Épidémiologie du diabète
A Fontbonne
D Simon
Résumé. – Le diabète est un nom générique qui désigne un état d’hyperglycémie chronique, cause de
complications graves à long terme. Le type de loin le plus fréquent de diabète est le diabète de type 2, maladie
longtemps asymptomatique, qui survient en général après une longue phase d’insulinorésistance et de
désordres métaboliques. Ses facteurs de risque principaux, outre une nette participation de l’hérédité, sont
l’avancement en âge, la prise de poids et la sédentarité. On prévoit une forte augmentation de sa prévalence
dans tous les pays du monde, sous l’effet conjugué de l’allongement de l’espérance de vie et de l’adoption
généralisée du mode de vie occidental, caractérisé par une alimentation riche et une diminution notable de la
dépense physique quotidienne. Les conséquences pourraient être dramatiques dans nombre de pays en
développement, où il semble exister une prédisposition très forte à la maladie. Un autre type de diabète,
beaucoup plus rare, est le diabète de type 1, qui est causé par une destruction auto-immune des cellules bêta
du pancréas. S’il existe une susceptibilité génétique indéniable, liée au système « human leukocyte antigen »,
l’apparition de la maladie nécessite la combinaison de divers facteurs environnementaux, certains
enclenchant le processus auto-immun, d’autres précipitant son expression clinique. L’incidence de ce type de
diabète est surtout élevée dans les pays européens, et elle augmente depuis une vingtaine d’années, sans que
le ou les facteurs d’environnement responsables de cette augmentation aient été identifiés.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : diabète, diabète de type 1, diabète de type 2, épidémiologie, statistiques sanitaires, facteurs de
risque, prévention.
Introduction
Le diabète sucré, ou diabète tout simplement, est un nom collectif
qui désigne, selon sa définition la plus récente, « un groupe de
maladies métaboliques caractérisées par une hyperglycémie
résultant de défauts de la sécrétion ou de l’action de l’insuline, ou
des deux conjuguées » [25]. Cette hyperglycémie est associée, à des
degrés divers et par des mécanismes encore mal connus, à des
complications à long terme, touchant en particulier les yeux, les
reins, les nerfs, le coeur et les vaisseaux sanguins ; au jour
d’aujourd’hui, ce sont elles qui font l’essentiel de la gravité de la
maladie et du poids qu’elle représente en santé publique.
L’immense majorité, au moins 90 % [18, 33], des cas de diabète est
constituée par une maladie assez mal définie, longtemps
asymptomatique, qui survient typiquement après la cinquantaine,
tout particulièrement chez des personnes en surpoids ou qui ont
des antécédents familiaux de la même maladie ; c’est le « diabète
non insulinodépendant », qui a été rebaptisé récemment « diabète
de type 2 » (DT2) [25]. L’épidémiologie du « diabète », au moins en ce
qui concerne la description de la maladie en population et les
projections assez alarmantes sur son développement mondial pour
Annick Fontbonne : Chargée de recherches Inserm, docteur en médecine, docteur en santé publique, unité
d’épidémiologie des maladies chroniques et du vieillissement, Inserm U 500, 39, avenue Charles-Flahault,
34093 Montpellier cedex 5, France.
Dominique Simon : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, docteur en médecine,
docteur en santé publique, unité d’épidémiologie cardiovasculaire et métabolique, Inserm U 258 Villejuif,
département de santé publique et service de diabétologie, hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchalde-
Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France.
un proche avenir [41], correspond en fait à « l’épidémiologie du
DT2 ». Toutefois, la deuxième grande pathologie qui porte aussi le
nom de diabète, quoique beaucoup plus rare, mérite aussi « son »
épidémiologie, même si ici les dénombrements qui en sont faits
servent davantage un but explicatif, à la recherche d’hypothèses
étiopathogéniques, qu’un but pragmatique de planification sanitaire
et de prévention : il s’agit bien sûr du diabète insulinodépendant,
actuellement renommé « diabète de type 1 » (DT1) [25], typiquement
une affection bruyante, reconnue sur des signes cliniques souvent
intenses (polyurie, polydipsie, amaigrissement), et qui survient
préférentiellement dans l’enfance, l’adolescence ou le jeune âge
adulte.
Il existe d’autres « diabètes », mais ils sont, soit trop rares, soit trop
mal définis pour que l’on puisse en faire l’épidémiologie : nous les
excluons donc de notre article pour nous concentrer tout d’abord
sur les statistiques dont on dispose sur le diabète en général, sachant
que cela signifie essentiellement le type 2, puis sur les résultats
d’enquêtes épidémiologiques spécifiques à chacun des deux grands
types et sur les enseignements qu’elles ont apportés en ce qui
concerne leurs différents facteurs de risque et les éventuels moyens
de prévention.
Statistiques de mortalité
La mortalité est l’un des premiers indicateurs épidémiologiques
servant à la description d’une maladie en population. Cependant,
dans le cas du diabète, qui est rarement mortel en soi,
l’interprétation des données de mortalité est très délicate, car la
mention du diabète comme cause du décès dépend à la fois de la
conception du certificat de décès et des habitudes de certification et
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 10-366-B-10
10-366-B-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Fontbonne A et Simon D. Épidémiologie du diabète. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Endocrinologie-Nutrition,
10-366-B-10, 2001, 9 p.
de codage qui sont variables d’un pays à l’autre [37]. Le diabète
comme cause sous-jacente de décès (celle qui est utilisée dans les
statistiques de mortalité nationales) est par exemple sous-déclaré en
France (moins 25 % en dessous de la moyenne européenne), comme
l’a montré une étude de simulation entreprise dans le cadre du
programme Eurodiab [4]. C’est dire le peu de fiabilité des
comparaisons internationales basées sur cet indicateur.
