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L'insuffisance aortique peut être la conséquence d'anomalies des valves, de la racine de l'aorte ou des deux à la fois.
La fréquence respective des étiologies de l'insuffisance aortique a beaucoup varié avec le temps, principalement durant les dernières décennies. La syphilis a quasiment disparu et le rhumatisme articulaire aigu qui était encore récemment la cause la plus fréquente a sensiblement décliné dans les pays industrialisés, si bien que dans les séries chirurgicales les plus récentes, l'étiologie le plus souvent en cause est dégénérative, ce terme recouvrant des pathologies diverses (maladie annulo-ectasiante et dysplasies valvulaires isolées).
Pour Acar et coll.
qui ont étudié l'évolution des étiologies entre 1970 et 1990, les formes dégénératives ont doublé de fréquence relative en 20 ans, passant de 22 % à 44 % alors que les formes rhumatismales diminuaient de 29 % à 20 %. De même pour Loire
, sur 150 cas opérés en 1986 et 1987, 37,5 % sont d'étiologie dégénérative et 30,8 % rhumatismale.
Les étiologies varient également avec l'âge. Selon Laudet
, avant 35 ans, 85 % des insuffisances aortiques volumineuses sont secondaires au rhumatisme articulaire aigu ou à l'endocardite infectieuse. Entre 35 et 55 ans, trois étiologies sont à l'origine de 80 % des cas : dégénérative, endocarditique, rhumatismale. Au-delà de 55 ans, toutes les étiologies sont représentées.
Bien qu'en déclin, il reste une cause importante de régurgitation aortique. Autrefois, étiologie la plus fréquente (les deux tiers des cas jusque dans les années 1960)
, il est, dans les séries les plus récentes, responsable de 20 à 30 % des insuffisances aortiques chirurgicales et de 40 à 50 % des formes chroniques
. 1 fois sur 2 environ une valvulopathie mitrale coexiste avec l'atteinte aortique. A la phase séquellaire, les valves sont habituellement épaissies, rigides et rétractées, ce qui empêche leur coaptation diastolique
(fig. 1). Plus rarement, elles peuvent avoir un aspect dysplasique aminci chez des sujets ayant d'authentiques antécédents rhumatismaux ou une atteinte rhumatismale d'un autre orifice. 1 fois sur 4, on observe un prolapsus sigmoïdien. La fusion commissurale est inconstante (un tiers des cas environ) et reste discrète. L'anneau aortique est d'autant plus dilaté que l'évolution a été longue.
Elle est à l'origine d'insuffisance aortique volumineuse dans environ 15 % des cas autopsiques
et 20 à 30 % des cas chirurgicaux
. Cette fréquence est plus faible si on ne considère que les formes chroniques. L'endocardite est la cause la plus fréquente d'insuffisance aortique aiguë. Dans plus d'un cas sur deux, elle survient sur des valves pathologiques dont environ la moitié sont bicuspides
. Les lésions valvulaires sont à la fois prolifératives et/ou destructrices. Les végétations sont formées d'amas fibrinoleucocytaires et microbiens parfois exubérants, d'abord friables, pouvant ultérieurement se calcifier. L'étoffe valvulaire peut être détruite par des perforations uniques ou multiples, parfois très étendues ou des déchirures des bords valvulaires
(fig. 2). Les valves peuvent se prolaber par décrochage de l'attache commissurale. Les lésions qui intéressent habituellement plusieurs sigmoïdes, sont souvent très délabrantes et responsables de régurgitations importantes. Des atteintes paravalvulaires sont fréquentes : abcès de l'anneau et extension aux structures de voisinage, sinus de Valsalva dont les anévrismes mycotiques peuvent se rompre dans les cavités droites ou le ventricule gauche, septum interventriculaire avec troubles conductifs et parfois perforation septale, grande valve mitrale qui peut être perforée ou le siège d'anévrisme, rarement abcès myocardique.
Secondaire à une dilatation anévrismale dystrophique de l'aorte initiale, c'est une cause de plus en plus souvent rencontrée : 4 % pour Degeorges en 1966
, 14 % pour Laudet
en 1979, 17 % pour Michel et Acar
en 1991. La régurgitation est volumineuse dans près de la moitié des cas. La dystrophie de l'aorte ascendante peut être idiopathique ou coexister avec d'autres affections : essentiellement maladie de Marfan (parfois forme fruste) beaucoup plus rarement maladie d'Ehlers-Danlos, pseudo-xanthome élastique, ostéogenèse imparfaite. Le mécanisme de la régurgitation est ici plurifactoriel : atteinte valvulaire, dilatation de l'anneau, lésions pariétales aortiques. Les valves sont d'allure dysplasique dans la moitié des cas, fines, flasques, pouvant se prolaber sous l'influence de la pression sanguine. Histologiquement, on observe une dégénérescence myxoïde du tissu valvulaire avec disparition des fibres élastiques et infiltration mucopolysaccharidique métachromatique
. Toutefois, cet aspect n'est ni constant ni spécifique. La dilatation de l'aorte initiale est de degré et d'étendue variables, maximale au niveau des sinus de Valsalva, se terminant souvent à l'origine du tronc artériel branchiocéphalique
(fig. 3). La paroi aortique est mince et fragile. L'examen microscopique révèle un aspect de " médianécrose kystique " variable avec l'étiologie. La dissection est fréquente. Une importante dilatation de l'anneau est habituelle. La dysplasie valvulaire peut précéder l'atteinte aortique qui peut n'être révélée que par la biopsie peropératoire
.
Connues de longue date, elles ont été isolées par Read
sous le nom de " floppy valve syndrome ". Leur fréquence augmente : dans la même institution elle a été estimée à 5 % des insuffisances aortiques volumineuses en 1979
et 15 % en 1991
. Encore cette dernière estimation ne prend-elle en compte que les cas prouvés histologiquement. Certaines de ces dysplasies sont d'allure primitive, elles peuvent avoir un lien familial soit avec des cas similaires soit avec des syndromes de Marfan. D'autres paraissent secondaires à un rhumatisme articulaire aigu de l'enfance, comme le prouvent des antécédents rhumatismaux et surtout la coexistence d'une atteinte rhumatismale sur un autre orifice, ou plus rarement à une mucopolysaccharidose telle la maladie de Hurler. L'aspect macroscopique et histologique est comparable à celui des dystrophies de l'aorte ascendante. L'anneau est presque constamment élargi
. On peut distinguer deux formes selon les dimensions de l'aorte ascendante. Dans la moitié des cas environ, son diamètre est normal, inférieur à 40 mm, alors que dans l'autre moitié, l'aorte, tout en gardant des bords parallèles est dilatée (40 à 55 mm). Les cas avec aorte dilatée, non anévrismale, semblent correspondre à des formes intermédiaires avec la maladie annulo-ectasiante, comme le prouve la fréquence des anomalies histologiques et des complications évolutives aortiques, dissection ou augmentation progressive de la dilatation
.
Aiguë ou chronique, elle est à l'origine de 2 à 5 % des insuffisances aortiques sévères
et la fréquence de la régurgitation aortique au cours des dissections varie de 30 à 60 %. L'insuffisance aortique s'explique par trois mécanismes : distension de l'anneau, dislocation localisée de l'anneau avec abaissement des sigmoïdes, prolapsus valvulaire par perte du support commissural dû à la déchirure intimale
(fig. 4).
Elle est fréquemment en cause dans les insuffisances aortiques par endocardite. En dehors de l'endocardite, la bicuspidie peut se compliquer de régurgitation qui survient souvent vers l'âge de 30-40 ans. Cette étiologie représente 2 à 3 % des insuffisances aortiques volumineuses
. La fuite est secondaire au prolapsus de la plus grande des deux valves
.
Syphilis
Sa fréquence est en nette régression : étiologie dominante au début du siècle, elle ne représente plus que 1 à 2 % dans les séries récentes
. Le mécanisme principal est la disjonction des commissures par des plaques endaortiques qui tapissent l'intérieur du vaisseau. L'épaississement en ourlet du bord libre des valves et la dilatation de l'anneau participent également à la régurgitation. Les lésions faites d'épaississement adventitiel et de prolifération intimale prédominent sur l'aorte ascendante qui est anévrismale. Les orifices coronariens peuvent être sténosés ou occlus par l'endaortite.
Autres aortites
Elles sont également rares. La spondylarthrite ankylosante se complique dans 1 à 5 % des cas d'insuffisance aortique qui est souvent tardive et sévère et peut coexister avec des troubles conductifs. Les lésions qui produisent la régurgitation comportent : épaississement et rétraction des valves, disjonction commissurale, dilatation de l'anneau, lésions d'aortite des premiers centimètres du vaisseau.
Maladie de Takayasu
C'est une cause assez fréquente au Japon, mais rare en Europe où elle explique moins de 1 % des insuffisances aortiques. Les lésions sont proches de celles de la syphilis : épaississement de l'aorte ascendante parfois anévrismale, dilatation annulaire, disjonction commissurale.
Autres atteintes inflammatoires
Responsables d'aortites, elles entraînent exceptionnellement des insuffisances aortiques : polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux, maladie de Behçet, artérite temporale, aortites idiopathiques.
L'insuffisance aortique congénitale isolée est très rare : par quadricuspidie ou fenestrations siégeant sous le plan d'accolement des valves. Une incontinence valvulaire peut être associée à une communication interventriculaire (syndrome de Laubry et Pezzi) dans environ 5 % des cas. Elle est due au défaut de support commissural de la sigmoïde antérodroite qui surplombe le défaut septal. Le rétrécissement aortique sous-valvulaire se complique chez l'adulte d'insuffisance aortique dans 80 % des cas, due le plus souvent au traumatisme infligé aux valves par le jet sanguin, une fois sur trois par endocardite infectieuse.
