certaines neurotoxines, dont la
tétrodotoxine et les ions cadmium. La tétrodotoxine, appliquée à
l’extérieur cellulaire, est un bloqueur très puissant (bien que les
canaux cardiaques soient moins sensibles à la toxine) et elle agit par
fixation sur un site de la boucle P. Le blocage par d’autres agents est
parfois plus complexe puisqu’il est indépendant de la fréquence de
stimulation lorsque la membrane est peu dépolarisée (bloc tonique)
puis dépendant de la fréquence de stimulation lorsque la membrane
est franchement dépolarisée (bloc fréquence dépendant). Le Vm peut
aussi affecter le blocage du canal (voltage dépendant). Les
anesthésiques locaux (dont les antiarythmiques de classe 1) forment
la troisième classe d’agents bloqueurs du canal sodique. Ces
substances se fixent sur un récepteur intracellulaire spécifique situé
sur le segment 6 du domaine IV. Leur action est d’autant plus
grande que le canal est ouvert ou inactivé, expliquant leur effet
fréquence dépendant.
La régulation du canal sodique se fait par plusieurs voies : sur le
canal cardiaque cloné, la phosphorylation des domaines I et II par
une protéine kinase A, ainsi que l’action directe d’une protéine G,
augmentent la conductance du canal, à l’inverse la phosphorylation
des domaines III et IV par une protéine kinase C diminue la
conductance du canal sodique. Cependant, les effets physiologiques
de la phosphorylation restent encore discutés. La voltage
dépendance du canal est modulée par le taux de glycosylation de la
protéine-canal.
Sur le plan physiologique, le courant sodique a deux rôles majeurs :
il initie le potentiel d’action de la cellule ventriculaire et il participe
à la propagation rapide de l’impulsion électrique dans le myocarde.
¦ Courant calcique (ICa, L)
Deux types de canaux calciques sont exprimés dans le coeur, les
canaux L et T, mais seuls les canaux calciques lents de type L sont
présents en grande quantité dans le myocarde ventriculaire. Comme
le canal sodique, il s’agit d’une glycoprotéine formée de plusieurs
sous-unités : une sous-unité a1C de structure semblable à celle du
canal sodique, fonctionnellement importante, formant le pore et
porteuse des sites de fixation pour les antagonistes calciques ; une
sous-unité b (isoforme b1 chez l’homme et isoforme b2 chez les autres
mammifères) ayant un rôle régulateur ; une sous-unité a2 d
interagissant avec la sous-unité a1C sur le fonctionnement du
canal [6].
Le courant ICa, L maintient le plateau du potentiel d’action (phase
2). Ses propriétés biophysiques ont été identifiées avec la technique
du patch clamp principalement. Le canal calcique de type L est
sélectif aux ions calcium et baryum ; sa conductance élémentaire est
comprise entre 22 et 25 pS. Le seuil d’activation de ICa, L est à -40
mV, il est maximal pour un Vm entre -10 et +10 mV, commence à
s’inactiver à -10 mV et s’annule pour un Vinv d’environ +60 mV
(fig 9B). Les cinétiques d’activation et d’inactivation du courant sont
lentes. À 35-37 °C, le temps au maximum du courant est de quelques
millisecondes, alors que l’inactivation prend entre 100 et 200 ms
(fig 9A). La désactivation est rapide. L’inactivation de ICa, L est
dépendante de deux facteurs : le Vm et la concentration de calcium
intracellulaire. L’inactivation de ICa, L augmente au fur et à mesure
que le calcium intracellulaire augmente et que la membrane se
dépolarise (fig 9C).
La régulation du courant calcique est dépendante de la fréquence
cardiaque et du système nerveux autonome [35]. L’accélération de la
fréquence cardiaque entraîne une augmentation de l’activité du
canal, phénomène appelé facilitation de ICa, L par la fréquence. Ce
phénomène se traduit par le ralentissement de l’inactivation du
courant ICa, L et une augmentation de son amplitude qui tendent à
majorer la quantité de calcium entrante dans la cellule. La facilitation
est dépendante du Vm et de la concentration calcique intracellulaire :
elle est d’autant plus marquée que la membrane cellulaire est
polarisée.
La stimulation b adrénergique augmente aussi l’entrée de calcium
dans la cellule par le biais d’une cascade biochimique qui aboutit à
la phosphorylation du canal par une protéine kinase AMPc
dépendante, ce qui conduit à une augmentation du courant
macroscopique et au ralentissement de l’inactivation du courant,
secondaire à l’accélération de la fréquence cardiaque. La
conductance élémentaire du canal calcique n’est pas affectée par la
stimulation b adrénergique. À l’inverse, la stimulation
parasympathique, sans effet sur le courant calcique à l’état basal,
antagonise la stimulation catécholergique de ICa, L en diminuant, via
une protéine Gi, la production d’AMPc [35].
Trois classes principales de bloqueurs organiques ou antagonistes
calciques ont été identifiées : dihydropyridines (nifédipine),
0 mV
- 130 milieu extracellulaire
milieu intracellulaire
Fermé Ouvert Inactivé
+ +
+ + + +
+ + + + + +
10 Représentation schématique des trois états fonctionnels d’un canal voltage dépendant.
Le canal (gris) est inséré dans la membrane cellulaire (noire). Le canal est muni
de détecteurs de voltage (blanc) porteurs d’une charge électrique (+). L’état fonctionnel
est déterminé par une porte d’activation (rose) et une porte d’inactivation (rouge). À
l’état fermé, la porte d’activation est fermée, la porte d’inactivation ouverte. Lorsque les
détecteurs de voltage enregistrent une dépolarisation membranaire, les charges (+) se
déplacent, changeant la conformation de la protéine-canal et ouvrant la porte d’activation,
le canal est à l’état ouvert perméable aux ions (flèche). En fonction du temps, la
porte d’inactivation vient obstruer le pore du canal, ne permettant pas le retour des détecteurs
de voltage dans leur position initiale : le canal est inactivé (modifié d’après [7]).
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
7
benzothiazépines (diltiazem) et phénylalkylamines (vérapamil) [43].
Les sites d’interaction de ces antagonistes, principalement situés sur
les domaines III et IV de la sous-unité a1C, sont tous proches du
pore du canal. La liaison dihydropyridine et canal calcique est
voltage dépendante. À l’inverse, certaines dihydropyridines (Bay K
8644 par exemple) augmentent le courant calcique en prolongeant le
temps d’ouverture des canaux.
D’autres bloqueurs des canaux calciques de type L sont utilisés en
électrophysiologie : des ions métalliques comme le cadmium et le
cobalt, et les toxines calcicludine et calciseptine.
Dans les cellules ventriculaires, le courant ICa, L maintient la
dépolarisation membranaire pendant le plateau du potentiel d’action
et déclenche la libération de calcium par le réticulum
sarcoplasmique (phénomène appelé calcium-induced calcium-release).
Le calcium libéré dans le cytoplasme se fixe aux protéines
contractiles et déclenche la contraction. Les canaux calciques de type
L sont ainsi au centre du couplage excitation-contraction.
L’amplitude du courant conditionne l’amplitude de la contraction.
¦ Courant d’échange sodium/calcium (INa/Ca)
L’échangeur Na+/Ca2+ est une protéine acide glycosylée, composée
de neuf hélices transmembranaires et d’une large boucle
intracellulaire. Les hélices transmembranaires capturent et
transportent les cations, alors que la boucle intracellulaire porte les
sites d’interaction avec le calcium et avec un peptide endogène
(XIP), inhibiteur de l’échangeur [26, 31].
