Hypertensions associées aux sténoses de l'artère rénale et aux atteintes rénales parenchymateuses



Pierre-François Plouin: professeur des Universités, médecin des Hôpitaux
Michel Azizi: médecin des Hôpitaux
Christiane Battaglia: attachée
Gilles Chatellier: maître de conférence des Universités, médecin des Hôpitaux
Département d'hypertension, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75674 Paris cedex 14 France
11-301-E-10 (1993)



Résumé

Le rein est le principal acteur du contrôle de la pression artérielle (PA) normale et pathologique [ 16 ] et de nombreuses maladies comportant une atteinte rénale entraînent une hypertension artérielle (HTA). Ce chapitre est consacré aux HTA associées à une atteinte rénale primitive identifiée. ll n'aborde pas les mécanismes rénaux ou les conséquences rénales de l'HTA essentielle, l'HTA associée à l'insuffisance rénale (IR) d'origine indéterminée, ni les problèmes particuliers aux HTA de l'hémodialysé ou du transplanté rénal.
Les HTA associées à une atteinte rénale incluent l'HTA rénovasculaire (RV), en principe réversible par la revascularisation, les HTA des néphropathies diffuses, de traitement symptomatique, et les HTA des atteintes rénales parenchymateuses focales, parfois améliorées par la chirurgie. La fréquence de ces HTA est difficile à estimer parce qu'elle varie avec l'âge, parce que les formes asymptomatiques peuvent être méconnues, l'HTA étant alors considérée comme essentielle, et parce que les fréquences rapportées par les séries hospitalières sont influencées par des biais de recrutement. A titre indicatif, le classement par fréquence décroissante des maladies rénales responsables d'une HTA chez l'adulte peut s'établir comme suit : la maladie RV, les néphropathies glomérulaires et la polykystose, l'ensemble hétérogène des atteintes rénales focales (hydronéphroses, séquelles de pyélonéphrites et autres), les tumeurs à rénine. Chez l'enfant, les causes dominantes sont la néphropathie de reflux et les glomérulopathies.

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Plan

Sténoses de l'artère rénale et HTA rénovasculaire
Hypertension artérielle des néphropathies parenchymateuses diffuses
HTA des néphropathies focales
Tumeurs à rénine [ 7 ]
Conclusion

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L'association d'une HTA à une sténose de l'artère rénale (SAR) et la responsabilité possible de cette dernière sont connues et recherchées depuis le travail historique de Goldblatt et coll. [ 14 ]. La coexistence d'une HTA et d'une SAR peut être néanmoins fortuite comme le montrent l'existence de sténoses chez des sujets normotendus [ 9 ] et l'échec du contrôle tensionnel après 25-38 % des revascularisations quand elles sont systématiques [ 13 ]. On définit en principe l'HTARV comme une HTA réversible par la correction de la SAR associée, une définition apparemment simple mais seulement applicable a posteriori car elle implique une série de conditions résumées dans la figure 1. En pratique, la relation éventuelle de causalité entre SAR et HTA est approchée par une enquête préalable : le diagnostic d'imputation, qui justifie ou non une tentative de revascularisation [ 32 ].

Après un bref rappel de la fréquence et de l'étiologie des maladies de l'artère rénale, nous aborderons le diagnostic de SAR, le diagnostic d'imputation et la sélection des patients pour la revascularisation.