Une insuffisance aortique peut compliquer une coarctation (souvent associée à une bicuspidie), un anévrisme d'un sinus de Valsalva.
L'étiologie traumatique est rare : 1 à 2 % des insuffisances aortiques volumineuses, mais l'atteinte aortique est la plus fréquente des lésions valvulaires post-traumatiques. Il s'agit le plus souvent d'un traumatisme direct avec déchirure sigmoïdienne ou décrochage commissural. Des cas ont été rapportés après myotomie et myectomie ventriculaire gauche ou fermeture de communication interauriculaire ostium primum, ou plastie mitrale.
Elle est secondaire à la dilatation de l'anneau aortique sous l'effet d'une poussée d'hypertension artérielle ou d'une surcharge hydrosodée comme dans l'insuffisance rénale. Elle est souvent transitoire, rarement importante.
- - Macroscopiquement, dans les formes chroniques évoluées, le ventricule gauche est dilaté et ses parois hypertrophiées réalisant le classique " cor bovinum " qui peut peser jusqu'à 1000 grammes. En regard du jet régurgitant, on peut observer des lésions de jet (endocarde dépoli et blanchâtre, parfois déprimé en nid de pigeon [poches endocardiques de Zahn]).
- - L'oreillette gauche peut être aussi dilatée.
- - Les altérations ultrastructurales varient avec le stade évolutif. Au stade de compensation, les myofibrilles sont hypertrophiées avec des signes de synthèse protéique accrue et déjà baisse de la myosine ATPase. Puis apparaissent des signes de dégénérescence cellulaire : cellules pâles et atrophiques, réduction des structures myofibrillaires, dégénérescence mitochondriale. La synthèse du collagène est augmentée dès l'installation de l'hypertrophie et devient proportionnellement plus importante que celle des protéines contractiles. Pour certains auteurs, l'altération de la fonction ventriculaire gauche est corrélée au degré des altérations ultrastructurales , alors que pour d'autres la sévérité de ces dernières ne permet pas de prévoir la récupération postopératoire .
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La quantité du sang régurgité à chaque battement dépend de trois paramètres principaux : la surface fonctionnelle de l'orifice régurgitant en diastole, le gradient de pression diastolique entre aorte et ventricule gauche, la durée de la diastole. Ces facteurs ne sont pas fixes et leurs variations peuvent modifier l'importance de la régurgitation qui est majorée par l'administration de vasoconstricteurs et diminuée par les vasodilatateurs
, non seulement par l'intermédiaire de la modification de la post-charge et du gradient de pression diastolique, mais aussi probablement par variation de la taille de l'orifice régurgitant. L'accélération du rythme cardiaque diminue le volume régurgité par battement et dans une moindre mesure la régurgitation par minute
.
La régurgitation provoque des modifications de la courbe de pression aortique qui sont décrites au chapitre " hémodynamique et angiographie. ".
Insuffisance aortique chronique
Dans l'insuffisance aortique chronique, le ventricule gauche est confronté à l'augmentation simultanée de la précharge par augmentation du volume sanguin en fin de diastole et de la post-charge en raison de l'augmentation du volume d'éjection systolique face aux résistances systémiques
. Il s'adapte à ces nouvelles conditions de charge par un processus progressif de dilatation excentrique et d'hypertrophie. L'augmentation du volume télédiastolique permet, à fraction d'éjection constante, l'éjection d'un plus grand volume de sang vers l'aorte et donc le maintien d'un débit systémique antérograde normal. L'augmentation des dimensions du ventricule se fait non seulement grâce à l'étirement des sarcomères, ce qui permet d'améliorer la performance systolique par utilisation du mécanisme de Starling, mais aussi grâce à l'allongement des myocytes par adjonction de nouveaux sarcomères en série, ce qui permet de réduire la tension intrapariétale diastolique. L'augmentation de la tension pariétale systolique due, selon la loi de Laplace, à l'augmentation du rayon de la cavité et de la pression développée, stimule la réplication des sarcomères en parallèle aboutissant à l'hypertrophie des parois, tendant à normaliser le rapport épaisseur/rayon, à réduire la contrainte et permettre un accroissement du travail myocardique. Le ventricule devient plus sphérique en diastole, ce qui accroît son efficacité, mais il reprend sa forme ellipsoïdale en systole. La compliance cavitaire est augmentée, ce qui permet une faible élévation des pressions de remplissage pour des volumes télédiastoliques importants. Le remplissage ventriculaire est prolongé et ralenti. Au stade de compensation, le ventricule gauche est donc une cavité dilatée et hypertrophiée, compliante normo- (ou hyper-) cinétique à contrainte modérément augmentée
capable de maintenir un volume d'éjection important sans retentissement d'amont sur la circulation pulmonaire. Mais dès cette phase de compensation, certains auteurs ont constaté chez des patients asymptomatiques à fraction d'éjection normale, des anomalies de certains indices hémodynamiques : pente de la relation pression - volume télésystolique
; rapport contrainte/volume télésystolique
ou un comportement anormal à l'effort ; absence d'augmentation ou diminution de la fraction d'éjection
, augmentation anormale du volume télédiastolique
ou télésystolique
. Ces anomalies dont la régression postopératoire est inconstante
et qui peuvent témoigner selon les cas d'une altération des propriétés contractiles du myocarde ou d'une réponse insuffisante du ventricule à l'excès de post-charge
se rencontrent surtout parmi les ventricules les plus dilatés. La fonction systolique est, à ce stade évolutif, le résultat d'un équilibre entre des facteurs agissant en sens opposé : diminution débutante de la contractilité et mécanismes compensateurs : augmentation de précharge et hypertrophie, activité adrénergique accrue. A l'effort, le ventricule est soumis à des influences contraires : l'augmentation du débit cardiaque tend à augmenter la précharge alors que la tachycardie tend à la diminuer du fait de la réduction du volume régurgité par battement
. Pour Bassand
, à côté des deux modes évolutifs habituels (normal : augmentation de la fraction d'éjection et baisse du volume télésystolique ; ou pathologique : baisse de la fraction d'éjection et augmentation du volume télésystolique), on peut observer des comportements paradoxaux dus à d'importantes variations de la précharge : diminution du volume télédiastolique par réduction du volume régurgité avec baisse simultanée de la fraction d'éjection et du volume télésystolique, ou beaucoup plus rarement forte augmentation du volume télédiastolique aboutissant à l'augmentation de la fraction d'éjection malgré l'augmentation du volume télésystolique. La baisse de la fraction d'éjection à l'effort semble ne témoigner d'une dysfonction ventriculaire que si elle va de pair avec l'augmentation du volume télésystolique
. Au stade plus tardif de décompensation, le ventricule continue de se dilater et sa masse d'augmenter sans augmentation du volume régurgité, sa compliance diastolique diminue, il reste sphérique avec un faible épaississement en systole, sa fraction d'éjection s'abaisse. Là encore, cette évolution peut être attribuée à la conjonction à des degrés variables des deux facteurs déjà mentionnés : l'excès de post-charge que peut suggérer l'augmentation de la contrainte télésystolique
et celle du rapport rayon/épaisseur
ou volume/masse
et surtout l'altération de la contractilité dont témoignent les anomalies de certains indices de performance
. La réversibilité de la dysfonction ventriculaire dépend du degré d'altération de la contractilité, elle-même liée aux altérations cellulaires ultrastructurales et biochimiques et à l'importance de la fibrose. Les déterminants exacts et le seuil d'irréversibilité ne sont pas parfaitement connus.
Insuffisance aortique aiguë
Le ventricule n'a pas le temps de s'adapter et de se transformer comme dans la forme chronique en une cavité fortement dilatée à basse compliance. De ce fait, il ne peut répondre à la surcharge volumétrique aiguë par une augmentation de son volume d'éjection. La pression de remplissage va s'élever rapidement au sein de cette cavité peu compliante opérant sur la portion verticale de la relation pression/volume diastolique
. Le péricarde, étiré à la limite de sa distensibilité, joue également un rôle limitant. L'élévation rapide de la pression diastolique au-dessus de la pression auriculaire gauche entraîne la fermeture prématurée de la mitrale qui peut survenir dès la moitié de la diastole et protège partiellement la circulation pulmonaire de l'hyperpression, sauf en cas d'insuffisance mitrale. La diminution de l'impédance aortique et la tachycardie jouent également un rôle d'adaptation, mais ces mécanismes sont vite insuffisants et, si la fuite est volumineuse, la situation hémodynamique se dégrade rapidement.
Circulation coronaire
Dans l'insuffisance aortique chronique, l'augmentation de la consommation myocardique d'oxygène secondaire à l'augmentation de la masse myocardique est satisfaite dans les conditions de repos par une augmentation parallèle du débit coronaire mais la réserve coronaire est diminuée, le débit étant proche de son maximum à l'état basal
. L'ischémie myocardique qui peut être déclenchée à l'effort touche surtout les couches sous-endocardiques et participe probablement à la dégradation de la fonction ventriculaire gauche.
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L'insuffisance aortique chronique peut rester asymptomatique pendant plusieurs décennies grâce aux mécanismes d'adaptation du ventricule gauche. Les fuites de petit ou moyen volume peuvent rester ainsi indéfiniment bien tolérées. Les régurgitations importantes, par contre, finissent toujours par se décompenser, provoquant l'apparition de symptômes en rapport avec la défaillance ventriculaire gauche ou l'ischémie myocardique. Les principaux sont la dyspnée d'effort qui peut devenir rapidement invalidante et les différentes variétés de dyspnée de repos : dyspnée de décubitus, dyspnée paroxystique diurne ou nocturne traduisant l'oedème pulmonaire aigu ou subaigu. L'angor est plus rare mais de signification grave. Il est déclenché par l'effort dans un quart des cas, spontané (et souvent nocturne et prolongé) dans un quart des cas, mixte 1 fois sur 2. Des palpitations d'effort ou de repos sont fréquentes ainsi que des lipothymies. Des syncopes sont possibles mais rares. Dans l'insuffisance aortique aiguë, les symptômes sont précoces et d'emblée sévères : oedème pulmonaire, crises angineuses.
