Coronarographie ambulatoire
T Corcos
L Drieu
Résumé. – Les indications de la coronarographie ambulatoire se sont rapidement élargies. Ce concept est
séduisant du point de vue de l’amélioration du confort du patient, du gain de temps et de la maîtrise des coûts
de santé. La miniaturisation des cathéters a réduit le taux de complications et permis un lever et une sortie
précoces. La sécurité de la coronarographie ambulatoire a été bien établie, et soutient la comparaison avec
celle de la coronarographie avec hospitalisation. La sélection des patients, le choix soigneux du matériel, une
technique irréprochable et une surveillance rigoureuse ont contribué au succès de cette technique.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : coronarographie ambulatoire, cathétérisme cardiaque ambulatoire, sécurité, coûts de santé.
Introduction
La coronarographie ambulatoire est une coronarographie réalisée en
hôpital de jour, c’est-à-dire chez des patients qui ne restent pas à
l’hôpital les nuits précédant et suivant l’examen. Introduite en
France en 1987 [11], cette modalité d’examen demeure encore très
marginale dans notre pays. Pourtant, dès son invention par Sones
en 1959 [39], l’artériographie coronaire sélective a été effectuée en
ambulatoire chez un nombre croissant de patients [12, 14, 21].
Actuellement, sur les 1 500 000 coronarographies réalisées chaque
année aux États-Unis, près du tiers (environ 500 000) le sont en
ambulatoire [21, 31]. Dans certains centres nord-américains ou
britanniques, plus de 80 % des coronarographies sont des examens
ambulatoires [20, 25, 30].
Intérêt de la coronarographie
ambulatoire
La coronarographie ambulatoire n’a pu se développer que grâce à la
démystification de la coronarographie qui est devenue un examen
de routine quand elle est réalisée par un opérateur entraîné. Elle a
deux justifications principales :
– l’amélioration du confort et de la satisfaction des patients [17, 35, 38],
qui préfèrent rentrer chez eux peu de temps après l’examen, ce qui
contribue à le dédramatiser ;
– la diminution de la charge de travail du personnel infirmier et
des hospitalisations inutiles, entraînant une réduction des coûts de
santé.
Thierry Corcos : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris, FESC, FACC.
Luc Drieu : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris.
Département de cardiologie interventionnelle, clinique Turin, 9, rue de Turin, 75008 Paris, France.
Contre-indications
La coronarographie ambulatoire peut être réalisée en toute sécurité,
à condition de respecter certaines contre-indications et précautions.
Cela implique :
– une évaluation clinique avant l’examen [31] et une sélection des
patients sur la base de leur présentation clinique, selon des critères
stricts [7] ;
– une période de surveillance après l’hémostase.
La coronarographie ambulatoire ne doit pas être réalisée chez des
patients habitant à plus de 1 heure de voiture de l’hôpital, ni chez
des patients à risque élevé de complications après la
coronarographie [18]. Les critères d’exclusion sont donc des critères
de bon sens. Ils ont été publiés par plusieurs sociétés de cardiologie
[5, 34], et peuvent être classés en trois catégories (tableau I) [2].
Préparation du patient
Le cardiologue interventionnel doit passer en revue les données
cliniques (antécédents, symptômes, examen physique) et les
examens de laboratoire, puis obtenir le consentement informé du
patient après lui avoir expliqué le déroulement de l’examen, son
intérêt et ses complications potentielles. Le bilan paraclinique
comprend : électrocardiogramme, ionogramme sanguin, créatinine,
numération-formule sanguine, tests de coagulation et
éventuellement radiographie de thorax. Le traitement
médicamenteux cardiaque, antiagrégants plaquettaires compris, doit
être poursuivi. Il est habituellement recommandé d’interrompre le
traitement anticoagulant oral 2 jours avant l’examen afin que
l’international normalized ratio (INR) soit inférieur à 2,0.
Une préparation psychologique associée à une sédation, le plus
souvent par une benzodiazépine par voie intraveineuse
(midazolam), est indispensable pour réduire l’anxiété des patients
avant une expérience stressante telle que le cathétérisme
cardiaque [26], assurer leur confort et leur sécurité (en prévenant par
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-002-A-52
11-002-A-52
Toute référence à cet article doit porter la mention : Corcos T et Drieu L. Coronarographie ambulatoire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-002-A-52,
2000, 4 p.
exemple les réactions vagales). La présence d’un médecin
anesthésiste est particulièrement utile pour administrer une
prémédication adaptée aux besoins du patient et au caractère
ambulatoire de l’examen.
Technique
Elle doit être au moins aussi irréprochable que celle d’une
coronarographie avec hospitalisation.
VOIES D’ABORD
¦ Voie fémorale percutanée [15]
C’est la voie le plus fréquemment utilisée et la plus facile
techniquement.
¦ Voie humérale
L’abord peut être chirurgical ou percutané. La technique de Sones
(abord chirurgical par dissection de l’artère) [39] est pratiquement
abandonnée. La voie humérale percutanée est maintenant peu
utilisée depuis l’avènement de la voie radiale.
