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Les sténoses aortiques représentent 5 à 6 % de l'ensemble des cardiopathies congénitales en Europe et en Amérique du Nord ; elles seraient plus rares dans la race noire et dans la race jaune. Les sténoses valvulaires sont les plus fréquentes (2/3 des cas) et s'observent 3 à 4 fois plus souvent dans le sexe masculin. Les sténoses sous-valvulaires se rencontrent dans 20 à 25 % des cas, la prédominance masculine est moins nette : deux garçons pour une fille. Quant aux sténoses sus-valvulaires ou supravalvulaires, elles ne se voient que dans 10 % des cas environ sans prédominance de sexe.
Certaines sténoses sus- ou sous-valvulaires ont un caractère familial. La sténose sus-valvulaire est l'une des localisations les plus communes du syndrome de Williams et Beuren.
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La topographie des lésions est la base de la classification anatomoclinique.
Elles sont associées à d'autres malformations dans 10 à 20 % des cas : communication interventriculaire, sténose pulmonaire, sténoses étagées sur la voie aortique. L'anneau valvulaire est habituellement de taille normale, la sténose est due aux anomalies des valves qui sont épaissies et rigides. Dans la plupart des cas, les valves sont individualisées, séparées par des commissures soudées à leur bord externe ; l'orifice peut être tricuspide, bicuspide ou monocuspide. Dans un petit nombre de cas, l'appareil valvulaire est totalement indifférencié (diaphragme ou dysplasie valvulaire myxoïde).
La forme la plus commune est la sténose avec fusion commissurale qui peut être traitée par valvulotomie au ballonnet ou par commissurotomie chirurgicale ; en revanche, les formes à valves indifférenciées ne sont pas améliorées par la valvulotomie chirurgicale ou au ballonnet.
La forme la plus fréquente est la sténose sur biscuspidie : les deux valves sigmoïdes sont inégales, séparées par deux commissures partiellement soudées limitant un orifice franchement excentré. Sur la face aortique, la soudure commissurale se présente comme un raphé épais ; sur la plus grande des deux valves, on observe fréquemment un troisième raphé formant une crête de refend, vestige d'une troisième commissure " fausse bicuspidie ".
La sténose congénitale sur valve tricuspide est 3 à 4 fois plus rare que la sténose sur bicuspidie.
Enfin, la monocuspidie est exceptionnelle : une seule commissure partiellement soudée relie alors l'orifice excentré à la paroi aortique.
Dans ces formes, l'appareil valvulaire malformé demeure longtemps continent ; en diastole, les valves conservent un aspect normal en oméga et en systole les valves formes un dôme dont le sommet est percé d'un gicleur plus ou moins excentré. L'aorte ascendante est dilatée et il y a sur l'endartère une " lésion de jet " à l'endroit où le sang sous pression qui traverse l'orifice vient frapper la paroi aortique. Au fil des années, les valves perdent leur souplesse, s'épaississent et peuvent après l'âge de 15 ans se calcifier. Ces modifications progressives rendent compte de l'aggravation de la sténose ou de l'apparition d'une insuffisance valvulaire.
Les sténoses à valves indifférenciées sont plus rares. La variété la plus fréquente est la forme dite " dysplasique " où le tissu valvulaire est boursouflé, bourgeonnant, épaissi, rigide, parfois divisé en deux formations distinctes, séparées par deux commissures mais sans fusion commissurale. Dans ces formes, s'associe souvent à la sténose une insuffisance valvulaire
. Le traitement ne peut être qu'un remplacement valvulaire.
L'hypoplasie de l'anneau aortique, également rare, peut gêner la commissurotomie, elle est parfois associée à une hypoplasie de l'aorte ascendante. Son traitement relève des interventions de Konno
.
Elles représentent 20 à 25 % des sténoses aortiques. Elles sont fréquemment associées (dans 1/4 des cas au moins) à d'autres malformations cardiaques : communication interventriculaire, persistance du canal artériel, coarctation de l'aorte, sténose valvulaire aortique, malformation de la valve mitrale et de l'appareil sous-valvulaire mitral, myocardiopathie hypertrophique obstructive pouvant réaliser une obstruction dynamique sous-jacente à la sténose sous-valvulaire " fixe ".
Schématiquement, on distingue plusieurs types d'anomalies : les sténoses sous-valvulaires fixes, localisées (membraneuses ou fibreuses) ou diffuses ; les obstructions d'origine mitrale [
,
,
] ; les obstructions musculaires malformatives. Les hypertrophies musculaires sténosantes du ventricule gauche sont considérées comme une malformation associée pour certains, ou comme secondaires à la sténose sous-valvulaire fixe pour d'autres.