Palpation
En cas de régurgitation volumineuse, l'hypertrophie dilatation se traduit par un choc de la pointe étalé, violent (choc en dôme) dévié en bas et à gauche, avec parfois soulèvement présystolique contemporain de la systole auriculaire. En cas de souffle très intense ou de timbre musical, on peut percevoir rarement un thrill diastolique.
Auscultation
Le signe majeur du diagnostic est le souffle diastolique de régurgitation. Il est classiquement perçu au foyer aortique, partie interne du deuxième espace intercostal droit et irradie vers la pointe et la xiphoïde. En fait, il est souvent mieux perçu au bord gauche du sternum ou à l'endapex, voire à la pointe. Il commence avec la composante aortique du deuxième bruit, et se prolonge en diminuant d'intensité, le plus souvent pendant toute la diastole. Il peut être bref, seulement protodiastolique en cas de fuite minime. Il est de timbre aigu, d'intensité variable, rarement très forte, parfois très faible, ce qui nécessite, pour ne pas le méconnaître, d'ausculter en position assise, ou debout en expiration. L'importance de la régurgitation est mieux corrélée à sa durée qu'à son intensité.
Les autres signes d'auscultation sont inconstants :
- - souffle systolique éjectionnel, dit " d'accompagnement ", fréquent en l'absence de toute sténose valvulaire, dû à l'augmentation du volume d'éjection, souvent d'intensité modérée, rarement frémissant ;
- - clic protosystolique, et plus rarement " pistol shot ", bruit mésosystolique sec et claqué ;
- - roulement d'Austin Flint observé dans les fuites volumineuses, perçu à la pointe, présystolique ou mésodiastolique, dont la genèse est due aux turbulences créées par l'impact du jet régurgitant sur la valve mitrale antérieure ;
- - bruit de galop présystolique ou protodiastolique, fréquent mais de signification physiopathologique variable ;
- - diminution ou abolition du premier bruit à la pointe attribué à la fermeture prématurée de la mitrale ;
- - modification du deuxième bruit qui peut être diminué en cas de mutilation et rétraction valvulaire ou clangoreux dans les anévrismes dystrophiques ; dans ce dernier cas, le maximum des signes auscultatoires est perçu à droite du sternum.
Signes périphériques
Les signes périphériques sont corrélés à l'importance de la régurgitation, ce qui en fait un élément d'appréciation clinique. La pression artérielle diastolique est abaissée, inférieure à 50 mmHg dans les fuites massives, et la pression systolique est élevée, ce qui aboutit à l'élargissement de la pression différentielle qui dépasse 50 % de la systolique. Le pouls artériel est exagérément ample, la distension artérielle est rapide, suivie d'une brusque dépression (pouls de Corrigan). L'hyperpulsatilité artérielle est souvent visible sur les carotides. Elle entraîne d'autres signes inconstants et de moindre valeur sémiologique : mouvements de la tête rythmés par les battements cardiaques (signe de Musset), pouls capillaire visible sur le lit unguéal, double souffle crural intermittent de Duroziez, perçu à l'auscultation des artères fémorales après compression de celles-ci.
Dans l'insuffisance aortique aiguë
Les signes d'examen se distinguent de ceux de la forme chronique : le choc de pointe est normal, la différentielle tensionnelle peu élargie ou normale, les signes périphériques moins nets, le souffle diastolique plus bref, le quatrième bruit plus rare alors que le troisième bruit est fréquent
.
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La déformation de la silhouette cardio-aortique, variable selon l'importance et l'ancienneté de la maladie associe une dilatation parfois considérable du ventricule gauche et l'élargissement de l'aorte initiale
(fig. 5). Le diamètre transversal du coeur est augmenté du fait de l'allongement de l'arc inférieur gauche dont la convexité est exagérée. La pointe tend à devenir sous-diaphragmatique et le développement du ventricule gauche vers le bas peut expliquer certaines discordances entre l'index cardiothoracique et le volume ventriculaire mesuré par d'autres méthodes. L'index cardiothoracique est un facteur de pronostic spontané
et postopératoire
. La dilatation de l'aorte initiale qui accentue la convexité de l'arc supérieur droit, est constante dans les fuites chroniques volumineuses mais son importance est variable et peut avoir une valeur d'orientation étiologique : une très forte dilatation suggère un anévrisme dystrophique, mais même volumineux ce type d'anévrisme n'est pas toujours visible si son développement est antéropostérieur, ou limité aux sinus de Valsalva et l'aspect typique n'est observé que dans le tiers des cas. De même, des calcifications pariétales de l'aorte ascendante évoquent une aortite. Des calcifications des sigmoïdes aortiques peuvent être constatées dans certaines formes rhumatismales ou dystrophiques. En fluoroscopie, la rétraction systolique du ventricule gauche synchrone de l'expansion de la crosse aortique produit un mouvement caractéristique de bascule (ou de " sonnette "). L'oreillette gauche est habituellement normale mais peut être modérément dilatée en cas d'insuffisance cardiaque. A ce stade apparaît également un aspect de congestion pulmonaire. L'insuffisance aortique aiguë est caractérisée par le contraste entre l'absence de cardiomégalie radiologique et l'importance des signes de congestion pleuropulmonaire.
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Le rythme est le plus souvent sinusal. L'anomalie la plus fréquente est l'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), d'abord de type diastolique, caractérisée par une exagération des voltages de QRS, des ondes Q profondes en D1-aVL et dérivations précordiales gauches, des ondes T positives. Au cours de l'évolution, apparaissent des signes de surcharge systolique ventriculaire gauche
(fig. 6) qui sont fortement associés avec des ventricules plus dilatés, des valeurs plus importantes du stress pariétal télésystolique, de la masse myocardique, une fraction d'éjection plus basse et l'apparition de symptômes
. Certaines études ont également démontré qu'une forte HVG influençait négativement le pronostic spontané
et postopératoire. Des troubles primaires de la repolarisation, notamment dans les dérivations inférieures peuvent s'observer de même qu'un bloc auriculoventriculaire du 1er degré attribué à des lésions septales dues au jet de régurgitation. Des troubles de conduction intraventriculaires sont fréquents, surtout hémibloc antérieur gauche, plus rarement bloc de branche gauche complet ou hémibloc postérieur gauche. Des troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire sont possibles. Plusieurs études ont montré leur corrélation à la fonction ventriculaire gauche et leur valeur pronostique postopératoire
. Dans les formes sévères et évoluées, on peut observer des aspects de pseudo-nécrose, en l'absence de lésions coronariennes.
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Il permet d'enregistrer les signes d'auscultation et de préciser leurs caractères et leur chronologie. Son intérêt diagnostique a diminué depuis l'apparition des techniques ultrasonores.
Il a une morphologie anormale : ascension rapide, sommet souvent bifide (pulsus bisferiens), abaissement, voire disparition de l'incisure catacrote et de l'onde dicrote. Le temps d'éjection est augmenté, le temps de demi-ascension, normal. L'apexogramme peut avoir une amplitude augmentée et dans les fuites volumineuses une onde A haute et large.
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L'écho est surtout utile pour le diagnostic étiologique et l'appréciation de l'importance de la régurgitation et de son retentissement ventriculaire.
La séparation diastolique des valves en mode TM est un signe très inconstant et peu spécifique. La constatation de fines vibrations diastoliques (" fluttering ") de la valve mitrale antérieure, parfois de la postérieure ou de la partie haute du septum interventriculaire est par contre un signe très sensible mais qui disparaît en cas de rigidité de la valve mitrale. Les méthodes Doppler permettent de reconnaître facilement la régurgitation, même de faible importance avec une sensibilité et une spécificité supérieures à 90 %.
L'échographie bidimensionnelle, transthoracique et surtout transoesophagienne, est très utile pour préciser l'étiologie et le mécanisme de la régurgitation
.
Insuffisance aortique dystrophique
Les sigmoïdes apparaissent fines, redondantes et tendent à se prolaber dans le ventricule gauche. L'anneau est dilaté. L'absence de coaptation diastolique des valves avec hiatus triangulaire central peut être visible en coupe transverse. En cas de maladie annulo-ectasiante, la dilatation en " bulbe d'oignon " de la racine de l'aorte est facilement mise en évidence
(fig. 7). Par contre les dissections, surtout si elles sont localisées, sont de diagnostic plus difficile : les signes directs, dédoublement pariétal, déchirure intimale, sont difficiles à visualiser, mais la sensibilité et la spécificité, faibles par voie transthoracique, sont très améliorées par voie oesophagienne.
Insuffisance aortique rhumatismale
Les sigmoïdes sont épaissies. La coupe petit axe montre la rétraction valvulaire et le diastasis central d'où naît la fuite en Doppler couleur
(fig. 8).
Endocardite
Le signe échographique le plus fréquent est la visualisation des végétations qui réalisent un épaississement sigmoïdien localisé, parfois volumineux et mobile, pouvant se prolaber dans le ventricule gauche. Par voie transthoracique, la sensibilité est faible, de l'ordre de 60 %, mais par voie oesophagienne, la sensibilité et la spécificité sont supérieures à 90 %. La déchirure d'une sigmoïde est reconnue par le capotage diastolique de la valve. Enfin, les abcès de l'anneau aortique sont très bien reconnus par échographie transoesophagienne. La sensibilité qui n'est que de 20 % par voie transthoracique passe à plus de 80 % avec une spécificité supérieure à 90 % par voie oesophagienne.