Le courant INa/Ca résulte de la mise en jeu d’un échangeur et non
d’un canal. L’échangeur est un transporteur des ions Na+ et Ca2+ à
travers la membrane cellulaire selon les gradients de concentration.
Ce système échange trois ions sodiques contre un ion calcique, soit
pour bilan le mouvement d’une charge positive. Des résultats
récents [13] indiquent que cette stoechiométrie serait variable (entre 3
Na+ : 1 Ca2+ et 4 Na+ : 1 Ca2+) en fonction de la concentration de
calcium intracellulaire. Ceci ouvre la possibilité d’une modulation
de l’efficacité de l’échangeur pour évacuer le calcium, effectuée par
le même calcium intracellulaire. Selon le sens de l’échange, le
courant résultant est entrant et dépolarisant ou sortant et
repolarisant. Le sens du courant est déterminé par le Vm. Lorsque
Em est plus négatif que le Vinv de l’échangeur, le courant est entrant
et inversement. Le Vinv de l’échangeur, dépendant de ENa et ECa,
n’est pas constant puisqu’au cours du potentiel d’action, la
concentration intracellulaire de calcium varie. L’activité de
l’échangeur est modulée par la concentration de calcium
intracellulaire, mais aussi par la concentration extracellulaire en
sodium et calcium et le pH intracellulaire. L’échangeur est inhibé
par une alcalinisation ou acidification extrêmes et sa stoechiométrie
modifiée. Actuellement, il n’existe pas de bloqueur spécifique de
l’échangeur, en dehors du peptide XIP ; cependant deux agents sont
couramment utilisés : le 3, 4-dichlorobenzamil et l’ion nickel.
On peut considérer qu’au cours du potentiel d’action, le courant
d’échange est sortant (sortie de sodium et entrée de calcium) au tout
début du potentiel d’action, puis principalement entrant, participant
au plateau du potentiel d’action. Il est responsable en partie des
différences de forme du potentiel d’action ventriculaire observées
chez les mammifères.
En dehors du maintien du plateau du potentiel d’action, l’échangeur
Na+/Ca2+ participe au contrôle de la concentration calcique
intracellulaire, en particulier durant la diastole. En cas de surcharge
calcique, l’échangeur est activé et responsable d’un courant entrant
sodique qui pourrait être à l’origine de postdépolarisations.
¦ Courant entrant activé par le calcium intracellulaire
(INa, K)
Ce courant provient du passage d’ions sodiques et potassiques à
travers des canaux non spécifiques activés par le calcium
intracellulaire. La probabilité d’ouverture de ces canaux est liée à la
concentration intracellulaire de calcium et leur voltage dépendance
est variable d’une espèce à l’autre. Leur perméabilité aux ions
sodiques et potassiques est identique, d’où un Vinv proche de 0 mV.
Ce courant participe à la survenue de postdépolarisations retardées
lorsque la cellule cardiaque est chargée en calcium.
COURANTS REPOLARISANTS
Les courants repolarisants responsables de la repolarisation de la
cellule sont principalement représentés par des courants sortants
contrôlés par les canaux potassiques [40]. Les canaux potassiques
forment une vieille famille de canaux constitués d’une glycoprotéine
avec une sous-unité a qui ressemble à un des quatre domaines de la
sous-unité a des canaux sodiques et calciques. Alors que dans ces
canaux, les quatre domaines de la sous-unité a sont synthétisés à
partir d’un seul gène, dans les canaux potassiques, chaque sousunité
équivalant à un domaine est synthétisée à partir d’un gène
différent. Ceci explique l’énorme diversité de ces canaux. Le plus
souvent chaque sous-unité a (ou domaine) comprend six segments
transmembranaires en hélice a dont deux (les segments 5 et 6)
participent à la formation du pore et contrôlent la sélectivité
ionique ; la sensibilité du canal au voltage est dépendante du
segment 4 et l’inactivation du canal est supportée par la partie C ou
N terminale des domaines. Certains canaux potassiques à
rectification entrante sont constitués de domaines à deux hélices
seulement (M1 et M2). Une sous-unité b de structure très variable,
dont le rôle est de moduler l’activité du canal, est inconstamment
associée à la sous-unité a. La nomenclature de la structure des
canaux potassiques est complexe et dérive des gènes codant pour
les sous-unités a : pour les sous-unités à six segments, on utilise le
terme KvX.Y (Kv pour canal potassique voltage dépendant, X pour
la famille de la sous-unité a, Y pour le nombre de gènes codants),
avec quelques exceptions : KvLQT1, HERG et CNGC ; pour les
domaines à deux segments, on utilise le terme KirX.Y.
Parmi le grand nombre de canaux potassiques connus, supérieur à
12, deux jouent un rôle majeur dans la repolarisation ventriculaire :
Ito et IK.
¦ Courant transitoire sortant (Ito)
Ce courant est formé de deux composantes. L’une rapide de forte
amplitude s’active à -10 mV et s’inactive lentement. Cette
composante voltage dépendante est bloquée par la 4-aminopyridine,
le tétraéthylammonium, le césium et le baryum. Les domaines de la
famille Kv4 contribuent principalement à cette composante. L’autre
composante non voltage dépendante, de faible amplitude, s’active
en présence de calcium très rapidement à -25 mV et s’inactive
rapidement. Son amplitude est fréquence dépendante du fait de sa
réactivation lente. Elle est bloquée par les inhibiteurs calciques, la
caféine, la ryanodine et de fortes concentrations de baryum.
Les deux composantes de Ito sont augmentées par la stimulation b
adrénergique, la première par le biais d’une protéine kinase C. À
l’inverse, Ito est inhibé par la stimulation a adrénergique.
Le courant Ito est responsable de la repolarisation précoce du
ventricule et contrôle la durée du potentiel d’action.
¦ Courant potassique retardé (IK)
Ce courant, anciennement appelé IX, est formé de deux composantes
différentes : l’une rapide IKr, l’autre lente IKs. Ce courant est le
facteur déterminant de la durée du potentiel d’action et de sa
configuration. Il est sensible aux stimulations b adrénergiques qui
augmentent son amplitude, diminuant ainsi la durée du potentiel
d’action et les périodes réfractaires ventriculaires.
Courant IKr
Le courant IKr dépend d’un canal dont les domaines de la sousunité
a sont codés par les gènes HERG impliqués dans le syndrome
du QT long congénital. Le courant IKr voltage dépendant s’active
rapidement à -50 mV ; il est maximal pour un Vm à 0 mV, puis
diminue d’amplitude. L’inactivation de IKr est très rapide,
expliquant sa rectification entrante. Paradoxalement, il augmente
avec la concentration extracellulaire potassique. Sa conductance
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
8
élémentaire est de 10 à 12 pS. Il est spécifiquement bloqué par le
méthanesulfonanilide, le d-sotalol et le dofétilide.
Courant IKs
Le canal du courant IKs a une sous-unité a codée par les gènes
KvLQT1 et une sous-unité b codée par les gènes minK tous
impliqués dans le syndrome du QT long congénital. Le courant IKs
voltage dépendant s’active lentement à partir de -30 mV ; il est
maximal à +20 mV, ne s’inactive pas et rectifie dans le sens sortant.