En France, les habitudes de certification des médecins ont fait l’objet
d’une étude comparative [72] qui a montré que, globalement, le
diabète en tant que cause principale ou associée du décès n’est pas
indiqué dans 75 % des certificats de décès d’hommes diabétiques et
dans 68 % des certificats de décès de femmes diabétiques. Cette
faible notification est sélective et varie selon l’âge et la cause
principale de décès. Le diabète est évidemment d’autant moins
mentionné que la cause principale de la mort est considérée comme
« éloignée » de lui (par exemple : tumeur, ou traumatisme, alors que
le diabète apparaît presque toujours en cas de décès par
complication métabolique aiguë). On remarque cependant qu’il n’est
notifié qu’environ une fois sur deux en cas de mort cardiovasculaire,
dont il est pourtant connu comme un facteur de risque majeur.
Ces réserves étant faites, et si l’on suppose les habitudes médicales
de certification relativement stables au cours du temps, il est
intéressant d’analyser l’évolution des taux de mortalité en France
depuis deux décennies. La courbe descendante de la mortalité par
diabète en tant que cause principale de décès (fig 1) prolonge une
tendance déjà observée et interprétée comme une amélioration de la
prise en charge des complications métaboliques aiguës, en
particulier chez les jeunes diabétiques de type 1 [66]. En revanche,
lorsqu’on considère les décès pour lesquels le diabète a été
mentionné comme cause associée (fig 2), la courbe montre une
augmentation depuis environ 10 ans, qui semble s’accélérer après
1994. Il n’est pas exclu que cette tendance récente provienne d’une
meilleure prise de conscience, accompagnée d’une meilleure
certification par les médecins, de l’importance que le diabète peut
revêtir dans le développement et le pronostic de maladies à forte
létalité, en particulier les maladies cardiovasculaires. Le diabète, en
particulier le DT2, fait en effet l’objet, depuis quelques années, non
seulement d’une activité scientifique intense, mais encore de
nombreuses actions de « sensibilisation » auprès du corps médical
et des pouvoirs publics ; citons à titre d’exemple la Déclaration de
Saint-Vincent [12] ou les publications du rapport du Haut comité de
la santé publique [34] et des recommandations de l’Agence nationale
d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) pour le suivi du
patient diabétique de type 2 [1]. Cela étant, il est bien sûr aussi
possible que l’augmentation des taux bruts de mortalité réflète une
augmentation de la prévalence du diabète, qui est, comme nous le
verrons dans la suite de cet article, un phénomène attesté dans de
nombreuses régions du monde et attendu, pour de simples
considérations démographiques, dans les pays les plus
industrialisés.
Statistiques de « morbidité déclarée »
Du fait de l’existence de cas asymptomatiques, les données de
prévalence (nombre de cas présents à un moment donné) et
d’incidence (nombre de cas apparus sur un laps de temps donné)
concernant le diabète peuvent varier énormément selon qu’on
considère les cas déjà diagnostiqués, et donc connus des patients ou
de leur médecin (morbidité déclarée), ou qu’on dénombre les
diabétiques à partir d’enquêtes utilisant des dosages systématiques
de la glycémie en population. Ainsi, aux États-Unis, l’enquête
National Health and Nutrition Examination Survey III
(NHANES III), conduite sur un échantillon représentatif de la
population américaine âgée de 40 à 74 ans, a révélé, grâce à la
confrontation des prévalences de diabète déclaré et de diabète
découvert sur une glycémie anormale, que près de 50 % des
diabétiques, et tout particulièrement dans les minorités ethniques,
ne savaient pas qu’ils étaient atteints de cette maladie [33]. Cette
proportion de « diabétiques qui s’ignorent » semble plus basse en
France ; elle a été évaluée à 25-30 % d’après les données de deux
enquêtes de cohorte [11].
Compte tenu du fait que les enquêtes utilisant des dosages
systématiques de la glycémie sont en général conduites dans la
perspective de mieux connaître le DT2, en vue d’établir quelques
hypothèses sur ses facteurs de risque, nous envisageons leurs
résultats dans le chapitre consacré à ce type de diabète. Le présent
paragraphe sur « morbidité déclarée » se restreint donc aux données
fournies par différents systèmes de recueil des cas connus de
diabète. Elles concernent essentiellement les pays industrialisés, au
premier chef les États-Unis, qui disposent de résultats d’enquêtes
périodiques sur échantillon représentatif, les National Health
Interview Surveys (NHIS), qui existent depuis les années 1930 et
permettent donc de suivre l’évolution des statistiques de morbidité
par diabète dans la population américaine [40]. En Europe, les
données sont beaucoup plus ponctuelles et éparses, permettant
difficilement de situer l’ampleur du problème à l’échelon du
continent [55] ; en revanche, il est plus facile de le quantifier en France
où, depuis une dizaine d’années, des enquêtes variées ont permis
d’établir un certain nombre d’estimations, au moins en ce qui
concerne la prévalence du diabète [19, 60].
