Physiologie et pathologie du cordon
ombilical
A Fournié
L Connan
V Toffani
O Parant
Résumé. – Les auteurs reprennent l’anatomie, la physiologie et les anomalies du mécanisme de fermeture du
cordon à la naissance, pour la compréhension des accidents de la reproduction dans lesquels le cordon est
impliqué et l’interprétation de données cliniques et échographiques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : cordon ombilical, procidence du cordon, artère ombilicale unique, malformations foetales,
funiculite.
Introduction
Le cordon ombilical est la tige conjonctive qui relie le foetus au
placenta. C’est un organe vital. Aussi, est-il étonnant de constater
que les ouvrages d’obstétrique soient étonnamment discrets sur sa
structure et sa physiologie. Le mécanisme de l’occlusion de ses
vaisseaux à l’accouchement reste assez mal connu.
La pathologie du cordon est en revanche plus détaillée [3, 9, 16, 18, 20, 30].
Nombre de ses anomalies peuvent être à l’origine d’accidents de la
reproduction, parfois source de litiges, ou poser des problèmes
d’interprétation d’images échographiques. Une bonne connaissance
de la question est nécessaire pour comprendre les variations par
rapport à la normale, leurs conséquences, et donner une information
éclairée aux patientes.
Anatomie descriptive
Le cordon ombilical relie la face foetale du placenta à l’ombilic de
l’enfant. C’est une longue tige blanchâtre, visqueuse, parsemée de
nodosités irrégulières et torsadée. Sa longueur varie d’un sujet à
l’autre : 50 cm environ en moyenne (57 ± 15 cm). Il présente un
aspect spiralé très net. Strong et al [38] ont récemment défini un index
de spiralisation (umbilical coiling index) : il est égal normalement à
0,21 ± 0,07 (DS) spires/cm et ils considèrent que l’index doit être
compris entre 0,1 et 0,3/cm.
L’épaisseur du cordon est variable, égale à 1,5 cm en moyenne. Il
peut être anormalement gros ou grêle.
Il s’insère sur le placenta en un point variable. On distingue trois
zones concentriques, au niveau de la plaque choriale (fig 1) :
– une zone centrale où s’insèrent environ 58 % des cordons ;
– une zone paracentrale où s’insèrent environ 39 % des cordons ;
– une zone marginale où s’insèrent 2 % des cordons.
Dans 1 % des cas, le cordon s’insère sur les membranes : ce sont les
insertions vélamenteuses.
Alain Fournié : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Laure Connan : Praticien hospitalier.
Olivier Parant : Praticien hospitalier.
Service de gynécologie-obstétrique, hôpital de La Grave, place Lange, 31052 Toulouse cedex, France.
Vincent Toffani : Ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux.
Structure
Le cordon ombilical est constitué par divers éléments.
REVÊTEMENT AMNIOTIQUE
Ce revêtement est un revêtement unicellulaire, cubique, comparable
au revêtement amniotique des membranes. Il est indissociable du
reste du cordon, à l’inverse de l’amnios des membranes, qui est
dissociable du chorion. À proximité de l’ombilic, il s’épaissit et
devient pluricellulaire [3].
GELÉE DE WHARTON
C’est un tissu conjonctif myxoïde, avasculaire, fortement hydraté. Il
dérive du mésoblaste extraembryonnaire. La gelée de Wharton est
composée d’une substance riche en polysaccharides (chondroïtine-
6-sulfate et dermatane-sulfate), déposée dans un fin réseau de
microfibrilles et comportant un peu de collagène.
Elle comporte des myofibroblastes et des mastocytes, plus nombreux
autour des vaisseaux, et quelques macrophages. Les myofibroblastes
[39] sont des cellules fusiformes ou stellaires, qui ont à la fois
des potentialités de fibroblastes et de cellules musculaires lisses. Ils
sont connectés entre eux par de longs prolongements terminés par
des gap-junctions. Ils sont riches en organites et synthétisent à la fois
Zone
marginale
Zone
paracentrale
Zone
centrale
0,57 R
0,816 R
1 Zones d’insertion du cordon
(R représente le rayon
moyen du disque placentaire).
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 5-073-A-10
5-073-A-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Fournié A, Connan L, Toffani V et Parant O. Physiologie et pathologie du cordon ombilical. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Obstétrique, 5-073-A-10, 2001, 9 p.
les précurseurs du collagène, protéoglycanes et glycoprotéines, et
l’actine et la myosine. Ils servent d’adventice aux vaisseaux du
cordon qui en sont dépourvus. Leurs propriétés contractiles font
supposer qu’ils ont un rôle dans la régulation du débit ombilical [39].
C’est elle qui donne au cordon sa tonicité. Son degré d’hydratation
dépend de l’osmolarité du liquide amniotique.
DEUX ARTÈRES
Elles s’enroulent autour de la veine. Leur diamètre est à terme
d’environ 4,5 mm (4,6 mm du côté foetal et 4,4 mm du côté
maternel). Elles font saillie sous l’amnios. Ces artères présentent à la
coupe des parois épaisses composées de myofibrilles, sans fibres
nerveuses décelables. Les artères sont relativement pauvres en
élastine et en collagène (ce qui est important dans la rapidité avec
laquelle elles modifient leur forme et leur taille à la naissance).
Les fibres musculaires sont regroupées en faisceaux de direction
variable [33, 34] :
– on distingue tout d’abord des fibres longitudinales et des fibres
transversales. Ces fibres se disposeraient selon cinq couches
musculaires : trois couches circulaires, séparées par deux couches
longitudinales. La couche musculaire longitudinale la plus interne
joue un rôle dans la fermeture du cordon à la naissance, alors que la
couche circulaire interne joue un grand rôle dans la régulation du
flux ;
– à l’extérieur, existe un grand faisceau de fibres, enroulé en spirale,
qui donne au cordon ses torsades. Il émet quelques prolongements
dans la gelée de Wharton ;
– enfin, encore plus externe, existe un faisceau plus ténu, également
spiralé, mais dont le pas est plus petit, qui donne à l’artère ses spires.
Il y a donc quatre sortes de formations musculaires, dont la
réactivité est sans doute différente, et dont le rôle est sans doute
différent dans la régulation du débit et dans les processus qui
conduisent à la fermeture des vaisseaux.
UNE VEINE
Sa lumière est souvent aplatie à la section du cordon. La veine est
plus large que les artères. Elle est pourvue d’une couche élastique
sous-intimale. Elle comporte plus de fibres circulaires que de fibres
longitudinales.
Les cellules endothéliales des artères, comme celles des veines, sont
particulièrement riches en organites.
Les vaisseaux du cordon n’ont pas de vasa vasorum.
STRUCTURES VESTIGIALES
On peut observer dans le cordon ombilical :
– des vestiges du canal allantoïdien (ouraque) : ils sont assez
fréquents ;
– des vestiges du canal vitellin ou canal omphalomésentérique : ils
sont plus rares. Ce canal possède un revêtement cubique mucipare.
Il est souvent discontinu. On l’observe surtout près du placenta.
Les figures 2, 3, 4, 5 et 6 montrent des aspects anatomiques et
échographiques du cordon.
Physiologie
CIRCULATION INTRACORDONALE
Les artères ombilicales sont en continuité avec l’aorte. Au niveau du
placenta, à proximité de celui-ci (dans les 2 cm), elles s’anastomosent
ensemble. Il peut s’agir d’une fusion partielle ou d’une véritable
anastomose. Cette anastomose est importante pour égaliser les flux
sanguins entre les deux artères et pour distribuer le sang aux
différents lobules placentaires. La veine ombilicale ramène le sang
oxygéné placentaire au canal d’Arantius.
Le flux sanguin foetal à travers le placenta est estimé à 500 mL/min
environ. Le débit ombilical est apprécié différemment selon qu’on
l’exprime par unité de poids en se référant uniquement au foetus,
ou à l’ensemble foetus-placenta. En se référant au foetus, il a été
chiffré à 180-200 mL/kg/min ; en se référant à l’ensemble, il a été
chiffré par certains à 110-120 mL/kg/min, par d’autres à
70-75 mL/kg/min [5]. Il représente 40 % du débit cardiaque foetal en
fin de grossesse (45 % au cours de la grossesse plus jeune).
Les « ondées » systoliques agitent les artères ombilicales, modifiant
la pression dans la veine en raison de la disposition spiralée des
vaisseaux (effet de pompe).
¦ Rhéologie [12, 13]
La circulation ombilicale est une circulation à faibles résistances
(fig 7).
Le diamètre des artères ombilicales diminue très légèrement entre le
pôle foetal et le pôle placentaire : de 0,46 à 0,44 cm à 39 semaines
d’aménorrhée (SA), ce qui modifie la vitesse d’écoulement.
L’index de résistance n’est pas constant d’une extrémité à l’autre du
cordon ombilical : il diminue en effet du pôle foetal au pôle
placentaire en raison d’une augmentation du flux diastolique,
parallèlement à une diminution du flux systolique. Cette variation
2 Coupe histologique du
cordon.
3 Échographie montrant
en coupe le cordon ombilical,
au sein du liquide amniotique.
Les trois vaisseaux
sont bien visibles.
4 Échographie montrant
l’insertion ombilicale du
cordon. La veine ombilicale
est particulièrement bien
visible.
5-073-A-10 Physiologie et pathologie du cordon ombilical Obstétrique
2
des index entre les pôles s’accentue lorsque la résistance placentaire
(plus particulièrement dans les villosités terminales) augmente. La
longueur du cordon intervient aussi, et plus la longueur du cordon
est grande, plus cette diminution doit être importante. La
localisation de la mesure est un facteur important dans
l’interprétation des mesures de l’index de résistance.
L’étude spectrale montre que normalement un flux continu
diastolique est présent, ce qui signifie que le territoire irrigué est de
faible résistance Un flux télédiastolique devient constamment
présent à partir de 14-16 SA, en relation avec le développement des
vaisseaux villositaires de troisième ordre. On observe ensuite une
élévation progressive du flux diastolique ombilical en rapport avec
l’expansion de la circulation foetoplacentaire.
¦ Variations d’ordre physiologique
Le débit varie en fonction [41] :
– des rythmes nycthéméraux ;
– de la pression artérielle : il existe une relation linéaire entre la
pression artérielle moyenne du foetus et le débit ombilical (1 mmHg
d’augmentation accroît le débit de 6 mL/kg/min) ;
– du rythme cardiaque : une augmentation de 1 battement/min
augmente le débit de 1 mL/kg/min ;
– des mouvements respiratoires foetaux : ils interviennent
essentiellement par les modifications du rythme cardiaque foetal
(RCF) qu’ils entraînent.
¦ Variations d’ordre pharmacologique [5, 36, 41]
Les études sur la réactivité des vaisseaux sont très difficiles à réaliser.
Sur l’animal intact, les drogues entraînent des effets systémiques, et
un effet funiculaire direct est difficile à individualiser. Sur les
fragments de cordon prélevés, les résultats varient selon que l’on
étudie un vaisseau entier (avec son endothélium, qui élabore des
substances vasoactives), une paroi musculaire isolée (sans
endothélium), ou les différents faisceaux musculaires. Enfin, la gelée
de Wharton peut aussi intervenir.
Globalement, peu de substances ont une action sur le cordon
ombilical [36]. Cette absence d’action provient essentiellement de
l’absence de vascularisation (pas de vasa vasorum). La musculature
des vaisseaux peut être stimulée soit par les sécrétions des
mastocytes (sérotonine, histamine et prostaglandines [PG]), soit par
celles de l’endothélium.
5 Échographies (A, B, C, D) montrant différents aspects
dus à la spiralisation du cordon.
*A
*D
*C
*B
6 Aspect dû à la spiralisation en doppler couleur.
7 L’image spectrale, à gauche du cliché échographique, montre bien la persistance
d’un important flux diastolique (doppler ombilical).
Obstétrique Physiologie et pathologie du cordon ombilical 5-073-A-10
3
Variations dues à des actions systémiques
Les drogues, tels les dérivés adrénergiques, de même que l’hypoxie,
modifient le débit ombilical en modifiant la pression artérielle et le
RCF [36]. Ainsi, l’hypoxie légère entraîne une vasoconstriction, une
augmentation de la pression artérielle, et par là une augmentation
du débit ombilical. Cette augmentation s’observe malgré une
bradycardie légère. En revanche, l’hypoxie sévère entraîne une
bradycardie importante et de ce fait le débit diminue.
D’autres drogues, telles la sérotonine, l’angiotensine II, les PG, la
bradykinine, diminuent le flux ombilical. Ces drogues entraînent
une augmentation de la pression artérielle et une diminution du
RCF, mais elles agissent aussi directement : en effet, l’atropine, qui
supprime l’augmentation de la pression artérielle et la diminution
du RCF, ne change pas les modifications induites.
Variations dues à des actions directes
White [43] a étudié la réponse vasoconstrictrice de fragments d’artères
ombilicales isolés et perfusés. La sérotonine est l’agent dont l’action
est la plus durable et la plus puissante ; elle ne donne pas de
tachyphylaxie. La bradykinine a également une action nette, mais
moins durable, sans tachyphylaxie. L’histamine et les PGF2a, E2 et
D2 sont également des agents puissants, mais elles présentent une
tachyphylaxie. L’angiotensine II, l’ocytocine et la vasopressine n’ont
guère d’action. Des variations dans la réponse existent avec l’âge de
la grossesse [43]. Avant terme (£ 35 SA), l’histamine et les PG sont
moins actives, l’angiotensine II a une action modérée.
La réponse aux PG a été très étudiée [42]. La PGE2 et la PGF2a sont
modérément vasoconstrictrices ; les endoperoxydes et les
tromboxanes (TX)A2 sont beaucoup plus actifs. La PGE1 a une action
vasodilatatrice [40], de même que la prostacycline (PGI2). Celle-ci
serait le facteur physiologique essentiel maintenant la vasodilatation
permanente des vaisseaux ombilicaux. Pour certains, les PGE1 et I2
ont des actions diphasiques : à faibles doses, elles sont
vasodilatatrices, à fortes doses vasoconstrictrices.
Izumi et al [21] ont dissocié, en étudiant l’histamine, dont le cordon
est riche, le rôle de la paroi musculaire des vaisseaux et celui de leur
endothélium. Globalement, l’histamine entraîne un relâchement des
vaisseaux ombilicaux, mais cette réponse est modérée et suivie par
une contraction importante. La réponse est le résultat, d’abord d’un
effet direct sur le muscle, vasoconstricteur, puis d’un effet sur
l’endothélium, vasodilatateur, dû à la libération d’endothelialdependent
relaxing factor (EDRF) ou de monoxyde d’azote (NO). La
quantité d’EDRF libérée diminue avec l’âge de la grossesse, de
même que la sensibilité du muscle. La diminution de la sensibilité à
l’EDRF devient très importante à l’approche du terme.
C’est au niveau de la veine ombilicale que la production par
l’endothélium de PG vasodilatatrices et d’autres médiateurs (EDRF)
est importante [42]. Cette production est diminuée dans les cas de
prééclampsie, de retard de croissance intra-utérin (RCIU) et de
diabète. Elle serait également diminuée dans les cas de tabagisme.
Une activation des récepteurs du TXA2, que l’on sait présents dans
la veine, peut être associée dans cette diminution.
PROCESSUS DE FERMETURE DU CORDON
Des phénomènes pharmacologiques et des phénomènes mécaniques
peuvent intervenir. Les facteurs mécaniques ont surtout été mis en
évidence par Roach [33, 34]. Ses travaux reposent sur l’étude de la
réponse des différents faisceaux musculaires, isolés par dissection,
et non sur celle du cordon entier.
Des études physiques indiquent tout d’abord que ce sont les fibres
longitudinales, et non les fibres circulaires, qui ferment la lumière
du cordon. Cette fermeture, par ailleurs, n’est pas uniforme. Les
agents stimulant la contraction des fibres longitudinales sont rares :
l’adrénaline, la noradrénaline, la bradykinine, l’histamine, la
vasopressine et l’ocytocine n’ont que très peu d’effet ; les variations
d’oxygène, dans les limites physiologiques, sont dénuées d’action.
Le principal agent stimulant la contraction des fibres longitudinales
est l’étirement.
Parmi les agents testés sur les fibres circulaires :
– l’oxygène entraîne une contraction à une concentration de 20 à
95 %, une dilatation à 0-10 % ; le gaz carbonique n’a pas d’action ;
– l’adrénaline, la noradrénaline, la vasopressine entraînent une
contraction ;
– la température n’a pas d’effet, ni l’étirement.
Les grands faisceaux spiralés sont très difficiles à étudier (leur
dissection est impossible). En revanche, les petits faisceaux spiralés
sont très sensibles aux variations thermiques : ils pourraient parfaire
l’occlusion des vaisseaux à la naissance.
On peut regretter que Roach [33] n’ait pas étudié, dans les travaux
cités, la sérotonine, à laquelle White [43] fait jouer un rôle essentiel,
en raison de la durée de son action et de l’absence de tachyphylaxie.
La réactivité de la veine a également été étudiée [42]. Le TXA2, la
sérotonine et la bradykinine pourraient contribuer à la
vasoconstriction ; la vasoconstriction qu’ils induisent pourrait être
médiée par les autacoïdes libérés en réponse à des stimuli physiques
(étirement, refroidissement).
Anomalies morphologiques [3, 16, 20, 30]
APLASIE
L’aplasie, ou agénésie, est très rare. Elle s’intègre dans un cadre
polymalformatif et se voit en général dans les avortements. Dans les
cas très exceptionnels où le foetus arrive à terme, il est directement
accolé au placenta par sa face ventrale, et présente souvent une
éventration.
ANOMALIES DE LONGUEUR
¦ Cordon court
On parle de cordon court lorsque la longueur est inférieure à 30 cm
(1 % des cas). Un cordon sur 5 000 mesure moins de 20 cm. Le
cordon est épais, trapu, « gras ». Cette brièveté expose à des
accidents lors des versions par manoeuvres externes ou lors de
l’accouchement : allongement de la durée du travail, défaut de
progression, anomalies de la présentation, troubles du RCF,
décollement placentaire... Une souffrance foetale peut être liée à deux
mécanismes : gêne circulatoire par étirement du cordon, ou
hématome rétroplacentaire en regard de l’insertion funiculaire, dû
aux tractions répétées.
¦ Cordon long
Il mesure plus de 70 cm pour certains (6 à 7 %), plus de 1 m pour
d’autres (1 %). Le cordon est en général maigre, aplati, pauvre en
gelée. Il favorise les accidents périnatals, notamment les circulaires
et les procidences. La longueur excessive du cordon, le nombre de
spires et l’index de spiralisation sont corrélés avec le risque
d’acidose respiratoire [1].
ANOMALIES DE DIAMÈTRE
Un cordon maigre a un diamètre inférieur à 1 cm. Il se voit en
général dans les cas de RCIU. On peut aussi l’observer dans les
insertions vélamenteuses.
Un cordon « gras » a un diamètre supérieur à 2 cm. Le cordon est
oedématié, l’oedème pouvant être limité ou généralisé. Un cordon
très infiltré peut accompagner une anasarque foetoplacentaire ou une
macrosomie.
Anomalies des vaisseaux du cordon
ARTÈRE OMBILICALE UNIQUE (AOU)
Connue depuis Vésale, c’est l’anomalie la plus fréquente (fig 8).
5-073-A-10 Physiologie et pathologie du cordon ombilical Obstétrique
4
¦ Fréquence
La fréquence de l’AOU est sans doute comprise entre 0,7 à 1 % des
foetus après 28 SA. La littérature [14, 16] donne une fréquence allant de
0,2 à 1,1 %. Plusieurs phénomènes expliquent cette fourchette. La
fréquence varie avec les conditions d’examen. On peut rechercher
l’AOU en vision directe, à l’état frais. On peut la rechercher après
fixation par du formol ou de l’acide acétique. En 1969,
Kristoffersen [26] note la fréquence à l’oeil nu, pour un observateur
« habituel » à 0,37 %, alors qu’elle était à 1,15 % après fixation par
du formol. On peut enfin la rechercher après des études
microscopiques.
Le second facteur de variation est le lieu d’observation. Les deux
artères ombilicales peuvent fusionner à leur partie distale,
placentaire, en un tronc unique qui va se diviser ensuite en deux
branches. Si l’examen est réalisé dans les 3 cm de l’insertion
placentaire, on peut croire à une AOU alors que les deux artères ont
déjà simplement fusionné [8, 16].
D’autres facteurs de variations existent. Un facteur racial a été
avancé : aux États-Unis, la fréquence est au moins double chez les
Blanches [3]. Mais il n’y a pas de facteur familial, ni génétique.
L’AOU est plus fréquente en cas de diabète maternel. Elle est aussi
plus fréquente dans les grossesses gémellaires. La fréquence serait
multipliée par trois ou quatre par rapport aux grossesses uniques. Il
est possible que cette augmentation de fréquence soit en relation
avec la plus grande fréquence des anomalies d’insertion du cordon.
Toutes les variétés de grossesses gémellaires sont concernées, mais
c’est le plus petit jumeau qui, en général, a une AOU.
¦ Relation avec des anomalies foetales
Le risque de malformations est multiplié globalement par sept. La
fréquence des anomalies associées à l’AOU est appréciée entre 17 et
50 % [3, 6, 14, 16]. Les anomalies sont fréquemment multiples. Toutes les
anomalies peuvent s’observer : anomalies chromosomiques (trisomie
18 notamment), malformations musculosquelettiques (32 à 59 %),
génito-urinaires (20 à 54 %), digestives (11 à 54 %), cardiovasculaires
(8 à 40 %). Un examen échographique très poussé, avec
échocardiographie, est donc requis lorsque l’on suspecte une AOU.
Notons que l’AOU est à peu près constante dans les cas de
sirénomélie ou de jumeau acardiaque [3, 30].
Un RCIU s’observerait dans 25 % des cas, en rapport ou non avec
une malformation, assez souvent mais pas toujours en rapport avec
des anomalies placentaires [6]. Dans ce contexte, la ponction du
cordon réalisée pour rechercher une cause à ce RCIU doit être très
prudente, car elle risque d’entraîner une souffrance foetale aiguë.
La fréquence élevée des malformations est à l’origine de la forte
mortalité observée dans les AOU.
¦ Relation avec des anomalies placentaires
L’AOU est en relation avec des placentas de petit poids, en rapport
avec le RCIU. Elle est aussi en rapport dans plusieurs études avec
un placenta circumvallata ou avec des insertions vélamenteuses du
cordon [8].
¦ Étiologie et pathogénie
Il existe plusieurs types d’AOU. Parfois, il s’agit d’une aplasie, c’està-
dire d’une agénésie vraie ; parfois, il s’agit d’une atrophie
secondaire, suggérée par la plus grande fréquence de l’anomalie à
terme. On sait par exemple que le thalidomide peut donner des
atrophies secondaires.
Le rôle tératogène de l’AOU est discuté : joue-t-elle par elle-même
un rôle dans les malformations, ou n’est-elle qu’un des éléments
d’un tableau polymalformatif ? Pour certains, l’AOU joue un rôle
dans un défaut de développement, en augmentant la résistance du
sang du foetus vers le placenta, ou en étant à l’origine d’une hypoxie
relative.
¦ Conséquences cliniques
La mise en évidence d’une AOU lors de l’échographie
morphologique, en dehors du dépistage des malformations, incite à
renforcer la surveillance clinique et échographique, en raison de la
fréquence accrue de la prématurité et de l’hypotrophie foetale.
L’association à un RCIU ou à une anomalie structurale doit conduire
à étudier le caryotype foetal [6].
