Insuffisances mitrales acquises
J Acar
R Kassab
Résumé. – L’insuffisance mitrale se définit par la perte d’étanchéité de la valve mitrale, entraînant le reflux
du sang du ventricule gauche dans l’oreillette gauche pendant la systole. C’est une valvulopathie fréquente
mais complexe par la diversité de ses mécanismes, étiologies et aspects évolutifs. Le seul traitement efficace
pour les régurgitations sévères est la chirurgie qui devrait dans toute la mesure du possible être conservatrice
et réalisée précocement, même chez les patients asymptomatiques, mais à certaines conditions.
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Mots-clés : régurgitation mitrale, insuffisance mitrale, plastie mitrale, chirurgie conservatrice mitrale,
insuffisance mitrale dégénérative, insuffisance mitrale rhumatismale, insuffisance mitrale
infectieuse, insuffisance mitrale ischémique.
Historique
Le premier cas est rapporté par Corvisart en 1806 chez un homme
de 39 ans, mort en insuffisance cardiaque et dont la valve mitrale
était le siège de végétations et de rupture de cordages [20]. À côté des
formes rhumatismales et oslériennes, Barlow, en 1963, attache son
nom au syndrome « click mésosystolique-souffle télésystolique »,
par prolapsus valvulaire mitral. À la fin des années 1960, Selzer, aux
États-Unis [84], Acar et Luxereau en France [3], individualisent les
ruptures de cordages d’origine dégénérative. En 1957, Lillehei
propose la correction de l’insuffisance mitrale (IM) par annuloplastie
sous circulation extracorporelle. C’est à Carpentier et à son équipe
que revient le mérite d’avoir développé, dès la fin des années 1960,
les techniques de chirurgie conservatrice de la valve [15].
Anatomopathologie et mécanismes
Toute anomalie de l’une des composantes de l’appareil mitral,
anneau, valves, cordages, piliers, peut engendrer une régurgitation.
ANNEAU MITRAL
Sa circonférence est comprise entre 9 et 10 cm. Sa taille change au
cours du cycle cardiaque : elle diminue en protomésosystole,
augmente pendant la deuxième moitié de la systole, la phase de
relaxation isovolumique et toute la diastole, atteignant un maximum
aussitôt après la systole auriculaire.
¦ Dilatation
Une dilatation de l’anneau aux dépens de sa partie postérieure est
classiquement responsable d’une IM appelée fonctionnelle quand
c’est la seule anomalie anatomique. Elle s’observe dans les maladies
dégénératives du tissu élastique, mais surtout est la conséquence de
la dilatation du ventricule gauche. Cependant, dans cette dernière
éventualité, elle ne semble jouer qu’un rôle secondaire à l’origine de
Jean Acar : Professeur de cardiologie, 42, avenue de-la-Bourdonnais, 75007 Paris, France.
Roland Kassab : Professeur associé de cardiologie.
Hôtel Dieu de France, Beyrouth, Liban.
l’IM ; celle-ci tient plus à la désaxation des piliers et des forces de
traction sur les valves entraînée par les modifications de la
géométrie ventriculaire. Point à noter, la dilatation de l’anneau est
habituelle dans les IM chroniques volumineuses organiques.
¦ Calcifications
Les calcifications de l’anneau ont pour siège d’élection la zone
d’insertion de la petite valve, parfois déformée en auvent et gênée
dans son ouverture et sa fermeture, dysfonctions responsables de
petites régurgitations et sténoses. Elles favorisent également les
ruptures de cordages [3].
Ces calcifications sont notées plus volontiers chez la femme que chez
l’homme, au-delà de 70 ans et au cours des cardiopathies avec
hypertension systolique ventriculaire gauche (sténose aortique,
hypertension artérielle, myocardiopathie obstructive). Elles peuvent
aussi compliquer une dystrophie valvulaire d’un syndrome de
Marfan, d’un syndrome de Hurler et une insuffisance rénale [26].
VALVES MITRALES
¦ Insuffisance mitrale rhumatismale
L’IM rhumatismale est rarement pure. Le plus souvent (90 % des
cas), elle est associée à une sténose. Les lésions de ces « maladies
mitrales » comportent épaississement, sclérose, rétraction des valves,
fusion des commissures. Les calcifications sont fréquentes sur les
feuillets valvulaires, les sites d’insertion des cordages et les
commissures. La régurgitation est le fait d’une restriction valvulaire,
les valves étant rigides et rétractées.
L’IM pure a des lésions particulières [2, 22, 26]. La petite valve est
épaissie, rétractée et a une mobilité réduite. La grande valve a gardé
son étoffe et sa cinétique, donnant lieu en échographie à un
prolapsus fonctionnel. Les cordages sont légèrement épaissis et
allongés et l’anneau dilaté ; les commissures sont libres ou
fusionnées. Dans les formes évoluées, la grande valve est intéressée
et l’aspect anatomique se rapproche de la maladie mitrale.
¦ Insuffisance mitrale infectieuse
L’IM infectieuse relève de lésions mutilantes de l’appareil mitral,
isolées ou associées : amputation, déchirure, perforation des valves
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-010-B-10
11-010-B-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Acar J et Kassab R. Insuffisances mitrales acquises. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-010-B-10, 2001,
14 p.
avec une zone d’élection la base de la grande valve, ruptures de
cordages, souvent multiples, des deux valves.
Les végétations sont la règle, parfois associées à des abcès volontiers
localisés au feuillet antérieur et à la commissure interne, mais
pouvant s’étendre à l’anneau [26, 75].
¦ Maladie de Barlow (fig 1)
Elle est à l’origine de ballonnisation et de prolapsus valvulaires.
Les valves sont volumineuses, épaissies, opaques, avec parfois des
zones amincies, translucides. Elles sont de consistance molle,
gélatineuse, et surtout redondantes par excès d’étoffe (floppy mitral
valve). Elles bombent anormalement dans l’oreillette gauche en
systole (ballonnisation), leur bord libre débordant le plan de
l’anneau (prolapsus).
Histologiquement, la valve est infiltrée de substances mucoïdes.
¦ Autres types de lésions
Les autres types de lésions sont plus rares.
Dans l’endocardite de Libman-Sacks du lupus érythémateux, dans
le syndrome primaire des antiphospholipides, l’anomalie
caractéristique est représentée par de petites végétations (1 à 4 mm),
gris rosé ou chamois, du bord libre des valves et de la face
ventriculaire de la petite valve [26]. Les valves sont épaissies et une
fusion commissurale possible.
Des déchirures valvulaires peuvent être la conséquence de
traumatismes.
CORDAGES
Élongations ou ruptures de cordages sont souvent en cause dans les
IM sévères chirurgicales.
Les élongations se voient dans certaines IM pures, rhumatismales,
mais essentiellement dans les maladies de Barlow.
Les ruptures de cordages ont des causes diverses : endocardite
bactérienne, valvulopathies organiques variées, maladies
dégénératives de la valve. Dans ce cadre, la pathologie la plus
fréquente est la maladie de Barlow, les ruptures de cordages
s’observant dans un cas sur deux des formes évoluées chirurgicales.
Une pathologie plus rare est la rupture de cordages dégénérative,
sans lésion notable des valves. Elle se voit chez les sujets âgés,
intéresse préférentiellement la petite valve et reconnaît des facteurs
favorisants, hémodynamiques et/ou anatomiques (hypertension
artérielle, sténose aortique, calcifications de l’anneau mitral) [3, 26, 61].
MUSCLES PAPILLAIRES
La désaxation de l’appareil sous-valvulaire est le principal
mécanisme de l’IM dite fonctionnelle (cf supra).
L’IM est fréquente dans les cardiopathies ischémiques, mais ses
mécanismes sont divers [2, 26, 36].
¦ Dilatation ventriculaire gauche
L’IM peut être secondaire à la dilatation ventriculaire gauche.
¦ Anomalie de la cinétique myocardique
L’IM peut être en rapport avec une anomalie de la cinétique de la
paroi myocardique dans la zone d’implantation d’un pilier. Il s’agit
habituellement d’une plaque fibreuse akinétique ou dyskinétique,
séquelle d’une nécrose myocardique postérieure et parfois d’une
ectasie ventriculaire. En systole, la traction exercée sur le pilier et
ses cordages par la plaque à cinétique altérée ne permet plus la
coaptation des feuillets mitraux [2].
¦ Altération structurelle d’un pilier
L’IM peut être le fait d’une altération structurelle d’un pilier. Les
muscles papillaires sont en effet perfusés par le lit distal du réseau
coronaire et vulnérables à l’ischémie, particulièrement le pilier
postérieur dont la vascularisation est assurée par la seule artère
coronaire droite.
La rupture d’un pilier au cours d’un infarctus myocardique aigu est
la variété la plus grave. Neuf fois sur dix elle intéresse le pilier
postérieur.
La fibrose avec élongation du pilier postérieur crée un prolapsus de
la partie correspondante des grande et petite valves et des
régurgitations, habituellement modérées, parfois volumineuses [36].
¦ Dysfonction ischémique transitoire
La simple dysfonction ischémique transitoire d’un pilier peut être à
l’origine d’une régurgitation, le plus souvent discrète (souffle mésoet
télésystolique apexien durant une crise d’angor).
Étiologie
Leur fréquence respective s’est modifiée ces dernières décennies.
FORMES DÉGÉNÉRATIVES
Elles sont, dans les pays industrialisés, devenues prédominantes
(plus de deux tiers des cas) [4, 61]. Elles regroupent :
– la maladie de Barlow ;
– les ruptures de cordages dégénératives [3, 84] ;
– les maladies héréditaires du tissu conjonctif [26, 76], syndrome de
Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos, ostéogenèse imparfaite,
pseudoxanthome élastique (on utilise volontiers à leur sujet les
termes de lésions dystrophiques ou dysplasiques) ;
– les calcifications de l’anneau mitral.
INSUFFISANCES MITRALES RHUMATISMALES
Elles restent les premières en cause dans les pays en voie de
développement.
ENDOCARDITES INFECTIEUSES ET CARDIOPATHIES
ISCHÉMIQUES
Elles se placent parmi les grandes causes.
AUTRES CAUSES
Parmi elles figurent [1, 26, 39] :
– les maladies inflammatoires : lupus érythémateux disséminé,
syndrome des antiphospholipides, polyarthrite rhumatoïde,
polychondrite atrophiante ;
1 Insuffisance mitrale dégénérative. Valve mitrale dystrophique. Maladie de Barlow.
Noter l’aspect caractéristique de redondance valvulaire avec allongement des cordages.
