Complications de l'infarctus du myocarde. Évolution et pronostic









Christel Perdrix: Chef de clinique-assistant
Service de cardiologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France .
Philippe Beaufils: Professeur des Universités, praticien hospitalier
11-030-P-15 (1998)



Résumé

Les complications de l'infarctus du myocarde sont dominées par les complications hémodynamiques et mécaniques d'une part, les troubles du rythme et de la conduction d'autre part. Si les premières sont habituellement en rapport avec l'étendue de la nécrose, les secondes sont en général indépendantes de l'importance des dégâts myocardiques. Surtout, elles surviennent dès les premières minutes de l'ischémie myocardique et sont responsables de l'importante mortalité préhospitalière qui échappe actuellement à l'amélioration statistique constatée dans toutes les études. Avec les méthodes modernes de prise en charge de l'infarctus, et en particulier la revascularisation quelle que soit la méthode et avant la sixième heure, on assiste à une raréfaction des complications et à un raccourcissement de l'évolution qui s'étalait autrefois sur plusieurs semaines et semble aujourd'hui se concentrer sur quelques jours. Cette raréfaction des complications ne remet pas en cause la nécessité d'une prise en charge cardiologique, et en particulier le monitorage en unité de soins intensifs en cardiologie (USIC) des premières heures et premiers jours d'évolution de l'infarctus. Restent les complications à distance, qui sont ischémiques, hémodynamiques et rythmiques, et justifient un bilan permettant de stratifier le risque afin de personnaliser le traitement.

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Plan

Introduction
Insuffisance ventriculaire gauche et choc cardiogénique
État de choc compliquant la nécrose du ventricule droit
État de choc secondaire à une hypertonie vagale
Troubles de la conduction
Troubles du rythme
Complications mécaniques
Autres complications
Pronostic et évolution

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Avant de passer en revue et de décrire les différentes complications qui font la gravité de l'infarctus et en règlent le pronostic, il convient de faire au préalable trois commentaires :

- le premier permet de classer les complications de l'infarctus selon qu'elles sont ou non en rapport avec l'étendue de la nécrose. Le premier groupe, constitué des arythmies de la phase initiale de l'infarctus et des complications mécaniques, correspond à des complications indépendantes de la taille de la nécrose et du pronostic à distance de l'infarctus. Pour autant, ces complications menacent le pronostic à court terme. C'est pour elles qu'on a parlé de " coeurs trop bons pour mourir ". Le second groupe, constitué de l'insuffisance cardiaque et des arythmies tardives, correspond à des complications qui témoignent de l'étendue de la nécrose et de son retentissement sur la fonction ventriculaire gauche. Ce sont ces complications qui conditionnent au premier chef le pronostic à moyen et long termes ;
- le deuxième commentaire concerne la raréfaction des complications de la phase initiale de l'infarctus depuis la généralisation des traitements de reperfusion coronaire. Ces complications sont aujourd'hui devenues rares, pour ne pas dire exceptionnelles, et l'impression que l'on tire de ce constat est que, après la thrombolyse, pour autant qu'elle soit efficace, ou après la reperfusion par angioplastie, la période dangereuse est raccourcie. Trois à 4 jours suffisent alors pour s'assurer que tout va bien, démarrer un bilan des risques à long terme et ordonner les mesures hygiéniques ainsi que le traitement au long cours, dans un contexte qui sera le plus souvent ambulatoire ;
- aujourd'hui les trois questions que ce bilan, démarré très précocement par une coronarographie et poursuivi dans les 15 jours suivants par une évaluation de la situation hémodynamique et rythmique, sont les suivantes : existe-t-il une ischémie résiduelle accessible à un geste de revascularisation ? Quel est le niveau de la dysfonction ventriculaire gauche et quelle est la part secondaire d'une sidération ou une hibernation qui est réversible spontanément ou après revascularisation ? Quel est le risque d'arythmie ventriculaire létale, en sachant que la mort subite rend compte de la moitié des décès qui vont survenir dans les 6 premiers mois de l'infarctus ?
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L'insuffisance cardiaque est une complication fréquente et grave de l'infarctus du myocarde aigu. Elle complique 30 % des infarctus aigus [ 145 ], dès que 20 à 30 % du myocarde est nécrosé. Sa gravité dépend de l'étendue du territoire nécrosé : au-delà de 40 % d'atteinte myocardique, apparaît un état de choc cardiogénique dont la mortalité hospitalière est de 80 % [ 60 ]. Le traitement de l'insuffisance cardiaque ne doit pas être seulement symptomatique, mais également préventif par revascularisation myocardique, dans le but de limiter le territoire nécrosé.
Mécanismes
L'infarctus du myocarde aigu entraîne des troubles de la performance systolique, et des troubles de la fonction diastolique. La dysfonction diastolique est secondaire à un ralentissement de la relaxation [ 133 ], réduisant la distensibilité diastolique du ventricule gauche et augmentant la pression de remplissage ventriculaire gauche. La dysfonction systolique est due à la diminution de la masse contractile en rapport avec l'akinésie du territoire nécrosé et des zones ischémiques, notamment périnécrotique. Ainsi, l'insuffisance ventriculaire gauche précoce est souvent réversible, car le territoire akinétique peut être sidéré ou simplement ischémié, et récupéré en quelques semaines, en cas de revascularisation précoce et complète. Lorsque la dysfonction systolique persiste, des mécanismes d'adaptation cardiaques et extracardiaques se mettent en route [ 116 ] :
- au niveau cardiaque, l'hypertrophie-dilatation progressive des zones saines est initialement bénéfique en maintenant le débit cardiaque ; à plus long terme, elle est délétère, et les troubles de la fonction systolodiastolique qu'elle entraîne favorisent l'insuffisance ventriculaire gauche chronique. Il existe également une expansion de la zone nécrosée due à l'augmentation de la contrainte pariétale. L'association d'une dilatation des zones saines et d'une expansion de la zone nécrosée entraîne alors des modifications morphologiques du ventricule gauche, appelées remodelage ventriculaire gauche [ 116 ] ;
- des mécanismes d'adaptation extracardiaques sont observés : ce sont la stimulation du système noradrénergique entraînant une tachycardie et une meilleure contractilité du myocarde, la vasoconstriction veineuse nécessaire au maintien de la pression de remplissage et du volume télédiastolique ventriculaire gauche, la vasoconstriction artériolaire qui contribue à maintenir une pression aortique suffisante dans les territoires privilégiés (coronaire et cérébral). Ces mécanismes sont néfastes à long terme car ils compromettent la balance énergétique du myocarde.


Diagnostic clinique
Le diagnostic d'insuffisance cardiaque est essentiellement clinique, et repose sur les symptômes suivants :

- dyspnée ou polypnée avec orthopnée ;
- tachycardie sinusale ;
- galop protodiastolique (B3), devant être différencié du galop télédiastolique (B4), qui est audible dans presque tous les cas d'infarctus, même en l'absence d'insuffisance cardiaque, et qui n'a pas de valeur pronostique [ 142 ] ;
- toux et râles crépitants aux bases pulmonaires.
Diagnostic radiologique
La radiographie de thorax doit être réalisée quotidiennement. Elle peut mettre en évidence des signes précoces d'oedème pulmonaire, même en cas d'auscultation pulmonaire normale. On constate parfois une simple dilatation veineuse, et dans les cas les plus sévères des signes d'oedème pulmonaire alvéolaire [ 115 ]. La clinique et la radiographie de thorax sont à la base de la classification de Killip [ 87 ], qui reste un excellent indice pronostique [ 156 ]. Les quatre classes de gravité croissante sont ainsi définies :
- la classe I, qui concerne 33 % des infarctus du myocarde aigus, correspond à l'absence de signe d'insuffisance ventriculaire gauche avec un bon pronostic et une mortalité de 6 % ;
- la classe II concerne 38 % des infarctus du myocarde aigus ; elle est caractérisée par l'existence d'un troisième bruit ou de râles pulmonaires n'excédant pas 50 % des champs pulmonaires, avec une mortalité de 17 % ;
- la classe III concerne 10 % des infarctus du myocarde aigu ; elle est caractérisée par un oedème pulmonaire patent, sans signe d'insuffisance circulatoire avec une mortalité de 38 % ;
- la classe IV, qui concerne 19 % des infarctus du myocarde aigus, correspond aux chocs cardiogéniques dont la mortalité extrêmement élevée dépasse 80 %.


Gazométrie
Elle est utile pour la détection et la surveillance d'une hypoxémie, qui est souvent le premier signe d'un oedème interstitiel.

Échocardiographie couplée au doppler
Elle est indispensable pour évaluer l'étendue de la zone akinétique, sa localisation, et la fonction systolique ventriculaire gauche ; elle permet d'éliminer une complication mécanique. Couplée au doppler, l'enregistrement de l'insuffisance tricuspidienne ou de l'insuffisance pulmonaire permet de faire une estimation des pressions pulmonaires. Le débit cardiaque peut être mesuré de façon fiable par un échographiste entraîné. Par ailleurs, grâce en partie à l'analyse du flux mitral, elle permet d'authentifier les insuffisances cardiaques diastoliques pures [ 129 ].

Cathétérisme droit
Les indications du cathétérisme droit sont donc actuellement très restreintes, car il n'apporte pas vraiment de renseignements supplémentaires par rapport à l'échographie cardiaque. Il permet néanmoins de mesurer la pression capillaire, reflet de la pression télédiastolique du ventricule gauche. Lorsque la pression capillaire est comprise entre 15 et 18 mmHg, l'insuffisance cardiaque est modérée et s'accompagne d'une simple distension veineuse radiologique. Au-dessus de 18 mmHg, elle est plus sévère avec apparition d'oedème interstitiel. Au-dessus de 25 mmHg apparaissent les signes d'oedème alvéolaire. Il est important de noter que la corrélation ainsi décrite entre la pression capillaire et les signes cliniques et radiologiques d'insuffisance ventriculaire gauche n'est pas durable, et que la pression capillaire pulmonaire se normalise très rapidement alors que la résorption de l'oedème pulmonaire est beaucoup plus lente.

Pronostic
Il est actuellement largement démontré que le pronostic d'un infarctus du myocarde aigu dépend de la fonction systolique ventriculaire gauche, avec une mortalité d'autant plus élevée que la fraction d'éjection est abaissée [ 84 ]. L'insuffisance cardiaque diastolique pure est également un facteur de mauvais pronostic [ 91 ] ; identifiée à l'échocardiographie cardiaque doppler, elle représente actuellement 30 à 40 % des insuffisances cardiaques postinfarctus [ 129 ].