VAISSEAUX SURNUMÉRAIRES
La fréquence d’une artère surnuméraire est mal connue, car les
vaisseaux sont souvent très sinueux. L’association avec des
malformations foetales est discutée. Le vaisseau surnuméraire
pourrait être un vaisseau vitellin résiduel, sans structure musculaire.
Anomalies d’insertion
INSERTION MARGINALE
Le cordon s’insère à moins de 1,5 cm du rebord placentaire. Cela
s’observe dans 2 à 6% des cas (5,6 % pour Fox [16]). Cette insertion
n’a pas de signification clinique. Le diagnostic est fait à l’examen du
placenta.
INSERTION VÉLAMENTEUSE
Le plus souvent, le cordon débute sur les membranes à 2 cm en
moyenne du bord placentaire, de 0 à 5 cm (fig 9). La fréquence de
cette insertion est évaluée à 1,6 % par Fox [16]. Les vaisseaux
parviennent séparément à l’origine du cordon ; ils cheminent sous
l’amnios, plus ou moins étalés, sans protection.
Cette anomalie est associée à des malformations foetales (25 %), à
une AOU (12,5 %), à des RCIU. On l’observe assez souvent dans les
grossesses gémellaires monochoriales, monoamniotiques. Elles sont
aussi plus fréquentes en cas d’insertions basses du placenta [27].
8 Section d’un cordon présentant une
artère ombilicale unique.
9 Insertion vélamenteuse. Noter que les artères s’écartent à des distances variables
de la plaque choriale.
Obstétrique Physiologie et pathologie du cordon ombilical 5-073-A-10
5
L’absence de protection des vaisseaux par la gelée du cordon
favorise les accidents mécaniques (compression chronique). Les
accidents se produisent surtout au cours du travail ou lors de
l’expulsion : compression, étirement, rupture des vaisseaux
ombilicaux. Les hémorragies surviennent dans 2 % des cas, soit
parce que les vaisseaux ont un caractère praevia (vasa praevia), soit
parce que la rupture survient alors que le placenta est haut placé à
l’occasion de tiraillements.
Si les vaisseaux cheminent au regard de l’orifice interne cervical, ils
peuvent être lésés lors de la rupture des membranes. En général, la
présentation repousse les vaisseaux sans les rompre, mais on peut
avoir des phénomènes compressifs, entraînant des troubles du
rythme cardiaque. Parfois, le vaisseau se rompt lors de la rupture
des membranes, entraînant l’hémorragie de Benckiser.
Le diagnostic de vaisseaux praevia pourrait être fait au cours de la
grossesse par échographie avec doppler couleur. On peut mettre en
évidence soit des vaisseaux praevia entrant dans la formation du
cordon [10], soit des vaisseaux reliant le placenta à un cotylédon
aberrant [7]. En début de travail, avant l’hémorragie, le diagnostic a
parfois été porté par l’amnioscopie. Plusieurs tests ont été proposés
pour affirmer l’origine foetale du sang qui s’écoule à la vulve ; ces
tests sont peu utiles, car la rupture réalise une situation d’urgence,
laissant peu de place à leur réalisation.
AUTRES ANOMALIES
Deux autres anomalies sont exceptionnelles :
– l’insertion funiculi furcata comporte une division de vaisseaux
dans le cordon, avant la plaque choriale, l’insertion étant normale
(fig 10). Des cas d’hémorragies dues à cette anomalie ont été
rapportés ;
– une autre anomalie est l’interposition vélamenteuse : le cordon
normalement inséré est contenu dans les membranes ou accolé à
elles sur une partie de son trajet.
Vestiges embryonnaires
Ils sont essentiellement de deux ordres.
VESTIGES DE L’OURAQUE
Le canal de l’ouraque (ou canal allantoïdien), dérivé du diverticule
allantoïdien, relie le cloaque (puis la vessie) à l’ombilic et donne en
s’oblitérant le ligament ombilicovésical. L’oblitération complète est
en principe terminée à 15 SA. Sa persistance chez le foetus peut
entraîner une fistule vésico-ombilicale.
Les vestiges sont situés entre les deux artères ombilicales, à
proximité de l’ombilic foetal. En général, la structure est un
épithélium de type vésical ; des kystes peuvent exister.
Échographiquement, ils se présentent comme une masse
anéchogène, ronde, de diamètre parfois supérieur à 5 cm. Ces
images font discuter l’existence d’une anomalie de fermeture de
l’abdomen foetal (cela d’autant que l’anomalie de fermeture peut être
associée). La persistance de la perméabilité de l’ouraque entraîne un
reflux d’urine dans le cordon et provoque un oedème de la gelée de
Wharton. Le cordon devient alors volumineux, pouvant atteindre
150 g, voire 350 g.
VESTIGES DU CANAL OMPHALOMÉSENTÉRIQUE
Ces vestiges sont plus rares. Ils rappellent la liaison existant entre
l’intestin et la vésicule vitelline. Avec la rotation de l’intestin, le canal
s’atrophie, entre la septième et la 16e semaine. Le diverticule de
Meckel, petite hernie de l’iléum, est un résidu fréquent de cette
connexion chez le foetus. Un canal de Meckel large peut relier l’iléum
avec la partie proximale du cordon ; si on se rappelle son origine
endodermique, il n’est pas surprenant que les résidus de ce canal
puissent contenir des restes évoquant une structure hépatique,
pancréatique, gastrique ou intestinale. En général, les résidus sont
microscopiques. Ils peuvent s’accompagner de vaisseaux très fins,
contenant même des globules rouges foetaux.
Des kystes d’origine vitelline ont été décrits. Par opposition aux
kystes allantoïdiens, ils ont une structure musculaire. Ils sont
fréquemment entourés par un lacis de petits vaisseaux. Ils sont plus
fréquents chez les mâles que chez les femelles (4 pour 1).
Après la régression du canal omphalomésentérique, des résidus de
la vésicule vitelline peuvent persister, sous forme de petits disques
de 3 à 5mm, blanc-jaune, sur la plaque choriale.
Anomalies de voisinage
Elles sont dépistées par l’examen échographique, mais sont parfois
difficiles à différencier des tumeurs du cordon et des vestiges
embryonnaires. Elles sont à la limite de la question, aussi ne faisonsnous
que les citer. Il peut s’agir :
– d’une omphalocèle (1/2 000 grossesses) : c’est la hernie du
contenu abdominal dans le cordon ombilical ; la hernie est entourée
d’une membrane ;
– d’un laparoschisis (1/1 000 grossesses) : le défaut de fermeture de
l’abdomen est ici paramédian, le cordon s’insère normalement ; il
n’y a pas de membrane et les anses intestinales flottent dans le
liquide amniotique, autour du cordon.
Lésions vasculaires
HÉMATOMES
C’est l’issue de sang, le plus souvent d’origine veineuse, dans la
gelée de Wharton. Si l’amnios est intact, il s’agit d’un hématome
simple (80 % des cas) ; sinon, il s’agit d’un hématome rompu avec
diffusion de sang dans le liquide amniotique (20 %). La fréquence
est faible : 1/10 000 grossesses.
Le plus souvent, la cause est mal connue. On a proposé à l’origine
de ces hématomes des phénomènes de torsion, de traction sur un
cordon anormalement court, de traumatisme au cours de
l’accouchement, d’inflammation non spécifique du cordon, de
syphilis, de prolapsus, de lésion toxique... Le déficit localisé en gelée
de Wharton semble jouer un rôle important, selon Fox [16], expliquant
qu’une proportion importante de telles lésions survient dans le cas
de grossesses prolongées.
Le traumatisme en cause peut être un geste d’investigation : un
hématome est trouvé dans 1,5 % des 341 cordocentèses, guidées par
ultrasons, de la série de Duchatel et al [11]. Ces hématomes
s’observent surtout quand la ponction est faite sur une anse libre du
10 Insertion funiculi furcata
: les vaisseaux se divisent
avant d’atteindre la
plaque choriale.
5-073-A-10 Physiologie et pathologie du cordon ombilical Obstétrique
6
cordon, ou quand plusieurs procédures ont été tentées dans le même
temps opératoire. Une extravasation des globules rouges dans la
gelée de Wharton est constante si l’examen du cordon est fait dans
les 48 heures suivant la procédure [23].
La mortalité périnatale dans la littérature est très importante, entre
40 et 50 %, mais ce chiffre peut être le fait d’un biais de sélection.
Dans l’expérience d’Heifetz [20], un hématome s’observe dans 1 ou
2 % d’examens consécutifs, et a rarement une importance clinique.
Les hématomes survenant au cours de transfusion in utero peuvent
être dangereux, car le sang transfusé est injecté sous une certaine
pression [25].
THROMBOSES
La thrombose d’une artère ou d’une veine peut être secondaire à
une torsion ou à une compression.
La thrombose s’observe dans un cas sur 1 300, avec une légère
prédominance masculine. Les thromboses veineuses sont plus
fréquentes que les thromboses artérielles, mais de pronostic foetal
moins sombre. Le pronostic foetal est surtout mauvais lorsque sont
associées des anomalies du cordon (anomalies de longueur, sténose,
noeud, insertion périphérique, funiculite, hématomes) ou des bandes
amniotiques. Des complications foetales (procidence par exemple),
des facteurs iatrogéniques (cordocentèse, exsanguinotransfusion)
peuvent être à la fois à l’origine de thromboses et d’un pronostic
foetal sombre.
ULCÉRATIONS
Quelques cas d’ulcérations du cordon, à l’origine d’hémorragies
intra-amniotiques, ont été décrits. Ils ne sont pas expliqués et des
associations avec une atrésie ombilicale ont été citées [4].
Tumeurs organiques
Elles sont rares et beaucoup d’entre elles peuvent comprimer les
vaisseaux.
LÉSIONS KYSTIQUES
¦ Kystes du cordon
Les kystes sont le plus souvent des kystes omphalomésentériques.
Ils siègent près de l’ombilic foetal, donnant à l’échographie une
masse anéchogène ronde, liquidienne, non pulsatile. Leur diamètre
peut être supérieur à 5 cm, mais ils ne sont que très rarement
compressifs. On trouve aussi des kystes allantoïdiens.
¦ Pseudokystes du cordon
Ils sont dus à des oedèmes localisés de la gelée de Wharton, avec
des cavités contenant du mucus. À l’échographie, on a des images
multikystiques anéchogènes au niveau du pôle foetal. Ces kystes ne
sont pas compressifs. L’existence de tels kystes a été notée dans la
trisomie 13 [31, 37].
LÉSIONS TUMORALES
Elles sont très rares.
¦ Hémangiomes
Ils sont parfois volumineux et doivent être différenciés des
hématomes [24]. Ils siègent près de l’insertion placentaire du cordon.
Ils peuvent être associés à des anomalies foetales, notamment à des
angiomes cutanés foetaux [20] ou à d’autres tumeurs foetales. La
tumeur pourrait se transmettre génétiquement. Biologiquement, ils
peuvent se traduire par une élévation de l’alphafoetoprotéine [32]. À
l’échographie, l’aspect est celui d’une masse dense. Ils peuvent être
associés à d’autres anomalies, ou à une anasarque foetoplacentaire
[17]. Les aspects diagnostiques sont discutés par Becmeur
et al [2]. Microscopiquement, ils sont proches des chorioangiomes
placentaires, mais seraient moins fréquemment à l’origine
d’hydramnios.
Histologiquement, ces hémangiomes peuvent être capillaires ou
caverneux, avec dégénérescence myxoïde de la gelée de Wharton.
¦ Tératomes
Ils sont exceptionnels et sont comparables aux tératomes
placentaires. Ils sont toujours bénins.
Lésions mécaniques
et positions vicieuses
NOEUDS DU CORDON
On admet que les noeuds du cordon (vrais noeuds) se forment tôt au
cours de la grossesse, car il faut que le foetus passe à travers une
boucle du cordon. Ils se forment donc, en règle, au quatrième mois.
Leur fréquence est de 2 % des grossesses normales. Ils sont favorisés
par une longueur excessive du cordon, un excès de liquide
amniotique, un foetus très actif. Ils sont peu serrés, n’ont en général
pas de conséquence clinique et sont découverts fortuitement après
l’accouchement. Ils n’entravent pas la circulation foetoplacentaire. Ils
peuvent cependant se manifester par des troubles du RCF lors de
l’accouchement.
Les enroulements du cordon avec noeuds sont particulièrement
retrouvés dans les grossesses gémellaires monochoriales,
monoamniotiques. Ils peuvent assez souvent entraîner des morts
foetales.
Ces noeuds du cordon sont à différencier des « pseudonoeuds » qui
sont des anévrismes artériels, situés en général à l’extrémité
placentaire du cordon, qui risquent de se thromboser ou peuvent se
rompre spontanément.
CIRCULAIRES ET BRETELLES DU CORDON
Ce sont des enroulements du cordon autour d’un segment du corps
foetal (fig 11).
Ils se rencontrent dans 15 à 30 % des accouchements. Ils siègent en
général autour du cou (circulaire cervicale). Circulaires et bretelles
se produisent sur des cordons longs ; chacun d’entre eux raccourcit
le cordon de 15 à 20 %. On conçoit que ce raccourcissement explique
11 Circulaires du cordon.
Obstétrique Physiologie et pathologie du cordon ombilical 5-073-A-10
7
des complications lors de versions par manoeuvres externes (il
faudrait rechercher systématiquement circulaires et bretelles par
l’échographie avant celles-ci), ou lors du travail. Au cours du travail,
on peut observer des anomalies du RCF dans 50 % des cas. Il s’agit
le plus souvent de ralentissements variables. Notons que la
compression du cordon ou la diminution du débit sanguin dans le
cordon, à l’origine des ralentissements variables [15], peuvent être
dues à la préhension du cordon par la main foetale [25]. Les circulaires
sont un facteur d’acidose respiratoire relative : pH sur l’artère
ombilicale égal à 7,25, contre 7,27 chez les témoins, différence
légèrement significative pour Hankins et al [19].
Il est rare qu’une circulaire entraîne un décès in utero. L’attribution
de la responsabilité d’une circulaire dans la mort foetale ne peut se
faire que s’il existe des lésions anatomiques caractéristiques :
l’empreinte du cordon est profonde, le foetus présente des pétéchies
faciales, des hémorragies sous-conjonctivales.
Une rupture du cordon est exceptionnelle. Un décollement
prématuré du placenta est aussi classique qu’exceptionnel. Dans les
deux cas, rupture du cordon et décollement prématuré, des
manoeuvres brutales peuvent contribuer à l’accident.
Une anémie foetale à la naissance, due à une hémorragie
foetomaternelle, peut être recherchée systématiquement dans les
circulaires serrées. Le raccourcissement relatif du cordon peut aussi
gêner la descente foetale et allonger le temps d’accouchement.
Rappelons qu’il peut être nécessaire de sectionner le cordon entre
deux pinces avant de pratiquer le dégagement des épaules foetales.
PROCIDENCE, PROCUBITUS, LATÉROCIDENCE
La procidence est la chute du cordon au-devant de la présentation à
membranes rompues (fig 12).
Le procubitus est défini comme la même anomalie, mais à
membranes intactes ; il peut précéder la procidence.
Dans la latérocidence, le cordon est situé latéralement par rapport à
la présentation ; il n’apparaît pas au niveau du col.
On distingue trois degrés de procidence : dans le premier degré, le
cordon est latérocident ; dans le deuxième degré, le cordon tombe
dans le vagin ; dans le troisième degré, il apparaît à la vulve.
¦ Facteurs étiologiques
La procidence complique 0,2 à 0,5 % des grossesses normales. Elle
survient lorsqu’existe une zone libre entre la présentation et
l’excavation. Tous les facteurs gênant l’accommodation peuvent
favoriser la survenue d’une procidence.
Facteurs ovulaires
– Présentation : dans la moitié des cas la présentation est
dystocique [28]. On retrouve une procidence dans 4 % des
présentations podaliques, et dans 2,5 à 8 % dans les présentations
transversales.
– Prématurité (7 %).
– Grossesses multiples (2 à 10 %).
– Excès de liquide amniotique, cordons longs, placenta prævia.
Facteurs maternels
– Disproportions foetopelviennes (surtout les bassins aplatis).
– Grande multiparité.
– Tumeurs praevia.
Facteurs iatrogènes
On les retrouverait dans 20 % des cas [28].
– Rupture artificielle des membranes.
– Refoulement malheureux de la présentation.
– Versions par manoeuvres internes.
– Versions par manoeuvres externes.
¦ Diagnostic
L’échographie permet théoriquement le diagnostic (échographie
abdominale à terme, vessie pleine). L’échographie vaginale pourrait
alors apporter une confirmation.
Au cours du travail, la procidence se reconnaît lors de la rupture
des membranes, spontanée ou artificielle, alors que la présentation
est mal accommodée. Le toucher vaginal doit être fait
systématiquement après toute rupture pour vérifier l’absence de
cordon palpable. L’enregistrement du RCF peut montrer des signes
évocateurs. La contraction entraîne un ralentissement souvent
variable. Le palper introducteur ou le palper mensurateur, en dehors
de la contraction, peut reproduire l’effet de la contraction sur le RCF
(manoeuvre dite de Hon). Si, au cours de la contraction, on empêche
par le toucher vaginal la présentation de descendre, on supprime le
ralentissement (manoeuvre dite de Chavinier).
Dans un quart des cas, la patiente arrive à la maternité avec la
procidence déjà constituée.
¦ Conséquences de la procidence
La compression du cordon entraîne la diminution ou l’interruption
de la circulation funiculaire. La compression est intense si le cordon
est coincé entre une tête foetale, dure, et le bassin maternel. Elle est
moindre dans le cas des présentations du siège, dans la prématurité,
etc. La souffrance foetale est proportionnelle à l’intensité de la
compression.
Le pronostic foetal peut dépendre de quatre facteurs. Le premier est
la prématurité (elle est surtout en cause lorsque l’enfant ne peut être
pris en charge par une équipe présente à l’accouchement). Deux
autres facteurs sont les principaux éléments pronostiques : ce sont le
délai d’extraction et le mode d’accouchement. Le quatrième facteur
est la nécessité de manoeuvres d’extraction par voie basse ; elles
peuvent s’accompagner d’une aggravation de la compression
funiculaire et doivent donc être réservées aux accouchements
imminents et aux grands prématurés. La variété de présentation ne
semble pas intervenir dans le pronostic.
¦ Conduite à tenir
Le diagnostic est fait par le toucher vaginal.
Si le cordon ne bat pas ou bat mal, l’auscultation abdominale (ou
l’utilisation d’un appareil à ultrasons) peut être utile, à condition de
différencier le pouls foetal du pouls maternel. L’échographie pourrait
confirmer l’absence d’activité cardiaque. Il est évident que si le foetus
est mort, la voie basse est privilégiée.
12 Procidence du cordon deuxième degré.
5-073-A-10 Physiologie et pathologie du cordon ombilical Obstétrique
8
Si le foetus est vivant, l’extraction immédiate est envisagée : si la
procidence survient à dilatation complète, la voie basse peut être
discutée, mais les conditions d’une naissance très rapide ne sont
souvent pas remplies et une césarienne est requise. Dans les autres
cas la césarienne s’impose.
Quatre mesures sont toujours utiles :
– si l’on a une procidence du troisième degré, il faut maintenir
humide le cordon et éviter qu’il se refroidisse ;
– l’injection d’un bolus de bêtamimétiques ou de trinitrine peut
arrêter les contractions utérines qui aggravent la compression ;
– une main vaginale doit refouler la présentation. Cette main doit
accompagner la malade en salle de césarienne et rester en place
jusqu’à l’extraction ;
– pour le transfert en salle d’intervention, on peut mettre la patiente
en position genu-pectorale ou en décubitus latéral droit, la fesse
droite étant soulevée par un coussin (position de Sims) ; sur la table
d’opération, la patiente est mise en position de Trendelenburg.
Nous n’avons pas d’expérience de la manoeuvre de remplissage
vésical (500 à 700 mL) par une sonde de Foley, destinée à remonter
la présentation.
Lésions infectieuses : funiculites
Un infiltrat leucocytaire du cordon peut traduire une infection
maternofoetale, hématogène ou ascendante. Elle est hautement
spécifique de chorioamniotite [35]. L’infiltrat peut s’observer autour
de la veine ombilicale, plus rarement des artères, soit à l’état frais,
extemporanément, soit après fixation.
L’examen extemporané du cordon ombilical s’effectue sur la partie
juxtaplacentaire du cordon. Lorsque la funiculite est très intense,
avec halo inflammatoire périvasculaire intéressant la veine et les
artères, le nouveau-né présente presque toujours des signes
d’infection néonatale plus ou moins sévères. Si les infiltrats se
limitent à la périphérie d’un seul vaisseau, on n’observe une
infection qu’une fois sur deux. En cas de rupture prématurée des
membranes, la funiculite est 3,5 fois plus fréquente que chez les
témoins.
Dans la funiculite nécrotique, la nécrose de la gelée de Wharton est
intense, à siège périvasculaire. La funiculite siège au pôle foetal
et/ou placentaire d’un cordon gros ou oedémateux. Les vaisseaux
ont des parois épaisses, rigides. La réaction leucocytaire est faible.
La syphilis en était une cause classique, mais tous les germes
sécrétant des toxines lytiques peuvent en être la cause [22].
Remerciements : L’iconographie échographique a été réalisée dans le secteur d’échographie et
de diagnostic prénatal (direction : Mme le Docteur MF Sarramon), et tout particulièrement par
Mme J Amouroux. Les auteurs les remercient très vivement.
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Obstétrique Physiologie et pathologie du cordon ombilical 5-073-A-10
9

Avancées médicales et progrès
techniques en réanimation néonatale
T Lacaze-Masmonteil
O Baud
V Zupan
M Dehan
P Blanchard
R é s u m é. – Les progrès techniques accomplis ces deux dernières décennies en
réanimation néonatale ont transformé le pronostic vital de la grande prématurité. La
généralisation du recours aux méthodes pharmacologiques d’accélération anténatale de la
maturation pulmonaire, l’administration de surfactant exogène synthétique ou d’origine
animale, le perfectionnement des respirateurs et le développement de nouveaux modes de
ventilation, la précision et la fiabilité du monitorage rendent compte d’une diminution
spectaculaire de la mortalité et de la morbidité d’origine respiratoire. En partie grâce à ces
nouvelles possibilités thérapeutiques, le regard porté sur ces enfants par les professionnels
(obstétriciens, sages-femmes et pédiatres) et leur attitude face à la grande prématurité sont
en train de changer. Permettre à tous les grands prématurés l’accès à ces progrès est l’un
des objectifs essentiels du plan gourvernemental de périnatalité 1995-2000 et de la mise en
place de la régionalisation des soins organisée autour de centres périnatals de niveau 3.
Si l’incidence des formes graves d’hémorragies intraventriculaires a fortement diminué, celle
de la leucomalacie périventriculaire reste élevée. Le nombre d’enfants souffrant d’infirmité
motrice cérébrale demeure ainsi inchangé, en dépit de l’amélioration considérable de la
qualité globale des soins. Des progrès importants ont été accomplis dans les domaines du
diagnostic précoce et de la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la
leucomalacie périventriculaire, mais aucune stratégie thérapeutique ne permet aujourd’hui
d’en prévenir la survenue. La prévention et le traitement précoce de cette redoutable
complication seront du ressort des obstétriciens autant que des pédiatres : ce sont des
objectifs prioritaires pour les prochaines années en périnatologie.