Bicuspidie
Elle est facilement reconnue par l'écho bidimensionnel.
La quantification de l'insuffisance aortique repose sur le Doppler et fait appel à diverses méthodes
.
Cartographie du jet régurgitant
Elle permet une approche semi-quantitative, utilisant soit la longueur maximale du jet, soit sa surface maximale mais les corrélations avec la sévérité angiographique sont le plus souvent médiocres.
Mesure du diamètre ou de la surface du jet régurgitant à son origine
Elle permet de classer les insuffisances aortiques en fonction de leur sévérité avec une assez bonne corrélation aux grades angiographiques mais sans pouvoir éviter un certain chevauchement.
Analyse des flux au niveau de l'isthme aortique
Elle permet le calcul de la fraction de régurgitation par mesure des débits antérograde et rétrograde ou l'estimation de l'importance de la fuite par le calcul du rapport des intégrales temps-vitesse diastolique et systolique, du rapport vélocité télédiastolique/vélocité systolique maximale ou de la simple vélocité télédiastolique.
Etude par le Doppler continu de la décroissance de la vitesse du jet régurgitant
Elle permet d'isoler plusieurs paramètres dont le plus utilisé est le temps de demi-décroissance du gradient de pression aortoventriculaire (PHT) qui est d'autant plus court que la régurgitation est importante (inférieure à 350 ms pour les grosses fuites).
Toutes ces méthodes échographiques connaissent des limites et causes d'erreurs multiples. Il est donc prudent de les combiner entre elles et de multiplier les mesures.
L'écho peut évaluer ce retentissement en mesurant le degré de dilatation, la fonction systolique, l'hypertrophie et son adaptation à la dilatation, ainsi que d'autres variables plus complexes, telle la contrainte pariétale si l'examen échographique est couplé à l'enregistrement des pressions
. Les corrélations entre l'écho TM et les mesures angiographiques sont moins bonnes dans le cas de l'insuffisance aortique que pour les ventricules moins dilatés, l'échographie tendant à sous-estimer les volumes et surestimer la fraction d'éjection. Néanmoins, de nombreux travaux actuels utilisent les données échographiques pour apprécier les facteurs pronostiques ou les résultats opératoires et leurs résultats concordants démontrent la fiabilité de l'échographie en ce domaine. Son caractère atraumatique en fait une des méthodes de choix pour la surveillance des patients asymptomatiques.
Les paramètres échographiques des régurgitations aiguës sont particuliers. Le ventricule n'est pas dilaté ; sa pression télédiastolique s'élève rapidement, ce qui conduit à la fermeture prématurée de la valve mitrale à un PHT particulièrement court et parfois à une insuffisance mitrale diastolique.
La scintigraphie cavitaire au moyen de radio-isotopes permet de quantifier la régurgitation mais son intérêt principal est d'évaluer la fonction ventriculaire. Le rapport des volumes d'éjection ventriculaires gauche et droit permet de déterminer un indice de régurgitation et la fraction de régurgitation et de bonnes corrélations avec la méthode angiographique ont été démontrées. La scintigraphie cavitaire permet aussi de mesurer les volumes ventriculaires, mais avec une tendance à la sous-estimation des résultats ce qui nécessite des formules de correction.
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Le cathétérisme cardiaque se propose d'évaluer le degré de la régurgitation, d'apprécier son retentissement sur la fonction cardiaque et d'apporter des renseignements morphologiques et étiologiques.
Méthode qualitative
La régurgitation diastolique du produit de contraste injecté dans l'aorte ascendante est habituellement cotée en quatre stades selon la densité de l'opacification ventriculaire. Cette gradation, simple et largement utilisée, est en partie subjective et la comparaison avec les méthodes quantitatives fait apparaître des corrélations significatives mais un très important chevauchement entre les classes.
Méthodes quantitatives
La différence entre le volume d'éjection systolique ventriculaire gauche total mesuré par méthode angiographique et le volume d'éjection systolique périphérique mesuré par la méthode de Fick ou de dilution permet d'obtenir le volume régurgité et la fraction régurgitée. La régurgitation est légère pour une fraction régurgitée inférieure à 20 %, modérée entre 20 et 40 %, de sévérité moyenne entre 40 et 60 % et sévère au-delà de 60 %. En cas de coexistence d'une insuffisance mitrale, cette méthode ne permet pas de distinguer la part respective de chaque régurgitation. D'autres méthodes ont été proposées, utilisant des techniques de dilution de colorants, de xénon 133 ou par fluxmétrie électromagnétique.
Insuffisance aortique chronique
La courbe de pression aortique est particulière : ascension rapide, sommet acuminé suivi d'une descente curviligne avec disparition du dicrotisme. La pression systolique est élevée égale à celle du ventricule gauche, la pression diastolique abaissée, souvent inférieure à 50 mmHg en cas de fuite importante, d'où augmentation de la pression différentielle
(fig. 9). Dans les artères périphériques, la pression systolique est supérieure d'environ 30 % à celle de l'aorte initiale alors que la pression diastolique est identique
. La durée de l'éjection ventriculaire gauche est augmentée mais le temps de pré-éjection est raccourci. Le pic de pression ventriculaire est plus tardif que celui de l'aorte. Les résistances systémiques sont normales ou basses. La pression télédiastolique est longtemps normale au repos et ne s'élève qu'à un stade évolué
mais peut augmenter plus précocement à l'effort. Ce n'est que tardivement que les pressions des cavités droites augmentent et que le débit cardiaque diminue.
Insuffisance aortique aiguë
L'augmentation brutale de la précharge du ventricule gauche peu compliant entraîne une élévation marquée de la pression télédiastolique ventriculaire gauche qui limite la baisse de la pression diastolique aortique. Le volume d'éjection et la pression systolique augmentent peu car l'insuffisance des mécanismes d'adaptation entraîne une diminution du débit cardiaque, si bien que la différentielle est moins élargie que dans les formes chroniques
. Les résistances artérielles systémiques sont souvent augmentées en réponse à la stimulation sympathique résultant de la baisse du débit cardiaque.
Dilatation ventriculaire
Elle se traduit par une augmentation des volumes mesurés par angiographie. Le volume télédiastolique est souvent double de la normale et peut dépasser 600 ml
. Le volume télésystolique augmente lorsque la fonction systolique s'altère.
Fonction systolique
L'évaluation de la fonction systolique du ventricule gauche est difficile car les modifications observées peuvent être dues non seulement à une altération de la contractilité mais aussi aux modifications des conditions de charge ou de la géométrie ventriculaire : parmi les indices calculés en phase d'éjection, l'utilisation de la fraction d'éjection largement employée en pratique clinique est controversée en raison de sa grande dépendance des conditions de charge
. Elle n'est que le reflet de la fonction pompe pour un certain niveau d'hypertrophie qui conditionne l'adaptation à la post-charge et de dilatation ventriculaire qui fait appel à la réserve de précharge. Ainsi, une valeur normale ne permet pas d'exclure une dysfonction myocardique qui pourrait être objectivée par les épreuves dynamiques : effort
, agents presseurs
, potentialisation post-extrasystolique, mais la valeur pronostique de ces épreuves n'a pas été démontrée. D'autres indices, moins dépendants des conditions de charge et reflétant mieux l'état inotrope, ont été proposés :
- - rapport pression/volume télésystolique et pente de variation de ce rapport en fonction de la post-charge (élastance systolique Emax ;
- - rapport contrainte/volume télésystolique ;
- - rapport fraction d'éjection/contrainte télésystolique ou vitesse moyenne de raccourcissement/contrainte télésystolique .
Ces paramètres, plus fiables que la fraction d'éjection, sont difficiles à obtenir en pratique humaine car ils nécessitent des enregistrements simultanés des pressions et volumes, et pour certains des angiographies répétées, ce qui ne permet pas de les utiliser comme exploration de routine.
Mesure de la masse myocardique
La masse myocardique mesurée par angiographie est augmentée de façon importante souvent plus que dans la sténose aortique
.
Fonction diastolique
Dans l'insuffisance aortique chronique, le remplissage ventriculaire est prolongé et ralenti. L'absence de relaxation isovolumique et les variations de la vitesse de remplissage empêchent l'utilisation des indices barométriques usuels de relaxation, Rousseau
propose un indice d'élastance dP/dV mesuré en phase de remplissage rapide et qui est diminué.
L'angiographie peut fournir des indications sur la cinétique segmentaire du ventricule gauche, la continence de la mitrale, l'état de l'aorte ascendante, d'éventuels abcès périaortiques. Elle reste indispensable pour l'étude préopératoire des coronaires après 50 ans ou en cas d'angor.
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Des travaux ont été récemment consacrés à la quantification de la régurgitation au moyen de l'imagerie par résonance magnétique
et des corrélations ont été trouvées avec l'angiographie ou l'écho.