Le choc cardiogénique correspond à la classe IV de Killip. Il s'observe lorsque l'atteinte myocardique est importante, avec une nécrose de plus de 40 % de la masse ventriculaire gauche. Son incidence est passée de 15 à 7 % [ 67 ]. Cette raréfaction est attribuée à la diffusion progressive du traitement thrombolytique [ 88 ]. Son pronostic semble, en revanche, toujours aussi catastrophique malgré la contre-pulsion diastolique par ballon intra-aortique et l'angioplastie coronaire [ 99 ].

Étiologies
Il existe schématiquement deux présentations différentes du choc cardiogénique :

- l'infarctus inaugural du sujet jeune, le plus souvent antérieur, correspondant à une occlusion du tronc commun ou de l'interventriculaire antérieure proximale. Le choc survient alors dans les premières heures de l'infarctus. La coronarographie met en évidence une lésion monotronculaire et une circulation collatérale pauvre ;
- la récidive d'infarctus chez un sujet âgé. Le choc peut alors être retardé par rapport au début de l'infarctus. La coronarographie met en évidence des lésions pluritronculaires et une circulation collatérale en général développée.

Les états de choc secondaires à une complication mécanique sont traités dans un autre chapitre. Leur pronostic est différent et dépend du type de complication mécanique ainsi que de son accessibilité à un geste chirurgical. Enfin, les états de choc secondaires à une nécrose ventriculaire droite sont traités à part, leur physiopathologie et leur traitement étant différents.

Physiopathologie
Le choc cardiogénique est le résultat d'un cercle vicieux : l'étendue de l'ischémie et de la nécrose myocardique altère la contractilité du myocarde et la performance ventriculaire. La baisse de la pression aortique et de la perfusion coronaire ainsi que les mécanismes neurohumoraux d'adaptation à la chute du débit cardiaque conduisent à une extension de la nécrose et à une aggravation de l'altération de la fonction ventriculaire gauche.

Signes cliniques
Les signes d'insuffisance circulatoire sont au premier plan :

- pâleur, cyanose, sueurs et refroidissement des extrémités ;
- asthénie intense, pouls filant ;
- oligoanurie (diurèse < à 30 mL/h) ;
- hypotension artérielle (PA < 90 mmHg) et tachycardie supérieure à 100/min ;
- troubles de conscience (agitation ou obnubilation), en faveur d'un bas débit cérébral.

Les signes congestifs cliniques sont souvent au deuxième plan et peuvent disparaître avec l'aggravation de l'état de choc.

Examens paracliniques
Les examens sanguins mettent en évidence une acidose métabolique avec une hypoxémie artérielle inférieure à 60 mmHg, ainsi qu'une augmentation de la différence artérioveineuse. Les ionogrammes sanguin et urinaire mettent en évidence une insuffisance rénale fonctionnelle.
L'électrocardiogramme (ECG) confirme le diagnostic d'infarctus du myocarde étendu, et la radiologie de thorax met en général en évidence des opacités d'oedème alvéolaire, bilatérales et diffuses.
En dehors de ces examens qui sont classiques, devant tout état de choc, le bilan est complété par les examens fondamentaux suivants :

- l'échocardiographie couplée au doppler est réalisée au lit du malade. Elle élimine une complication mécanique, apprécie l'état de la fonction systolique ventriculaire gauche globale ainsi que la cinétique segmentaire. Elle permet également le calcul des pressions pulmonaires ainsi que celui du débit cardiaque, confirmant le diagnostic d'état de choc, son origine cardiogénique et sa gravité ;
- le cathétérisme droit est moins souvent réalisé depuis les progrès réalisés en echocardiographie doppler. Il reste intéressant puisqu'il permet d'une part la confirmation du diagnostic en enregistrant une pression capillaire pulmonaire supérieure à 18 mmHg et un index cardiaque inférieur à 2,2 L/min/m2, et qu'il permet d'autre part un ajustement thérapeutique en fonction de l'évolution de ces deux paramètres ;
- la coronarographie constitue l'examen clé : elle doit être réalisée le plus rapidement possible, que le patient ait été thrombolysé ou non. Elle permet, en fonction de l'atteinte coronaire, de prendre la décision d'une désobstruction rapide de l'artère responsable de l'infarctus ou de retenir l'option chirurgicale, notamment chez les patients pluritronculaires dont les lésions seraient inaccessibles à une ou plusieurs angioplasties.


Pronostic
Malgré les progrès thérapeutiques réalisés dans la prise en charge de l'infarctus aigu, le pronostic du choc cardiogénique reste mauvais. La thrombolyse ne semble pas l'améliorer : bien qu'il n'y ait pas d'essai spécifique dédié à la thrombolyse dans le choc cardiogénique, les quelques résultats disponibles provenant de l'analyse des sous-groupes des grands essais comme GISSI 1 sont décevants. En revanche, la place de l'angioplastie en urgence dans le choc cardiogénique est mieux documentée. La plupart des travaux suggèrent que l'angioplastie réduit la mortalité de 45 % [ 42], [72], [99 ]. Ces résultats doivent être tempérés car ils proviennent de courtes séries, sélectionnées, non randomisées, aboutissant probablement à des conclusions trop optimistes. Lorsque les patients sont non sélectionnés, la mortalité reste élevée, aux alentours de 80 % malgré l'angioplastie en urgence [ 67], [73 ]. L'absence de données contrôlées rend donc hasardeuse toute conclusion définitive sur les résultats de l'angioplastie dans le choc cardiogénique de l'infarctus. Pour sortir de cette impasse, une étude multicentrique internationale est en cours : l'étude SMASH (Swiss multicenter evaluation of early angioplasty for shock following myocardial infarction), comparant l'angioplastie au traitement médical dans le choc compliquant l'infarctus dans les 48 premières heures, avec comme critère principal de jugement la mortalité à 30 jours.

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L'infarctus du myocarde isolé du ventricule droit est exceptionnel (0,5 à 2 %/an). En revanche, il complique 34 à 50 % des infarctus inférolatéraux, et dans moins de 5 % des cas un infarctus antérieur. Dans ce dernier cas, l'atteinte du ventricule droit est moins importante que celle liée aux infarctus inférieurs [ 22 ], car c'est seulement la paroi septale du ventricule droit qui est atteinte. En revanche, dans les infarctus inférieurs, l'atteinte du ventricule droit est de localisation et d'étendue variables [ 139 ], allant de l'atteinte limitée à la portion paraseptale de la paroi postérieure, à l'atteinte de plus de 50 % de la paroi antérolatérale créant une atteinte diffuse de la paroi libre du ventricule droit. Classiquement, l'infarctus du ventricule droit est la conséquence d'une thrombose proximale de la coronaire droite en amont de la marginale du bord droit [ 58], [127 ].

L'insuffisance ventriculaire droite est le plus souvent modérée et, lorsqu'elle se limite à une turgescence jugulaire et à une oligurie, elle peut passer inaperçue. Ailleurs, lorsqu'elle est plus sévère, elle se manifeste par un collapsus avec des signes de choc paradoxalement discrets, dont l'installation est tantôt progressive, tantôt brutale et favorisée par un trouble conductif. Cette insuffisance ventriculaire droite est volontiers régressive en 2 à 10 jours. Elle peut s'associer à des signes d'insuffisance ventriculaire gauche plus ou moins sévères en fonction de l'extension au ventricule gauche de l'infarctus.


Électrocardiogramme
Le signe électrocardiographique majeur de l'infarctus du ventricule droit est le sus-décalage de ST supérieur à 1 mm en V3R, V4R. C'est un signe sensible (85 %), dont la spécificité varie suivant les études de 60 à 95 % [ 106 ]. Certains auteurs [ 52 ] décrivent l'existence d'un sus-décalage du segment ST de V1 à V3. Des troubles de la conduction sont souvent associés : le bloc auriculoventriculaire de siège nodal et de haut degré est beaucoup plus fréquent que le bloc sinoauriculaire et la paralysie aiguë de l'oreillette droite qui sont spécifiques d'une atteinte auriculaire droite. Ces troubles conductifs sont réversibles en quelques jours ou dizaine de jours, mais beaucoup plus rapidement en cas de revascularisation efficace.

Échocardiographie couplée au doppler
Elle met en évidence des troubles de la fonction systolique du ventricule droit : akinésie de la paroi inférieure du ventricule droit qui est retrouvée dans 50 % des cas, baisse de la fraction d'éjection du ventricule droit, mais également des troubles de la fonction diastolique qui sont plus précoces et plus durables [ 103 ]. Surtout l'analyse doppler du flux d'insuffisance pulmonaire, qui est directement corrélée au gradient de pression artère pulmonaire/ventricule droit au cours de la diastole est essentielle pour le diagnostic de la dysfonction diastolique ventriculaire droite ischémique [ 24 ], qu'elle explore avec une excellente sensibilité et spécificité. L'examen peut aussi montrer un mouvement paradoxal du septum qui paraît moins spécifique.

Cathétérisme droit
Il met en évidence une adiastolie avec un aspect de dip-plateau diastolique de la courbe ventriculaire, une élévation des pressions de remplissage ventriculaires droites et gauches avec adiastolie, et une hypoperfusion périphérique avec un index cardiaque souvent effondré. Le cathétérisme droit perd un peu de son intérêt depuis les progrès réalisés en échocardiographie doppler, sauf pour la surveillance d'un remplissage vasculaire.

Pronostic et évolution
Il existe une phase initiale critique grevée d'une mortalité élevée, atteignant 27 % en cas d'infarctus inférieur compliqué d'une atteinte ventriculaire droite [ 30 ].
Ce mauvais pronostic initial est en rapport avec différentes complications :

- complications mécaniques, comme une rupture pariétale du ventricule droit, un hématome disséquant pariétal, une rupture septale ou encore une insuffisance tricuspidienne qui peut répondre à plusieurs mécanismes : rupture de pilier très rare [ 128 ], dysfonctionnement de pilier, dilatation ventriculaire droite ;
- complications rythmiques, dominées par le bloc auriculoventriculaire et la paralysie auriculaire beaucoup plus fréquents que les tachycardies atriales. Ces troubles conductifs sont toujours régressifs.

D'autres complications sont plus rares : shunt droit/gauche à l'étage auriculaire par réouverture d'un foramen ovale sous l'effet de l'hyperpression auriculaire droite, cliniquement évoqué devant une hypoxémie importante contrastant avec l'absence de congestion pulmonaire et confirmé par l'échographie doppler. Enfin la formation de thrombus ventriculaire droit peut être à l'origine d'une embolie pulmonaire.
Le pronostic de l'infarctus du ventricule droit, une fois passé la phase aiguë et hormis les exceptionnelles complications mécaniques chirurgicales, est habituellement bon.