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
2
– les maladies de surcharge : mucopolysaccharidoses, maladie de
Gaucher, hémochromatose, amylose ;
– les traumatismes non pénétrants ou pénétrants, externes ou
iatrogènes par valvuloplastie percutanée, myotomie ou
myomectomie ou sonde de stimulation ventriculaire ;
– les atteintes myocardiques : tous les cas de dysfonction
ventriculaire gauche, les cardiomyopathies congestives,
hypertrophiques, obstructives ou non, les sarcoïdoses cardiaques ;
– les atteintes endocardiques regroupant la maladie de Davies,
l’endocardite fibroplastique de Loeffler, les fibroses endomyocardiques,
les tumeurs carcinoïdes, les lésions induites par le
méthysergide, les anorexigènes ;
– les tumeurs cardiaques, notamment le myxome de l’oreillette
gauche.
Physiopathologie
Les travaux expérimentaux et cliniques des dernières décennies ont
bien précisé les facteurs influençant le volume de la régurgitation
(VR), le rôle de la compliance de l’oreillette gauche et les paramètres
conditionnant la fonction ventriculaire gauche.
FACTEURS INFLUENÇANT LE VOLUME
DE LA RÉGURGITATION
Le VR dépend de sa durée et de sa chronologie, de la surface de
l’orifice régurgitant, de l’importance du gradient systolique
ventriculoauriculaire gauche.
¦ Durée et chronologie de la régurgitation
L’influence de ce facteur est illustrée par la comparaison des
volumes régurgitants dans l’IM et l’insuffisance aortique. Malgré un
orifice régurgitant et un gradient habituellement plus importants
dans l’IM, le volume régurgité est plus faible car le temps de
régurgitation est plus court [30].
La chronologie de la régurgitation dans la systole n’est pas
indifférente. Lorsque la fuite est volumineuse, elle est en règle
holosystolique. Elle débute avant l’éjection aortique, faisant
disparaître la période de contraction isovolumétrique, et se poursuit
après la fin de l’éjection et la fermeture des sigmoïdes aortiques
pendant la relaxation ventriculaire.
Lorsque la fuite est modérée ou discrète, elle est volontiers limitée à
la protomésosystole ou en cas de prolapsus valvulaire, à la
mésotélésystole.
¦ Surface de l’orifice régurgitant
Déterminant essentiel du volume de l’IM, cette surface est rarement
fixée, mais varie avec la taille de l’anneau en systole, les volumes et
la fonction systolique du ventricule gauche [99]. L’augmentation de
l’anneau, l’élévation de la postcharge et des volumes ventriculaires,
la diminution de la contractilité myocardique augmentent la surface
de l’orifice régurgitant et inversement.
¦ Gradient systolique ventriculoauriculaire gauche
Il est corrélé, tous autres facteurs égaux, au VR. Les variations de
l’impédance aortique entraînent, selon les cas, la diminution de la
régurgitation et l’augmentation du débit aortique (baisse de
l’impédance) ou des effets opposés (augmentation de l’impédance).
¦ Agents pharmacodynamiques
Les agents pharmacodynamiques (inotropes positifs, vasodilatateurs,
diurétiques) modifient le VR, à la fois par leurs effets
hémodynamiques et par les variations de la surface de l’orifice
régurgitant [59].
Les vasodilatateurs ont, dans la plupart des cas, un effet bénéfique
en diminuant le gradient ventriculoauriculaire et la surface de
l’orifice régurgitant. Cependant, dans certains types d’IM (par
prolapsus valvulaire), la réduction du volume ventriculaire peut
aggraver le prolapsus et le volume régurgité [55].
RÔLE DE LA COMPLIANCE AURICULAIRE GAUCHE
La compliance de l’oreillette gauche et du lit vasculaire pulmonaire
est un facteur important dans le retentissement hémodynamique et
la présentation clinique d’une régurgitation mitrale. Trois principaux
sous-groupes peuvent être individualisés.
¦ Compliance auriculaire gauche normale ou diminuée
Le tableau est celui rencontré dans les IM aiguës par rupture de
cordages, mutilation valvulaire oslérienne ou rupture de pilier.
L’oreillette gauche n’est pas dilatée mais fonctionne sur la portion
verticale de sa relation pression-volume. Les pressions auriculaires
gauches sont très augmentées, avec en particulier une grande onde
V. En l’absence de correction de la régurgitation, on observe, après 6
à 12 mois d’évolution, un épaississement des parois de l’oreillette
gauche, ainsi que du lit veineux et artériolaire pulmonaire avec une
augmentation des résistances vasculaires pulmonaires.
¦ Compliance très augmentée
Il s’agit ici de la présentation observée dans les régurgitations
mitrales sévères, chroniques, habituellement rhumatismales où il
existe une dilatation importante de l’oreillette gauche avec des
pressions artérielles pulmonaires normales ou à peine augmentées.
Les fibres musculaires de la paroi auriculaire gauche ont en grande
partie disparu et ont été remplacées par du tissu fibreux. Une
fibrillation auriculaire est quasiment toujours présente. Les pressions
et les résistances artériolaires pulmonaires sont normales ou peu
augmentées, alors que le débit cardiaque est diminué, expliquant la
modestie de la dyspnée et la prédominance de l’asthénie.
¦ Compliance auriculaire gauche modérément
augmentée
Il s’agit de la situation intermédiaire entre les deux premiers
groupes. Elle est habituellement rencontrée chez les patients ayant
des IM chroniques. L’oreillette gauche est dilatée de manière variable
avec une augmentation significative des pressions auriculaires
gauches.
PARAMÈTRES CONDITIONNANT LA FONCTION
VENTRICULAIRE GAUCHE
L’IM est responsable d’une surcharge volumétrique du ventricule
gauche qui se dilate. Dans l’IM aiguë, la réduction brutale de la postcharge
du ventricule gauche augmente la vitesse de contraction et le
raccourcissement des fibres myocardiques, permet une meilleure
vidange ventriculaire et le maintien d’un certain débit antérograde.
Dans l’IM chronique, on a longtemps pensé que la réduction de la
postcharge se maintenait, l’augmentation de la fraction d’éjection
(FE) du ventricule gauche masquant une éventuelle altération de la
contractilité. En fait, les études échographiques et hémodynamiques
ont démontré que la postcharge ventriculaire gauche, évaluée par la
contrainte pariétale systolique, était, dans la plupart des cas et dans
un premier temps, normale [14, 17, 22]. À un stade plus avancé, l’IM,
dite décompensée, se caractérise par une élévation des pressions de
remplissage du ventricule gauche dilaté, par une augmentation de
la contrainte pariétale systolique et une réduction de la FE [22]. À ce
stade, les résultats de la chirurgie sont plus aléatoires, avec un risque
élevé de dysfonction ventriculaire gauche résiduelle. Les séries de
l’hôpital Tenon, rapportées depuis 1983, ont bien souligné le rôle de
premier plan de la dysfonction ventriculaire gauche comme cause
de décès tardif après chirurgie [5, 7, 34, 62, 63]. Aussi, est-il fondamental
d’essayer de l’identifier.
Plusieurs indices de fonction ventriculaire peuvent être prédictifs de
cette dysfonction. Les indices systoliques sont à interpréter en
fonction des modifications des conditions de charge entraînées par
la surcharge volumétrique.
Cardiologie Insuffisances mitrales acquises 11-010-B-10
3
¦ Fraction d’éjection
Le plus simple d’entre eux est la FE du ventricule gauche. Sa valeur
pronostique est indiscutable. Dans une série de l’hôpital Tenon, les
taux de survie, 10 ans après la chirurgie, étaient de 63 % versus 81 %,
selon que la FE préopératoire se situait en deçà ou au-delà de
50 % [5]. Dans la série de Enriquez et al [35], la FE préopératoire est un
facteur prédictif indépendant de la fonction ventriculaire gauche
postopératoire, avec une valeur seuil de 60 %. En termes de survie à
10 ans, les taux observés sont de 32 % pour des FE inférieures à
50 %, 53 % pour les FE entre 50 et 60 %, 72 % pour des FE
supérieures à 60 %.
Le diamètre ventriculaire gauche télésystolique échographique a
également une valeur prédictive de dysfonction myocardique
postopératoire. Les études de Zile [100], Schuler [83], Michel et al [63],
Enriquez et al [35] permettent d’identifier comme patients à haut
risque ceux dont le diamètre télésystolique est supérieur à 45 mm.
Les études angiographiques de Borow, Crawford [12, 21] montrent le
rôle pronostique du volume télésystolique ventriculaire gauche, la
valeur seuil se situant entre 55 et 65 mL/m2.
¦ Autres indices
D’autres indices plus complexes et moins dépendants des conditions
de charge du ventricule gauche ont été proposés [13, 66, 88] : rapport
contrainte/volume télésystolique ou rapport contrainte/volume
télésystolique x FE, élastance systolique maximale. Leur valeur
prédictive du postopératoire est discutée et ils s’avèrent d’utilisation
moins aisée en pratique courante [18]. Le rôle pronostique de la
fonction ventriculaire droite a été montré par Rosen et al [78] dans
une série prospective de 31 patients atteints d’IM sévère
asymptomatique par prolapsus et étudiés par angiographie
isotopique ventriculaire droite et gauche, au repos et à l’effort. Les
travaux de Leung suggèrent la valeur pronostique de
l’échocardiographie d’effort mais demandent confirmation par des
mesures plus tardives de la fonction ventriculaire (au moins 1 an
après l’intervention) [58].
En définitive, plusieurs indices de fonction ventriculaire ont une
valeur prédictive sur la dysfonction myocardique postopératoire,
mais les modèles de prévision développés à partir de ces indices
(diamètre télésystolique, FE du ventricule gauche) ont des limites.
En effet, d’autres facteurs de dysfonction ventriculaire et de survie
postopératoire interviennent, en particulier le type de chirurgie :
conservatrice ou par prothèse (cf infra).
Le mécanisme exact de la dysfonction ventriculaire est encore mal
connu. Une hypothèse attrayante en attribue la responsabilité aux
modifications de la géométrie du ventricule gauche : la cavité du
ventricule gauche s’adapte à l’augmentation du débit, se dilate, tend
à devenir sphérique, mais l’hypertrophie qui l’accompagne est
insuffisante pour faire face à la surcharge volumétrique, à long
terme. Elle est de type excentrique, proportionnelle au degré de
dilatation, avec une paroi d’épaisseur normale ou peu augmentée.