La sténose membraneuse ou type I est un diaphragme
. C'est la forme la plus fréquente. Une membrane semi-lunaire est située à moins de 1 cm de l'orifice valvulaire et s'insère à la fois sur la paroi libre du ventricule gauche et sur la partie inférieure de la grande valve mitrale ; l'insuffisance mitrale est possible mais elle est rarement importante. Les valves aortiques sont parfois altérées et l'insuffisance valvulaire est présente 1 fois sur 3. Une lésion de " jet " peut d'ailleurs apparaître à la face inférieure des valves aortiques.
La sténose fibreuse ou type II est plus rare, elle consiste en un bourrelet fibreux plus épais que la membrane et plus étendu en hauteur
.
Les sténoses diffuses sont encore plus rares ; dans le type III ou fibromusculaire, il s'agit de masses polypoïdes irrégulières ; dans le type IV, d'un chenal fibreux et rigide (sténose en " tunnel ")
.
Les obstructions d'origine mitrale peuvent être dues à un excès de tissu mitral faisant obstacle à l'éjection ventriculaire gauche
; l'obstacle peut également être dû à une anomalie d'insertion de la grande valve mitrale ; à des piliers et cordages anormaux ; à une malformation de la valve mitrale de type canal atrioventriculaire ; à une valve mitrale en parachute ; à une valve antérieure commune mitrotricuspide associée à une chambre de chasse étroite en cas de canal atrioventriculaire.
Les obstructions musculaires malformatives appartiennent souvent à des complexes malformatifs, peu chirurgicaux, et sont surtout bien connues des anatomopathologistes
.
Elles siègent 1 ou 2 cm au-dessus des sinus de Valsalva et comportent trois variétés.
- - La sténose en sablier est la plus fréquente. Elle est due à un bourrelet fibreux qui diminue le calibre extérieur de l'aorte mais plus encore son diamètre interne, car il fait saillie dans sa lumière.
- - La sténose en diaphragme membraneux est la plus rare. Le diaphragme est généralement semi-lunaire et excentré.
- - L'hypoplasie diffuse de l'aorte ascendante réduit globalement le calibre de l'aorte ascendante au-delà des sinus de Valsalva dilatés. Il y a fréquemment des sténoses à l'origine des gros vaisseaux de la base. Cette forme est souvent observée dans le syndrome de Williams et Beuren.
Dans ces sténoses sus-valvulaires, les coronaires situées en amont de la sténose sont soumises à un régime de pression élevée et sont souvent dilatées et tortueuses.
L'insuffisance aortique est possible, l'aorte ascendante est rarement dilatée dans les formes localisées.
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Elle est caractérisée par un obstacle à l'éjection ventriculaire gauche et des altérations de la circulation coronaire.
La circulation coronaire se fait sous pression diminuée dans les formes valvulaires et sous-valvulaires et sous pression trop élevée dans les formes sus-valvulaires.
L'obstacle à l'éjection ventriculaire gauche est compensé chez l'enfant par une série de réactions qui sont surtout nettes à l'effort
.
- - Le débit cardiaque augmente par élévation de la pression systolique du ventricule gauche. Dans les sténoses peu serrées, la pression aortique systolique est maintenue sans élévation notable du gradient de pression au travers de la sténose. Dans les sténoses moyennement serrées, une élévation modérée de la pression aortique n'est possible qu'au prix d'une importante élévation de la pression systolique du ventricule gauche et du gradient valvulaire. Dans les sténoses très serrées, l'adaptation tensionnelle à l'effort est impossible mais la fraction d'éjection est augmentée par augmentation de la contractilité myocardique.
- - La fréquence cardiaque augmente d'autant plus à l'effort que la sténose est plus serrée. L'ischémie myocardique apparaît lorsque les besoins en oxygène du myocarde dépassent les apports. Les besoins sont proportionnels à la pression systolique du ventricule gauche ; les apports sont sous la dépendance de la perfusion coronaire qui se fait en diastole. Ils sont donc diminués par la tachycardie et par l'augmentation de la pression intramurale donc de la pression télédiastolique du ventricule gauche ; or, celle-ci, comme la tachycardie, s'élève dans les sténoses serrées. Le déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène aboutit à une ischémie myocardique fonctionnelle. Celle-ci se traduit à l'électrocardiogramme par des troubles de la repolarisation qui surviennent d'abord à l'effort et deviennent permanents dans les formes sévères. Plus tardivement, la fonction ventriculaire gauche s'altère et les troubles électrocardiographiques permanents sont alors, comme dans les formes de l'adulte, les témoins de lésions myocardiques. C'est vraisemblablement l'ischémie myocardique d'effort qui par l'intermédiaire d'une inhibition brutale ou d'une fibrillation ventriculaire est à l'origine du " syndrome d'effort " et de la mort subite.