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Surtout rencontré dans les infarctus inférieurs, il se traduit par :

- une bradycardie par déficience sinusale plutôt que par bloc auriculoventriculaire nodal ;
- une hypotension artérielle associée à des signes d'insuffisance circulatoire periphérique plus ou moins importants ;
- un débit cardiaque normal, avec des résistances artérielles systémiques effondrées ;
- des pressions de remplissage ventriculaires, gauche et droite, basses.

Il est souvent favorisé par l'administration d'antalgiques, notamment morphiniques, et pérennisé par les vomissements. L'explication de ce syndrome est celle de réflexes à point de départ cardiaque aboutissant à une inhibition sympathique. L'atropine est habituellement efficace.

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C'est le plus commun des troubles conductifs. Il apparaît dans 25 à 40 % à la phase tout initiale de l'infarctus. Il est plus fréquent en cas de localisation inférieure [ 64 ]. Il peut s'accompagner de nausées, d'hypotension ou de syncope. Il est souvent lié à une réaction vagale déclenchée par la stimulation de récepteurs myocardiques parasympathiques nombreux à la face inférieure du myocarde. La signification pronostique d'une bradycardie sinusale reste controversée : d'un côté, elle favorise le développement de troubles du rythme ventriculaires et d'une hypotension, d'un autre côté, la bradycardie sinusale a un effet protecteur en réduisant la demande en oxygène du myocarde [ 63 ].

Troubles de la fonction sinusale
Ils sont souvent préexistants à l'infarctus du myocarde, et favorisés par un médicament bradycardisant. En revanche, la dysfonction sinusale aiguë d'origine ischémique pure semble rare. Il peut s'agir d'une bradycardie sinusale, d'un bloc sinoauriculaire, ou d'un arrêt sinusal. Ces troubles dus à une ischémie du noeud sinusal sont en général transitoires et ne nécessitent qu'exceptionnellement un entraînement électrosystolique.

Tous les types de blocs auriculoventriculaires (premier, deuxième et troisième degrés), peuvent être observés à la phase aiguë d'un infarctus, avec une prévalence globale de 10 à 30 %. Ces troubles de conduction sont de siège différent selon la localisation de l'infarctus : les infarctus inférieurs se compliquent de bloc auriculoventriculaire nodal, et les infarctus antérieurs de bloc auriculoventriculaire infranodal.

Infarctus inférieurs

Bloc nodal [ 14 ]
Le noeud auriculoventriculaire est vascularisé dans 90 % des cas par une branche de la coronaire droite, (ou une branche de la circonflexe dominante dans 10 % des cas), mais également par la première branche des septales [ 175 ] ; ainsi, 90 % des patients ayant un infarctus inférieur compliqué de bloc auriculoventriculaire ont, outre une occlusion de la coronaire droite proximale (ou circonflexe), une sténose significative de l'interventriculaire antérieure avant l'origine de la première septale [ 9 ]. Le bloc auriculoventriculaire est en général dû à une ischémie, mais il peut être également secondaire à l'hypertonie vagale ; en effet, les afférents vagaux sont distribués préférentiellement à la paroi inférieure du ventricule gauche [ 165 ].
Le bloc auriculoventriculaire est trois fois plus fréquent dans les infarctus inférieurs qu'antérieurs [ 46 ]. Son installation est progressive : bloc du premier degré, puis bloc du deuxième degré de type Mobitz 1. Le rythme d'échappement est jonctionnel avec des QRS fins ou comportant un petit retard droit, une fréquence cardiaque supérieure à 40/min. La régression du trouble conductif est constante, progressive, habituellement en moins de 1 semaine et ne récidive jamais [ 144 ]. La mortalité est plus importante chez les patients ayant un bloc auriculoventriculaire [ 164 ], car il existe souvent une plus grande extension de la nécrose, en rapport avec l'occlusion proximale de la coronaire droite et son association fréquente à des lésions maximales de l'interventriculaire antérieure. Dans les infarctus inférieurs compliqués d'atteinte ventriculaire droite, on constate une grande prévalence de bloc auriculoventriculaire de haut degré [ 114 ].

Blocs de branches
Les troubles de conduction intraventriculaires sont rares au cours des nécroses inférieures [ 102 ]. Ils n'ont aucune signification pronostique péjorative, et ne se compliquent pas de bloc auriculoventriculaire infranodal.

Infarctus antérieurs

Bloc infranodal
La survenue d'un bloc auriculoventriculaire au cours d'un infarctus antérieur témoigne toujours d'un bloc de branche bilatéral : à la thrombose de l'interventriculaire antérieure se surajoute une occlusion préexistante ou contemporaine de la coronaire droite ou de l'interventriculaire postérieure [ 49 ]. Le pronostic est péjoratif [ 93 ], en raison de l'étendue de la nécrose. L'installation du bloc auriculoventriculaire est brutale, bien qu'annoncée par l'apparition préalable de troubles conductifs intraventriculaires. Le rythme d'échappement, bas situé, instable, comporte des QRS larges avec une fréquence cardiaque inférieure à 40/min. La mortalité hospitalière est très lourde, supérieure à 70 %, en rapport avec des dégâts myocardiques extensifs. Chez les survivants, la régression du bloc auriculoventriculaire est presque constante, avec le plus souvent la persistance d'un bloc de branche séquellaire.

Blocs de branche
Il s'agit d'une complication précoce de l'infarctus antérieur. Le bloc de branche droit est plus souvent retrouvé, isolé ou associé à un hémibloc gauche plus fréquemment antérieur que postérieur. Les blocs de branche gauches préexistent plus souvent à l'infarctus, évoluent moins souvent vers un bloc auriculoventriculaire, mais leur incidence sur la mortalité est comparable à celle des bloc de branche droits. Certains blocs de branche sont fréquence dépendants et leur pronostic est alors meilleur.

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La surveillance continue de l'ECG dans les USIC a montré que plus de 70 % des patients présentent au moins un trouble du rythme pendant les premiers jours de l'infarctus du myocarde. Les troubles du rythme graves, essentiellement la fibrillation ventriculaire, sont responsables de 30 à 40 % des décès survenant pendant les 12 premières heures de l'infarctus. Ainsi, les troubles du rythme de la phase aiguë de l'infarctus du myocarde restent une préoccupation essentielle justifiant la prise en charge médicalisée par le service d'aide médicale d'urgence (SAMU) et la surveillance monitorée en USIC. C'est à ces conditions que la mortalité hospitalière a pu être réduite grâce à une large utilisation du choc électrique externe, et à l'efficacité antiarythmique de différents traitements médicamenteux.


Tachycardie sinusale
Elle survient dans environ un tiers des cas [ 117 ]. Les causes sont multiples. Les plus fréquentes sont l'anxiété, l'infarctus hyperalgique, et bien entendu l'insuffisance ventriculaire gauche, sans oublier la péricardite, l'hypovolémie, l'infarctus auriculaire et l'embolie pulmonaire qui sont autant de complications nécessitant, elles aussi, une adaptation du traitement.
Cette tachycardie sinusale est délétère, car elle entraîne un déséquilibre du rapport consommation sur apport en O2 du myocarde. En l'absence de contre-indication, elle peut justifier un traitement bêtabloquant dont le syndrome hyperkinétique est la meilleure indication.

Extrasystoles auriculaires
Elles sont relativement fréquentes (50 % des cas) [ 12 ], annonçant le plus souvent un flutter ou une fibrillation auriculaire. Elles ne sont pas associées à une augmentation de la mortalité [ 12 ], et ne nécessitent aucun traitement spécifique.

Fibrillation auriculaire " flutter "

- Le flutter est peu fréquent et ne concerne que 1 à 3 % des infarctus du myocarde aigu [ 12 ]. Il s'agit en général d'un flutter 2/1, et la réponse ventriculaire rapide, habituellement entre 125 et 175/min, peut provoquer ou aggraver une insuffisance cardiaque [ 36 ] ;
- la fibrillation auriculaire est, de loin, plus fréquente que le flutter, et concerne 7 à 18 % des infarctus [ 161 ]. Elle est la conséquence d'une distension de l'oreillette gauche secondaire à une insuffisance ventriculaire gauche, d'une ischémie du noeud sinusal ou d'une atteinte péricardique. Paroxystique ou permanente, elle est transitoire. Son pronostic dépend de la sévérité de la dysfonction ventriculaire gauche qu'elle peut révéler et surtout des complications auxquelles elle est souvent associée, comme l'insuffisance cardiaque, le choc et la maladie thromboembolique systémique [ 61 ].


Tachycardies atriales
Elles ne sont pas rares : 2 à 11 % [ 79 ]. Transitoires, elles réclament un traitement ralentissant la réponse ventriculaire quand celle-ci est trop rapide et compromet la situation hémodynamique.

Rythme jonctionnel accéléré
Ces rythmes ont une fréquence souvent lente, inférieure à 100/min, avec des complexes QRS fins. Ils compliquent fréquemment un infarctus inférieur. Ils sont souvent transitoires, apparaissant à l'occasion d'une bradycardie sinusale et disparaissant avec celle-ci. Certains observateurs donnent un mauvais pronostic à ces troubles du rythme, tandis que d'autres les assimilent à un rythme d'échappement et les jugent bénins [ 92 ].

Tachycardies réciproques
Il s'agit de tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale ou utilisant une voie accessoire, chez des patients ayant une " maladie de Bouveret ", en général déjà documentée. Ces tachycardies correspondent à une dualité auriculoventriculaire préexistante, révélée ou aggravée par les troubles conductifs et les extrasystoles. Ces accès entraînent les mêmes conséquences hémodynamiques et ischémiques que les tachycardies auriculaires.


Extrasystoles ventriculaires
Elles sont très fréquentes lors d'un infarctus du myocarde aigu [ 13], [179 ]. Les extrasystoles ventriculaires complexes sont jusqu'à présent considérées comme des signes précurseurs d'une tachycardie ventriculaire ou d'une fibrillation ventriculaire. Ce risque, défini par leur fréquence (plus de 5/min), leur polymorphisme, leur prématurité avec phénomène R/T, et leur survenue en salves, justifie toujours le démarrage d'un traitement antiarythmique préventif. En fait, leur signification pronostique à la phase aiguë de l'infarctus est incertaine : elles sont présentes chez autant de malades qui développent une fibrillation ventriculaire que de malades qui n'en développent pas [ 123 ] ; par ailleurs, on connaît de nombreuses observations de fibrillation ventriculaire primitive qui démarrent sur une extrasystole ventriculaire unique, sans qu'il existe dans les minutes précédentes d'hyperexcitabilité ventriculaire documentée [ 40 ]. En revanche, à une phase plus tardive c'est-à-dire au-delà de la deuxième semaine, les extrasystoles ventriculaires complexes ont une valeur pronostique péjorative d'autant qu'elles sont associées à une altération sévère de la fonction ventriculaire gauche et des lésions diffuses coronaires [ 126 ].