La dysfonction va de pair avec des altérations de la contractilité et
de la structure des myofibrilles. Expérimentalement, la masse
myocardique paraît s’accroître non par augmentation de la synthèse
protidique, comme dans les surcharges de pression, mais par
ralentissement de la dégradation des protides [14].
Aspects cliniques
Ils sont divers, dépendant du volume de l’IM, de sa rapidité
d’installation, de la fonction ventriculaire gauche et d’éventuelles
cardiopathies associées.
SIGNES FONCTIONNELS
Ils ne surviennent que dans les régurgitations volumineuses.
L’IM aiguë a un tableau d’emblée riche et bruyant, mais influencé
par sa cause.
En cas de rupture de cordages, un syndrome dit de rupture,
comportant oedème pulmonaire et douleur thoracique, est observé
dans la moitié des cas.
Dans les ruptures de pilier, au cours d’un infarctus myocardique
aigu, le tableau est encore plus dramatique, associant état de choc et
oedème pulmonaire.
L’IM chronique est longtemps bien tolérée. Les symptômes
surviennent lors d’un passage en fibrillation auriculaire ou au stade
de défaillance cardiaque d’abord gauche puis globale. Les plus
précoces sont l’asthénie et la dyspnée d’effort. OEdème pulmonaire,
hémoptysies, dyspnée de décubitus s’observent plus tardivement et
moins fréquemment que dans les sténoses mitrales.
SIGNES D’EXAMEN
La palpation, dans les régurgitations importantes, peut montrer un
choc apexien dévié en bas et en dehors et d’amplitude exagérée, et
parfois un frémissement systolique de même siège. Il est rare de
percevoir dans la région sternale basse un soulèvement systolique
lié au refoulement du coeur par une grosse oreillette gauche
expansive.
L’auscultation montre le signe essentiel, le souffle systolique apexien.
Dans les IM volumineuses, il est en règle holosystolique, débutant
dès le premier bruit, se poursuivant jusqu’au deuxième bruit qu’il
peut englober. Dans les IM modérées ou discrètes, le souffle est
parfois holosystolique, mais habituellement proto- et mésosystolique
ou méso- et télésystolique s’il s’agit d’une maladie de Barlow. Il est
alors précédé d’un click mésosystolique.
Son timbre est typiquement doux, en jet de vapeur, mais dans
certains cas (prolapsus valvulaires), peut être râpeux ou musical. Son
intensité est habituellement corrélée au degré de la régurgitation.
Elle est le plus souvent élevée dans les IM importantes et
inversement. Toutefois, dans certains cas d’IM sévères, le souffle
peut être de faible intensité s’il y a obésité, emphysème pulmonaire
ou si le débit cardiaque est effondré (infarctus myocardique). Son
siège d’intensité maximale est apexien et ses irradiations habituelles
vers l’aisselle, mais parfois aussi l’endapex et la base dans certaines
étiologies (prolapsus de la petite valve). Cette irradiation ascendante
est liée à la direction du jet de régurgitation vers le septum
interauriculaire et l’aorte et peut simuler une auscultation de sténose
aortique. Le souffle diminue en orthostatisme et lors de la
manoeuvre de Valsalva mais ne varie pas d’intensité selon la durée
des diastoles, ce qui le distingue des souffles éjectionnels.
Le premier bruit a une intensité normale mais peut, dans les
étiologies rhumatismales, être augmenté. Le deuxième bruit est
parfois dédoublé dans les IM sévères et aiguës, en raison de la
diminution importante du temps d’éjection aortique. Un éclat du
deuxième bruit pulmonaire est parfois noté dans les IM évoluées,
témoignant d’une hypertension artérielle pulmonaire. Un bruit de
galop droit, un souffle d’insuffisance tricuspidienne fonctionnelle
peuvent être audibles au stade d’insuffisance ventriculaire droite.
Dans les régurgitations importantes, le souffle est suivi d’un
troisième bruit, témoignant de l’accélération du remplissage
ventriculaire rapide, et très souvent, d’un roulement
protodiastolique de faible intensité par sténose mitrale fonctionnelle.
Un quatrième bruit est fréquemment perçu dans les IM aiguës, et
dans les IM chroniques ischémiques ou fonctionnelles quand le
rythme reste sinusal.
Examens paracliniques
ÉLECTROCARDIOGRAMME
Il est normal dans les fuites mitrales discrètes ou modérées et dans
les IM volumineuses aiguës, en début d’évolution. Les anomalies
du tracé sont celles de la cardiopathie causale dans l’IM
fonctionnelle. Dans l’IM organique, volumineuse, chronique,
plusieurs modifications électrocardiographiques sont habituelles :
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
4
– une fibrillation auriculaire, conséquence de la dilatation
auriculaire gauche ; elle est observée dans les trois quarts des cas ;
– une hypertrophie auriculaire gauche lorsque le rythme est
sinusal ;
– une hypertrophie ventriculaire gauche dont l’aspect le plus
caractéristique est celui de la surcharge diastolique avec des ondes
Q profondes, des ondes T positives dans les précordiales gauches ;
un aspect de surcharge biventriculaire est possible en cas
d’hypertension artérielle pulmonaire.
EXAMEN RADIOLOGIQUE (fig 2)
Il contribue à évaluer le degré de dilatation des cavités cardiaques
et le retentissement de la régurgitation sur la petite circulation. Dans
l’IM aiguë, le coeur reste de volume normal pendant un certain
temps d’évolution, aspect contrastant avec des images de stase
veineuse et/ou d’oedème pulmonaire. Dans l’IM chronique, si elle
est volumineuse, une dilatation de l’oreillette gauche et du
ventricule gauche est usuelle.
Parfois même, et plus volontiers dans les étiologies rhumatismales,
l’oreillette gauche devient ectasique.
La recherche de calcifications mitrales à l’amplificateur de brillance
doit être systématique, mais elles sont rares dans les insuffisances
pures, hormis celles de l’anneau dans les formes dégénératives.
EXAMEN PHONOMÉCANOGRAPHIQUE
Pratiqué autrefois en routine, son intérêt a considérablement
diminué depuis l’usage des techniques ultrasoniques. Le
phonocardiogramme précise les données stéthacoustiques, en
particulier la chronologie du souffle, du troisième bruit, 0,11 à
0,17 secondes après le deuxième bruit et enregistre le roulement
protodiastolique. Le carotidogramme, en cas de régurgitation
importante, prend un aspect symétrique en triangle isocèle, avec un
temps d’éjection corrigé diminué. Sur l’apexogramme, la présence
d’une grande onde E est un bon témoin du volume de la fuite.
ÉCHODOPPLER
L’échographie-doppler a transformé l’approche de l’IM en
s’imposant comme l’examen clé, indispensable au diagnostic et à la
stratégie thérapeutique de la maladie. Méthode non invasive,
facilement reproductible et relativement peu onéreuse, elle permet
de poser le diagnostic de la fuite, d’en préciser le mécanisme et
l’étiologie, d’évaluer sa sévérité, son retentissement sur les cavités
gauches et les pressions pulmonaires, ainsi que les éventuelles
lésions valvulaires associées. De plus, réalisée dans la période
opératoire, elle fournit des renseignements précieux sur la qualité
de la chirurgie conservatrice de la valve.
¦ Diagnostic positif
Le diagnostic d’IM est facilement posé au doppler sous toutes ses
modalités. En doppler pulsé, le volume d’échantillon est placé juste
derrière la zone de coaptation mitrale ; après balayage soigneux de
toute la région, la fuite mitrale se manifeste par un signal systolique,
turbulent, de part et d’autre de la ligne du zéro (phénomène
d’aliasing). En doppler continu, le flux de l’IM est holosystolique,
négatif et de haute vélocité (voie apicale). Enfin, le doppler couleur
permet un diagnostic positif très rapide sous la forme d’un jet
systolique mosaïque naissant des valves mitrales et s’étendant dans
l’oreillette gauche ; la trajectoire du jet est variable en fonction du
mécanisme de la fuite, rendant nécessaire la multiplication des
incidences. L’échographie transoesophagienne (ETO) a affiné le
diagnostic positif, notamment dans les fuites minimes chez des
patients peu échogènes, de telle sorte que la sensibilité et la
spécificité du doppler, en général, avoisinent les 100 % dans presque
tous les travaux publiés, ce qui en fait actuellement la méthode de
référence.
¦ Étude morphologique de l’appareil mitral
Feuillets valvulaires
La valve mitrale postérieure s’insère sur environ deux tiers de la
circonférence de l’anneau et comprend trois segments : P1
(antérieur), P2 (médian) et P3 (postérieur), alors que la valve mitrale
antérieure s’insère seulement sur le tiers de la circonférence de
l’anneau mais est plus longue que la valve postérieure, de sa zone
d’insertion à son bord libre.
Le feuillet antérieur est également divisé en trois segments : A1, A2,
A3, attenant respectivement aux segments P1, P2 et P3. Les deux
valves sont séparées par deux commissures : la commissure
antérieure (entre A1 et P1) et la commissure postérieure (entre A3 et
P3). L’étude valvulaire repose essentiellement sur l’analyse
échographique bidimensionnelle, en échographie transthoracique
(ETT) ou ETO, et comporte d’une part l’appréciation de la texture
de la valve, et d’autre part l’étude de la cinétique. Les atteintes
morphologiques sont variables et regroupent épaississements,
calcifications, nodules fibreux, ballonnisations, redondances,
prolapsus, végétations et perforations ; elles peuvent être
parfaitement localisées, ce qui revêt une importance capitale pour le
chirurgien en cas d’indication opératoire. Quant à la cinétique de la
valve mitrale, elle peut être normale, exagérée ou limitée, en fonction
de l’étiologie de la fuite.
Anneau mitral
Il a une forme elliptique, en selle, avec un grand axe
intercommissural et un petit axe antéropostérieur. Les trigones
fibreux droit et gauche étant très rigides, il ne peut se dilater que
dans le sens antéropostérieur. Le diamètre de l’anneau mitral est
mesuré en télédiastole, et ne devrait pas dépasser 35 mm chez un
adulte normal. Un rapport entre le diamètre de l’anneau et la
longueur de la grande valve, mesuré en diastole dans le même plan,
supérieur à 1,3, est synonyme d’une dilatation annulaire. On
recherche également des calcifications de l’anneau, notamment dans
sa partie postérieure, sous la forme d’échos très brillants. La coupe
parasternale petit axe, en ETT, montre leur siège. Les coupes
bidimensionnelles (BD) petit axe de l’anneau obtenues à partir des
images tridimensionnelles (3D) en ETO en permettent la meilleure
analyse [19].