La désactivation lente de IKs est à l’origine du raccourcissement de
la durée du potentiel d’action lors de l’accélération de la fréquence
cardiaque. Sa conductance élémentaire est faible, de 1 à 6 pS. Il est
sensible aux ions divalents comme le calcium qui augmentent son
amplitude. Il est insensible aux antiarythmiques de classe III et
bloqué par le tétraéthylammonium et le césium.
¦ Courant potassique sortant ultrarapide (IKur)
Ce courant est aussi appelé le courant potassique retardé rectifiant
de plateau (mais aussi parfois noté Iss pour steady state, Isus pour
sustained), dont le canal est codé par les gènes Kv1.5. Le courant
s’active très rapidement aux alentours de -50 mV, jusqu’au potentiel
de plateau, puis s’inactive lentement et partiellement. Il rectifie dans
le sens sortant. Sa conductance élémentaire est de 10 à 14 pS. Il est
sensible à la quinidine et la 4-aminopyridine.
¦ Courant sortant à rectification entrante (IK1)
Du point de vue électrique, le phénomène de rectification entrante
consiste en l’obtention d’un courant plus important dans le sens
entrant que dans le sens sortant pour une même variation de Vm en
hyperpolarisation ou dépolarisation, respectivement.
Le courant IK1 est le chef de file des courants potassiques à
rectification entrante de la famille Kir2 caractérisée par des sousunités
a à deux hélices seulement. Le courant IK1 est voltage et
temps dépendant, à rectification entrante, du fait du blocage du
courant sortant par le magnésium, le calcium et les polyamines
intracellulaires pour un Vm plus positif que son Vinv. Le courant IK1
augmente avec la concentration extracellulaire en potassium.
Plusieurs types de canaux IK1 ont été identifiés, chacun ayant une
conductance différente comprise entre 9 et 41 pS. Le courant est
directement modulé par les phospholipides anioniques.
Alors que la membrane a tendance à s’hyperpolariser durant la
phase de repos, le courant IK1, du fait de sa rectification entrante,
maintient le potentiel de repos proche de EK. Lors de la phase 3 du
potentiel d’action, le courant IK1 participe à la fin de la repolarisation.
¦ Courant potassique activé par l’acétylcholine : IK(Ach)
Le courant IK(Ach) appartient à la famille des courants potassiques à
rectification entrante Kir, mais il a été principalement retrouvé dans
le myocarde auriculaire et le noeud sinusal. Il est activé par le
système parasympathique via une protéine G et inhibé par
l’étirement cellulaire. Son activation provoque un raccourcissement
de la durée du potentiel d’action.
¦ Courant potassique régulé par l’ATP : IK(ATP)
Le dernier courant de la famille des courants potassiques à
rectification entrante Kir est le courant IK(ATP) dont la densité dans
le coeur est élevée [14]. Ce courant est inactivé pour une concentration
intracellulaire normale d’ATP. Le canal est muni d’un récepteur à
l’ATP. Il s’ouvre uniquement au cours de l’hypoxie (chute du ratio
ATP/ADP) ou sous l’effet des agonistes potassiques tels que le
pinacidil, le nicorandil. Le courant IK(ATP) est temps et voltage
indépendant, sauf pour des potentiels positifs où il rectifie dans le
sens entrant comme IK1. Cependant, la rectification est faible par
rapport à celle de IK1. Sa conductance élémentaire est de 25 pS à une
concentration potassique extracellulaire physiologique. Il est modulé
par les protéines G et les protéines kinases C.
Son rôle est de protéger la cellule cardiaque lors de l’ischémie en
raccourcissant le potentiel d’action diminuant d’autant la
contraction.
¦ Courant potassique (IKp)
Il s’agit d’un courant de faible conductance temps indépendant dont
la densité est forte dans le coeur. Son rôle exact reste à préciser.
¦ Courants chlores
Trois courants chlore ont été au moins décrits dans le coeur : ICFTR,
ICl, Ca, ICl, swell
[41]. Seul ICl, swell a été formellement identifié dans le
myocarde humain ; il s’agit d’un courant activé par le gonflement
cellulaire qui a donc pour rôle de réguler le volume de la cellule. La
présence des deux autres courants chlore n’est pas certaine dans le
coeur humain. Les courants chlore sont dus à un mouvement entrant
d’anions, donc de nature repolarisante. Le potentiel d’équilibre du
chlore est de -60 mV ; le courant chlore est donc principalement
sortant et participe au raccourcissement du potentiel d’action.
¦ Courant de pompe
La pompe à sodium Na+-K+ ATPase qui n’est pas un canal ionique,
assure un transport actif (consommation d’ATP) d’ions à travers la
membrane cellulaire. Deux ions potassiques entrent dans la cellule
pour trois ions sodiques sortants, soit au total un courant sortant
repolarisant. La pompe à sodium intervient à la fin du potentiel
d’action et tend à hyperpolariser la membrane. Elle est activée en
cas de surcharge sodique intracellulaire.
HÉTÉROGÉNÉITÉ ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE
VENTRICULAIRE
L’enregistrement de potentiels d’action ventriculaires dans plusieurs
sites ventriculaires a mis en évidence des potentiels d’action très
différents. Cette hétérogénéité existe entre les ventricules droit et
gauche, l’apex et la base des ventricules, et au sein même de la paroi
[1, 2]. Par exemple, au sein de la paroi ventriculaire gauche, trois types
de potentiel d’action ont été individualisés : le potentiel d’action
enregistré dans l’épicarde et dans les couches sous-épicardiques
pourvues de cellules M est caractérisé par une phase 1 nette, suivie
d’une brève dépolarisation donnant un aspect de sipke-dome qui
n’existe pas dans l’endocarde ; la durée du potentiel d’action est
courte dans l’épicarde et franchement longue dans les cellules M à
basse fréquence. Les cellules M, situées principalement dans la
couche sous-épicardique, se caractérisent aussi par une vitesse de
conduction très rapide, une relation durée du potentiel
d’action/fréquence très marquée. Ces différences s’expliquent par
l’hétérogénéité de distribution myocardique des canaux potassiques.
Ainsi, dans les cellules M, la densité de Ito est forte, celle de IKs est
réduite et celle de INa lent est forte. Les conséquences physiologiques
de cette hétérogénéité électrophysiologique sont :
– un gradient de potentiel dans la paroi ventriculaire participant à
la formation de l’onde T et U de l’électrocardiogramme ;
– une réponse différente aux stimulations sympathiques et
parasympathiques, ainsi qu’aux antiarythmiques ;
– une prédisposition aux rentrées en phase 2 ;
– une dispersion de la repolarisation dans l’ensemble du myocarde.
Courants transmembranaires
et potentiel d’action auriculaire
Le potentiel d’action auriculaire est plus court que celui du
ventricule (80 ms versus 250 ms par exemple chez le cobaye).
Cependant, les courants électriques à l’origine du potentiel d’action
auriculaire sont les mêmes que ceux rencontrés dans le myocarde
ventriculaire. Là encore, il existe une grande hétérogénéité
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
9
électrophysiologique, avec plusieurs formes de potentiel d’action.
Principalement deux types de potentiel d’action existent dans
l’oreillette [24] : l’un de forme triangulaire, l’autre plus long avec un
aspect spike-dome. Les potentiels d’action triangulaires sont plus
souvent enregistrés dans les cellules étroites et longues et les
potentiels d’action avec dôme dans les cellules larges et grandes.
