Insuffisance cardiaque :
aspects épidémiologiques, cliniques
et pronostiques
F Pousset
R Isnard
M Komajda Résumé. – Dans les pays occidentaux, l’insuffisance cardiaque constitue un problème majeur de santé
publique par sa fréquence et ses conséquences en termes de morbidité et de mortalité et par son impact sur le
système de soin. L’insuffisance cardiaque est la seule atteinte cardiovasculaire dont l’incidence et la
prévalence augmentent en raison du vieillissement de la population mais aussi d’une meilleure prise en
charge des cardiopathies et notamment des cardiopathies ischémiques, étiologie principale, actuellement, de
l’insuffisance cardiaque. Malgré les progrès thérapeutiques récents, l’insuffisance cardiaque reste une maladie
grave grevée d’une lourde mortalité. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque doit être fait précocement pour
mettre en oeuvre les thérapeutiques efficaces et lutter contre l’activation neurohormonale et le remodelage
ventriculaire. Le diagnostic clinique de l’insuffisance cardiaque peut être facile lorsque le tableau est
caricatural et qu’il survient dans un contexte évocateur, mais il peut être plus délicat à poser chez un patient
présentant une forme fruste ou atypique. Devant un tableau clinique évocateur, un certain nombre
d’examens complémentaires doivent être demandés, afin de confirmer l’existence d’une éventuelle
cardiopathie, d’évaluer le degré d’altération de la fonction systolique, d’évaluer la fonction diastolique et
enfin d’estimer la sévérité et le pronostic de la maladie.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : insuffisance cardiaque, pronostic de l’insuffisance cardiaque, épidémiologie de l’insuffisance
cardiaque, diagnostic de l’insuffisance cardiaque.
Épidémiologie
INCIDENCE, PRÉVALENCE
Dans les pays occidentaux, l’insuffisance cardiaque est la seule
atteinte cardiovasculaire dont l’incidence et la prévalence
augmentent en raison du vieillissement de la population, mais aussi
d’une meilleure prise en charge des cardiopathies et notamment des
cardiopathies ischémiques. On estime, aux États-Unis, que
l’incidence de l’insuffisance cardiaque est de 400 000 nouveaux cas
par an et que la prévalence est de 4 millions de patients (soit plus
de 1 % de la population) [32, 39]. Les données épidémiologiques dont
nous disposons proviennent principalement des pays du Nord de
l’Europe et des États-Unis. Ces études ont eu recours, pour établir le
diagnostic d’insuffisance cardiaque, à des approches différentes dont
des systèmes de score incluant des symptômes, des signes cliniques
ou parfois radiologiques mais rarement des données de fonction
ventriculaire. On estime que, dans les études publiées dans les
25 dernières années, environ un tiers des patients insuffisants
cardiaques n’avaient pas de trouble de la fonction systolique du
ventricule gauche. Ainsi, lorsqu’on utilise comme seule définition
de l’insuffisance cardiaque les symptômes cliniques et la
radiographie pulmonaire, la distinction est difficile à faire entre
insuffisance cardiaque dite « systolique » et insuffisance cardiaque
dite « diastolique ».
La prévalence de l’insuffisance cardiaque varie de façon importante
selon les méthodes de mesure utilisées, entre 3 et 20 pour
1 000 personnes dans la population générale et entre 30 et 130 pour
1 000 personnes pour les patients âgés de plus de 65 ans [21, 39]. En
Europe, la présentation de l’insuffisance cardiaque n’est pas
homogène et les différences pays à pays sont mal connues.
L’étude de cohorte de Framingham apporte des informations
intéressantes [39] : plus de 9 000 sujets non sélectionnés (dont 47 %
d’hommes) ont été suivis pendant 40 années de septembre 1948 à
juin 1988 ; le diagnostic d’insuffisance cardiaque a été porté chez
652 patients uniquement sur des critères cliniques (tableau I).
L’insuffisance cardiaque est une maladie du sujet âgé ; dans l’étude
de Framingham, l’âge moyen du diagnostic a été de 70 ans.
L’incidence augmente avec l’âge passant de trois cas pour 1 000 par
an entre 50 et 59 ans, à 27 cas pour 1 000 par an entre 80 et 89 ans
chez l’homme, soit une incidence ajustée sur l’âge de 7,2 cas pour
1 000 par an au-dessus de 45 ans. Cette incidence est diminuée
d’environ un tiers chez la femme. De même, la prévalence augmente
avec l’âge passant de huit cas pour 1 000 entre 50 et 59 ans chez
l’homme à 66 cas pour 1 000 entre 80 et 89 ans, soit une prévalence
ajustée sur l’âge de 2,4 % chez l’homme et de 2,5 % chez la femme
au-dessus de 45 ans. Il existe probablement une sous-estimation de
l’insuffisance cardiaque car les critères utilisés ne permettaient
d’identifier que l’insuffisance cardiaque patente.
La prévalence de la dysfonction systolique ventriculaire gauche a
été évaluée en Angleterre dans une étude épidémiologique
échographique au sein d’une large population d’hommes adultes [24].
Ainsi, la prévalence de la dysfonction systolique ventriculaire
gauche, définie par une fraction d’éjection inférieure à 40 % est de
1,8 %, la moitié des patients étant asymptomatique. Une fonction
ventriculaire gauche « limite », caractérisée par une fraction
d’éjection comprise entre 40 et 50 %, est notée dans 2,3 % des cas ;
Françoise Pousset : Praticien hospitalier.
Richard Isnard : Praticien hospitalier.
Michel Komajda : Professeur des Universités.
Service de cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris
cedex 13, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-036-G-20
11-036-G-20
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pousset F, Isnard R et Komajda M. Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-036-G-20, 2003, 17 p.
l’existence d’une insuffisance cardiaque certaine ou probable est
notée dans 3,1 % des cas.
Depuis les années 1990, le nombre d’hospitalisations pour
insuffisance cardiaque a progressé [79]. En 1991, aux États-Unis,
l’insuffisance cardiaque est notée comme diagnostic principal de
790 000 hospitalisations et représente le premier diagnostic associé
posé lors de l’hospitalisation chez des sujets de plus de 65 ans. Le
nombre de réadmissions à l’hôpital après un premier épisode
d’insuffisance cardiaque est très important, particulièrement chez les
gens de plus de 75 ans [21, 79]. Dans l’étude EPICAL, première grande
étude épidémiologique réalisée en France dans l’insuffisance
cardiaque grave, le taux de réadmission était de 81 % dans les
18 mois [94].
PRONOSTIC DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
L’insuffisance cardiaque reste une maladie grave. Dans l’étude de
Framingham, la médiane de survie est de 1,66 an chez l’homme et
de 3,2 ans chez la femme, soit une survie à 5 ans de 25 % chez
l’homme et de 38 % chez la femme [43]. Lorsque l’analyse est
restreinte aux patients qui survivent 90 jours après le diagnostic de
la maladie, les chiffres s’améliorent avec une médiane de survie de
3,2 ans chez l’homme et de 5,4 ans chez la femme (soit une survie à
1 an de 79 % chez l’homme et de 88 % chez la femme, et une survie
à 5 ans de 35 % chez l’homme et de 53 % chez la femme). Dans
l’étude de Framingham, lorsque l’on compare le pronostic des
patients insuffisants cardiaques diagnostiqués entre 1948 et 1974 et
celui des malades diagnostiqués entre 1975 et 1988, aucune
amélioration n’est observée, même lorsque l’on ajuste ce paramètre
pour l’âge [40]. Cela s’explique probablement par le fait que l’étude
de Framingham s’arrête en 1988, tous les patients ne bénéficiant pas
des progrès thérapeutiques récents et notamment des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion.
Cependant, malgré les inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
l’insuffisance cardiaque demeure une maladie grave. Dans l’étude
EPICAL en 1994, la mortalité à 1 an est de 35,4 % pour des patients
en stade III et IV de la New York Heart Association (NYHA), alors
que 75 % des patients reçoivent des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion [94]. Les résultats préliminaires d’une grande enquête
européenne (Euroheart Failure Survey) mettent en évidence une
mortalité de 14 % au cours des 3 premiers mois du suivi après
hospitalisation pour insuffisance cardiaque [12]. La mortalité de
l’insuffisance cardiaque augmente considérablement avec l’âge.
Des informations pronostiques sont aussi apportées par les grands
essais thérapeutiques publiés depuis les années 1980. Ces essais ont
permis d’inclure et de suivre des milliers de patients insuffisants
cardiaques. Dans ces études, la mortalité est souvent plus faible,
expliquée en partie par la sélection rigoureuse des patients, le suivi
rapproché et l’emploi des nouvelles classes pharmacologiques. Dans
la première étude CONSENSUS I, chez des patients en stade IV, la
mortalité à 1 an était de 36 % sous énalapril et de 50 % sous
placebo [80]. Cependant, chez les patients présentant une insuffisance
cardiaque moyenne (stades II et III), la mortalité annuelle était
comprise entre 10 et 15 % par an [18, 81, 82]. Les essais les plus récents
avec les bêtabloquants (CIBIS II, MERIT-HF) donnent des chiffres
plus bas avec une mortalité annuelle inférieure à 10 % par an dans
l’insuffisance cardiaque moyenne [11, 28]. Dans l’étude COPERNICUS
publiée récemment portant sur l’insuffisance cardiaque sévère, la
mortalité annuelle est de 11,4 % sous carvédilol et de 18,5 % sous
placebo [65].
Plusieurs publications portant sur des séries hospitalières révèlent
également une amélioration significative du pronostic depuis les
années 1990, avec une mortalité à 1 an qui est passée de 33 % avant
1989 à 16 % après 1990 [78]. Après un traitement médical optimal,
certains patients en attente de transplantation ont pu ainsi être
retirés des listes, la survie chez ces patients étant de 98 % à 1 an et
84 % à 4 ans [70]. De même, une amélioration du pronostic des
patients porteurs d’une cardiomyopathie dilatée a été retrouvée chez
les patients vus à la Mayo Clinic entre 1982 et 1987 par rapport à
ceux vus entre 1976 et 1981 [69].
Aux États-Unis, sur les registres de décès, l’insuffisance cardiaque
figure comme cause principale de 40 000 décès par an, et comme
cause associée de 250 000 décès supplémentaires [32]. En France, à
partir du recueil des certificats de décès, il apparaît que l’insuffisance
cardiaque est une des premières causes de décès par maladie
cardiovasculaire [41].
INCIDENCE ÉCONOMIQUE
Dans les pays occidentaux, l’insuffisance cardiaque constitue un
problème important de santé publique par sa fréquence et ses
conséquences en termes de morbidité et de mortalité et par son
impact sur le système de soin. En France, on estime que les dépenses
engagées pour l’insuffisance cardiaque représentent environ
1,11 milliard d’euros, soit un peu plus de 1 % du total des dépenses
de santé, ce qui correspond aux estimations obtenues généralement
pour d’autres pays occidentaux [57]. Compte tenu du vieillissement
de la population, le poids économique de l’insuffisance cardiaque,
et notamment le coût des séjours hospitaliers, risque de s’aggraver.
PRINCIPALES ÉTIOLOGIES DE L’INSUFFISANCE
CARDIAQUE CHRONIQUE
L’insuffisance cardiaque est l’évolution habituelle de nombreuses
maladies cardiaques. La maladie coronaire et l’hypertension
artérielle sont responsables de la majorité des cas d’insuffisance
cardiaque dans les pays occidentaux. Dans l’étude de Framingham,
70 % des hommes et 78 % des femmes avaient une hypertension, et
59 % des hommes et 48 % des femmes une maladie coronaire,
l’association des deux étant retrouvée chez 40 % des patients. Le
rhumatisme articulaire aigu ne représentait que 2 à 3 % et les autres
causes entre 11 et 17 % [39]. Dans l’étude française EPICAL, les
cardiopathies ischémiques représentent 46 % des étiologies, les
cardiopathies dilatées 43 % dans lesquelles sont inclus les
antécédents alcooliques (38 %) et l’hypertension artérielle (62 %), et
enfin les cardiopathies valvulaires 9 % [94].
Dans l’étude de Framingham, l’évolution des étiologies en fonction
du temps révèle que la fréquence des cardiopathies ischémiques
responsables d’insuffisances cardiaques n’a cessé d’augmenter : elles
sont passées de 22 % dans les années 1950 à 53 % dans les années
1970 et à 67 % dans les années 1980 alors que les cardiopathies
valvulaires n’étaient plus qu’à l’origine de 10 % des cas
d’insuffisance cardiaque dans les années 1980. En revanche, la
fréquence de l’hypertension artérielle est restée stable au cours de
ces années.