Appareil sous-valvulaire
L’analyse de l’appareil sous-valvulaire est effectuée en mode
bidimensionnel. Elle permet d’apprécier l’épaisseur des cordages,
leur longueur depuis l’extrémité du pilier jusqu’à l’insertion
valvulaire, une longueur inférieure à 10 mm signant une rétraction
importante, et de poser le diagnostic de rupture de cordages
notamment par ETO. Les piliers ont normalement la même
échogénicité que le myocarde adjacent. Un pilier très échogène au
contact d’une paroi akinétique évoque sa nécrose.
Étude du ventricule gauche
Une analyse soigneuse de la cinétique segmentaire et globale du
ventricule gauche doit être réalisée à la recherche d’une cardiopathie
ischémique.
2 Radiographie thoracique
de face d’une insuffisance
mitrale. Noter la dilatation
de l’oreillette gauche
et du ventricule gauche et
l’aspect de stase veineuse.
Cardiologie Insuffisances mitrales acquises 11-010-B-10
5
¦ Mécanismes de l’insuffisance mitrale
L’échocardiographie permet d’analyser les mécanismes des fuites
mitrales selon la classification proposée par Carpentier.
– Le type I correspond aux IM où les mouvements valvulaires sont
normaux, liées à des dilatations ou des calcifications de l’anneau
ainsi qu’à des perforations valvulaires.
– Le type II se définit par un mouvement valvulaire exagéré d’une
ou des deux valves. C’est le cas des prolapsus par rupture ou
élongation des cordages et/ou des piliers.
– Le type III se caractérise par des mouvements valvulaires
restreints aboutissant à une diminution de la surface de coaptation
entre les deux valves. Il regroupe les pathologies rhumatismales et
ischémiques.
Des associations entre ces trois types sont possibles.
¦ Diagnostic étiologique
Insuffisances mitrales dégénératives (fig 3, 4)
Le prolapsus valvulaire mitral est défini par le passage du bord libre
d’une ou des deux valves au-delà du plan de l’anneau dans
l’oreillette gauche, en systole. Il se traduit à l’échocardiographie TM
par une cupule télésystolique ou un aspect en « hamac »
holosystolique excédant 3 mm. L’aspect échographique
bidimensionnel peut être majoré par la coupe apicale quatre cavités
en raison de la forme en « selle » de l’anneau mitral. Ainsi, le
prolapsus doit être confirmé par la coupe longitudinale parasternale.
Le terme de ballonnisation, en revanche, est réservé à la seule
protrusion du corps de la valve dans l’oreillette gauche, en systole,
sans implication du bord libre. On parle de valve mitrale flottante
en cas d’éversion complète d’un feuillet avec perte totale de
coaptation valvulaire. Les IM dégénératives sont secondaires à des
élongations ou à des ruptures de cordages entraînant un prolapsus
valvulaire mitral. L’ETO permet de mieux analyser ces prolapsus et
de visualiser les ruptures de cordages, notamment en cas de
mauvaise échogénicité, avec une sensibilité supérieure à 85 %
[19, 33, 94]. Elle permet de distinguer les lésions dystrophiques avec des
valves épaissies, redondantes par excès tissulaire. Surtout, elle
localise le prolapsus qui peut intéresser, de façon plus ou moins
importante un seul ou deux feuillets, une commissure, éventualité
qui rend plus difficile le geste chirurgical conservateur.
L’échographie 3D trouve ici l’une de ses meilleures indications car
permettant une étude précise du prolapsus et particulièrement de
son extension [19]. La direction du jet au doppler couleur confirme la
lésion prédominante [89], centrale dans les prolapsus bivalvulaires,
antihoraire et inférieure dans les prolapsus du feuillet antérieur,
horaire et supérieure dans les prolapsus du feuillet postérieur. Enfin,
le diamètre de l’anneau mitral, la présence et l’importance des
calcifications de l’anneau, élément très important pour le chirurgien,
sont précisés.
Insuffisances mitrales rhumatismales
Les lésions morphologiques caractéristiques du diagnostic sont
représentées par l’épaississement, prédominant à l’extrémité, et la
réduction de la mobilité des feuillets, ainsi que par le remaniement
de l’appareil sous-valvulaire. Dans les formes modérées, l’atteinte
prédomine sur la petite valve qui est épaissie, rétractée, de cinétique
réduite, associée à un prolapsus fonctionnel de la grande valve. Le
jet de l’IM est, dans ce cas, excentré, dirigé sous la petite valve. Dans
les formes plus sévères, épaississement, rigidité et diminution de la
mobilité intéressent les deux feuillets, antérieur et postérieur,
associés à un remaniement plus ou moins important de l’appareil
sous-valvulaire sous la forme de cordages épaissis, raccourcis et
fusionnés. L’existence d’une fusion commissurale engendre une
maladie mitrale, avec prédominance de sténose ou de régurgitation
en fonction des lésions observées. Une rupture de cordages associée
est possible mais rare.
Des lésions similaires sont observées dans le lupus et dans le
syndrome des antiphospholipides, parfois associées à de petites
végétations abactériennes sur le versant atrial des feuillets [19, 39, 77].
Insuffisances mitrales infectieuses (fig 5, 6, 7)
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de végétations sous la
forme d’un épaississement localisé de la valve ou d’une masse
échogène adhérente, sessile ou pédiculée, ne modifiant pas le jeu
valvulaire. Les ruptures de cordages associées sont fréquentes, et
3 Échographie transthoracique,
coupe parasternale
petit axe. Maladie de Barlow
avec important excès
tissulaire des deux valves.
4 Échographie transoesophagienne,
coupe transverse.
Maladie de Barlow
avec redondance et prolapsus
étendu des deux
feuillets mitraux. ANN :
anneau ; VMP : valve mitrale
postérieure ; VMA :
valve mitrale antérieure.
5 Échographie transoesophagienne,
coupe longitudinale.
Volumineuse végétation
mitrale.
6 Échographie transoesophagienne,
coupe transverse.
Endocardite mitrale
avec volumineuse perforation
de la valve antérieure.
OG : oreillette gauche ;
VG : ventricule gauche.
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
6
répondent aux mêmes critères diagnostiques que les ruptures de
cordages spontanées. Le diagnostic des petites végétations, ainsi que
celui des végétations situées sur les cordages, est amélioré par
l’ETO [19]. Cette dernière détecte également avec beaucoup plus de
précision les anévrismes valvulaires, les perforations et les abcès de
l’anneau mitral [23], complications possibles de l’endocardite
infectieuse.
Insuffisances mitrales ischémiques
Quand l’IM résulte de la rupture partielle ou plus rarement totale
d’un pilier, le diagnostic est porté devant l’association d’une
éversion complète d’un feuillet valvulaire dans l’oreillette gauche
en systole et d’une masse dense, échogène, très mobile, appendue
aux cordages [19] et qui correspond au pilier rompu. Compte tenu de
l’état hémodynamique très précaire de ces patients, la voie
transoesophagienne s’impose comme l’examen de choix [80], de
préférence aux méthodes invasives.
Dans les formes chroniques, on note l’association d’une akinésie
étendue ou d’une dyskinésie de la paroi sous-jacente au pilier et
d’une « dysfonction » du pilier qui, dans la grande majorité des cas,
intéresse la paroi inférieure et le pilier postérieur. L’IM résulte, dans
ce cas, d’un défaut de coaptation secondaire à un mouvement
restrictif affectant la commissure interne et les portions adjacentes
des deux feuillets (type III). Le jet de la fuite est dirigé du même
côté que le feuillet rétracté, par opposition au jet des prolapsus
valvulaires. À noter que, dans les IM ischémiques, le tissu valvulaire
est le plus souvent normal. Quant au pilier intéressé, il apparaît en
échographie très dense s’il est fibrosé. Dans certaines variétés, la
fibrose du pilier, habituellement postérieur, va de pair avec son
élongation, entraînant le prolapsus de la partie postérieure des
grande et petite valves (cf supra).
Insuffisances mitrales fonctionnelles
Elles résultent de la dilatation du ventricule gauche (cf supra). Les
valves mitrales sont morphologiquement normales, mais on note,
en systole, un défaut de coaptation des feuillets avec un jet
régurgitant central au doppler. L’évolution de ces IM varie en
fonction de l’amélioration ou de la détérioration de la fonction du
ventricule gauche.
Autres insuffisances mitrales
Dans les cardiomyopathies obstructives (CMO), le mouvement
systolique antérieur de la grande valve, ainsi que la désaxation
ventricule gauche-aorte sont responsables d’une régurgitation
mitrale excentrée, antihoraire, en dehors et en bas. Elle est présente,
à des degrés différents, dans environ 50 % des cas. Enfin, dans les
syndromes hyperéosinophiliques, type endocardites de Loeffler, le
feuillet postérieur reste figé en systole en raison d’une fibrose
importante sous-jacente, ce qui engendre une fuite mitrale selon le
sens antihoraire.
¦ Quantification des insuffisances mitrales
La quantification repose sur des critères indirects appréciant le
retentissement hémodynamique de la fuite mitrale, sur des
méthodes semi-quantitatives au doppler, et enfin sur des méthodes
quantitatives de calcul de la fraction de régurgitation mitrale et
d’étude de la zone de convergence (proximal isovelocity surface area
[PISA]). La multiplicité de ces méthodes démontre qu’aucune ne
bénéficie d’une fiabilité absolue et que la quantification de l’IM doit
reposer sur la conjonction de plusieurs critères.
Évaluation du retentissement de l’insuffisance mitrale
Il s’agit d’une étape capitale qui va guider la décision thérapeutique.
En cas d’IM importante et chronique, il existe une surcharge
volumétrique du ventricule gauche qui est dilaté et hyperkinétique,
ainsi qu’une dilatation de l’oreillette gauche. L’échographie TM et
BD permet la mesure des dimensions du ventricule et de l’oreillette
gauches, de la masse du ventricule gauche, ainsi que de sa
contrainte pariétale [54, 100]. La fonction ventriculaire gauche à l’effort
peut être mesurée par l’échographie de stress [58].
En cas de régurgitation aiguë, la dilatation cavitaire n’a pas eu le
temps de se constituer et on retrouve seulement l’hyperkinésie.