Prévalence des SAR
Elle est estimée à partir de données d'autopsie ou par l'opacification vasculaire dans des groupes de patients sélectionnés. Holley et coll. [ 19 ] ont rapporté une prévalence des SAR de 22,4 % dans une série de 295 autopsies et Dustan et coll. [ 9 ] ont trouvé 40,2 % de SAR chez 149 patients ayant une artériographie motivée par une artérite. Dans la population générale des hypertendus, il est impossible d'avoir un document anatomique chez tous les sujets et les cas sont diagnostiqués par l'artériographie au terme d'un processus de sélection qui aboutit à des estimations beaucoup plus basses. La fréquence des SAR diagnostiquées parmi 7 455 hypertendus de Göteborg [ 2 ] et parmi 5 485 patients de l' " Hypertension Detection and Follow-up Program " [ 26 ] est de 0,6 % et 0,13 % respectivement. Ces chiffres sont tirés de l'exploration artérielle d'un petit groupe de patients ayant une mauvaise réponse au traitement et une scintigraphie rénale positive. L'estimation qui en découle n'est donc valide que si l'on admet que la prévalence des SAR est nulle chez les sujets non explorés et que la sensibilité de la scintigraphie pour le dépistage des SAR est de 100 %. En fait, ces taux sous-estiment vraisemblablement la prévalence réelle des SAR dans l'HTA. L'angiographie numérisée intraveineuse, moins agressive que l'artériographie, permet d'explorer des groupes de patients plus importants et apporte une estimation intermédiaire. Sur 2 855 patients hypertendus explorés en 1985 et 1986 dans le service d'HTA de l'hôpital Broussais, 822 ont bénéficié de cet examen et 140 avaient une ou plusieurs SAR, soit 5 % de l'ensemble du recrutement et 17 % des patients explorés [ 32 ].
La prévalence apparente des SAR tient donc à la stratégie d'exploration (elle augmente quand les patients sont explorés intensivement), aux motifs de l'exploration et à l'âge. Une prévalence élevée des SAR athéromateuses chez les patients souffrant d'artérite est attendue [ 9 ]. De même, la fréquence des SAR athéromateuses augmente logiquement avec l'âge, parallèlement à l'augmentation de la fréquence de l'athérome. Dans la série d'autopsies de la Mayo Clinic [ 19 ], les pourcentages des SAR athéromateuses dépassant 50 % sont de 9, 19, 27 et 33 % dans les tranches d'âge 20-39, 40-59, 60-79 et 80 ans et plus (p = 0,05). Parmi les patients de l'hôpital Broussais explorés par angiographie veineuse, 621 ont moins de 60 ans et 201 ont 60 ans et plus ; la fréquence des SAR athéromateuses est de 5,5 % avant 60 ans et 16,4 % à 60 ans ou plus (p < 0,05) [ 23], [32 ]. La facilité accrue de l'exploration vasculaire et le vieillissement de la population font prévoir une augmentation du nombre de cas de SAR diagnostiquées dans les prochaines années.

Etiologies des SAR
Elles sont dominées par l'athérome et les diverses formes [ 27 ] de dysplasie fibromusculaire. Les 13 séries d'au moins 50 cas de SAR traitées par dilatation publiées dans les dix dernières années [ 4], [5], [15], [22], [33 ] totalisent 1 007 patients, dont 702 avec des SAR athéromateuses (69,7 %), 266 avec des SAR dysplasiques (26,4 %), le reste (39 soit 3,9 %) se partageant entre la maladie de Takayasu, la neurofibromatose de type 1, les sténoses radiques ou traumatiques, les dissections primitivement rénales ou compliquant une dissection de l'aorte, les malformations vasculaires et les compressions extrinsèques.

Histoire naturelle des SAR
On ne connaît pas le délai d'apparition d'une SAR athéromateuse à partir du processus initial d'athérogenèse et il est probable que cette période présymptomatique varie avec l'hérédité et les facteurs de risque responsables. La constitution des SAR dysplasiques est encore plus mal connue, certaines hypothèses admettant leur origine génétique [ 27 ]. Quelle que soit l'étiologie, la PA s'élève probablement quand la SAR devient serrée, avec une évolution parallèle de la réduction de diamètre et de la sévérité de l'HTA : de fait, on tire souvent argument du caractère évolutif d'une HTA pour rechercher une étiologie RV [ 32], [49], [52 ]. Après leur diagnostic, le potentiel évolutif spontané des SAR n'est connu que dans les cas pour lesquels on a renoncé à une revascularisation, ce qui sélectionne des sujets dont le pronostic est défavorable et peut biaiser l'appréciation du risque. Cette réserve étant posée, les SAR s'aggravent avec le temps et peuvent évoluer vers la thrombose. Sur 85 patients athéromateux suivis en moyenne 52 mois, Schreiber et coll. [ 44 ] observent 37 cas de progression (44 %) dont 14 occlusions (16 %) ; le risque de thrombose étant associé à un âge élevé, à la présence d'une sténose controlatérale et d'une IR au début de la surveillance. Chez 66 patients dysplasiques suivis en moyenne 45 mois, une progression sans thrombose est présente dans 33 % des cas [ 44 ].
Une forme de maladie ischémique du rein est particulière par une évolution plus favorable : c'est l'infarctus rénal segmentaire [ 10 ]. Sa présentation la plus typique est une HTA faisant suite à une douleur lombaire aiguë avec hématurie, sans expulsion de calcul. Le diagnostic est porté sur le scanner montrant l'ischémie d'un territoire vasculaire rénal et par l'artériographie montrant souvent, mais pas toujours, la maladie artérielle responsable : thrombose de l'artère rénale ou d'une de ses branches en aval d'une sténose, d'un anévrysme ou d'un hématome disséquant. L'HTA est accélérée ou maligne mais peut évoluer vers l'amélioration ou même la guérison en quelques mois.