Tableau I. – Critères pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque
(Framingham).
1- Critères majeurs
- dyspnée paroxystique nocturne
- turgescence jugulaire
- râles crépitants
- cardiomégalie radiologique
- oedème aigu pulmonaire
- B3
- augmentation de la pression veineuse centrale (> 16 cm d’eau dans l’oreillette
droite)
- temps de circulation > 25 s
- reflux hépatojugulaire
- oedème pulmonaire, aspect de congestion viscérale ou cardiomégalie à l’autopsie
2 - Critères mineurs
- oedèmes des chevilles bilatéraux
- dyspnée d’effort pour des efforts de la vie courante
- hépatomégalie
- épanchement pleural
- diminution de la capacité vitale > un tiers par rapport à la valeur maximale enregistrée
- tachycardie > 120/min
3 - Critères mineurs ou majeurs
- perte de poids > 4,5 kg en 5 jours en réponse à un traitement de l’insuffisance cardiaque
Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque nécessite la présence de deux critères
majeurs ou de un critère majeur et de deux critères mineurs, acceptés à condition
qu’ils ne puissent être attribués à une autre pathologie.
11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie
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Les facteurs de risque de développement d’une insuffisance
cardiaque ont été étudiés dans l’étude de Framingham [39]. Environ
20 % des patients ayant fait un infarctus du myocarde ont développé
une insuffisance cardiaque dans un délai de 5 à 6 ans. Une
hypertension artérielle associée à des signes électrocardiographiques
d’hypertrophie ventriculaire gauche multiplie le risque de
développer une insuffisance cardiaque. Le diabète est aussi un
facteur de risque, dont la part a augmenté de plus de 20 % par
décennie. L’obésité, le rapport cholestérol total sur cholestérol high
density lipoprotein (HDL) et le tabac sont également des facteurs de
risque d’insuffisance cardiaque.
Certains auteurs estiment que dans les études publiées dans les
25 dernières années, plus d’un tiers des patients insuffisants
cardiaques n’avaient pas de trouble de la fonction systolique [88].
L’insuffisance cardiaque diastolique est en rapport avec un trouble
de la relaxation du ventricule gauche entraînant des anomalies du
remplissage ventriculaire. L’insuffisance cardiaque diastolique
augmente progressivement avec l’âge : avec l’âge augmente la
rigidité artérielle responsable d’une augmentation de la pression
artérielle différentielle. L’augmentation de la pression artérielle
systolique entraîne une hypertrophie ventriculaire gauche et la
diminution de la pression artérielle diastolique favorise l’ischémie
myocardique, deux facteurs perturbant la relaxation ventriculaire
gauche.
Diagnostic de l’insuffisance cardiaque
en clinique [7, 46]
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque doit être fait précocement
pour mettre en oeuvre les thérapeutiques efficaces et lutter contre
l’activation neurohormonale et le remodelage ventriculaire. Les
malades ayant des antécédents d’infarctus du myocarde,
d’hypertension artérielle, de cardiopathie valvulaire ou de
bronchopneumopathie chronique obstructive sont à risque et
justifient une surveillance particulière pour dépister les signes
précurseurs de l’insuffisance cardiaque.
SIGNES FONCTIONNELS
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque repose sur les signes
fonctionnels, l’étude soigneuse des antécédents du patient et sur son
examen clinique complet. Le diagnostic clinique de l’insuffisance
cardiaque peut être facile lorsque le tableau est caricatural et qu’il
survient dans un contexte évocateur ou chez un patient présentant
une cardiopathie connue. Dans d’autres cas, le diagnostic est plus
délicat à poser chez un patient présentant une forme fruste ou
atypique.
Nous avons vu précédemment les principaux signes cliniques pris
en compte dans l’étude de Framingham pour porter le diagnostic
d’insuffisance cardiaque (tableau I).
¦ Diminution de la capacité à l’effort
C’est le principal signe fonctionnel qui se traduit par une dyspnée
et une fatigabilité musculaire anormale à l’effort. La dyspnée d’effort
est une polypnée superficielle qui apparaît au départ pour des
efforts importants et qui peut s’accentuer jusqu’à gêner l’activité
courante. La dyspnée d’effort peut être le signe révélateur de la
maladie, chez un patient sans cardiopathie connue et c’est au cours
du bilan de sa dyspnée qu’une cardiopathie sera mise en évidence.
Au contraire, elle peut apparaître chez un patient ayant une
cardiopathie mais jusqu’à présent asymptomatique, comme par
exemple une cardiopathie ischémique avec un antécédent d’infarctus
du myocarde ; l’apparition de la dyspnée représente alors un
tournant évolutif de la maladie. L’évaluation de cette gêne à l’effort
est parfois difficile, car les patients adaptent leur activité pour éviter
d’être gênés. La classification de la NYHA permet de quantifier de
manière semi-quantitative le niveau de la gêne fonctionnelle ; elle
reste la classification la plus utilisée.
Mais cette classification est subjective et peu précise : ainsi, il a été
montré que l’avis de deux médecins observateurs n’était concordant
que dans 56 % des cas, qu’il variait d’une classe dans 37 % des cas
et de deux classes dans 5 % des cas, la discordance étant surtout
importante pour les patients en classes II et III de la NYHA. D’autres
classifications ont été proposées mais elles sont en pratique moins
utilisées.
Chez un patient présentant une dyspnée, un certain nombre
d’éléments peuvent orienter vers une cause cardiaque, plutôt qu’une
cause pulmonaire :
– l’orthopnée se traduit par une sensation de difficulté respiratoire
en décubitus, qui oblige le patient à dormir en position assise ou
semi-assise en surélevant la partie supérieure du corps à l’aide
d’oreillers ; l’orthopnée est un signe de gravité de l’insuffisance
cardiaque ;
– les épisodes de dyspnée paroxystique nocturne sont des accès
dyspnéiques survenant au cours de la nuit, s’accompagnant souvent
de quintes de toux sans expectoration, obligeant le patient à se
lever ; il s’agit d’un équivalent d’oedème aigu pulmonaire ;
– l’oedème aigu pulmonaire est une détresse respiratoire aiguë
survenant au repos, avec sensation d’étouffement malgré la position
assise, polypnée superficielle, grésillement laryngé et toux incessante
ramenant une expectoration mousseuse, typiquement rose
saumonée. L’auscultation pulmonaire retrouve alors la présence de
râles crépitants en général dans les deux champs pulmonaires.
L’oedème pulmonaire est la traduction d’une accumulation de
liquide d’origine plasmatique dans le tissu interstitiel puis d’une
inondation alvéolaire. Ce tableau réalise une urgence thérapeutique.
D’autres symptômes peuvent être plus trompeurs :
– l’asthme cardiaque se traduit par une dyspnée et une bradypnée
expiratoire avec respiration sifflante et râles sibilants pouvant égarer
vers une origine pulmonaire par bronchospasme. Il est secondaire à
l’obstruction de la lumière bronchique par des veines bronchiques
dilatées ;
– la toux est un symptôme trompeur qui peut faire évoquer le
diagnostic d’insuffisance cardiaque lorsqu’elle survient à l’effort ou
lors du passage en décubitus.
Enfin, d’autres symptômes sont moins spécifiques comme la fatigue
et la faiblesse musculaire ; les signes neuropsychiques (anxiété,
confusion), souvent présents au stade ultime de la maladie,
traduisent une hypoperfusion cérébrale, enfin une polyurie
essentiellement nocturne est parfois notée et traduit l’amélioration
du débit sanguin rénal par le décubitus et le repos.
¦ Insuffisance cardiaque droite isolée
Elle peut se traduire par une dyspnée dont l’origine peut être
pulmonaire, mais d’autres symptômes sont plus spécifiques.
L’hépatalgie d’effort ou de repos est d’autant plus sensible que
l’insuffisance cardiaque s’est développée rapidement. Elle se traduit
par des pesanteurs douloureuses de l’hypocondre droit survenant
d’abord à l’effort puis au repos, qui sont secondaires à la distension
de la capsule hépatique. Ces signes peuvent s’associer aux signes
précédents dans l’insuffisance cardiaque globale. Des douleurs plus
diffuses ou une distension abdominale associées à des nausées, une
anorexie, voire des vomissements, peuvent également se rencontrer
dans l’insuffisance cardiaque terminale, et sont sans doute en
rapport avec l’hypoperfusion mésentérique.
Stade I : patient ayant une cardiopathie, mais se disant
asymptomatique.
Stade II : patient gêné par de l’essoufflement ou de la fatigue pour
des efforts importants et inhabituels.
Stade III : patient gêné pour des efforts de la vie courante.
Stade IV : patient gêné au moindre effort ou ayant une dyspnée de
repos.
Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20
3
SIGNES CLINIQUES
En dehors d’une poussée aiguë de la maladie, l’examen physique de
l’insuffisant cardiaque est relativement pauvre. La présence de
signes cliniques d’insuffisance cardiaque lors de l’examen d’un
patient au repos est donc un élément de gravité, traduisant
l’existence de signes de rétention hydrosodée ou d’un bas débit
périphérique.
¦ Examen cardiaque
– Le signe le plus fréquent est la tachycardie, qui est souvent
modérée. La palpation permet parfois de noter un choc de pointe
dévié vers l’aisselle, qui traduit la dilatation ventriculaire gauche.
L’auscultation peut retrouver un bruit de galop protodiastolique (B3)
ou télédiastolique (B4). Il s’agit de bruits sourds surajoutés qui
réalisent un rythme à trois temps. Un éclat du B2 au foyer
pulmonaire peut être entendu lorsqu’il existe une hypertension
artérielle pulmonaire. Un souffle d’insuffisance mitrale ou
d’insuffisance tricuspide fonctionnelle est souvent noté.
– Le pouls est souvent rapide, reflétant la tachycardie. En cas de
déchéance myocardique avancée, on peut observer un pouls
alternant, caractérisé par un pouls fort alternant avec un pouls faible
mais régulièrement espacé, contrairement à ce que l’on observe lors
d’un bigéminisme. Le pouls alternant est secondaire à une
diminution du volume d’éjection systolique toutes les deux systoles,
traduisant l’absence de récupération d’une partie des cellules
contractiles au cours de la diastole.
– La pression artérielle est longtemps normale, mais est souvent basse,
surtout dans les formes sévères en raison de la baisse du débit
cardiaque et de l’effet des médicaments, en particulier les
vasodilatateurs. La pression artérielle différentielle est pincée.
– L’oligurie est généralement tardive et est l’apanage des formes
sévères ; elle traduit la baisse du débit sanguin rénal et
s’accompagne souvent d’une altération de la fonction rénale.
– À un stade très avancé, l’insuffisance cardiaque peut
s’accompagner d’une fonte musculaire, réalisant parfois un véritable
état cachectique. Cette cachexie est secondaire à un certain degré
d’anorexie, au déconditionnement physique, et parfois aux troubles
digestifs en rapport avec la congestion hépatique et intestinale.
Une dyspnée de Cheynes-Stokes est parfois notée chez le patient
insuffisant cardiaque au cours du sommeil ; elle est secondaire à une
diminution de la sensibilité des centres respiratoires au CO2.
¦ Examen pulmonaire
L’auscultation pulmonaire recherche la présence de râles crépitants
ou sous-crépitants, qui sont le plus souvent bilatéraux, et l’existence
d’un éventuel épanchement pleural qui est un transsudat.
¦ Signes congestifs d’insuffisance cardiaque droite
De nombreux patients se présentent lors des épisodes de
décompensation avec des signes d’insuffisance cardiaque droite qui
traduisent la rétention hydrosodée et souvent une élévation de la
pression pulmonaire postcapillaire.