La mesure des pressions pulmonaires est possible à partir de
l’analyse des flux d’insuffisance tricuspide et d’insuffisance
pulmonaire. Notons que la morphologie du flux d’IM au doppler
continu peut contribuer au diagnostic des fuites volumineuses,
notamment aiguës. L’augmentation rapide de la pression auriculaire
gauche au cours de la systole va entraîner une diminution
progressive du gradient de pression systolique entre le ventricule
gauche et l’oreillette gauche, d’où un flux de morphologie
triangulaire avec pic protosystolique correspondant à l’onde V
géante en hémodynamique.
Méthodes semi-quantitatives
· Cartographie du jet de régurgitation
L’analyse de l’extension du jet de régurgitation en doppler pulsé a
constitué une des premières méthodes proposées pour la
quantification des fuites mitrales, mais elle a été totalement
supplantée par les autres méthodes, notamment par le doppler
couleur.
– Largeur du jet à son origine.
La mesure du diamètre du jet d’IM à son origine a été effectuée en
doppler pulsé à codage couleur. Elle doit être réalisée au niveau de
la zone la plus étroite du jet (vena contracta) faisant immédiatement
suite à la zone de convergence et précédant l’extension du jet. Elle
reflète directement la taille de l’orifice régurgitant. Cette mesure par
voie transthoracique n’est pas toujours possible du fait du caractère
variable de l’orientation du jet, et l’ETO trouve ici une indication de
choix. Les valeurs seuils en faveur d’une fuite importante et d’après
plusieurs études concordantes sont de 6,5 mm en ETT et de 6 mm
en ETO multiplan [43, 91]. Les limites de cette méthode sont les jets
multiples, la forme fréquemment non circulaire de l’orifice de
régurgitation, les jets commissuraux et les fuites paraprothétiques.
– Planimétrie du jet régurgitant.
Elle a supplanté la méthode classique qui consistait à analyser la
longueur maximale du jet de régurgitation selon une classification
en quatre stades et qui présentait d’importantes zones de
chevauchement. Elle implique de planimétrer la surface totale du jet
en ETT et seulement la surface mosaïque du jet par voie
transoesophagienne [16]. Une surface totale du jet supérieure à 8 cm2
est, pour Spain et al [87], en faveur d’une fuite importante en ETT,
alors qu’une surface inférieure à 4 cm2 plaide pour une fuite
modérée. Par voie transoesophagienne, une surface totale mosaïque
du jet supérieure à 5 à 9 cm2, selon les auteurs, évoque une IM
importante. Ces valeurs seuils ont été contestées [91].
On peut, de manière aussi simple, rapporter la surface du jet
régurgitant à la surface de l’oreillette gauche par voie
7 Doppler couleur. Jet au
travers de la solution de
continuité de la valve mitrale
dirigé vers le plancher
de l’oreillette gauche. Même
malade que celui de la figure
6.
Cardiologie Insuffisances mitrales acquises 11-010-B-10
7
transthoracique, en retenant l’incidence dans laquelle ce rapport est
le plus élevé. Lorsque ce dernier dépasse 40 %, la fuite mitrale est,
pour Helmcke et al [47], très vraisemblablement importante alors
qu’elle est modérée pour un rapport inférieur à 20 %.
En fait, la méthode souffre de limites, car si l’aspect du jet dépend
effectivement de l’importance de la fuite, d’autres paramètres
peuvent intervenir, tels que la taille et la compliance de l’oreillette
gauche, l’énergie cinétique du jet déterminée par le gradient de
pression systolique ventricule-oreillette gauches, l’orientation du jet,
l’échogénicité des patients et certains réglages de machines. Ainsi,
les jets adhérents à la paroi de l’oreillette gauche, comme dans les
prolapsus valvulaires, ont tendance à être sous-estimés [91].
En définitive, cette cartographie est peu précise, particulièrement en
présence de jets excentrés, en raison du caractère multifactoriel de
l’image doppler couleur et des variations temporelles du jet
régurgité [91].
· Flux veineux pulmonaire
L’étude du flux veineux pulmonaire nécessite le plus souvent le
recours à l’ETO qui seule permet l’analyse des quatre veines
pulmonaires. Une inversion holosystolique ou mésotélésystolique du
flux, témoin de l’onde V hémodynamique et de l’élévation brutale
de la pression auriculaire gauche, plaide en faveur d’une IM
importante [32, 91]. En revanche, une abrasion de la composante
systolique sans inversion manque de spécificité et ne permet pas de
conclure à une IM sévère.
La direction du jet régurgitant influence le flux veineux pulmonaire,
ce qui implique l’étude des quatre veines pulmonaires. Ainsi, le
prolapsus de la valve mitrale antérieure va engendrer un jet dirigé
préférentiellement vers les veines pulmonaires gauches, alors que le
jet résultant du prolapsus de la valve postérieure va se répercuter
essentiellement sur les veines pulmonaires droites. Cependant, la
sensibilité et la spécificité de cette méthode ne sont pas absolues et
dépendent directement de la compliance et de la pression de
l’oreillette gauche. Ainsi, une inversion du flux veineux pulmonaire
est plus marquée lorsque l’oreillette gauche est de petite taille. Elle
peut d’autre part être enregistrée en cas d’élévation de la pression
auriculaire gauche dans des pathologies diverses, et cela malgré
l’absence de fuite mitrale [91].
· Autres critères
Un signal acoustique dense bien formé au doppler continu, ainsi
qu’une augmentation de la vélocité de l’onde E mitrale supérieure
ou égale à 1,5 m/s, en dehors de toute sténose associée, évoquent
une fuite mitrale importante.
Méthodes quantitatives
· Calcul de la fraction d’éjection de régurgitation
La fraction de régurgitation (FR) en cas d’IM peut s’obtenir par la
différence entre le volume antérograde mitral (VM) et le volume
d’éjection aortique (VEA), rapportée au volume antérograde mitral :
(VM - VEA)/VM. Le VM peut être calculé, soit au niveau de
l’anneau mitral, soit à l’extrémité des feuillets mitraux. Ces
déterminations connaissent des limites :
– application difficile chez les patients peu ou pas échogènes et en
cas d’arythmie complète ;
– sous-estimation de la FR en cas d’insuffisance aortique
significative associée.
La FR et le VR peuvent aussi être calculés à partir du volume
d’éjection ventriculaire gauche échographique (VEVG) et du volume
d’éjection aortique : VR = VEVG - VEA et FR = VR/VEVG. Le
VEVG est calculé en échographie 2D, ces mesures étant actuellement
facilitées par l’imagerie de seconde harmonique [91]. Certains auteurs
ont proposé une méthode plus simplifiée [95]. Elle consiste à calculer
le rapport intégrale temps vitesse (ITV) du flux diastolique mitral
sur ITV du flux d’éjection aortique, le flux mitral étant enregistré à
l’extrémité des feuillets ; un rapport supérieur à 1,3 est en faveur
d’une IM importante.
Ce procédé n’est pas applicable en cas de rétrécissement mitral, de
prothèse mitrale ou de valvulopathie aortique, et est peu fiable en
cas de fibrillation auriculaire.
· Étude de la zone de convergence (fig 8, 9, 10)
La zone de convergence ou PISA est une zone de flux laminaire
située sur le versant ventriculaire de la valve mitrale au niveau de
laquelle le flux converge vers l’orifice de régurgitation. Plus on se
rapproche de cet orifice, plus les surfaces au niveau desquelles la
vitesse est uniforme sont petites et plus le flux s’accélère. Le débit
au niveau de chaque surface peut être calculé en multipliant la
surface par la vitesse correspondante. Or, le principe de la
conservation du débit implique que le débit calculé est identique au
niveau de chaque surface d’isovélocité et correspond au débit de
l’orifice de régurgitation. Le doppler couleur permet de visualiser la
zone de convergence et de mesurer le rayon de la surface
d’isovélocité correspondant à la zone de premier aliasing. En
multipliant cette surface (2pR2) par la vitesse d’aliasing, on peut
calculer le débit au niveau de cette surface à vélocité identique et
celui-ci est égal au débit régurgitant [74]. Cette méthode nécessite une
technique rigoureuse d’utilisation : vitesse d’aliasing diminuée entre
30 et 40 cm/s afin d’augmenter le rayon de la surface d’isovélocité,
réglage au minimum du gain couleur, mesure de la valeur la plus
grande du rayon en mésosystole. Elle a l’avantage d’être exploitable,
surtout en ETT, mais aussi par voie transoesophagienne [70]. L’étude
de la zone de convergence permet de calculer quatre paramètres :
– le débit instantané régurgitant maximal évoquant une fuite mitrale
importante s’il est supérieur à 110 mL/s ;
8 Zone de convergence par voie transthoracique en coupe apicale. Le flux
se dirigeant vers l’orifice de régurgitation s’éloigne du capteur. De couleur bleue, il devient
jaune lorsque la vitesse d’aliasing est atteinte. Celle-ci a été abaissée à 31 cm/s.
Le rayon maximum « R » de la surface d’isovélocité est mesuré à 1 cm. Le débit régurgitant
instantané maximal est calculé à 2pR2 × v = 194 mL/s (fuite mitrale importante
rhumatismale). IM : insuffisance mitrale.
9 Zone de convergence en modeTMcouleur par voie transthoracique. Le rayon de la
surface d’isovélocité est constant durant toute la systole. IM : insuffisance mitrale.
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
8
– la surface de l’orifice régurgitant, calculée en divisant le débit de
l’orifice régurgitant par la vitesse maximale du flux d’IM,
significative d’une fuite sévère, si elle est supérieure à 35 mm2 ;
– le VR en multipliant la surface de l’orifice régurgitant par l’ITV
du flux d’IM et qui excède 60 mL dans les fuites importantes ;
– enfin, la FR en divisant le VR par la somme du VR et du VEA
(d2/4 x ITV aortique), et qui plaide en faveur d’une fuite importante
si elle dépasse 50 % [30, 38].
Cette méthode a de nombreux avantages : elle est utilisable en cas
d’arythmie complète, de maladie mitrale ou de valvulopathie
aortique associée. Elle est faisable dans plus de 90 % des cas [91]. Elle
est d’utilisation rapide et nécessite une période d’apprentissage
relativement courte. Ses limites sont liées au choix de la vitesse
d’aliasing, à la mesure et aux variations du rayon au cours de la
systole, au risque de confinement de la zone d’isovitesse par des
structures adjacentes [91].
¦ Apport de l’échographie peropératoire
L’échographie peut être effectuée par voie épicardique directe ou
surtout par voie transoesophagienne, loin des champs stériles. Selon
plusieurs études, elle est susceptible de modifier la stratégie
opératoire dans 6 à 19%des cas [10]. Elle peut parfois conduire à une
réintervention immédiate en vue de corriger l’anomalie valvulaire
résiduelle [10, 89]. Selon les centres, elle est conseillée systématiquement
pour tout geste de plastie mitrale ou réservée aux
plasties complexes ou techniquement difficiles.