PRÉVALENCE ET INCIDENCE DU DIABÈTE
AUX ÉTATS-UNIS
Les statistiques de morbidité concernant le diabète aux États-Unis
sont riches d’enseignement pour les autres pays industrialisés. Le
nombre de diabétiques, tout comme le taux de prévalence (leur
proportion dans la population), y apparaissent en augmentation
constante : d’environ 1,5 million (un peu moins de 1 % de la
population américaine) lors de l’enquête NHIS de 1958, leur nombre
était évalué, sur l’enquête NHIS de 1993, à 7,8 millions (environ 3 %
1 Taux bruts de mortalité par diabète en tant que cause principale de décès,
pour 100 000 habitants. France, 1979-1997 (source : Service d’information sur les causes
médicales de décès, SC8 Inserm).
2 Taux bruts de mortalité par diabète en tant que première ou deuxième cause associée
au décès, pour 100 000 habitants. France, 1979-1997 (source : Service d’information
sur les causes médicales de décès, SC8 Inserm).
10-366-B-10 Épidémiologie du diabète Endocrinologie-Nutrition
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de la population) [40], et estimé, en 1998, à 10,5 millions [33]. La
répartition par âge est typique du poids que représente le DT2 :
seulement 19 % des diabétiques américains ont moins de 45 ans, la
plus grande proportion d’entre eux (38 %) se situant dans la tranche
d’âge 45-64 ans. La prévalence la plus élevée est rencontrée chez les
plus de 65 ans : plus de 10 % d’entre eux sont diabétiques, alors que
la prévalence du diabète est inférieure à 1 % chez les moins de
45 ans.
Une part de l’augmentation régulière de prévalence observée aux
États-Unis revient certainement à une amélioration du dépistage et
surtout des critères de diagnostic, standardisés une première fois en
1979-1980 [74]. Mais depuis les années 1980, ce qui semble le plus
contribuer à la hausse de la prévalence est l’allongement de
l’espérance de vie ; celui-ci a pour conséquence une augmentation
du nombre d’Américains dans les tranches d’âge les plus à risque
pour l’apparition du DT2, ainsi que du nombre d’années où un
diabétique vit avec son diabète. D’autre part, les facteurs de risque
de diabète que sont l’obésité et la sédentarité, sont aussi devenus
plus répandus dans la société américaine. Leur implication dans
l’augmentation de prévalence est toutefois difficile à mettre en
évidence : en effet, l’incidence du diabète, qui mesure le risque
individuel de devenir diabétique sur une période donnée, paraît
assez stable depuis deux décennies, aux alentours, toujours d’après
les enquêtes NHIS, de 2,5 nouveaux cas pour 1 000 habitants par
an [40] ; les facteurs environnementaux pourraient néanmoins avoir
un impact beaucoup plus important sur certains groupes de
population (minorités ethniques d’ascendance amérindienne) (cf
infra).
DONNÉES SUR LA PRÉVALENCE DU DIABÈTE
EN FRANCE
Le rapport du groupe de travail « Diabètes » du Haut comité de la
santé publique [34] faisait état, en 1998, d’un nombre de patients
atteints de diabète sucré compris entre 1,2 et 1,5 million, dont 8 %
de DT1. Ces chiffres correspondent à des taux de prévalence de
l’ordre de 2 à 2,5 %, tous âges confondus. Ils reposent sur les
nombreuses études réalisées en France depuis plus de 15 ans dans
le but de déterminer la prévalence du diabète [19]. Mais en l’absence
d’enquêtes systématiques de morbidité semblables aux NHIS
américaines, les estimations françaises sont issues de données
indirectes (enquêtes auprès des médecins, analyse de la
consommation de soins par les ménages, statistiques de vente ou
études des prescriptions des médicaments antidiabétiques) et
nécessitent, de ce fait, des hypothèses et des corrections pour aboutir
à un chiffre de prévalence.
Les données les plus récentes, les plus exhaustives et certainement
les plus « justes » dont nous disposons actuellement sont issues de
l’exploitation des systèmes d’information des 128 Caisses primaires
d’assurance maladie sur les prestations remboursées et les
médicaments délivrés aux assurés sociaux [60]. Les analyses ont été
faites à l’échelon national, pour la population relevant du seul
Régime général de la sécurité sociale, puis les résultats ont été
extrapolés à l’ensemble de la population Insee. À l’occasion de cette
étude, il a été possible de calculer les taux de prévalence du diabète
traité par médicaments (antidiabétiques oraux et insuline) au
premier trimestre 1999. Ils apparaissent nettement plus élevés que
dans les estimations antérieures, fait d’autant plus frappant que les
diabétiques traités par régime seul n’ont bien sûr pas été pris en
compte (tableau I). Ils font aussi apparaître l’importance numérique
du DT2, qui ne se résume pas au diabète traité par antidiabétiques
oraux et constitue environ la moitié des diabètes insulinotraités [53],
surtout dans les tranches d’âge au-delà de 60 ans, où au moins 10 %
de la population est atteinte de la maladie.
Il est difficile de dire si l’écart par rapport aux estimations
antérieures provient de différences méthodologiques ou d’une
véritable augmentation de prévalence depuis les années 1980.
Celle-ci est probable, au vu d’arguments démographiques assez
semblables à ceux évoqués pour expliquer les tendances aux États-
Unis : vieillissement de la population et allongement de l’espérance
de vie, avec en sus l’arrivée des enfants du baby-boom à l’âge où le
diabète devient de plus en plus fréquent [10]. Aux effets directs de
cette évolution démographique sur la prévalence du diabète, est en
passe de se surajouter un facteur extrinsèque : l’abaissement du seuil
glycémique diagnostique de la maladie, que nous allons aborder
plus en détail au chapitre suivant.