Rythme idioventriculaire accéléré (RIVA)
Défini comme un trouble du rythme ventriculaire avec une fréquence entre 60 et 120/min [ 152 ], le RIVA concerne 8 à 20 % des infarctus, surtout de siège inférieur, au cours des 48 premières heures. Habituellement considéré comme un rythme d'échappement apparaissant à l'occasion d'une bradycardie sinusale, et sans valeur pronostique péjorative [ 123 ], le RIVA est transitoire et ne nécessite le plus souvent aucun traitement. Dans les rares cas où des symptômes sont présents, un traitement par atropine ou une stimulation électrosystolique transitoire peuvent être utiles. Aujourd'hui, il est considéré comme un marqueur de la reperfusion coronaire, mais avec une mauvaise spécificité.

Tachycardies ventriculaires
Définies par au moins trois battements ventriculaires ectopiques consécutifs, et par une fréquence supérieure à 120/min, les tachycardies ventriculaires ont une incidence élevée et concernent 10 à 40 % des infarctus [ 123 ]. Elles sont le plus souvent monomorphes avec un aspect en rapport avec le siège de l'infarctus. Parfois, elles sont irrégulières et peuvent même revêtir l'aspect de tachycardies ventriculaires polymorphes ou de pseudotorsades de pointe. Lorsque ce trouble du rythme apparaît dans les 24 premières heures, la tachycardie ventriculaire est considérée comme ischémique, non corrélée avec la gravité et l'étendue de la nécrose, sans risque de récidive à distance et par conséquent sans signification pronostique péjorative à moyen et long termes. Toutefois, même lorsqu'elle est bien tolérée cliniquement et hémodynamiquement, elle peut toujours dégénérer en fibrillation ventriculaire et doit donc être très rapidement régularisée par les moyens appropriés. En revanche, les tachycardies ventriculaires qui apparaissent tardivement c'est-à-dire au-delà de la deuxième semaine, ont une tout autre signification pronostique : elles relèvent d'un mécanisme de réentrée, compliquant un infarctus transmural avec altération de la fonction ventriculaire gauche. Bien ou mal tolérées et réclamant alors une régularisation d'urgence, elles prennent une part importante dans la mortalité hospitalière [ 90 ], et posthospitalière, notamment par mort subite.

Fibrillation ventriculaire
Elle apparaît chez 4 à 18 % des malades qui font un infarctus du myocarde aigu, avec une incidence identique pour les infarctus antérieurs et inférieurs [ 40], [179 ]. Ce trouble du rythme est rare chez les malades qui ont un infarctus sans onde Q. On oppose les fibrillations ventriculaires primaires survenant dans les 4 premières heures de l'infarctus, sans corrélation avec sa gravité et responsables d'une mort subite, aux fibrillations ventriculaires secondaires à un infarctus étendu, compliqué d'une insuffisance cardiaque et d'un état de choc. La fibrillation ventriculaire primaire est favorisée par l'abaissement du seuil de fibrillation ventriculaire et l'inhomogénéité de la repolarisation induites par l'ischémie. Elle démarre habituellement sur une extrasystole ventriculaire avec phénomène R/T. Si elle compromet le pronostic immédiat en l'absence de choc électrique externe dans les 3 minutes, la fibrillation ventriculaire primaire est sans incidence sur le pronostic ultérieur. La fibrillation ventriculaire secondaire, survenant à la phase terminale d'une insuffisance ventriculaire gauche ou d'un choc cardiogénique est de pronostic extrêmement péjoratif [ 98 ].

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Les complications mécaniques de l'infarctus du myocarde concernent les ruptures et les anévrismes qui constituent autant d'urgences chirurgicales. La rupture de la paroi libre est responsable d'environ 10 % des décès par infarctus. La rupture du septum interventriculaire entraînant une communication interventriculaire reste de pronostic incertain, avec une mortalité opératoire de 25 à 50 %. L'insuffisance mitrale par rupture de pilier s'accompagne d'une mortalité de 50 % dans les 24 premières heures et d'une mortalité opératoire de l'ordre de 15 %. Les anévrismes vrais, compliquent 5 à 25 % des infarctus et sont responsables d'une mortalité élevée en rapport avec des troubles du rythme, des complications hémodynamiques et emboliques systémiques. L'anévrismectomie comporte un risque opératoire de l'ordre de 10 %.

Il s'agit d'une des complications les plus sévères de l'infarctus du myocarde dont le pronostic est amélioré par la chirurgie : survie de 10 % en l'absence d'intervention et d'environ 50 % lorsque l'intervention est possible [ 18 ].

Rupture de la paroi libre
La rupture cardiaque se définit comme une déchirure myocardique, située entre myocarde nécrosé et myocarde sain qui est une zone de fragilité soumise à d'importantes forces de cisaillement. Elle est responsable d'un hémopéricarde immédiatement mortel ou après un court répit offrant l'opportunité d'une intervention d'extrême urgence. Elle complique 1 % des infarctus hospitalisés en phase aiguë [ 10 ], et représente la troisième cause de décès après les arythmies et le choc cardiogénique. Certaines situations cliniques favorisent la rupture cardiaque [ 96], [138 ] : l'âge supérieur à 70 ans, le sexe féminin [ 155 ], le diabète, l'hypertension artérielle [ 155 ], le caractère inaugural de l'infarctus. En revanche, l'hypertrophie ventriculaire gauche [ 140 ] et le thrombus intraventriculaire sont en général plus rares en cas de rupture. La thrombolyse précoce diminue l'incidence des ruptures probablement par réduction de la taille de la nécrose ; en revanche, la thrombolyse tardive l'augmente en raison de la constitution plus fréquente d'un hématome disséquant de la paroi myocardique [ 74 ]. Le traitement bêtabloquant réduit le nombre de ruptures par diminution de la contrainte pariétale [ 76 ]. La rupture apparaît plus fréquente au niveau du ventricule gauche que du ventricule droit, plus souvent au niveau de la paroi antérieure et latérale du ventricule gauche dans la zone de distribution terminale de l'interventriculaire antérieure qui est rarement intéressée par le développement de vaisseaux collatéraux [ 104 ]. L'évolution de la rupture varie entre la déchirure aiguë conduisant à une mort immédiate, ou lente et incomplète conduisant à une rupture tardive ou à la formation d'un faux anévrisme [ 15 ].

Déchirure aiguë
Elle se présente dans trois tableaux d'allure évolutive totalement différente. Le premier et le plus fréquent est celui d'une brutale et inopinée dissociation électromécanique ; elle est caractérisée par un arrêt circulatoire et respiratoire contrastant avec la persistance pendant plusieurs dizaines de minutes d'une activité électrique régulière dont les ventriculogrammes se ralentissent et s'élargissent progressivement. Toute tentative de ressuscitation est d'emblée vouée à l'échec. Le second tableau est plus rare mais doit être rapidement identifié malgré l'absence de signe clinique spécifique. Il associe une insuffisance ventriculaire droite et un état de choc dans un contexte de douleur thoracique. Cette douleur, souvent intense et continue, résistante à la trinitrine, est accompagnée d'une agitation, de troubles digestifs ou d'une syncope par dissociation électromécanique transitoire, et encore d'une hypotension et d'une bradycardie [ 76 ]. Plus rarement encore, le tableau clinique est celui d'une péricardite compliquée de tamponnade, transitoirement améliorée par une ponction péricardique en urgence. Dans ces deux derniers cas, l'échocardiographie confirme le diagnostic, mettant en évidence un épanchement péricardique compressif, l'existence d'échos intrapéricardiques correspondant à du caillot, ou plus rarement, une déchirure myocardique avec un flux intramyocardique visible en doppler couleur. Dans l'étude de Lopez-Sendon [ 105], [107 ], ces signes échocardiographiques ont une sensibilité de 100 %, avec cependant une spécificité plus faible illustrée par 73 % de faux positifs pour l'épanchement péricardique et 39 % pour les échos intrapéricardiques. Ces faux positifs d'images intrapéricardiques correspondent le plus souvent à de la graisse intrapéricardique ou à des dépôts de fibrine sans thrombus vrai, et lorsque les conditions d'examen sont difficiles (assistance ventilatoire, obésité..), l'échographie transoesophagienne doit être réalisée malgré l'instabilité de la situation hémodynamique car elle permet souvent de mettre en évidence les zones de fissuration, notamment dans l'incidence transgastrique [ 110 ]. En cas de doute, le cathétérisme droit pourra conforter la suspicion diagnostique en montrant une adiastolie. Dans ces situations, la ventriculographie est dangereuse et sans intérêt diagnostique. La place de la coronarographie n'est pas clairement établie, car s'il est utile de connaître le statut coronaire en vue d'une éventuelle revascularisation complémentaire, elle ne doit en aucun cas retarder l'intervention chirurgicale qui est toujours extrêmement urgente.

Faux anévrismes
Il s'agit d'une rupture incomplète du coeur, dont l'hémostase réalisée par un thrombus ou un hématome compressif permet d'éviter la formation d'un hémopéricarde. Contrairement aux vrais anévrismes qui contiennent des éléments myocardiques dans leurs parois, la paroi des faux anévrismes est composée d'un caillot doublé de péricarde. Ils peuvent être aussi grands qu'un vrai anévrisme, et communiquent avec le ventricule gauche par un collet étroit. Le diagnostic est fait par l'échographie cardiaque ou d'autres techniques d'imagerie. Mais, parfois, la différenciation entre vrais et faux anévrismes est difficile [ 176 ], la discussion nosologique ne devant pas retarder la décision chirurgicale qui est urgente en raison du risque de rupture relativement fréquent en cas de faux anévrisme [ 153 ].