EXAMENS ISOTOPIQUES
L’angiographie isotopique peut être un complément utile des
techniques échodoppler. Son principal intérêt est de permettre une
analyse fiable de la fonction ventriculaire des deux ventricules au
repos et à l’effort. La scintigraphie cavitaire permet de mesurer avec
précision la FE des deux ventricules dont on connaît la valeur
pronostique dans l’IM. C’est la méthode idéale de quantification et
de suivi au long cours de la fonction ventriculaire, aussi bien gauche
que droite. L’évaluation des volumes ventriculaires est possible,
mais avec certaines causes d’erreurs et une reproductibilité modeste.
Les méthodes isotopiques sont relativement décevantes pour la
quantification des régurgitations. Quelle que soit la technique
utilisée [8, 73] : comparaison du volume d’éjection des deux ventricules
en l’absence de fuite tricuspidienne ou aortique, comparaison du
volume total d’éjection du ventricule gauche au volume
antérograde, étude des courbes de passage du traceur à travers les
cavités gauches, elles ne semblent fiables que pour quantifier les
fuites importantes, et sont donc peu utilisées en pratique courante.
IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
ET TOMODENSITOMÉTRIE
La détection et la quantification de l’IM ont déjà été validées par
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) [51]. Une étude par
tomodensitométrie à faisceau d’électrons s’est aussi avérée
performante pour déterminer le volume régurgitant [53]. Cependant,
ces méthodes prometteuses sont coûteuses et ne sont demandées
que dans des situations où l’échodoppler, examen de référence,
s’avère d’interprétation difficile [96].
EXPLORATION INVASIVE
Elle est de moins en moins utilisée depuis la pratique des techniques
ultrasoniques. Le cathétérisme cardiaque permet, lorsqu’il est réalisé,
le bilan hémodynamique, une évaluation qualitative et quantitative
de la fuite, une étude de la fonction ventriculaire gauche et, chez
certains patients, l’appréciation de l’état des coronaires.
¦ Bilan hémodynamique
Les effets hémodynamiques de l’IM dépendent de l’importance de
la régurgitation et de la compliance auriculaire gauche. Une IM
aiguë entraîne, dans les minutes qui suivent, une élévation des
pressions diastoliques ventriculaires gauches, capillaires et artérielles
pulmonaires, avec une diminution modeste de l’index cardiaque.
Surtout, la pression capillaire est caractérisée par l’apparition d’une
grande onde V pouvant atteindre 80 mmHg [69]. Dans les fuites
chroniques importantes, on note habituellement une augmentation
modérée des pressions auriculaires gauches, capillaires et artérielles
pulmonaires, avec une diminution franche de l’index cardiaque.
L’onde V capillaire est moins proéminente que dans les
régurgitations aiguës. En pratique, la valeur diagnostique de l’onde
V dans l’évaluation de la sévérité de l’IM reste médiocre [86].
Appréciation de la sévérité de la fuite
L’angiographie du ventricule gauche permet le diagnostic
étiologique d’un certain nombre de fuites mitrales, notamment en
cas de prolapsus valvulaire, d’orientation particulière du jet de
régurgitation ou de l’existence d’une zone akinétique ou
dyskinétique du myocarde. Cependant, ces renseignements
étiologiques restent de loin moins précis que ceux fournis par
l’échocardiographie doppler.
Appréciation qualitative de la fuite mitrale
Elle doit être réalisée en l’absence d’extrasystoles, et repose sur la
classification classique de Sellers en quatre catégories :
– grade 1 : régurgitation minime du produit de contraste derrière la
mitrale dans l’oreillette gauche, se lavant à chaque cycle ;
– grade 2 : régurgitation modérée opacifiant incomplètement
l’oreillette gauche qui ne se lave pas totalement à chaque cycle ;
– grade 3 : régurgitation volumineuse remplissant complètement
l’oreillette gauche dont la densité égale celle du ventricule gauche ;
– grade 4 : régurgitation massive opacifiant l’oreillette gauche en
une systole avec accentuation de la densité à chaque battement et
reflux dans les veines pulmonaires.
Cette évaluation peut être modifiée par un certain nombre de
facteurs : importance de la dilatation des cavités gauches, altération
de la contractilité, baisse du débit cardiaque.
Appréciation quantitative de la fuite
L’analyse quantitative de la fuite repose sur la détermination du
volume régurgité qui est égal au volume d’éjection systolique total
10 Flux d’insuffisance mitrale en doppler continu du même patient. La surface
de l’orifice régurgitant est calculée par le rapport du débit régurgitant instantané maximal
sur la vitesse maximale de la fuite : 194/525 = 0,37 cm2 = 37mm2. Le volume régurgitant
est calculé en multipliant la surface de l’orifice régurgitant par l’intégrale
temps vitesse (ITV) du flux d’insuffisance mitrale = 37 × 1,67 = 61,8 mL.
Cardiologie Insuffisances mitrales acquises 11-010-B-10
9
calculé par méthode angiographique, moins le volume d’éjection
systolique effectif antérograde, calculé par dilution du colorant ou
par le principe de Fick. La FR est égale au volume régurgité divisé
par le volume d’éjection systolique total du ventricule gauche. Une
FR inférieure à 20 % correspond à une IM légère, entre 20 et 40 % à
une insuffisance modérée, entre 40 et 60 % à une fuite importante et
au-delà de 60 % à une fuite massive. Cette méthode est souvent
utilisée comme valeur de référence pour la quantification des IM
mais comporte des causes d’erreur, en particulier l’absence de
simultanéité entre les deux mesures et l’utilisation de techniques
différentes de mesure des débits, chacune ayant ses limites et sa
marge d’erreur.
¦ Étude de la fonction ventriculaire gauche
Les volumes ventriculaires gauches diastolique et systolique
augmentent en fonction de l’importance de la fuite, de la durée
d’évolution et de l’étiologie de la régurgitation. La FE du ventricule
gauche ainsi que le volume télésystolique restent les paramètres les
plus utilisés en pratique courante, car de bonne valeur pronostique.
La FE est parfois élevée dans les fuites aiguës, mais elle diminue
progressivement avec le temps. Une FE inférieure à 60 % dans le
cadre d’une IM importante témoigne déjà d’une dysfonction
ventriculaire gauche. Compte tenu des modifications des conditions
de charge, certains auteurs ont préconisé l’emploi des indices
télésystoliques pour apprécier la contractilité. Cependant, l’intérêt
pronostique de certains indices complexes est incertain (cf supra).
¦ Indication de la coronarographie
En raison du pronostic péjoratif lié à l’association des lésions
coronariennes à une IM, la réalisation de la coronarographie est
systématique dans le cadre du bilan préopératoire à partir de 50 ans
ou, chez des sujets plus jeunes, en cas de facteurs de risque
coronariens.
Diagnostic de sévérité
d’une insuffisance mitrale
Cette évaluation conditionne la stratégie thérapeutique.
CRITÈRES INDIRECTS
– La tolérance fonctionnelle de la valvulopathie est à prendre en
compte.
Des manifestations patentes d’insuffisance cardiaque gauche ou
globale sont l’indice d’une régurgitation sévère, à condition que l’IM
soit seule en cause, et que l’on puisse écarter une cardiopathie
associée : hypertension artérielle, dysfonction myocardique
ischémique ou primitive (cardiomyopathie), autre valvulopathie,
trouble du rythme (fibrillation auriculaire) pouvant être responsable
de la décompensation.
– Certains signes recueillis à l’examen clinique sont évocateurs
d’une régurgitation volumineuse : souffle holosystolique intense,
frémissant, et à larges irradiations ; troisième bruit sonore ;
roulement protodiastolique, en l’absence de sténose mitrale associée.
– Le mécanisme de l’IM, précisable par les ultrasons, a une grande
valeur d’orientation : une rupture partielle ou totale de piliers, une
rupture de cordages avec valve flottante, une large perforation d’un
feuillet mitral dans le cadre d’un Osler, déterminent en règle des
régurgitations sévères.
CRITÈRES DIRECTS
Ils peuvent être tirés des explorations ultrasoniques et parfois
invasives.
¦ Critères qualitatifs ou semi-quantitatifs
– Large surface du jet régurgitant en doppler couleur, supérieure
ou égale à 8 ou 9 cm2 selon les auteurs en ETT.
– Largeur du jet à l’origine supérieure à 6,5 mm en ETT ou 6 mm en
ETO.
– Inversion systolique du flux veineux pulmonaire à l’échodoppler.
– Degré d’opacification de l’oreillette gauche 3 ou 4 selon les critères
de Sellers à l’angiographie ventriculaire gauche.
¦ Critères quantitatifs
– Volume régurgitant supérieur ou égal à 60 mL/battement.
– FR supérieure ou égale à 50 %.
– Surface de l’orifice régurgitant supérieur ou égale à 35 mm2.
Aucune évaluation de ces indices n’est exempte d’erreurs. Aussi,
c’est de la confrontation entre données cliniques et paracliniques
qu’est précisée au mieux la sévérité de la régurgitation mitrale.
Histoire naturelle
Elle est difficile à analyser en raison de la diversité des IM. Peu
d’études sont disponibles dans la littérature. Certaines sont
anciennes et portent sur l’IM rhumatismale. Elles manquent de
données précises sur certains paramètres (importance de la
régurgitation, fonction ventriculaire gauche). D’autres sont plus
récentes, portant surtout sur les prolapsus valvulaires [30, 60, 78]. L’une
des plus importantes est celle de Ling [60] étudiant le devenir des
patients avec valve mitrale flottante, aspect échographique
témoignant habituellement de ruptures de cordages. Le nombre
important d’opérés au cours du suivi (143 sur 221), des incertitudes
sur la fréquence d’une maladie coronarienne associée ne rendent pas
facile l’analyse du pronostic spontané.
Cependant, un certain nombre de faits se dégagent de ces études :
– une IM discrète ou modérée organique reste habituellement très
bien tolérée, quelle que soit son étiologie. La survie est excellente
chez les patients porteurs d’un prolapsus. Dans ce cadre, la survenue
d’une régurgitation sévère est rare, tardive (après 50 ans) et plus
fréquente chez l’homme [30, 57] ;
– l’IM volumineuse a, en l’absence de chirurgie, un pronostic
d’ensemble réservé, en raison de la fréquence de survenue de
complications : fibrillation auriculaire, insuffisance cardiaque gauche,
globale, mort subite.