L’encéphalopathie anoxo-ischémique du nouveau-né à terme reste une préoccupation
majeure pour les obstétriciens et les néonatologistes. Si le développement de nouvelles
techniques d’investigations permet aujourd’hui d’évaluer le pronostic à long terme avec une
plus grande assurance, le chemin reste encore long avant de pouvoir disposer d’une
thérapeutique préventive efficace des lésions cérébrales postanoxiques.
Introduction
L’évolution fulgurante de la technologie médicale et les progrès accomplis
dans de nombreuses disciplines fondamentales et cliniques (physiologie du
développement, génétique, obstétrique, chirurgie, imagerie médicale) ont
transformé le paysage de notre spécialité ces 20 dernières années. Ont été
sélectionnées pour cette mise au point les avancées les plus marquantes dans
les domaines suivants :
– la prise en charge des détresses respiratoires incluant les approches
pharmacologiques anténatales absolument essentielles ;
Thierry Lacaze-Masmonteil : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Olivier Baud : Interne des hôpitaux de Paris.
Véronique Zupan : Praticien hospitalier.
Michel Dehan : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Hôpital Antoine Béclère, service de pédiatrie et réanimation néonatales, 157, rue de la Porte
de Trivaux, 92141 Clamart, France.
Pierre Blanchard : Professeur, service de néonatologie, département de pédiatrie, Université
de Sherbrooke, J1H5 Quebec, Canada.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lacaze-Masmonteil T, Baud O, Zupan
V, Dehan M et Blanchard P. Avancées médicales et progrès techniques en réanimation
néonatale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Obstétrique, 5-114-K-60, 1998, 16 p.
– les divers progrès techniques responsables d’une réduction de la gravité et
de l’incidence de plusieurs complications non respiratoires et non
neurologiques liées à la grande prématurité ;
– la prévention des hémorragies intraventriculaires et l’état actuel de nos
connaissances sur la leucomalacie périventriculaire ;
– l’évaluation pronostique des encéphalopathies anoxo-ischémiques du
nouveau-né à terme.
Prise en charge des détresses
respiratoires néonatales
Méthodes pharmacologiques d’accélération
de la maturation foetale
Maturation pulmonaire et surfactant
Sous le terme de maturation pulmonaire est entendu l’ensemble des processus
permettant au poumon foetal d’acquérir la capacité d’assurer des échanges
gazeux normaux après la naissance. Cette maturation a plusieurs dimensions :
morphologique, cytologique (différenciation de l’épithélium de l’arbre
respiratoire, du tissu conjonctif et des vaisseaux sanguins et lymphatiques),
biomécanique et biochimique. L’aptitude à élaborer et sécréter le surfactant
pulmonaire est l’un des objectifs majeurs de la maturation biochimique du
poumon. En démontrant que le mécanisme physiopathologique essentiel
responsable du syndrome de détresse respiratoire (SDR) idiopathique du
prématuré (maladie des membranes hyalines : MMH) est un déficit
5-114-K-60
© Elsevier, Paris ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 5-114-K-60
fonctionnel en surfactant pulmonaire,Avery et Mead ouvrent en 1959 la voie
à un nombre considérable de travaux de recherche fondamentaux et cliniques
ayant pour objectif l’étude de la régulation de la maturation biochimique du
poumon [4].
Le surfactant pulmonaire est un complexe multimoléculaire synthétisé par la
cellule épithéliale alvéolaire de type II et constitué essentiellement par des
phospholipides, des lipides neutres et des apoprotéines spécifiques
(tableau I) [91]. Ses fonctions sont nombreuses et essentielles (tableau II). Le
phospholipide majoritaire est la dipalmitoyl phosphatidylcholine (DPPC). Un
autre phospholipide important du surfactant est le phosphatidylglycérol (PG),
phospholipide insaturé présent à l’état de traces dans la plupart des tissus,
mais qui représente environ 8 %des phospholipides totaux dans le surfactant
pulmonaire humain. L’enrichissement en DPPC et la présence de PG
distinguent très nettement le surfactant pulmonaire des membranes
cellulaires. Le surfactant pulmonaire comporte aussi des protéines
spécifiques, en faible abondance en masse (2 à 3 %), mais dont l’importance
fonctionnelle est apparue ces dernières années de plus en plus clairement [46].
Ces protéines spécifiques sont classées en deux catégories. Les petites
protéines très hydrophobes SP-B et SP-C, intimement liées aux
phospholipides, ont pour principale fonction d’accélérer considérablement
l’adsorption des phospholipides, de stabiliser le film phospholipidique et de
protéger le matériel tensioactif de l’effet inhibiteur des protéines sériques. Ces
protéines apparaissent suffisantes pour conférer aux phospholipides, les
caractéristiques biophysiques d’un surfactant actif in vitro et in vivo. Les
protéines SP-A et SP-D sont des lectines appartenant à la sous-famille des
colectines, protéines multimériques possédant un domaine hélicoïdal
apparenté au collagène et un domaine globulaire reconnaissant les
carbohydrates en présence de calcium. La protéine SP-A est essentielle, en
collaboration avec SP-B et l’ion calcium, à la formation de la myéline
tubulaire, forme de transition entre le surfactant intracellulaire et le surfactant
alvéolaire. Elle joue aussi un rôle important dans la régulation du
métabolisme du surfactant et constitue avec la protéine SP-D, plus récemment
identifiée, un élément important de l’immunité non spécifique dans le
poumon.
L’ontogenèse du surfactant prend place tardivement au cours de la
gestation [9]. Les premières inclusions lamellaires, formes intracellulaires de
stockage du surfactant, apparaissent entre 20 et 24 semaines de gestation. Ce
n’est que lors des dernières semaines que ces inclusions deviennent
nombreuses et riches d’un matériel tensioactif fonctionnel. Cette accélération
de la biosynthèse des différentes composantes du surfactant dans la dernière
partie de la grossesse correspond à une augmentation importante des activités
enzymatiques du métabolisme des phospholipides. Durant cette période
d’accélération de la maturation pulmonaire, le rôle crucial des
glucocorticoïdes endogènes est amplement démontré [74]. Par exemple, le
poids de la glande surrénale (rapporté au poids de l’organisme) et la fraction
du débit sanguin qui l’irrigue deviennent 10 à 20 fois plus importants que chez
l’adulte. Cette action maturative des glucocorticoïdes ne se limite pas à
l’épithélium respiratoire. Elle s’exerce aussi sur de nombreux autres organes
dérivés de l’endoderme comme le pancréas, l’intestin grêle et le foie. D’autres
hormones jouent aussi un rôle important dans cette maturation, notamment
les hormones thyroïdiennes qui agissent en synergie avec les glucocorticoïdes
sur différentes étapes enzymatiques de la voie de biosynthèse du
surfactant [74].
Bases expérimentales de la corticothérapie anténatale
C’est en étudiant l’effet de l’administration de glucocorticoïdes sur le
déclenchement du travail de brebis gestante, et en observant incidemment un
taux de survie élevé chez des agneaux prématurés nés de mère traitée, que
Liggins ouvre la voie aux méthodes pharmacologiques d’accélération de la
maturation foetale. Favorisés par la chance pour avoir choisi d’emblée le
glucocorticoïde administré à la mère le plus efficace, Liggins et Howie
montreront, seulement 4 années plus tard et par une première étude contrôlée,
que cet effet accélérateur entraîne une diminution importante de l’incidence
de la MMH et du taux de mortalité après un accouchement prématuré [55].
L’effet accélérateur des glucocorticoïdes sur la maturation pulmonaire
globale est depuis largement démontré dans de nombreuses espèces,
notamment l’agneau, le lapin et les primates [74]. Cet effet se mesure en termes
de mortalité et de morbidité chez l’animal prématuré et se traduit par une
avance de la maturation architecturale et morphologie du parenchyme
pulmonaire. Le traitement hormonal améliore les caractéristiques
biomécaniques du poumon de l’animal et les propriétés tensioactives du
surfactant extrait après lavage pulmonaire. Il favorise l’incorporation de
précurseurs marqués dans les composants essentiels du surfactant que sont la
DPPC et le PG. Le même traitement induit une augmentation de l’activité de
nombreuses enzymes clés du métabolisme phospholipidique. Les
glucocorticoïdes exogènes ont un effet activateur sur la biosynthèse des
protéines spécifiques du surfactant, notamment les protéines SP-B, S-C, et
SP-D. En revanche, les glucocorticoïdes ont, selon l’espèce et le stade du
développement, un effet variable et complexe sur l’expression du gène de la
protéine SP-A.
La biosynthèse du surfactant n’est pas la seule cible pulmonaire de la
corticothérapie anténatale [5, 43]. Celle-ci modifie aussi les propriétés
biomécaniques du poumon par des voies indépendantes du métabolisme du
surfactant. La corticothérapie anténatale a notamment un effet bénéfique sur
la fuite capillaire postnatale dans les espaces alvéolaires, sur la synthèse
fibroblastiques des composantes de la matrice extracellulaire et sur l’activité
d’enzymes jouant un rôle postnatal important, notamment les enzymes aux
activités antioxydantes.
Les différents stéroïdes comparés dans les essais cliniques ont été la cortisone,
l’hydrocortisone, la méthylprednisolone, et les deux dérivés fluorés en
position 9, la bêtaméthasone et la dexaméthasone [5]. Tous les essais utilisant
les dérivés fluorés (20 à 28 mg de dexa- ou bêtaméthasone administrés en
deux à huit injections sur 48 heures) confirment leur efficacité. En revanche,
la méthylprednisolone s’avère inefficace, et les doses d’hydrocortisone
administrées doivent être très élevées pour obtenir une efficacité comparable
à celle des dérivés fluorés. Ces différences d’activité en faveur des dérivés
fluorés traduisent une aptitude plus importante de ces derniers à résister à
l’inactivation placentaire par la 11 â-hydroxystéroïde déshydrogénase.
L’administration de dérivés fluorés aux posologies recommandées et en cure
unique s’accompagne transitoirement d’une diminution des concentrations
sériques en ACTH (adrenocorticotrophic hormone), DHA
(déhydroépiandrostérone), et hormone de croissance. Cependant, le taux
sérique de cortisol, après stimulation par l’ACTH 24 heures ou 4 semaines
après la naissance, est identique au taux observé chez le nouveau-né non
soumis au traitement anténatal. Lorsque, malgré la corticothérapie anténatale,
le nouveau-né développe une MMH, la cortisolémie dosée durant la période
aiguë est non significativement différente de celle des nouveau-nés avec
MMH et non traités. Ceci confirme que l’administration d’une cure de
glucocorticoïdes avant la naissance n’interfère pas avec l’adaptation
surrénalienne à un stress postnatal [5]. Ce point n’a pas fait l’objet d’étude
contrôlée en cas de cures multiples, mais la description récente d’un
syndrome cushingoïde avec inhibition de l’axe hypophyse-surrénale chez un
nouveau-né soumis à sept cures in utero invite à la plus grande prudence.
Conséquences de la corticothérapie anténatale sur la mortalité, la
prévention de la maladie des membranes hyalines et de ses
complications
C’est à Patricia Crowley que revient le mérite d’avoir démontré par des métaanalyses
régulièrement remises à jour, l’intérêt de l’administration anténatale
de glucocorticoïdes pour la prévention de laMMH(tableau IIIA) [19].Ne sont
prises en compte que les études avec les dérivés fluorés et celle utilisant de
Tableau I. – Composition du surfactant pulmonaire. Pourcentage en masse de
chacun des constituants biochimiques du surfactant isolé à partir de lavage
alvéolaire humain et purifié sur gradient de densité. La composition de chacune des
formes structurales du surfactant peut varier de cette composition moyenne,
notamment la composition en apoprotéines spécifiques. Les protéines non
spécifiques sont des protéines sériques (albumine, fibrinogène, complément
sérique) représentant soit un artefact de purification, soit une fraction
physiologiquement présente dans l’hypophase alvéolaire.
Phospholipides 85 %
Phosphatidylcholines saturées dont DPPC 52 %
phosphatidylcholines insaturées 18 %
Phosphatidyléthanolamine 4 %
Phosphatidylglycérol 8 %
Phosphatidylinositol 2 %
Sphingomyéline 1 %
Lipides neutres et cholostérol 5 %
Protéines 10 %
Protéines non spécifiques 7 %
Glycoprotéines spécifiques :
Protéine SP-A 1 %
Protéine SP-D 1 %
Protéines hydrophobes :
Protéine SP-B 0,5 %
Protéine SP-C 0,5 %
DPPC : dipalmitoyl phosphatidylcholine
Tableau II. – Principales propriétés du surfactant pulmonaire.
Propriétés mécaniques
Diminution de la tension de surface alvéolaire
Augmentation de la compliance et du volume pulmonaires
Maintien d’une capacité résiduelle fonctionnelle
Diminution de la pression d’ouverture et du travail respiratoire
Stabilisation des alvéoles et des bronchioles terminales
Effet sur l’équilibre des fluides intra-alvéolaires (effet «antioedème»)
Modulations des fonctions du macrophage alvéolaire
Autres propriétés
Cytoprotection et antioxydant
Lutte contre l’évaporation et la dessication
Effet favorable sur la clairance mucociliaire
5-114-K-60 AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE Obstétrique
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Tableau III B. – Efficacité sur l’incidence de la maladie des membranes hyalines en
fonction de divers paramètres.
Paramètres évalués N Odd-ratio et intervalle de confiance
(95 %)
Traitement complet (1-7 jours) 13 0,35 (0,26 - 0,46)
Traitement < 24 heures 12 0,80 (0,56 - 1,15)
Naissance + de 7 jours après
traitement
7 0,63 (0,38 - 1,07)
AG < 31 semaines 8 0,41 (0,27 - 0,62)
AG > 34 semaines 8 0,62 (0,29 - 1,30)
Sexe masculin 3 0,43 (0,29 - 0,64)
Sexe féminin 3 0,36 (0,23 - 0,57)
PROM 8 0,44 (0,32 - 0,60)
AG : âge gestationnel ; PROM : premature rupture of membrane.
fortes doses d’hydrocortisone, soit quinze séries regroupant environ
3 000 patientes. Lorsque est considérée l’intégralité des enfants (foetus et
nouveau-nés) au moment de l’inclusion dans l’étude, l’incidence de laMMH
diminue d’un facteur 2, soit de 20,2 à 11,2 %. Si seuls les enfants nés
prématurés avant 34 semaines d’aménorrhée (SA) et vivants sont considérés,
les chiffres sont sensiblement différents mais leur différence reste largement
significative : diminution de l’incidence de 30,9 à 17,3 %. Parce que les
critères de gravité d’une MMH sont différents selon les études, il n’est pas
facile de démontrer par une méta-analyse que le traitement diminue
l’incidence des formes graves de la maladie respiratoire, lorsque celle-ci
survient malgré le traitement hormonal. C’est cependant un effet positif du
traitement observé dans certaines séries. Le traitement est sans conséquence
sur la mortinatalité, mais diminue très significativement la mortalité après la
naissance (tableau III A). Contrairement aux premières observations de
Liggins, il n’y a pas de différence d’efficacité en fonction du sexe de l’enfant
ou de son origine ethnique.
L’effet thérapeutique est dépendant de la durée de l’intervalle entre le moment
du début de la cure (première injection) et le moment de l’accouchement.
Lorsque celui-ci est inférieur à 24 heures, il existe une tendance non
significative (effectifs insuffisants) mais réelle dans le sens d’une diminution
de l’incidence de la MMH. En fait, cet intervalle, artificiellement fixé à
24 heures mais très certainement variable selon chaque enfant, correspond au
délai physiologique nécessaire à l’adsorbtion du produit, au transfert
transplacentaire (pic sérique foetal entre 1 et 2 heures après l’administration
maternelle), à la translocation du complexe hormone-récepteur, à l’initiation
et à la poursuite de la transcription, à la maturation des transcrits, à leur
traduction, à la maturation post-traductionnelle du peptide ou de l’enzyme, et
à l’élaboration du produit final (biosynthèse enzymatique des différents
phospholipides, organisation supramoléculaire et « routage » dans les
différents organelles intracytoplasmiques). Lorsque l’accouchement a lieu
après ce délai de 24 heures et avant 7 jours, l’efficacité est très
significativement augmentée : elle permet une réduction de l’incidence de la
MMHde 24 à 9 %. À quelques heures près, la différence d’efficacité est ainsi
considérable; ce qui suggère que l’indication d’une corticothérapie néonatale
doit être discutée et décidée le plus tôt possible, chaque fois qu’est présente
une menace d’accouchement prématuré avant 34 SA. Lorsque
l’accouchement a lieu 7 jours après le début du traitement, il existe une
tendance nette mais non significative en faveur d’une réduction de l’incidence
de la MMH (tableau III B). La non-significativité est due au faible nombre
d’enfants non nés avant les 7 jours et à la diminution de l’incidence de la
MMH dans le groupe témoin liée à l’avance de maturation. Cette absence de
significativité en faveur ou non d’une efficacité prolongée est très
dommageable, puisqu’elle conduit de nombreux centres à répéter les cures
sans qu’aucune étude prospective n’ait validé cette attitude (notamment
l’intervalle de 7 jours) et évalué les effets secondaires.
L’efficacité de la corticothérapie anténatale dépasse la seule diminution de
l’incidence de la MMH. En analysant rétrospectivement les études donnant
les informations souhaitées, la gravité de la dysplasie bronchopulmonaire
(DBP) semble moindre après corticothérapie anténatale. Il est vrai que, dans
le cas de la DBP dont la physiopathologie est multifactorielle, la
corticothérapie anténatale n’est qu’un parmi de multiples facteurs pouvant
influencer l’évolution respiratoire. Le bénéfice de la corticothérapie
anténatale sur l’incidence des complications barotraumatiques
(épanchements gazeux, emphysème interstitiel) n’a pas été spécifiquement
évalué.
Corticothérapie, maladie des membranes hyalines
et grande prématurité
Si l’efficacité de la corticothérapie anténatale en termes de réduction de
l’incidence de la MMH dans un sous-groupe d’enfants nés avant 30 SA est
suggérée dès le premier essai multicentrique conduit par Liggins, l’effectif
des sous-populations de grands prématurés dans beaucoup des études qui ont
suivi est souvent trop faible pour mettre en évidence une différence
statistiquement significative (tableau IV) [40]. Cette absence de significativité
a conduit certains, au début des années 1980, à préconiser l’abstention
thérapeutique en cas de menace d’accouchement prématuré avant 30 SA. Le
bénéfice spectaculaire de la thérapeutique substitutive par les surfactants
exogènes (SE)sur la mortalité des grands prématurés à la fin des années 1980
a entretenu cette désaffectation. Ce sont les travaux expérimentaux de
plusieurs groupes, dont notamment ceux de Ballard et de Jobe, et les
premières méta-analyses démontrant sans ambiguïté une efficacité de la
corticothérapie anténatale sur la prévention de la MMH chez le grand
prématuré, qui vont finalement conduire à un changement d’attitude de la part
des obstétriciens et des pédiatres au début des années 1990 [5, 19]. Selon une
récente méta-analyse (tableau IV), l’odd-ratio (OR) s’avère finalement très
peu différent de l’OR déterminé par une méta-analyse portant sur la
population des prématurés d’âge gestationnel (AG) égal ou inférieur à 34 SA
(OR : 0, 54 ; 5-95 % ; IC : 0, 44 - 0.66), seul l’intervalle de confiance (IC) est
plus large compte tenu de l’effectif global plus faible des grands
prématurés [40]. La MMH étant la première cause de décès dans cette
population, la réduction de l’incidence de la MMH s’accompagne d’une
réduction significative de la mortalité d’environ 40 %. Ceci est indirectement
confirmé par la diminution très significative de la mortalité observée dans le
sous-groupe de prématurés d’AG égal ou inférieur à 34 SAtraités (OR : 0.61;
5-95 % ; IC : 0.48-0.78), puisque les grands prématurés contribuent à la
majeure partie des décès.
La contribution de la corticothérapie anténatale à l’augmentation de la survie
chez le grand prématuré est aussi confirmée par des études rétrospectives
portant sur de très larges populations d’enfants et réalisées après 1990 (« ère
postsurfactants ») [39, 96]. La mortalité à 28 jours de vie dans la sous-population
soumise à une cure complète avant la naissance est inférieure à 10 %dans les
deux études multicentriques récemment publiées (tableau V). La réduction de
la mortalité par rapport au groupe non traité avoisine là aussi 50 %. Ces études
Tableau III A. – Méta-analyse des essais randomisés et contrôlés pour évaluer
l’efficacité de la corticothérapie anténatale en cas de menace d’accouchement
prématuré.
Paramètres évalués N Odd-ratio et intervalle de confiance
(95 %)
MMH 15 0,51 (0,41 - 0,60)
HIV 6 0,38 (0,23 - 0,64)
ECUN 4 0,35 (0,16 - 0,64)
Infection néonatale 9 0,83 (0,54 - 1,26)
Mortalité postnatale 14 0,60 (0,48 - 0,76)
Infection maternelle 9 1,15 (0,84 - 1,57)
MMH : maladie des membranes hyalines ; HIV : hémorragie intraventriculaire ; ECUN : entérocolyse ulcéronécrosante.
Tableau IV. – Incidence de la maladie des membranes hyalines parmi des
sous-populations de grands prématurés (essais randomisés) et méta-analyse.
Investigateurs AG Traité Contrôle OR (5-95 %
IC)
Liggins, Howie £ 29 10/36 (28 %) 15/26 (58 %) 0,28 [0,10-0,78]
Morrisson £ 31 06/36 (17 %) 11/28 (39 %) 0,31 [0,10-0,94]
Papageorgiou £ 30 02/05 (40 %) 11/12 (92 %) 0,06 [0,01-0,66]
Taeush £ 30 01/03 (33 %) 04/06 (67 %) 0,25 [0,02-3,47]
Doran £ 28 03/11 (27 %) 05/16 (31 %) 0,83 [0,16-4,29]
Collaborative £ 29 06/10 (60 %) 07/16 (44 %) 1,93 [0,41-9,08]
Morales £ 31 17/53 (32 %) 32/52 (62 %) 0,33 [0,12-0,70]
Gamsu £ 30 04/29 (14 %) 07/39 (18 %) 0,73 [0,20-2,67]
Garite £ 27 21/33 (64 %) 28/40 (48 %) 0,75 [0,28-1,99]
Total (Morales
exclu)
53/163 (32 %) 88/183 (48 %) 0,51 [0,32-0,82]
AG : âge gestationnel ; OR : odd-ratio ; IC : intervalle de confiance.
Tableau V. – Vermont Oxford trials network : étude rétrospective (1991-1992)
portant sur environ 9 000 enfants de poids de naissance (PN) compris entre 500 et
1500 g (PN moyen : 1 065 g, AG (âge gestationnel) moyen : 28,5 semaines).
L’incidence moyenne de la corticothérapie anténatale est de 26 % (71 % des
enfants traités ont bénéficié d’une cure complète). Les groupes traités et non traités
sont comparables en PN moyen, en AG moyen et pour tous les items essentiels
(race, sexe, circonstances de naissance,...) ; 54 % des enfants ont reçu un
surfactant exogène (SE) après la naissance. Sont rapportés ici l’incidence de trois
principales complications et les odds-ratios non ajustés en fonction du caractère
partiel ou complet de la cure. Des résultats similaires sont présentés par le réseau
NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) [39].
Décès à 28 jours 0
partielle
complète
15,3
11,1
7,9
0,69 [0,53-0,89]
0,47 [0,39-0,57]
Dysplasie bronchopulmonaire
parmi
les survivants à
28 jours
0
partielle
complète
29,7
30,6
25,1
1,05 [0,87-1,27]
0,79 [0,69-0,91]
Hémorragie intraventriculaire
grades
3 - 4
0
partielle
complète
11,6
9,5
4,9
0,80 [0,60-1,06]
0,39 [0,31-0,50]
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
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confirment ainsi indirectement la persistance d’un bénéfice majeur du
traitement hormonal en termes de mortalité chez les grands prématurés à l’ère
postsurfactants.