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Un certain nombre de signes cliniques, électriques, radiologiques et échocardiographiques sont communs à toutes les formes. D'autres signes dépendent du siège de la sténose et sont utiles au diagnostic topographique
.
Signes fonctionnels
En dehors des formes sévères du nourrisson qui se compliquent souvent d'asystolie, la plupart des sténoses aortiques sont très bien tolérées au cours de la première et de la seconde enfance. La croissance est normale, la capacité physique n'est pas modifiée. Il y a souvent une hyperactivité physique et une turbulence de l'enfant qui sont assez particulières aux sténoses aortiques et dont le mécanisme n'est pas élucidé. Ces éléments rassurent les parents et contrastent parfois dans les sténoses sévères avec la fatigabilité vespérale et avec l'arrêt brusque lors des efforts prolongés, essentiellement lors des longues marches. En revanche, la dyspnée d'effort est exceptionnelle. Quant au syndrome d'effort - syncope ou lipothymie d'effort, angor, douleurs abdominales
- il ne s'observe que dans moins de 10 % des cas.
Examen clinique
L'élément essentiel est le souffle systolique d'éjection maximale à la base, au 2e espace intercostal droit, accompagné d'un thrill qui irradie sur l'aorte à la fourchette sternale et vers les vaisseaux du cou. De durée variable, surtout proto- et mésosystolique, ce souffle s'arrête toujours avant le second bruit, dont la composante aortique en cas de sténose aortique serrée est bien audible et précède pratiquement toujours la composante pulmonaire. Le souffle est d'autant plus intense que la sténose est plus serrée. Cependant, chez le nourrisson, en cas d'asystolie, il peut s'atténuer, parfois de façon considérable. Un souffle protodiastolique latérosternal gauche doux d'insuffisance aortique s'y associe 1 fois sur 4. Les phonomécanogrammes sont beaucoup moins précis que l'échocardiogramme couplé au Doppler pour apprécier le degré de la sténose. Ils ne sont plus guère utilisés.
Radiologie
Elle s'avère souvent de peu de secours. Sauf chez le nourrisson où la cardiomégalie est habituelle, le coeur est de volume normal. Même s'il y a une hypertrophie ventriculaire gauche, celle-ci est de type concentrique, peu apparente. Sur le cliché de face, on peut noter un aspect arrondi de l'arc inférieur gauche et, en oblique antérieure gauche, une saillie postérieure du ventricule gauche.
Electrocardiogramme
Le tracé est généralement normal ou peu modifié, même dans certaines sténoses serrées. L'axe électrique a peu d'intérêt en raison de sa variabilité, sauf dans les formes sévères du nourrisson où il attire l'attention par sa nette déviation à gauche. Chez l'enfant, les signes les plus fidèles sont les troubles de la repolarisation. Ils ne s'observent cependant que dans environ 10 % des cas : segment ST sous-dénivelé et ondes T diphasiques ou négatives en V5-V6, ST sus-décalé et ondes T positives en V1-V2, parfois seulement ondes T plates en V6 avec un rapport R/T supérieur à 10. Le sus-décalage de ST avec ondes T positives en V1-V2 est un signe plus précoce que les anomalies observées en précordiales gauches. Quant aux critères de voltage qui permettent, en principe, d'apprécier l'hypertrophie en l'absence de troubles de la repolarisation, ils doivent être minutieusement comparés aux valeurs normales pour l'âge. Le plus souvent, les tracés sont dans la zone des prédominances ventriculaires gauches, mais ils dépassent rarement les valeurs maximales pour l'âge.
Echocardiographie
L'échocardiographie couplée au Doppler assure le diagnostic, localise la sténose et apprécie le retentissement de celle-ci sur le ventricule gauche.
Epreuve d'effort
Elle a pour but de faire apparaître les signes caractéristiques du déséquilibre entre la demande myocardique et les possibilités d'apport d'oxygène, c'est-à-dire les troubles de la repolarisation
. Dans les formes serrées avec tracé normal au repos, l'apparition d'un sous-décalage descendant ou horizontal de ST avec abaissement du point J d'au moins 1 mm a une nette signification pathologique. L'épreuve doit être conduite avec prudence mais elle est sans danger chez l'enfant et l'adolescent dont le tracé de base ne montre pas de troubles de la repolarisation. Chez le petit enfant, un enregistrement de l'électrocardiogramme en continu pendant 24 heures permet aussi de déceler les épisodes d'ischémie myocardique lors des mouvements de grande activité physique.
Certains signes cliniques, électriques, radiologiques permettent de prévoir le siège de la sténose. Il sera précisé par l'échocardiogramme couplé au Doppler pulsé et à codage couleur, et les explorations intracardiaques si nécessaire.