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Evolution spontanée
L'étude de l'évolution spontanée de l'insuffisance aortique doit tenir compte d'un certain nombre de paramètres : l'étiologie (en effet certaines étiologies introduisent des facteurs pronostiques propres tenant par exemple aux lésions pariétales aortiques dans les dystrophies ou à la coronarite ostiale dans les atteintes syphilitiques) ; le volume de la régurgitation ; les critères de bonne tolérance. Les séries de la littérature consacrées à ce sujet sont hétérogènes sur ces différents points. Compte tenu de ces réserves, plusieurs travaux permettent de schématiser l'évolution spontanée de l'insuffisance aortique chronique. Segal
rapporte en 1956, 100 cas d'insuffisance aortique volumineuse et note les étapes suivantes : rhumatisme articulaire aigu à 13 ans, insuffisance aortique importante à 20 ans, gêne fonctionnelle à partir de 30 ans avec successivement dyspnée, angor, insuffisance ventriculaire gauche puis droite. Cet auteur insiste sur la longue tolérance des formes rhumatismales et les importants délais de survie possibles même au stade d'insuffisance cardiaque. Les autres séries sont plus pessimistes : Bland et Wheeler
constatent qu'à partir du dépistage d'une insuffisance aortique volumineuse, 38 % des patients sont décédés à la 10e année et 56 % à la 20e année, alors qu'à cette date 26 % seulement peuvent mener une vie normale. En 1975, Rapaport
sur un lot de 35 patients initialement asymptomatiques, évalue la survie actuarielle à 75 % à 5 ans et 50 % à 10 ans. A partir de l'apparition des symptômes, le pronostic devient très sévère : McGoon
en 1981 rapporte un taux de décès de 96 % à 10 ans chez des patients symptomatiques traités médicalement. La fréquence de la mort subite est estimée entre 2 et 5 % des cas
, elle est rare mais possible chez les patients asymptomatiques
.
Facteurs pronostiques de l'évolution spontanée
Le plus souvent, le décès ou la défaillance cardiaque sont précédés de symptômes ou de modifications objectives dont la valeur pronostique a été soulignée par diverses publications.
- - L'apparition de signes d'insuffisance cardiaque paraît très péjorative : 13 décès sur 14 patients dans les 2 ans pour Massel . La durée moyenne de survie, après la survenue des signes d'insuffisance ventriculaire gauche est de 3 ans pour Froment, elle est encore plus réduite après l'apparition de signes d'insuffisance cardiaque droite : 20 décès sur 24 dans l'année pour Degeorges , aucun survivant au-delà de 1 an pour Froment . La valeur pronostique de l'angor a également été étudiée : le délai moyen entre la première crise angineuse et le décès varie entre 3 et 5 ans et dans la série de Tribouilloy et Acar 56 % des patients sont décédés 5 ans après l'apparition de l'angor et 80 % à la 10e année.
- - Certains auteurs ont tenté de regrouper les éléments pronostiques. Massel , en 1966, étudie l'évolution spontanée de 323 cas d'insuffisance aortique et retient comme principaux facteurs pronostiques : les signes, d'insuffisance cardiaque, l'angor, une pression diastolique artérielle inférieure à 40 mmHg, la cardiomégalie, l'inversion de l'onde T en D2 ou de V4 à V6. Il définit ainsi cinq groupes : groupe A avec cardiomégalie nulle ou discrète, sans modification tensionnelle ou électrocardiographique ; groupe B semblable au précédent mais avec cardiomégalie modérée ; groupe C semblable au groupe B mais avec pression diastolique abaissée ; groupe D avec cardiomégalie franche, pression diastolique basse et troubles de la repolarisation ; et enfin groupe E avec insuffisance cardiaque. A 20 ans, la mortalité est nulle dans les groupes A et B en l'absence de nouvelle poussée rhumatismale ou de greffe bactérienne, mais dans les groupes C et D, la mortalité est de 11 % et 31 % à 5 ans et de 27 % et 52 % à 10 ans. Dans le groupe E, 13 des 14 malades sont décédés en moins de 2 ans.
- - Spagnuolo rapporte en 1971, 174 cas d'insuffisance aortique rhumatismale et note le mauvais pronostic qui s'attache à l'association d'une fuite volumineuse, définie sur les critères cliniques, d'une cardiomégalie radiologique et de plusieurs anomalies électrocardiographiques. Sur 31 patients réunissant ces trois critères, à la 6e année 87 % sont décédés ou ont de l'insuffisance cardiaque ou de l'angor alors qu'en l'absence de ces critères, la plupart des patients restent asymptomatiques : 98 % à 5 ans, 95 % à 10 ans. La détérioration est particulièrement rapide les premières années : 33 % à 1 an, 48 % à 2 ans, 65 % à 3 ans.
- - Smith analyse en 1976 l'évolution et les facteurs pronostiques chez 180 patients atteints d'insuffisance aortique dont 110 ont été opérés et 70 traités médicalement.
Parmi 39 paramètres étudiés, cet auteur en distingue 4 qui ont une valeur pronostique péjorative : l'insuffisance cardiaque patente (en dehors de la dyspnée d'effort isolée), l'hypertrophie ventriculaire gauche extrême, l'extrasystolie ventriculaire et un index cardiothoracique supérieur à 0,60.
Au total, en dépit de certaines imprécisions méthodologiques, ces études se rejoignent sur plusieurs points communs :
- - les insuffisances aortiques discrètes ou modérées sont longtemps bien tolérées, en l'absence de greffe infectieuse ;
- - même en cas de régurgitation importante, la période asymptomatique est souvent prolongée ;
- - les formes avec insuffisance cardiaque et à un moindre degré avec angor ont un pronostic sévère ;
- - une cardiomégalie radiologique importante implique un risque évolutif spontané élevé, même en l'absence de signes fonctionnels. Smith propose une valeur seuil précise : index cardiothoracique supérieur à 0,60.
A ces publications anciennes, essentiellement cliniques, sont venus s'ajouter plus récemment des travaux portant sur la période asymptomatique de la maladie et comportant des études séquentielles des dimensions et de la fonction ventriculaire gauche et la recherche des facteurs prédictifs d'une évolution défavorable. Henry
, le premier, a étudié par échographies répétées 37 patients asymptomatiques suivis plus de 26 mois.
Il constate que le diamètre télésystolique du ventricule gauche augmente très rarement de plus de 7 mm par an et que les symptômes et l'insuffisance cardiaque n'apparaissent habituellement que pour des diamètres télésystoliques supérieurs à 50 mm. Environ 80 % des patients dont le diamètre télésystolique dépasse 50 mm deviennent symptomatiques ou sont opérés dans les 3 années suivantes. Bonow
, en 1982, regroupant deux séries de la littérature réunissant 50 patients initialement asymptomatiques, souligne l'importance pronostique de la dilatation et de l'atteinte de la fonction systolique du ventricule gauche : lorsque le diamètre télésystolique est supérieur à 55 mm et le pourcentage de raccourcissement inférieur à 29 % des signes fonctionnels apparaissent dans les 3 ans chez les deux tiers des patients. Plus récemment, le même auteur
analyse l'évolution de 104 cas d'insuffisance aortique volumineuse asymptomatique, avec fonction systolique ventriculaire gauche normale (raccourcissement échographique supérieur à 29 % et fraction d'éjection isotopique supérieure à 45 %). Les patients ont été suivis en moyenne 8 ans (2 à 16 ans) par des échographies répétées et des mesures isotopiques de la fraction d'éjection au repos et à l'effort. Les trois quarts de ces patients sont restés asymptomatiques et ont gardé une fonction systolique normale, 23 ont été opérés, 19 fois en raison de l'apparition de symptômes avec ou sans altération de la fonction systolique et 4 fois pour une altération isolée de la fonction systolique. Deux décès subits sont survenus, non précédés de symptômes ni d'altération de la fonction systolique, chez des patients dont le ventricule gauche était extrêmement dilaté (diamètre ventriculaire dépassant 80 mm en télédiastole et 55 mm en télésystole). Les facteurs prédictifs d'évolution défavorable (décès ou chirurgie) sont : l'âge, les valeurs initiales des diamètres ventriculaires télédiastolique et télésystolique, de la fraction de raccourcissement, de la fraction d'éjection de repos et d'effort, la diminution au cours du suivi de la fonction systolique et l'augmentation du diamètre télésystolique. Le risque d'évolution défavorable est nul si le diamètre télésystolique est inférieur à 40 mm et de 19 % par an quand il dépasse 50 mm. Il varie de 2 % à 10 % par an selon que le diamètre télédiastolique est inférieur ou supérieur à 70 mm et de 1 à 12 % par an selon que la fraction d'éjection augmente à l'effort ou diminue de plus de 5 %.
Delaye et coll.
étudiant l'évolution sur une période de 36 mois de 54 patients avaient également constaté que l'apparition de symptômes pouvait être prédite par la cardiomégalie radiologique, l'index cardiaque, le volume télédiastolique et la fraction d'éjection. Il apparaît donc qu'une régurgitation volumineuse avec dilatation ventriculaire gauche est compatible avec le maintien pendant des périodes pouvant dépasser 10 ans d'un bon état fonctionnel et d'une fonction systolique normale, la détérioration de cette dernière étant habituellement suivie d'une dégradation symptomatique.
Particularités évolutives tenant à l'étiologie
Anévrismes dystrophiques de l'aorte ascendante
Les anévrismes dystrophiques de l'aorte ascendante ont souvent une évolution accélérée : ainsi dans la série d'Acar et Guiomard
68 % des patients ont été opérés dans les 5 ans suivant la découverte de la cardiopathie, mais des évolutions prolongées au-delà de 10 ans sont également possibles dans 15 % des cas. De même pour Beaune
, des signes fonctionnels apparaissent moins de 3 ans après la découverte de la maladie dans les deux tiers des cas.
L'évolution de ces anévrismes a une réputation justifiée de gravité du fait des complications pariétales aortiques, notamment dans le cadre de la maladie de Marfan où ils sont responsables de plus de 90 % des décès. Sur 39 décès de cause connue, Murdoch et coll.
notaient 12 ruptures d'anévrismes, 8 dissections aortiques, 14 insuffisances cardiaques secondaires à l'insuffisance aortique et 5 décès opératoires. L'âge moyen lors du décès était de 32 ans. Plus rarement, des complications pariétales aortiques (anévrisme ou dissection) peuvent compliquer l'évolution de dysplasies valvulaires isolées.