Corticothérapie, maladie des membranes hyalines
et très grande prématurité
L’impact sur le pronostic respiratoire de la corticothérapie anténatale, que les
autorités nord-américaines par la voie du NIH (National Institute of Health)
conseillent à partir de 24 semaines de gestation en cas de menace
d’accouchement prématuré et quelle qu’en soit l’origine, n’est pas connu pour
la tranche d’AG comprise entre 24 et 26 SA. On ne dispose d’aucune étude
prospective comportant une stratification à ces AG. L’essai thérapeutique le
plus récent de l’équipe de Garite est le seul parmi tous les essais, avec les
glucocorticoïdes, qui rapporte des résultats d’une étude portant sur une
population d’AG compris entre 24 et 28 SA, menée entre 1984 et 1990 (ère
présurfactant) avec la â-méthasone (Célestènet Chronodoset) [13]. Le nombre
d’enfants inclus et nés 24 heures après le début du traitement est faible (27
enfants traités versus 29 soumis au placebo) ; l’incidence du syndrome de
détresse respiratoire (SDR) est moins importante parmi les enfants soumis à
une cure complète (55 % versus 68 %) et les pressions maximales
d’insufflation sont plus faibles mais, dans les deux cas, la différence n’est pas
statistiquement significative. Plus récemment, une étude rétrospective
multicentrique portant sur une importante population de grands prématurés
nés entre 1982 et 1986 (ère présurfactant) a rapporté des résultats pour la
tranche d’âge 26 - 28 SA avec la â-méthasone [56]. Le nombre d’enfants
soumis à une cure complète est très faible (13 versus 133 non traités ou soumis
à une cure incomplète). La mortalité et l’incidence du SDR sont toutes deux
significativement plus faibles parmi les enfants traités (respectivement
0 versus 35 % et 54 versus 87 %).
Synergie corticothérapie anténatale – administration d’un surfactant
exogène après la naissance
La biosynthèse du surfactant n’est pas la seule cible pulmonaire de la
corticothérapie anténatale [42]. Celle-ci modifie expérimentalement les
propriétés biomécaniques du poumon par des voies indépendantes du
métabolisme du surfactant. L’architecture des espaces alvéolaires est
modifiée et le volume pulmonaire est augmenté. La fuite capillaire postnatale
dans les espaces alvéolaires est significativement diminuée. La synthèse
fibroblastique des composantes de la matrice extracellulaire (élastine,
collagène) est modifiée qualitativement. Chez le lapin prématuré, les
propriétés biomécaniques du poumon après administration de cortisol sont
améliorées sans changement significatif du pool de surfactant intra-alvéolaire.
La corticothérapie anténatale stimule aussi l’activité d’enzymes susceptibles
de jouer un rôle postnatal important : c’est ainsi le cas des enzymes aux
activités antioxydantes, et de canaux impliqués dans la résorption du liquide
pulmonaire. Toutes ces données suggèrent que la corticothérapie anténatale
améliore le pronostic respiratoire immédiat selon des mécanismes surfactants
et non surfactants-dépendants. Il est donc logique d’observer
expérimentalement une synergie entre la corticothérapie anténatale et
l’administration d’un surfactant exogène. Les mécanismes biochimiques
sous-tendant cette synergie sont a priori nombreux : diminution de la fuite
capillaire transépithéliale susceptible de limiter l’inactivation secondaire du
surfactant exogène, effet maturatif sur les enzymes du métabolisme
phospholipidique modifiant le turn-over et la réutilisation du surfactant
administré, combinaison apoprotéines endogènes- phospholipides exogènes.
Récemment, le groupe de Jobe a montré qu’une partie du pool fonctionnel du
surfactant intra-alvéolaire peut être enzymatiquement convertie en une forme
inactive. Cette conversion implique une sérine protéase appelée convertase.
L’activité de cette enzyme semble plus importante chez le prématuré que chez
l’adulte. La corticothérapie anténatale diminuerait chez l’agneau prématuré
le pool de surfactant non fonctionnel en diminuant l’activité de
conversion [88, 89].
La synergie corticothérapie anténatale-surfactants exogènes apparaît évidente
lors de l’analyse rétrospective des essais contrôlés avec les surfactants
exogènes artificiels ou naturels [3, 36, 45, 95]. Le bénéfice de la corticothérapie sur
la mortalité à 28 jours, la mortalité d’origine respiratoire et l’incidence des
hémorragies intraventriculaires est clairement présent dans les populations
traitées par surfactant naturel ou exogène (tableau VI). Dans l’une des plus
récentes études prospectives évaluant le bénéfice de la corticothérapie à l’ère
du surfactant exogène, les besoins en surfactant, la durée de ventilation et
d’oxygénothérapie, l’incidence des HIVsont moindres dans le groupe soumis
au traitement anténatal [47].
Corticothérapie anténatale et rupture prématurée
des membranes avant terme (PROM)
Lorsque survient une PROM (premature rupture of membranes),
l’accouchement survient dans plus de 60 %des cas entre 24 heures et 7 jours
après la rupture, quel que soit le traitement institué. C’est l’intervalle de temps
où l’effet bénéfique de la corticothérapie anténatale, toutes populations
confondues, est maximal. Il est donc pertinent de s’interroger sur le bienfondé
de l’indication d’une corticothérapie anténatale dans cette souspopulation
dès la survenue de la rupture, d’autant plus que la PROM est
considérée en soi comme un facteur accélérateur de la maturation. Cet adage
a cependant été récemment remis en question : la chorioamniotite, et non la
PROM, pourrait être associée à une accélération de la maturation pulmonaire,
par le biais d’une production importante d’interleukine 1 [10]. La plupart des
études entreprises pour répondre spécifiquement à cette question, et celles
plus générales mais pour lesquelles est individualisé un sous-groupe avec
PROM, n’ont pas mis en évidence de différence significative pour l’incidence
de la MMH entre les groupes traités et contrôles [19]. Pour beaucoup de ces
études, les cohortes sont malheureusement trop faibles pour mettre en
évidence une différence significative. Lorsque sont prises en compte
l’ensemble des études prospectives (c’est-à-dire les études précédemment
citées et les études générales pour lesquelles a été individualisé le sousgroupe
avec PROM), les méta-analyses concluent à une différence
significative entre les deux groupes (tableau III B).
La possibilité que le risque infectieux déjà important en situation de rupture
puisse être accru par la corticothérapie anténatale doit être sérieusement
envisagée. La récente méta-analyse de Crowley, prenant en compte les
résultats de dix études, conclut à l’absence de risque d’infection
supplémentaire chez le nouveau-né [19]. En revanche, le risque semble réel
pour la mère. Plusieurs publications prenant spécifiquement en compte cet
item, confirment une augmentation faible du risque d’endométrite après
corticothérapie. Bien entendu, la corticothérapie ne représente que l’un des
facteurs favorisant le risque infectieux dans ces études. Il a bien démontré que,
en l’absence de toute corticothérapie et antibiothérapie prophylactique, le
risque de chorioamniotite augmente de façon très significative après 48 heures
de rupture. De nombreux facteurs non systématiquement analysés dans ces
études, et susceptibles de favoriser la chorioamniotite et l’endométrite dans
une situation où le facteur infectieux est non seulement une complication mais
aussi souvent l’un des facteurs responsables de la rupture, peuvent aussi
conduire à un biais important : fréquence des examens gynécologiques et
hospitalisation prolongée, durée et modalités de la tocolyse, antibiothérapie
prophylactique, voie d’accouchement. Sa réalisation sous couverture
antibiotique courte, si possible adaptée selon la bactériologie du liquide
amniotique obtenu par voie basse ou amniocentèse, est préconisée par
certains [24].
Effets extrarespiratoires de la corticothérapie anténatale
et amélioration de la survie du grand prématuré
L’effet bénéfique de la corticothérapie anténatale sur la mortalité chez le
grand prématuré n’est pas seulement lié à une diminution de l’incidence de la
MMH (tableau III B). Ce bénéfice est aussi démontré pour la prévention de
deux complications potentiellement létales de la grande prématurité : les
formes graves d’ HIVet l’entérocolite ulcéronécrosante (ECUN). Le bénéfice
non respiratoire le plus spectaculaire de la corticothérapie anténatale est la
diminution de l’incidence des HIV, complication très spécifique de la grande
prématurité [53, 60]. Celui-ci est mise en évidence par la dernière méta-analyse
de Crowley portant sur six essais (OR : 0, 38 ; 5, 95 % ; IC : 0, 23 - 0, 94). Des
analyses rétrospectives portant sur plusieurs milliers de grands prématurés
démontrent une réduction très significative de l’incidence des HIV
grades 3 et 4 dans le groupe traité avec une cure complète (18 %à 8 %) [31, 83].
Cette réduction d’environ 50 % s’observe aussi parmi les très grands
prématurés, ce qui corrobore l’étude prospective de Garite [13]. La diminution
Tableau VI. – Exosurf Neonatal Treatment Investigational New Drug Program :
étude rétrospective (1989-1990) portant sur plus de 11 000 enfants ayant tous reçu
un surfactant exogène (SE) artificiel (SurfexoT) pour le traitement prophylactique
(12 %) ou curatif (88 %) d’une maladie des membranes hyalines (MMH).
L’incidence moyenne de la corticothérapie anténatale est de 15 % (57 % des
enfants traités ont bénéficié d’une cure complète). Sont rapportés ici l’incidence de
trois principales complications et les odds-ratios (OR) ajustés en fonction du
caractère partiel ou complet de la cure : 34 % des enfants avaient un âge
gestationnel égal ou supérieur à 31 semaines d’aménorrhée. La mortalité est malgré
tout supérieure à 10 % parce que, dans cette étude rétrospective, la très large
majorité des enfants a développé par définition une MMH. (HIV : hémorragie
intraventriculaire).
Cure Incidence (%) OR (IC 5-95 %)
Décès à 28 jours 0 12
partielle 13 0,86 [0,63-1,16]
complète 10 0,62 [0,57-0,84]
Décès de causes
respiratoires
0
partielle
complète
867
0,49 [0,32-0,75]
0,57 [0,42-0,71]
HIV tout grade 0 25
partielle 26 0,81 [0,64-1,01]
complète 23 0,72 [0,61-0,86]
OR : odd-ratio ; IC : intervalle de confiance ; HIV : hémorragie intraventriculaire.
5-114-K-60 AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE Obstétrique
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de l’incidence des HIV sévères n’est pas liée uniquement à une meilleure
adaptation hémodynamique à la naissance et à une moindre gravité de la
pathologie respiratoire. Cette constatation suggère que la corticothérapie
anténatale a peut-être un effet direct sur la maturation de la paroi des vaisseaux
de la matrice gérminale.
Un autre bénéfice de la corticothérapie anténatale, qui pourrait contribuer à
diminuer à la fois la mortalité et la morbidité neurologiques, est la meilleure
adaptation cardiocirculatoire à la vie extra-utérine observée chez le grand
prématuré soumis au traitement anténatal. Les grands prématurés traités ont
une pression artérielle moyenne (PAM) plus élevée à la naissance et un besoin
moindre de soutien inotrope et d’expension volémique. L’administration de
â-méthasone à la brebis gestante ou directement au foetus améliore
l’adaptation hémodynamique postnatale de l’agneau prématuré en
augmentant la contractilité cardiaque [85]. L’animal soumis au traitement
hormonal avant la naissance présente une tension artérielle et un débit
cardiaque significativement plus élevés. Chez le très immature d’AG égal ou
inférieur à 27 SA, l’extrapolation de ces données expérimentales est délicate
car les valeurs références de la tension artérielle sont inconnues. Néanmoins,
selon une étude rétrospective portant sur un grand nombre de patientes,
l’imprégnation hormonale anténatale augmente très significativement la PAM
entre 12 et 48 heures de vie, et réduit l’importance des besoins postnatals en
soutien hémodynamique (dopamine) [64]. Cette observation est à mettre en
parallèle avec la démonstration de l’intérêt de l’administration postnatale
précoce d’hémisuccinate d’hydrocortisone chez des grand immatures
manifestant une hypotension artérielle réfractaire aux inotropes classiques [64].
La corticothérapie anténatale a enfin un retentissement très significatif sur le
coût global des soins délivrés aux enfants prématurés. Il est démontré que,
dans une population d’enfants nés prématurés, elle diminue significativement
la durée de l’hospitalisation.Avery avait, dès 1984, suggéré que le traitement
de seulement 25 % des 40 000 prématurés qui développent une MMH sur
1 année aux États-Unis économiserait l’équivalent de 40 millions de dollars
américains. Plus récemment, dans une population de prématurés d’AG
inférieur à 35 SA, la réduction du coût par enfant traité a été évaluée à 10 %,
et celle du coût par survivant à 14 %. Sur une population de grands prématurés
d’AG inférieur à 31 SA, la corticothérapie augmenterait le coût global de 7 %
(conséquence directe de la diminution de la mortalité), mais diminuerait le
coût par survivant d’environ 9 %.
Synergie glucocorticoïdes - TRH chez le grand prématuré
L’effet des hormones thyroïdiennes (TRH) sur la maturation pulmonaire est
expérimentalement bien établi. Les poumons de foetus de lapin soumis à un
traitement par la T4 ont une meilleure aération, un nombre plus important
d’inclusions lamellaires, une maturation morphologique accélérée [74]. Ex
vivo, dans des explants pulmonaires, l’effet des hormones thyroïdiennes
seules sur la biosynthèse des phospholipides est modéré, mais l’effet d’un
traitement par les glucocorticoïdes est multiplié en présence de T4. La très
faible perméabilité du placenta des primates à laT4 ne permet pas d’envisager
de traiter le foetus avec une administration maternelle, et a conduit à tester
l’administration de TRH à la mère [23]. Plusieurs essais randomisés et
contrôlés ont été publiés [6, 13, 48, 65]. Les populations concernées sont
essentiellement de grands prématurés. Tous comparent l’effet de la â-
méthasone seule à celui de l’association â-méthasone-TRH. La méta-analyse
des résultats de quatre des cinq essais conclut à une diminution dans le groupe
TRH-glucocorticoïdes de l’incidence de laMMH(OR : 0, 7 ; IC95 % : 0, 55-
0, 89), et de celle de la DBP(OR : 0, 55 ; IC 95 % ; 0, 39-0, 78). C’est surtout
sur l’incidence des formes graves de MMH que l’action semble la plus
bénéfique (OR : 0,50 ; IC 95 % : 0, 34-0, 72). En revanche, tout récemment,
l’étude australienne ACTOBAT incluant 1 234 patientes conclut à l’absence
de différence significative entre les deux groupes en termes d’incidence de la
MMH, de besoins en surfactant exogène, de durée de ventilation et
d’oxygénation [1]. Il existe même une tendance à l’augmentation de
l’incidence de la MMH dans le groupe soumis à la bithérapie (OR : 1, 1 ; IC
95 % : 1, 00-1, 36), tendance qui disparaît dans le sous-groupe des enfants
nés 10 jours après l’administration de TRH. Les effets maternels (flush,
nausées, vomissements, élévation de la pression artérielle) sont fréquents, et
ce malgré des bolus de TRH de 200 mg. L’absence d’efficacité de la
bithérapie dans cette étude n’est pas expliquée par la posologie moindre de
TRH : cette dernière dose stimule aussi efficacement l’axe foetal hypophysethyroïde.
Dans l’attente des résultats d’études complémentaires, il est pour
l’instant non recommandé d’avoir recours hors étude contrôlée à cette
association thérapeutique en l’état actuel des connaissances.
Effets secondaires de la corticothérapie anténatale
Chez le singe, un traitement par la b-méthasone durant la gestation diminue
le nombre d’alvéoles par unité de volume et la surface des échanges gazeux,
et altère la distribution des composantes du tissu conjonctif. Chez le rat
nouveau-né, la dexaméthasone perturbe la septalisation alvéolaire et la
transformation des pneumocytes de type II en type I. Ces altérations
morphologiques s’accompagnent d’une réduction importante et durable du
contenu en acide désoxyribonucléique (ADN) du poumon. La croissance
cérébrale peut aussi être compromise par une réduction irréversible de la
population neuronale. Dans toutes ces études expérimentales, les doses
cumulées sont largement supérieures à celles administrées par voie
transplacentaire dans les différents protocoles cliniques. À court terme,
l’incidence des infections néonatales et maternelles n’est globalement pas
augmentée dans la population traitée, qu’il y ait ou non rupture prématurée.
Cependant, dans les populations de faible poids de naissance, les études
rétrospectives sont en faveur d’une plus grande fréquence des infections
néonatales dans le groupe traité. Certaines des études évaluant l’efficacité de
la corticothérapie en cas de PROM soulignent aussi un risque infectieux
augmenté chez la mère.Àdistance, les études de suivi - pour certaines jusqu’à
12 ans - des cohortes traitées concluent dans leur globalité à l’absence de
retentissement délétère à long terme sur la croissance staturopondérale et du
périmètre crânien, les fonctions respiratoires, la fréquence des infections, le
développement intellectuel et les performances scolaires. Dans les études de
suivi de la cohorte néo-zélandaise de Liggins et de la Collaborative Study,
comportant, hélas, une fraction importante d’enfants perdus de vue (12 à
36 %), l’incidence des anomalies neurologiques à long terme est même
légèrement plus faible dans le groupe traité (OR : 0, 61, IC 95 % : 0, 34-
1, 08). Depuis le premier essai de Liggins dans les années 1970, aucun effet
secondaire qui puisse être spécifiquement lié à l’administration anténatale de
glucocorticoïdes n’a été rapporté. Il convient de rappeler que l’innocuité de la
corticothérapie à court et à long termes n’est démontrée que chez les enfants
soumis à une cure unique. Il est légitime de s’interroger sur le retentissement
de multiples cures sur l’axe hypophyse- surrénale et sur la croissance anté- et
postnatale.
Conclusions
Depuis 25 ans, plusieurs milliers d’enfants prématurés ont été enrôlés dans
des essais thérapeutiques contrôlés avec pour objectif de démontrer
l’efficacité d’une imprégnation anténatale par les glucocorticoïdes. Pour le
nouveau-né prématuré de sexe féminin ou masculin et d’âge gestationnel
inférieur à 34 SA, le bénéfice de l’administration anténatale et maternelle d’un
corticostéroïde fluoré (b-méthasone acétate + phosphate = Célestènet
Chronodoset : 2 x 12 mg/j IM pendant 48 heures, ou dexaméthasone =
Soludécadront 4 x 6 mg/12 h IM pendant 48 heures) sur la mortalité et
l’incidence de la MMH est parfaitement établi grâce à ces multiples essais et
à leur méta-analyse. Lorsque la naissance a lieu entre 24 heures et 7 jours
après le début du traitement, la mortalité et l’incidence de la MMH sont
diminuées d’environ 50 %. Quoique non statistiquement significatif, ce
traitement reste bénéfique lorsque l’accouchement a lieu entre 34 et 37 SAou
lorsqu’il survient avant 24 heures après la première cure ou après 7 jours. Ce
bénéfice persiste chez les grands prématurés d’AG inférieur à 31 SA. La
survenue d’uneMMHmalgré le traitement ne doit pas être considérée comme
un échec : la détresse respiratoire est moins grave et l’efficacité de différentes
méthodes de ventilation et des surfactants exogènes est renforcée par
l’imprégnation hormonale anténatale. Le large recours à la corticothérapie
anténatale est sûrement l’un des facteurs qui contribue au succès, dans le
traitement des détresses respiratoires du grand prématuré, de modes de
ventilation peu barotraumatiques comme la pression positive continue nasale
(PPC nasale) ou l’association surfactant exogène naturel modifié-PPC nasale.
Le bénéfice non respiratoire le plus spectaculaire de la corticothérapie
anténatale est la diminution de l’incidence des hémorragies intracrâniennes.
Selon plusieurs études rétrospectives ou prospectives, l’incidence des formes
graves d’HIV (grade 3 et 4) est diminuée d’environ 50 %. Ce résultat plaide
pour un large recours à cette thérapeutique chez le grand et le très grand
prématuré, pour lesquels l’incidence des HIV tous grades confondus dépasse
40 %. Les conséquences sur la maturation pulmonaire de l’imprégnation
hormonale, son effet positif sur l’hémodynamique néonatale, et peut-être
aussi un effet maturatif direct sur la régulation de la perfusion cérébrale
expliquent ce bénéfice. La corticothérapie anténatale diminue aussi, selon
plusieurs études, l’incidence de l’entérocolite ulcéronécrosante et celle de la
persistance du canal artériel.
Le délai d’environ 24 heures, nécessaire pour que l’hormone exerce ses effets
biologiques, justifie de débuter la cure le plus rapidement possible. Même si
la probabilité que l’accouchement ait lieu avant la fin de ce délai est forte, le
traitement doit être néanmoins commencé, car un effet bénéfique sur
l’incidence de laMMHet celle des HIV est malgré tout démontré. L’analyse
rétrospective de l’étude multicentrique OSIRIS conduite en 1989 et 1990 et
ayant pour objectif d’évaluer l’efficacité d’un surfactant artificiel montre que
en moyenne seulement 15 % des enfants ont été soumis au traitement
hormonal anténatal avec des variations selon les centres de 0 % à plus de
50 %. Dans les études récemment conduites par des centres américains ayant
pour objectif de comparer l’efficacité de différents surfactants, l’incidence de
la corticothérapie anténatale est comprise entre 26 et 36 %. Elle atteindrait
plus de 50 % dans certains pays scandinaves. En France, l’incidence est
difficile à évaluer, mais il est certainement possible de l’améliorer par une
meilleure coordination obstétricopédiatrique et une diffusion la plus large
possible de l’information.
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
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Si l’efficacité de la corticothérapie anténatale sur l’incidence de la MMH en
cas de rupture prématurée des membranes est plus controversée, elle reste
justifiée pour ses autres effets maturatifs et protecteurs, notamment pour la
prévention des HIV graves. Le risque infectieux doit être évalué au mieux, en
ayant pour certains éventuellement recours à l’amniocentèse, car l’incidence
des complications infectieuses maternelles est peut-être augmentée dans cette
particulière situation. Très rares sont les circonstances où le recours à la
corticothérapie anténatale peut donner lieu à des complications : elles sont
alors toujours en rapport avec une pathologie maternelle (diabète grave et de
contrôle difficile, infection mal contrôlée, traitement prolongé par les bmimétiques,
oedème pulmonaire). Il n’y a pas de contre-indication d’ordre
pédiatrique à la corticothérapie anténatale. L’administration de
dexaméthasone ou de â-méthasone peut entraîner des altérations transitoires
du rythme cardiaque foetal : réduction de la variabilité avec la â-méthasone,
augmentation avec la dexaméthasone. Cet effet des hormones doit être
reconnu pour éviter une extraction précipitée car attribuée à tort à une
souffrance foetale. Certains arguments plaident pour le recours à la â-
méthasone plutôt qu’à la dexaméthasone :
– la rémanence de la composante retard du Célestènet Chronodoset
(acétate) si l’accouchement a lieu dans les 12 heures suivant la première
injection (l’enfant reçoit alors la moitié effective de la cure avec la â-
méthasone mais seulement un quart avec la dexaméthasone) ;
– les résultats des méta-analyses distinguant dexaméthasone et â-
méthasone : en termes de mortalité, la différence est significative pour la â-
méthasone (OR : 0,52 ; IC 95 % : 0,39 - 0,70), mais non significative pour la
dexaméthasone (OR : 0,89, IC 95 % : 0,60 - 1,32) [5]. L’absence de différence
pour la dexaméthasone n’est pas expliquée par un effet moindre sur
l’incidence de laMMHcar, pour les deux drogues, la réduction de l’incidence
de la MMH est très significative ;
– la présence de sulfite dans la préparation à base de dexaméthasone pour
laquelle une imputabilité dans la survenue d’accident allergique chez l’adulte
a été suggérée ;
– le confort maternel (deux injections au lieu de quatre injections).