¦ Voie radiale percutanée (fig 1)
Développée par Campeau en 1987 [4], elle offre de nombreux
avantages : l’artère radiale est facile à comprimer et, à condition que
la manoeuvre d’Allen soit normale, l’occlusion de l’artère radiale est
sans conséquence. La voie radiale permet un lever immédiat et
apparaît donc particulièrement appropriée à la coronarographie
ambulatoire : dans une étude récente [8], la durée moyenne de séjour
était de 3,6 heures ! La voie radiale est très utile chez les patients
obèses, sous anticoagulants, ou présentant une artériopathie des
membres inférieurs.
Ses inconvénients sont la petite taille de l’artère radiale, sa tendance
au spasme, pouvant rendre la ponction impossible dans près de 2 %
des cas, et l’existence d’une courbe d’apprentissage. La voie radiale
est la voie préférée des patients [8] … et des infirmières.
TECHNIQUE DE LA PONCTION PERCUTANÉE
Contrairement à la technique décrite par Seldinger qui transfixiait
l’artère avec une aiguille puis retirait cette dernière jusqu’à
l’obtention d’un reflux de sang, il nous apparaît indispensable de ne
ponctionner que la paroi antérieure de l’artère. L’opérateur doit être
suffisamment expérimenté pour réussir la ponction de l’artère dès la
première tentative, les ponctions multiples favorisant la survenue
d’un hématome. La mise en place d’un introducteur à valve
hémostatique permet de minimiser le traumatisme de l’artère.
CATHÉTERS DE CORONAROGRAPHIE
La miniaturisation des cathéters, le plus souvent de diamètre 5 F
(voire 4 F) actuellement (1 French = 1/3 mm) a permis de rendre
exceptionnelles les complications vasculaires de la coronarographie
et de faciliter le lever précoce [1, 10, 11], condition nécessaire à la
coronarographie ambulatoire.
HÉMOSTASE
Elle est habituellement réalisée par une compression manuelle de 10
minutes au minimum après retrait de l’introducteur artériel et
complétée par la mise en place d’un pansement compressif.
Plusieurs systèmes d’hémostase percutanée (sutures ou bouchons de
collagène [36]) permettent un lever immédiat après coronarographie
par voie fémorale, mais aucun n’a fait la preuve d’une réduction
des complications vasculaires et leur coût n’est pas négligeable.
Surveillance après coronarographie
Elle doit être méticuleuse. Le personnel infirmier doit être capable
de prévenir et de détecter toute complication potentielle ou établie
de la coronarographie afin de déterminer si le patient est apte à
l’ambulation [9]. Dans notre protocole [11], le lever est autorisé 4
heures après l’examen pour la voie fémorale (certaines équipes
préconisent même un lever à 3 heures [19, 37, 40, 41], voire 2 heures
[1, 23, 33]). Ce délai peut être mis à profit pour l’interprétation de
l’examen, la rédaction du compte rendu et l’information du patient.
Bien entendu, la voie radiale et les systèmes de fermeture de l’artère
fémorale autorisent un lever immédiat.
Décision de sortie
Elle implique que le patient soit indemne de toute complication, et
que son état ne nécessite pas de revascularisation urgente par
angioplastie ou pontage coronaire. Une petite proportion des
Tableau I. – Critères d’exclusion de la coronarographie ambulatoire :
patients à risque élevé de complications après la coronarographie
(d’après [2]).
Risque médical général - âge > 75 ans
élevé - cardiopathie congénitale complexe
- cachexie ou altération majeure de l’état général
- diabète insulinodépendant non équilibré
- désaturation artérielle en oxygène
- bronchopneumopathie chronique obstructive sévère
- insuffisance rénale (créatinine > 20 mg/L)
- antécédents d’allergie au produit de contraste
Risque cardiaque élevé Évalué avant l’examen
- angor instable ou infarctus myocardique récent (< 7 j)
- insuffisance cardiaque classe IV
- ischémie importante ou hypotension à l’épreuve d’effort
- fraction d’éjection < 30 %
- valvulopathie mitrale ou aortique sévère ou prothèse
valvulaire mécanique
- hypertension artérielle pulmonaire moyenne ou importante
Évalué grâce à l’examen
- sténose du tronc commun de la coronaire
- maladie coronaire tritronculaire très sévère
Risque vasculaire élevé - obésité morbide
- anticoagulation ou troubles de l’hémostase
- hypertension artérielle non contrôlée
- artériopathie périphérique sévère
- accident vasculaire cérébral récent (< 1 mois)
- insuffisance aortique importante
- corticothérapie au long cours
1 Voie d’abord radiale.
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patients initialement programmés pour une coronarographie
ambulatoire est donc en fait hospitalisée, la décision finale de
coronarographie ambulatoire étant une décision a posteriori (fig 2).