Sténoses valvulaires
Deux signes sont particuliers aux sténoses valvulaires : le clic éjectionnel et la dilatation de l'aorte ascendante.
- - Le clic protosystolique, éjectionnel, perçu à l'endapex, évoque une sténose à valves souples. Il disparaît lorsque les valves perdent leur souplesse et se calcifient. La composante aortique du second bruit est normale lorsque les valves sont souples et diminuée chez l'adulte.
- - La dilatation et l'ondulation systolique de l'aorte ascendante sous amplificateur de brillance, de face et en légère oblique antérieure gauche, sont la traduction de l'effet de " jet " et s'observent presque uniquement dans les formes valvulaires.
Sténoses sus-valvulaires
Deux éléments étiologiques doivent faire évoquer le siège sus-valvulaire de la sténose : les formes familiales et le syndrome de Williams et Beuren.
Lorsqu'on observe une sténose aortique chez deux enfants d'une même famille, il peut s'agir d'une forme sous-valvulaire mais le plus souvent c'est la forme sus-valvulaire qu'il faut évoquer. Ces formes familiales ne s'accompagnent pas d'anomalies morphologiques ni de retard intellectuel
.
Lorsqu'une sténose aortique accompagne un syndrome de Williams et Beuren, il s'agit toujours d'une forme sus-valvulaire
. Ce syndrome associe 4 éléments principaux : une cardiopathie (sténose aortique sus-valvulaire et/ou des sténoses des branches des artères pulmonaires), des anomalies morphologiques (faciès d'elfe), un retard psychomoteur et, de façon inconstante, des antécédents d'hypercalcémie idiopathique infantile.
A l'examen clinique, 3 signes doivent faire évoquer le siège sus-valvulaire de la sténose : le siège haut situé du souffle avec un maximum au 1er espace intercostal droit plutôt qu'au 2e ; l'inégalité des pouls et des tensions humérales avec amplitude plus grande à droite et différence de tension d'au moins 20 mmHg en faveur du bras droit. Cette anomalie est la conséquence des perturbations hémodynamiques décrites sous le nom d'effet Coanda
; en radiographie, l'aorte ascendante est de petite taille avec vacuité de l'arc supérieur droit de face et en légère oblique antérieure gauche.
Sténoses sous-valvulaires
Elles ont peu de signes caractéristiques. A l'examen, on retiendra : l'absence habituelle de clic protosystolique, le foyer maximal d'auscultation du souffle plus bas situé et à gauche du sternum, la relative fréquence du souffle diastolique, l'absence de dilatation poststénotique de l'aorte ascendante.
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L'échocardiographie couplée au Doppler pulsé, continu et à codage couleur, est l'examen clé ; elle a un triple intérêt : affirmer les diagnostics positif et topographique, apprécier le retentissement de la sténose sur le ventricule gauche et sa sévérité, et dépister les anomalies associées. Cet examen est le plus souvent suffisant pour envisager la cure chirurgicale ou la dilatation au cours d'un cathétérisme interventionnel.
Sténoses valvulaires
L'échocardiogramme en mode M n'a aucune spécificité et montre une ouverture des valves apparemment normale et des échos valvulaires multiples en systole et en diastole. L'échocardiographie bidimensionnelle est spécifique : aspect en dôme des sigmoïdes aortiques
(fig. 1). En incidence parasternale grand axe, les sigmoïdes se mobilisent de bas en haut et non latéralement. En incidence petit axe, la valve aortique s'ouvre de façon incomplète. Une bicuspidie ou une fausse bicuspidie par soudure de deux commissures est à rechercher sur l'incidence petit axe : aspect bicommissural avec une seule ligne de fermeture, le plus souvent excentrée.
Le Doppler à codage couleur localise parfaitement le siège valvulaire et montre une accélération du flux avec turbulences dès la valve aortique. Au Doppler continu, en incidences parasternale gauche ou droite, et suprasternale, le flux est positif ; en incidence sous-costale et apicale longitudinale, le flux est négatif. Le Doppler pulsé à également une valeur localisatrice en montrant que l'accélération du flux commence juste au niveau des valves aortiques
.
Sténoses sous-valvulaires
L'échocardiogramme en mode M est peu spécifique : fermeture protosystolique et vibrations systoliques des sigmoïdes aortiques, témoins d'un obstacle sous-aortique ; parfois, il est possible d'enregistrer des échos anormaux dans la chambre de chasse du ventricule gauche. L'échographie bidimensionnelle permet d'affirmer le diagnostic et de différencier les types de sténoses sous-aortiques
: la sténose membraneuse est un diaphragme localisé 5 à 6 mm sous les valves aortiques
(fig. 2) ; la sténose fibreuse est constituée d'un bourrelet donnant des échos plus denses que la membrane mais difficile à différencier de la sténose fibromusculaire ; la sténose en tunnel se caractérise par un rétrécissement allongé de la chambre de chasse du ventricule gauche
; les sténoses d'origine mitrale dues à du tissu mitral accessoire se révèlent sous forme d'échos anormaux appendus à la grande valve mitrale
(fig. 3). Les anomalies d'insertion de la grande valve, les anomalies des piliers, des cordages de la valve mitrale, sont également visibles en échographie bidimensionnelle dans les incidences parasternales ou apicales.