Le bénéfice des cures itératives hebdomadaires, proposées par certains en
situation à risque comme les grossesses multiples, n’est pas démontré par une
étude prospective. L’évaluation de la maturation pulmonaire foetale après
amniocentèse, pour décider de la poursuite des cures, pourrait être envisagée,
mais un test de maturation négatif dans le liquide amniotique n’exclut pas une
maturité pulmonaire satisfaisante, et l’amélioration de l’adaptation
respiratoire postnatale n’est pas uniquement dépendante des effets maturatifs
sur la biosynthèse du surfactant. Les conséquences sur le développement
foetal (accélération de la différenciation - ralentissement de la croissance) et
sur l’axe hypophyse-surrénale de ces cures multiples n’ont pas été évaluées.
En l’absence d’études prospectives et de suivi, le recours à des cures itératives
doit être envisagé avec beaucoup de prudence et discuté au cas par cas. Il faut
savoir mettre en balance le risque potentiel et non connu de cures multiples et
les avantages escomptés. Par exemple, est-il nécessaire chez une patiente
parvenue au terme de 31 SA, et ayant déjà reçu trois cures, de poursuivre les
cures systématiques si, au-delà de cet AG, le risque deMMHen l’absence de
tout traitement préventif est inférieur à 20 %et celui de complications graves
d’une MMH bien prise en charge (décès, DBP, HIV) est quasi nul ? En
pratique, deux statégies sont envisageables :
– administration systématique entre 7 et 10 jours, après la première cure,
d’une deuxième cure. Possibilité d’une cure supplémentaire (soit trois au
total) si l’âge gestationnel au moment de la première cure est inférieur à
29 SA ;
– administration d’une première cure et indication de deuxième cure, audelà
de 7 à 10 jours après la première cure, uniquement en cas de
modifications obstétricales laissant suspecter un accouchement imminent.
Cette stratégie pourrait être étendue à toutes les grossesses multiples avec une
première cure systématique vers 26-27 SA et une deuxième cure éventuelle
selon l’évolution du risque d’accouchement prématuré.
Surfactants exogènes en néonatologie
Différents surfactants exogènes
Depuis 1980, date du premier succès thérapeutique rapporté avec un
surfactant exogène (SE) naturel purifié à partir de poumons de veau et
supplémenté en phospholipides, de nombreux produits ont fait l’objet de
multiples études prospectives et contrôlées démontrant leur efficacité [29, 44].
Le SE exogène est le premier médicament conçu en premier lieu et produit à
grande échelle pour un usage exclusivement néonatologique. Plusieurs de ces
SE sont maintenant commercialisés et utilisés quotidiennement dans les
services de réanimation néonatale. Il existe actuellement trois types de SE
(tableau VII) :
– le SE naturel humain, homologue, extrait du liquide amniotique, contient
les phospholipides et toutes les protéines spécifiques du surfactant naturel,
incluant les glycoprotéines SP-A et SP-D. Il reste « l’étalon or » des SE, mais
son coût de purification est trop élevé, et son administration comporte un
risque inacceptable de transmission d’organismes pathogènes ;
– les SE naturels modifiés d’origine animale (hétérologues), purifiés à partir
de broyats ou de lavages, sont extraits à l’aide de solvants organiques
(chloroforme/méthanol) de poumons de boeuf, de veau, ou de porc. Certains
subissent un ajustement final des concentrations en DPPC et une
supplémentation en acides gras libres. Tous ces surfactants naturels ont des
concentrations en phospholipides ³ 80 %. Le procédé d’extraction préserve
les protéines très lipophiles SP-B et SP-C, mais élimine les glycoprotéines
SP-A et SP-D ;
– les SE artificiels sont tous à base de DPPC. La première génération est
exempte de protéines naturelle ou artificielle. Son représentant le plus connu
et utilisé est l’Exosurf-Surfexot (DPPC additionnée d’agents chimiques
favorisant l’adsorption et l’étalement des phospholipides : tyloxapol et
hexadécanol). La deuxième génération, au stade maintenant des essais
cliniques, est constituée par l’addition de peptides synthétiques ou
recombinants, mimant ou reproduisant les domaines actifs des protéines SP-B
et/ou SP-C à des phospholipides (majoritairement ou exclusivement de la
DPPC).
Propriétés des surfactants exogènes
La principale propriété exigée d’un SE est sa capacité à abaisser la tension
superficielle [63]. Les propriétés tensioactives sont d’abord testées in vitro sur
balance de Langmuir-Wilhelmy ou à l’aide d’un surfactomètre à bulle. L’effet
tensioactif et la stabilité, après plusieurs cycles de compressiondécompression,
du SE testé sont variables selon le type de SE : excellents
avec le SE naturel entier et les SE naturels modifiés, moins marqués avec les
SE artificiels. Les SE sont ensuite testés in vivo chez l’animal prématuré
(lapin, agneau, babouin) ou chez l’animal adulte ayant préalablement subi un
lavage alvéolaire. L’efficacité est démontrée par amélioration de la
gazométrie et de la mécanique ventilatoire : expansion alvéolaire, volume
pulmonaire, et augmentation de la compliance. Cette efficacité est plus nette
avec les SE naturels qu’avec les SE artificiels. L’importance fonctionnelle des
protéines hydrophobes est ainsi indirectement démontrée et
expérimentalement, le Surfexot substitué avec ces mêmes protéines acquiert
des propriétés fonctionnelles voisines de celles des surfactants naturels [20].
Les SE sont enfin testés dans des études pilotes chez le grand prématuré :
l’efficacité clinique immédiate est démontrée par une amélioration des
échanges gazeux après instillation. Cette amélioration est en général très
rapide (quelques minutes), majeure, et soutenue avec un surfactant naturel.
La réponse est plus lente avec un surfactant artificiel (quelques heures), moins
Tableau VII. – Différents surfactants exogènes.
Type de surfactant Origine Particularités Protéines spécifiques Effets tensioactifs
in vitro Efficacité clinique
Surfactant naturel humain Liquide amniotique humain Surfactant de référence SP-A-SP-D SP-B SP-C +++ +++
Surfactants naturels modifiés Poumon animal Extraction par solvants organiques
– CLSE Veau SP-B +++ +++
(= InfasurfT) SP-C
(= AlveolofactT)
– Surfactant TA Boeuf Enrichi en DPPC et acides
gras libres
SP-B ++ ++
(= SurvactenT) SP-C
(= SurvantaT)
– CurosurfT Porc Pas de lipides neutres SP-B ++ ++
SP-C
Surfactants artificiels Produits de synthèse :
- AlecT DPPC + PG 0 + +
- ExosurfT DPPC + tyloxapol + hexadécanol
Composés non physiologiques
0 + ++
CLSE : calf lung surfactant extract ; DPPC : dipalmitoyl phosphatidylcholine ; PG : phosphatidylglycérol.
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marquée mais en règle aussi soutenue. L’amélioration clinique s’accompagne
d’une augmentation des volumes pulmonaires et d’un éclaircissement
radiologique. Un monitorage rigoureux s’impose dans les heures après
administration du SE pour éviter hyperoxie, hyperventilation et distension
pulmonaire. Environ 20 % des grands prématurés traités répondent
médiocrement ou pas du tout à l’installation de surfactant. La non-réponse est
un facteur de mauvais pronostic vital (risque multiplié par 2 de décès).
Essais thérapeutiques
Les bénéfices des SE sont surtout jugés sur la diminution des complications
respiratoires secondaires et sur l’amélioration du pronostic en termes de
survie et de séquelles. Actuellement, plus d’une trentaine d’essais
thérapeutiques contrôlés ont été publiés, ce qui représente plus de
6 000 enfants [84]. Les méta-analyses de ces essais (tableau VIII) permettent
de tirer les conclusions suivantes :
– les SE diminuent significativement la mortalité (40 %) et ceci d’autant plus
que la population d’étude est immature (diminution de près de 50 % chez les
« grands » prématurés) ;
– les SE diminuent la fréquence des complications barotraumatiques –
pneumothorax et emphysème interstitiel – de 30 à 50 % ;
– l’incidence de la DBP est peu modifiée mais le nombre de survivants sans
DBP est augmenté, et l’incidence de la DBP parmi les moins immatures a
considérablement diminué ;
– la morbidité non respiratoire en particulier neurologique (hémorragie
intraventriculaire et ischémie périventriculaire) n’est pas augmentée, mais
n’est pas non plus diminuée, et ce malgré une meilleure survie. Sauf pour les
plus immatures (AG < 26 SA), l’impact de l’administration d’un SE sur la
mortalité des grands prématurés est quasi indépendant (cf infra) de la nature
du surfactant administré (naturel ou artificiel) et du moment de
l’administration (administration prophylactique dans les 10 premières
minutes de vie ou stratégie curative dans les premières heures, une fois la
détresse respiratoire installée). L’administration d’un SE augmente d’un
risque évalué par les méta-analyses inférieur à 1,5 l’incidence des
hémorragies pulmonaires, notamment chez le grand prématuré hypotrophe ou
le très grand prématuré. Les SE ont une faible toxicité inflammatoire,
infectieuse et immunologique : aucun effet secondaire spécifiquement lié à
cette toxicité n’a été rapporté à ce jour.
Le délai d’administration du surfactant exogène a-t-il une influence
sur le pronostic vital ?
Des données expérimentales suggèrent que l’administration du SE à un
animal prématuré immédiatement à la naissance permet une distribution plus
homogène et limite le barotraumatisme lié à la ventilation mécanique [12]. Une
méta-analyse des essais comparant l’efficacité d’une stratégie prophylactique
par rapport à un traitement une fois la détresse respiratoire constituée
(instillation effectuée 6 heures en moyenne après la naissance) démontre
l’existence d’une différence significative en termes de mortalité (OR = 0,72,
5 - 95 %IC [0,52 - 0,98]) et en termes de complications barotraumatiques (OR
= 0,66, 5 - 95%IC [0,36 - 0,91]) [84]. L’administration systématique en salle
de naissance d’un SE sur la simple base de l’AG a cependant plusieurs
inconvénients [26] :
– elle impose un traitement systématique non justifié pour un large
pourcentage d’enfants aux poumons matures. Ce pourcentage est évalué à
50 %parmi les grands prématurés d’AG inférieure ou égale à 31 SAet connaît
encore une augmentation compte tenu d’un plus large recours à la
corticothérapie anténatale ;
– elle implique une intubation systématique potentiellement source de
complications, notamment dans des mains peu expérimentées ;
– elle représente un surcoût considérable. Pour les grands prématurés d’AG
supérieure à 26 SA, un compromis entre les deux stratégies est peut-être à
trouver dans une prise en charge ventilatoire du grand prématuré par PPC
nasale dès la naissance, avec l’objectif d’identifier les enfants aux poumons
matures. Malgré la PPC nasale, le nouveau-né aux poumons immatures, et
tout particulièrement le grand prématuré, va très rapidement manifester une
détresse respiratoire avec une majoration rapide des besoins en oxygène :
l’instillation après intubation endotrachéale peut être alors réalisée, dans un
délai inférieur à 2 heures de vie, c’est-à-dire largement plus court que celui de
la stratégie curative classique.
Ces essais démontrent néanmoins clairement l’avantage d’une administration
la plus précoce possible du surfactant lorsque les manifestations cliniques ou
des données radiologiques ou biochimiques suggèrent fortement l’existence
d’un déficit en matériel tensioactif. Ceci est particulièrement le cas des enfants
extrêmement immatures, d’AG inférieur ou égal à 26 SA. Le bénéfice d’une
administration la plus précoce possible, et réalisée dans des conditions de
sécurité optimales à ces âges gestationnels, est l’un des arguments plaidant
pour le développement de la régionalisation des soins et le transfert in utero
en centre de niveau III des patientes à risque d’accouchement très prématuré.
Autres indications du surfactant exogène en néonatologie
Les pathologies du surfactant en période néonatale ne se résument pas au seul
déficit fonctionnel lié à l’immaturité pulmonaire [86]. Le méconium, des
protéines d’origine plasmatique, des phospholipases de micro-organismes
sont de puissants inactivateurs de composantes essentielles du surfactant.
Dans les formes graves d’inhalation, l’inactivation du surfactant par la
fraction hydrophobe du méconium participe, avec l’alvéolite chimique et
l’hypertension artérielle pulmonaire, à la genèse de l’hypoxémie sévère ou
réfractaire fréquemment observée dans cette situation. Sur la base de données
expérimentales encourageantes, plusieurs essais cliniques, pilotes ou
contrôlés, ont été entrepris. Celui le plus récemment publié rapporte des
résultats très prometteurs : l’administration précoce de plusieurs doses d’un
surfactant naturel, le Survantat, à des nouveau-nés souffrant d’inhalation
méconiale sévère permet une amélioration des échanges gazeux, une
réduction de la fréquence des complications barotraumatiques et de la
nécessité d’avoir recours aux méthodes d’oxygénation extracorporelle. Des
résultats très prometteurs ont aussi été rapportés, lors d’essais pilotes et
préliminaires, chez des enfants présentant une hypoxémie sévère associée à
une infection (streptoccoque B) ou une hémorragie pulmonaire.
Surfactants de nouvelle génération
Si l’efficacité et la relative innocuité des surfactants naturels dont nous
disposons aujourd’hui sont bien établies, la production par nature limitée de
ces produits d’origine animale (interdisant -si indication était - d’en envisager
une large utilisation chez l’enfant et chez l’adulte), et la recherche d’une
sécurité virale « absolue » (même si les étapes de purification sont
particulièrement drastiques et efficaces dans l’élimination des virus et des
agents non conventionnels) ont conduit plusieurs équipes à se tourner vers
l’élaboration de surfactants synthétiques de composition plus proche de celle
du surfactant naturel humain. C’est de l’étude des relations structure-fonction
des protéines hydrophobes et de la démonstration de leur rôle essentiel qu’est
née l’idée d’incorporer des protéines recombinantes ou des analogues
peptidiques de ces protéines à un mélange phospholipidique.
· Protéines recombinantes
Les formes matures des protéines SP-B et SP-C sont de petits peptides, ne
comportant pas de modifications post-traductionnelles complexes, et sans
structure tertiaire ou quaternaire élaborée. Leur synthèse procaryote après
recombinaison et transformation bactérienne d’un ADNc humain
recombinant a pu être réalisée. L’addition de l’une ou l’autre de ces protéines
recombinantes confère à un mélange phospholipidique des propriétés
tensioactives in vitro et chez l’animal, voisines sans être tout à fait
équivalentes de celles d’un surfactant naturel d’origine animale.
· Peptides synthétiques
Selon des modèles théoriques fondés sur la séquence primaire de la protéine
et confirmés par diverses approches physicochimiques, l’organisation spatiale
de plusieurs domaines de SP-B est une hélice amphipathique : la face
Tableau VIII. – Méta-analyse des essais contrôlés pour évaluer l’efficacité du traitement de la maladie des membranes hyalines par surfactant exogène. Incidence de
plusieurs complications [84].
Surfactant naturel Surfactant artificiel
Traitement prophylactique N Odds-ratio (95 %) N Odds-ratio (95 %)
Pneumothorax 8 0,31 (0,22-0,44) 5 0,64 (0,45-0,89)
Persistance du canal artériel 8 1,16 (0,89-1,50) 6 1,27 (1,03-1,57)
Hémorragie intraventriculaire 8 0,95 (0,73-1,24) 4 0,99 (0,73-1,21)
Dysplasie bronchopulmonaire 7 0,88 (0,67-1,15) 5 1,09 (0,80-1,47)
Mortalité 8 0,60 (0,42-0,85) 7 0,67 (0,52-0,88)
Traitement sélectif N Odds-ratio (95 %) N Odds-ratio (95 %)
Pneumothorax 12 0,34 (0,27-0,44) 4 0,52 (0,42-0,65)
Persistance du canal artériel 12 0,96 (0,79-1,18) 3 0,73 (0,60-0,88)
Hémorragie intraventriculaire 10 0,94 (0,76-1,15) 2 0,77 (0,62-0,97)
Dysplasie bronchopulmonaire 10 1,01 (0,81-1,27) 3 0,68 (0,46-0,99)
Mortalité 11 0,59 (0,47-0,74) 5 0,65 (0,50-0,82)
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
page 7
hydrophile de l’hélice est chargée positivement et contracte des liaisons
électrostatiques avec l’extrémité anionique du PG, alors que la face
hydrophobe interagit avec les chaînes aliphatiques. Plusieurs équipes ont
élaboré des peptides synthétiques mimant structurellement l’un des ces
domaines amphipathiques. Le surfactant combinant le peptide
(ArgLeuLeuLeuLeu) 4Arg à un mélange DPPC-POPG (palmitoyl-oléoylphosphatidyl
glycérol) est dénommé KL4. L’administration de ce surfactant
à des lapins prématurés augmente significativement la compliance. Ce
surfactant a été évalué dans plusieurs autres modèles d’animaux prématurés
ou dans un modèle d’ARDS (Acute respiratory distress syndrome). Son
administration permet une amélioration rapide et durable de l’oxygénation et
une augmentation des volumes pulmonaires. Une étude préliminaire a été
récemment rapportée chez des prématurés avec MMH [17]. L’administration
d’une ou deux doses avant H4 chez 39 enfants s’accompagne d’une
diminution rapide et durable de l’index d’oxygénation, d’une diminution
significative des constantes de ventilation, et d’un recrutement alvéolaire
radiologique comparable à celui observé avec les surfactants naturels. La
tolérance immédiate du produit est bonne et aucune complication habituelle
de la grande prématurité n’a été observée avec une fréquence inhabituelle.
Des essais contrôlés sur de plus grandes populations comparant ce nouveau
surfactant avec les surfactants naturels seront nécessaires avant d’envisager
leur commercialisation.
Surfactant exogène et dysplasie bronchopulmonaire
La DBP est une forme d’insuffisance respiratoire prolongée apparaissant au
décours d’une détresse respiratoire néonatale de l’enfant prématuré [97]. La
définition clinique habituellement admise est la persistance de besoins en O2
au-delà de 28 jours de vie. Les formes sévères de DBP sont définies par une
oxygénodépendance au-delà de 36 semaines d’âge corrigé ou 3 mois d’âge
postnatal. Si l’utilisation des SE ne permet pas, par rapport au groupe témoin,
une diminution significative de l’incidence de laDBPdéfinie selon les critères
classiques, il est indéniable que l’incidence de la DBP chez les enfants d’âge
gestationnel supérieure à 28 SAet celle des formes graves de DBP, tous âges
gestationnels confondus, ont considérablement diminué. Si une diminution
significative de l’incidence de la DBP n’est pas observée, c’est avant tout
parce que beaucoup plus de très grands prématurés survivent à la période
immédiatement postnatale. Sauf chez les très grands prématurés, la DBP est
maintenant une cause exceptionnelle de décès. De plus, les formes sévères de
DBP s’observent aujourd’hui essentiellement chez les prématurés d’AG
inférieur ou égal à 27 SA, avec une incidence très variable selon les équipes.
La majorité des enfants atteints de DBP sont désormais sevrés relativement
tôt du ventilateur, et plus de 90 % d’entre eux sont en mesure de rentrer au
domicile au voisinage du terme, moyennant pour les formes sévères une prise
en charge adéquate (oxygénothérapie pendant le sommeil, hospitalisation à
domicile). Outre le bénéfice apporté par la corticothérapie anténatale et les
SE, il faut voir ici (sans que cela soit statistiquement démontrable avec la
rigueur des méta-analyses) le résultat de la convergence de plusieurs progrès :
– les nouveaux modes de ventilation (PPC et ventilation à l’aide d’une sonde
nasale) permettant un sevrage plus précoce de la ventilation assistée et une
diminution du risque de lésions trachéobronchiques et de surinfections
respiratoires [92], ventilation asservie par « trigger » assurant une adaptation
du respirateur à l’enfant et supposée diminuer le barotraumatisme ;
– le monitorage non invasif et continu (PO2 et PCO2 transcutanées,
enregistrement continue de la saturation par oxymètre de pouls) facilitant un
meilleur ajustement des paramètres ventilatoires après administration du SE
et contribuant à éviter l’hyperoxie - les formes graves de rétinopathie sont
maintenant exceptionnelles chez les prématuré d’AG ³ 27 SA - et l’hypoxie
chronique - l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) posthypoxique est
aujourd’hui très rare et habituellement réversible - ;
– l’introduction au lit du patient de l’échocardiographie doppler, qui permet
une analyse physiopathologique plus fine de l’hypoxémie (hypoperfusion
pulmonaire, HTAP, incompétence myocardique) et une évaluation de
l’efficacité de la prise en charge hémodynamique de l’enfant (expansion
volémique, inotropes, vasodilatateurs) ;
– un meilleur contrôle de l’état nutritionnel et du confort, prérequis à une
cicatrisation et une croissance optimales ;
– le recours plus large et plus précoce à des thérapeutiques spécifiques de la
DBP : bronchodilatateurs inhalés et corticothérapie générale.
Chez le prématuré extrêmement immature, l’incidence de la DBP reste très
élevée parmi les survivants. Calculée par rapport au nombre de survivants et
définie comme la nécessité de prolonger le soutien ventilatoire ou
l’oxygénothérapie au-delà de 28 jours, elle est d’environ 60 à 80 % selon les
séries.Àl’inverse de la mortalité précoce très liée à la gravité de la pathologie
respiratoire initiale, l’incidence de la DBP dans cette tranche d’âge est
relativement indépendante du degré de sévérité de la pathologie initiale. En
revanche, sur ce terrain, sa gravité est très liée à la survenue de certaines
complications postnatales : emphysème interstitiel précoce, troubles
hémodynamiques sévères, hémorragie pulmonaire, surinfections
nosocomiales. Dans notre expérience, environ 50 %des prématurés de moins
de 26 SA évoluent vers une DBP sévère (définie comme la nécessité de
poursuivre l’oxygénothérapie au-delà de 36 SA). Aujourd’hui, c’est
essentiellement dans cette population que se recrutent les enfants requérant
encore une oxygénothérapie à domicile pour plusieurs semaines voire
plusieurs mois. Différentes stratégies ventilatoires (ventilation à haute
fréquence par oscillations, ventilation conventionnelle synchronisée, pression
positive continue nasale précoce) ayant toutes pour objectif de diminuer
l’incidence et la gravité de la pathologie respiratoire secondaire, sont en cours
d’évaluation chez le grand prématuré. Si la corticothérapie postnatale permet
un sevrage de la ventilation assistée plus précoce, son bénéfice en termes de
réduction des durées d’oxygénation et d’hospitalisation n’est pas certain. Des
études récentes réalisées chez des enfants extrêmement immatures sont en
faveur d’une efficacité de la corticothérapie postnatale précoce pour la
prévention des DBP sévères, mais les complications sont nombreuses, et
certaines d’entre elles sont plus graves et fréquentes en début de traitement
chez l’enfant très immature, notamment arrêt de la croissance,
hypercatabolisme, et intolérance glucidique sévère [18]. Une courte
corticothérapie initiée tôt et répétée tous les 10 jours permet de diminuer
l’incidence de la DBPà 36 SAchez les enfants très immatures (AG moyen de
26 SA). Ces nouvelles modalités thérapeutiques (cure alternée ou « ultracourte
» avec dose initiale plus faible) feront sûrement l’objet dans les
prochaines années d’une évaluation plus approfondie dans cette population,
tant la pathologie respiratoire secondaire y est précoce, fréquente et sévère.