Insuffisance aortique syphilitique
L'insuffisance aortique syphilitique, devenue exceptionnelle de nos jours, est caractérisée par une évolution sévère, comme le montrent les séries anciennes.
Insuffisance aortique aiguë. Endocardite infectieuse
L'évolution de l'insuffisance aortique aiguë, le plus souvent d'origine infectieuse, est caractérisée par la fréquence, la précocité et la sévérité des signes d'insuffisance cardiaque contrastant avec l'absence ou la discrétion de la cardiomégalie. Des complications septiques (abcès périaortiques, abcès septaux) peuvent s'ajouter au retentissement hémodynamique, ce qui explique la grande sévérité évolutive dont témoignent des travaux concordants selon lesquels entre la moitié et les trois quarts des insuffisances aortiques infectieuses avec insuffisance cardiaque conduisent au décès en l'absence d'intervention
. La survie ultérieure est fonction de la sévérité de l'atteinte valvulaire mais nombre de survivants doivent être opérés ultérieurement.
Complications
Certaines des complications évolutives tiennent à l'étiologie : rupture ou dissection aortique en cas d'anévrisme dystrophique ou de médianécrose aortique, complications coronariennes dues à la coronarite ostiale de la syphilis, prolapsus sigmoïdien dans les dysplasies valvulaires ou la bicuspidie. Indépendamment de son étiologie, l'insuffisance aortique est la valvulopathie la plus exposée à l'endocardite infectieuse dont elle représente environ le tiers des observations, ce qui justifie une prophylaxie rigoureuse.
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Comme pour toutes les valvulopathies sévères, le traitement curatif de l'insuffisance aortique est chirurgical, le traitement médical n'ayant qu'un rôle d'appoint.
Le traitement médical est toujours indiqué dans les formes évoluées avec insuffisance cardiaque, en attendant l'intervention ou en cas de contre-indication à la chirurgie. Il fait appel aux moyens thérapeutiques habituels de l'insuffisance cardiaque : mesures hygiénodiététiques, tonicardiaques, diurétiques, vasodilatateurs artériels. Il a été démontré ces dernières années que le traitement vasodilatateur pouvait être utile également en l'absence d'insuffisance cardiaque et qu'il était capable de minimiser le retentissement ventriculaire gauche de la régurgitation.
Plusieurs auteurs ont montré que l'administration aiguë de divers agents vasodilatateurs, nitroprussiate, nitroglycérine, hydralazine, captopril
, était capable de réduire la post-charge et d'améliorer la performance ventriculaire : diminution du stress systolique, du volume régurgité, de la fraction de régurgitation, du volume télédiastolique, de la pression capillaire pulmonaire, augmentation de l'index cardiaque et de la fraction d'éjection. L'effect bénéfique de traitements au long cours a été démontré plus récemment : Greenberg
a obtenu après 24 mois de traitement par l'hydralazine une diminution de 18 % du volume télédiastolique, de 25 % du volume télésystolique ainsi qu'une augmentation significative de la fraction d'éjection. Scognamiglio
a noté, après administration de nifédipine pendant 12 mois, une réduction du volume télédiastolique mais aussi du stress systolique moyen et de la masse myocardique et une augmentation de la fraction d'éjection de 60 à 72 %.
Enfin, la prophylaxie anti-infectieuse selon les modalités habituelles est particulièrement importante dans le cas de l'insuffisance aortique.
Méthodes
Dans l'immense majorité des cas, le traitement chirurgical consiste en un remplacement valvulaire au moyen d'une prothèse mécanique ou d'une bioprothèse. Les premières tentatives de plasties s'étaient soldées par des échecs et avaient été abandonnées. Plus récemment, de nouvelles techniques ont donné des résultats encourageants : résection valvulaire et plicature annulaire pour la correction des prolapsus
ou extension valvulaire au moyen de patchs péricardiques
utilisable dans les formes rhumatismales. Les anévrismes dystrophiques nécessitent des interventions complexes de remplacement combiné valvulaire et de l'aorte ascendante avec réimplantation des coronaires.
Evolution postopératoire
De nombreuses publications ont été consacrées aux résultats éloignés du remplacement valvulaire pour insuffisance aortique chronique, concernant la survie, le devenir de la fonction ventriculaire et les facteurs de pronostic. A leur lecture on constate que ces résultats se sont améliorés sensiblement avec le temps, cette amélioration étant attribuable à de meilleures techniques chirurgicales et surtout à des interventions plus précoces
.
Survie lointaine
Les séries les plus anciennes jusqu'à la fin des années 1970 faisaient état de survies actuarielles à 5 ans comprises entre 50 et 70 %
. Dans notre expérience sur un lot de 198 patients opérés pendant la même période, le taux de survivants à la 10e année était de 44 %. Cette survie relativement basse des insuffisances aortiques opérées était en grande partie la conséquence du taux élevé de dysfonction myocardique irréversible, qui, dans notre expérience de l'époque affectait le tiers des survivants opératoires à la 10e année
. La fréquence des décès tardifs par défaillance myocardique était signalée par d'autres auteurs
. Les publications ultérieures ont révélé une amélioration progressive de ces résultats. Dans la même institution, Bonow relève une survie qui passe de 50 % à 4 ans pour les patients opérés avant 1971 à 63 % entre 1971 et 1976
et à 83 % à 5 ans après 1976
. De même pour Turina
, la survie à 5 ans passe de 80,1 % pour la période de 1970-1974 à 90,6 % pour la période de 1975-1979. Cet auteur note qu'après 1974 les patients ont été opérés à un stade moins évolué en terme de classe fonctionnelle, cardiomégalie, pression télédiastolique ventriculaire gauche, fraction d'éjection et qu'on n'a plus observé de décès tardifs par insuffisance cardiaque.
Devenir de la fonction ventriculaire gauche
Comme pour le suivi clinique, les informations concernant le devenir postopératoire de la fonction du ventricule gauche sont passées par plusieurs phases. Les premières études ont révélé la persistance fréquente d'anomalies des dimensions et de la cinétique ventriculaire responsables d'insuffisance cardiaque résiduelle et de décès tardifs
. Certaines publications plus récentes sont plus optimistes
. Dans ces séries l'amélioration postopératoire est la règle, mais il faut noter qu'il s'agit de patients dont la fonction ventriculaire préopératoire est peu déprimée. Les quelques travaux qui ont cherché à déterminer si cette amélioration de la fonction ventriculaire gauche est la conséquence des variations des conditions de charge ou d'une amélioration de l'inotropisme suggèrent que les deux mécanismes peuvent jouer. Taniguchi
l'attribue surtout aux variations de post-charge. Réétudiant 35 opérés en moyenne 26 mois après l'opération, il constate une amélioration constante et importante de la fraction d'éjection, significativement corrélée à la diminution du stress systolique pariétal mais pas d'amélioration significative des indices de fonction contractile (rapport fraction d'éjection/stress et vélocité/stress). Il faut toutefois noter que le rapport stress télésystolique/volume télésystolique indexé s'améliore significativement chez tous les opérés, mais reste infranormal 1 fois sur 2. Kasegawa
a étudié l'évolution postopératoire précoce de la relation stress-volume télésystolique déterminée pendant l'infusion veineuse de nitroprusside. Il ne constate pas de variation postopératoire de la pente de la relation mais son déplacement vers la gauche qu'il attribue à une possible amélioration de la contractilité alors même que la cinétique échographique du ventricule a diminué par suite de la réduction précoce de précharge.
Chronologie de l'amélioration
La rapidité de l'amélioration est variable. La modification la plus précoce est la réduction du volume diastolique du ventricule secondaire à la suppression de la surcharge volumétrique. Ce phénomène est inconstant
mais, quand il a lieu, il est précoce, souvent pendant les 2 premières semaines
. L'absence de réduction concomitante du volume télésystolique explique que la fraction d'éjection puisse s'abaisser précocement
. Ultérieurement, le volume systolique diminue à son tour et la fraction d'éjection augmente. Cette évolution tardive est elle aussi variable dans son déroulement et son amplitude. Pour Bonow
, elle a lieu essentiellement durant les 6 premiers mois et en l'absence d'amélioration précoce, il n'y a pas d'augmentation ultérieure. Pour Borer
, la fraction d'éjection peut s'améliorer au repos au-delà de la 2e année et à l'effort jusqu'à la 4e année. Dans ces deux séries, les valeurs préopératoires très basses comportent un risque élevé d'absence d'amélioration postopératoire ou de décès ultérieurs. Monrad
a également montré que la régression de l'hypertrophie s'étale sur des années, et que la masse myocardique continue de décroître entre des contrôles réalisés 1,6 ans et 8 ans après l'opération.
Facteurs du pronostic opératoire
Risque opératoire
La mortalité hospitalière est faible, inférieure à 5 % dans la plupart des séries
, elle tend à s'abaisser chez les patients paucisymptomatiques dont le risque est très faible, proche de 0
. Elle s'élève de façon significative avec la classe fonctionnelle, l'insuffisance cardiaque, l'existence d'un traitement digitalodiurétique et l'altération de la fraction d'éjection
. Elle peut atteindre 15 à 20 % chez les patients en classe IV de la NYHA (" New York heart association ") ou ayant des signes d'insuffisance cardiaque droite
.
Pronostic lointain
- Facteurs cliniques. Nous les avons analysés dans une série rétrospective de 198 opérés suivis avec un recul maximal de 15 ans
en étudiant les taux actuariels de décès d'origine cardiaque et de dysfonction ventriculaire persistante.