Dans certaines espèces animales, jusqu’à quatre types de potentiels
d’action ont été enregistrés dans l’oreillette droite. Ces différences
de potentiels d’action s’expliquent comme dans le ventricule par une
répartition myocardique inégale de certains courants ioniques, tels
que INa/Ca, Ito, IKr
[4, 11].
Le rôle et les conséquences physiologiques de cette hétérogénéité
électrophysiologique dans l’oreillette ne sont pas clairement définis,
mais il a été noté que certains antiarythmiques tels que la flécaïnide
n’avaient pas le même effet sur les potentiels d’action triangulaires
et en dôme [24].
Activité spontanée cardiaque
TISSU NODAL
Le rythme cardiaque est myogénique, c’est-à-dire prenant naissance
dans le muscle cardiaque lui-même. Dès 1628, William Harvey notait
l’émergence du rythme cardiaque dans l’oreillette droite, mais ce
n’est qu’en 1907 que Keith et Flack décrivaient le noeud sinusal. Le
noeud sinusal appartient à un tissu particulier, le tissu nodal,
spécialisé dans l’automaticité et la conduction de l’influx électrique.
Son activité contractile à l’inverse est très faible.
L’onde d’excitation est propagée des oreillettes vers les ventricules à
travers les structures qui composent le tissu nodal : du noeud sinusal
vers le noeud auriculoventriculaire de Tawara, puis dans le faisceau
de His et ses branches, et le réseau de Purkinje. Les temps de
conduction et les vitesses de conduction varient le long du tissu
nodal (fig 11) : extrêmement lente dans le noeud sinusal, lente dans
le noeud auriculoventriculaire afin d’assurer le remplissage
ventriculaire, la vitesse de conduction est à l’inverse très rapide dans
le faisceau de His et le réseau de Purkinje afin de synchroniser la
contraction des deux ventricules. La défaillance de l’un des éléments
du tissu nodal entraîne un blocage de l’onde d’excitation et révèle
l’expression intrinsèque de la structure nodale sous-jacente toujours
plus lente (fig 11).
NOEUD SINUSAL
¦ Structure du noeud sinusal
Le noeud sinusal, situé dans la paroi auriculaire droite, près de la
crista terminalis, est un tissu lâche constitué de myocytes disposés
au sein de nombreux fibroblastes (40 à 50 % du noeud sinusal). Deux
types de cellules cardiaques ont été observés dans le noeud sinusal :
les unes sont ovoïdes avec de nombreuses ramifications et plutôt
situées au centre du noeud et sont appelées cellules dominantes ; les
autres, fusiformes, sont dépourvues de ramifications, situées plutôt
à la périphérie du noeud sinusal et sont dites cellules subsidiaires.
Les propriétés électrophysiologiques de ces deux types de cellules
ne sont pas strictement identiques.
¦ Activité électrique du noeud sinusal
Isolées et perfusées par une solution de Tyrode à 37 °C, chaque
myocyte du noeud sinusal bat automatiquement à un rythme
régulier. L’enregistrement en patch clamp de l’une de ces cellules
montre un potentiel d’action particulier représenté sur la figure 12.
Plusieurs caractéristiques électrophysiologiques le différencient d’un
potentiel d’action ventriculaire :
– le potentiel de repos, instable, se dépolarise spontanément de
-65 mV à -45 mV ;
– le potentiel membranaire diastolique maximal est moins négatif
(-40 mV à -70 mV au lieu de -85 mV, les cellules dominantes étant
plus dépolarisées que les cellules subsidiaires) ;
– la phase ascendante (phase 0) lente est dépendante principalement
du courant ICa, L et secondairement du courant INa
[29] ;
– le plateau durant le potentiel d’action est absent.
Ces différences entre le potentiel d’action d’une cellule du noeud
sinusal et d’une cellule ventriculaire sont à rattacher à la présence
dans les cellules automatiques de canaux ioniques absents ou
faiblement exprimés dans les cellules non automatiques (fig 12).
Au sein du noeud sinusal, il existe un gradient décroissant des
potentiels d’action de la périphérie vers le centre : diminution du
potentiel diastolique maximal, de l’amplitude du potentiel d’action,
de la vitesse maximale (dV/dt)max, et augmentation de la durée du
potentiel d’action. Un gradient de potentiel d’action identique est
observé de la partie supérieure du noeud sinusal vers sa partie
inférieure [9]. Ces gradients visent à prévenir les phénomènes de
rentrée et les interactions électrotoniques. De même, l’isolement des
cellules du noeud sinusal par le tissu conjonctif évite les interactions
électrotoniques entre les myocytes dépolarisés du noeud et les
myocytes auriculaires plus polarisés.
Temps de diffusion
intrinsèque (ms)
Vitesse
m/s
Rythme
bat/min
45 0,002 à 0,02 100
100 0,05
40 0,5-1
60
30 5 50
30 1-5 40
Ventricules 1
Oreillettes
NAV
NS
a
b
11 Caractéristiques électrophysiologiques du tissu nodal.
Les caractéristiques électrophysiologiques des différentes structures du tissu nodal sont
notées dans les cadres oranges. Oreillettes et ventricules ne font pas partie du tissu nodal.
NAV : noeud auriculoventriculaire ; NS : noeud sinusal ; a. faisceau de His ; b. réseau
de Purkinje.
k
I K
12 Simulation du potentiel d’action du noeud sinusal à l’aide du logiciel OxSoft
Heart V4.8 et résumé des différents courants ioniques (en rouge) participant à la
dépolarisation spontanée diastolique. ICa, L : courant calcique de type L ; If : courant entrant
activé en hyperpolarisation ; IK : courant potassique retardé ; ICa, T : courant calcique
de type T ; Ib, Na : courant de fond ; Ist : courant entrant soutenu.
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
10
¦ Dépolarisation lente diastolique des cellules sinusales
La dépolarisation lente diastolique de la membrane est
caractéristique des cellules responsables de l’automaticité cardiaque.
Cinq courants sont principalement impliqués dans cette phase : le
courant pacemaker If, les courants calciques ICa, L et ICa, T, le courant
de fond Ib, Na, le courant potassique IKr et le courant entrant soutenu
Ist.
Courant If
Ce drôle de courant (If, funny) est particulièrement adapté pour
maintenir un rythme spontané. En effet, plus le Vm est électronégatif,
plus ce courant entrant (dépolarisant) est activé. Le courant If est
porté par les ions sodium et potassium ; son Vinv est de -20 mV ; il
est activé à partir de -50 mV et son amplitude augmente avec
l’hyperpolarisation (jusqu’à -110 mV) et la concentration
extracellulaire en potassium. Bien qu’initialement décrit dans le
noeud sinusal et le noeud auriculoventriculaire, le rôle du courant If
dans la dépolarisation lente diastolique des cellules du noeud sinusal
a été controversé pour deux raisons : d’une part, son activité est
faible dans la gamme du potentiel diastolique maximal des cellules
du noeud sinusal (-65 mV) et le blocage du courant If par le césium
à 2 mM n’entraîne qu’un simple ralentissement (20 à 30 %) de
l’activité des cellules du noeud sinusal (fig 13) ; d’autre part, la
cinétique d’activation de If est très lente, proche de la seconde,
limitant une fréquence spontanée élevée. Cependant, sa participation
a été récemment confirmée sur cellule isolée avec la technique du
courant clamp [46]. De plus, le courant If s’oppose à
l’hyperpolarisation de la membrane cellulaire, initie la phase de
dépolarisation lente diastolique et sa réponse aux stimulations
adrénergiques et cholinergiques permet le contrôle de la fréquence
cardiaque [10]. La densité du courant If n’est pas homogène dans le
noeud sinusal, comme sa participation à la dépolarisation lente
diastolique. Bien que la densité du courant If soit plus élevée dans
les cellules sinusales dominantes que dans les cellules subsidiaires,
son rôle est plus important dans les cellules subsidiaires que dans
les cellules dominantes car leur potentiel diastolique maximal est
plus négatif.