Le Doppler pulsé et à codage couleur affirme le siège sous-valvulaire de la sténose, en montrant une accélération du flux sous les valves aortiques. L'association d'une sténose sous-aortique et d'une sténose valvulaire est responsable d'un double gradient au Doppler pulsé alors que le Doppler continu calcule la somme des gradients sur la voie d'éjection aortique.
Sténoses sus-valvulaires
L'échocardiogramme en mode M n'est pas très fiable. L'échocardiographie bidimensionnelle en incidences parasternale grand axe et suprasternale permet aisément le diagnostic en distinguant la sténose en sablier
(fig. 4) de l'hypoplasie diffuse de l'aorte ascendante. L'échocardiogramme couplé au Doppler pulsé et à codage couleur localise le siège exact de la sténose.
L'échocardiographie apprécie le retentissement de la sténose sur le ventricule gauche et dépiste les anomalies associées. Chez le nourrisson, les sténoses aortiques provoquent une dilatation prédominante du ventricule gauche plutôt qu'une hypertrophie concentrique que l'on voit plus facilement chez le grand enfant. Le retentissement ventriculaire gauche est apprécié sur l'hypertrophie concentrique et sur l'augmentation des indices de contractilité
. Le Doppler pulsé, continu et à codage couleur pour localiser le jet sténotique, est relativement précis pour évaluer la sévérité de la sténose. Il est ainsi possible de déterminer le gradient instantané maximal, légèrement supérieur au gradient hémodynamique de pic à pic, le gradient systolique moyen plus fiable
qui surestime d'autant plus les sténoses qu'elles sont modérées.
Les anomalies associées sont reconnues par l'échocardiographie couplée au Doppler à codage couleur : coarctation de l'aorte, communication interventriculaire, persistance du canal artériel, anomalies mitrales ou supramitrales, obstacles à l'éjection ventriculaire droite. Le dépistage d'une insuffisance aortique et sa quantification sont également plus faciles avec les techniques Doppler.
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Les explorations intracardiaques sont à réaliser si une intervention chirurgicale est à envisager et si les examens échocardiographiques n'ont pas été suffisamment précis ou si une valvulotomie au ballonnet est envisagée. Elles sont donc indiquées s'il y a des signes fonctionnels, des anomalies électriques ou si l'épreuve d'effort fait soupçonner une sténose serrée. Dans les formes sous-valvulaires et valvulaires, l'intervention chirurgicale peut être réalisée sans cathétérisme et angiographie.
Le gradient de pression systolique de part et d'autre de la sténose est déterminé, soit par enregistrement simultané de la pression ventriculaire gauche et de l'aorte, soit sur une courbe de retrait ventricule gauche-aorte. Dans les formes sous-valvulaires et supravalvulaires, le franchissement de la sténose par voie rétrograde est habituellement aisé ; dans les formes valvulaires, ce franchissement est difficile. Chez le nouveau-né, la pression ventriculaire gauche peut être enregistré par cathétérisme veineux après franchissement du foramen ovale le plus souvent perméable. La méthode transseptale est moins utilisée grâce aux techniques d'échographie couplée au Doppler. La courbe de retrait ventricule gauche-aorte permet de déterminer le siège de la sténose.
La cinéangiographie ventriculaire gauche et l'aortographie sus-sigmoïdienne montrent les différentes lésions valvulaires, sous valvulaires ou sus-valvulaires et plus accessoirement l'anatomie des coronaires.
En outre, elles montrent une éventuelle bicuspidie et surtout l'existence ou non d'une insuffisance aortique.
Sténoses valvulaires
L'aspect en dôme caractéristique est souvent mieux visible sur l'aortographie que sur la cinéangiographie avec l'image en négatif du jet systolique.
Sténoses sous-valvulaires
La ventriculographie gauche en oblique antérieure droite ou en oblique antérieure gauche avec incidence craniocaudale permet de distinguer la membrane proche des valves du bourrelet sous-valvulaire et des aspects de sténose diffuse des formes en tunnel étroit et rigide
. Les formes dues à des anomalies de la valve mitrale ou de l'appareil sous-valvulaire mitral sont mieux étudiées par échographie bidimensionnelle.