Le degré d'insuffisance cardiaque préopératoire est un facteur majeur du pronostic lointain : la survie à 5 ans passe de 94 % en l'absence d'insuffisance cardiaque clinique préopératoire à 77 % en cas d'insuffisance ventriculaire gauche et 57 % en cas d'insuffisance ventriculaire droite. Les taux correspondants de dysfonction persistante sont de 9 %, 21 % et 47 %. D'autres auteurs ont fait des constatations similaires
.
La cardiomégalie est également un facteur pronostique fiable
. Dans notre série, la survie à la 6e année passe de 87 % à 48 % si le rapport cardiothoracique dépasse 0,58. Une forte hypertrophie ventriculaire gauche électrocardiographique est pour certains un indice de mauvais pronostic. Il en est de même des arythmies ventriculaires, la fréquence et la gravité des troubles du rythme étant en relation inverse de la fraction d'éjection
.
- Facteurs hémodynamiques. Dans le groupe des mauvais résultats (décès tardifs ou dysfonction ventriculaire persistante), les pressions artérielle pulmonaire
et auriculaire gauche
sont significativement plus élevées et l'index cardiaque plus bas
. L'influence de la pression télédiastolique ventriculaire gauche apparaît significative pour certains
mais pas pour d'autres
. Ces facteurs ne paraissent pas avoir une valeur pronostique indépendante de celle des paramètres de fonction ventriculaire.
- Paramètres de fonction ventriculaire. De nombreux travaux font référence aux paramètres de fonction ventriculaire, qu'ils soient obtenus par méthode angiographique, échographique ou isotopique. La plupart sont sous la dépendance d'influences multiples (état contractile et conditions de charge) et les raisons de leurs variations sont controversées
, ce qui n'empêche pas certains d'entre eux d'avoir une réelle utilité dans la discussion des indications opératoires. La fraction d'éjection de repos a été très largement étudiée grâce notamment à sa facilité d'obtention par méthode isotopique, ce qui a permis l'établissement de valeurs seuil utilisées en clinique. Le pronostic lointain est significativement moins bon quand la fraction d'éjection angiographique est abaissée
. Dans le travail de Greves
, la survie à 5 ans passe de 87 % à 54 % quand la fraction d'éjection s'abaisse au-dessous de 0,45 et dans celui de Forman
, la survie à 3 ans est de 91 % au-dessus de 0,50 contre 64 % au-dessous. Plusieurs études isotopiques ou échographiques ont confirmé que la fonction systolique préopératoire est l'un des meilleurs prédicteurs de mauvais résultat en terme de décès ou de dysfonction persistante
. Dans la série de Bonow
, la survie à 5 ans des opérés à fraction d'éjection normale est de 96 % contre 63 % en cas de fraction d'éjection abaissée. Le même auteur a montré l'influence de la durée de la dysfonction préopératoire sur l'amélioration postopératoire et les décès tardifs. Enfin, la réduction postopératoire des dimensions du ventricule est significativement corrélée à la fonction systolique préopératoire
. Par contre, la fraction d'éjection d'effort ne semble pas influencer le pronostic. Une fraction d'éjection d'effort anormale est très fréquente même chez les patients asymptomatiques, ce qui n'empêche pas d'excellents résultats lointains
.
Le degré de dilatation ventriculaire a été étudié en tant que facteur pronostique. Une forte dilatation diastolique comporte un risque élevé de résultat insatisfaisant. Les seuils au-delà desquels la dysfonction devient irréversible et les décès tardifs fréquents sont élevés. Greves
ne note pas de différence de survie pour des volumes télédiastoliques dépassant 210 ml/m2. Par contre, pour Taniguchi
, le volume télédiastolique angiographique est de 227 ml/m2 pour les survivants et de 386 ml/m2 pour les patients décédés. Dans notre série
, les mauvais résultats ne sont de règle qu'au-delà de 240 ml/m2. D'autres auteurs ont également démontré l'influence pronostique des volumes
ou du diamètre diastolique échographique du ventricule
sur la régression postopératoire de la dilatation ou l'amélioration de la fonction mais ces conclusions ne sont pas partagées par tous
. La valeur prédictive des volumes ou diamètres télésystoliques a été reconnue par de nombreux travaux concordants. Moins dépendants de la précharge que les indices en phase éjectionnelle, ils sont théoriquement mieux corrélés à l'état contractile du myocarde. A de rares exceptions près
, les études consacrées au volume télésystolique démontrent qu'une forte augmentation de ce paramètre est prédictive de mortalité ultérieure ou de dysfonction persistante
et les études multivariées le font apparaître comme un des meilleurs prédicteurs indépendants
. Les paramètres échographiques sont largement utilisés à la suite du travail de Henry
montrant qu'un diamètre télésystolique supérieur à 55 mm faisait prévoir une mortalité tardive élevée à 4 ans (53 % vs 6 %). Pour Kumpuris
, un diamètre télésystolique supérieur à 50 mm est prédictif de dilatation irréversible. Plus récemment, d'autres auteurs ont confirmé l'importance pronostique du diamètre télésystolique échographique
sur la survie et la fonction ventriculaire postopératoire. Si les résultats de ces travaux sont assez largement acceptés, l'accord n'est cependant pas unanime et les critères de Henry ont été discutés
. Certains indices mesurant l'adaptation du ventricule gauche à la régurgitation ont été proposés : le rapport rayon/épaisseur échographique a été trouvé prédictif par certains auteurs
mais pas par d'autres
. Pour Levine et Gaasch
, le rapport du volume régurgité au volume télédiastolique est un excellent prédicteur de la diminution postopératoire du diamètre télédiastolique, alors que Bonow
ne trouve qu'une corrélation faible et inconstante entre ces deux paramètres. D'autres indices ont été trouvés significativement corrélés au pronostic postopératoire : le stress systolique
, la masse myocardique et le rapport du débit coronaire à la masse. Enfin, les indices théoriquement les plus indépendants des conditions de charge et donc les plus représentatifs de l'état contractile du myocarde sont de recueil difficile et ont été rarement étudiés en tant que facteurs pronostiques. Le rapport stress/volume télésystolique a été appliqué à une série de valvulopathies diverses opérées, et a permis de prévoir de façon assez fiable les échecs ou décès. Taniguchi
a montré que ce rapport ainsi que celui du stress télésystolique à la fraction d'éjection étaient altérés avant l'intervention et se normalisaient rarement après, sans que leur valeur pronostique n'apparaisse clairement. Starling
a étudié le devenir de 31 opérés en fonction des valeurs préopératoires de l'élastance systolique maximale (Emax) et de la relation stress/fraction d'éjection. L'abaissement simultané des deux paramètres témoigne, selon cet auteur, d'une dysfonction myocardique irréversible et annonce un échec de la chirurgie, alors qu'une diminution isolée de Emax est compatible avec un bon résultat clinique et la normalisation de la fraction d'éjection. Seuls les patients avec normalité préopératoire des deux paramètres bénéficient d'une normalisation complète des dimensions et de la fonction systolique du ventricule. De telles études qui nécessitent de multiples mesures après interventions pharmacologiques ne sont pas utilisables en pratique courante.
- Association de facteurs. Plusieurs auteurs ont proposé des associations de facteurs qui pronostiquent au mieux, selon eux, le devenir lointain des opérés : fraction d'éjection, tolérance à l'épreuve d'effort et durée de la dysfonction ventriculaire pour Bonow
, diamètre télésystolique supérieur à 55 mm et pourcentage de raccourcissement échographique inférieur à 25 % pour Henry
.
Formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques
A côte des facteurs pronostiques ci-dessus mentionnés, il faut faire une place à part à l'état fonctionnel qui interfère fortement avec l'état hémodynamique. Le premier point à noter est un risque opératoire très faible ; dans deux séries récentes regroupant 148 patients en classe I ou II de la NYHA
, on ne déplore aucun décès précoce. Les résultats à distance sont bons : la survie à 5 ans est de 87 % pour Tissot
et de 94 % pour Greves
, elle est de 84 % à 8 ans pour Cormier
. Ces résultats sont à rapprocher de ceux de Bonow
pour qui la survie à 3 ans est de 100 % chez les patients aptes à accomplir jusqu'au bout le protocole d'effort contre 53 % chez les autres, les deux groupes ne présentant pas de différence quant aux dimensions ventriculaires et à la fraction d'éjection. Point important, même en cas de dilatation importante et d'altération sévère de la fonction systolique, la réversibilité postopératoire est de règle
. Les échecs de cause myocardique sont rares et difficilement prévisibles avant l'opération, seule la sévérité
ou la durée
de la dysfonction systolique préopératoire ayant une certaine valeur prédictive. Par contre, les anomalies de la fraction d'éjection à l'effort n'empêchent pas d'excellents résultats lointains et la plupart des auteurs estiment que ce paramètre ne fait pas partie des critères de l'indication chirurgicale
.
Indications opératoires de l'insuffisance aortique chronique
L'étude des facteurs pronostiques de l'évolution spontanée et de l'évolution postopératoire permet de dégager les lignes directrices pour la prise de décision en matière chirurgicale. Diverses éventualités sont possibles.