Nouveaux modes de ventilation
Une amélioration du pronostic vital et fonctionnel des détresses respiratoires
du grand prématuré est attendue de nouveaux modes de ventilation
actuellement en cours d’évaluation. Chez le grand prématuré avec MMH,
l’administration précoce d’un SE naturel suivie d’une extubation rapide
(moins de 1 h) avec relais par PPC nasale pourrait diminuer le recours à la
ventilation mécanique par rapport à un groupe d’enfants traités par PPC
nasale seule (réduction de 50 % du taux d’intubation pour ventilation
mécanique) [92]. Ce résultat illustre l’intérêt de l’association SE-PPC nasale
dans la prise en charge deMMHde gravité modérée chez le grand prématuré.
Plusieurs essais contrôlés multicentriques menés actuellement dans différents
pays européens ont pour but d’évaluer l’efficacité de différents modes de PPC
nasale dans la prise en charge précoce de la MMH, l’objectif étant toujours
d’extuber rapidement l’enfant après administration de SE pour limiter le
barotraumatisme induit par la ventilation assistée et raccourcir les durées de
ventilation et d’oxygénothérapie.
Ventilation à haute fréquence par oscillations (VHFO)
Elle a pour caractéristique d’assurer des échanges gazeux efficaces par
oscillation d’un volume courant de gaz très inférieur à celui de l’espace mort
des voies aériennes [14]. Des études expérimentales ont démontré que ce mode
de ventilation est responsable de lésions pulmonaires moindres que celles
secondaires à la ventilation conventionnelle [41]. Cette stratégie ventilatoire,
alternative ou complémentaire à l’utilisation du SE, pourrait permettre ainsi
de diminuer la mortalité et surtout la morbidité résiduelles de laMMHchez le
grand prématuré. Les différentes modalités de ventilation à haute fréquence
se caractérisent par une fréquence supraphysiologique avec des volumes
courants inférieurs au volume de l’espace mort. Une autre caractéristique de
ce dernier mode de ventilation est d’assurer une expiration active : la vidange
expiratoire n’est en effet pas uniquement dépendante de l’élasticité
pulmonaire et thoracique, mais aussi et surtout d’une mobilisation active des
gaz dans les voies aériennes grâce aux mouvements de va-et-vient d’un piston
ou d’un diaphragme. L’expiration active permet d’utiliser des fréquences
élevées supérieures à 10 Hz en minimisant au maximum le risque de gaz
piégés. Les mécanismes capables d’assurer l’oscillation sont soit une pompe
à piston, soit une membrane mise en oscillation par effet électrostatique ou
électromagnétique. De nombreuses études chez l’animal ont démontré
expérimentalement que laVHFO améliore les échanges gazeux en diminuant
l’agression pulmonaire par rapport à la ventilation conventionnelle (VC). Les
données expérimentales démontrent qu’il est indispensable, pour obtenir un
recrutement efficace, d’osciller le poumon à pression moyenne initiale élevée.
En pratique, il est donc nécessaire de recruter largement le poumon au
moment d’instituer l’oscillation. L’expansion pulmonaire initiale peut être
atteinte soit en réalisant des soupirs, soit par une stratégie de recrutement
optimal à pression moyenne initiale élevée. Ceci permet d’éviter d’osciller
un poumon partiellement collabé, faisant perdre ainsi le principal avantage
de cette technique de ventilation. Un autre élément important, démontré par
les données expérimentales, est que l’amélioration de l’oxygénation à lésion
pulmonaire moindre est obtenue plus efficacement lorsque la ventilation par
oscillation est débutée très tôt après la naissance. Le bénéfice est moins
évident si ce mode de ventilation est institué avec retard. Enfin, la
combinaison SE + VHFO est supérieure en termes d’efficacité et de lésions
volotraumatiques à la combinaison SE + VC. On observe ainsi une
amélioration significative de l’oxygénation, des anomalies radiologiques
moindres, une diminution des lésions histologiques et de l’oedème alvéolaire.
5-114-K-60 AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE Obstétrique
page 8
Enfin, la composition en phospholipides du liquide de lavage
bronchoalvéolaire et des inclusions lamellaires est mieux préservé lorsque la
ventilation s’effectue en VHFO qu’en VC.
Le premier essai clinique multicentrique incluant un grand nombre de
patients, à l’ère du présurfactant, a montré que la VHFO ne réduisait ni la
mortalité, ni l’incidence de la DBP, mais qu’elle s’associait à une
augmentation de l’incidence des HIV [87]. Ces résultats décevants du HIFI
Study Group s’expliquent probablement par une stratégie inadéquate de
pression à volume trop faible, confirmant ainsi l’observation expérimentale
du risque réel d’osciller un poumon insuffisamment recruté. Si l’on exclut
néanmoins de cette étude l’un des centres ne recevant que des enfants
outborn, la différence statistiquement défavorable s’efface. Une autre étude
plus récente et contrôlée comparant la ventilation par VHFO exclusive à la
VC ou à la ventilation par VHFO pendant 3 jours suivie de la VC démontre
une diminution modeste de l’incidence de la maladie respiratoire chronique
secondaire dans les deux groupes VHFO avec une différence statistiquement
significative entre le groupe VHFO exclusif contre le groupe VC exclusif.
Cette étude réalisée sur 83 prématurés ne met pas en évidence d’augmentation
du risque d’HIV [16]. Une autre étude japonaise multicentrique utilisant là
aussi la VHFO avec une stratégie de haut volume chez de grands prématurés
avec MMH en association avec un surfactant d’origine animale (Survantat)
ne met pas en évidence de différence en termes de morbidité neurologique [70].
Tout récemment, une étude multicentrique prospective belge et américaine,
incluant 125 enfants prématurés d’AG moyen d’environ 31 semaines,
présentant une MMH, divisés en deux groupes VC versus VHFO, avec une
stratégie de recrutement optimal, démontre l’intérêt de laVHFO en termes de
diminution de la durée de ventilation et d’oxygénothérapie après extubation,
sans aucune différence sur la morbidité associée notamment neurologique [31].
Dans cette plus récente étude, l’ensemble des enfants étaient traités par
surfactant naturel en association avec la VC ou la VHFO. Une méta-analyse
très récente confirme que si l’on exclut les résultats défavorables observés par
le HIFI group en 1989, il n’y a pas de risque accru d’HIV ou de leucomalacie
avec la VHFO [15].
L’ensemble des études expérimentales démontre indiscutablement le
bénéfice de laVHFOtant pour améliorer les échanges gazeux que pour limiter
les complications baro- ou volutraumatiques. Pour la prise en charge de la
MMH chez le grand prématuré, des premiers essais thérapeutiques ont pu
démontrer l’intérêt, en association avec l’administration d’un SE, de laVHFO
dans une prise en charge précoce de cette pathologie chez le grand prématuré.
Cet intérêt se mesure en termes de réduction de la durée de ventilation et
d’oxygénation, dont d’une diminution de l’incidence de la maladie
respiratoire chronique secondaire, et ce sans augmentation significative du
risque d’HIV. Il faut noter que dans la toute dernière étude multicentrique,
l’âge moyen reste relativement élevé (31 semaines) et que ce bénéfice reste à
démontrer pour les très grands prématurés d’âge gestationnel inférieur à
28 semaines. La ventilation à haute fréquence est probablement aussi une
stratégie de choix dans le traitement préventif ou curatif précoce des
emphysèmes interstitiels, et dans la prise en charge complexe des
hypertensions artérielles pulmonaires associées à une pathologie
alvéolaire [14]. Ce mode de ventilation, comme tout mode de ventilation,
comporte des risques, notamment complications barotraumatiques,
retentissement hémodynamique pulmonaire, systémique et cérébral. En
conséquence, cette technique ne devrait être utilisée que par des cliniciens
expérimentés, avec un monitorage rigoureux des constantes de ventilation,
des paramètres hémodynamiques et des échanges gazeux. Le bénéfice attendu
de ce mode de ventilation pour la prise en charge des grands prématurés est
très probablement maximal si cette ventilation est instituée précocement : ceci
est encore un argument supplémentaire plaidant en faveur des transferts in
utero et des naissances de ces enfants en centre de niveau 3.
Monoxyde d’azote (NO) inhalé
En un intervalle de temps remarquablement court, l’administration de NO
inhalé (NOi) a acquis une place reconnue dans l’arsenal thérapeutique des
détresses respiratoires sévères du nouveau-né [34]. Le syndrome
d’hypertension artérielle pulmonaire persistante du nouveau-né (HTAPPN),
responsable d’une hypoxémie sévère ou refractaire liée à l’hypoperfusion
pulmonaire et au shunt extrapulmonaire droite gauche par le canal artériel ou
le foramen ovale, demeure une complication évolutive fréquente de toutes les
pathologies respiratoires néonatales, notamment les pathologies d’inhalation,
la MMH, les infections sévères à streptocoque B, et la hernie diaphramatique
congénitale [50]. Parfois, ce syndrome survient en l’absence de pathologie
pulmonaire parenchymateuse, le plus souvent alors dans les suites d’une
asphyxie périnatale. La synthèse endothéliale de NO, identifié comme le
médiateur de la vasodilatation dépendante de l’endothélium déclenchée par
l’acétylcholine, est assurée par la catalyse enzymatique (NO synthases) de la
L-arginine en L-citrulline, et ses effets vasorelaxants sont médiés par une
guanylate cyclase (fig 1). En augmentant le taux intracellulaire de GMP
cyclique, le NO active les protéines kinases dépendantes du GMPc. Cette
activation aboutit à la déphosphorylation des chaînes de myosine et à la
vasorelaxation. La demi-vie intracellulaire du GMPc est courte car celui-ci
est activement hydrolysé et inactivé par une phosphodiestérase. La courte
durée de vie du NO et celle de son second messager permettent ainsi une
régulation fine et rapide du tonus vasculaire.Le rationnel du recours au NOi
dans cette situation est bien documenté :
– la baisse des résistances et l’augmentation du débit pulmonaire induites par
la ventilation d’un animal nouveau-né sont inhibées par l’administration
concomitante d’inhibiteurs de la NO synthase ;
– l’administration de NOi à des animaux nouveau-nés ventilés avec une
faible FIO2 entraîne une baisse durable et sélective des résistances
pulmonaires équivalentes à celle induite par la ventilation avec FIO2 élevée ;
– dans les modèles expérimentaux d’HTAPPN (occlusion ou ligature du
canal artériel in utero) chez lesquels la vasodilatation dépendante de
l’endothélium est altérée, l’administration de NOi en association avec une
ventilation hyperoxique permet une baisse significative des résistances
pulmonaires ;
– l’effet vasorelaxant duNOindépendant de l’endothélium peut être amplifié
par l’administration concomitante d’inhibiteurs des phosphodiestérases ;
– l’administration de NOi chez le nouveau-né avec HTAPPN permet, dans
certaines circonstances, de significativement diminuer les résistances
pulmonaires et d’améliorer l’oxygénation ;
– l’effet vasodilatateur du NOi s’exerce électivement sur la circulation
pulmonaire car le NOi chargé par l’hémoglobine au contact du lit capillaire
perd son activité biologique.
En 1992, les groupes deAbman S et ZapolWont montré pour la première fois
que l’administration de NOi à des nouveau-nés à terme en situation
d’hypoxémie réfractaire avec HTAPPN permet une amélioration immédiate
et prolongée de l’oxygénation [57]. Le premier groupe confirme ces résultats
1 an plus tard : l’administration de faibles doses de NO (< 20 ppm), dans la
même situation, permet la survie en évitant l’assistance respiratoire
extracorporelle chez 13/15 nouveau-nés. Le NOi n’améliore pas
l’oxygénation uniquement en diminuant les résistances pulmonaires et le
shunt extrapulmonaire. Son administration, même à des doses inférieures à
1 ppm, est bénéfique sur les rapports ventilation/perfusion dans différents
modèles animaux et chez l’homme. LeNOest délivré à l’aide d’une bouteille
et d’un détendeur dans le circuit inspiratoire du patient. Sa concentration et
celle de l’un de ses dérivés toxiques, le NO2, sont monitorées au niveau de la
pièce en Y, par électrochimie ou chémiluminescence. Par ses propriétés
Infection intra-utérine
(chorioamniotite, PROM)
Production placentaire de
prostaglandines et de cytokines
Accouchement prématuré
Production in situ
de cytokines et
autres médiateurs
neurotoxiques
Ischémie
locorégionale
Carence en facteurs
neurotrophiques
et
neuroprotecteurs
Stade de vulnérabilité
cérébrale
Cascade
excitotoxique
Apoptose
- Libération de glutamate et
activation des récepteurs NMDA
- Afflux de calcium intracellulaire
- Production de radicaux libres
- Activation de nombreux
systèmes enzymatiques (kinases,
lipases, protéases, NO-synthase...)
LPV
1 Mécanismes physiopathologiques de la leucomalacie périventriculaire.
NMDA : N-méthyl-D-aspartate ; LPV : leucomalacie périventriculaire ; PROM : premature
rupture of membranes.
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
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radicalaires, le NO et ses dérivés sont potentiellement toxiques, notamment
sur les lipides membranaires. Aux doses thérapeutiques habituellement
utilisées et inférieures à 20 ppm, aucune toxicité n’a été à ce jour rapportée en
clinique. Son administration doit néanmoins rester limitée à des indications
justifiées, sous couvert d’un monitorage rigoureux des concentrations en NOi
et NO2, et en ayant recours aux doses efficaces les plus faibles possibles. Un
élément de surveillance important chez le prématuré est l’état du canal artériel
(échocardiographie doppler) dont le maintien de l’ouverture peut être favorisé
par la réduction des résistances pulmonaires induites par le traitement.
Les résultats des premières études pilotes et essais contrôlés sont aujourd’hui
connus [34, 57]. Ils s’accordent tous à reconnaître un bénéfice au NOi pour le
traitement des hypoxémies sévères et du syndrome d’HTAPPN, en termes
d’amélioration de l’oxygénation et de réduction de la nécessité d’avoir
recours à l’oxygénation extracorporelle (ECMO [extracorporeal membrane
oxygenation]). L’effet de l’administration du NOi sur l’oxygénation est très
dépendant de la pathologie parenchymateuse sous-jacente : il est en règle
immédiat et évident en cas de MMH avec HTAPPN ou dans les syndromes
d’HTAPPN compliquant une anoxie néonatale, plus aléatoire dans les
syndromes d’inhalation et les infections avec hypoxémie sévère. Plusieurs
essais multicentriques prospectifs aux États-Unis et en Europe sont
actuellement poursuivis pour confirmer les résultats prometteurs des
premières études pilotes et évaluer le bénéfice du NOi sur la mortalité.
Plusieurs études pilotes ont aussi montré que le prématuré, même très
immature, est en mesure de répondre à l’administration de NOi en cas de
MMH sévère accompagnée d’un syndrome d’HTAPPN. L’évaluation du
bénéfice à moyen terme du NOi dans cette population (incidence et gravité de
la DBP, effet sur l’incidence des complications neurologiques de la grande
prématurité) sera capitale. Ces essais devraient aussi permettre d’apporter des
éléments de réponse à des questions encore débattues : quelles sont les
concentrations optimales du Noi ? Doit-on attendre un bénéfice respiratoire
et neurologique de l’administration du NOi chez le prématuré en cas
d’hypoxémie modérée (traitement « prophylactique » de l’hypoxémie
sévère) ? Quel bénéfice attendre de la synergie VHFO/SE (recrutement
alvéolaire optimal) + NOi (« recrutement capillaire optimal ») dans la prise
en charge des pathologies respiratoires sévères du nouveau-né ? Quel est le
devenir respiratoire et neurologique à long terme des enfants traités
(pharmacovigilance) ?
Ventilation liquide avec un fluide inerte : le perfluorocarbone (PFC)
Administré dans les voies aériennes de différents modèles animaux
déficitaires en surfactant, il améliore considérablement les caractéristiques
mécaniques du poumon, entraîne une baisse considérable des forces de
rétraction interfaciale de même ampleur que celle qui suit l’administration
d’un SE, et permet des échanges gazeux efficaces sur une période prolongée.
La structure chimique du PFC en fait un excellent vecteur d’O2 (solubilité de
l’O2 à 37°C : 53 mL/100mLde PFC versus 3 mL/100mL de plasma). En
pratique, le poumon est rempli de PFC à sa capacité résiduelle fonctionnelle,
puis ventilé avec un mélange gazeux enrichi en O2 (partial liquid ventilation
ou PAGE). Des bolus d’entretien sont régulièrement administrés pour
compenser la fraction évaporée. Le sevrage se fait passivement par
évaporation spontanée du produit. Dans les différents modèles animaux
étudiés, ce mode de ventilation limite les lésions liées au traumatisme de la
ventilation assistée et à l’inflammation. Une étude pilote a récemment
rapporté des résultats encourageants (amélioration de l’oxygénation et de la
compliance) avec ce mode de ventilation chez un petit nombre de grands
prématurés réfractaires au traitement conventionnel [51]. La tolérance
immédiate du produit est bonne et aucune complication habituelle de la
grande prématurité n’a été observée avec une fréquence inhabituelle.
L’incidence de la DBPdemeure très élevée mais la pathologie respiratoire des
patients au moment de l’inclusion était particulièrement sévère. Seuls des
essais prospectifs avec inclusion à la naissance permettront d’évaluer l’intérêt
et le coût de ce nouveau mode de ventilation versus la prise en charge actuelle
sur la mortalité résiduelle, l’incidence et la gravité de la pathologie
respiratoire secondaire.
Amélioration de la prise en charge
des grands prématurés
Nombreuses sont les avancées médicales et techniques qui ont contribué, à
une échelle moins spectaculaire que celle des surfactants ou de la
corticothérapie anténatale, à l’amélioration de la survie et à une réduction de
la morbidité des grands prématurés, ces 10 dernières années. Parmi les plus
significatives, il faut évoquer les suivantes.
L’organisation du transport des enfants « outborn » par des équipes mobiles
de médecins formés à la réanimation et à la prise en charge de ces enfants :
les conditions de transport ont récemment bénéficié de perfectionnements des
incubateurs permettant une meilleure préservation de la « chaîne du chaud »,
du monitorage non invasif et de la miniaturisation des respirateurs. Ces
améliorations ne sauraient cependant effacer l’avantage que représente pour
ces enfants une naissance sur le site de l’unité de réanimation (niveau 3).
Le développement récent d’incubateurs assurant un degré hygrométrique
très élevé (voisin de 100 %) et permettant un réchauffement rapide et le
maintien d’une stabilité thermique constitue une innovation technique d’un
intérêt majeur pour les enfants très immatures. Si la maturation de l’épiderme
s’accélère après la naissance pour lui permettre d’acquérir des propriétés
voisines de celui du nouveau-né à terme après 10 jours de vie, la déperdition
calorique par convection (large surface corporelle pour une faible production
calorique endogène) et par évaporation (barrière cutanée immature) est
majeure dans les premiers jours de vie. Les pertes hydriques
transépidermiques s’ajoutent aux conséquences de l’immaturité tubulaire
rénale pour favoriser la déshydratation hypernatrémique fréquente dans les
premiers jours de vie chez ces enfants. De plus, l’épiderme est d’une fragilité
extrême et tout support adhésif, source d’excoriations et porte d’entrée
infectieuse, est à proscrire. Le développement de cathéters ombilicaux à
double voie, relayé par un cathéter central vers le 5e jour de vie, permet
aujourd’hui de s’abstenir des perfusions périphériques durant cette période
de grande vulnérabilité de l’épiderme.
La pose de microcathéters par voie percutanée permettant une nutrition
parentérale prolongée chez des enfants de tout petit poids est indispensable,
tant l’immaturité digestive durable (motricité, péristaltisme, absorption)
limite pendant plusieurs jours la contribution entérale au métabolisme basal
et à la croissance accélérée de ces enfants. Si les composants de la nutrition
parentérale (équilibre aminoacidique, acides gras essentiels, électrolytes,
vitamines, oligoéléments) et les laits pour prématurés (lait de mère ou de
lactarium supplémenté, laits artificiels enrichis en acides gras essentiels,
protéines, calcium, phosphore) ont évolué avec une meilleure connaissance
des besoins spécifiques du grand prématuré, il n’en reste pas moins que la
tolérance métabolique et hormonale lors des premiers jours est souvent
médiocre chez les plus immatures d’entre eux. Parce qu’une augmentation
très lente et progressive des apports caloriques et nutritifs est souvent
nécessaire chez ces derniers si l’on veut éviter une hyperglycémie et une
acidose sévères, il est fréquent d’observer, dans les 2 premières semaines, une
stagnation de la croissance pondérale et du périmètre crânien (en comparaison
avec la vie intra-utérine), dont les conséquences sur le développement neurosensitivo-
moteur à long terme sont potentiellement néfastes. Beaucoup
d’équipes ont aujourd’hui volontiers recours à une insulinothérapie précoce
pour compenser à la fois un certain degré d’insulinorésistance et une
insuffisance pancréatique transitoire. L’introduction précoce de
l’alimentation entérale discontinue procède de la même intention. Sans qu’il
soit possible d’en faire la preuve, le recours à la nutrition parentérale
prolongée plusieurs semaines chez le grand prématuré, en permettant une
augmentation très progressive des apport entéraux sous forme de lait de
femme, a très probablement contribué, avec la corticothérapie anténatale et
les progrès de la prise en charge hémodynamique et respiratoire, à la
diminution spectaculaire de l’incidence des ECUN.
Les approches complémentaires élaborées pour réduire le nombre de
transfusions requises par ces enfants dont la physiopathologie de l’anémie
multifactorielle : transfusion foetoplacentaire, hémorragies sous-cutanées
d’origine traumatique ou hémorragies profondes, spoliation sanguine liée aux
prélèvements sanguins, synthèse d’érythropoïétine insuffisante, inhabilité du
système hématopoïétique à répondre à la diminution de la quantité d’oxygène
circulant [69], permettant de diminuer le nombre de transfusions précoces
requis par ces enfants : la transfusion placentofoetale avant clampage du
cordon et la réduction des volumes sanguins permise par la miniaturisation
des automates et le monitorage non invasif. L’utilisation d’une unité-mère de
culot globulaire dédicacée à l’enfant, et dont la durée de vie atteint 40 jours
grâce aux progrès de la conservation, permet des transfusions itératives sans
augmentation du risque infectieux. Cette stratégie établie dans notre unité
depuis plusieurs années a permis une réduction de plus de 50 %du nombre de
donneurs requis pour les besoins transfusionnels de cette population. Les
résultats de plusieurs essais contrôlés ayant pour objectif d’évaluer l’intérêt
de l’administration précoce d’érythropoïétine recombinante pour réduire le
nombre de transfusions tardives sont maintenant connus. La plupart des essais
comme les méta-analyses concluent à une réduction du nombre d’enfants
transfusés ou du nombre de transfusions parmi les patients du groupe traité.
Cette réduction n’est cependant pas considérable pour les enfants les plus
immatures ou ayant développé une sévère pathologie respiratoire dans les
premiers jours de vie. L’efficacité du traitement est très dépendante des doses
administrées et d’un traitement martial entéral efficace, ce qui n’est pas sans
poser problème chez le grand prématuré dont la tolérance et l’absorption
digestives sont médiocres et aléatoires les premières semaines de vie.