La survie actuarielle est, selon les séries, de 46 à 60 % à 10 ans [30].
Dans la série déjà citée de la Mayo Clinic [60], elle est de 57 % à 10
ans, inférieure à celle attendue. Même chez les patients peu ou
asymptomatiques, les taux de mortalité annuelle sont de 3,8 % dans
l’étude de Delahaye et al [25] et 4,1 % dans celle de Ling [60].
Le risque de mort subite n’est pas négligeable. Sur une série de 54
patients de Delahaye, suivis en moyenne 3 ans et demi et non
opérés, 28 décès surviennent dont 17 cardiaques ; 11 de ces décès
ont été subits [25]. Leurs causes sont vraisemblablement diverses :
pathologie coronarienne associée, dysfonction myocardique
sévère [56] ou troubles du rythme ventriculaire comme le suggèrent
les auteurs. Dans l’expérience de la Mayo Clinic, ce risque est
globalement de 1,8 % par an [44].
La morbidité associée à une IM sévère est élevée. L’incidence
d’apparition des symptômes chez les patients asymptomatiques est
de 10 % par an [78], souvent à l’occasion du passage en fibrillation
auriculaire. Dans l’expérience de Ling [60], à 10 ans, 63 % des malades
ont développé une insuffisance cardiaque et 30 % une fibrillation
auriculaire permanente. Dans cette série, à 10 ans, la proportion
d’opérés ou décédés atteint 90 %, ce qui confirme le caractère
inéluctable de la chirurgie dans cette pathologie (valve mitrale
flottante).
Plusieurs facteurs conditionnent le pronostic spontané :
– l’étiologie de la régurgitation : c’est d’elle que dépendent le type, le
degré des lésions anatomiques et le mode évolutif, aigu ou
chronique, de l’IM.
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
10
Les fuites mitrales rhumatismales, les prolapsus par ballonnisation
des valves, étirement des cordages, ont un cours évolutif chronique
et sont longtemps bien tolérés.
Les IM par ruptures de cordages ont un pronostic plus sévère car
elles entraînent ou aggravent brutalement la régurgitation dont
l’importance est fonction du type, du nombre des cordages rompus
et de l’état des valves, souples et susceptibles d’éversion ou rigides,
peu mobilisables.
Dans une série anatomoclinique ancienne de 30 cas d’IM par
ruptures de cordages dégénératives, la survie moyenne était de 41
mois avec une certaine variabilité individuelle, un malade sur trois
survivant plus de 5 ans [3]. L’étude de Ling [60] montrait bien la
surmortalité des patients avec valve mitrale flottante. Les IM aiguës
par rupture de pilier, par ruptures multiples de cordages et/ou
mutilations valvulaires dans le cadre des endocardites infectieuses,
ou l’association IM et insuffisance aortique d’origine bactérienne [46],
figurent parmi les variétés les plus mal tolérées.
La progression du degré de la régurgitation en fonction des lésions
valvulaires est plus mal documentée. Elle est plus importante dans
les IM avec que sans prolapsus [57]. Dans une étude prospective
récente par échodoppler, Enriquez [31] observait chez 73 patients que
les valeurs moyennes des VR, FR et surface de l’orifice régurgitant
augmentaient tous les ans respectivement de 7,4 mL, 2,9 % et
5,9 mm2. Il y avait cependant de larges variations individuelles et
parfois même amélioration. La progression était plus marquée chez
les malades avec initialement simple prolapsus puis développement
d’une valve mitrale flottante ;
– la sévérité des symptômes, même s’ils sont transitoires. Dans
l’expérience d’Horstkotte, la survie actuarielle des patients en classe
fonctionnelle III ou IV ayant refusé la chirurgie était de 64 % à 1 an
et seulement de 27 % à 5 ans, avec une survie moyenne de
26 mois [49] ;
– l’altération des volumes et fonctions systoliques ventriculaires ainsi
que de certains paramètres hémodynamiques est un facteur de
mauvais pronostic spontané. Telles sont :
– l’augmentation du volume télédiastolique du ventricule gauche
[45] ;
– l’augmentation de la différence artérioveineuse en oxygène [45] ;
– la diminution de la FE ventriculaire gauche [60, 71]. Quinze des
18 patients de Ramanathan dont la FE ventriculaire gauche était
inférieure à 40 % étaient morts après 4 ans [71] ;
– l’existence d’une dysfonction systolique du ventricule droit.
Dans l’étude de Hochreiter [48], un patient sur six ayant
initialement une FE du ventricule droit inférieure à 30 % était en
vie à 5 ans.
Traitement
TRAITEMENT MÉDICAL
Le traitement des complications (fibrillation auriculaire, insuffisance
cardiaque) et la prévention de l’endocardite infectieuse n’ont pas de
spécificité tenant à la valvulopathie et ne seront pas détaillés.
De nombreux agents vasodilatateurs ont été utilisés en espérant que
la réduction de la postcharge diminuerait l’orifice régurgitant et le
VR : nitroprussiate de sodium, hydralazine, nitroglycérine,
nifédipine, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) [59, 68]. Dans
l’IM aiguë, leur administration par voie intraveineuse s’est avérée
utile dans l’attente de la chirurgie. C’est le cas des IM par rupture
de pilier après infarctus, où les dérivés nitrés sont particulièrement
indiqués, et de certaines IM après endocardite infectieuse. Dans l’IM
chronique organique, l’intérêt des vasodilatateurs (VD) est plus
discuté. À court terme, leur effet sur le VR est incertain [79, 82]. Un
effet inotrope négatif a même été constaté par Wisenbaugh après
une dose unique de captopril [97]. À long terme, les résultats entre
les séries sont discordants. Schon [81], chez 12 patients, a noté une
réduction de la masse et des volumes ventriculaires après 1 an de
traitement par le quinapril. Tischler [90], étudiant prospectivement,
par échocardiographie d’effort, 12 patients atteints d’IM sévère par
prolapsus, a observé après 6 mois de traitement par énalapril une
diminution significative des volumes ventriculaires gauches, une
augmentation de la FE sans variation de la FR ni de la durée de
l’effort. Wisenbaugh [98], dans un essai randomisé chez 32 patients
avec IM sévère peu symptomatique, après 6 mois de traitement par
le captopril, n’a pas noté de variation significative des diamètres et
de la FE du ventricule gauche.
De nouvelles études paraissent nécessaires. Les études publiées
portent sur de petits effectifs, utilisent des VD divers dans leurs
molécules et leur posologie, dans des populations où l’étiologie de
l’IM est hétérogène. Il est probable que certains types d’IM, dont
l’orifice de régurgitation n’est pas fixé, peuvent en bénéficier, mais
en tout état de cause, aucune série n’a pour le moment prouvé qu’un
traitement au long cours par VD pouvait différer la date de la
chirurgie et était justifié chez des patients asymptomatiques ou
paucisymptomatiques. En revanche, dans les IM fonctionnelles et
ischémiques, malgré l’absence d’étude randomisée quantitative, les
IEC et le carvédilol semblent utiles et diminuer le degré de la
régurgitation [85].
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Il est le seul curatif de l’IM. Il peut faire appel à la chirurgie
conservatrice ou au remplacement valvulaire.
¦ Chirurgie conservatrice
C’est le traitement de choix, réalisable dans plus de 70 % des cas [2].
Technique opératoire
L’intervention est réalisée sous circulation extracorporelle et, dans
de nombreux centres, sous ETO. L’examen de visu de tout l’appareil
valvulaire et l’ETO doivent confirmer l’indication d’une plastie et
permettent de choisir la meilleure technique opératoire [2].
Un prolapsus du feuillet postérieur est traité par résection
quadrangulaire du tissu prolabé et un prolapsus du feuillet antérieur
par diverses procédures (transposition de cordages, cordages
artificiels [24], raccourcissement des cordages, manoeuvre d’Alfieri).
Dans les prolapsus des deux valves, celui de la valve antérieure peut
souvent être négligé s’il n’y a pas de pathologie significative des
cordages de cette valve [41]. Dans le prolapsus commissural, plusieurs
techniques sont possibles : résection de la commissure avec plastie
de glissement, transposition de cordages, fermeture de la
commissure prolabée. En cas de restriction valvulaire (lésions
rhumatismales), peuvent être proposés : une commissurotomie s’il y
a maladie mitrale, une résection de cordages secondaires, un
élargissement par pièce de péricarde, une homogreffe mitrale
partielle s’il y a calcification commissurale.
Dans la plupart des cas, une annuloplastie par anneau rigide ou
flexible est réalisée.
Résultats immédiats
La mortalité opératoire varie selon les séries entre 1 et 3 %. Dans la
série de Michel et al [63], portant sur 299 malades âgés en moyenne
de 51 ans, opérés entre 1970 et 1994, elle a été de 1 % toutes classes
fonctionnelles confondues.
Le risque opératoire est influencé par plusieurs facteurs :
– l’âge : au-delà de 75 ans, il est plus élevé (5 à 10 %) [30] ;
– le type de l’IM : une IM ischémique représente un risque accru
(autour de 10 %) [2, 30] ;
– la classe fonctionnelle dans l’étude de Tribouilloy [92], mais ce
facteur de risque n’apparaît pas dans les séries de Tenon.
Résultats éloignés
Ils sont bons. La survie actuarielle à 10 ans est de 80 % à 84 % dans
l’expérience de Michel [62, 64], de 69 % dans celle de la Mayo Clinic [30].
Cardiologie Insuffisances mitrales acquises 11-010-B-10
11
Dans l’expérience de Broussais et de Tenon, à 15 ans, elle est
supérieure à 70 % [4, 27]. Dans ces délais, et sans anticoagulants, la
plupart des patients sont indemnes d’accidents thromboemboliques,
hémorragiques et infectieux [64]. À 11 ans et demi, dans la série de
Michel, les taux de patients indemnes d’accidents
thromboemboliques, d’endocardites et de réinterventions étaient
respectivement de 88, 98 et 78 % [64].
Signalons la possibilité de certaines complications :
– évolution sténosante de la plastie [64] ;
– obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche, par
excès tissulaire, dans les IM dystrophiques dans 2 % des cas [2] ; elle
réagit bien aux bêtabloquants et nécessite rarement une chirurgie ;
– thromboses auriculaires gauches, rares ;
– petites insuffisances aortiques, tenant à la traction exercée par
l’anneau prothétique sur le rideau sous-aortique [64] .