La turgescence jugulaire est recherchée chez un patient en décubitus
en position demi-assise. Elle se traduit par une dilatation
anormalement visible de la veine jugulaire, qui fait saillie sous la
peau. Le reflux hépatojugulaire traduit l’augmentation anormale de
la pression au niveau de la veine jugulaire après compression
manuelle du foie : l’expansion de la veine jugulaire pendant la
compression signe l’existence d’une congestion hépatique et
l’incapacité du coeur droit à assimiler le volume sanguin
supplémentaire ainsi déplacé par la compression. L’hépatomégalie
est souvent précoce avant l’apparition d’oedème. La palpation révèle
un foie augmenté de volume, régulier, ferme, douloureux à la
compression. L’existence d’une fuite tricuspide volumineuse peut
être à l’origine d’une expansion du foie, que l’on peut sentir à la
palpation. Les oedèmes périphériques prédominent au niveau des
parties déclives du corps, c’est-à-dire au niveau des membres
inférieurs chez les patients ambulatoires ou au niveau des lombes
chez un patient alité. Ces oedèmes sont bilatéraux, mous, blancs,
indolores et prennent le godet. Ils sont d’interprétation difficile chez
les femmes, chez les obèses et chez les sujets âgés. Les oedèmes
périphériques sont absents dans la dysfonction ventriculaire
initialement gauche et bien traitée, même si elle est sévère. L’ascite
est tardive et se voit souvent après une longue période
d’augmentation des pressions veineuses. Dans certaines pathologies,
comme l’atteinte organique de la valve tricuspide ou la péricardite
chronique constrictive, l’ascite peu apparaître précocement avant les
oedèmes périphériques. L’augmentation de la perméabilité capillaire
joue sans doute un rôle dans sa survenue, comme dans les
épanchements pleuraux, étant donné la relative richesse en protéines
de ces liquides (20 à 30 g/L). D’autres séreuses peuvent être
touchées par cette accumulation de liquide, comme le péricarde, ce
qui réalise parfois de véritables états d’anasarque. Une entéropathie
exsudative responsable d’une malabsorption, d’une diminution de
la protidémie et d’une baisse de la pression oncotique peut se
rencontrer et favoriser l’exsudation dans les séreuses et les tissus
interstitiels.
PRINCIPAUX EXAMENS PARACLINIQUES
Devant un tableau clinique évocateur d’insuffisance cardiaque, un
certain nombre d’examens complémentaires doivent être demandés.
Ils ont pour but de confirmer l’existence et de préciser si possible
l’étiologie d’une éventuelle cardiopathie, d’évaluer le degré
d’altération de la fonction systolique du coeur, d’évaluer la fonction
diastolique et enfin d’évaluer la sévérité et le pronostic de la
maladie.
¦ Électrocardiogramme (ECG)
Un ECG normal doit faire revoir le diagnostic d’insuffisance
cardiaque chronique. Les modifications ECG sont fréquentes chez
les patients avec insuffisance cardiaque. Les signes ECG de
surcharge auriculaire gauche ou d’hypertrophie ventriculaire gauche
peuvent être associés avec une dysfonction systolique ou diastolique
isolée. Dans les cardiopathies évoluées, le bloc de branche gauche
est fréquent. L’ECG permet parfois d’orienter vers une étiologie
(onde Q de nécrose ou trouble du rythme par exemple). L’ECG est
essentiel pour déceler une fibrillation auriculaire ou un flutter,
parfois une arythmie ventriculaire, facteurs favorisant l’insuffisance
cardiaque.
¦ Radiographie thoracique
La radiographie thoracique a perdu de l’intérêt depuis l’avènement
des techniques ultrasoniques. Elle permet d’apprécier la taille de la
silhouette cardiaque et la stase pulmonaire :
– on peut déceler une cardiomégalie comme le montre le rapport
cardiothoracique augmenté (> 0,50), avec en cas de dilatation du
ventricule gauche, une saillie de l’arc inférieur gauche plongeant
sous le diaphragme ; en revanche, dans les dilatations ventriculaires
droites, la pointe reste sus-diaphragmatique. Cependant, l’absence
de cardiomégalie ne permet pas d’éliminer le diagnostic
d’insuffisance cardiaque. La cardiomégalie est généralement absente
chez les patients avec insuffisance cardiaque aiguë et en cas de
dysfonction diastolique ;
– la stase pulmonaire se traduit par ordre de gravité croissante par :
– une tendance à la redistribution vasculaire de la base vers les
sommets ;
– un oedème interstitiel avec lignes de Kerley, et aspect flou des
gros vaisseaux hilaires et des images réticulonodulaires
prédominant aux bases ;
– un oedème alvéolaire avec des opacités floconneuses à contours
flous partant des hiles vers la périphérie (aspect dit « en ailes de
papillon »), ces opacités sont le plus souvent bilatérales mais des
formes unilatérales trompeuses peuvent se voir.
11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie
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Enfin, la radiographie thoracique met en évidence des épanchements
pleuraux uni- ou bilatéraux.
¦ Examens biologiques
Une insuffisance cardiaque non traitée s’accompagne rarement de
troubles hydroélectrolytiques ; en revanche, des anomalies
hydroélectrolytiques sont fréquemment notées chez l’insuffisant
cardiaque traité. Ainsi, le régime sans sel associé au traitement
diurétique est parfois responsable d’une hyponatrémie, qui est
aggravée par la diminution de la capacité rénale à extraire l’eau et
qui est souvent associée à des signes de rétention hydrosodée.
La diminution du flux sanguin rénal et de la filtration glomérulaire,
secondaire à la baisse du débit cardiaque et parfois aggravée par la
restriction hydrosodée et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
peut entraîner une altération de la fonction rénale avec
augmentation de l’urée et de la créatinine plasmatique. Une
créatininémie élevée peut être due à une affection rénale primaire
capable de causer tous les signes d’une insuffisance cardiaque par
surcharge volumique. Dysfonction rénale et insuffisance cardiaque
coexistent souvent du fait de pathologies sous-jacentes telles que
l’hypertension artérielle par exemple.
Une hypokaliémie est parfois notée et est souvent secondaire au
traitement diurétique. En revanche, l’administration simultanée
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion et d’épargneurs du
potassium peut entraîner une hyperkaliémie, d’autant plus
fréquente qu’il existe une insuffisance rénale associée.
Les anomalies du bilan hépatique ne sont pas rares dans
l’insuffisance cardiaque évoluée avec foie cardiaque ; elles sont, soit
secondaires à la congestion hépatique, soit en rapport avec un bas
débit hépatique. On peut voir une augmentation des transaminases,
une augmentation de la lacticodéshydrogénase, une augmentation
des phosphatases alcalines et de la bilirubine libre et conjuguée.
Enfin, les troubles de l’hémostase par insuffisance hépatocellulaire
sont l’apanage des formes terminales d’insuffisance cardiaque.
Une anémie peut aggraver une insuffisance cardiaque existante ; un
hématocrite élevé indique plutôt que l’essoufflement est en rapport
avec une maladie pulmonaire, une cardiopathie congénitale ou une
malformation pulmonaire artérioveineuse.
¦ Dosages neurohormonaux
Plusieurs études ont rattaché une baisse de la fonction ventriculaire
gauche à des concentrations en hausse de peptides natriurétiques.
Le peptide natriurétique de type B (BNP), son précurseur le NTproBNP
ou le peptide natriurétique atrial N-terminal (NT-ANP) ont
été étudiés dans l’insuffisance cardiaque, la dysfonction ventriculaire
gauche asymptomatique et l’infarctus du myocarde [22, 48, 56]. Ils
peuvent être utiles comme test d’exclusion en raison de valeurs
prédictives négatives élevées. Dans les services d’accueil d’urgence,
le dosage de BNP permet de différencier la dyspnée d’origine
cardiaque de la dyspnée d’origine pulmonaire : une concentration
sérique de BNP de 80 μg/mL semble être une valeur-seuil en
dessous de laquelle la valeur prédictive négative du test est très
élevée (98 %) [23]. En cas de suspicion d’insuffisance cardiaque,
l’échocardiographie ou d’autres évaluations de la fonction cardiaque
ne seraient réalisées que sur la base de taux plasmatiques élevés des
peptides natriurétiques. Depuis peu sont disponibles des tests faciles
à réaliser, donnant un résultat immédiat et convenant à un emploi
en pratique courante. Ces tests doivent maintenant être évalués en
pratique clinique.
Les dosages d’autres hormones augmentées au cours de
l’insuffisance cardiaque (noradrénaline, facteur atrial natriurétique,
endothéline, activité rénine plasmatique...) ne sont pas réalisés en
routine pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque.
¦ Échocardiographie couplée au doppler cardiaque
Confirmation de la cardiopathie
L’échocardiographie couplée au doppler est devenue l’examen clé à
réaliser devant toute suspicion d’insuffisance cardiaque. Cet examen
simple et non invasif peut être répété au cours du suivi des
patients [1, 29].
L’échocardiographie permet de confirmer l’existence d’une
cardiopathie et souvent d’orienter rapidement le diagnostic
étiologique (diagnostic d’une valvulopathie, troubles de la cinétique
segmentaire évoquant une cardiopathie ischémique, trouble diffus
de la contractilité évoquant une cardiomyopathie dilatée,
hypertrophie homogène en faveur d’une cardiopathie hypertensive
ou hypertrophie asymétrique en faveur d’une cardiomyopathie
hypertrophique...).
Elle permet également d’évaluer la fonction ventriculaire
(diastolique et systolique) et le degré de dilatation ventriculaire.
Mesure des diamètres et des volumes ventriculaires
L’échocardiographie permet l’obtention du diamètre ventriculaire
gauche, cette mesure étant habituellement donnée en mode TM
(fig 1), à condition que le faisceau d’ultrasons soit perpendiculaire
au septum et à la paroi postérieure. On parle de dilatation lorsque
le diamètre télédiastolique est supérieur à 56 mm ou lorsque le
diamètre ventriculaire gauche indexé est supérieur à 27 mm/m2.
La mesure des volumes ventriculaires (V) fait appel, comme
l’angiographie quantitative, à des modélisations géométriques.
Ainsi, en mode TM, la formule des cubes assimile le ventricule
gauche à une cavité ellipsoïdale dont le diamètre du grand axe (L)
1 Échocardiographie en mode TM d’un patient présentant une cardiopathie dilatée d’origine ischémique.
A. Diminution des mouvements antéropostérieurs de l’aorte, ouverture diminuée et non soutenue des sigmoïdes aortiques traduisant un bas débit.
B. Diminution de l’amplitude d’ouverture des valves mitrales, point B mitral, augmentation de la distance E-septum interventriculaire à 26 mm.
C. Dilatation du ventricule gauche (diamètre diastolique à 71 mm) et altération de la fonction systolique globale avec une fraction de raccourcissement à 10%.
*A *B *C
Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20
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serait égal à 2 fois les diamètres du petit axe (D), qui sont égaux : V
= 4/3 p. D/2.D/2.L/2 = D3. Cette formule devient imprécise lorsque
le coeur se dilate et que la cavité devient sphérique. La fomule de
Teicholtz est alors plus précise : V = 7 D3/(2.4 + D). En
bidimensionnel, différentes formules sont disponibles pour la
quantification des volumes, reposant en général sur une relation
surface-longueur. La plus utilisée en raison de sa simplicité est la
formule dite de l’ellipsoïde monoplan en incidence apicale quatre
cavités (fig 2) : à partir de la surface A et la longueur L de la pointe à
la base du ventricule gauche, on peut calculer le volume (V = 8
A2/3pL). Un modèle ellipsoïde biplan plus fiable mais d’application
plus complexe a été proposé. Il nécessite deux coupes (apicale quatre
cavités et petit axe parasternal gauche ou apicales quatre et deux
cavités) [63]. Les limites de ces méthodes reposent essentiellement sur
l’échogénicité des patients et la difficulté d’identification de
l’endocarde, d’où une reproductibilité souvent décevante.
Évaluation de la fonction systolique (mesure de la fonction pompe
du ventricule gauche)
La fraction de raccourcissement est le rapport de la différence des
diamètres télédiastolique et télésystolique du ventricule gauche sur
le diamètre télédiastolique (FR = DTD-DTS / DTD). Sa valeur
normale est comprise entre 30 et 40 % (fig 1). Elle se mesure au
niveau de la base du ventricule gauche, ce qui suppose que la
contraction soit homogène. Il ne peut donc être mesuré qu’en
l’absence d’anomalie de la cinétique segmentaire (bloc de branche
gauche, atteinte segmentaire de la contractilité d’origine ischémique
ou surcharge des cavités droites...).
La mesure de la fraction d’éjection peut être faite à partir de la
mesure des volumes décrite précédemment avec les mêmes réserves.
Elle est égale au rapport de la différence entre le volume
télédiastolique et télésystolique du ventricule gauche sur le volume
télédiastolique : (FE = VTD- VTS/VTD). Sa valeur normale est
supérieure à 60 %.