Diagnostic et dépistage des SAR
Une sténose dite hémodynamique ou significative doit réduire d'au moins 60 % le diamètre artériel, ou de 85 % sa section, pour affecter notablement le débit d'aval [ 41 ]. Le diagnostic de SAR est donc anatomique et repose sur l'opacification intra-artérielle, avec ou sans numérisation de l'image, qui seule, permet une quantification de la sténose. Les autres tests : urographie, angiographie veineuse, scintigraphie, Doppler, n'offrent qu'un diagnostic de dépistage mais permettent de limiter les risques de l'artériographie en la réservant aux candidats à la revascularisation. Ce dépistage lui-même ne saurait être systématique dans la population générale des hypertendus car son rendement est trop faible [ 31 ]. Il est justifié dans les HTA sévères, évolutives, résistantes au traitement, associées à un athérome symptomatique ou à des signes plus directs de SAR (souffle abdominal latéralisé) ou d'ischémie rénale (élévation de la créatininémie sous inhibiteurs de l'enzyme de conversion [IEC]).
Dans cet objectif de dépistage, l'ordre de grandeur de la sensibilité de l'urographie, de l'angiographie veineuse, de la scintigraphie et du Doppler est de 75-90 % [ 17], [48], [49 ]. L'angiographie veineuse doit comporter des clichés de face et obliques pour apporter le maximum de sensibilité [ 17 ]. Comme l'urographie, elle a l'avantage de procurer un document qui permet de juger de la qualité de l'examen et d'en obtenir une lecture contradictoire, et l'inconvénient de l'exposition aux produits de contraste iodés. La scintigraphie est souvent proposée pour le dépistage des SAR [ 2], [26 ], quoique sa sensibilité soit moins bonne dans cette indication que pour le diagnostic d'imputation (73 et 95 % respectivement chez 51 patients ayant une SAR unilatérale [ 13 ]). Malgré sa simplicité apparente et son faible coût, le Doppler est un examen trop dépendant de la compétence du " Dopplériste " pour être largement diffusé. Faute d'une comparaison prospective de ces méthodes chez un nombre suffisant d'hypertendus avec ou sans SAR, leur choix est orienté par la disponibilité de l'examen et l'expérience de l'examinateur.

Le diagnostic d'HTARV est fonctionnel : il repose en principe sur la correction de l'HTA après correction de la SAR. Certains donc proposent de traiter par dilatation endoluminale toute SAR visualisée, l'évolution permettant de confirmer en cas de succès tensionnel, ou d'infirmer en cas d'échec tensionnel, que la SAR est responsable de l'HTA [ 18], [30 ]. Cette attitude consiste à faire de la dilatation un test diagnostique et n'est acceptable que si la dilatation offre une sécurité et une efficacité, en termes de perméabilité artérielle, proches de 100 %. En fait, la dilatation est un geste agressif qui expose à des complications locales ou générales dont la fréquence varie de 3 à 10 % [ 28 ] et la somme des échecs initiaux et des resténoses, aboutissant à un échec artériel, dépasse probablement 20 %. Un souci de sécurité et d'efficacité rend donc nécessaire une approche a priori du diagnostic d'HTARV.
Ce diagnostic d'imputation repose sur la mesure de la rénine périphérique, sur la mesure des rénines dans les veines rénales ou sur la scintigraphie, ces tests pouvant être sensibilisés par un IEC. Le test au captopril mesure la baisse tensionnelle et l'ascension de la rénine en réponse à l'IEC, ces réponses étant en principe plus marquées dans l'HTARV que dans l'HTA essentielle. Ce test a fait l'objet d'une revue critique par Gaul et coll. [ 12 ] et souffre d'un défaut de standardisation qui affecte son rendement diagnostique. Le cathétérisme des veines rénales permet de mesurer le rapport des concentrations de rénine entre le côté de la SAR et le côté sain [ 29 ], ou encore le taux de rénine ajouté dans chaque veine rénale par rapport au sang veineux mêlé cave inférieur, cette deuxième méthode étant plus rarement applicable mais d'une meilleure sensibilité selon son promoteur [ 39 ]. Ce test peut être également potentialisé par un IEC. Son rendement diagnostique est diversement apprécié [ 29], [39], [42 ], les divergences pouvant s'expliquer par divers pièges méthodologiques [ 20 ]. La scintigraphie rénale avant et après IEC a été plus souvent orientée vers le dépistage que vers le diagnostic d'imputation [ 2], [18], [26 ]. Dans ce deuxième objectif, Geyskes et coll. [ 13 ] lui attribuent une sensibilité de 95 % dans les SAR unilatérales et de 86 % dans les SAR bilatérales. Ce test est probablement le plus puissant indicateur d'HTARV, mais a l'inconvénient de n'être pas partout disponible et d'être mal standardisé dans sa pratique (traceur, dose d'IEC) et ses critères d'interprétation.
La réponse au captopril de la rénine périphérique, des rénines rénales et de la scintigraphie a été comparée de façon prospective par Svetkey et coll. [ 47 ] chez 66 hypertendus dont 11 HTARV, ce diagnostic étant établi sur l'évolution favorable de la PA après revascularisation. Les sensibilités postcaptopril de la mesure de la rénine périphérique, des rénines rénales et de la scintigraphie sont de 73, 64 et 91 %, et leur spécificité de 72, 73 et 50 % respectivement. Aucun de ces tests n'ayant une bonne valeur prédictive positive [ 47 ], il est de bonne pratique clinique d'utiliser au moins deux tests d'imputation et de se fonder sur celui ou ceux qui sont positifs.