Courants calciques
L’activation du courant ICa, L pour un Vm de -55 mV contribue à la
partie terminale du potentiel diastolique ; son activation par les
catécholamines accélère le rythme.
La participation du courant transitoire ICa, T à la dépolarisation lente
diastolique est probable puisque son blocage par la tétraméthine,
dont la spécificité est discutée, ralentit la fréquence cardiaque [18]. Le
courant ICa, T se caractérise par une voltage dépendance, un Vinv de
+40 mV, une perméabilité sélective aux ions calciques, une activation
pour un Vm compris entre -80 et -40 mV et une inactivation très
rapide voltage dépendante. Sa densité est très élevée dans le tissu
nodal. Il est insensible aux dihydropyridines. La structure du canal
calcique de type T se distingue du type L par sa sous-unité a1H, très
différente de la sous-unité a1C, et par l’absence d’autres sous-unités
connues à ce jour.
Courant de fond (Ib, Na)
Après avoir bloqué tous les courants, il persiste un courant entrant
de fond, indépendant du temps, porté par les ions sodiques et
potassiques, de faible amplitude, dont le Vinv est de -20 mV [19]. Sa
responsabilité dans la genèse de la dépolarisation lente diastolique
reste discutée du fait de sa constance dans le temps. Cependant, sa
présence pourrait être nécessaire pour obtenir une dépolarisation
lente par désactivation de IKr (voir infra). En tout cas, il est considéré
comme un courant modulant le Vm diastolique.
Désactivation du courant potassique retardé (Ikr)
La désactivation d’un canal ionique voltage dépendant est le
processus inverse à son activation. Cette dernière, qui correspond à
une augmentation de la probabilité d’ouverture des canaux, est
provoquée par la dépolarisation, alors que le désactivation est
induite par un retour de Vm à des valeurs négatives (repolarisation).
Le courant IKr est désactivé pour un Vm compris entre -65 mV et
-35 mV (maximum à -40 mV), correspondant à la gamme de
potentiel de la phase 4 du potentiel d’action des cellules du noeud
sinusal. Cette désactivation du courant repolarisant IKr concourt à la
dépolarisation diastolique de la membrane cellulaire. Elle doit
cependant être associée à l’existence simultanée d’un courant de
fond dépolarisant. La suppression de la désactivation de IKr
s’accompagne de la perte de l’activité spontanée des cellules du
noeud sinusal.
Courant entrant soutenu (Ist)
Plus récemment, il a été individualisé un courant entrant, voltage
dépendant, activé entre -70 et -50 mV, dont les propriétés
pharmacologiques sont semblables à celles du canal ICa, L (insensible
à la tétrodotoxine, bloqué par les dihydropyridines, le nickel et le
cobalt). Sa conductance est faible (0,6 nS). Il est sensible à
l’isoprotérénol et aux variations de concentration externe de calcium
et de magnésium [16]. Sa distribution n’est pas homogène dans le
noeud sinusal puisqu’il n’a été trouvé que dans les cellules sinusales
fusiformes. Son rôle dans la dépolarisation lente diastolique est
probablement majeur.
Autres courants impliqués dans la dépolarisation lente diastolique
Certains courants participent à la phase 4 du potentiel d’action mais
ne sont que des modulateurs du potentiel diastolique. Ces courants
sont le courant entrant d’échange INa/Ca, le courant sortant de
pompe INa-K et le courant entrant de fenêtre INa.
¦ Contrôle de l’activité spontanée du noeud sinusal
Contrôle neurovégétatif
Les neurotransmetteurs modulent la fréquence cardiaque en agissant
sur la phase de dépolarisation lente diastolique. Le courant If est la
cible privilégiée des neurotransmetteurs, car les courants Ib, Na et
ICa, T leur sont insensibles [8].
L’AMPc intracellulaire est au centre de la régulation de If par les
neurotransmetteurs cholinergiques, catécholaminergiques et leurs
comédiateurs peptidiques, le neuropeptide Y (NPY) et le peptide
vasoactif intestinal (VIP). L’AMPc agit directement sur le canal If
muni d’un récepteur spécifique, situé sur la partie carboxyterminale
cytoplasmique et non par une phosphorylation de la protéine-canal.
L’augmentation de l’AMPc se traduit par une majoration du courant
If, une augmentation de la pente de dépolarisation lente diastolique,
et de ce fait une accélération du rythme cardiaque, et inversement
pour une diminution de l’AMPc.
Les terminaisons nerveuses sympathiques libèrent la noradrénaline
et le NPY : la noradrénaline augmente la concentration
intracellulaire d’AMPc, alors que le NPY tend à contrôler cet effet
lors de stimulation importante en diminuant la concentration
d’AMPc. À l’inverse, les terminaisons nerveuses parasympathiques
libèrent l’acétylcholine et le VIP : l’acétylcholine diminue la
concentration intracellulaire d’AMPc, alors que le VIP libéré lors de
stimulations importantes augmente la concentration d’AMPc [8].
Rétrocontrôle mécanoélectrique
Depuis longtemps, il a été noté qu’une augmentation de la pression
dans l’oreillette droite était associée à une augmentation de la
fréquence cardiaque. Cet effet Bainbridge survient en l’absence de
13 Effet du césium sur le rythme spontané du noeud sinusal. Après le blocage
du courant If (tracé rouge), le rythme des potentiels d’action du noeud sinusal se ralentit
de 20 % environ. Simulation à l’aide du logiciel OxSoft Heart V4.8.
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
11
tout contrôle nerveux et tout neurotransmetteur. Il a été observé sur
coeurs isolés perfusés d’animaux [23] et chez les patients ayant subi
une transplantation cardiaque [5]. L’étirement du noeud sinusal est
très probablement responsable de l’augmentation de la fréquence
cardiaque après activation de canaux sensibles à l’étirement (stretch
activated channels, canaux perméables au chlorure).
La variabilité sinusale est aussi contrôlée par les contraintes
mécaniques imposées au noeud sinusal. Expérimentalement, chez le
cochon anesthésié, l’étirement du noeud sinusal diminue la
variabilité sinusale (fig 14) avant et après neurotomie, alors qu’aucun
changement significatif de fréquence cardiaque n’est observé [21].
NOEUD AURICULOVENTRICULAIRE
Identifié en 1906 par Tawara, le noeud auriculoventriculaire est le
passage obligé entre les oreillettes et les ventricules. Il est caractérisé
par une vitesse de conduction d’autant plus lente que la fréquence
cardiaque est élevée.