Épidémiologie du diabète de type 2
L’épidémiologie descriptive du DT2, spécifiquement, comprend un
ensemble de résultats d’enquêtes réalisées de par le monde, en
particulier depuis les années 1980, où une définition standardisée
de la maladie avait été finalement admise par tous, dans le but
justement de faciliter les comparaisons internationales [74]. Il se
trouve que cette définition, déjà revue et complétée en 1985 [75], vient
d’être modifiée [25, 76]. Nous en envisagerons donc tout d’abord les
conséquences avant de présenter les chiffres de prévalence (qui ont
été établis pour la plupart sur les critères de 1980) ; puis nous
entrerons dans la discussion des facteurs de risque du DT2, ce qui
nous permettra d’aborder le risque « d’épidémie » de DT2, que
l’adoption du mode de vie occidental fait craindre dans certaines
populations exposées.
CHANGEMENT DES CRITÈRES DE DIAGNOSTIC
DU DIABÈTE ET SES CONSÉQUENCES
Le DT2 est une maladie essentiellement asymptomatique, ce qui
explique la fréquence avec laquelle, même encore actuellement, les
complications spécifiques et non spécifiques sont présentes au
moment du diagnostic : rétinopathie dans 15 à 20 % des cas,
protéinurie dans 5 à 10% des cas, séquelles électrocardiographiques
d’infarctus du myocarde dans 15 à 20 % des cas [25]. Des critères
biologiques reposant sur la glycémie sont donc nécessaires à un
diagnostic précoce dont le but doit être la prévention des
complications de la maladie. Avant 1975, les critères utilisés étaient
très hétérogènes avec, outre les conséquences individuelles,
l’impossibilité de cerner la maladie au plan épidémiologique. Petit à
petit s’est dégagé un consensus international dans le but justement
de remédier à cette situation chaotique et de permettre
l’établissement de données de prévalence fiables, ou à tout le moins
comparables à l’échelon régional, national et international [74].
Cette unification des critères de diagnostic du diabète a permis de
collecter de nombreuses données épidémiologiques dont
l’exploitation a été riche d’enseignements, au point que s’est fait
sentir, récemment, le besoin de reconsidérer les catégories
nosologiques « des diabètes », leur rapport avec les risques
spécifiques et non spécifiques, et par la même occasion, la pertinence
des critères diagnostiques qui avaient été retenus antérieurement.
Ceux-ci donnaient en effet une place prépondérante à la valeur de
Tableau I. – Le diabète en France : prévalence totale selon le traitement
(calculée sur la population protégée par le Régime général de
l’assurance maladie stricto sensu, puis extrapolée à la population
Insee), suivie de la prévalence dans quelques tranches d’âge représentatives
(calculée sur la population protégée par le Régime général de
l’assurance maladie stricto sensu, non extrapolée). D’après [60].
Insuline
seule
Insuline
+ ADO ADO seuls Total
Nombre 259 500 76 100 1 452 900 1 788 500
Prévalence 0,44 % 0,13 % 2,48 % 3,06 %
15-19 ans 0,15 % < 0,01 % 0,01 % 0,17 %
45-49 ans 0,36 % 0,10 % 1,89 % 2,35 %
60-64 ans 0,78 % 0,38 % 7,26 % 8,43 %
75-79 ans 1,83 % 0,56 % 11,57 % 13,96 %
ADO : antidiabétiques oraux.
Endocrinologie-Nutrition Épidémiologie du diabète 10-366-B-10
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la glycémie stimulée, 2 heures après charge orale de 75 g de glucose ;
or, cette épreuve était si peu souvent demandée en pratique qu’il
n’était pas réaliste de continuer à baser sur elle le diagnostic de
diabète.
¦ « Anciens » critères
La logique qui a présidé au choix des critères de 1980 découle à la
fois d’habitudes médicales de l’époque et d’arguments tirés d’études
épidémiologiques, à l’époque assez rares. Les habitudes médicales
étaient la préférence donnée aux tests de stimulation pour le
diagnostic des pathologies endocriniennes, d’où le choix de la
glycémie stimulée comme élément central pour affirmer l’existence
d’un diabète. Les arguments épidémiologiques étaient d’abord la
présence d’une bimodalité (deux pics de fréquence) dans les
distributions glycémiques observées dans les ethnies à haut risque
de diabète (Indiens Pimas, Micronésiens de l’île de Nauru),
suggérant que la majorité des « diabétiques » (distribution centrée
sur le deuxième pic de fréquence) avaient des glycémies, 2 heures
après charge glucosée (G2h), supérieures à 2,00 g/L (dosage sur
plasma veineux). De plus, et il s’agit là certainement de l’argument
le plus fort, la prévalence et l’incidence des complications
rétiniennes et rénales du diabète s’étaient révélées très faibles pour
des glycémies inférieures à ce seuil [54].
En conséquence, il a été décidé que le diagnostic de diabète pouvait
être posé si la G2h d’un sujet était égale ou supérieure à 2,00 g/L
(11,1 mmol/L). Pour une G2h comprise entre 1,40 g/L (7,8 mmol/L)
et 2,00 g/L, le sujet était déclaré « intolérant au glucose »,
essentiellement en raison du risque qu’il avait de devenir
diabétique [54]. La glycémie à jeun (G0) n’était pas prise en compte
pour le diagnostic ; toutefois, si elle était égale ou supérieure à
1,40 g/L, on pouvait déclarer le sujet diabétique, l’épreuve de charge
en glucose étant réputée inutile car pratiquement toutes les
personnes ayant un chiffre aussi élevé de glycémie à jeun ont une
valeur diabétique (> 2,00 g/L) pour la G2h.