Les données cliniques qui ne sont pas particulières à la pathologie RV (espérance de vie, risque anesthésique, problèmes de voie d'abord artérielle) ne sont pas abordées. La discussion est centrée sur l'angioplastie transluminale (ATL), la revascularisation chirurgicale tendant à se réserver les atteintes ostiales ou de branche, les SAR associées à un anévrysme aortique ou de l'artère rénale, et les échecs de la dilatation [ 36 ]. En termes de faisabilité, de sécurité et d'efficacité tensionnelle de l'ATL, une nette distinction doit être faite entre les SAR dysplasiques et athéromateuses. Une revue récente de la littérature montrait qu'il existe un consensus sur la supériorité des résultats obtenus par l'ATL au cours des SAR dysplasiques par opposition aux SAR athéromateuses, et sur sa relative innocuité dans les premières [ 40 ]. En revanche, la guérison d'une HTA par dilatation d'une SAR athéromateuse est l'exception, la règle étant l'amélioration partielle des chiffres tensionnels, amélioration qui est parfois obtenue à moindre frais par l'adaptation du traitement médical [ 4 ]. La question posée par les SAR athéromateuses est donc celle des mérites respectifs, en termes d'efficacité, de sécurité et de coût, à moyen et à long terme, de l'ATL et du traitement conservateur. Cette question ne peut trouver de réponse que par un essai comparatif randomisé. Dans l'attente des résultats d'un tel essai, la décision de dilater ou de s'en tenir à un traitement médical peut être orientée par l'objectif poursuivi.

Objectif tensionnel
C'est en principe la guérison, c'est-à-dire une PA normale sans traitement. Dans l'ensemble des séries publiées concernant l'ATL de SAR athéromateuses, cet objectif n'était atteint que dans 15 % des cas, les échecs et les " améliorations " représentant 30 à 55 % respectivement (tableau I). Malgré les efforts de standardisation du " Working Group on Renovascular Hypertension " [ 53 ], il est difficile d'évaluer objectivement le bénéfice tensionnel dans les cas où il y a " amélioration " sans guérison [ 4 ]. Les obstacles sont la diversité et la variation inter- et intrapatient des traitements, l'accoutumance à la mesure et la régression vers la moyenne : ces facteurs d'incertitude et ces biais sont parfaitement connus dans les essais de médicaments : ils sont présents et néanmoins négligés dans l'évaluation de l'ATL.