Sténoses sus-valvulaires
La ventriculographie gauche est utile pour apprécier le retentissement ventriculaire gauche de l'obstacle sus-valvulaire mais c'est l'aortographie sus-sigmoïdienne qui est l'examen de choix. Elle montre la taille et l'étendue de la sténose, les anomalies constantes des coronaires qui sont dilatées, tortueuses
(fig. 5).
Anomalies associées
On recherchera plus particulièrement les sténoses artérielles telles une coarctation ou des anomalies mitrales notamment par échographie. On s'attachera également à rechercher des sténoses sous-valvulaires fixes associées à des sténoses sous-valvulaires dynamiques
.
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Formes du nouveau-né
Elles doivent être distinguées du syndrome d'hypoplasie du coeur gauche plus fréquent. Trois aspects peuvent être décrits.
- - La sténose valvulaire isolée se traduit par une asystolie précoce, sévère, avec cardiomégalie importante. Le souffle systolique est peu intense, à la phase d'asystolie, et ne retrouve ses caractères évocateurs qu'après traitement de l'asystolie. Le clic est rarement perçu. L'électrocardiogramme oriente le diagnostic lorsqu'il montre une hypertrophie ventriculaire gauche. Sur la radiographie de thorax, il existe une importante cardiomégalie et parfois des images d'oedème pulmonaire. L'échocardiogramme montre la dilatation du coeur gauche avec parfois hypertrophie pariétale et aspect en dôme des sigmoïdes aortiques (fig. 6). Les indices de contractilité sont le plus souvent abaissés, voire effondrés. Au Doppler, le gradient ventricule gauche-aorte est estimé mais ne reflète pas la sévérité de la sténose en raison de l'asystolie. Le cathétérisme cardiaque n'est pas utile si une indication chirurgicale est retenue ; en revanche, il devient nécessaire pour tenter une valvulotomie au ballonnet .
- - Les formes plus complexes sont des formes de transition avec hypoplasie du coeur gauche, ces formes sont bien reconnues grâce à l'échocardiographie couplée au Doppler à codage couleur.
- - Les sténoses aortiques sévères mais bien tolérées peuvent être dépistées soit à l'échographie anténatale, soit à l'occasion d'un souffle en maternité. Il s'agit d'un souffle systolique et intense, râpeux, qui peut faire croire à tort à l'existence d'une petite communication interventriculaire à faible shunt gauche-droite. L'échographie couplée au Doppler est l'examen clé.
Formes du nourrisson
Elles provoquent également une asystolie sévère avec cardiomégalie. Il y a souvent des malaises avec teint pâle ou gris cendré et une évolution vers l'oedème pulmonaire irréversible ou la mort subite. Les pouls périphériques sont faiblement perçus, la tension artérielle est basse, le souffle systolique intense. L'électrocardiogramme montre une hypertrophie ventriculaire gauche et, à la radiographie de thorax, il existe une cardiomégalie avec oedème pulmonaire. Le diagnostic sera confirmé par l'échocardiogramme couplé au Doppler.
Les sténoses étagées de la voie aortique ne sont pas exceptionnelles et sont reconnues par échographie couplée au Doppler. Le syndrome de Shone associe à une coarctation, une sténose aortique valvulaire ou sous-valvulaire, des anomalies de la valve mitrale souvent de type valve en parachute et plus inconstamment une sténose supramitrale en anneau. Ces anomalies sont diagnostiquées par échographie
.
Les autres associations malformatives sont plus rares : sténose sous-valvulaire et canal artériel, sténose aortique et sténose pulmonaire, sténose aortique et communication interventriculaire.
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Les formes du nourrisson sont responsables d'une mortalité de 25 %, généralement par insuffisance cardiaque. Les formes de l'enfant ont une évolution nettement plus favorable : la mortalité ne dépasse pas 1 % par an, en moyenne, avant l'âge de 20 ans. Elle augmente ensuite assez nettement
. L'apparition d'un syndrome d'effort, de troubles de la repolarisation sur l'électrocardiogramme à l'effort puis au repos, le développement d'une cardiomégalie, sont des indices de détérioration myocardique progressive avec évolution vers l'insuffisance ventriculaire gauche ou une syncope ou mort subite : la fréquence de celle-ci est de 2 à 6 % après l'âge de 6 ans ; ce type d'évolution concerne les sténoses serrées. Les sténoses peu ou moyennement serrées sont le plus souvent bien tolérées pendant de longues années
. En outre, à l'inverse des sténoses pulmonaires dont le gradient demeure stable, un tiers au moins des sténoses aortiques s'aggrave progressivement avec l'âge
. Grâce à l'échocardiographie couplée au Doppler, l'évolution peut être suivie régulièrement d'année en année sans cathétérisme itératif.