Rupture du septum interventriculaire (CIV : communication interventriculaire)
Elle complique 1 à 3 % des infarctus du myocarde [ 137 ], rareté qui est expliquée par la double vascularisation du septum par les artères septales provenant des interventriculaires antérieure et postérieure. La perforation est unique ou multiple, siège en pleine zone infarcie, avec un trajet le plus souvent irrégulier en chicane, ces caractères anatomiques expliquant la difficulté de la réparation chirurgicale [ 112 ]. La CIV est plus fréquente dans les infarctus antérieurs qu'inférieurs [ 28 ]. Dans les premiers, la rupture est apicale, dans les seconds elle est plus souvent basale, réalisant une désinsertion du septum. Comme dans la rupture de la paroi libre, l'atteinte coronaire est le plus souvent monotronculaire [ 137 ]. Le diagnostic est évoqué par l'apparition d'un souffle holosystolique bruyant à la partie basse du sternum, associé à une turgescence jugulaire contrastant avec des poumons clairs à la radiographie thoracique. Rapidement ou parfois après plusieurs jours d'évolution, le tableau clinique est complété par un état de choc. Le diagnostic différentiel entre rupture septale et rupture papillaire est toujours difficile cliniquement et repose sur l'échodoppler cardiaque [ 48 ]. L'échocardiaque bidimensionnelle met souvent en évidence la rupture en montrant l'interruption brutale de la musculature septale au sein d'une zone d'akinésie ou de dyskinésie ; elle peut être en défaut lorsque les perforations sont petites et nombreuses ou lorsque leur trajet est sinueux. L'examen doppler couleur est alors indispensable et permet une visualisation directe du shunt [ 69 ] ainsi qu'une évaluation de la taille de la perforation qui est très bien corrélée au rapport des débits et aux mesures peropératoires. L'étude des flux au doppler continu complète l'analyse du shunt en permettant la mesure du gradient de pression transseptal. Enfin, la dilatation du ventricule droit est un élément indirect supplémentaire du diagnostic. L'échotransoesophagienne est utile lorsque le patient est peu ou non échogène [ 111 ]. Lorsque le diagnostic est évident à l'échographie, le cathétérisme droit ne s'impose pas ; il montrerait bien sûr un enrichissement en O2 entre l'oreillette droite et l'artère pulmonaire et permettrait la mesure du rapport des débits pulmonaires et systémiques ainsi que le calcul de l'importance du shunt. La coronarographie est effectuée chaque fois que l'état hémodynamique le permet. L'installation d'un ballon intra-aortique de contre-pulsion diastolique est très souvent nécessaire [ 25 ], en attendant la chirurgie, qui doit être réalisée précocement [ 86 ]. Le pronostic spontané, très défavorable [ 94 ], ne peut en effet être amélioré que par la chirurgie malgré une mortalité opératoire élevée, 25 à 50 % [ 28 ], surtout en cas d'infarctus inférieur et de rupture postérieure.

Insuffisances mitrales ischémiques
L'insuffisance mitrale aiguë ischémique est plus fréquente que la rupture septale. Plusieurs mécanismes sont en cause : une dilatation de l'anneau mitral du fait d'une dilatation ventriculaire gauche, une dysfonction ischémique du pilier mitral, une rupture de cordage (exceptionnelle), une rupture de pilier [ 8 ].
La rupture de pilier concerne 1 à 5 % des patients décédés d'infarctus. La rupture du pilier postéromédian, au cours d'un infarctus inférieur, est dix fois plus fréquente du fait de sa vascularisation terminale par une seule artère, branche de l'interventriculaire postérieure, que celle du pilier antérolatéral, au cours d'un infarctus antérieur, qui est vascularisée par deux artères branches de l'interventriculaire antérieure et de la circonflexe [ 178 ]. La rupture papillaire complique souvent un infarctus d'étendue limitée, parfois localisée au seul pilier et indétectable sur l'ECG de surface [ 178 ]. Elle survient en moyenne 8 jours après le début de l'infarctus, parfois plus tôt, souvent en deux temps. Son évolution spontanée est catastrophique : 50 % des patients décèdent en moins de 24 heures, et moins de 20 % survivent au-delà de la première semaine. Elle réalise schématiquement deux tableaux cliniques. Le premier est celui d'une rupture complète révélée par un oedème aigu du poumon cataclysmique. Le diagnostic repose alors sur l'apparition d'un souffle holosystolique d'insuffisance mitrale et surtout sur la constatation à l'échocardiaque transthoracique [ 26 ] d'une masse mobile correspondant à la portion rompue de la tête du pilier qui passe de l'oreillette gauche en systole au ventricule gauche en diastole. Le risque de mort subite par incarcération du pilier rompu dans l'orifice mitral et d'oedème pulmonaire asphyxique et létal en moins de 24 heures impose la chirurgie d'urgence, sans autres explorations, avec des suites opératoires souvent simples en l'absence de complications respiratoires. Le second tableau est celui d'une rupture incomplète sur dysfonction de pilier. Elle doit être évoquée devant un état de choc et une congestion pulmonaire survenant au cours d'un infarctus inférieur, même en l'absence de souffle systolique audible. Le diagnostic repose sur l'échocardiographie transoesophagienne qui, mieux que l'échographie transthoracique, précise les lésions de dysfonction et de rupture partielle ainsi que sur le doppler couleur qui quantifie la fuite et précise son trajet [ 143 ], tandis que le doppler continu montre des vitesses de régurgitation basses. Dans les cas difficiles, le cathétérisme droit peut être utile en montrant une oxymétrie monotone à droite, une pression capillaire pulmonaire élevée avec une grande onde V qui peut manquer en cas de bas débit cardiaque. Après la pose d'un ballon intra-aortique de contre-pulsion diastolique, la ventriculographie confirme la régurgitation transmitrale, et la coronarographie fait le bilan des lésions coronaires revascularisables. La chirurgie s'impose malgré une mortalité opératoire élevée, de 15 à 30 % [ 34 ].

L'anévrysme du ventricule gauche se développe chez 8 à 15 % des malades qui survivent à la phase aiguë d'un infarctus du myocarde [ 45 ]. Sa paroi plus fine que celle du ventricule gauche est composée de tissu fibreux et de muscle nécrosé. La paroi de l'anévrisme bombe lors de la systole, " volant " ainsi une partie du volume d'éjection du ventricule gauche. Les anévrismes du ventricule gauche apparaissent quatre fois plus souvent à l'apex et au niveau de la paroi antérieure qu'au niveau de la paroi inféropostérieure [ 2 ]. L'atteinte coronaire est le plus souvent monotronculaire avec une collatéralité pauvre. Il est rare qu'un anévrisme vrai se rompe après son apparition [ 176 ]. La mortalité chez les malades qui ont un anévrisme ventriculaire gauche est six fois plus élevée que celle des malades sans anévrysme, souvent subitement par trouble du rythme ventriculaire, complication hémodynamique ou embolie systémique. Cliniquement, l'anévrisme ventriculaire gauche peut se traduire par une insuffisance cardiaque, des palpitations ou des douleurs thoraciques. À l'examen, il peut exister un double foyer de battements, un souffle systolique apical. L'ECG montre un sus-décalage persistant du segment ST dans le territoire de la nécrose, mais ce signe est peu spécifique, et peut exister en cas d'infarctus du myocarde étendu sans anévrisme. Le diagnostic est confirmé par l'échographie cardiaque et l'angiographie ventriculaire gauche, qui permettent habituellement de distinguer les vrais des faux anévrismes [ 175 ]. L'échocardiographie a une très bonne sensibilité (93 %), et spécificité (90 %). L'incidence apicale des quatre cavités met en évidence la déformation diastolique du contour ventriculaire avec la protrusion systolique de la paroi amincie. On repère fréquemment un thrombus, parfois volumineux.

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Thrombus du ventricule gauche et embolies artérielles
Les embolies artérielles compliquent 5 % des infarctus aigus et révèlent le plus souvent un thrombus intraventriculaire gauche qui se forme au cours des 2 premières semaines d'évolution. Beaucoup plus rarement, les embolies artérielles sont en rapport avec la formation de thrombus dans la cavité auriculaire gauche à l'occasion de troubles du rythme auriculaire. La fréquence de survenue des thrombus intraventriculaires gauches est comprise entre 28 et 54 % [ 122 ], pour les nécroses transmurales antérieures ; elle est de moins de 5 % pour les infarctus sans onde Q et les infarctus inférieurs. Des thombus intraventriculaires droits compliqués d'embolie pulmonaire ont été décrits dans les nécroses ventriculaires droites, mais cela reste exceptionnel [ 3 ].
La localisation du thrombus est dans la majorité des cas apicale (86 %), plus rarement septale (11 %) ou postérieure (3 %) [ 85 ]. Le thrombus mural intraventriculaire va se remodeler progressivement pour disparaître spontanément dans 14 à 50 % des cas [ 27 ]. Cette lyse du thrombus se réalise sur une durée variable allant de quelques jours à plusieurs mois ; elle est très dépendante du degré du trouble de la cinétique segmentaire sous-jacent [ 85 ]. Les embolies artérielles, dont 67 % surviennent dans les 3 premières semaines de l'infarctus [ 80 ], se manifestent le plus souvent par un accident vasculaire cérébral (66 à 80 %), parfois par une ischémie aiguë de membre, par un infarctus rénal ou par une ischémie mésentérique. Les embolies artérielles entraînent une surmortalité mal documentée dans la littérature. Quant au thrombus intraventriculaire, son incidence pronostique est controversée : pour certains, il assombrit le pronostic lorsqu'il est d'apparition précoce [ 51 ] ; pour d'autres, il diminuerait le risque de rupture de la paroi libre [ 122 ]. Aujourd'hui, avec le développement de l'imagerie non invasive, le diagnostic de thrombus intraventriculaire est devenu beaucoup plus aisé. L'échocardiographie, associant une bonne sensibilité à un coût relativement modéré, représente la méthode de choix dans plus de 90 % des cas [ 159 ]. Quatre critères permettent de faire le diagnostic échographique : présence d'une masse échogène dans la cavité ventriculaire gauche, bien délimitée ; mouvement anormal du myocarde adjacent le plus souvent dyskinétique ; limite franche entre le thrombus et le myocarde adjacent ; localisation apicale fréquente. Les transducteurs utilisés vont de 2,5 à 5 MHz, mais il est important de souligner que la sensibilité des sondes 3,5 MHz est de 100 % alors qu'elle n'est que de 55 % avec les sondes de 2,5 MHz, la spécificité étant respectivement de 97 et 86 % [ 131 ]. La visualisation du thrombus doit être complétée d'une quantification de sa taille, et d'une analyse de sa morphologie en insistant sur le caractère pédiculé ou plat du thrombus, ainsi que sur sa mobilité. Il est très important de souligner l'existence de faux positifs [ 6 ], représentés par des trabéculations, des bandes aberrantes, des piliers accessoires et parfois des tumeurs créant de fausses images de thrombus. L'échographie transoesophagienne peut représenter une alternative lorsque l'échographie transthoracique n'est pas contributive. D'autres examens peuvent être alors réalisés, tels que la scintigraphie aux plaquettes marquées à l'indium, qui est aussi sensible mais plus coûteuse [ 44 ], et surtout le scanner Imatron ou l'imagerie par résonance magnétique (IRM) qui sont des alternatives intéressantes, sensibles et spécifiques, mais elles aussi plus coûteuses que l'échocardiographie.