La structure du noeud auriculoventriculaire, de type multicouche
constituée par de petites cellules, est divisible en trois régions : une
région transitionnelle superficielle auriculaire (zone AN), une région
nodale profonde compacte (zone N) et une région basse
transitionnelle avec le faisceau de His (zone NH). Les propriétés
électrophysiologiques des cellules du noeud auriculoventriculaire
sont globalement semblables à celles du noeud sinusal ; en
particulier, elles sont douées d’automaticité. Cependant, la vitesse
de conduction est considérablement ralentie dans le noeud
auriculoventriculaire (fig 11) et notamment dans la zone N. Ces
cellules présentent une faible vitesse maximale de dépolarisation
(dV/dt)max, mais ceci ne suffit pas à expliquer l’absence
d’homogénéité de la vitesse de conduction du noeud
auriculoventriculaire. La théorie décrémentielle postule une
diminution graduelle de la vitesse de conduction dans le noeud
auriculoventriculaire, alors que les résultats récents d’imagerie du
potentiel d’action dans le tissu nodal semblent montrer l’existence
d’un retard abrupt à l’entrée du noeud auriculoventriculaire, suivi
d’une vitesse de conduction plus rapide (dix fois) à travers le noeud
auriculoventriculaire (step-delay) [38].
Les mécanismes exacts de la dépendance de la fréquence de la
propagation de l’onde d’excitation à travers le noeud
auriculoventriculaire et de sa modulation par les neurotransmetteurs
restent méconnus. Ils sont probablement liés à la structure du noeud
auriculoventriculaire, à la présence de cellules dont les propriétés
électrophysiologiques diffèrent, et au faible nombre de jonctions
intercellulaires de type gap.
Deux types de cellules ont été individualisés dans le noeud
auriculoventriculaire : les unes sont ovoïdes, les autres sont
allongées. Non seulement leur morphologie diffère, mais leur
résistance interne et la densité des courants ioniques ne sont pas
identiques : la densité de If est forte dans les cellules ovoïdes, mais
celle de INa et Ito est faible, et inversement dans les cellules
allongées [28], ce qui leur confère des potentiels d’action différents.
RÉSEAU DE PURKINJE
En cas de bloc auriculoventriculaire, le rythme d’échappement
ventriculaire prend naissance dans les branches du faisceau de His
ou dans le réseau de Purkinje. Le potentiel d’action de ces cellules
est plus long, sa forme est proche de celle des cellules ventriculaires
avec un plateau plus négatif (proche de 0 mV) du fait de la forte
densité du courant Ito. Le potentiel de membrane diastolique
maximal est plus négatif. L’activité spontanée de ses cellules est liée
à la présence du courant If, mais aussi d’un courant potassique IKdd
activé par l’hyperpolarisation, de sens entrant, de cinétique lente,
porté par les ions potassiques, bloqué par le césium et le baryum.
La vitesse de conduction dans le réseau de Purkinje est très rapide,
de l’ordre de 5 m/s.
Propagation de l’excitation
PROPAGATION CONTINUE
¦ Théorie du câble
La théorie du câble a été développée par Kelvin (W Thomson) à
partir des problèmes rencontrés par l’industrie télégraphique lors
de l’installation du premier câble sous-marin. Les cellules cardiaques
peuvent être assimilées à un câble sous-marin (fig 15), la membrane
cellulaire étant la gaine du câble, le milieu intracellulaire le fil
électrique conducteur et le liquide interstitiel l’équivalent du milieu
marin conducteur externe. Le courant électrique circule
principalement dans le sens longitudinal du câble (ia) mais peut
aussi traverser la gaine (im).
Cette perte de courant le long de la gaine est dépendante de deux
facteurs :
– la résistance interne du câble (ri) qui est liée à la conductivité du
milieu, la longueur et la section du câble (ri = q L/S) ;
– la résistance de la gaine, c’est-à-dire de la membrane (rm).
La perte de courant est d’autant plus faible que la résistance de la
membrane est élevée et la résistance interne faible ; elle se traduit
14 Effet de l’étirement du noeud sinusal sur la variabilité sinusale. L’étirement
du noeud sinusal (tracé du bas) se traduit par une baisse importante de l’amplitude des
pics dans la gamme des hautes fréquences (1,9 et 3,75 Hz). L’expérimentation est réalisée
chez le cochon anesthésié et la variabilité sinusale analysée dans le domaine fréquentiel
(reproduit avec la permission de l’auteur et du journal Circulation [21]).
Câble im
ia
ro
rm cm
ri
Vm
125
25
x
ro
rm rm cm cm
ri
15 Théorie du câble.
A. La propagation du courant dans
un câble se fait dans le sens longitudinal
(ia) et dans le sens transversal
à travers la gaine (im).
B. Circuit électrique équivalant à la
membrane cellulaire.
C. Phénomène d’amplification.
ri : résistance interne.
*A
*C
*B
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
12
par une diminution exponentielle de l’amplitude du signal transmis.
Dans le cas le plus simple d’une conduction unidirectionnelle (x), en
un point x du câble le potentiel du signal est :
Vx = Vo - x/k
où Vo est l’amplitude initiale du signal et k la constante d’espace ou
de longueur.
Cette constante détermine la capacité du câble (ou de la cellule) à
garder le signal et dépend des facteurs de diminution du signal
mentionnés ci-dessus. Si l’on considère la résistance du milieu
extracellulaire comme négligeable :
k = =(rm/ri)
Elle a des unités de longueur et varie selon le type cellulaire entre
0,5 et 2 mm. À cette distance, le signal diminue à 37 % de sa valeur
initiale, et à une distance égale à 3k, le signal chuterait à 5 % de sa
valeur initiale !
Le potentiel d’action constitue une solution pour les cellules
excitables à la diminution exponentielle des signaux électriques. Ce
signal « tout ou rien » a toujours la même amplitude le long de la
cellule. Il existe un facteur qui garantit le rétablissement du potentiel
d’action en chaque point de la membrane. En effet, la réponse de la
cellule est beaucoup plus forte que la réponse attendue, puisque
pour une stimulation de 25 mV permettant d’atteindre le potentiel
seuil de la cellule, la réponse est un potentiel d’action dont
l’amplitude est de 125 mV, soit un coefficient d’amplification de 5.
La propagation est alors non décrémentielle (fig 15).
Les caractéristiques d’un signal électrique dans un câble ne sont pas
seulement déformées dans l’espace, mais aussi dans le temps. En
effet, la gaine du câble représente un diélectrique non conducteur
enfermé entre deux milieux conducteurs. Cette configuration
correspond électriquement à celle d’un condensateur de plaques
parallèles. Dans la cellule, le diélectrique est la membrane et les deux
« plaques » du condensateur les milieux extra- et intracellulaires. La
capacité est la propriété que possèdent les condensateurs
d’accumuler des charges électriques. La capacité des membranes
biologiques (cm) est remarquablement constante, de l’ordre de
1μF/cm2 de membrane, à tel point que la détermination de la
capacité membranaire est utilisée pour estimer la surface de
membrane cellulaire.
L’existence d’une capacité membranaire, et donc d’une accumulation
des charges électriques, impose un retard à tout signal électrique
qui se propage le long de la membrane. Une partie du courant
propagé étant utilisée pour charger la capacité, le signal est ralenti.