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En dehors de l'insuffisance cardiaque et de la mort subite, les troubles du rythme et l'endocardite bactérienne sont les principales complications. L'apparition d'extrasystoles ventriculaires surtout à l'effort est un élément péjoratif. La greffe bactérienne sur sténose aortique est habituellement sévère et grevée de complications emboliques et d'une mortalité élevée. Même après guérison, elle peut conduire à une asystolie rapidement irréductible par atteinte myocardique diffuse ou par insuffisance aortique majeure. L'insuffisance aortique, sauf si elle complique une endocardite bactérienne, ne constitue que rarement une cause d'intolérance au cours de l'évolution d'une sténose aortique congénitale, valvulaire ou sous-valvulaire (2 à 3 % des cas). Cependant l'insuffisance aortique, par lésions de " jet " d'une sténose sous-valvulaire membraneuse, peut devenir sévère en quelques années et nécessiter un remplacement valvulaire.
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La grande majorité des sténoses aortiques de l'enfant et de l'adolescent justifie une surveillance cardiologique annuelle avec examen clinique, mesure du gradient au Doppler et parfois épreuve d'effort. La prophylaxie contre l'endocardite d'Osler doit être stricte. Les sténoses peu serrées sont compatibles avec des activités physiques et sportives normales sauf les sports de compétition et les courses d'endurance. Les sténoses moyennement serrées justifient davantage de réserves ; l'épreuve d'effort peut montrer dans certains cas une mauvaise adaptation et conduire ainsi au traitement chirurgical ou à la valvulotomie au ballonnet. Les sténoses serrées doivent être traitées soit chirurgicalement, soit au cours d'un cathétérisme interventionnel.
Traitement médical
Le traitement médical ne s'adresse qu'aux complications en particulier à l'insuffisance cardiaque dans les formes graves du nouveau-né et du nourrisson. Les diurétiques sont toujours indiqués. Le traitement digitalique doit être prescrit prudemment et peut être remplacé par d'autres inotropes positifs. Les vasodilatateurs ont un intérêt certain de même que les prostaglandines dans les formes critiques néonatales pour conserver le canal artériel perméable.
La valvulotomie percutanée au ballonnet est une alternative au traitement chirurgical dans les formes valvulaires. Chez le grand enfant, le cathéter à ballonnet est introduit par voie rétrograde : artère fémorale ou artère axillaire, soit par voie percutanée, soit après dénudation de l'artère ; le diamètre du ballonnet est inférieur de 1 à 2 mm au diamètre de l'anneau aortique
. Les résultats sont satisfaisants, comparables à la valvulotomie chirurgicale avec une réduction du gradient transvalvulaire et une augmentation de la surface aortique
. Les complications sont soit valvulaires : insuffisance aortique par déchirure d'une sigmoïde ou d'une commissure, insuffisance mitrale par blessure de l'appareil sous-valvulaire mitral, rupture partielle de l'anneau aortique ; soit vasculaires : thrombose artérielle, rupture vasculaire, accident vasculaire cérébral
.
Chez le nouveau-né atteint d'une sténose aortique critique, la valvulotomie au ballonnet est une alternative logique à la chirurgie ; après dénudation chirurgicale de l'artère carotide gauche ou droite, ou de l'artère axillaire, voire de l'artère fémorale pour certains, on passe un cathéter à dilatation sur un guide. L'avantage de la voie carotidienne est la facilité avec laquelle on franchit la valve sténosée
. Chez l'enfant plus grand, cette technique est de plus en plus utilisée lorsque la sténose est en dôme avec des valves souples par soudure commissurale
. Dans les formes dysplasiques, le traitement doit être chirurgical, la valvulotomie au ballonnet n'apportant pas de résultats satisfaisants. Dans certaines formes de sténoses sous-valvulaires membraneuses localisées, une dilatation a été réalisée avec un résultat variable selon les équipes.
La surveillance après valvulotomie percutanée au ballonnet doit être périodique : surveillance du gradient et quantification d'une insuffisance aortique éventuelle apparue après dilatation ou s'étant majorée après cet acte thérapeutique. Si le gradient reste important ou réapparaît, une valvulotomie chirurgicale ou un remplacement valvulaire seront alors nécessaires.
Traitement chirurgical
Il doit, autant que possible, conserver la valve aortique
.
Techniques
Elles varient selon le siège et les particularités des sténoses.
- - Dans les formes sus-valvulaires, le traitement est relativement facile s'il s'agit d'un diaphragme : résection du diaphragme, aortoplastie d'élargissement par simple pièce losangique selon la technique de McGoon .