Dans notre protocole [11], le patient quitte l’hôpital 6 heures après
l’examen avec le compte rendu, les clichés numérisés, le film de
l’examen et des instructions d’autosurveillance.
Sécurité de la coronarographie
ambulatoire
La sécurité de la coronarographie ambulatoire a bien été établie par
de nombreuses études (tableau II). Dans celle de Klinke portant sur
3 071 patients ambulatoires (83 % de toute l’activité de cathétérisme
cardiaque), le taux de complications nécessitant l’hospitalisation était
de 1,1 %, dont 0,13 % de décès, 0,07 % d’infarctus du myocarde non
fatals, 0,14 % de complications neurologiques et 0,35 % de
complications vasculaires locales. Sous réserve d’une sélection
rigoureuse des patients, la coronarographie peut donc être réalisée
en toute sécurité en ambulatoire [12].
Satisfaction des patients
La grande majorité des patients sont satisfaits de cette modalité
d’examen [16, 38] et la préfèrent à un examen avec hospitalisation. Le
confort accru des patients ne doit cependant pas faire oublier que
les contre-indications de la coronarographie ambulatoire doivent être
respectées.
Réduction des coûts
En notre époque de maîtrise des coûts de santé, cet élément doit
être pris en considération. L’économie réalisée par rapport à
l’examen avec hospitalisation varie bien entendu selon le pays et le
système de facturation et a été évaluée de 11 à 54 % [22, 38].
Proportion de patients éligibles
Elle varie suivant les séries de 16 à 90 %. Ces différences peuvent
résulter aussi bien de l’utilisation de critères d’exclusion différents
d’une série à l’autre que de différences quant aux populations
étudiées. Il semble cependant raisonnable d’estimer,
qu’actuellement, la majorité des coronarographies peuvent être
réalisées en ambulatoire [22, 25].
Taux d’hospitalisation imprévue
Il varie entre 1 à 18% (tableau II) [38]. Dans la grande majorité des
cas, les patients ne sont pas hospitalisés pour complication de
l’examen, mais pour observation, revascularisation myocardique,
raisons sociales, ou parce que l’examen a été réalisé tard dans la
journée [6].
Indication de coronarographie
Patient instable ?
Non
Autres critères
d'exclusion ?
Non
Examen programmé en
ambulatoire
Coronarographie
Complication, revascularisation urgente
ou autre motif d'hospitalisation ?
Sortie le jour même
Oui
Oui
Hospitalisation
Oui Non
2 Arbre décisionnel.
Tableau II. – Taux de complications et d’hospitalisations imprévues.
Premier auteur
Référence Année
Nombre de
patients
Principale voie
d’abord Décès (%)
Complications
nécessitant l’hospitalisation
(%)
Hospitalisation
pour autre motif
(%)
Total des hospitalisations
imprévues
(%)
Mahrer [24] 1981 308 F 0,3 1,9
Fierens [12] 1984 5 107 H 0 2,2
Klinke [20] 1985 3 071 F 0,1 1,1 2,3 3,4
Fighali [13] 1985 676 H 0 0
Murdock [27] 1988 1 398 H/F 0 2,9 5,1 8,0
Murray [28] 1989 855 H 0 4,2 0,8 5,0
Pink [32] 1989 1 000 F 0 3,9 5,9 9,8
Oldroyd [29] 1989 900 F 0,2 4,4 3,3 7,7
Favereau [11] 1990 160 F 0 1,9 3,1 5,0
Clements [7] 1991 3 000 F 0 0,4 17,8 18,2
Clark [6] 1993 847 F 2,3 12,7 15,0
Pohler [33] 1994 2 106 F 0,5 0,4 0,9
Papaconstantinou
[30]
1999 1 798 F 0,1 0,5
F : voie fémorale ;H : voie humérale.
Cardiologie Coronarographie ambulatoire 11-002-A-52
3
Conclusion
Depuis l’avènement de la coronarographie il y a plus de 40 ans, les
indications de la coronarographie ambulatoire se sont rapidement
élargies, parallèlement aux progrès de l’ensemble de la cardiologie
interventionnelle. La sécurité de la coronarographie ambulatoire a bien
été établie et apparaît comparable ou supérieure à celle de la
coronarographie avec hospitalisation, compte tenu du biais de sélection
(patients stables à faible risque de complications) [14]. Les voies d’abord
sont essentiellement la voie fémorale, la plus employée, et la voie
radiale, en plein essor. La miniaturisation des cathéters a réduit les
complications vasculaires locales et favorisé le développement de la
coronarographie ambulatoire. L’intérêt des systèmes hémostatiques
demeure limité par leur coût. La sécurité de la coronarographie
ambulatoire repose sur une sélection soigneuse du matériel, une
technique irréprochable, une surveillance rigoureuse en hospitalisation
de jour en milieu cardiologique par une équipe infirmière entraînée et
sur le respect de ses contre-indications : c’est dire l’importance d’une
étroite collaboration entre les cardiologues interventionnels et les
cardiologues traitants.
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