La vitesse de conduction du potentiel d’action dépend alors de la
capacité membranaire, et par conséquent de la surface de membrane
à parcourir. Ainsi, les zones de la cellule riches en membrane
(repliements, tubules transverses) ralentissent davantage la
propagation.
Le montage électrique équivalant à l’unité de longueur de la
membrane (fig 15) comprend donc un condensateur représentant la
capacité de la membrane en parallèle, avec une résistance (rm),
variable dans le temps et selon le voltage, correspondant aux voies
de passage pour les ions. Dans une reconstruction électrique d’un
segment de la cellule, ces unités de membrane sont reliées par deux
résistances constantes (ro et ri) à rattacher aux milieux extracellulaire
et intracellulaire respectivement. La valeur de ro est souvent faible
et négligeable. Les propriétés passives du câble (ro, ri, cm)
déterminent la vitesse de conduction et les courants locaux à
l’origine de la propagation du potentiel d’action.
¦ Courants locaux
La différence de potentiel entre la zone myocardique excitée et la
zone myocardique au repos adjacente entraîne des mouvements
ioniques producteurs de courants locaux de part et d’autre de la
membrane cellulaire (fig 16). Ces courants locaux tendent à
dépolariser la membrane cellulaire au repos jusqu’au potentiel seuil
du potentiel d’action. Ceci correspond au point de potentiel où
l’augmentation des conductances dépolarisantes (ouverture des
canaux ioniques sodiques et calciques) dépasse les conductances
hyperpolarisantes (potassiques, chlorure) de repos. Un nouveau
potentiel d’action est ainsi déclenché dans la zone myocardique
initialement au repos. La répétition du phénomène de proche en
proche est à l’origine de l’onde de dépolarisation (excitation) qui
traverse le myocarde. Le retour en arrière du potentiel d’action par
ce même mécanisme est empêché par l’existence d’une période
réfractaire dans la zone de départ du potentiel d’action. La vitesse
de conduction de l’onde de dépolarisation est directement liée à
l’intensité des courants locaux proportionnelle à :
– l’amplitude du potentiel d’action (différence de potentiel entre la
zone excitée et la zone au repos) ;
– la variation du potentiel en fonction du temps (dV/dt)max
déterminée par l’ouverture des canaux sodiques (INa) ;
– au potentiel de membrane de repos : moins le potentiel de repos
est négatif, moins la vitesse de conduction est grande car des canaux
sodiques sont inactivés et indisponibles pour générer un nouveau
potentiel d’action.
Expérimentalement, si l’on augmente progressivement sur fibre de
Purkinje la concentration de potassium dans le milieu externe, on
observe une dépolarisation de la membrane et une diminution de la
vitesse de conduction dans la fibre.
PROPAGATION DISCONTINUE. ANISOTROPIE
Cependant, la structure myocardique est loin d’être homogène, tant
au niveau tissulaire que cellulaire. L’onde d’excitation ne se propage
donc pas uniquement dans l’axe longitudinal des fibres
myocardiques mais dans un système discontinu complexe à trois
dimensions. Des différences de vitesse de conduction existent selon
l’orientation de l’onde d’excitation par rapport aux fibres
myocardiques et définissent l’anisotropie : la vitesse de conduction
de l’influx électrique propagé dans le sens longitudinal des fibres
myocardiques est supérieure à la vitesse de conduction de l’influx
électrique propagé dans le sens transversal des fibres myocardiques.
Le ratio des vitesses de conduction varie d’une région myocardique
à l’autre : par exemple, le ratio d’anisotropie (Vlongitudinale/
Vtransversale) est de 3 dans le ventricule gauche et 10 dans les
oreillettes.
Les obstacles anatomiques, la géométrie des cellules, les connexions
intercellulaires (jonctions de type gap) et la distribution des canaux
ioniques le long de la membrane cellulaire sont autant d’éléments
qui participent à l’hétérogénéité de la conduction dans le myocarde.
Les dénominateurs communs à cette hétérogénéité macroscopique
et cellulaire sont la dispersion des courants locaux et l’anisotropie.
+ + + + + + + + + + + + +
– – – – – – – – – –+ + + + + + + + + + + + + -
– – – – – – – – – – –
Milieu
extracellulaire
Potentiel de membrane
Zone excitée
+ 25 mV
– 85 mV
Zone au repos
Milieu
intracellulaire
Propagation de l'excitation
16 Courants locaux et propagation de l’excitation. La différence de potentiel entre
la zone excitée et la zone au repos crée des courants électriques locaux (flèche rouge).
Ceux-ci dépolarisent la zone au repos jusqu’au potentiel seuil du potentiel d’action. Les
courants locaux ne peuvent diffuser dans le sens opposé, la zone étant inexcitable (période
réfractaire).
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
13
¦ Obstacles anatomiques
Ces obstacles sont nombreux, tels que l’architecture trabéculaire des
oreillettes, les appareils valvulaires, mais aussi le tissu conjonctif
séparant les fibres myocardiques, l’orientation différente des fibres
myocardiques. Si les courants locaux sont insuffisants pour
déclencher un potentiel d’action de l’autre côté d’un de ces obstacles,
l’onde d’excitation est contrainte de les contourner, de changer de
direction et de modifier sa vitesse de propagation. Alors que dans
une structure linéaire à une seule dimension, telle qu’un câble, le
courant INa, responsable de la variation brutale de potentiel lors de
l’initiation du potentiel d’action, est l’élément essentiel de la vitesse
de conduction (h2 = dV/dtmax), dans cette structure
tridimensionnelle et discontinue, le courant ICa, L participe de façon
importante à la propagation de l’onde d’excitation [36].
¦ Jonctions de type gap
Les gap junctions sont avec les desmosomes et les fascia adherens
des jonctions intercellulaires situées dans le disque intercalé. Elles
permettent la transmission de l’influx électrique d’une cellule à
l’autre. Chaque cellule étant isolée par sa membrane cellulaire
assimilée à une bicouche lipidique, les gap junctions assurent le
couplage électrique intercellulaire. Il existe une relation directe entre
la résistance interne et la résistance jonctionnelle (rinterne = rcytoplasme
+ rjonctionnelle). Leur rôle dans la propagation de l’onde d’excitation
est reconnu depuis de nombreuses années, mais la connaissance de
leur structure et de leurs caractéristiques biophysiques est récente [22].
La disposition des gap junctions le long de la membrane cellulaire
n’est pas régulière et uniforme, assurant une jonction cellulaire de
type « bout à bout » ou de type « côté par côté ». Leur distribution
hétérogène sur la surface de la membrane assure un couplage
électrique intercellulaire complexe tridimensionnel avec une vitesse
de propagation dépendante du nombre et du type de gap junctions
(tableau I) [37].
Les gap junctions sont des structures canalaires constituées de deux
hémistructures hexamériques (appelées connexons), elles-mêmes
formées de six protéines transmembranaires appelées connexines
(Cx). Ces canaux perméables aux ions et aux petites molécules (PM
< 1 kDa) ont une conductance en général élevée, une sélectivité
ionique et une sensibilité au voltage dépendantes de la nature de la
Cx et de l’homotypie ou de l’hétérotypie du canal (tableau II).