La baisse de la fonction systolique se traduit également par une
diminution de l’amplitude du mouvement antéropostérieur de
l’aorte, par une diminution de l’amplitude et de la durée d’ouverture
des valves aortiques et mitrales en TM (fig 1). D’autres indices ont
été proposés : la distance entre le point E de la mitrale et le septum
interventriculaire, qui est augmentée en cas de dilatation et
d’altération de la fonction ventriculaire (une distance supérieure à
20 mm traduisant en général une fraction d’éjection inférieure à
30 %), les intervalles de temps systolique (période prééjectionnelle/
temps d’éjection), la vitesse moyenne de
raccourcissement circonférentielle des fibres (VCF = pourcentage de
raccourcissement /temps d’éjection). Enfin, la contrainte
télésystolique méridienne du ventricule gauche, qui est bien corrélée
à la mesure invasive de la contrainte, est sans doute un indice de
fonction systolique plus pertinent, surtout lorsqu’il est comparé à la
vitesse ou la fraction de raccourcissement. Cet indice reste réservé à
la recherche clinique.
Mesure du débit cardiaque
Le doppler cardiaque permet assez facilement de mesurer le volume
d’éjection systolique, en mesurant la vitesse moyenne du flux
passant dans la chambre de chasse du ventricule gauche (fig 3) que
l’on multiplie par la surface de cette chambre de chasse, avec une
bonne corrélation avec les mesures invasives, en l’absence de
régurgitation valvulaire. On peut ainsi facilement avoir une
évaluation du débit et de l’index cardiaque. Cette mesure peut
également être réalisée au niveau d’autres orifices valvulaires (orifice
pulmonaire ou mitral), mais la précision est moindre chez l’adulte.
Évaluation des pressions pulmonaires
Le doppler cardiaque permet une évaluation des pressions
pulmonaires systolique ou diastolique à partir des mesures
respectives des vitesses des flux d’insuffisance tricuspide et
d’insuffisance pulmonaire [71]. Une veine cave inférieure dilatée en
bidimensionnel (diamètre > 2 cm), est habituellement le signe de
pressions de remplissage élevées. Inversement, une veine cave
inférieure collabée est notée en présence de pressions de remplissage
basses.
Évaluation de la fonction diastolique du ventricule gauche
et des pressions de remplissage ventriculaire gauche
L’analyse du remplissage ventriculaire gauche est une étape
indispensable dans l’examen d’une insuffisance cardiaque. Le
doppler permet une estimation des pressions de remplissage du
ventricule gauche et une évaluation de la diastole (relaxation,
compliance ventriculaire gauche et systole auriculaire). Dans les
conditions normales, la relaxation ventriculaire gauche est achevée
à la fin du remplissage rapide qui assure 75 à 80 % du remplissage
chez le sujet jeune normal. Lorsque la relaxation est achevée, le
remplissage dépend des propriétés de distension passive du
ventricule gauche ou compliance, comprenant la phase de
remplissage lent et la contraction auriculaire. Les mesures courantes
reposent sur l’étude du flux transmitral, complétée lorsque cela est
possible par l’étude du flux des veines pulmonaires ; plus
2 Coupe bidimensionnelle apicale quatre cavités. Mesure échocardiographique du
volume du ventricule gauche par la technique de l’ellipsoïde monoplan : le ventricule
gauche est très dilaté (330 mL).
11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie
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récemment a été proposée la mesure de la vitesse de déplacement
de l’anneau mitral en protodiastole en doppler tissulaire. Ces
méthodes peuvent être associées pour obtenir des indices
combinés [31].
Le flux transmitral a deux pics de vitesse E et A. L’onde E
correspond au remplissage rapide, l’onde A reflète la contribution
de l’oreillette gauche au remplissage ventriculaire en télédiastole, et
dépend de la contraction de l’oreillette et du niveau des pressions
régnant dans l’oreillette gauche et le ventricule gauche lors de la
systole auriculaire. L’onde A disparaît en présence d’une fibrillation
auriculaire. Les valeurs normales pour un adulte d’âge moyen sont
un rapport E/A proche de 1, un temps de décélération de l’onde E
entre 150 et 220 ms et un temps de relaxation isovolumétrique entre
60 et 100 ms. De nombreux facteurs influencent le flux transmitral
parmi lesquels l’âge, la fréquence cardiaque, les conditions de
charge, la relaxation et la compliance du ventricule gauche. On
distingue trois grands types de dysfonction diastolique qui sont les
anomalies de la relaxation, les aspects pseudonormaux et les
anomalies de compliance. Ces trois types correspondent à des stades
de gravité croissante et peuvent se succéder. En cas d’anomalie
isolée de la relaxation, l’amplitude de l’onde E diminue, le rapport
E/A devient inférieur à 1, le temps de décélération de E augmente,
le temps de relaxation isovolumétrique s’allonge. Au contraire, en
cas d’augmentation importante des pressions de remplissage ou
dans les pathologies restrictives, l’amplitude de l’onde E augmente
avec un rapport E/A > 2, un temps de décélération de E mitrale
court (< 150 ms) et un temps de relaxation isovolumétrique bref (fig 3). Entre ces deux cas, lorsque coexistent des anomalies de relaxation et une augmentation des pressions de remplissage, des formes intermédiaires « pseudonormales », d’interprétation difficile, peuvent se rencontrer. En l’absence d’une insuffisance mitrale associée, on peut estimer que la pression dans l’oreillette gauche est élevée en cas d’augmentation du volume de l’oreillette gauche associée à un flux mitral restrictif. L’analyse simultanée du flux veineux pulmonaire et du flux transmitral peut renseigner sur le niveau des pressions de remplissage et rendre plus facile l’interprétation des paramètres du flux transmitral. Le flux pulmonaire est constitué d’une onde systolique S, d’une onde diastolique D et d’une onde A négative qui correspond au reflux de sang de l’oreillette gauche vers les veines pulmonaires au moment de la contraction de l’oreillette gauche. Normalement, l’amplitude de S est supérieure à celle de D ; quand les pressions de remplissage s’élèvent, S diminue alors que D augmente (S/D < 1). Plus la pression télédiastolique du ventricule gauche est élevée, plus longue sera la durée de l’onde A ; une différence de l’onde A pulmonaire - l’onde A mitrale > 20 ms
témoigne le plus souvent d’une pression télédiastolique dans le
ventricule gauche élevée.
Le doppler tissulaire est une nouvelle approche
échocardiographique qui permet la mesure des vélocités
myocardiques. Cette technique est disponible sur les échographes
de dernière génération. La vitesse de déplacement de l’anneau mitral
en doppler tissulaire durant la diastole reflète l’allongement des
fibres myocardiques dans le plan longitudinal. L’aspect normal
comporte une onde systolique, une onde protodiastolique (Ea) et
une onde télédiastolique (Aa) (fig 4). La valeur normale de Ea est
> 8 cm/s avec un rapport Ea/Aa > 1. La cinétique de l’anneau mitral
est moins dépendante des conditions de charge que le flux mitral.
La combinaison de l’onde E mitrale et de l’onde Ea obtenue en
doppler tissulaire permet une estimation des pressions de
remplissage : un rapport E/Ea > 15 correspond toujours à une
élévation des pressions de remplissage et un rapport E/Ea < 8 correspond en général à des pressions normales [62]. Évaluation d’une insuffisance mitrale L’échocardiographie couplée au doppler cardiaque permet également de détecter et de quantifier une éventuelle insuffisance mitrale fonctionnelle par dilatation de l’anneau qui est fréquemment associée. ¦ Cathétérisme droit et gauche, angiographie ventriculaire gauche, coronarographie [5, 6] Une exploration invasive n’est habituellement pas demandée pour affirmer une insuffisance cardiaque chronique mais peut être utile à visée étiologique ou pronostique. La coronarographie est souvent incontournable pour confirmer ou éliminer l’origine ischémique de la cardiopathie. Pour étudier la fonction cardiaque, les techniques invasives ont été supplantées par les méthodes non invasives. De même, la quantification des valvulopathies fuyantes ou sténosantes fait actuellement appel à l’échocardiographie-doppler et le cathétérisme n’est utile que dans certaines polyvalvulopathies ou en cas d’éléments discordants. 3 A. Mesure de la vitesse dans la chambre de chasse du ventricule gauche juste sous les sigmoïdes aortiques en doppler pulsé. L’intégrale temps-vitesse (ITV) de ce signal permettant de calculer le débit aortique est très diminuée (9,6 cm) chez ce patient présentant une cardiopathie ischémique en insuffisance cardiaque. B. Flux transmitral de remplissage du ventricule gauche mesuré en doppler pulsé chez le même patient. L’augmentation de l’amplitude de l’onde E et la diminution de sa durée (augmentation de la pente de décroissance) traduisent une augmentation importante des pressions de remplissage. *A *B Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20 7 Néanmoins, les méthodes invasives restent encore les méthodes de référence pour l’évaluation de la fonction cardiaque, car elles permettent le recueil simultané et fiable des pressions intracavitaires et des paramètres de fonction pompe. Cathétérisme droit Le cathétérisme droit permet la mesure du débit cardiaque et des pressions pulmonaires. L’élévation des pressions dans la circulation pulmonaire est un facteur de sévérité qui traduit le retentissement en amont d’une cardiopathie gauche et l’augmentation des pressions de remplissage. Dans l’insuffisance cardiaque gauche grave, l’augmentation des pressions pulmonaires peut devenir fixée par une maladie artériolaire pulmonaire (hypertension artérielle pulmonaire précapillaire), ce qui représente alors une contreindication à la transplantation cardiaque. Dans ces cas, on réalise des épreuves dynamiques pour s’assurer que les résistances artérielles pulmonaires ne sont pas fixées et peuvent baisser après injection de vasodilatateurs. La mesure isolée du débit cardiaque de repos a une valeur relativement limitée dans l’insuffisance cardiaque, compte tenu de la largeur de l’éventail de normalité. La valeur normale de l’index cardiaque mesuré au repos est d’environ 3,5 L/min/m2 avec une variation pouvant aller de 2,5 à 4,2 L/min/m2. Néanmoins, la baisse du débit cardiaque traduit souvent une perturbation hémodynamique importante et signifie que les mécanismes d’adaptation habituels sont dépassés. La différence artérioveineuse (DAV), qui est la différence entre le contenu d’oxygène du sang artériel et du sang veineux mêlé, augmente lorsque le débit cardiaque est insuffisant pour assurer les besoins métaboliques de l’organisme, du fait d’une augmentation de l’extraction périphérique de l’oxygène. La valeur normale de la DAV est d’environ 4 mL/100 mL (3-5 mL/100 mL). Au cours de l’effort, la DAV maximale peut tripler chez l’insuffisant cardiaque, où elle atteint des valeurs identiques à celles du sujet normal. La confrontation de la valeur des pressions de remplissage à celle du débit cardiaque ou du volume d’éjection systolique est fondamentale dans l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche. Ainsi, une baisse du débit cardiaque ou du volume d’éjection systolique associée à une augmentation des pressions de remplissage ou du volume télédiastolique traduit toujours une altération de la contractilité. Une augmentation des pressions de remplissage peut s’observer en l’absence de dilatation ventriculaire (atteinte péricardique, cardiopathie hypertrophique, ischémique ou restrictive). Une baisse du débit cardiaque associée à des pressions de remplissage normales peut traduire, soit une baisse de la contractilité, soit une hypovolémie, soit les deux associées (insuffisant cardiaque sous diurétiques). Dans certains cas, une épreuve de remplissage est intéressante et souvent réalisée dans les unités de réanimation, car l’augmentation de la précharge engendrée s’accompagne normalement d’une augmentation du débit cardiaque sur un coeur non défaillant. Cathétérisme gauche Le cathétérisme gauche permet le recueil des pressions ventriculaires gauches et la réalisation de l’angiographie, pour la mesure des volumes ventriculaires et de la fraction d’éjection. L’angiographie ventriculaire gauche reste la méthode de référence pour la mesure des volumes de la cavité et de la fraction d’éjection. Comme pour l’échocardiographie, cette mesure repose sur des modélisations (méthode surface-longueur de Dodge par exemple) (fig 5). Le volume télédiastolique (VTD) indexé normal du ventricule gauche est de 70 ± 20 mL/m2. On parle de dilatation ventriculaire audessus de 100 mL/m2. Le volume d’éjection systolique (VES) est mesuré par la différence VTD-VTS (VTS = volume télésystolique du ventricule gauche) et la fraction d’éjection est égale à VES/VTD. La fraction d’éjection représente une mesure de la fonction pompe globale. Elle est égale à 0,67 ± 0,08. Ce paramètre est relativement peu sensible pour mesurer la fonction ventriculaire, car il ne dépend pas seulement de la contractilité mais aussi de la précharge et de la postcharge, mais il est couramment utilisé pour évaluer la sévérité de la maladie et pour classer les patients. Bien que la fraction d’éjection angiographique reste pour beaucoup la méthode de référence, certaines causes d’erreur existent : l’injection intracavitaire de produit de contraste peut modifier la fonction contractile du ventricule gauche, le dessin des contours endocardiques peut être difficile à réaliser ; le cycle cardiaque sur lequel est fait la mesure n’est pas toujours représentatif de la moyenne des cycles cardiaques ; enfin, le modèle géométrique ellipsoïdal peut s’avérer faux, notamment en systole. L’appréciation de la cinétique segmentaire est fondamentale dans les cardiopathies ischémiques où l’atteinte de la contractilité est souvent localisée et inhomogène. Ces anomalies de cinétique segmentaire peuvent être compensées par une hypercinésie des segments normaux, ce qui permet de maintenir normale la fonction ventriculaire globale. D’autres paramètres plus complexes mais évaluant plus précisément la fonction ventriculaire et la contractilité sont parfois mesurés, mais restent du domaine des protocoles de recherche. 