Thrombose veineuse et embolie pulmonaire
Les embolies pulmonaires ont pour origine des thrombus dans les veines des membres inférieurs, plus rarement des thrombus ventriculaires droits en regard d'une zone nécrosée. Le repos au lit et l'insuffisance cardiaque prédisposent évidemment à la maladie thromboembolique, et il y a plusieurs années, lorsque les patients restaient longuement alités, l'embolie pulmonaire expliquait 10 % des décès, avec une incidence supérieure à 20 % en cas d'autopsie [ 43], [71 ]. Actuellement, avec la mobilisation précoce et la large utilisation des anticoagulants, l'embolie pulmonaire est devenue une cause inhabituelle de décès.


Péricardites en phase aiguë d'infarctus
Des épanchements péricardiques apparaissent chez 17 à 25 % des infarctus [ 160 ], plus souvent en cas de localisation antérieure étendue, et d'insuffisance cardiaque congestive [ 132 ]. Ils sont très souvent asymptomatiques et se compliquent exceptionnellement de tamponnade [ 157 ]. Leur résorption est lente, étalée sur plusieurs mois. L'utilisation d'un traitement anticoagulant ou d'un traitement thrombolytique ne semble pas augmenter leur fréquence ni leur abondance [ 181 ]. Lorsque l'épanchement péricardique est symptomatique, on parle de péricardite. La douleur de la péricardite peut être confondue avec celle provenant d'une ischémie persistante ou d'une extension d'infarctus. Un frottement péricardique précoce est entendu chez environ 7 à 20 % de malades [ 38 ], mais il existe rarement des modifications électrocardiographiques caractéristiques [ 95 ]. Le frottement est plus fréquent lors des nécroses transmurales antérieures (35 %), surtout lorsqu'elles se compliquent d'insuffisance cardiaque. L'échocardiographie systématique retrouve un épanchement dans 37 % des cas [ 83 ]. La survenue d'une péricardite lors de la phase aiguë d'un infarctus ne modifie pas le pronostic à court terme [ 83 ].

Syndrome de Dressler
Ce syndrome, décrit en 1956 [ 37 ], apparaît en général 2 à 10 semaines après l'infarctus. Son diagnostic repose sur une douleur d'allure péricardique, un frottement péricardique, une hyperthermie et une vitesse de sédimentation supérieure à 40 mm à la première heure Son incidence, difficile à définir, semble avoir fortement diminué depuis l'abandon d'une anticoagulation prolongée, et surtout depuis l'utilisation de la thrombolyse [ 154 ]. À l'autopsie, les malades qui ont ce syndrome présentent en général une péricardite fibrineuse localisée contenant des leucocytes polynucléaires [ 101 ].


Angor postinfarctus
La fréquence de survenue d'un angor pendant la phase hospitalière est d'environ 18 % [ 150], [151 ]. Le diagnostic n'est pas toujours facile car les signes à l'ECG sont variables, et peuvent être confondus avec ceux d'une péricardite : sus- ou sous-décalage du segment ST [ 173 ] et modification de l'onde T. L'angor postinfarctus est considéré comme une forme grave d'angor instable, et augmente la mortalité à court et à long termes [ 11], [19 ]. Deux circonstances peuvent être individualisées :

- l'angor dans les suites d'une revascularisation par thrombolyse ou par angioplastie. Traduisant une réocclusion ou une menace de réocclusion, il justifie la coronarographie en extrême urgence pour recanaliser ou dilater l'artère coronaire responsable ;
- l'angor chez les patients non traités par revascularisation, survenant souvent chez des patients tritronculaires ; la coronarographie est indiquée dans des délais rapides afin de porter l'indication d'une revascularisation.


Extension d'infarctus
L'extension de l'infarctus apparaît chez environ 7 à 10 % des malades au cours des 10 premiers jours [ 19], [120 ]. Elle est plus fréquente chez les malades qui ont un diabète, un antécédent d'infarctus [ 120 ]. Elle se distingue d'un angor postinfarctus par une gêne plus sévère et prolongée, par des modifications électrocardiographiques persistantes, et par une réascension des créatinephosphokinases (CPK). Elle double la mortalité hospitalière [ 7 ] et justifie la réalisation d'une coronarographie en urgence complétée chaque fois que possible d'une revascularisation par angioplastie ou pontage aortocoronaire.


Mortalité hospitalière
Elle est actuellement inférieure à 10 %, et représentée essentiellement par la mort subite. En phase aiguë d'infarctus, la mort subite peut être due à une asytolie ou à une fibrillation ventriculaire.
L'asystolie correspond :

- soit à une dissociation électromécanique, secondaire à des lésions anatomiques majeures comme une oblitération d'un gros tronc coronaire, une rupture cardiaque, ou un choc cardiogénique massif ;
- soit à un trouble de conduction de haut degré.

La fibrillation ventriculaire est la cause la plus fréquente de mort subite. Parfois primitif et d'emblée présent, ce trouble rythmique succède dans 80 % des cas à une tachycardie ventriculaire soutenue qui s'accélère.
Le développement des USIC a, bien sûr, permis la diminution significative des morts subites lorsqu'elles sont dues à des arythmies ventriculaires ou à des troubles conductifs [ 62 ]. Chez ces patients, l'origine ischémique des troubles du rythme est vraisemblable ; en effet, les examens anatomopathologiques effectués chez des coronariens décédés moins de 6 heures après le début des symptômes ont montré qu'il existait un thrombus coronaire dans 74 % des cas, une fissuration de la plaque dans 21 % des cas, et aucun signe de lésion coronaire récente dans seulement 5 % des cas [ 31 ].

Mortalité à 1 an
Une fois la phase aiguë passée, la mort subite reste une menace qui préoccupe le clinicien car elle représente la moitié des 10 % de décès observés à 1 an. Pour l'essentiel, la mort subite posthospitalière est d'origine rythmique. L'objectif du clinicien est d'identifier les patients à risque rythmique. Schématiquement, l'évaluation du risque de mort subite repose sur la mesure de la fraction d'éjection ventriculaire gauche, la détection d'une ischémie myocardique résiduelle et, surtout, sur le dépistage d'une instabilité électrique. Cette dernière est documentée par la positivité des potentiels tardifs et par la dispersion de l'intervalle QT qui témoignent de l'existence d'un substrat arythmogène ; par la constatation, au Holter, d'une hyperexcitabilité ventriculaire plus ou moins complexe qui pourra servir de starter au démarrage de l'arythmie ventriculaire ; enfin par la perte de la variabilité sinusale qui est l'un des marqueurs du dysfonctionnement de l'environnement neurohormonal et de la prééminence sympathique dans le dérèglement du système neurovégétatif. Ainsi, l'analyse et la combinaison de ces différents facteurs permettent d'élaborer des indices prédictifs de mort subite [ 32], [97 ], indispensables à l'abandon des traitements systématiques par les médicaments antiarythmiques dont on connaît les risques, et à la décision raisonnée d'une prévention efficace qui peut aller jusqu'au recours au défibrillateur automatique implantable.

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Le pronostic de la phase hospitalière de l'infarctus s'est beaucoup amélioré ces 30 dernières années, puisque sa mortalité est passée de 30 % dans les années 1960 à 10 % dans les années 1990. Cette amélioration est due aux progrès fantastiques réalisés dans la prise en charge de l'infarctus aigu au cours de ces trois décennies : développement des USIC, instauration d'un traitement par bêtabloquants et antiagrégants plaquettaires, revascularisation précoce par thrombolyse ou angioplastie. La méta-analyse de De Vreede [ 33 ], regroupant l'ensemble des études ayant évalué le pronostic des infarctus aigus au cours des 30 dernières années, illustre parfaitement cette amélioration : 29 % de mortalité hospitalière dans les années 1960, 21 % dans les années 1970, 16 % dans les années 1980. Plus récemment, l'étude ISIS 3 [ 78 ], retrouve une mortalité à 30 jours de 10 % pour les malades thrombolysés tous âges confondus. Malgré une nette diminution de la mortalité hospitalière, la mortalité globale reste élevée, en raison des décès survenant pendant les premières heures, avant l'hospitalisation des malades [ 124 ]. Ce résultat souligne la nécessité d'informer non seulement les coronariens mais encore le public sur les symptômes révélateurs de l'infarctus aigu, afin de raccourcir le délai d'hospitalisation.
Une fois les premières heures passées, la préoccupation du clinicien est d'établir une stratification du risque à court et moyen termes. Un certain nombre de critères, cliniques ou non, permettent d'établir cette stratification, d'adapter le traitement, et d'en juger l'efficacité. Cette stratification se décline en trois niveaux de risque (faible, intermédiaire et fort), qui sont un élément essentiel de l'appréciation de l'utilité des traitements. Ainsi, l'intérêt d'un traitement réduisant de moitié la mortalité à 1 an sera d'autant plus discutable que le risque de la population traitée est faible, et que le bénéfice escomptable peut être annulé ou inversé par des effets alternes ou un coût élevé.


Facteurs cliniques et épidémiologiques
Les facteurs suivants apparaissent comme autant de facteurs de mauvais pronostic :

- l'âge : en passant de moins de 50 ans à plus de 65 ans, la mortalité tant hospitalière qu'à moyen terme est multipliée par 3 [ 113], [172 ] ;
- le sexe féminin : toutefois, la surmortalité féminine tend à s'atténuer après le premier mois [ 65 ] ;
- un antécédent d'infarctus du myocarde : il double le taux combiné de récidive et de décès qui passe de 28 à 52 % à 1 an [ 65 ] ;
- une insuffisance cardiaque gauche : son existence grève lourdement le pronostic avec une mortalité de 37 % à 30 jours, 46 % à 1 an et 55,4 % à 3 ans ;
- un antécédent d'angor : il a une valeur pronostique discutable [ 21 ], au contraire de l'ischémie postinfarctus qui, avec ou sans extension de la nécrose, double la mortalité à 1 an ;
- l'existence de facteurs de risque :
- l'hypercholestérolémie est retrouvée en analyse multivariée comme un facteur de mauvais pronostic, à condition que le dosage soit effectué à distance de l'infarctus [ 21 ] ;
- le diabète multiplie le risque par 3 ou 4 [ 1 ] ;
- l'élévation de la pression artérielle systolique ou systolodiastolique a une valeur pronostique péjorative [ 167 ], de même que la poursuite du tabagisme.