- - L'aortoplastie étendue de Doty est préconisée dans les formes avec hypoplasie diffuse puisqu'elle corrige complètement la portion aortique sténosée en élargissant deux sinus au lieu d'un . L'intervention de Brom consiste à inciser l'anneau en trois endroits après transsection de l'aorte et élargissement par une pièce en péricarde. Elle est recommandée dans les formes diffuses . Les sténoses ostiales coronaires doivent également être traitées .
- - Dans les formes sous-valvulaires, le traitement consiste en la résection de la membrane sous circulation extracorporelle par aortotomie et voie transvalvulaire sans léser la valve mitrale sur laquelle s'insèrent le diaphragme ou le bourrelet fibreux sous-valvulaire. Dans les formes en tunnel, l'abord direct est généralement inefficace et on réalise alors une dérivation en mettant en place un conduit entre l'apex du ventricule gauche et l'aorte descendante. Dans les formes sous-valvulaires complexes, le traitement est plus difficile, le risque étant de léser soit la valve aortique, soit la valve mitrale.
- - Dans les sténoses valvulaires, la valvulotomie aortique est un compromis entre une levée suffisante de l'obstacle et le risque de régurgitation importante ; elle doit être effectuée avec précision et prudence.
- - Les rares formes dysplasiques sont souvent peu accessibles aux techniques conservatrices et peuvent relever dans certains cas de l'intervention de Ross, c'est-à-dire autotransplantation de la valve pulmonaire en position aortique et homogreffe en position pulmonaire. L'hypoplasie de l'anneau est une indication à des interventions d'aortoventriculoplastie de type Konno .
Le remplacement de la valve aortique est à éviter chez l'enfant. S'il s'avère nécessaire, ce qui est rare, la prothèse ou la greffe devront être changées avec la croissance si la taille de l'anneau n'a pu être définitivement fixée à un calibre suffisant pour l'âge adulte. Dans ces cas, on s'oriente de plus en plus vers l'intervention de Ross.
Indications
Elles doivent mettre en balance les risques de l'évolution spontanée et les risques des inconvénients de la chirurgie.
- - Chez le nourrisson : les formes mal tolérées permettent rarement de passer le cap des premiers mois sans altération grave du myocarde, parfois compliquée d'une fibroélastose. L'indication opératoire est donc formelle, bien que les risques ne soient pas négligeables .
- - Chez le nouveau-né atteint de sténose aortique critique, la commissurotomie chirurgicale a un mauvais pronostic, c'est la raison pour laquelle une valvulotomie au ballonnet est souvent préférée .
- - Chez l'enfant plus grand, il y a une indication à lever l'obstacle dès qu'apparaît un syndrome fonctionnel d'effort ou dès qu'on enregistre des altérations de la repolarisation. L'indication est formelle si le gradient instantané maximal est supérieur à 70 ou 80 mmHg, discutable lorsque le gradient est entre 50 et 70 mmHg, à écarter si le gradient est inférieur. En cas de sténose sous-valvulaire, l'indication opératoire est plus large à partir d'un gradient de 40 à 50 mmHg, à cause du risque d'altération progressive des valves aortiques ; l'apparition d'une insuffisance aortique s'aggravant progressivement dans les mois suivants est une indication à la résection de la membrane sous-aortique, quelle que soit la sévérité de l'obstruction ; en effet l'intervention évitera la progression des lésions de la valve aortique.
Résultats
Les résultats sont bons dans les formes sous-valvulaires de type I et II
et dans les formes sus-valvulaires
; dans les sténoses valvulaires du grand enfant, la mortalité opératoire est faible, inférieure à 5 %. Les résultats sont souvent incomplets, le chirurgien préférant une commissurotomie économe à la création d'une insuffisance aortique sévère qui conduirait rapidement à un remplacement valvulaire ou à une intervention de Ross. Une insuffisance aortique discrète ou modérée est fréquente ; dans un tiers des cas, le gradient de pression n'est que peu modifié. Au fil des années, la sténose peut se reconstituer avec altération de la morphologie des valves. Un certain nombre de ces enfants devront subir à l'âge adulte un remplacement valvulaire
. Il est donc important de les prévenir que la commissurotomie n'est qu'une intervention palliative et que la surveillance cardiologique doit toujours être poursuivie.
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Les différents aspects anatomocliniques des sténoses aortiques orificielles sont maintenant mieux connus. On sait qu'il s'agit généralement d'une maladie évolutive qui a une tendance spontanée à l'aggravation. La surveillance régulière est possible grâce à l'échographie Doppler et aux épreuves d'effort. La chirurgie conservatrice a fait de notables progrès et peut être remplacée dans les formes valvulaires par la valvulotomie au ballonnet. Cette commissurotomie chirurgicale ou au ballonnet n'est qu'une intervention palliative qui permet au malade d'atteindre l'âge adulte avec un myocarde peu modifié et des valves relativement souples.