La prise en compte de la douleur et de l’inconfort de l’enfant très prématuré,
jusqu’à récemment négligés ou minimisés [11].Àl’aide de grilles d’évaluation
prenant en compte des modification de l’expression du visage, l’activité
motrice et le comportement de l’enfant, sa réceptivité aux gestes
d’apaisement et les modifications de paramètres physiologiques, les
néonatologistes et les soignants ont appris à reconnaître les manifestations de
la douleur aiguë. Ces grilles sont précieuses pour évaluer l’efficacité des
thérapies antalgiques. L’appréciation et la mesure de l’inconfort chronique
des enfants soumis sur de longues périodes aux contraintes de la ventilation
5-114-K-60 AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE Obstétrique
page 10
assistée sont plus délicates. L’approche thérapeutique comporte un volet
préventif (limitation des prélèvements sanguins, recours au monitorage non
invasif, organisation réfléchie des soins laissant de longues périodes de repos
à l’enfant, qualité du matériel utilisé pour la fixation des prothèses, réduction
des nuisances environnementales que sont le bruit et la lumière, contact
physique avec les parents dès que possible...) et un volet médicamenteux. La
pharmacopée disponible est large :
– anesthésie locale à la xylocaïne pour les gestes invasifs comme la pose d’un
drain pleural. L’utilisation de la crème Emlat est pour l’instant limitée par le
risque de méthémoglobinémie ;
– sédation et anxiolyse non antalgique par le saccharose per os (dont
l’efficacité semble relayée par les endorphines endogènes) pour un geste bref
ou par les benzodiazépines comme le midazolam, de demi-vie courte et
utilisable par voie veineuse, rectale ou nasale ;
– antalgique non morphinique comme le paracétamol pour la douleur
modérée ;
– morphinomimétique agoniste-antagoniste comme la nalbuphine, aux effets
dépresseurs respiratoires moindres permettant une analgésie efficace chez
l’enfant non ventilé, ou agoniste vrai comme le fentanyl, dont la durée
d’utilisation doit rester brève pour éviter un syndrome de sevrage.
La quasi-disparition des formes graves d’ictère du grand prématuré (les
indications d’exsanguinotransfusion pour cette indication, ictères
hémolytiques exclus, sont devenues exceptionnelles) est la conséquence
d’une utilisation précoce et rationnelle de la photothérapie, d’une meilleure
prise en charge des pathologies respiratoires et hémodynamiques des
premières heures de vie, de l’accélération de la maturation des systèmes de
détoxification hépatique liée à la corticothérapie anténatale, de l’utilisation
prophylactique d’inducteurs enzymatiques comme le Lipavlont peu après la
naissance, et de la possibilité de doser aisément la fraction non liée de la
bilirubine non conjuguée pour en diminuer si nécessaire la concentration par
des perfusions d’albumine. Si toutes ces mesures s’avèrent insuffisantes, la
mise sur le marché de nouvelles lampes permettant une photothérapie
intensive en lumière bleue exclusive avec un niveau d’énergie élevé permet
d’éviter l’exsanguinotransfusion. Les métalloporphyrines, inhibiteurs
compétitifs de l’hème oxydase, ont démontré leur efficacité chez le prématuré
en diminuant la valeur maximale de la bilirubinémie et la durée de
photothérapie. Les effefs secondaires à ce jour rapportés sont mineurs et ces
molécules pourraient, dans un proche avenir, prendre une place de choix dans
la prévention des ictères graves du nouveau-né prématuré ou à terme [90].
Enfin, si la fréquence des surinfections nosocomiales (septicémie sur cathéter
central, infections à point de départ digestif ou respiratoires) reste très élevée
chez le grand prématuré au système immunitaire immature, il est aujourd’hui
exceptionnel qu’elles soient directement responsables du décès de l’enfant,
sauf chez le très grand prématuré hypotrophe. Elles représentent néanmoins
une morbidité importante et peuvent favoriser le développement d’autres
complications redoutables (DBP sévère, leucomalacie périventriculaire).
Plusieurs facteurs expliquent cette amélioration du pronostic vital des
surinfections : dépistage plus précoce permis par des examens biologiques
plus sensibles, meilleure connaissance de la pharmacocinétique des
antibiotiques chez un organisme immature, efficacité accrue des associations
synergiques d’antibiotiques, nutrition entérale et parentérale plus
performante. Il n’en reste pas moins que, avec la menace que pose
l’émergence d’organismes pathogènes multirésistants, la prévention, qui
repose encore essentiellement sur une politique d’asepsie rigoureuse, reste la
thérapeutique la plus efficace et la plus économique pour ces infections
nosocomiales pour la plupart manuportées.
Complications neurologiques
de la grande prématurité
Leucomalacie périventriculaire
Malgré l’amélioration considérable des soins en obstétrique et en
néonatalogie, et malgré la diminution spectaculaire de la morbidité et de la
mortalité néonatales, la prévalence de l’infirmité motrice cérébrale (IMC),
évaluée à environ 2 pour 1 000 enfants nés vivants, est restée d’une
remarquable constance ces 20 dernières années [49, 77].Avec la régression des
causes classiques d’IMC (encéphalopathie anoxo-ischémique du nouveau-né
à terme ou postmature, ictère nucléaire, méningite néonatale,
embryofoetopathie infectieuse), la survie croissante des enfants de très faible
poids de naissance et des grands prématurés apparaît comme le premier
facteur responsable de cette absence de baisse du taux de handicaps. Pour un
nombre défini d’enfants de très faible poids de naissance nés vivants, la
diminution spectaculaire de la mortalité néonatale entraîne une augmentation
du nombre absolu d’enfants handicapés, quand bien même est observée une
diminution importante de l’incidence de handicap parmi les enfants
survivants. Conséquence directe d’une meilleure prise en charge anté- et
postnatale, l’incidence des formes graves d’HIV (grade III et IV de Papile,
correspondant respectivement aux HIV avec dilatation ventriculaire et aux
HIV avec infarctus hémorragique) a notablement diminué. (tableau IX) La
leucomalacie périventriculaire (LPV) est devenue aujourd’hui le principal
facteur étiopathogénique de l’IMC liée à la grande prématurité.
Si la relation entre prématurité et séquelles motrices (diplégie spastique des
membres inférieurs) est connue depuis les travaux de Little (1843), c’est à
Virshow et Parrot que l’on doit, à la fin du siècle dernier, la première
description des lésions anatomopathologiques qui caractérisent la LPV. Le
terme de « leucomalacie périventriculaire » est utilisé pour la première fois
en 1962 par Banker et Larroche ; celle-ci est alors considérée par ces auteurs
comme la conséquence d’une anoxie périnatale. La LPV est caractéristique
par deux aspects :
– elle touche un cerveau en développement et s’observe chez le foetus ou le
nouveau-né le plus souvent prématuré ;
– elle se définit sur un plan anatomopathologique par une lyse cellulaire
(résultat conjoint d’un processus de nécrose de coagulation et de phénomènes
apoptotiques) de la substance blanche périventriculaire non encore
myélinisée à ce stade de développement. L’évolution de ces lésions se fait
vers une cicatrisation gliale, éventuellement associée à l’apparition de kystes.
Cette dernière forme est appelée LPVcavitaire. Sont touchées principalement
les fibres motrices et les fibres d’association, expliquant ainsi la dominance
de l’atteinte motrice observée chez les survivants.
Incidence et facteurs de risque
L’incidence des leucomalacies dans une population d’enfants prématurés est
très variable, selon que le diagnostic est anatomique (enfants décédés) ou
seulement échographique (enfants survivants), selon que sont incluses ou non
les formes non cavitaires. L’hétérogénéité des populations ou des moyens
d’investigation, d’importance et de performance inégales et évoluant dans le
temps, accentue encore ces variations. Elle est estimée pour les formes
cavitaires diagnostiquées par l’échographie de 2 à 20%[52]. Elle est très
certainement dépendante de l’âge gestationnel : dans notre casuistique, elle
atteint 10 à 15 % chez les prématurés nés avant le terme de 31 SA, elle est
encore proche de 5 %de 31 à 32 SA, puis devient inférieure à 1 %à partir de
33 SA. La LPV est exceptionnelle chez le bébé à terme et les rares cas
observés peuvent souvent être rapportés à un accident anténatal.
Tableau IX. – Principales complications neurologiques de la grande prématurité.
Hémorragie sous-épendymaire
et intraventriculaire Infarctus hémorragique Leucomalacie périventriculaire
Fréquence chez le grand prématuré 20 % 3 % 10 %
Principaux facteurs de risque instabilité respiratoire THD graves PROM
THD extrême prématurité IMF
IMF métrorragies
Prévention corticothérapie anténatale ; prévention des THD ???
Siège des lésions hémorragie de la zone germinative ; diffusion
dans le ventricule
parenchyme adjacent au ventricule latéral
(habituellement siège d’une hémorragie
massive), le plus souvent frontopariétal
parenchyme périventriculaire ; lésions
bilatérales à prédominance pariétale
postérieure
Anomalies EEG 0 possibilité de convulsions pointes positives rolandiques
Évolution des lésions résorption de l’hémorragie ; dilatation ventriculaire
transitoire possible ; rarement
hydrocéphalie
porencéphalie ; hydrocéphalie fréquente cavitations et/ou gliose ; cicatrice atrophique
de la substance blanche
Pronostic bon, mais parfois dérivation ventriculopéritonéale
décès fréquent dans les formes bilatérales ;
IMC
IMC
THD : troubles hémodynamiques ; IMF : infection maternofoetale ; EEG : électroencéphalogramme ; IMC : infirmité motrice cérébrale ; PROM : premature rupture of membranes.
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
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Chez le prématuré d’AG égal ou inférieur à 32 SA, certaines situations
périnatales sont associées à un risque élevé de LPV: ce sont les
chorioamniotites, les ruptures prématurées des membranes (souvent
associées à une infection) et, dans une moindre mesure, les métrorragies des
2e et 3e trimestres (tableau X) [98]. Il faut aussi mentionner le cas particulier de
la grossesse gémellaire monochoriale avec syndrome transfuseur-transfusé
avec ou sans décès in utero de l’un des foetus. Ces corrélations mises en
évidence avec notre casuistique sont corroborées par une étude rétrospective
récente [73] ; ces facteurs de risque de LPV sont aussi des facteurs de risque
d’IMC [35, 66].
D’autres situations sont, au contraire, associées à un très faible risque de LPV,
ce sont essentiellement les pathologies vasculoplacentaires chroniques :
toxémie gravidique et retard de croissance intra-utérin d’origine vasculaire
(tableau X). Fait surprenant, seule une minorité de LPV apparaît comme la
conséquence directe d’une anoxie périnatale grave (anoxie maternelle,
traumatisme abdominal, transfusion foetomaternelle ou foetofoetale,
hématome rétroplacentaire...). Ces LPV de cause directement anoxoischémique
s’observent aussi chez des enfants moins immatures et sont
souvent associées à une extension sous-corticale, voire des noyaux gris
centraux, les distinguant ainsi de la forme classique de LPV du grand
prématuré. Chez ces derniers, on ne peut faire, dans la plupart des cas, de
corrélation directe entre présence de troubles hémodynamiques périnatals et
survenue d’une LPV. Par exemple, dans le cas des infections maternofoetales
(où l’incidence de LPV dépasse 20 % chez les moins de 33 semaines), il n’y
a pas de corrélation entre la survenue d’une LPVet la présence d’un collapsus
infectieux ou d’une détresse respiratoire sévère, type MMH [98]. Il faut
cependant se garder d’exclure définitivement les facteurs ischémiques de la
physiopathologie au demeurant complexe de la LPV.
Diagnostic de la leucomalacie périventriculaire
Les manifestations cliniques initiales de la LPVsont très inconstantes, frustes
et non spécifiques. Elles sont souvent reléguées au second plan par les
pathologies néonatales précoces observées chez le prématuré, notamment les
détresses respiratoires. Le recours fréquent à la sédation en modifie aussi la
symptomatologie. Les anomalies neurologiques décrites sont des épisodes
d’agitation et d’hypertonie, une hyperexcitabilité avec sursauts et
trémulations, plus rarement des troubles de la vigilance ou des mouvements
de mâchonnement. Des apnées répétées peuvent aussi être une manifestation
clinique de LPV, mais celles-ci sont fréquentes chez le prématuré et peuvent
avoir de très nombreuses autres causes. Le diagnostic de LPV repose en fait
sur un ensemble d’examens complémentaires au sein duquel l’échographie
transfontanellaire (ETF) tient une place centrale [71].
Échographie transfontanellaire
Cette méthode d’investigation a de nombreux avantages évidents :
l’exploration peut être réalisée dans l’incubateur, sans interférer avec les
différentes modalités de prise en charge des pathologies du prématuré. Son
innocuité permet la répétition des explorations, et peut lui être associée une
évaluation du débit sanguin cérébral régional par échographie doppler. La
qualité croissante des sondes utilisées et le perfectionnement des logiciels
n’ont cessé d’améliorer la qualité de l’image et, par conséquent, la
séméiologie échographique de la LPV.
Dans la forme classique, l’ETF réalisée dans les premières 24 heures est
souvent normale. Apparaissent dans la 1re semaine de vie des images
hyperéchogènes à l’angle externe des ventricules, de localisation frontale,
pariétale ou occipitale. À ce stade, la difficulté diagnostique est liée à la
présence normale d’un aspect modérément hyperéchogène physiologique
chez le prématuré à cette période de vie. On considère les images
hyperéchogènes comme pathologiques lorsqu’elles sont étendues en
profondeur et dans le sens antéropostérieur, hétérogènes, comportant en leur
sein des « paquets » ou des points brillants, ou encore lorsqu’elles sont
asymétriques. Ces images hyperéchogènes anormales correspondent sur un
plan anatomique à un oedème, une nécrose de coagulation ou une congestion
vasculaire. Les « paquets » brillants peuvent être l’expression de microfoyers
hémorragiques, ou représenter la traduction échographique de la limite entre
les zones saines et les zones pathologiques [22]. Souvent, ces images
hyperéchogènes vont laisser place en un temps ou après quelques jours de
latence, et en moyenne durant la deuxième quinzaine de vie, à des zones
kystiques anéchogènes correspondant à des cavités. Parfois, l’évolution ne se
fait pas vers la cavitation, notamment chez le très grand prématuré. La
persistance de zones hyperéchogènes hétérogènes après 15 jours sans
évolution cavitaire peut correspondre à une réaction gliale d’une LPV non
cavitaire. Cette dichotomie classique entre formes cavitaires et formes non
cavitaires est devenue moins tranchée avec le développement de nouvelles
sondes, qui permettent une analyse plus fine du parenchyme et la mise en
évidence de microcavitations dans des formes anciennement considérées
comme non cavitaires. D’autre part, les indications sélectives d’IRM devant
des images de zones hyperéchogènes persistantes devraient permettre de
diagnostiquer plus justement des formes mineures ou modérées de LPV non
cavitaires. Dans les deux formes, il n’est pas rare de voir se constituer, à
distance et en l’absence d’hémorragie intraventriculaire initiale, une
dilatation ventriculaire a vacuo traduisant l’atrophie d’une partie de la
substance blanche. Dans la forme cavitaire et à long terme, les cavités
finissent par disparaître en s’affaissant ou en confluant avec le ventricule, dont
le contour peut être alors irrégulier ou festonné.
À côté de cette forme classique d’évolution, il existe des formes évolutives
plus rares :
– la leucomalacie anténatale, souvent observée chez un jumeau survivant
après décès de l’autre jumeau ou en cas de grossesse gémellaire monochoriale
avec syndrome transfuseur-transfusé. Le diagnostic évoqué devant
l’apparition de cavités intraparenchymateuses sur l’échographie cérébrale
anténatale est alors au mieux confirmé par une IRM foetale ;
– la LPV néonatale, découverte lors de la première échographie objectivant
des zones hyperéchogènes anormales ou même parfois déjà des cavités
intraparenchymateuses ;
– les formes hémorragiques de LPV survenant le plus souvent très
précocement et dont le diagnostic différentiel avec les infarctus
hémorragiques ou les hématomes intraparenchymateux (grade IV de Papile)
est particulièrement difficile ;
– la LPV secondaire ou tardive, observée essentiellement chez le très grand
prématuré, et apparaissant plusieurs semaines après la naissance, voire au
voisinage du terme. La description récente de ce type de leucomalacie
stigmatise l’importance d’une surveillance échographique répétée et
prolongée jusqu’au terme de tous les grands prématurés.
Électroencéphalogramme (EEG)
Réalisé précocement et répété pendant au moins 3 semaines, en utilisant des
électrodes collées de préférence aux électrodes-aiguilles, l’EEG peut être
réalisé chez le grand prématuré sans interférer avec les diverses
thérapeutiques. C’est un examen très contributif au diagnostic de LPV car il
permet le dépistage précoce de lésions périventriculaires avant même
l’imagerie. Il s’agit de la mise en évidence de pointes lentes positives en
opposition de phase dans la région rolandique dénommées pointes positives
rolandiques (PPR). Ces figures pathologiques ont d’abord été attribuées à la
présence d’une hémorragie intraventriculaire. Il est maintenant clairement
démontré que ces PPR, détectées sous leur forme typique, sont
pathognomoniques d’une lésion évolutive de la substance blanche
périventriculaire. Ces figures EEG transitoires (parfois détectées sur un seul
enregistrement) sont généralement précoces, associées ou non aux images
hyperéchogènes et précèdent toujours le diagnostic échographique de LPV
cavitaire. En revanche, leur absence ne permet pas d’exclure la survenue
secondaire d’une LPVet à long terme d’une IMC, notamment chez les enfants
les plus immatures. Comme pour l’ETF, cet examen doit être régulièrement
répété jusqu’au terme chez le très grand prématuré, afin de ne pas méconnaître
une forme tardive.
Imagerie par résonance magnétique nucléaire
Dans les formes cavitaires, l’IRM précoce permet de mieux apprécier
l’extension et la topographie des cavités, et les lésions de gliose associées [82].
Avec les progrès réalisés par l’échographie, cet examen est maintenant surtout
intéressant pour confirmer le diagnostic des formes frustes ou atypiques de
LPV. Notamment dans les formes non cavitaires, c’est actuellement le seul
examen permettant d’apprécier l’extension des lésions et l’importance de la
cicatrice gliale, apparaissant sous forme de signaux hyperintenses en bandes
ou ponctués (gliose). Les plages d’hyposignal intense périventriculaire sont
d’interprétation plus controversée. Elles pourraient être le témoin d’une
dépopulation cellulaire mais leur signification pronostique n’est pas encore
clairement établie. Enfin, le parenchyme cérébral est mieux visualisé par
l’IRM que par l’échographie lorsque s’associe une dilatation ventriculaire
posthémorragique importante.
Réalisée plus tardivement, entre 4 et 6 mois, l’IRM permet de mettre en
évidence une diminution plus ou moins importante de l’épaisseur de la
substance blanche, un retard de myélinisation d’autant plus sévère que les
lésions néonatales sont étendues, et un amincissement du corps calleux
Tableau X. – Facteurs de risque anté- et périnatals de leucomalacie
périventriculaire cavitaire déterminés sur une population de 765 prématurés d’âge
gestationnel £ 32 semaines d'aménorrhée ayant survécu au moins 5 jours.
Risque élevé (> 20 %) – Chorioamniotite et infection in utero
– Rupture prématurée des membranes
Risque intermédiaire (10-20 %) – Métrorragies pré- et per-partum : décollement
trophoblastique, placenta praevia, hématome
rétroplacentaire
– Pathologie d’anastomoses placentaires chez
les jumeaux monochoriaux
Risque minime (<3 %) – Toxémie gravidique (risque <2 %)
– Retard de croissance intra-utérin d’origine vasculaire
placentaire
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prédominant à la partie postérieure. À cet âge, les cavitations de LPV ont le
plus souvent disparu pour laisser place à une dilatation ventriculaire et un
élargissement des sillons signant l’atrophie de la substance blanche.
Pronostic et prise en charge
Dans sa forme cavitaire, pariétale et bilatérale, forme la plus fréquente, la LPV
est responsable d’une diplégie spastique des membres inférieurs ou d’une
quadriplégie. L’incidence de l’IMC est comprise, dans cette forme et selon
les séries, entre 38 et 93 % [76]. La monoplégie ou l’hémiplégie sont beaucoup
moins fréquentes, séquelles d’une LPV à prédominance unilatérale. La LPV
strictement unilatérale est anatomiquement exceptionnelle. Il existe une
corrélation étroite entre le degré d’extension des lésions cavitaires et
l’importance du déficit moteur ultérieur. Une extension importante en
profondeur et dans le sens antéropostérieur des kystes (> 20 mm) laisse
présager de lourdes séquelles motrices (quadriplégie spastique) [76]; ce sont
ces formes auxquelles sont souvent associés un retard mental et une atteinte
sensorielle. En revanche, le pronostic neurologique des formes cavitaires peu
étendues ou des formes cavitaires modérément étendues et unilatérales est
moins facilement prévisible. L’atteinte motrice est le plus souvent limitée aux
membres inférieurs (forme classique de maladie de Little) et le
développement cognitif est normal dans plus de la moitié des cas. Le
pronostic moteur des enfants avec zones hyperéchogènes anormales et
persistantes est globalement meilleur : environ deux sur trois ont un pronostic
neurologique bon, mais 20 % d’entre eux auront cependant des séquelles
(diplégie spastique ou hémiplégie) et l’incidence des handicaps mineurs peut
atteindre 50 %. La mise en évidence de PPR typiques, bilatérales et retrouvées
sur plusieurs EEG est un marqueur prédictif très fiable de mauvais pronostic
neurologique, puisque des séquelles lourdes sont observées dans plus de 95 %
des cas. La topographie et la distribution des lésions peuvent aussi influencer
le pronostic ultérieur ; ainsi, dans les rares formes à localisation purement
frontale, il n’y a pas d’atteinte motrice. Une extension occipitale est parfois
observée en association avec une atteinte pariétale. Des séquelles visuelles
sont alors observées même en l’absence de toute anomalie à l’IRM. Celles-ci
sont également très fréquentes dans les formes purement pariétales. Ces
séquelles visuelles s’expriment par des troubles d’organisation spatiale et
d’association visuomotrice, compliquant l’apprentissage ; elles expliquent la
fréquente discordance entre les niveaux de performances verbales
(conservées) et non verbales et ce d’autant que leur diagnostic n’est pas
envisageable avant l’âge de 3-4 ans. Le strabisme est aussi l’un des stigmates
de la LPV et s’associe souvent aux troubles visuospatiaux. Sa présence et
surtout sa persistance au-delà de l’âge de 6 mois chez un ancien prématuré
doit toujours faire craindre l’association contemporaine à une IMC. En
revanche, une atteinte de l’audition est rare en l’absence de facteur surajouté.
Enfin, notons que des anomalies précoces de la gestuelle spontanée de
l’enfant entre 9 et 20 semaines après le terme théorique de 40 SA semblent
être le meilleur facteur prédictif d’une future IMC [75].
L’incertitude touchant l’avenir moteur de l’ancien grand prématuré
présentant une LPV microcavitaire, une LPV non cavitaire, et même en
l’absence complète de lésions échographiques, justifie un suivi très attentif
de l’enfant dans les premières années de vie. Malheureusement, trop souvent
encore, parce que l’enfant est perdu de vue ou parce que les différents
intervenants sont insuffisamment avertis, le diagnostic d’IMC est porté après
l’âge de 1 an alors même que la séméiologie des premiers mois de vie a été
largement analysée et décrite par des équipes françaises. Pourtant, la
rééducation précoce assurée à ce stade par un kinésithérapeute spécialisé doit
débuter dans les premiers mois de vie : elle contribue à prévenir les rétractions
et les attitudes vicieuses, à optimiser les acquisitions psychomotrices et à
permettre aux parents une prise de conscience progressive du degré de
handicap et des aptitudes de leur enfant.