Examens complémentaires

Électrocardiogramme de repos
Il fournit une série d'indices ayant une signification pronostique péjorative :

- la topographie antérieure de la nécrose [ 68 ], en raison d'une atteinte ventriculaire gauche plus importante ;
- un bloc auriculoventriculaire bas situé prolongé et un bloc de branche, surtout gauche, persistant ;
- les arythmies ventriculaires graves, la fibrillation auriculaire, la constatation d'une hypertrophie ventriculaire gauche, et les troubles persistants de la repolarisation [ 35 ] ;
- l'existence d'une onde Q : elle multiplie par deux la mortalité hospitalière par rapport aux infarctus sans onde Q [ 121 ], mais reste sans effet sur la mortalité ultérieure [ 121 ], en raison des récidives ischémiques dont l'incidence est plus élevée en cas d'infarctus sans onde Q.


Épreuve d'effort
L'épreuve d'effort dans le postinfarctus a pour but [ 55], [109 ] :

- d'identifier les patients à risque en raison d'une ischémie résiduelle, qu'elle soit ou non symptomatique, d'une extrasystolie ventriculaire, ou d'une incapacité fonctionnelle ;
- de juger de la capacité fonctionnelle du patient en vue d'une réadaptation cardiaque.

Cette épreuve d'effort peut être réalisée à deux moments différents de l'évolution de l'infarctus :

- au cinquième jour de l'infarctus, elle sera sous-maximale, à 75 % de la fréquence maximale théorique, effectuée sous traitement médical et réservée aux infarctus non compliqués. Négative, le pronostic est bon avec une mortalité à 1 an de 1 à 2 %. Dans le cas contraire, notamment si le patient est incapable d'effectuer le test, la mortalité à 1 an s'élève et dépasse 10 à 14 % ;
- à 6 semaines, le test sera démaquillé pour révéler une ischémie, qui, une fois sur trois n'avait pas été démasquée par le test initial. Parmi les différentes données recueillies à l'effort, c'est la capacité fonctionnelle qui possède la meilleure valeur prédictive [ 50 ] : pour Leroy et al [ 100 ] qui a suivi sur 4 ans 303 infarctus à bonne fonction ventriculaire gauche, l'épreuve d'effort démaquillée à la quatrième semaine permet de sélectionner une population à faible risque avec une mortalité de seulement 1,1 % lorsque le sujet a pu atteindre ou dépasser une fréquence cardiaque de 140/min.


Holter cardiaque des 24 heures
Il permet de détecter une ischémie silencieuse [ 17 ] qui, comme l'ischémie douloureuse, est associée à une fréquence élevée d'événements cardiaques (décès, récidive d'infarctus, hospitalisation pour angor instable). Cependant, l'intérêt du Holter pour dépister une ischémie silencieuse est limité car celle-ci est exceptionnelle en cas d'épreuve d'effort négative [ 119 ].
En revanche, le Holter est un examen indispensable [ 118 ], pour explorer le risque d'arythmie ventriculaire qui est un facteur indépendant de mortalité à moyen terme. Cependant, il convient de nuancer la valeur pronostique de l'hyperexcitabilité ventriculaire qui s'intègre habituellement dans un contexte de dysfonction ventriculaire gauche sévère dont on connaît l'incidence pronostique. Si la valeur prédictive positive de la mort subite d'une extrasystolie fréquente, supérieure à dix extrasystoles par heure, ou complexe, polymorphe ou groupée en salves d'au moins trois complexes, est indiscutable, elle reste faible et le plus souvent inférieure à 15 %.
Le Holter permet d'étudier la balance vagosympathique qui joue un rôle dans la genèse des arythmies ventriculaires malignes. L'indice le plus fiable, facilement dérivé du Holter grâce aux progrès de l'informatique, est la variabilité sinusale dont la diminution, exprimée par une déviation standard des intervalles RR inférieure à 50 ms, est corrélée avec l'augmentation de la mortalité [ 89 ], indépendamment de la fonction ventriculaire gauche et de la fréquence cardiaque moyenne. Une même corrélation est retrouvée avec l'incidence des tachycardies ventriculaires soutenues et la mort subite.
Dynamique de l'intervalle QT : sur l'ECG 12 dérivations, l'inhomogénéité de l'intervalle QT est le témoin de l'existence d'un substrat anatomique favorisant la survenue d'arythmies ventriculaires graves. Cette anomalie électrique est corrélée avec l'incidence des tachycardies ventriculaires et de la mort subite. L'exploration dynamique des variations de l'intervalle QT en fonction de la fréquence cardiaque, possible grâce aux progrès réalisés dans l'analyse informatique de l'enregistrement Holter, donne semble t-il des indices encore plus fiables qui sont en cours de validation. Plusieurs études semblent démontrer l'association entre l'allongement de l'intervalle QT, sa dispersion dynamique et le mauvais pronostic dans le postinfarctus, que ce soit à la phase hospitalière ou après la sortie de l'hôpital [ 4], [136 ].

Potentiels tardifs
Mesurés grâce à l'ECG haute amplification, les potentiels tardifs sont un marqueur du substrat arythmogène, sensible et indépendant des résultats du Holter ECG et des facteurs hémodynamiques [ 158 ]. Utile pour détecter les malades à faible risque d'arythmie ventriculaire avec une valeur prédictive négative de 95 %, son intérêt pour dépister les sujets à haut risque est médiocre en raison d'une faible valeur prédictive positive, comprise entre 10 et 30 %. La valeur pronostique des potentiels tardifs a été récemment réévaluée pour tenir compte des changements survenus dans la prise en charge de l'infarctus du myocarde, notamment de la thrombolyse, et de l'incidence modeste des événements électriques (3 à 4 %) survenant dans les 12 mois suivant l'infarctus. Deux études portant sur plus de 1 000 patients montrent que la présence de potentiels tardifs multiplie respectivement l'incidence des événements rythmiques par 3, 8 [ 148 ] et 8,4 [ 39 ], et que le paramètre le plus pertinent est la durée du QRS filtré supérieure à 120 ms [ 39 ].

Stimulation ventriculaire programmée
L'intérêt de la stimulation ventriculaire programmée dans le postinfarctus a été étudié au début des années 1980. D'après les premiers résultats, sa valeur pronostique a été décevante et ses résultats contradictoires [ 66], [146 ]. Ultérieurement, après standardisation des procédures, l'induction d'une tachycardie ventriculaire monomorphe, mais pas d'une fibrillation ventriculaire, a été reconnue comme témoin de l'existence d'un substrat arythmogène, relançant l'intérêt de la stimulation ventriculaire programmée. Deux études, au début des années 1990 [ 20], [141 ] montrent que le déclenchement d'une tachycardie ventriculaire multiplie par 15,2 le risque à 1 an d'événements rythmiques, qu'il s'agisse d'une mort subite, d'une tachycardie ou d'une fibrillation ventriculaire. La valeur prédictive positive est encore plus forte lorsque la fraction d'éjection est inférieure à 40 %.

Ventriculographie isotopique
Réalisée au-delà de la troisième semaine pour éliminer les conséquences de la sidération, elle permet la mesure de la fraction d'éjection ventriculaire gauche avec des résultats plus fiables que l'échographie cardiaque. L'ensemble des travaux réalisés met en évidence l'importance pronostique de la fonction ventriculaire gauche [ 171 ], la valeur seuil séparant les infarctus à faible risque de mortalité de ceux qui ont un risque plus élevé se situant entre 35 et 40 %.

Scintigraphie myocardique
La scintigraphie myocardique, à ce stade, peut avoir deux objectifs différents : la détection d'une ischémie et la recherche de la viabilité myocardique.

- Détection d'une ischémie : la scintigraphie myocardique peut compléter l'épreuve d'effort pour détecter une ischémie résiduelle et surtout préciser sa topographie par rapport à la zone infarcie. Regroupant sept études comparatives, Gibson constate que l'ischémie résiduelle a une prévalence deux fois plus élevée avec la scintigraphie qu'avec l'épreuve d'effort classique [ 54 ].
- Recherche de viabilité : la viabilité myocardique correspond à une amélioration de la contractilité ventriculaire gauche, segmentaire ou globale, spontanée ou induite par une revascularisation, survenant au décours d'une ischémie. En fonction de la durée de l'ischémie, il est classique de distinguer la sidération, survenant après un épisode d'ischémie aiguë, et l'hibernation, conséquence d'une hypoperfusion chronique. En pratique quotidienne, l'étude de la viabilité postinfarctus est réalisée dans deux situations différentes :
- si l'artère est perméable, la documentation d'une sidération a essentiellement un but pronostique : prédire les patients dont la fonction ventriculaire gauche va s'améliorer ;
- si l'artère est occluse ou le siège d'une sténose très serrée, la documentation d'une viabilité dans le territoire de la nécrose permet d'orienter la stratégie thérapeutique en faveur d'un geste de revascularisation par angioplastie ou par pontage. Plusieurs méthodes sont disponibles pour documenter la viabilité, mais la scintigraphie myocardique au thallium est la méthode la plus employée. Le protocole consiste à administrer le thallium au repos et à recueillir les images scintigraphiques immédiatement et après réinjection 4 heures plus tard [ 53], [108 ]. Le myocarde dans la zone nécrosée est considéré comme viable s'il fixe d'emblée ou lors de la redistribution. Dans cette indication, la sensibilité de la scintigraphie myocardique au thallium est de 89 % et sa spécificité de 33 % [ 5 ].



Échocardiographie

Échocardiographie standard

De réalisation facile et non invasive, l'échocardiographie est utile pour évaluer la fonction ventriculaire gauche ainsi que les troubles de la cinétique segmentaire ; elle permet de façon simple de suivre l'évolution de la fonction ventriculaire gauche dont la récupération peut prendre plusieurs semaines.

Échocardiographie de stress : mise en évidence d'une ischémie

Elle consiste à mettre en évidence un trouble de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, pendant une perfusion de dobutamine à forte dose. Elle est séduisante, puisque l'on sait qu'en cas d'ischémie, les troubles cinétiques apparaissent avant les modifications électrocardiographiques et la douleur. Cependant, dans le postinfarctus, les données sont encore fragmentaires. Les premiers résultats permettent la prédiction d'un événement coronarien avec une sensibilité de 63 % et une spécificité de 78 à 95 %.

Échocardiographie de stress : étude de la viabilité

Elle consiste à mettre en évidence la réapparition ou l'amélioration de l'épaississement pariétal et de la cinétique segmentaire au sein d'une zone myocardique initialement akinétique, pendant une perfusion de dobutamine à faible dose. Sa valeur prédictive positive est bonne pour certains [ 147], [177 ] et comprise entre 79 et 89 % ; elle est moins bonne pour d'autres et de l'ordre de 50 % [ 134 ]. Pour tous les auteurs, en revanche, sa valeur prédictive négative est très élevée, comprise entre 80 et 89 %, de sorte que, en l'absence d'amélioration sous dobutamine, il serait déraisonnable d'escompter une amélioration de la fonction ventriculaire, spontanément ou sous l'influence d'une revascularisation [ 5 ].