¦ « Nouveaux » critères
L’abandon progressif des épreuves de charge en glucose, en dehors
des études épidémiologiques (qu’elles compliquaient d’ailleurs
grandement), a amené une situation paradoxale : alors que la
standardisation des critères biologiques de définition du diabète
visait en grande partie l’amélioration du diagnostic précoce de la
maladie, celui-ci reposait de fait sur une valeur extrêmement élevée
de la glycémie à jeun. En effet, si le seuil de 1,40 g/L est très
spécifique et annonce avec une très forte probabilité l’existence
d’une G2h au moins égale à 2,00 g/L, l’inverse n’est pas vrai, et de
nombreuses personnes qui auraient une glycémie stimulée
supérieure au seuil « diabétique » ont des glycémies à jeun
inférieures à 1,40 g/L. En l’absence d’épreuve de charge, ces
diabétiques échappaient au diagnostic.
Devant cette situation, les Américains ont pris le parti pragmatique
d’entériner les nouvelles habitudes médicales, tout en améliorant la
sensibilité du diagnostic en baissant à 1,26 g/L (7,0 mmol/L) la
valeur de G0 au-delà de laquelle on considère qu’un sujet est
diabétique [25]. Les arguments invoqués pour justifier ce nouveau
seuil sont très divers : quelques études épidémiologiques suggérant
une valeur pronostique similaire à celle du seuil de 2,00 g/L pour la
G2h ; l’invocation d’une « équivalence » entre les « nouveaux » et les
« anciens » critères pour estimer la prévalence du diabète en
population ; et quelques considérations mathématiques selon
lesquelles le seuil de 1,26 g/L réaliserait le meilleur compromis entre
la sensibilité et la spécificité de la détection.
Les Européens ont, quant à eux, préféré conserver la pratique de
l’épreuve de charge en glucose (en gardant la même valeur
diagnostique de 2,00 g/L pour G2h), tout en acceptant la baisse du
seuil diagnostique à 1,26 g/L pour G0 (à deux reprises). Ils
recommandent de fait une stratégie diagnostique en deux étapes,
conseillant le dosage de la G2h chez les sujets ayant une glycémie à
jeun inférieure à 1,26 g/L mais des glycémies à un moment
quelconque de la journée comprises entre 1 et 2 g/L (5,5 à
11,1 mmol/L), zone de « diabète incertain » [76]. Leurs arguments
pour ce maintien tiennent essentiellement à des considérations
pronostiques : il semble en effet que les personnes ayant une G2h
élevée (> 2 g/L) isolée, donc non détectée si l’on se contente de
doser leur glycémie à jeun, soient exposées à un risque
cardiovasculaire et à une mortalité accrue par rapport aux personnes
ayant une G2h plus basse (et une glycémie à jeun inférieure à
1,26 g/L) [6, 16] ; on devrait donc continuer à les rechercher et à les
considérer comme diabétiques.
¦ Conséquences épidémiologiques du changement
de critères
Si l’abaissement du seuil diagnostique basé sur G0 paraît une
excellente décision pour la pratique clinique qui permettra
certainement de découvrir plus précocement nombre de diabétiques,
il oblige à reconsidérer certains acquis épidémiologiques, en
particulier ce qu’on sait aujourd’hui de la prévalence du diabète. En
effet, les estimations qu’on en a sont en grande partie basées sur les
« anciens » critères, non seulement dans les études épidémiologiques
dont nous allons faire la revue plus loin, mais encore sur le plan de
la morbidité déclarée, car il est de fait que les médecins, peut-être
trop respectueux des critères consensuels de diagnostic établis par
de grands organismes internationaux, répugnaient, ou en étaient
empêchés pour diverses raisons administratives, à déclarer
diabétique un sujet dont la glycémie à jeun était inférieure à
1,40 g/L, même en présence d’arguments cliniques autres qui
évoquaient la forte probabilité d’un diabète. Compte tenu de cette
attitude, dont on ne connaît pas vraiment l’ampleur, on s’attend à ce
que de nombreux « nouveaux diabétiques », c’est-à-dire des
personnes avec des glycémies à jeun comprises entre 1,26 et
1,40 g/L, viennent se joindre aux « anciens », augmentant d’un coup
la prévalence des diabètes déclarés.
Si cette conséquence prévisible en santé publique doit être
simplement admise au bénéfice de la mise en oeuvre plus précoce
de mesures de prévention des complications de la maladie, la
question de la validité des enquêtes épidémiologiques conduites en
utilisant les anciens critères se pose différemment. Dans ces
dernières, les diabétiques « n’échappaient » pas au diagnostic,
puisqu’en général des épreuves de charge en glucose étaient
réalisées. Tout le problème est de savoir si l’on va pouvoir continuer
à comparer les chiffres « anciens », qui dénombraient des sujets à
G2h élevée, avec les chiffres « nouveaux » qui vont commencer à
apparaître, où seront comptabilisés des sujets à G0 élevée.