Patients symptomatiques
L'indication opératoire est ici indiscutable, compte tenu de l'histoire naturelle de la maladie à ce stade qui permet de prévoir une évolution courte ne dépassant pas quelques années
. En dépit d'un risque opératoire évalué entre 5 et 10 % et d'une survie tardive inférieure à 50 % à 10 ans, la chirurgie est bénéfique comme le démontre l'évolution comparée de patients similaires opérés ou traités médicalement. Rappelons que dans la série de McGoon
, la survie actuarielle à 10 ans est de 41 % pour les opérés versus 4 % pour les non opérés. Le taux élevé d'échecs et de décès tardifs est la conséquence de l'irréversibilité de l'altération de la fonction ventriculaire gauche et témoigne d'une intervention trop tardive. Les patients ayant à la fois une forte dilatation et une dysfonction sévère du ventricule sont particulièrement à risque de mauvais résultats
, mais sauf dans les cas les plus évolués, aucun facteur pronostique clinique, radiologique, échographique ou angiographique ne permet de prévoir individuellement avec certitude le succès ou l'échec. L'amélioration est en grande partie imprévisible, ce qui justifie le recours à la chirurgie au prix d'un risque accru. Même dans les cas dont l'évolution s'avère finalement défavorable, on assiste souvent à une amélioration fonctionnelle qui peut durer plusieurs années. Aussi est-il difficile de parler d'indications dépassées.
Patients asymptomatiques ou paucisymptomatiques
L'indication opératoire est ici plus difficile à poser et on manque encore de critères absolus. D'une part, l'absence ou la modicité des symptômes peut coexister avec une altération sévère de la fonction ventriculaire gauche
justifiant par elle-même la chirurgie dans un but de préservation myocardique, d'autre part, la possibilité de longues périodes de stabilité évolutive
et le risque de complications inhérentes à la prothèse, rares mais graves
, interdisent d'opérer systématiquement, sans discrimination, toute insuffisance aortique volumineuse. L'étude des facteurs pronostiques de l'évolution spontanée et du devenir postopératoire est ici particulièrement importante, d'autant que le groupe des insuffisances aortiques asymptomatiques ou paucisymptomatiques n'est pas homogène : certains patients ont des ventricules gauches modérément distendus, à bonne fonction systolique, d'autres, au contraire, ont une forte distension ventriculaire et une altération de la fonction systolique, et c'est ce critère qui conditionne l'évolution spontanée de la maladie. En fonction de ces données, comment peut-on schématiser les indications opératoires pour ce type de patients ? Des examens simples, non invasifs, permettent de faire un premier tri : radiographie thoracique, échocardiogramme, ventriculographie isotopique. Plusieurs éventualités sont possibles.
- - Les résultats sont concordants et révèlent dès le premier examen une franche dysfonction systolique qui va habituellement de pair avec une dilatation du ventricule gauche : fraction d'éjection inférieure à 0,50, raccourcissement échographique diminué, inférieur à 0,29, diamètre télésystolique supérieur à 55 mm, index cardiothoracique supérieur à 0,58. La chirurgie ne doit pas être différée, on peut en espérer un bon résultat si la dysfonction n'est pas trop ancienne.
- - Il n'y a pas d'altération de la fonction systolique. La fraction d'éjection et le raccourcissement échographique restent normaux. On peut se limiter à une surveillance clinique, échographique et isotopique, et éventuellement à un traitement vasodilatateur. Cette attitude est licite puisqu'on peut tabler sur une évolution non compliquée prolongée et que le remplacement valvulaire réalisé sans délai dès l'apparition des premiers symptômes ou des premiers signes objectifs de dysfonction ventriculaire donne de très bons résultats .
Le type de surveillance dépend des autres paramètres dont on connaît la valeur prédictive vis-à-vis d'une possible aggravation : diamètre télédiastolique et surtout télésystolique. Henry
propose le schéma suivant : diamètre télésystolique inférieur à 45 mm, échographie tous les deux ans ; entre 45 et 49 mm échographie tous les ans ; entre 50 et 54 mm échographie tous les 4 à 6 mois ; à partir de 55 mm remplacement valvulaire. Les indications sont moins bien codifiées dans les formes avec forte dilatation sans dysfonction systolique. Bien qu'il ne soit pas démontré que la valeur pronostique des dimensions diastoliques du ventricule gauche reste valable en l'absence de dysfonction, certaines observations suggèrent un accroissement du risque de mort subite
et il paraît logique de proposer un remplacement valvulaire en cas d'augmentation extrême du diamètre télédiastolique au-delà de 75 mm. Une décision opératoire ne peut être prise sur les données d'explorations non invasives qu'après des examens répétés et concordants. Au moindre doute, il est nécessaire de recourir au cathétérisme avec angiographie.
Cas particulier des insuffisances aortiques dystrophiques
Dans l'insuffisance aortique dystrophique avec pathologie anévrismale de l'aorte ascendante, le traitement chirurgical comporte un remplacement valvulaire couplé au remplacement de l'aorte ascendante. Le remplacement partiel sus-coronarien qui laissait en place une partie du culot aortique avec risque d'évolutivité ultérieure, a été abandonné au profit du remplacement total avec réimplantation des coronaires selon diverses techniques. La mortalité précoce de telles interventions est d'environ 5 %
et la survie actuarielle à distance est estimée à 70 % à 7 ans pour Kouchoukos
, 75 % à 8 ans pour Cabrol
, 81 % à 6 ans pour Michel
. Dans cette dernière série, la survie est meilleure en cas de remplacement total que partiel (81 % vs 59 %). Dans les dysplasies valvulaires sans anévrisme, il a été démontré que l'évolution postopératoire dépend du diamètre aortique au moment de l'intervention. La survie est moins bonne dans les cas où l'aorte, sans être anévrismale est dilatée. Les lésions de médianécrose sont alors plus fréquentes. Dans une série coopérative rapportée par Michel
, parmi 49 patients dont le diamètre aortique dépasse 40 mm, une évolution ultérieure (développement d'anévrisme ou dissection) est observée 14 fois avec 8 réinterventions et 5 décès, et la survie à 4 ans n'est que de 54 %, alors que sur 40 patients dont l'aorte n'est pas dilatée, un seul évolue vers un anévrisme et la survie est de 74 %. L'indication opératoire est fortement influencée par l'étiologie. A côté des critères communs à toutes les insuffisances aortiques chroniques, tenant au volume de la fuite, aux symptômes et à la fonction ventriculaire gauche, la pathologie aortique pousse à des interventions plus précoces. En cas d'anévrisme de l'aorte ascendante, qu'il soit idiopathique ou secondaire à la maladie de Marfan, le risque évolutif propre à l'anévrisme et les bons résultats obtenus après remplacement total de l'aorte avec réimplantation des coronaires, incitent à recommander la chirurgie si l'anévrisme répond à certains critères de volume ou si le diamètre aortique augmente progressivement aux échos successifs
. La plupart des auteurs admettent que l'indication est licite, indépendamment de tout autre facteur, si le diamètre aortique atteint ou dépasse 60 mm, et qu'elle se discute entre 50 et 60 mm.
L'insuffisance aortique aiguë, habituellement d'origine infectieuse, combine deux risques simultanés : la mauvaise tolérance hémodynamique et l'évolutivité infectieuse qui peut être source d'abcès périaortique compliquant le geste opératoire. Après des tentatives isolées couronnées de succès dans les années 1960, la chirurgie de l'insuffisance aortique bactérienne aiguë est progressivement entrée dans la pratique. Les interventions réalisées à la phase bactériologiquement active de la maladie sont grevées d'un risque accru qui tend toutefois à se réduire progressivement. En 1975, Jung
rapporte 293 cas avec une mortalité précoce de 30 % en cas d'endocardite active contre 12 % dans les formes stérilisées. D'autres séries sont plus optimistes : 19 % pour Michel
, 13 % pour Richardson
, 7 % pour Cukingnan
. La mortalité précoce est plus souvent de cause hémodynamique qu'infectieuse
. La principale complication tardive est la désinsertion, pouvant conduire à des interventions itératives. En son absence, les résultats lointains sont habituellement excellents. Dans les formes opérées après stérilisation, le pronostic est lié à la date de l'intervention ; le taux actuariel de survie et de bons résultats tardifs étant plus faible pour les malades opérés plus de 6 mois après l'épisode bactérien
. La comparaison des résultats opératoires avec l'évolution spontanée est au bénéfice de la chirurgie. Richardson
rapporte une mortalité hospitalière de 13 % pour les opérés et 50 % pour les non opérés.
En présence de signes d'insuffisance cardiaque les chiffres deviennent respectivement 25 % et 66 %, mais même en leur absence les opérés ont une mortalité précoce plus faible (6 % vs 14 %). Croft
aboutit à des résultats semblables : mortalité hospitalière nulle dans le groupe opéré (sans qu'on puisse affirmer selon les critères retenus que tous ont été opérés en phase infectieuse) versus 64 % dans le groupe traité médicalement, mortalité tardive 29 % versus 79 %. Ces chiffres plaident pour des indications opératoires larges. L'idéal est de pouvoir attendre, si la tolérance hémodynamique le permet, que le traitement antibiotique ait stérilisé les lésions. Même dans ce cas, si la régurgitation est importante, l'intervention ne doit pas être différée trop longtemps, le risque de mauvais résultats tardifs étant alors important. La constatation de signes d'insuffisance cardiaque, même débutante, doit conduire à une intervention rapide, quel que soit l'état infectieux, le risque opératoire en phase septique étant moindre que celui de la poursuite du traitement médical. C'est le cas des insuffisances cardiaques régressives, avec oedème pulmonaire initial d'évolution favorable après traitement médical, pour lesquelles, en dépit de la récupération d'un état hémodynamique satisfaisant, on recommande la chirurgie après 2 à 3 semaines d'antibiothérapie
. L'indication majeure d'intervention en phase aiguë d'endocardite est la mauvaise tolérance hémodynamique. Les indications purement infectieuses ou tenant à des embolies récidivantes en l'absence de tout signe d'insuffisance cardiaque sont rares.