Résonance magnétique nucléaire et tomographie par émission de positons
D'autres examens, bien que moins utilisés, peuvent être utiles pour la recherche de la viabilité myocardique :

- la tomographie à émission de positons : elle reste la méthode de référence, mais sa diffusion est limitée en raison de son coût et de la nécessité d'une infrastructure très lourde. En pratique, elle n'est réalisée qu'en cas de discordance entre la scintigraphie au thallium et l'échographie de stress, notamment pour les très mauvaises fonctions ventriculaires gauches. Sa valeur prédictive positive varie de 78 à 80 %, et sa valeur prédictive négative de 78 à 92 % [ 163 ] ;
- la résonance magnétique nucléaire : son intérêt est en cours de validation. Elle devrait permettre la mesure précise de l'épaisseur pariétale en télédiastole et son épaississement en télésystole, au repos et sous stimulation pharmacologique [ 82 ].


Coronarographie et cathétérisme gauche

Angiographie ventriculaire gauche

La mesure de la fraction d'éjection globale de repos est un facteur pronostique essentiel, à moyen et long termes. Il existe une relation exponentielle inverse entre la fraction d'éjection ventriculaire gauche et la mortalité tardive [ 169 ] : les patients dont la fraction d'éjection en fin d'hospitalisation est normale ont une survie à 3 ans de 96 à 100 %, alors que ceux dont la fraction d'éjection est inférieure à 20 %, ont une survie de 30 à 75 %. En outre, la mesure des volumes ventriculaires apporte une information supplémentaire, la mortalité étant corrélée avec l'augmentation du volume télésystolique [ 181 ].

Coronarographie

Les indications de la coronarographie à la phase aiguë de l'infarctus et à son décours immédiat sont très larges en raison de ses implications thérapeutiques : désobstruction coronaire et obtention d'un flux TIMI 3, bilan des lésions au troisième ou quatrième jour d'une thrombolyse en vue d'une revascularisation après évaluation de la viabilité ou de l'ischémie.
Elle permet en outre une stratification des patients : la mortalité étant corrélée au nombre de vaisseaux lésés [ 135 ] ainsi qu'à la perméabilité, avec un flux TIMI 3, de l'artère responsable de l'infarctus [ 16], [47 ].

Si, au cours des 10 dernières années, la mortalité globale postinfarctus a considérablement diminué, l'identification des patients à risque est un problème quotidien. Les trois principaux facteurs de mortalité sont la dysfonction ventriculaire gauche, l'ischémie myocardique résiduelle et l'instabilité électrique :

- l'évaluation de la fonction ventriculaire gauche peut être réalisée par échographie cardiaque, angiographie ventriculaire gauche, ou fraction d'éjection isotopique. Il s'agit du meilleur facteur prédictif de mortalité globale, avec une augmentation majeure du risque lorsque la fraction est inférieure à 40 %. L'existence d'une dyskinésie, d'un anévrisme ventriculaire gauche, ou d'une importante dilatation ventriculaire gauche sont autant de facteurs supplémentaires de mauvais pronostic ;
- l'ischémie myocardique résiduelle peut être détectée par l'épreuve d'effort, la scintigraphie au thallium ou l'enregistrement Holter. Symptomatique ou non, elle est un facteur de mauvais pronostic ;
- l'instabilité électrique est étudiée de trois manières convergentes : d'une part, la recherche d'un substrat arythmogène dont témoignent la présence de potentiels tardifs, le déclenchement d'une tachycardie ventriculaire soutenue à la stimulation ventriculaire programmée et la dispersion sur l'ECG de surface de l'intervalle QT supérieure à 50 ms ; d'autre part, l'existence d'une extrasystolie ventriculaire au Holter qui, bien que corrélée avec le risque de mort subite lorsqu'elle est supérieure à 10 par heure ou groupée en salves de plus de trois complexes, a une faible valeur prédictive positive ; enfin, la baisse de la variabilité sinusale qui témoigne d'un important déséquilibre vagosympathique. Quel que soit le facteur de risque évalué, sa valeur prédictive négative est bonne mais sa valeur prédictive positive est faible. Il est ainsi facile de détecter les patients à faible risque mais beaucoup plus difficile d'identifier les malades qui vont réellement mourir et pourraient donc tirer un bénéfice d'un traitement préventif efficace.

Les analyses multivariées ont permis de préciser la valeur individuelle de chacun de ces paramètres, mais l'identification des patients à risque repose sur leur combinaison. En pratique, c'est surtout l'association d'une fraction d'éjection inférieure à 40 %, d'extrasystoles ventriculaires complexes, et la présence de potentiels tardifs ventriculaires qui conditionne le pronostic. Une étude récente [ 172 ] s'est intéressée à la stratification des patients depuis l'ère de la revascularisation. Les facteurs prédictifs de mortalité en analyse univariée sont : l'âge supérieur à 56 ans, les antécédents de maladie coronaire, l'insuffisance cardiaque, une capacité fonctionnelle limitée à 120 W, une diminution de la fonction systolique ventriculaire gauche, la présence de potentiels tardifs, l'absence de variabilité sinusale. Les facteurs prédictifs de mortalité en analyse multivariée sont : la présence de potentiels tardifs, l'existence d'une fraction d'éjection inférieure à 30 %, l'absence de variabilité sinusale.
L'ischémie résiduelle, reconnue jusqu'alors comme un facteur de mauvais pronostic, n'apparaît pas comme un facteur prédictif de mortalité dans cette étude, probablement parce que les patients ayant actuellement une ischémie résiduelle, sont systématiquement revascularisés par angioplastie ou pontage aortocoronaire.

Au cours de ces trois dernières décennies, de nombreux traitements ont eu une incidence bénéfique sur le pronostic de l'infarctus du myocarde [ 170 ].

Thrombolyse et angioplastie

Thrombolyse
Son objectif est aujourd'hui, grâce à son administration avant la sixième heure, la limitation de la taille de la nécrose, la préservation de la fonction ventriculaire gauche et la réduction de la mortalité. Plusieurs dizaines d'essais contrôlés incluant des dizaines de milliers de patients ont comparé les effets de la streptokinase par rapport à un traitement conventionnel en termes de mortalité en phase aiguë d'infarctus. L'étude GISSI [ 57 ] démontre l'effet bénéfique de la thrombolyse en réduisant la mortalité hospitalière de façon significative (13 % versus 10,7 %), et la mortalité à 1 an (19 % versus 17,2 %). La réduction du risque est d'autant plus importante que la thrombolyse a été réalisé précocement, et pour les infarctus antérieurs. D'autres agents thrombolytiques ont confirmé ces résultats, avec une tendance favorable à l'actilyse lorsqu'elle est administrée avant la troisième heure [ 168 ].

Angioplastie
La reperfusion par angioplastie obtenue à la phase aiguë, sans thrombolyse préalable, est très prometteuse, puisque son taux de succès approche 100 % [ 81 ], avec un pourcentage élevé de flux TIMI 3 [ 168 ] et un faible taux de réocclusion à 6 mois, ainsi qu'avec un faible pourcentage d'accident vasculaire cérébral et le même bénéfice, en termes de mortalité globale, que la thrombolyse. La réalisation d'une angioplastie 24 heures sur 24 et dans de bonnes conditions de sécurité nécessite une infrastructure lourde, qui n'est pas à la portée de tous les services de cardiologie et interdit pour le moment la généralisation de cette procédure.

Thérapeutique antiagrégante
Elle a montré son efficacité dans l'étude ISIS 2 [ 77 ], en réduisant la mortalité à 5 semaines, de 23 % isolément et de 42 % en association avec la streptokinase. À long terme, son effet bénéfique persiste vis-à-vis de la prévention de la mort subite et des récidives d'infarctus.

Bêtabloquants
Leur intérêt à la phase aiguë de l'infarctus est démontré par de nombreux essais, dont ISIS 1 [ 76 ] qui a été le premier des grands essais sur l'infarctus. La réduction de mortalité hospitalière, de l'ordre de 15 à 20 %, est d'autant plus importante que le traitement bêtabloquant est démarré précocement et par voie intraveineuse. Différentes méta-analyses montrent, en outre, le bénéfice des bêtabloquants à long terme sur la mortalité, les morts subites et les récidives d'infarctus [ 182 ].

Dérivés nitrés
La démonstration de l'effet bénéfique de leur prescription systématique repose sur le regroupement des résultats issus de sept études contrôlées et randomisées [ 183 ], qui montre une réduction de la mortalité de 35 %. Ces résultats ne sont pas confirmés par deux études plus récentes [ 59], [75 ].

Inhibiteurs calciques
Contrairement aux travaux expérimentaux réalisés avec les inhibiteurs calciques, les résultats des essais cliniques se sont avérés décevants [ 70 ]. Seuls émergent le diltiazem dans l'infarctus sans onde Q, avec une diminution au 14e jour des récidives précoces et des angors réfractaires [ 56 ], et le vérapamil qui diminue la mortalité posthospitalière et les récidives d'infarctus lorsqu'il est prescrit au-delà du septième jour [ 29 ].

Antiarythmiques
Les antiarythmiques de classe I s'avèrent délétères lors d'une utilisation systématique en présence d'extrasystoles ventriculaires [ 166 ].
La Cordarone® utilisée de façon systématique chez les patients ayant une fraction d'éjection inférieure à 40 % ne permet pas d'obtenir une diminution de mortalité globale [ 23], [41 ].

Inhibiteurs de l'enzyme de conversion
Dans l'étude SAVE [ 130 ], le captopril permet de réduire la mortalité de 19 % au sein d'une population présentant une altération de la fonction ventriculaire gauche avec une fraction d'éjection inférieure à 40 %. Pour l'instant, le résultat négatif de CONSENSUS II [ 162 ] suggère un effet délétère en cas d'administration intraveineuse trop précoce, avant le deuxième ou troisième jour.

Inhibiteurs de l'HMG co-A réductase
L'étude 4S [ 149 ], a clairement démontré le bénéfice en termes de mortalité de la prescription d'inhibiteurs de l'HMG co-A (hydroxy-3 méthyl glutaryl coenzyme A) réductase en postinfarctus, chez les patients ayant un taux de cholestérol supérieur à 5,5 mmol/L, ou un taux de LDL (low density lipoprotein) supérieur à 212 mg/dL.

Réadaptation cardiaque
Elle permet non seulement une bonne réinsertion sociale et professionnelle grâce à l'amélioration de l'état psychologique du patient, mais aussi une diminution significative de la mortalité malgré une augmentation non significative de la morbidité [ 125 ].

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