Les Cx forment une famille de 14 protéines transmembranaires dont
trois sont exprimées dans les cardiomyocytes : la Cx 40, Cx 43 et Cx
45 [22]. Une quatrième Cx, la Cx 37, est exprimée dans le coeur, mais
uniquement dans les cellules endothéliales et n’intervient pas dans
la propagation de l’influx électrique. Là encore, la distribution des
Cx dans le myocarde est très hétérogène : chez l’homme, Cx 43 est
la plus abondante, présente dans tout le myocarde, à l’inverse de Cx
40 qui est absente du myocarde ventriculaire et Cx 45 qui est
exprimée faiblement dans tout le myocarde [44]. La conductance des
gap junctions dépend de la nature de la ou des Cx qui les composent
(tableau II), et de leur modulation par le pH intracellulaire et par les
seconds messagers tels que l’AMPc et le calcium intracellulaire [42].
La vitesse de conduction dans le myocarde varie donc avec
l’expression myocardique des Cx. L’altération de l’expression de
l’une des Cx cardiaques est susceptible d’induire des troubles de la
conduction. Ainsi, un déficit en Cx 40 chez des souris Cx 40 +/- est
associé à des troubles conductifs sinoauriculaires et auriculoventriculaires
[17] ; le déficit partiel en Cx 43 chez des souris
hétérozygotes Cx 43 +/- entraîne inconstamment une diminution de
la vitesse de conduction dans les ventricules, avec élargissement des
complexes QRS [15, 27].
Au total, la conduction intracardiaque dépend de la taille, de la
forme et de l’orientation des myocytes ; du nombre, de la taille et de
la distribution spatiale des gap junctions, ainsi que de l’expression
des Cx dans le myocarde et de leur état de modulation par le milieu
intracellulaire.
La variabilité de chacun de ces paramètres participe à la
discontinuité de la conduction intracardiaque et à l’anisotropie. Les
études visant à reproduire la propagation de l’excitation dans le
myocarde par simulation et modélisation devront tenir compte de
cette hétérogénéité [45].
Apports de la biologie et génétique
moléculaires à l’électrophysiologie
cardiaque
La biologie et la génétique moléculaires sont très utiles à la
connaissance de la structure des canaux ioniques et à l’identification
des gènes codant les protéines-canal. Elles ont ainsi montré qu’il
s’agissait de glycoprotéine formée de plusieurs sous-unités, dont
nous avons vu rapidement la structure lors de la description des
courants transmembranaires, et qu’il existait une grande diversité
de ces canaux ioniques au sein d’une même famille (tableau III).
Après avoir déterminé les gènes codants, les protéines-canal
(tableau III), des acides désoxyribonucléiques (ADN) recombinants
contenant les séquences d’ADN des canaux ioniques (clones) ont été
produits et appliqués aux modèles d’expression fonctionnelle. Le
clone est injecté dans des cellules hôtes (ovocytes de Xénope, lignées
cellulaires de mammifères, par exemple) qui réexpriment la
protéine-canal. Une étude fonctionnelle précise des canaux est ainsi
réalisable dans la cellule hôte. De plus, la construction de canaux
chimériques autorise une véritable dissection de la relation entre les
structures du canal et ses fonctions (pore, sélectivité, voltage sensor,
récepteurs aux modulateurs, etc).
Parallèlement à ces travaux expérimentaux, l’identification des gènes
responsables de certains syndromes électrocardiographiques et
arythmies a été possible grâce à l’analyse de grandes familles
porteuses de la maladie. Cette méthode stratégique (génétique
inverse) consiste à localiser un locus avec des marqueurs
polymorphes, puis à identifier le gène à l’aide de gènes candidats
par exemple (souvent connus des travaux expérimentaux). La
recherche de mutations sur le gène identifié est alors possible. Le
syndrome du QT long congénital (fig 17), associé à des torsades de
pointes a fait l’objet de nombreux travaux qui ont montré que
plusieurs gènes et plusieurs mutations étaient en cause dans ce
syndrome [32] (tableau III). Différents canaux sont ainsi responsables
du même syndrome, mais un même canal peut être impliqué dans
plusieurs syndromes. C’est ainsi que le canal sodique est impliqué
dans le syndrome du QT long congénital, le syndrome de Brugada
(fig 18) et des troubles conductifs auriculoventriculaires familiaux
[32, 33].
Tableau I. – Hétérogénéité de distribution des gap junctions dans le
myocarde.
Ventricule gauche
Crista terminalis
Noeud sinusal
Nombre de cellules connectées
à chaque myocyte 11,3 ± 2,2 6,4 ± 1,7 4,8 ± 0,7
Type de connexions
bout à bout (%) 50 80 12
côté par côté (%) 50 20 14
Vitesse de conduction (m/s) 0,6 - 0,7 1 < 0,03 m/s
Tableau II. – Caractéristiques biophysiques des gap junctions selon
la nature de la connexine.
Cx40 Cx43 Cx45
Conductance (pS) 121 ou 158 45 à 100 29
Sensibilité au voltage oui faible oui
Sélectivité aux ions cations anions et cations cations
Sensibilité (Ca)i non oui non
Sensibilité AMPc oui - non
Cx : connexine.
11-003-A-10 Électrophysiologie cardiaque Cardiologie
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Conclusion
L’activité électrique cardiaque telle qu’elle est enregistrée par
l’électrocardiogramme standard résulte d’une cascade de mouvements
ioniques transmembranaires grâce à des structures protéiques
spécialisées, les canaux ioniques. La connaissance des propriétés
biophysiques, puis de la structure moléculaire de ces canaux ioniques et
des gènes codant leurs protéines, suggère et démontre leurs implications
dans de nombreuses affections cardiovasculaires. Le développement de
l’électrophysiologie cardiaque, couplé aux méthodes de biologie
moléculaire et de génétique, permettra la reconnaissance de nouvelles
cibles thérapeutiques.
Remerciements : Nous remercions JY Leguennec pour la réalisation des simulations à l’aide
du logiciel OxSoft Heart V4.8 et le prêt de la figure 9, ainsi que C Malécot pour l’enregistrement
du potentiel d’action de la figure 4.
Références ä
Tableau III. – Gènes codant pour les principaux canaux ioniques cardiaques et syndromes électrocardiographiques associés.
Canaux Courants ioniques Gènes Syndromes congénitaux
Sodiques INa SCN5A LQT3, Brugada, BAV
Calciques ICa, L
a1c DHP récepteur inconnu
ICa, T
a1G inconnu
Potassiques IKs KvLQT et minK LQT1 et JLN, LQT5
IKr HERG LQT2
IKto Kv1.4, Kv4.2/4.3 inconnu
IKur Kv1.2/1.5, Kv2.1 inconnu
IK1 Kir (2, 3, 6) inconnu
IKplateau inconnu inconnu
IKATP/Ach GIRK, Kir + SUR inconnu
Pacemaker If HCN2 inconnu
BAV : bloc auriculoventriculaire ; JLN : syndrome de Jerwell et Lange-Nielsen ; LQT : QT long.
17 Syndrome du QT long congénital. Au repos, l’intervalle QT est allongé (0,48 s).
À l’effort, l’intervalle QT ne se raccourcit pas, mais apparaissent des troubles majeurs
de la repolarisation (au-delà de 110/min). FC : fréquence cardiaque.
18 Syndrome de Brugada. L’électrocardiogramme enregistré chez un jeune patient
se plaignant de syncopes montre un aspect de bloc de branche droit peu marqué et un
sus-décalage du segment ST net dans les dérivations précordiales V1 et V2.
Cardiologie Électrophysiologie cardiaque 11-003-A-10
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