Objectifs rénaux
Ce sont, à court terme, l'amélioration de la fonction rénale, et à long terme, la préservation du rein ischémique. Ces objectifs sont distincts puisque, par le biais de modifications de l'hémodynamique globale et du retrait de certains traitements, une amélioration de la fonction rénale peut se voir après néphrectomie [ 46 ]. L'évaluation objective du résultat fonctionnel rénal d'une revascularisation est difficile car l'étude séparée des reins soulève divers problèmes méthodologiques et les traitements antihypertenseurs ont un effet propre sur cette fonction. En ce qui concerne la fonction rénale globale, seule l'étude de Canzanello et coll. [ 5 ] rapporte l'évolution à moyen terme (en moyenne 2 ans avec des extrêmes de 1 à 63 mois) de la fonction rénale de tous les patients dilatés avec succès (pas de données sur la fonction rénale en cas d'échec technique). Dans les SAR unilatérales, la première et la dernière créatinine sont de 14 +/- 1 et 16 +/- 2 mg/l ; dans les SAR bilatérales, de 21 +/- 3 et 24 +/- 5 mg/l, et dans les SAR sur rein unique, de 45 +/- 6 et 49 +/- 10 mg/l respectivement. Ces différences ne sont significatives ni cliniquement ni statistiquement si bien que l'ATL n'a pas d'effet démontré sur la fonction rénale à court ou moyen terme. L'objectif de protection rénale doit être envisagé avec prudence car il concerne souvent des patients âgés, souffrant d'atteintes polyvasculaires et vulnérables aux complications de l'abord artériel.

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L'HTA est fréquemment associée aux néphropathies parenchymateuses aiguës et chroniques, sa fréquence croissant avec la dégradation de la fonction rénale. Les néphropathies les plus fréquemment associées à une HTA sont les maladies glomérulaires et la polykystose rénale.

Orofino et coll. [ 37 ] ont comparé la prévalence de l'HTA chez 288 patients souffrant d'une glomérulopathie chronique primitive, identifiée par biopsie, et chez 3 477 sujets appariés pour le sexe et l'âge. Globalement, une HTA est présente chez 23,3 % des patients et 12,8 % des témoins (p < 0,01). Dans le détail, les fréquences par étiologie sont les suivantes : 44 % dans les gloméruloscléroses focales, 40 % dans les glomérulonéphrites extracapillaires, 33 % dans les membranoprolifératives, 24 % dans les membraneuses et la néphropathie à IgA, 15 % dans les dépôts mésangiaux d'IgM, 2 % dans les lésions glomérulaires minimes. La prévalence de l'HTA est similaire en présence ou en l'absence d'hématurie ou de syndrome néphrotique. En revanche, l'HTA est très fortement liée à l'IR, sa prévalence étant de 12,7 % chez les patients dont la créatininémie est inférieure à 124 mol/l et de 76 % chez les sujets à créatininémie plus élevée (p < 0,001).
Cette liaison pose un problème de causalité : l'HTA est-elle le témoin d'une maladie plus évoluée et la conséquence de l'IR, ou joue-t-elle un rôle direct dans la dégradation de la fonction rénale ? Les données d'observation, montrant que l'évolution vers l'IR est plus rapide quand une HTA est initialement présente [ 37 ], et les résultats des premiers essais prospectifs de néphroprotection [ 3], [24 ] indiquent un rôle pathogène de l'HTA et militent en faveur de son contrôle attentif. Il faut noter que ce contrôle est souvent difficile, les néphropathies parenchymateuses diffuses étant une cause commune d'HTA réfractaire, l'association d'un IR justifiant une polythérapie et le recours habituel à des doses importantes de diurétiques de l'anse. Il est possible que les IEC soient plus efficaces que les autres antihypertenseurs, à niveau tensionnel égal, pour retarder l'apparition de l'IR [ 24 ].