De nombreuses analyses ont été faites sur les données disponibles
pour estimer justement l’effet du changement de critères sur les
résultats épidémiologiques. Pour résumer, il apparaît que les
prévalences globales ne devraient pas changer beaucoup ; en
revanche, ce ne seront pas les mêmes « diabétiques » qui seront
comptabilisés : environ un tiers des « diabétiques 2 heures » ne sont
pas « diabétiques à jeun » et vice versa [17, 39]. D’autre part, le critère
de la glycémie à jeun dépiste plus de diabétiques chez les obèses et
moins chez les sujets âgés, donc les prévalences par âge et par degré
de surpoids devraient s’en trouver modifiées [17, 39]. L’inquiétude la
plus vive concerne le sort des catégories intermédiaires :
l’intolérance au glucose, définie sur G2h, a cédé la place à
« l’hyperglycémie modérée à jeun », pour des valeurs de G0
comprises entre 1,10 g/L (6,1 mmol/L) et 1,26 g/L. Or, les sujets
hyperglycémiques à jeun paraissent très différents des intolérants
au glucose ; en particulier, leur pronostic vital semble bien meilleur,
avec des taux de mortalité proches de ceux de la population générale
[16, 39]. Il est donc à prévoir que les enquêtes épidémiologiques
s’intéressant aux conséquences pathologiques à long terme des
troubles modérés de l’homéostasie glucidique devront continuer à
inclure dans leurs protocoles la réalisation d’une épreuve de charge
en glucose.
10-366-B-10 Épidémiologie du diabète Endocrinologie-Nutrition
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PRÉVALENCE DU DIABÈTE DANS LES ENQUÊTES
ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Comme nous l’avons déjà mentionné, de nombreuses enquêtes
épidémiologiques ont été conduites de par le monde afin de
déterminer la prévalence du diabète dans une région, un pays, ou
une ethnie particulière. Les résultats de ces enquêtes, à tout le moins
de celles qui ont respecté une certaine méthodologie et, en
particulier, qui ont appliqué à la recherche du diabète les critères de
1980 [74], ont fait l’objet d’une remarquable méta-analyse par un
groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [42],
dont nous résumons ici les principaux enseignements.
Les auteurs de la méta-analyse ont obtenu les données brutes
d’enquêtes épidémiologiques réalisées dans 32 pays et
correspondant à 75 groupes ou sous-groupes de population. Ils ont
calculé sur cette base les prévalences pour la tranche d’âge
30-64 ans, commune à toutes les enquêtes, en les ajustant sur l’âge,
pour faire disparaître les différences liées à la structure d’âge des
populations considérées. Les prévalences les plus basses (< 3 %) sont
en général rencontrées dans les régions les plus pauvres et/ou les
plus rurales de la planète, la seule exception notable étant une
prévalence de 1,6 % dans la ville industrielle de Da Qing, en Chine
continentale. Des prévalences modérées (3-10 %) sont observées
dans les pays européens ou d’émigration majoritairement
européenne (États-Unis, Brésil, Colombie) et aussi dans certaines
communautés ethniques de zones plus « pauvres » (Indiens en Inde,
Malais, Polynésiens et Mélanésiens des îles du Pacifique). Des
prévalences plus élevées (11-20 %) sont essentiellement le fait de
certains groupes ethniques ayant migré dans des régions plus
favorisées du globe (Indiens installés en Afrique du Sud ou à l’île
Maurice, Malais de Singapour, Chinois à l’île Maurice) ou encore de
populations ayant une ascendance amérindienne assez forte, comme
ceux que l’on appelle aux États-Unis les « Hispaniques »
(essentiellement des personnes d’origine mexicaine). Enfin, il existe
quelques rares groupes de population connus où la prévalence du
diabète atteint des chiffres étonnants : plus de 20 % chez les Indiens
(asiatiques) de l’île Fidji ou les Aborigènes d’Australie, 40 à 50 %
chez les Indiens Pima d’Arizona et les Micronésiens de l’archipel de
Nauru, dans le Pacifique.
Le simple examen de ces données suggère déjà deux grands facteurs
de risque du DT2 : l’un lié à l’ethnie, l’autre lié au mode de vie
(tableau II). La vie urbaine, ou dans des pays ou régions plus
« occidentalisés », semble révéler des prédispositions génétiques
particulières à certains groupes de population. Le fait est bien
documenté pour les Indiens du sous-continent : il se confirme que la
prévalence du DT2 des Indiens vivant en Angleterre est bien
supérieure à celle des Anglais de souche [65]. Un auteur perspicace
(cité dans [23]) avait d’ailleurs remarqué dès 1907 que « le diabète est
à l’aristocratie indienne ce que la goutte est à la noblesse anglaise ».
FACTEURS DE RISQUE DE DIABÈTE DE TYPE 2
Le fait que, placées dans un environnement semblable, des
populations assez homogènes sur le plan génétique soient plus
sensibles que d’autres à l’apparition d’un diabète, suggère fortement
l’existence de gènes prédisposant à la maladie. À ceci s’ajoutent
d’autres arguments, en particulier la fréquence des cas familiaux et
la forte concordance observée chez les jumeaux ou dans les études
de fratries [71]. Le rôle de l’environnement est aussi indéniable : les
Indiens Pima d’Arizona, de loin premiers du monde pour la
prévalence et l’incidence du DT2, n’étaient pas diabétiques au début
du siècle, à l’époque où leur mode de vie traditionnel n’était encore
que peu bousculé par la sédentarité forcée dans les limites de leur
réserve, l’abondance des aliments industriels et l’alcoolisme [73]. Le
DT2 est donc un modèle de maladie liée à l’interaction
gènes-environnement.