4 Doppler tissulaire de l’anneau mitral avec une onde systolique positive et deux ondes diastoliques Ea (1) et Aa (2). 5 Mesure et calcul de la fraction d’éjection du ventricule gauche par angiographie. 11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie 8 Angiocardiographie Ainsi, l’angiocardiographie permet de mesurer la masse ventriculaire en appréciant l’épaisseur pariétale, et d’en déduire la contrainte pariétale systolique et diastolique, reflets de la postcharge et de la précharge. Courbes pression-volume Les courbes pression-volume traduisent la relation entre la pression et le volume ventriculaire tout au long du cycle cardiaque et forment une boucle dont la hauteur et la largeur sont déterminées respectivement par la pression systolique et le volume d’éjection systolique. Cette boucle est habituellement obtenue en mesurant les volumes par cinéangiographie, même si la ventriculographie isotopique et les cathéters à impédance ont simplifié l’obtention de la mesure des volumes au cours du cycle cardiaque. La boucle pression-volume permet l’obtention de la valeur pression/volume télésystolique. La relation pression-volume télésystolique peut être matérialisée par une ligne joignant les différents points télésystoliques de boucles pression-volume obtenus à des niveaux de charge différents, par injection d’un vasoconstricteur ou d’un vasodilatateur pur. La pente de cette relation ETS est un bon indice de la contractilité (fig 6). ETS = PTS (VTS-Vd) où PTS est la pression télésystolique, VTS le volume télésystolique et Vd l’intercept de cette ligne sur l’axe des x (volume). La valeur de Vd nécessite l’obtention de VTS et de PTS à différents niveaux de charge mais à niveau de contractilité constant. Ainsi, la pente de cette relation est relativement peu sensible aux variations de précharge ; elle incorpore la postcharge et dépend donc presque exclusivement de la contractilité. Cette pente peut être calculée plus simplement en mesurant la pression systolique brachiale à l’aide d’un sphygmomanomètre à mercure et le diamètre télésystolique par échocardiographie. Indices de contractilité La mesure des indices de contractilité au cours de la phase prééjectionnelle repose sur la dérivée première de la pression (dP/dt) qui traduit la vitesse d’augmentation de la pression au cours de la période isovolumétrique (fig 7). Il s’agit d’un bon indice pour mesurer des modifications aiguës de contractilité. Pour être fiable, cette mesure nécessite l’emploi de cathéter avec micromanomètre à haute fidélité. Le pic dP/dt est indépendant de la postcharge dans la mesure où il survient alors que les valves aortiques sont encore fermées et la précharge a relativement peu d’influence sur ce paramètre. L’inconvénient est que dP/dt est tout de même dépendant de la valeur de la pression au moment de l’ouverture des valves aortiques. La mesure de dP/dt à un instant donné, comme par exemple lorsque la pression a atteint 40 mmHg (dP/dt/DP40), permet d’éviter cet inconvénient. Enfin, les indices de contractilité basés sur la relation force-vitesse étudient la relation entre fraction d’éjection ou pourcentage de raccourcissement et la contrainte télésystolique du ventricule gauche. Cette relation permet de distinguer, chez les patients ayant une diminution de la fraction d’éjection, ce qui est dû à une augmentation éventuelle de la postcharge de ce qui est dû à une atteinte de la contractilité. Ce type de mesure peut être réalisé de manière non invasive. 7 Courbe de pression ventriculaire gauche (A) et de la dérivée première de pression (B). 6 A. La relation entre pression télésystolique et volume télésystolique est déterminée par une droite (ETS) dont la pente détermine un état inotrope donné et qui croise l’axe des volumes en un point Vd représentant le volume résiduel. Pour un même état inotrope et à pression et volume télédiastolique constants, la baisse de la pression télésystolique s’accompagne d’une baisse du volume télésystolique et donc d’une augmentation du volume d’éjection systolique (3) alors que l’augmentation de la pression télésystolique a les effets inverses (2). B. L’augmentation de l’inotropie s’accompagne d’une augmentation de la pente ETS. *A *B Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20 9 Évaluation de la fonction diastolique L’étude hémodynamique de la diastole reste la méthode de référence. Les principaux indices utilisés pour l’étude de la relaxation concernent la relaxation isovolumique : le pic négatif dP/dt réflète la phase très précoce de la relaxation mais dépend non seulement de la vitesse de chute de la pression mais aussi du pic positif dP/dt, de la fréquence cardiaque, de la pression systolique et du volume télésystolique du ventricule gauche. La constante de temps T (Tau : constante de temps de relaxation) est obtenue après ajustement exponentiel de la partie décroissante de la courbe de pression du ventricule gauche. Néanmoins, le calcul de cette constante repose sur des hypothèses qui ne sont pas toujours vérifiées. L’étude de la compliance du ventricule gauche fait appel aux relations pression-volume dP/dV. Or, la compliance varie au fur et à mesure que la pression augmente, l’élévation de pression devenant plus rapide à partir d’un certain degré de distension ventriculaire. La pente de la tangente de la relation pression/volume permet de calculer la rigidité ventriculaire, qui est l’inverse de la compliance, pour chaque niveau de pression. Biopsie endomyocardique Elle est rarement réalisée ; elle peut être utile chez certains patients avec une insuffisance cardiaque inexpliquée. ¦ Épreuve d’effort avec mesure des échanges gazeux [16, 90] Les examens non invasifs et invasifs classiques permettent de recueillir un certain nombre de paramètres hémodynamiques de repos (volumes, débits, pressions) indispensables pour évaluer le degré et le type de dysfonction ventriculaire gauche. La limite de ces examens provient du fait qu’ils sont en pratique toujours réalisés au repos, alors que les symptômes des patients n’apparaissent souvent qu’au cours de l’effort. De fait, on observe souvent une mauvaise corrélation entre les paramètres hémodynamiques recueillis au repos et la symptomatologie des patients. Un test d’effort a peu de valeur pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque ; toutefois, un test d’effort normal maximal chez un sujet non traité doit faire revoir le diagnostic d’insuffisance cardiaque. L’épreuve d’effort permet une évaluation fonctionnelle et thérapeutique et une stratification pronostique. L’épreuve d’effort, couplée à la mesure des échanges gazeux, permet de mesurer de manière non invasive la consommation maximale d’oxygène et de gaz carbonique. Cette épreuve d’effort est généralement réalisée au cours d’un effort progressivement croissant (triangulaire) sur bicyclette ergométrique ou tapis roulant, au cours duquel la ventilation et les concentrations expiratoires d’O2 et de CO2 sont mesurées de manière continue. En pratique, plusieurs paramètres peuvent être enregistrés. Consommation maximale d’oxygène La consommation maximale d’oxygène ou V˙ O2 max se définit comme la quantité maximale d’O2 que l’organisme peut prélever (poumons), transporter (coeur et vaisseaux) et consommer (muscle) par unité de temps. Elle reflète donc la réserve cardiopulmonaire et circulatoire maximale des patients. L’insuffisance cardiaque s’accompagne en règle d’une diminution de la consommation maximale d’oxygène, en raison essentiellement de la diminution des capacités de transport de l’oxygène. LaV˙ O2 max est atteinte lorsque les valeurs de V˙ O2 n’augmentent plus et atteignent un plateau malgré la poursuite de l’exercice. En réalité, l’insuffisant cardiaque arrête souvent l’exercice avant l’obtention de ce plateau, et on parle donc plutôt de pic de V˙ O2 pour désigner la valeur maximale atteinte. La V˙ O2 max est égale au produit du débit cardiaque maximal (Qc max) et de la différence artérioveineuse maximale du contenu en O2 (DAV max) : VO2 max = Qc max.(CaO2-CvO2) max = Qc max.DAV max. Au cours de l’effort, le débit cardiaque et l’extraction de l’oxygène augmentent linéairement : la DAV atteint en règle un seuil maximal de 15 à 18 mL d’O2/100 mL de sang chez le sujet normal et insuffisant cardiaque. Finalement, la V˙ O2 max est surtout dépendante du débit cardiaque maximal et elle ne peut être atteinte que lors d’un effort intéressant au moins 50 % de la masse musculaire. Les valeurs normales de la V˙ O2 max d’un sujet de 30 à 40 ans sont d’environ 30 à 40 mL/min/kg, mais de nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer cette valeur : ainsi, le pic de V˙ O2 baisse avec l’âge, est plus bas chez les femmes que chez les hommes et varie en fonction du type d’exercice effectué (plus élevé d’environ 10 % lors d’une épreuve d’effort réalisée sur tapis roulant que sur bicyclette). Enfin, il peut augmenter considérablement avec l’entraînement physique, pouvant atteindre des valeurs de 80 à 90 mL/min/kg chez certains athlètes. Seuil anaérobie Le seuil anaérobie est défini par la valeur de la V˙ O2 à partir de laquelle l’oxygène apporté aux muscles est insuffisant et qu’une partie de l’énergie provient du métabolisme anaérobie. Chez l’insuffisant cardiaque, comme la DAV max est en général identique à celle du sujet normal, l’insuffisance d’apport en oxygène est due à une augmentation insuffisante du débit fonctionnel au niveau musculaire. On observe à ce moment là un accroissement de la production des lactates à partir de l’acide pyruvique au niveau de la cellule musculaire, qui se traduit par une nette cassure de la pente d’augmentation des lactates plasmatiques en fonction du temps (seuil du lactate). Les lactates sont tamponnés par les ions bicarbonates, ce qui aboutit à la production de CO2. Il est possible de déterminer ce seuil anaérobie sur les courbes des gaz respiratoires. En effet, à partir d’un certain niveau d’effort, le volume d’air expiré (VE) et la VCO2, qui augmentaient linéairement et parallèlement à la V˙ O2, voient leurs courbes en fonction du temps s’infléchir nettement vers le haut, avec un quotient respiratoire (VCO2/V˙ O2) qui devient en règle supérieur à 1 (fig 8). L’intérêt essentiel de la détermination du seuil anaérobie réside dans le fait que cet indice est obtenu lors d’un effort sous-maximal, à environ 60 % de la V˙ O2 max, effort moins dépendant de la motivation du patient. Ce seuil est donc souvent atteint contrairement au plateau deV˙ O2, même chez l’insuffisant cardiaque. Le franchissement du seuil anaérobie au cours d’une épreuve d’effort témoigne de la qualité de l’effort fourni. En revanche, chez certains patients, le seuil anaérobie ne peut être franchi en raison d’un arrêt prématuré de l’épreuve d’effort du fait de la survenue d’un trouble du rythme ou d’une ischémie ou parfois simplement 8 Mesure des échanges gazeux au cours de l’exercice chez un patient insuffisant cardiaque (58 ans, poids 63 kg, classe II de la New York Heart Association, fraction d’éjection ventriculaire gauche 24 %) au cours d’une épreuve triangulaire à paliers croissants (10 W/min) sur bicyclette ergométrique. Le pic de V˙ O2 atteint est de 19 mL/kg/min et le seuil anaérobie est à 12,6 mL/kg/min ce qui témoigne