Vers une prévention de la leucomalacie périventriculaire ?
Contrairement à la remarquable efficacité de la corticothérapie anténatale sur
l’incidence des hémorragies intraventriculaires, nous sommes encore bien
loin d’une prévention de la LPV. Néanmoins, les progrès réalisés sur la
compréhension de la genèse de ces lésions devraient aboutir à des
programmes de recherche cliniques et fondamentaux plus nombreux et plus
ambitieux que jusqu’à présent. Il est clairement établi que l’origine de la LPV
est essentiellement anténatale, période cible d’une éventuelle prévention
pharmacologique. À ce titre, les travaux concernant le sulfate de magnésium
restent de nos jours contradictoires. Cet agent utilisé à visée tocolytique est
un antagoniste non spécifique des récepteurs glutamatergiques NMDA (Nméthyl-
D-aspartate). Expérimentalement, il a un effet protecteur sur les
lésions de LPV induites par la cascade excitotoxique [58]. Alors que certaines
études rétrospectives semblaient prometteuses, les premiers résultats de
données de cohorte sont équivoques [54, 68, 81]. Cependant, ces résultats
concernent des populations non randomisées dont le suivi est souvent
incomplet dans le temps et qualitativement. Des études multicentriques, et
notamment l’étude française actuellement en cours, devraient apporter une
contribution déterminante.
D’autre part, la meilleure connaissance des facteurs anté- et périnataux
impliqués dans le développement de LPV permet d’ores et déjà d’améliorer
la prise en charge périnatale d’enfants à haut risque de lésions
périventriculaires. C’est ainsi, que l’incidence des LPVentre 30 et 33 SAa pu
être notablement diminuée ces dernières années. L’administration d’une
corticothérapie anténatale précoce, l’extraction précoce par césarienne en cas
de menace d’accouchement prématuré dans un contexte d’infection intrautérine
certaine [7], le développement des transferts in utero vers des centres
de référence, et l’amélioration globale des soins (hémodynamique,
nutritionnelle,...) concernant ces nouveau-nés contribuent déjà à limiter les
conséquences neurologiques de la très grande prématurité. Enfin, d’autres
axes de recherche focalisés sur les cytokines, le rôle de l’apoptose, et les
facteurs neurotrophiques sont porteurs de nouvelles avancées dans la lutte
contre les séquelles neurologiques de la grande prématurité.
Conclusion
Depuis les progrès considérables obtenus dans le traitement et la prévention
pharmacologique de la pathologie respiratoire du nouveau-né prématuré, les
séquelles neurologiques sont devenues la première préoccupation des
néonatologistes. La diminution spectaculaire de l’incidence des HIV depuis
l’instauration récente de la corticothérapie anténatale a mis en évidence le rôle
étiologique primordial des lésions de la substance blanche périventriculaire
dans l’évolution vers l’IMC. Les conséquences du taux élevé de LPV chez le
grand prématuré sont multiples, à la fois médicales, éthiques et économiques.
À la douleur des parents confrontés au problème des séquelles neurologiques
ou du décès de leur enfant s’ajoute le désarroi d’une équipe médicale
totalement démunie face à l’apparition d’une LPV cavitaire étendue chez des
nouveau-nés parfois indemnes de toute autre complication de la prématurité.
En effet, aucune stratégie thérapeutique ne permet de nos jours de prévenir ou
de limiter l’extension de telles lésions. Faut-il alors poursuivre la réanimation
d’enfants dont la survie ne se fera qu’au prix d’un très lourd handicap et de
conséquences sociales parfois dramatiques ? La priorité actuelle ne seraitelle
pas d’améliorer le pronostic neurologique de la grande prématurité avant
même de chercher à repousser les limites de la viabilité ? Les axes de
recherche concernant la physiopathologie et la prévention de la LPV ne se
sont développés que très récemment après des années d’attentisme.
Aujourd’hui, ce domaine est en effet le principal défi des néonatologistes ;
espérons que les éventuelles solutions aux interrogations actuelles surgiront
au cours des prochaines décennies.
Prévention des hémorragies intraventriculaires
L’incidence des HIV chez le grand prématuré est évaluée aujourd’hui, tous
stades confondus, à environ 25 % [33]. Si ce chiffre a significativement
diminué ces 15 dernières années, la survie d’un plus grand nombre d’enfants
extrêmement immatures rend compte du nombre absolu encore élevé
d’enfants avec HIV. Dans cette dernière population, les formes graves d’HIV
restent une cause importante de décès. Le diagnostic d’HIV est aujourd’hui
aisément posé avec l’échographie transfontanellaire. Cet examen non invasif
est réalisé quotidiennement les premiers jours de vie chez les grands
prématurés à risque d’HIV, c’est-à-dire essentiellement ceux avec détresses
respiratoires et/ou hémodynamiques. Près de 90 % des HIV survienent dans
la 1re semaine de vie. Les HIV sont classées en fonction de leur gravité en
quatres stades [94] : le stade 1 correspond aux hémorragies limitées à la zone
germinative sous-épendymaire du ventricule latéral. Elles sont considérées
de bon pronostic, tout du moins chez les grands prématurés les moins
immatures. Le stade 2 correspond à une HIV sans dilatation secondaire, le
stade 3 à une HIV avec dilatation, le stade 4 à l’un quelconque des stades
précédents associé à une hémorragie intraparenchymateuse (infarctus
hémorragique ou leucomalacie périventriculaire hémorragique). Les deux
derniers stades sont statistiquement corrélés à la présence de séquelles
motrices et/ou cognitives. Selon Volpe, 10 à 30 % des enfants avec HIV
développent une dilatation ventriculaire secondaire, une fraction de ces
dernières étant non spontanément résolutive et nécessitant une prise en charge
spécifique (résevoir d’Omaya puis éventuellement dérivation
ventriculopéritonéale).Trois mécanismes physiopathologiques non exclusifs
sont avancés pour la genèse des HIV : l’instabilité hémodynamique intrisèque
et/ou extrinsèque (intubation, aspiration, variation rapide des constantes de
ventilation, complications barotraumatiques, expansion volémique
brutale,...) des premières 48 heures de vie du grand prématuré transmise à la
circulation cérébrale, son immaturité vasculaire et endothéliale, et des
anomalies fines de la coagulation, notamment une activité fibrinolytique
accentuée et un déficit partiel en certains des facteurs de la coagulation.
La prévention des HIV, notamment des formes graves (stades 3 et 4), reste
une priorité majeure pour les néonatologistes amenés à prendre en charge
avec une fréquence croissante des enfants très immatures. L’approche non
pharmacologique reste essentielle et passe par les progrès du monitorage non
invasif (PO2 et PCO2 transcutanées, oxymètre de pouls, capnographie,
échocardiographie doppler) et des techniques de ventilation dont l’évaluation
prospective doit toujours comporter un volet neurologique. La corticothérapie
anténatale demeure aujourd’hui la thérapeutique médicamenteuse de loin la
plus efficace dans la prévention de tous les grades d’HIV, et ce même chez les
Obstétrique AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE 5-114-K-60
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plus immatures et si la cure est incomplète (cf supra). Plusieurs autres
médicaments ont été évalués par des essais contrôlés pour la prévention antéou
postnatale précoce des HIV. Le phénobarbital est un agent
anticonvulsivant, neuroprotecteur et régulateur du débit sanguin cérébral. De
nombreux essais ont été entrepris pour évaluer l’efficacité de son
administration anté- ou postnatale dans la prévention des HIV. Plusieurs de
ces études rapportent des résultats encourageants pour la prévention des
formes sévères. Ces études sont néanmoins entachées d’insuffisances
méthodologiques et leurs résultats discordants ne permettent pas aujourd’hui
de recommander l’administration prophylactique de phénobarbital pour la
prévention des HIV. Il en est de même pour la vitamine E, antioxydant, et pour
l’éthamsylate, agent hémostatique. Plusieurs études rapportent une
diminution significative de l’incidence des HIV après administration
maternelle de vitamine K. Cette thérapeutique pourrait représenter un
traitement adjuvant aux corticoïdes pour les enfants les plus immatures chez
lesquels, même après corticothérapie, la probabilité de survenue d’une forme
sévère reste importante.
L’indométacine, inhibiteur de la synthèse des prostaglandines, est
couramment utilisée en néonatologie pour induire la fermeture d’un canal
artériel persistant chez le grand prématuré. Cet agent diminue le flux
sanguin cérébral, notamment lors de la revascularisation après
hypovolémie, et les fluctuations de pression artérielle. Il a en revanche des
effets secondaires liés à son action pharmacologique : inhibition de
l’agrégation plaquettaire, vasoconstriction mésentérique et rénale. La
baisse du débit sanguin cérébral fait aussi courir le risque théorique de
complications ischémiques cérébrales. Plusieurs essais contrôlés (dont l’un
récent enrôlant plus de 400 nouveau-nés) concluent à l’intérêt de
l’administration ultraprécoce de petites doses d’indométacine (0,1 mg/kg)
au nouveau-né très prématuré pour la prévention des HIV graves [33, 61]. Ce
bénéfice persiste au sein de la sous- population soumise au traitement par
les glucocorticoïdes avant la naissance. Le suivi de la population traitée à
l’âge de 3 ans ne met pas en évidence d’effet délétère de cette thérapeutique
sur le devenir psychomoteur [62]. Des effets secondaires immédiats sont
néanmoins rapportés dans ces études, notamment digestif et rénaux. Pour
ces raisons, l’administration d’indométacine à visée prophylactique reste
réservée aux plus immatures (AG < 27 SA) et aux grands prématurés
n’ayant pas reçu de corticoïdes en anténatal et développant une détresse
respiratoire. Les effets potentiellement délétères de l’indométacine sur le
débit sanguin cérébral pourraient être limités par une administration sur une
période de plusieurs heures ou par le recours dans un proche avenir à
l’ibuprofène, dont l’efficacité sur la fermeture du canal artériel est
maintenant établie et dont les effets secondaires sont moindres.
Prédiction du devenir neurologique
après asphyxie périnatale
L’asphyxie périnatale reste une cause majeure de décès et d’IMC [93]. Elle est
la cause de 10 à 15 % des IMC au sens large de l’enfant dont la naissance est
survenue à terme. L’évaluation des dommages cérébraux dans la période
postasphyxique et l’établissement précoce d’un pronostic neurologique sont
des questions importantes que les parents et les équipes obstétricales et
pédiatriques sont amenés rapidement à se poser, une fois la période critique
de la défaillance multiviscérale surmontée. Les causes de l’asphyxie
périnatale sont multiples, sa physiopathologie est complexe ; elle peut
survenir en pré-, per- ou post-partum, sa durée et son intensité sont aussi des
facteurs déterminants comme le sont les possibilités d’adaptation
hémodynamique, métabolique et hormonale du foetus et du nouveau-né. Pour
l’évaluation pronostique, aucun marqueur clinique ou paraclinique n’a une
valeur prédictive de 100 %. Une grande importance est donnée à l’évolution
clinique de l’enfant dans la 1re semaine de vie et aux résultats d’un petit
nombre d’examens complémentaires, au premier plan desquels sont l’EEG et
l’imagerie cérébrale. Les événements obstétricaux (anomalie du rythme
cardiaque foetal, pH au scalp) ont une faible valeur pronostique pour
l’évolution neurologique à long terme [67].
L’interprétation du pH au cordon n’a de sens que si l’on tient compte de la
valeur de la PCO2. La fréquence de survenue de complications neurologiques
néonatales n’est statistiquement augmentée que pour des valeurs de pH au
cordon inférieures à 7,00 et 80 %de ces enfants ont néanmoins une évolution
neurologique favorable à moyen terme. La valeur prédictive positive d’un
score d’Apgar inférieur à 3, à 3 et 5 minutes pour une évolution défavorable
(séquelles ou décès) est mauvaise [2]. À l’inverse, 75 % présentant une IMC
(cerebral palsy) ont un score d’Apgar normal. Néanmoins, un score d’Apgar
inférieur à 3 à 20 minutes est associé à une survie de 40 %environ avec 57 %
d’IMC parmi les survivants.
Évolution clinique
Sur le plan clinique, la sévérité et l’évolution des manifestations de
l’encéphalopathie anoxo-ischémiques ont une grande valeur pronostique [93].
On peut distinguer schématiquement trois tableaux selon leur degré de
gravité. Ceux-ci devront être interprétés en fonction des drogues administrées
à la mère et des thérapeutiques sédatives et anticonvulsivantes prescrites au
nouveau-né :
– le tableau de la souffrance cérébrale mineure, marqué par un état
d’agitation et d’hyperactivité, avec des réflexes vifs et diffusés : ce tableau
dure en général moins de 48 heures, et est associé à un bon pronostic ;
– à l’inverse, l’encéphalopathie sévère est marquée par un état de coma
hypotonique, profond, avec atteinte des fonctions végétatives (troubles de la
succion-déglutition, hypothermie, bradycardie permanente, absence de
réflexes cornéens). Dans cette catégorie, l’évaluation pronostique est aussi
assez aisée : des séquelles neurologiques majeures (microcéphalie, retard
mental, IMC, convulsions) sont à craindre chez pratiquement tous les
survivants ;
– le pronostic de l’encéphalopathie modérée est le plus difficile à établir :
initialement l’enfant est hypotonique, peu réactif, comme « endormi,
assommé » et ses réflexes sont difficiles à retrouver. Au bout de quelques
heures, une agitation, une hyperréactivité, des mouvements anormaux
(pédalage, mâchonnements, enroulement des bras, opisthotonos) seront
observés. Les convulsions, voire un état de mal, sont fréquents. Environ 20 à
40 %de ces enfants risquent de développer des séquelles neurologiques, tout
particulièrement si le retour à un état clinique normal n’est pas survenu avant
la fin de la 1re semaine.
Électroencéphalogramme
Le monitorage EEG des enfants atteints d’anoxie périnatale est essentiel et a
une excellente valeur pronostique [21].Un enregistrement précoce, avant toute
thérapeutique anticonvulsivante, est important pour l’interprétation des
enregistrements ultérieurs.
Lorsque l’EEG est dans les limites de la normale et le reste au cours de la
1re semaine, le pronostic peut être considéré comme très favorable.
En revanche, un certain nombre de figures EEG enregistrées dans les
premières 48 heures témoignent de destructions neuronales étendues et sont
liées à un pronostic défavorable (décès ou séquelles) : il s’agit des tracés
inactifs ou paroxystiques durant plus de 24 heures, et des tracés qualifiés
« pauvres + théta » qui ont la même signification péjorative.
Les tracés précoces peuvent être modérément perturbés au niveau de l’activité
de fond (tracés hyperactifs, discontinus, ou au contraire trop lents,
hypovoltés). L’évolution du tracé de fond dans la 1re semaine de vie prend
une valeur pronostique importante : la prolongation de ces anomalies au-delà
de 1 semaine est très liée à la présence de séquelles.
Quel que soit le type de tracé observé, certaines caractéristiques sont
péjoratives : l’absence de labilité, c’est-à-dire de modification des figures
observées au cours des enregistrements, l’asynchronie entre les deux
hémisphères ou entre les zones antéropostérieures, la dissociation
électroclinique (qui s’observe surtout en cas de convulsions électriques, sans
manifestation clinique), la non-réponse au traitement anticonvulsivant et la
persistance de crises électriques au-delà de 48 heures de vie.
Imagerie cérébrale
L’échographie transfontanellaire a longtemps été considérée d’un intérêt
relatif : elle peut révéler un oedème cérébral, voire, dans quelques cas, des
HIV ou des hématomes intraparenchymateux. Le développement de
nouvelles sondes (10-MHz) permettant d’explorer plus finement le cortex et
les noyaux gris centraux devrait permettre à ce mode d’investigation
d’acquérir dans un futur proche une place plus importante dans l’évaluation
des lésions cérébrales [27].
Le scanner cérébral est moyennement informatif : pratiqué vers le 10-15e jour
après l’agression anoxique, il peut révéler des hypodensités isolées ou
diffuses témoignant de la localisation anatomique de l’hypoxie-ischémie. Ces
lésions peuvent actuellement être encore mieux précisées et localisées par
l’IRM.
L’IRM est appelée à prendre une place essentielle dans l’évaluation
pronostique de ces enfants [79]. C’est le seul examen de routine qui permette
une analyse morphologique satisfaisante de l’ensemble des structures
essentielles pour le pronostic immédiat et ultérieur (y compris la fosse
postérieure). Selon des études préliminaires récentes, l’analyse minutieuse de
la substance blanche, des noyaux de la base et de la capsule interne sur une
IRM à 1 semaine de vie permettrait d’établir un pronostic avec des valeurs
prédictives proches de 100 % [78].
Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études de la vascularisation
cérébrale ont été effectuées, surtout depuis l’avènement d’un matériel
performant d’échodoppler. Les valeurs prédictives de cette approche ne sont
pas encore suffisamment importantes pour une utilisation en routine dans
l’évaluation du pronostic. Cette technique met en évidence des perturbations
de la vascularisation globale ou régionale du cerveau secondaires à
5-114-K-60 AVANCÉES MÉDICALES ET PROGRÈS TECHNIQUES EN RÉANIMATION NÉONATALE Obstétrique
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l’asphyxie, en particulier une perte de la régulation de la vascularisation
cérébrale, aboutissant soit à des baisses de la vélocité sanguine importantes,
soit au contraire à des hyperdébits.
Autres méthodes d’investigation
L’étude des potentiels évoqués somesthésiques est un appoint précieux dans
l’évaluation du pronostic. Réalisées après 1 semaine de vie, les valeurs
prédictives positives et négatives deviennent supérieures à 90 % [80].
L’exploration précoce du métabolisme cérébral par IRM du phosphore ou du
proton est actuellement à l’étude. Des premiers résultats très encourageants
et d’excellentes corrélations avec le devenir ont été récemment
rapportés [59, 72]. À l’inverse, les marqueurs biochimiques comme la
lactacidémie, la neuroénolase, ou la GFAP(glial fibrillary acidic protein) ont
un intérêt pronostique limité.
Perspectives thérapeutiques
Aujourd’hui, la thérapeutique de l’asphyxie néonatale reste essentiellement
symptomatique, consistant surtout à ne pas aggraver les lésions, et à mettre
l’enfant en bonne situation pour récupérer spontanément [94].Toute souffrance
foetale aiguë, quelle que soit la rapidité de récupération à la naissance, doit
être mise en observation dans un service spécialisé, en mesure d’assurer la
prise en charge et le monitorage EEG continu. La ventilation mécanique doit
être proposée en cas d’apnées, de convulsions associées à des épisodes de
désaturation ou d’hypercapnie, d’insuffisance d’autonomie ventilatoire, et en
cas d’inhalation amniotique associée. En cas de défaillance hémodynamique
(collapsus et/ou hypoxémie réfractaire), il est habituel de recourir en premier
lieu à une expansion volémique, le produit de choix étant l’albumine, et en
cas d’échec ou de résultat insuffisant, d’associer des inotropes : dopamine ou
dobutamine.Avant de reconduire une expansion volémique, il faut s’assurer
qu’il n’existe pas d’ischémie myocardique. L’échocardiographie doppler est
ici d’un intérêt précieux. L’association d’une hypoxémie à des signes
échographiques d’HTAP peut conduire au traitement par NO inhalé après
correction de l’acidose et des troubles hémodynamiques.E´ viter tout facteur
aggravant comme l’hyperthermie, l’hypoglycémie (fréquente en cas d’anoxie
hépatique) et les désordres hydroélectrolytiques (hyponatrémie) reste
essentiel.
Pour la prise en charge des manifestations neurologiques, un certain nombre
de thérapeutiques sont actuellement abandonnées [25]. Le traitement de
l’oedème cérébral a été prôné pendant de nombreuses années, selon des
modalités diverses. Or, aucun de ces traitements ne s’est avéré efficace, et
beaucoup peuvent être dangereux (soluté hypertonique, corticoïdes à fortes
doses...). Il est actuellement connu que l’oedème cérébral ne survient pas de
façon constante, que les modifications de la pression intracrânienne ne sont
pas liées au pronostic, et que les lésions les plus oedémateuses sont en fait les
lésions nécrotiques, donc incapables de réagir à un quelconque traitement.
Certaines équipes ont proposé de traiter systématiquement ces enfants par le
phénobarbital, dans le but de prévenir les lésions ischémiques cérébrales.
Mais celles-ci se sont déjà constituées avant l’intervention thérapeutique, et
cet agent neuroprotecteur ne peut donc avoir aucune efficacité. Ceci a
d’ailleurs été démontré tant en expérimentation animale qu’en clinique. Si des
convulsions cliniques ou électriques surviennent, le phénobarbital reste le
médicament de choix. En cas de résistance à ce traitement et après vérification
des taux sanguins, la phénytoïne peut être proposée. Il n’est pas actuellement
démontré qu’une escalade thérapeutique de médicaments anticonvulsivants
améliore le pronostic. À l’inverse, elle complique l’interprétation de
l’évolution clinique et électrique nécessaire à l’évaluation pronostique.
Si des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de la
compréhension des mécanismes physiopathologiques conduisant à la
mort neuronale, le chemin est encore loin avant que des thérapeutiques
efficaces puissent être envisagées chez le nouveau-né [8]. Il est maintenant
bien démontré, à l’aide de divers modèles expérimentaux, que la toxicité
des acides aminés neuroexcitateurs (AAN) comme le glutamate et celle
des dérivés radicalaires de l’O2 est déterminante dans la genèse de la mort
neuronale. L’augmentation de la libération et l’inhibition de la recapture
d’AAN aux extrémité synaptiques est responsable d’une stimulation
excessive des récepteurs non NMDAet NMDA. L’entrée massive d’ion
calcium dans la cellule déclenchée par la stimulation des récepteurs
NMDAinitie un processus de mort cellulaire programmée, par le biais des
perturbations des fonctions mitochondriales, d’une production de
radicaux toxiques dérivés de l’O2, et de l’activation de différents gènes.
La toxicité des radicaux dérivés de l’O2 s’exerce également lors de la
reperfusion, en raison des modifications du métabolisme de
l’hypoxanthine et de la xanthine, précurseur des radicaux libres, induite
par l’ischémie [28]. Différents antagonistes des AAN, des inhibiteurs
calciques, des inhibiteurs de la xanthine oxydase ou de la NO-synthase,
ou encore des molécules scavengers de radicaux libres ont été par
conséquent testés dans des modèles expérimentaux. Tous ces produits ont
une efficacité relative lorsqu’ils sont utilisés avant l’accident anoxique.
L’administration très précoce d’antagonistes des AAN ou d’inhibiteurs
de la production de radicaux libres permet aussi de limiter l’importance
des lésions cérébrales. Ces thérapeutiques ont néanmoins des effets
secondaires importants, interdisant pour l’instant leur utilisation chez le
nouveau-né. Le magnésium, antagoniste non spécifique du récepteur
NMDA, fait actuellement l’objet d’essai thérapeutique chez le
nouveau-né à terme. Plusieurs autres approches sont à l’étude :
l’administration de facteurs de croissance comme l’IGF (insulin-like
growth factor)-1 et surtout l’hypothermie cerébrale, aux résultats
préliminaires très prometteurs chez l’animal, et qui représente
aujourd’hui une thérapeutique d’avenir sérieuse, même si sa mise en
oeuvre chez le nouveau-né soulève de multiples difficultés [37, 38].
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