Quels sont les gènes en cause, et quels sont les facteurs
d’environnement qui interagissent avec eux pour aboutir à
l’expression de la maladie ? Ces questions sont loin d’être résolues,
mais pour pouvoir présenter les éléments de réponses déjà
disponibles, il nous paraît utile de rappeler ce que l’on sait à ce jour
de l’histoire naturelle du DT2.
¦ Histoire naturelle du diabète de type 2
On peut considérer aujourd’hui comme établi que le DT2 est, sauf
dans de rares cas, une maladie caractérisée par la conjonction d’une
insulinorésistance (moindre sensibilité tissulaire à l’action de
l’insuline) et d’un défaut de sécrétion bêtapancréatique. Il a été
montré, grâce à des études dans des groupes ethniques à fort risque
de diabète ou chez des apparentés de diabétiques [7, 49], que
l’hyperglycémie chronique qui le caractérise ne survient qu’après
une première phase d’insulinorésistance « pure », accompagnée
d’une hyperinsulinémie à jeun et stimulée. Un défaut de sécrétion
pancréatique, dont l’origine est l’objet d’âpres controverses, se
manifeste ultérieurement et déclenche l’hyperglycémie.
Incidemment, la première période, « prédiabétique », s’accompagne
de diverses anomalies métaboliques potentiellement athérogènes ou
thrombogènes (regroupées sous le nom de « syndrome X » [57] ou
« syndrome métabolique », ou encore « syndrome de
l’insulinorésistance »), et pourrait être un facteur de risque important
de l’excès de complications cardiovasculaires observé chez les
diabétiques [27, 28].
L’installation d’un diabète apparaît donc comme un processus en
deux temps : d’abord insulinorésistance, mais normoglycémie
maintenue au prix d’une hyperinsulinémie « compensatrice » ; puis
basculement dans le diabète proprement dit, quand le pancréas
n’arrive plus à fournir la quantité d’insuline nécessaire à
l’homéostasie des métabolismes insulinodépendants. Les facteurs de
risque du diabète doivent en conséquence être envisagés en deux
parties : ceux qui favorisent l’insulinorésistance, et ceux qui influent
sur le défaut d’insulinosécrétion.
¦ Facteurs de risque de défaut d’insulinosécrétion
Il est généralement admis que les facteurs de défaillance
pancréatique conduisant au diabète proprement dit sont d’origine
génétique [32]. Il n’est pas impossible toutefois que cette défaillance
ne soit tout simplement acquise et liée à la durée et à l’intensité de
Tableau II. – Prévalences du diabète dans le monde (ajustées sur l’âge et restreintes à la tranche d’âge 30-64 ans) selon quelques grands groupes
ethniques et leur lieu de résidence. D’après [42].
< 3 % 3-10 % 11-20 % > 20 %
Chinois Da Qing (Chine continentale) Singapour Île Maurice
Indiens (d’Inde) Inde du Sud (rurale) Dar-es-Salaam (Tanzanie) - Madras Îles Fidji
- Durban (Afrique du Sud)
- Singapour
- Île Maurice
Amérindiens Indiens Mapuche (Chili) Indiens Pima (Arizona, États-Unis)
Populations des îles du Pacifique - Mélanésiens - Mélanésiens - Micronésiens - Micronésiens
Fidji (ruraux) Fidji (urbains) Kiribati (urbains) archipel de Nauru
- Micronésiens - Aborigènes (Australie)
Kiribati (ruraux)
- Polynésiens
Endocrinologie-Nutrition Épidémiologie du diabète 10-366-B-10
5
l’insulinorésistance qui la précède et qui « épuiserait » le pancréas.
Parmi les hypothèses soutenant un défaut d’insulinosécrétion
acquis, on trouve le concept déjà ancien de « glucotoxicité » [9, 48], et,
plus actuel, celui de « lipotoxicité » selon lequel les anomalies
lipidiques de la période d’insulinorésistance (en particulier
l’augmentation des acides gras libres circulants) émousseraient
progressivement la sensibilité au glucose des cellules
bêtapancréatiques [3].
Néanmoins, les tenants d’une origine génétique au défaut
pancréatique disposent d’un argument de poids du fait de
l’identification, dans une forme particulière de diabète, non
hyperinsulinémique, appelée le maturity onset diabetes in the young
(MODY), d’une mutation du gène de la glucokinase, une enzymeclé
de la réponse pancréatique à un stimulus glucosé [29]. La
recherche d’autres mutations sur des gènes candidats est
évidemment très active [32], mais compliquée par le caractère
polygénique et l’hétérogénéité génétique du DT2 (la prédisposition
à la maladie dépend très probablement d’une combinaison de gènes,
qui n’est pas nécessairement la même d’une famille à l’autre, voire à
l’intérieur d’une même famille [71]).
¦ Facteurs de risque d’insulinorésistance
L’insulinorésistance est un phénomène encore mal compris dans ses
déterminants et ses conséquences, mais facilement quantifiable,
directement par des études de perfusion de glucose et d’insuline
sous pancréas artificiel (clamp euglycémique hyperinsulinique), ou
indirectement, chez les non-diabétiques, par la mesure du taux
d’insuline circulant à jeun, très fortement corrélé (r = 0,6-0,8) au
résultat des mesures directes [32]. Il a donc été rapidement établi que,
en dehors de circonstances passagères multiples (fièvre, stress
chirurgicaux, etc), l’insulinorésistance augmente avec l’âge et avec
le degré de surpoids [36, 56]. À l’inverse, la pratique régulière d’une
activité physique s’accompagne d’une meilleure insulinosensibilité
[58]. Ces constatations expliquent que les grands facteurs de
risque, depuis longtemps identifiés, du DT2, soient l’avancement en
âge, l’obésité et la sédentarité [66].