d’une altération modérée de la capacité d’exercice (classe B de la classification deWeber). Courbe de V˙ O2 en rouge, courbe de VCO2 en noir, courbe de VE (volume expiratoire) en gris. 11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie 10 en l’absence de motivation du patient. Le seuil ventilatoire est difficile à déterminer dans 10 à 20 % des cas ; cet indice paraît moins reproductible que laV˙ O2 max. Finalement, l’épreuve d’effort couplée à la mesure de laV˙ O2 permet une analyse quantitative de la capacité à l’effort des insuffisants cardiaques et par conséquent une évaluation plus précise de leur tolérance fonctionnelle. Weber et Janicki ont proposé une classification des insuffisants cardiaques à partir de la valeur de leur V˙ O2 maximale (tableau II). On connaît en effet les limites de la classification de la NYHA, qui reste non paramétrique et très subjective. La répétition des mesures à intervalles réguliers pourrait permettre d’apprécier le retentissement de l’évolution de la cardiopathie sur la capacité fonctionnelle et l’effet des différentes thérapeutiques. La limite essentielle de cette classification réside dans le fait que les valeurs proposées ne sont pas indexées en fonction de l’âge et du sexe. Aussi conseille-t-on de prendre en considération le pourcentage deV˙ O2 théorique. De plus, le pic deV˙ O2 au maximum de l’effort ne reflète pas obligatoirement la tolérance fonctionnelle des patients lors des efforts de la vie courante, qui sont le plus souvent sous-maximaux. Test de marche Le test de marche de 6 minutes permet également d’évaluer les capacités du patient, mais lors d’un exercice sous-maximal. Il consiste à mesurer la distance parcourue par le patient pendant 6 minutes [37]. Il représente probablement un meilleur reflet des efforts de la vie courante. La distance parcourue est inversement liée à la survie et à la fréquence des hospitalisations. Ce test peut avoir une bonne valeur pronostique si le périmètre de marche est inférieur à 300 m [3]. ¦ Examens isotopiques L’angiographie isotopique fournit des renseignements précis sur la fraction d’éjection ventriculaire gauche et à un degré moindre sur la fraction d’éjection du ventricule droit et les volumes cardiaques. On peut aussi analyser les paramètres de remplissage du ventricule gauche. Une scintigraphie de perfusion au thallium à l’effort peut être utile en cas de suspicion de cardiopathie d’origine ischémique, mais une coronarographie est souvent réalisée pour confirmer le diagnostic. La scintigraphie myocardique au thallium de repos permet de dépister une viabilité myocardique avec une éventuelle fixation du traceur dans des territoires akinétiques irrigués par des vaisseaux coronaires pathologiques : dans ce cas, on peut espérer une récupération fonctionnelle du muscle myocardique en cas de revascularisation dans ce territoire. Dans cette indication, la tomographie d’émissions à positons reste actuellement la technique la plus performante car elle permet d’étudier simultanément le métabolisme et la perfusion, mais cette technique est encore actuellement peu disponible. Ces examens ne peuvent être conseillés comme examen de routine ¦ Imagerie par résonance magnétique (IRM) L’IRM est la mesure la plus précise et la plus reproductible pour mesurer les volumes cardiaques, les épaisseurs pariétales et la masse ventriculaire gauche. Elle permet de déceler un épaississement du péricarde et de quantifier la perfusion, la fonction et l’étendue de la nécrose du myocarde. Actuellement, l’IRM n’est pas réalisée en routine et ne pourrait être recommandée que si les autres méthodes d’imagerie n’avaient pas fourni de réponse diagnostique satisfaisante. ¦ Enregistrement Holter-électrocardiogramme L’enregistrement Holter-ECG n’a pas de valeur pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque. Il fait partie du bilan de tout patient insuffisant cardiaque, afin de déceler et quantifier la nature, la fréquence et la durée des arythmies capables d’entraîner ou d’aggraver les symptômes d’insuffisance cardiaque. Les troubles du rythme supraventriculaire, en particulier la fibrillation auriculaire, peuvent être à l’origine d’épisodes de décompensation et justifient le plus souvent un traitement antiarythmique préventif. Les troubles du rythme ventriculaire ont une valeur pronostique d’autant plus péjorative qu’ils sont graves et complexes (extrasystolie ventriculaire fréquente, polymorphes et répétitives, tachycardies ventriculaires non soutenues). Variabilité de la fréquence cardiaque La variabilité de la fréquence de l’insuffisance cardiaque est un marqueur de l’équilibre du système nerveux autonome ; elle peut être calculée à partir de l’enregistrement Holter-ECG. La variabilité de la fréquence cardiaque est diminuée dans l’insuffisance cardiaque. La baisse de la variabilité des espaces RR successifs (avec un écart-type des espaces RR inférieur à 50 ms) est prédictive de mortalité dans l’insuffisance cardiaque. Bien que sa valeur pronostique ait été démontrée, la valeur de cette technique en pratique clinique est encore à déterminer [59, 60]. Démarche diagnostique INSUFFISANCE CARDIAQUE AIGUË OU CHRONIQUE L’insuffisance cardiaque chronique, souvent émaillée d’épisodes aigus, est la forme habituelle de l’insuffisance cardiaque. Le terme d’insuffisance cardiaque aiguë est souvent utilisé exclusivement pour désigner une dyspnée aiguë cardiogénique avec des signes de congestion pulmonaire, voire un oedème pulmonaire, mais il peut aussi s’appliquer au choc cardiogénique qui est un syndrome constitué d’une pression artérielle basse, d’une oligurie et d’un refroidissement des extrémités. Dans l’insuffisance cardiaque aiguë, l’atteinte cardiaque est d’emblée si importante et si brutale que les mécanismes d’adaptation n’auront pas le temps de se mettre en place ou ne seront pas suffisamment efficaces. Les causes habituelles d’insuffisance cardiaque aiguë sont l’infarctus du myocarde massif, une myocardite aiguë, une tachycardie rapide (> 180 /min) ou au
contraire une bradycardie extrême (< 35/min), une régurgitation valvulaire aiguë (insuffisance mitrale ou aortique par endocardite, insuffisance mitrale par rupture de cordage ou de pilier), une tamponnade, une embolie pulmonaire massive... La prise en charge de l’insuffisance cardiaque se fait en réanimation ou en unité de soins intensifs, en essayant chaque fois que cela est possible de traiter la cause. En l’absence d’efficacité du traitement médical, certains de ces patients sont susceptibles de bénéficier de techniques d’assistance circulatoire. L’insuffisance cardiaque chronique suppose une évolution plus longue et plus lente sur des semaines, des mois, voire des années, pendant lesquels les mécanismes d’adaptation ont le temps de se développer. Les patients peuvent rester longtemps asymptomatiques ou paucisymptomatiques. Puis, l’insuffisance cardiaque évolue souvent par poussées au cours desquelles apparaissent des signes de rétention hydrosodée ou d’hypoperfusion périphérique, entrecoupées de phases de relative stabilité. Ces épisodes sont souvent favorisés par des facteurs aggravants qu’il est fondamental de rechercher systématiquement : Tableau II. – Classification des insuffisants cardiaques (Weber et Janicki, 1982). Classe Gêne fonctionnelle V˙ O2 max V˙ O2 au seuil anaérobie (mL/min/kg) (mL/min/kg) A absente ou modeste > 20 > 14
B modérée 16 à 20 11 à 14
C importante 10 à 15 8 à 10
D sévère < 10 < 8 Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20 11 – l’interruption du traitement ou la rupture du régime hyposodé représentent sans doute la cause la plus fréquente de décompensation. Il est donc impératif de bien informer le patient de ces risques et de lui donner des conseils diététiques concernant les aliments particulièrement riches en sel ; – la survenue de troubles du rythme au premier rang desquels la fibrillation auriculaire est également une cause habituelle de poussée aiguë. La perte de la systole auriculaire peut avoir des conséquences importantes sur l’équilibre hémodynamique précaire de ces patients ; – une embolie pulmonaire ou une surinfection bronchopulmonaire sont des étiologies qu’il faut savoir évoquer ; – la prise de certains traitements inotropes négatifs (bêtabloquants, certains antiarythmiques ou inhibiteurs calciques), ou de médicaments diminuant l’excrétion sodée (corticothérapie, antiinflammatoires non stéroïdiens) ou l’administration de perfusions augmentant la volémie (transfusions, macromolécules) suffisent à provoquer une décompensation ; – enfin, certains états pathologiques associés (fièvre, anémie, grossesse, apparition d’une hyperthyroïdie ou d’une insuffisance rénale) peuvent favoriser une poussée aiguë en augmentant le travail cardiaque ou la volémie. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE La recherche de la cause de la cardiopathie est d’autant plus importante que le patient est jeune et qu’elle peut aboutir à la mise en route d’un traitement spécifique. ¦ Cardiopathie ischémique Des manifestations d’insuffisance cardiaque peuvent survenir chez un patient ayant une cardiopathie ischémique connue, comme par exemple un antécédent d’infarctus du myocarde. L’évolution vers l’insuffisance cardiaque chronique est dans ce cas d’autant plus fréquente que l’infarctus est étendu, qu’il intéresse la paroi antérieure, ou qu’il s’est compliqué d’une insuffisance mitrale par dysfonction de pilier. Dans l’étude de Framingham, l’insuffisance cardiaque apparaît dans le premier mois dans 2 % des cas d’infarctus, puis la fréquence de l’insuffisance cardiaque se situe à environ 2,3 % par an, soit une fréquence identique à celle des récidives d’infarctus [44]. Dans l’étude SAVE, la fréquence de l’insuffisance cardiaque sévère nécessitant une hospitalisation après un infarctus avec dysfonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection < 40 %) était globalement de 15 % à 3,5 ans tous groupes confondus [66]. Parfois, l’insuffisance cardiaque est la première manifestation de la cardiopathie ischémique. Ces patients se présentent alors avec un coeur dilaté et globalement hypokinétique, pouvant mimer une cardiomyopathie dilatée primitive. Certains arguments peuvent alors orienter vers l’origine ischémique : comme par exemple l’existence de manifestations angineuses ou de facteurs de risque cardiovasculaires, des séquelles d’infarctus passé inaperçu sur l’ECG ou l’échocardiographie. Même en l’absence de ces éléments d’orientation, il peut être licite de réaliser une coronarographie dans l’optique d’un geste de revascularisation par angioplastie ou par pontage, surtout si une ischémie résiduelle ou une viabilité myocardique dans un territoire infarci a pu être documentée [27]. ¦ Cardiomyopathie dilatée primitive Les cardiomyopathies dilatées sont une cause importante d’insuffisance cardiaque caractérisée par une dilatation du ventricule gauche et/ou du ventricule droit, et une altération de la fonction contractile. Bien que peu de données soient disponibles concernant l’épidémiologie des cardiomyopathies dilatées [13, 55], on estime que l’incidence de cette affection est comprise entre 5 et 10/100 000 habitants, avec une prévalence de l’ordre 36/100 000 habitants aux États-Unis. Il semble qu’incidence et prévalence soient en augmentation, sans doute du fait de l’amélioration de la détection de la cardiopathie. À côté des cardiomyopathies dilatées spécifiques d’une étiologie donnée, qui sont les plus rares mais qu’il faut systématiquement rechercher, la plupart des cardiomyopathies dilatées sont dites « idiopathiques », c’est-à-dire de cause inconnue. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination qui suppose qu’une coronarographie ait éliminé une pathologie ischémique. On rattache néanmoins aux causes idiopathiques, les cardiomyopathies dilatées associées à une consommation alcoolique excessive et les cardiomyopathies dilatées du post-partum. L’incidence est plus grande chez l’homme et chez le sujet noir et elle augmente avec l’âge. Cette affection représente une évolution terminale commune pouvant résulter d’agressions myocardiques différentes ; le diagnostic est porté à un stade en général tardif, où l’étude anatomopathologique ne permet plus de différencier les mécanismes initiaux. Ainsi, l’histologie montre en règle générale des lésions non spécifiques incluant une hypertrophie des myocytes avec des noyaux de formes irrégulières, larges et hyperchromatiques, une perte myofibrillaire, avec des infiltrats lymphocytaires d’importance variable et de la fibrose interstitielle et périvasculaire. C’est la raison pour laquelle l’indication systématique de la biopsie endomyocardique reste très controversée. Trois principales hypothèses étiopathogéniques ont été proposées concernant les cardiomyopathies dilatées : l’existence d’une infection virale chronique et persistante au niveau myocardique, l’existence d’anomalies du système immunitaire et de phénomènes autoimmuns, l’existence de facteurs génétiques. Les arguments en faveur de l’hypothèse virale sont l’existence de signes de myocardite à la biopsie, dont la fréquence est d’autant plus importante que la biopsie est faite plus précocement par rapport au début de la maladie [2, 45]. Ainsi, environ 12 % des patients se présentant avec une cardiomyopathie dilatée moins de 6 mois après le début des signes d’insuffisance cardiaque présentent une myocardite sur la biopsie. L’évolution d’une myocardite aiguë vers une cardiomyopathie dilatée est rapportée avec une fréquence très variable (7 à 52 %). Les anticorps sériques anti-entérovirus ou anticoxsackie sont plus souvent retrouvés chez les patients ayant une cardiomyopathie dilatée que chez des témoins. Enfin, les techniques moléculaires les plus récentes (hybridation, polymerase chain reaction) ont permis de retrouver du génome viral dans des biopsies myocardiques de patients atteints de cardiomyopathie dilatée, mais avec une fréquence qui n’est pas toujours significativement différente de celle des témoins. La théorie immunitaire n’est pas antinomique de la théorie virale. En effet, une hypothèse commune avance qu’une agression virale pourrait déclencher une maladie auto-immune en rompant la tolérance du système immunitaire visà- vis de certains antigènes. L’existence d’autoanticorps circulants est retrouvée chez 30 à 40 % des patients porteurs de cardiomyopathie dilatée : les principaux autoantigènes rapportés sont les chaînes lourdes alpha et bêta de la myosine, des antigènes mitochondriaux et les bêta-1 récepteurs adrénergiques [8, 9]. Il est néanmoins peu probable que ces autoanticorps soient directement responsables des lésions myocardiques qui sont plutôt secondaires à l’action des lymphocytes T. Des anomalies de l’immunité à médiation cellulaire ont également été rapportées. Enfin, les formes familiales de cardiomyopathie dilatée pourraient être plus fréquentes que ce que l’on pensait, allant même jusqu’à 20 % des cas [58]. Il s’agit sans doute le plus souvent d’une transmission autosomique dominante, à pénétrance variable augmentant avec l’âge. Les cardiomyopathies dilatées sont génétiquement hétérogènes et dans ces formes familiales, plusieurs mutations et plusieurs gènes différents ont été retrouvés. ¦ Cardiopathies valvulaires La survenue de manifestations d’insuffisance cardiaque chez un patient porteur d’une valvulopathie fuyante ou sténosante représente en général un tournant évolutif de la maladie et impose le plus souvent, en l’absence de contre-indication, d’envisager une correction de cette valvulopathie, soit par chirurgie, soit par 11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie 12 cardiologie interventionnelle (rétrécissement mitral). Dans certains cas, le problème est cependant moins évident, notamment lorsqu’une dysfonction ventriculaire gauche est associée à une valvulopathie fuyante moyenne (insuffisance mitrale ou aortique). La question de la responsabilité de la valvulopathie dans l’altération de la fonction cardiaque est parfois difficile à trancher. ¦ Insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée (diastolique) On peut soupçonner une insuffisance cardiaque dite « diastolique » lorsque les signes et symptômes de l’insuffisance cardiaque surviennent en présence d’une fonction systolique du ventricule gauche au repos conservée (fraction d’éjection et volume télédiastolique normaux). Plusieurs études suggèrent qu’environ 40 % des patients ayant une insuffisance cardiaque ont une fonction systolique du ventricule gauche normale [34, 87, 88]. Des anomalies de la fonction diastolique peuvent entraîner une altération du remplissage ventriculaire gauche, ayant pour conséquences une augmentation des pressions de remplissage et des signes de congestion pulmonaire. Il peut s’agir d’une relaxation ralentie ou incomplète secondaire à une ischémie ou une hypertrophie, ou d’anomalies de la compliance ventriculaire du fait de parois rigides, fibreuses et infiltrées. Les symptômes et les signes cliniques des patients ayant une dysfonction diastolique ne sont pas différents de ceux ayant une dysfonction systolique [87, 88]. Il n’y a pas de critères cliniques prédictifs d’une dysfonction diastolique. La dysfonction diastolique prédominante est relativement rare chez les patients plus jeunes mais gagne en fréquence chez les sujets âgés. Le pronostic de ces patients semble globalement meilleur par rapport aux patients ayant une altération de la fonction systolique, mais la mortalité annuelle est très variable selon les études, ce qui montre l’extrême hétérogénéité des patients étudiés. Récemment, des patients insuffisants cardiaques avec une fraction d’éjection > 50 % suivis
pendant 6 ans avaient une mortalité annuelle de 8,7 % versus 3 %
pour des sujets normaux appariés pour l’âge et le sexe [88]. Il n’existe
pas de critères cliniques ou paracliniques simples pour en faire le
diagnostic. L’échodoppler cardiaque est sans doute l’examen le plus
simple pour détecter les indices de dysfonction diastolique, mais ces
indices dépendent de nombreux facteurs, notamment des pressions
de remplissage, qui rendent souvent difficile leur interprétation.
¦ Cardiopathie du sujet âgé
L’incidence de l’insuffisance cardiaque augmente nettement avec
l’âge [39]. L’insuffisance cardiaque du sujet âgé est souvent
multifactorielle, associant cardiopathie ischémique, retentissement
d’une hypertension artérielle avec des parois hypertrophiées et
rigides, atteintes valvulaires d’origine dégénérative et troubles du
rythme essentiellement par fibrillation auriculaire [72, 83]. Il n’est pas
rare chez ces patients que la fonction systolique du ventricule
gauche soit relativement conservée, ce qui laisse alors supposer, en
l’absence d’une valvulopathie significative, qu’il s’agit
essentiellement d’une altération de la fonction diastolique. Mais la
dyspnée d’effort est un symptôme fréquemment rapporté chez le
sujet âgé, et n’oriente pas toujours vers une insuffisance cardiaque
lorsque la fonction systolique est normale.
¦ Insuffisance cardiaque à débit cardiaque augmenté [7]
L’élévation continue et permanente du débit cardiaque crée une
surcharge volumique qui peut aboutir à l’insuffisance cardiaque,
d’autant plus rapidement qu’il existe une cardiopathie sous-jacente.
Les principales causes d’insuffisance cardiaque à débit élevé sont
l’anémie, l’hyperthyroïdie, les fistules artérioveineuses, le béribéri et
la maladie de Paget. Le tableau clinique s’accompagne souvent
d’une hyperkinésie cardiaque avec un souffle systolique fonctionnel,
une tachycardie, un pouls bondissant avec élargissement de la
pression artérielle différentielle. Le coeur est souvent modérément
dilaté, parfois hypertrophié ; les indices de fonction systolique sont
généralement conservés, sauf dans le béribéri lorsqu’il survient dans
un contexte d’alcoolisme souvent associé au déficit en thiamine dans
les pays occidentaux. L’insuffisance cardiaque par fistule
atérioveineuse est souvent rencontrée chez les patients
hémodialysés, mais chez ces patients, d’autres facteurs favorisant
l’insuffisance cardiaque peuvent être présents comme par exemple
l’hypertension artérielle, l’anémie et les épisodes de surcharge
volumique.
¦ Insuffisance cardiaque droite isolée [7]
L’insuffisance cardiaque gauche est la cause la plus fréquente de
l’insuffisance cardiaque droite et dans ce cas, les patients présentent
un tableau d’insuffisance cardiaque globale. Cependant,
l’insuffisance cardiaque droite peut être isolée lorsqu’elle est
secondaire à certaines pathologies pulmonaires (on parle alors de
coeur pulmonaire), cardiaques droites ou péricardiques. Les
symptômes associent en général une dyspnée, des signes
fonctionnels digestifs (hépatalgie, douleurs abdominales, nausées,
vomissements), et il existe des signes d’hypertension veineuse et des
signes de rétention hydrosodée. L’électrocardiogramme peut révéler
des signes d’hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite. La
radiographie thoracique montre souvent une dilatation modeste de
l’ombre cardiaque avec un arc inférieur gauche saillant mais dont la
pointe reste sus-diaphragmatique, un débord de l’arc inférieur droit
traduisant la dilatation de l’oreillette droite et enfin un comblement
de l’espace clair rétrosternal en transverse par la dilatation de
l’infundibulum du ventricule droit. L’analyse de la silhouette
pulmonaire permet parfois d’orienter vers une cause pulmonaire
(hypertension artérielle pulmonaire, lésions parenchymateuses...). À
l’échocardiographie, il existe en général une dilatation du ventricule
droit parfois hyperkinétique, associée à une dilatation de l’oreillette
droite et des veines sus-hépatiques ; cet examen permet le plus
souvent de quantifier le niveau des pressions pulmonaires
(insuffisance tricuspide, insuffisance pulmonaire) et peut orienter
vers la cause de cette insuffisance cardiaque droite.
Devant un tableau d’insuffisance cardiaque droite isolée, certaines
étiologies doivent être recherchées systématiquement :
– un coeur pulmonaire chronique : les bronchopneumopathies
obstructives, les bronchopneumopathies restrictives, le coeur
pulmonaire postembolique ;
– une hypertension artérielle pulmonaire primitive ;
– certaines cardiopathies congénitales (sténoses pulmonaires,
communication interauriculaire, tétralogie de Fallot, syndrome
d’Eisenmenger) : l’échocardiographie transthoracique, voire
transoesophagienne permet en règle de faire le diagnostic ;
– une valvulopathie tricuspide : insuffisance tricuspide massive
postendocarditique, postrhumatismale ou post-traumatique,
syndrome carcinoïde, plus rarement un rétrécissement tricuspidien ;
– une péricardite constrictive, dont le diagnostic est fait sur
l’échocardiographie, le scanner thoracique, voire le cathétérisme.
Enfin, un tableau d’insuffisance cardiaque droite aiguë peut se
rencontrer au cours d’une embolie pulmonaire massive, d’un état
de mal asthmatique, d’une pneumopathie aiguë étendue, d’un
infarctus du myocarde étendu au ventricule droit ou compliqué de
rupture septale, ou enfin d’une tamponnade.
Évaluation du pronostic
Malgré les progrès importants de la thérapeutique, l’insuffisance
cardiaque reste une affection grave grevée d’une lourde mortalité.
Les patients décèdent dans environ la moitié des cas dans un tableau
d’insuffisance cardiaque progressive et terminale, réfractaire au
traitement médical et dans l’autre moitié des cas de morts dites
subites. Les causes de ces morts subites ne sont pas univoques : on
fait jouer un rôle important aux troubles du rythme ventriculaire
graves (tachycardie ventriculaire ou fibrillation ventriculaire), mais
d’autres causes sont possibles comme la bradycardie extrême,
l’asystolie ventriculaire, l’embolie pulmonaire massive, l’accident
vasculaire cérébral massif ou l’infarctus du myocarde [77].
Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20
13
L’évaluation du pronostic est une étape fondamentale dans la prise
en charge de l’insuffisant cardiaque, notamment pour les patients
les plus jeunes susceptibles de bénéficier d’une transplantation
cardiaque. Les progrès thérapeutiques peuvent stabiliser des
patients porteurs de cardiopathie sévère pendant plusieurs années,
permettant ainsi de retarder le moment éventuel d’une
transplantation. Le jugement clinique reste primordial mais il est
important de disposer d’un certain nombre de marqueurs objectifs
et de pouvoir s’appuyer sur différents paramètres de sévérité. Ceci
est particulièrement vrai pour les patients atteints d’une
cardiopathie sévère qui semblent bien stabilisés sous traitement
médical. De nombreux facteurs sont considérés comme des
marqueurs indépendants de gravité.
FACTEURS CLINIQUES
Le jugement clinique reste fondamental. Malgré ses limites, la
classification de la NYHA est utile pour stratifier les patients : les
patients en stade IV ont un très mauvais pronostic à court terme. La
persistance d’un galop ou de signes d’insuffisance ventriculaire
droite ou gauche sont des éléments de gravité. L’évolution clinique
est un élément important à prendre en compte : la fréquence des
épisodes de décompensation nécessitant une hospitalisation, a
fortiori si aucun facteur déclenchant n’est retrouvé, la difficulté de
sevrage de drogues inotropes lorsqu’elles sont employées doivent
être considérées comme des éléments de mauvais pronostic [20].
Certains signes comme un amaigrissement ou une syncope doivent
être recherchés et pris en compte car ce sont des marqueurs de
gravité.