Résultats hémodynamiques
On observe habituellement une diminution des pressions dans la
petite circulation, une augmentation de l’index cardiaque, une
diminution des volumes ventriculaires diastoliques qui tendent à se
normaliser, la cavité ventriculaire prenant une forme moins
sphérique en télédiastole et télésystole. La masse myocardique
diminue, mais moins franchement que le volume télédiastolique. La
FE du ventricule gauche diminue en moyenne légèrement, avec une
certaine variabilité individuelle, alors qu’après remplacement
valvulaire, les différences sont beaucoup plus marquées et
statistiquement significatives [ 6 , 67]. Il a bien été prouvé,
expérimentalement et par des études cliniques, que la conservation
de l’appareil sous-valvulaire, telle qu’elle était réalisée après plastie,
permettait une meilleure préservation de la fonction ventriculaire
gauche postopératoire [67].
¦ Remplacement valvulaire mitral
Il s’adresse aux impossibilités et aux échecs de la plastie. La
mortalité opératoire est plus élevée qu’après chirurgie conservatrice
et varie autour de 5 % [9, 67]. Certaines complications sont assez
particulières à cette chirurgie : ruptures ventriculaires, rares ;
infarctus myocardique par cardioplégie inappropriée ; embolie
gazeuse ou traumatisme de l’artère circonflexe. Peuvent aussi
s’observer des complications thrombotiques sur l’anneau
prothétique, des troubles du rythme auriculaires, fréquents
(fibrillation, flutter) et des blocs auriculoventriculaires le plus
souvent transitoires. L’analyse des résultats éloignés montre des
résultats inférieurs à ceux des plasties. Dans l’expérience de Tenon,
comme dans celle de la Mayo Clinic, la survie actuarielle à 10 ans
est de 58 % [30, 62]. Des séries publiées semble se dégager un
consensus en faveur, lors de la chirurgie, d’une conservation au
moins partielle de l’appareil sous-valvulaire [67]. Par sa simplicité
technique, la conservation de la petite valve est préférée par de
nombreuses équipes. Cette chirurgie avec conservation partielle de
l’appareil sous-valvulaire est créditée d’une moindre mortalité
opératoire, d’une amélioration de la survie à 10 ans, de moins de
complications secondaires avec une meilleure fonction ventriculaire
[50, 67].
¦ Facteurs du pronostic opératoire
Les paramètres préopératoires conditionnant les résultats de la
chirurgie sont mieux connus grâce à des études multifactorielles
portant sur de grandes séries, en particulier celles de Tenon
[5, 7, 34, 62, 63, 64] et celles de la Mayo Clinic [31, 35, 60, 92, 93]. La plupart des
études publiées sont concordantes et permettent de regrouper quatre
types de facteurs prédictifs des résultats opératoires.
Stade de la cardiopathie
Il est déterminant.
La classe fonctionnelle influence peu le risque opératoire, mais de
façon très significative les résultats éloignés. Dans une série
personnelle [7] de 342 IM opérées, à 15 ans, on comptait 75 % de
survie actuarielle pour les patients en classes fonctionnelles I et II
versus 49 % pour les classes fonctionnelles III et IV (p < 0,01). Les
mêmes différences étaient constatées récemment par Tribouilloy et
al [92] : à 10 ans, 76 % de survie versus 48 %. En étude multivariée, la
classe fonctionnelle est un facteur majeur de la survie tardive et cela
quelles que soient la FE ventriculaire gauche préopératoire et la
nature de l’intervention. La survie postopératoire globale des
patients en classe I/II est identique à celle attendue pour ce type de
population [92].
La fibrillation auriculaire [7, 11, 62], le volume cardiaque radiologique
[7, 62], la taille de l’oreillette gauche [72] sont autant de paramètres
prédictifs des résultats tardifs. Le rôle du volume de l’oreillette
gauche a été mis en évidence par Reed. Dans une série de 176 opérés
d’IM chronique symptomatique par remplacement valvulaire, la
survie à 5 ans était de 73 % chez les patients dont l’oreillette gauche
était peu dilatée (planimétrie en quatre cavités entre 17 et 24 cm2) et
de 46 % quand la surface planimétrée de l’oreillette gauche dépassait
24 cm2 en préopératoire. Les index de fonction ventriculaire gauche
préopératoire jouent un rôle important envisagé dans le chapitre
physiopathologie.
Âge des patients
L’âge des patients, au-delà de 75 ans, est l’un des facteurs de la
mortalité opératoire indépendant de la classe fonctionnelle et de la
fonction ventriculaire [30].
Coexistence ou non d’une maladie coronarienne [93]
Elle est, en analyse multivariée dans la série de la Mayo Clinic, un
facteur prédictif indépendant de la mortalité postopératoire globale,
principalement pour ceux opérés à un stade symptomatique.
Modalités de la chirurgie
Elles sont des facteurs déterminants. Il est maintenant largement
prouvé que la chirurgie conservatrice a, en termes de mortalité
opératoire, de conservation de la fonction ventriculaire et de
résultats éloignés, de bien meilleurs résultats que le remplacement
mitral par prothèse [2, 7, 30].
Cependant, après plastie, trois facteurs conditionnent les résultats.
· Étiologie de l’insuffisance mitrale [22]
Les meilleurs résultats sont obtenus avec les IM dégénératives. Les
taux de patients indemnes de réintervention, indiquée le plus
souvent pour IM résiduelle ou récidivante, sont de 93 %, à 10 ans
dans l’expérience de la Cleveland Clinic [40] et à 15 ans dans la série
de Deloche et al [27]. Ces bons résultats peuvent s’observer même
après 70 ans [52]. La plastie pour IM rhumatismale a des résultats
moins satisfaisants [2, 29, 42]. Elle comporte des échecs, surtout chez les
sujets de moins de 20 ans (37 % de réinterventions pour Gometza et
al [42]). Même chez les adultes, les taux de réintervention sont plus
élevés que dans les formes dégénératives [64]. Dans l’expérience de
Deloche, à 15 ans, 75 % des patients seulement sont indemnes de
réintervention [27]. Les raisons de ces échecs tiennent aux lésions
anatomiques et à leur évolutivité, rhumatismale ou aspécifique,
d’autant plus importante que le sujet est plus jeune. On peut espérer
que les bons résultats à moyen terme observés par certaines
équipes [2] après utilisation de péricarde autologue se maintiendront
avec le temps. Notons que, de toute façon, et sauf impossibilité
technique, une chirurgie conservatrice est préférable au
remplacement valvulaire dans ces IM rhumatismales du sujet
jeune [29].
Les endocardites infectieuses ont bénéficié plus rarement des plasties
avec, à moyen terme, d’excellents résultats [28, 37, 65]. Les IM
ischémiques ne se prêtent pas toujours à un geste conservateur
quand une chirurgie est nécessaire et nécessitent souvent une
revascularisation myocardique. Sur un lot de 61 malades, Acar [2]
comptait 5 % de réinterventions à 5 ans.
· Technique opératoire
Son choix influence significativement les résultats immédiats et la
durabilité de la plastie. La réparation isolée du feuillet postérieur
11-010-B-10 Insuffisances mitrales acquises Cardiologie
12
est celle qui procure les meilleurs résultats [40, 64], plus de 95 % de ces
patients étant indemnes de réopération à 10 ans. Concernant le
prolapsus du feuillet antérieur, la transposition des cordages est
devenue la technique de référence.
· Expérience de l’équipe chirurgicale
Grâce à certaines équipes, en particulier celle de Carpentier, la
méthode s’est diffusée et ses résultats se sont améliorés. Des
avancées techniques permettent maintenant la cure des lésions
complexes, mais l’expérience de l’équipe chirurgicale en ce domaine
reste fondamentale et le meilleur garant des résultats opératoires.
¦ Indications opératoires
Elles s’adressent aux seules IM volumineuses. L’évaluation précise
de la sévérité de la régurgitation est le préalable à toute décision
thérapeutique. Examens cliniques et paracliniques non invasifs sont
habituellement suffisants, mais les méthodes invasives peuvent être
nécessaires.
Chez les patients en classes fonctionnelles III ou IV, l’indication
d’une chirurgie est impérative, hormis les cas avec comorbidité
importante mettant en jeu le pronostic vital à court terme, ou avec
dysfonction ventriculaire gauche majeure (FE < 30 %) pouvant
relever d’une transplantation. Ces cas mis à part, la chirurgie est
dans toute la mesure du possible conservatrice.
Si les lésions nécessitent un remplacement valvulaire, le choix de la
prothèse repose sur de multiples paramètres, parmi lesquels l’âge et
la possibilité d’un suivi du traitement anticoagulant sont les plus
importants.
Chez les patients asymptomatiques ou paucisymptomatiques (classe
fonctionnelle I/II), une chirurgie est licite si elle peut être
conservatrice, à faibles risques et avec une forte probabilité de bons
résultats éloignés. Cette décision suppose la prise en compte de
plusieurs facteurs :
– expérience de l’équipe chirurgicale dans ce domaine ;
– étiologie de l’IM. Certaines variétés, dégénératives avec rupture de
cordages ou endocardite infectieuse, ont une évolution spontanée
plus grave que les IM chroniques rhumatismales ou dégénératives
sans rupture de cordages et justifient une correction plus rapide.
Elles se prêtent mieux, au demeurant, à un geste conservateur [2, 28] ;
– type des lésions analysées par les ultrasons. Une intervention est
décidée d’autant plus volontiers que l’IM peut être traitée par un
geste conservateur simple. C’est le cas des prolapsus du feuillet
postérieur. Avec les autres types de lésions, l’opportunité de leur
correction dépend de l’expérience de l’équipe chirurgicale ;
– stade de la cardiopathie. Il est souhaitable d’opérer précocement
avant l’apparition de la fibrillation auriculaire, d’une forte
cardiomégalie radiologique (rapport cardiothoracique ³ 0,60), d’une
dilatation importante du ventricule gauche (diamètre télésystolique
> 45 mm), d’une altération de la fonction systolique (FE < 0,60),
d’une hypertension artérielle pulmonaire (PAPsyst > 50 mmHg),
d’une forte dilatation de l’oreillette gauche (> 24 cm2).
L’indication opératoire n’est pas différée si, dès le premier examen,
l’une de ces valeurs seuil était déjà atteinte. Ces indications sont
applicables aux patients n’ayant pas dépassé un certain âge. Audelà
de 75 ans, l’objectif étant plus le confort de vie que la longévité,
une chirurgie n’est discutée qu’en fonction des symptômes. Elle est
déconseillée chez les patients asymptomatiques.
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