La coexistence d'une HTA et d'un diabète est plus fréquente qu'une association aléatoire et l'HTA accélère l'évolution vers la néphropathie diabétique [ 52 ]. La relation entre le niveau de la PA et l'atteinte rénale est particulièrement critique dans le diabète insulinodépendant [ 11 ]. Les sujets atteints, généralement jeunes, ont le plus souvent une PA normale lors de la découverte du diabète et de l'institution du traitement par l'insuline.
Selon la norme conventionnelle d'une PA > 160/95 mmHg, l'HTA apparaît tardivement, souvent en même temps qu'une protéinurie clinique, et ces deux événements de mauvais pronostic sont précédés d'une assez longue période de microalbuminurie [ 11 ]. Cette séquence soulève la question de l'utilité d'un traitement hypotenseur à un stade préhypertensif.
Des études rétrospectives et des essais non contrôlés ont suggéré qu'un traitement précoce de l'HTA permet de retarder la survenue de la néphropathie diabétique, ou, quand elle est présente, d'en retarder l'évolution vers l'IR terminale [ 38 ]. De nombreux essais contrôlés à court terme, fondés sur un critère de substitution, la microalbuminurie, montrent que le traitement antihypertenseur permet de réduire cette dernière et vraisemblablement l'hyperfiltration dont elle est le témoin [ 34 ]. Ces données ont deux interprétations : la réduction de la microalbuminurie peut être le témoin d'une modification hémodynamique masquant l'évolution de la néphropathie, ou bien le témoin d'un ralentissement réel de l'atteinte glomérulaire. La preuve directe de cette seconde hypothèse, c'est-à-dire la valeur de néphroprotection du traitement requiert un essai contrôlé montrant la réduction du nombre de patients évoluant vers l'IR terminale ou la réduction sur plusieurs années de la pente de déclin de la filtration glomérulaire. Une première étude de ce type compare l'énalapril au métoprolol et donne l'avantage à l'IEC [ 3 ] : dans un petit groupe de 40 diabétiques ayant une néphropathie clinique avec protéinurie et IR, l'énalapril a réduit le débit de protéinurie par rapport au métoprolol et la décroissance du débit de filtration glomérulaire mesuré par l'EDTA [ 51 ] Cr. Cette donnée demande à être confirmée sur une plus grande échelle et à un stade plus précoce. Le cas échéant, la néphropathie diabétique serait la première glomérulopathie hypertensive accessible à la prévention.

La polykystose rénale autosomique dominante est la néphropathie familiale la plus fréquente : la prévalence du phénotype est de l'ordre de 1 ce qui implique que plus de 50 000 personnes sont atteintes en France. Elle entraîne dans un cas sur deux une HTA précoce, peut se compliquer d'hématurie, d'abcès rénal ou de lithiase, et surtout évoluer vers l'IR [ 8 ] : elle est responsable de 10 % des IR de l'adulte [ 45 ]. On a longtemps pensé que la moitié des sujets atteints évoluait vers l'IR terminale avant la cinquantaine. En fait, cette évolution est moins fréquente et plus tardive [ 6 ] : la maladie est cliniquement et génétiquement hétérogène [ 45], [51 ] et la diffusion de l'échographie et des marqueurs génétiques permet de dépister des formes asymptomatiques [ 6], [45 ]. L'HTA étant généralement antérieure à l'insuffisance rénale [ 8], [35 ], on peut ici encore soulever l'hypothèse d'une relation entre le niveau de la PA et l'évolution de la fonction rénale. Cette hypothèse est en cours d'examen par un essai contrôlé.

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Ce terme descriptif regroupe les maladies de l'enfance qui laissent à titre de séquelle lointaine des cicatrices rénales [ 21], [43 ] : désorganisation calicielle avec calices en massue et rétraction papillaire entraînant une atrophie corticale segmentaire. Sont en cause des infections parenchymateuses aiguës, associées ou non à un reflux, uni- ou bilatérales. Sans préjuger de la part respective d'une maladie congénitale et de l'infection (pour ce débat nosologique, voir [ 1 ]), ce cadre inclut les séquelles de pyélonéphrites, la néphropathie de reflux et l'hypoplasie rénale segmentaire. Longtemps après la stabilisation des lésions dysplasiques, infectieuses ou inflammatoires, ces séquelles entraînent une HTA avec une fréquence de 10 à 20 % [ 21 ] et exposent ultérieurement à l'IR. L'histologie, montrant une hypertrophie des appareils juxtaglomérulaires [ 25 ], et l'exploration hormonale [ 43 ] indiquent que l'HTA est rénine-dépendante, liée à l'ischémie focale au niveau des cicatrices corticales.
Ces cas relèvent d'un traitement symptomatique antihypertenseur et, si nécessaire, anti-infectieux. La chirurgie antireflux fait partie du traitement de protection rénale s'il existe des infections urinaires ou des pyélonéphrites répétées, mais elle n'entraîne que rarement une amélioration tensionnelle [ 25 ]. La résection d'un petit rein unilatéral ne doit être envisagée que si la scintigraphie lui attribue une fonction négligeable, si la mesure des rénines dans les veines rénales indique une latéralisation du côté du petit rein et si ce traitement a une justification anti-infectieuse. L'abstention chirurgicale s'impose dans les atteintes bilatérales parce que la préservation de la réserve rénale prime sur le traitement étiologique de l'HTA.