TERRAIN
L’étiologie de la cardiopathie peut influencer le pronostic de
l’insuffisance cardiaque. On peut assister à des rémissions complètes
en cas de myocardite ou de cardiomyopathie du post-partum par
exemple. Dans le cas des cardiopathies toxiques dues à l’alcool, on
obtient fréquemment une amélioration de la fonction ventriculaire
gauche après sevrage. L’âge est évidemment un facteur de mauvais
pronostic, ces patients présentant en général de nombreux facteurs
de comorbidité. Les avis sont contradictoires sur le fait que l’origine
ischémique de la cardiopathie serait de plus mauvais pronostic. Le
rôle du sexe ou de la race est mal connu, les essais thérapeutiques
récents ayant essentiellement inclus des hommes de race blanche.
Le rôle du sexe dans le pronostic est controversé, les effets
bénéfiques des inhibiteurs de l’enzyme de conversion pourraient
être moins importants chez la femme que chez l’homme. Aux États-
Unis, la mortalité par insuffisance cardiaque est plus élevée chez les
sujets de race noire que chez les sujets de race blanche.
L’hypertension artérielle et l’hypertrophie ventriculaire sont plus
fréquentes chez les sujets de race noire ; la réponse aux traitements
pourrait aussi être différente. Il est difficile d’affirmer qu’il s’agit
d’un problème génétique ou simplement socioéconomique, avec un
accès aux soins et une compliance au traitement plus difficiles chez
les sujets noirs.
FACTEURS HÉMODYNAMIQUES
La fraction d’éjection, marqueur imparfait de la fonction
ventriculaire globale, est un des paramètres les plus prédictifs du
pronostic. Ainsi, dans l’étude V-HeFT-I, la valeur moyenne de la
fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) était de 28 % ; les
patients ayant une FEVG inférieure à 28 % avaient une mortalité
annuelle de 22 % contre 13 % pour les autres patients [17]. Cependant,
lorsque l’analyse est réalisée chez les patients les plus graves (stades
III et IV de la classification de la NYHA) ou chez les patients ayant
une fraction d’éjection inférieure à 25 %, la valeur de la FEVG
pourrait être moins discriminante dans le pronostic [74]. Chez ces
patients, la fraction d’éjection du ventricule droit au repos pourrait
être plus discriminante, mais cette mesure reste encore difficile [25, 26].
Le degré de dilatation ventriculaire gauche, témoignant de l’ampleur
du processus de remodelage ventriculaire, est aussi un facteur
pronostique péjoratif indépendant, en particulier chez les patients
les plus sévères, notamment lorsque le diamètre télédiastolique
échographique du ventricule gauche est supérieur à 80 mm [74].
La valeur pronostique des autres paramètres hémodynamiques a été
très étudiée. La plupart des études retrouvent, chez les patients
décédés, une pression artérielle systolique plus basse, une pression
télédiastolique du ventricule gauche et des pressions pulmonaires
plus hautes, un débit cardiaque et un volume d’éjection systolique
indexé plus bas, ces facteurs ayant une valeur pronostique plus ou
moins importante en fonction des études. Il est important également
de savoir à quel moment les paramètres ont été mesurés, et leur
valeur est d’autant plus forte qu’ils sont enregistrés après traitement
médical optimal. Ainsi la persistance d’une pression capillaire élevée
(supérieure à 16 mmHg) après traitement permettait, dans une
étude, d’identifier des patients ayant une mortalité élevée à 1 an
(62 % versus 17 %) [75]. La mesure invasive des pressions peut être
répétée une à deux fois par an, surtout chez les patients les plus
graves. La valeur pronostique des paramètres hémodynamiques
mesurés à l’effort pourrait sans doute être supérieure à celle des
paramètres de repos, mais la difficulté de telles mesures limite leur
application pratique. De plus, ces paramètres ne semblent pas
apporter d’information supplémentaire par rapport à l’épreuve
d’effort couplée au pic deV˙ O2.
ÉVALUATION OBJECTIVE DE LA CAPACITÉ D’EFFORT
L’épreuve d’effort avec mesure de la V˙ O2 permet une évaluation
quantitative plus précise de la capacité fonctionnelle, et est plus
reproductible que des paramètres plus simples tels que la durée de
l’effort. Nous avons vu précédemment que laV˙ O2 max était le reflet
du débit cardiaque maximal au cours de l’exercice ; il n’est donc pas
étonnant que ce paramètre présente une valeur pronostique
importante. Ainsi, l’étude V-HeFT-1 montre que laV˙ O2 max est, avec
la fraction d’éjection, un facteur prédictif indépendant en analyse
multivariée [17]. Il a également été montré que l’existence d’une V˙ O2
inférieure à 13, voire 10 mL/min/kg est associée à un pronostic très
péjoratif [51, 54]. Il faut souligner que ses valeurs très basses sont
rarement retrouvées chez des patients ambulatoires. Il a également
été montré que la transplantation pourrait être retardée sans danger
chez les patients ambulatoires ayant un pic de V˙ O2 supérieur à
18 mL/kg/min, même en présence d’une dysfonction ventriculaire
gauche sévère [54]. Cependant, il faut être certain de la validité de
l’épreuve d’effort, en s’assurant que le seuil anaérobie a été atteint,
ce qui est impossible chez certains patients du fait de la survenue
d’une ischémie ou d’une arythmie qui entraîne l’arrêt de l’effort.
D’autres facteurs sont également à prendre en compte dans
l’interprétation de la V˙ O2 tels que l’âge du patient, le degré
d’entraînement et la motivation. On peut aussi prendre en
considération le pourcentage deV˙ O2 théorique qui semble avoir une
valeur pronostique supérieure [73].
Le test de marche de 6 minutes qui permet également de mesurer
objectivement la capacité fonctionnelle des patients a une valeur
pronostique. La distance parcourue est inversement liée à la survie
et à la fréquence des hospitalisations. Ainsi, les patients parcourant
moins de 305 m ont une mortalité annuelle de 11 % versus 4 % pour
les patients parcourant plus de 445 m. Cependant, l’intérêt
pronostique de ce test semble moins intéressant chez les patients les
plus sévères [52].
PARAMÈTRES BIOLOGIQUES
Parmi les paramètres standards, l’hyponatrémie, reflet du degré
d’activation du système rénine-angiotensine et en règle
proportionnelle à la sévérité de l’état hémodynamique, est un facteur
de mauvais pronostic. L’augmentation de la créatinine plasmatique
et les anomalies du bilan hépatique sont aussi des éléments
péjoratifs à prendre en compte.
L’activation neurohormonale observée au cours de l’insuffisance
cardiaque s’avère être un marqueur pronostique important. La
concentration plasmatique de noradrénaline est sans doute le facteur
11-036-G-20 Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques Cardiologie
14
qui a été le plus étudié et la survie des patients ayant les taux les
plus élevés (> 800 pg/mL) est moins bonne que les patients ayant
des taux normaux [19]. Cependant, l’utilisation pratique de ce
paramètre se heurte à sa grande variabilité, chez un même patient
et d’un patient à l’autre, et nécessite des conditions rigoureuses de
prélèvement. De même, l’ANP, dont la libération est stimulée par le
degré de distension auriculaire et ventriculaire, est un facteur
pronostique : les patients ayant des taux supérieurs à 125 pg/mL
ont une mortalité accrue par rapport aux autres [33]. La portion
N-terminale de l’ANP, résultant du clivage de la prohormone, est la
partie non biologiquement active de l’ANP. Elle pourrait être plus
intéressante que l’ANP car plus stable [38]. Plus récemment, on s’est
intéressé à un autre peptide natriurétique synthétisé essentiellement
par les ventricules, le BNP. Il semble être un facteur pronostique
plus puissant que l’ANP, que ce soit en postinfarctus ou dans
l’insuffisance cardiaque chronique [61, 85]. Une autre hormone,
l’endothéline-1, puissant vasoconstricteur, dont la concentration
plasmatique est augmentée dans l’insuffisance cardiaque, est un
marqueur pronostique indépendant dans cette maladie [67]. C’est
également le cas pour son précurseur, la big-endothelin, qui n’est pas
biologiquement active [64]. Plus récemment, l’adrénomédulline, ayant
des propriétés vasodilatatrices et dont le taux plasmatique est
augmenté dans l’insuffisance cardiaque, s’est révélée être un facteur
pronostique indépendant [68]. Malgré une valeur pronostique au
moins équivalente au pic de V˙ O2, ces dosages ne sont réalisés que
dans de rares centres spécialisés [42]. L’intérêt des ces dosages est
qu’ils peuvent être obtenus chez tous les patients par une simple
prise de sang. Mais le dosage de certaines hormones est délicat et
surtout, il demeure difficile de définir des seuils pertinents pour ces
hormones. La standardisation du dosage du BNP et la mise à
disposition de kits de dosage permettront probablement d’étendre
la pratique de ces dosages neurohormonaux. D’autres moyens
permettant d’étudier le degré d’activation neurohormonale
pourraient avoir un intérêt pronostique, comme la scintigraphie à la
méta-iodo-benzyl-guanidine (MIBG) qui quantifie de manière non
invasive les anomalies de recaptage de la noradrénaline au niveau
myocardique [15].
Certaines cytokines, comme l’interleukine 6 et le tumor necrosis
factor, sont activées dans l’insuffisance cardiaque. Des études
récentes ont montré que le dosage plasmatique de ces facteurs
pourrait avoir un intérêt pronostique [30].
RENSEIGNEMENTS APPORTÉS
PAR L’ÉCHOCARDIOGRAPHIE
L’échocardiographie permet d’obtenir des renseignements
pronostiques importants : outre le degré de dilatation ventriculaire
gauche et la fraction d’éjection ventriculaire gauche, le diamètre
télésystolique, la fraction de raccourcissement, la distance E-septum
ont été rapportés comme ayant une valeur pronostique [91]. De
même, l’amincissement des parois et le caractère sphérique de la
cavité sont des éléments péjoratifs. L’étude du flux transmitral
apporte également des éléments pronostiques : l’aspect dit restrictif
enregistrable chez les patients en rythme sinusal témoigne en
général de pressions de remplissage élevées et est un facteur de
mauvais pronostic [93]. La persistance de cet aspect restrictif sous un
traitement optimal ou en faisant baisser la précharge de manière
aiguë a une valeur péjorative supplémentaire qui augmente encore
la valeur pronostique de ce paramètre.
TROUBLES DU RYTHME ET DE LA CONDUCTION
Le rôle péjoratif de la fibrillation auriculaire est discuté et n’a pas
été retrouvé pas plusieurs études récentes [10, 76]. Les extrasystoles
ventriculaires très fréquentes ou les tachycardies ventriculaires non
soutenues au Holter sont de pronostic péjoratif, mais il ne semble
pas exister de relation évidente entre ces arythmies et la fréquence
de la mort subite. Ces arythmies sont aussi le témoin de la sévérité
de la dysfonction ventriculaire gauche et le risque de mort subite
augmente avec la gravité de la dysfonction ventriculaire gauche. La
stimulation ventriculaire programmée n’apporte pas d’information
déterminante pour la stratification du risque chez ces patients [86].
Les troubles graves de la conduction sont des facteurs de mauvais
pronostic ; l’association d’un allongement du PR et de troubles de
conduction intraventriculaire serait corrélée à un pronostic péjoratif
dans les cardiopathies dilatées [92].
Pami les nouvelles approches, l’apport de l’ECG à haute
amplification reste controversé, d’autant plus que son interprétation
est souvent gênée par la présence d’un bloc de branche. De même,
l’intérêt de la mesure de la dispersion du QT sur l’ECG est
controversé. En revanche, la variabilité de la fréquence cardiaque,
reflet de la balance sympathovagale, apparaît comme un marqueur
pronostique important [59].
Conclusion
L’insuffisance cardiaque est une affection fréquente et grave.
Néanmoins, les progrès importants réalisés dans la prise en charge
diagnostique et thérapeutique de ces patients ont permis peu à peu de
modifier sensiblement la physionomie clinique de cette affection. Il est
actuellement plus rare de rencontrer les patients en insuffisance
cardiaque globale réfractaire, dans des tableaux d’anasarque.
Actuellement, l’insuffisant cardiaque est souvent un patient
ambulatoire, limité dans son activité physique, qui est hospitalisé de
temps en temps à l’occasion d’une décompensation. La morbidité et la
mortalité de cette maladie ont régressé de manière sensible, si bien que
l’on assiste peu à peu au vieillissement de cette population.
L’insuffisance cardiaque du sujet âgé représentera un problème
croissant de santé publique dans les prochaines annnées.
Références ä
Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20
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Cardiologie Insuffisance cardiaque : aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques 11-036-G-20
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