La ligature de l'uretère entraîne chez le chien une HTA rénine-dépendante qui disparaît après quelques semaines. On rapporte également chez l'homme des cas d'HTA suivant une hydronéphrose aiguë, et améliorée par la levée de l'obstacle. L'hydronéphrose chronique est en revanche une cause rare d'HTA. Comparant 101 patients porteurs d'une hydronéphrose unilatérale à 101 témoins appariés pour l'âge et le sexe, Wanner et coll. [ 50 ] ont trouvé des fréquences similaires d'HTA (20 et 23 % respectivement). Le suivi à court terme (3 semaines) de 26 patients opérés a fait apparaître 20 normalisations tensionnelles, 5 améliorations et 1 échec. On ignore malheureusement le suivi à long terme. Enfin chez 15 patients ayant bénéficié d'une mesure de la rénine dans les veines rénales, un gradient de rénine supérieur à 1,5 du côté de l'hydronéphrose prédisait la guérison. En conséquence, une minorité seulement des hydronéphroses s'accompagne d'HTA ; la discussion chirurgicale doit laisser la priorité à la cure de l'obstacle dans un but de préservation fonctionnelle ; une amélioration de la PA peut être attendue de surcroît, notamment si l'on peut montrer en préopératoire une latéralisation de la sécrétion de rénine.

Des HTA sont rapportées en association avec la tuberculose rénale, l'encapsulation fibreuse des reins à titre de séquelle d'hématome ou d'infection, les kystes solitaires volumineux, la ptose rénale. La causalité de l'association et son mécanisme demandent l'étude critique de chaque cas particulier. Une artériographie est nécessaire pour rechercher une SAR car on rapporte l'association d'une SAR dysplasique homolatérale à la ptose rénale ou controlatérale à l'hypoplasie rénale [ 27 ] ; ces cas relèvent de la revascularisation et non de la chirurgie urologique. Comme on l'a vu plus haut, la scintigraphie rénale quantitative et la mesure de la rénine dans les veines rénales sont des éléments nécessaires à la discussion opératoire qui doit toujours être guidée par l'économie du parenchyme rénal.

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Ces tumeurs rares sont développées à partir de l'appareil juxtaglomérulaire et sécrètent de la prorénine et de la rénine active. Elles se manifestent par une HTA sévère, parfois maligne, totalement réversible par la chirurgie quand il ne s'agit pas d'une sécrétion paranéoplasique. L'orientation est donnée par un hyperaldostéronisme secondaire avec hypokaliémie franche, hyperaldostéronisme et hyperréninisme. L'activité rénine plasmatique ou la concentration de rénine active sont généralement très élevées, mais cet argument peut manquer si la tumeur est peu différenciée et sécrète principalement de la prorénine : il est nécessaire pour cela de mesurer la rénine totale après cryoactivation ou trypsinisation du plasma. Le tableau biologique oriente généralement vers une ischémie rénale mais l'artériographie ne montre pas de SAR ou d'infarctus rénal. Il est rare que l'artériographie opacifie la tumeur qui est petite (de l'ordre du centimètre), corticale, souvent vascularisée par le cercle exorénal et peu vasculaire. Le diagnostic d'imagerie repose sur le scanner montrant une image tissulaire, hypodense, voisine de la corticale, pouvant se prolonger en coin vers la médullaire.

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Les HTA d'origine rénale représentent plus de la moitié du total des HTA secondaires. Elles sont diverses dans la présentation clinique, le pronostic et les ressources thérapeutiques. La majorité relève d'un traitement symptomatique, l'atteinte anatomique ou ischémique rénale et la présence fréquente d'une IR justifiant des précautions dans le choix et la dose des médicaments antihypertenseurs. D'autres, comme la néphropathie diabétique, sont probablement des indications électives des IEC.
Une minorité relève d'un traitement curateur : les HTA associées aux SAR dysplasiques et à des cas sélectionnés de SAR athéromateuses et d'hydronéphrose. Dans ces cas, les indications chirurgicales ou d'ATL doivent être discutées individuellement, en fonction du bénéfice attendu sur la PA et la fonction rénale, en tenant compte des explorations biologiques et scintigraphiques autant que de l'imagerie. La confrontation des données cliniques, fonctionnelles et d'imagerie au sein d'une équipe multidisciplinaire entraînée offre les meilleures garanties d'efficacité et de sécurité.

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