Si ces facteurs paraissent acquis, quoique la prise de poids, tout en
nécessitant une participation environnementale déséquilibrant la
balance énergétique, soit probablement génétiquement régulée [45, 68],
il n’est pas exclu qu’existent en sus, dans certaines populations tout
au moins, des gènes d’insulinorésistance. Chez les Indiens Pima, par
exemple, le degré de sensibilité à l’insuline est une caractéristique
familiale, dont la distribution est compatible avec une transmission
monogénique codominante [8]. La recherche de mutations sur
quelques gènes candidats s’est malheureusement révélée assez
décevante jusqu’ici, et de toute façon difficilement transposable à
des populations moins particulières génétiquement que cette tribu
amérindienne [51]. Il est probable que la recherche génétique sur le
versant insulinorésistance (ou obésité) soit aussi difficile que celle
de gènes de fragilité bêtapancréatique, pour les mêmes raisons de
complexité des modèles de transmission.
Il n’en reste pas moins qu’expliquée génétiquement ou non,
l’insulinorésistance, en tant que facteur de prédisposition au diabète,
est en passe de déclencher une épidémie sans précédent de la
maladie dans le monde [41]. Les populations susceptibles sont sans
doute beaucoup plus nombreuses qu’on ne le pensait [45], et toutes
adoptent progressivement, sous l’effet de la mondialisation et de
l’urbanisation accélérée, le mode de vie le plus contre-indiqué qui
soit pour éviter la maladie.
Une illustration exemplaire des craintes que l’on peut avoir au
regard de cette épidémie prévue est l’augmentation extrêmement
rapide de l’incidence du DT2 chez les enfants des « minorités
ethniques » aux États-Unis [26]. Les premiers cas décrits, au début des
années 1990, ont été accueillis avec scepticisme. Néanmoins, il a bien
fallu se rendre à l’évidence et constater qu’aucun de ces enfants,
obèses et peu actifs, souvent porteurs d’acanthosis nigricans (un
signe cutané d’insulinorésistance, considéré jusqu’à présent comme
rarissime), ne développait d’insulinodépendance permanente qui
aurait pu suggérer qu’il s’agissait de DT1 atypiques. La maladie est
maintenant reconnue et préoccupe à juste titre les autorités sanitaires
américaines [2] : dans certaines séries de cas, le DT2 représente près
de la moitié des diabètes nouvellement diagnostiqués chez les
enfants ou les adolescents !
¦ Environnement intra-utérin
Nous envisageons à part ce dernier facteur de risque que nous
aborderons, car il est encore trop tôt pour le classer dans l’un des
deux sous-chapitres (défaut d’insulinosécrétion ou insulinorésistance)
que nous venons de voir. L’influence de l’environnement
intra-utérin sur l’apparition d’un diabète plus tard dans la vie est en
effet un sujet dont l’exploration a commencé relativement
récemment, suite à une série de publications du groupe de Barker,
en Angleterre, montrant une relation entre un petit poids de
naissance et l’incidence à l’âge mûr du diabète et de diverses autres
anomalies métaboliques liées à l’insulinorésistance [5]. La relation a
été confirmée dans d’autres populations [50, 70], mais la façon de
l’interpréter diverge selon les auteurs : pour Barker, il s’agirait d’un
défaut pancréatique constitué en réaction à la malnutrition intrautérine,
pour d’autres d’un biais de survie (les « petits bébés » non
insulinorésistants seraient plus fragiles que les autres, en
conséquence de quoi les « petits bébés » insulinorésistants, donc
potentiellement plus sujets au diabète, seraient davantage
représentés à l’âge adulte). Quoi qu’il en soit, les faits plaident pour
une bonne alimentation maternelle pendant la grossesse comme
moyen de prévention supplémentaire du DT2 à l’âge adulte.
Plus inquiétante est la constatation que les mères diabétiques
pendant leur grossesse exposent leurs enfants à un risque élevé
d’obésité et de DT2, à un âge très jeune. Là encore, l’observation
princeps a été faite chez les Indiens Pima, où il a été récemment
montré que 70 % des enfants portés par des mères diabétiques
étaient eux-mêmes diabétiques à l’âge de 25-34 ans [13]. L’effet était
clairement indépendant d’une transmission génétique, et bien la
conséquence de l’environnement in utero (le diabète était beaucoup
plus rare chez les enfants de femmes qui n’étaient pas diabétiques
pendant la grossesse, même si elles le sont devenues ensuite). Il est
évident que ce facteur de risque représente un cercle vicieux
pouvant faire craindre à relativement court terme la généralisation
du diabète à l’ensemble de la tribu ! Il ne lui est néanmoins pas
exclusif et le phénomène semble général et indépendant du type de
diabète dont souffre la mère au moment de la grossesse [64] ; par
ailleurs, il constitue une explication raisonnable à l’observation
encore mystérieuse d’un surcroît d’antécédents de diabète du côté
maternel plutôt que paternel chez les diabétiques de type 2 [67].
Ceci s’ajoutant à la prévision d’une explosion du DT2,
essentiellement dans les pays en développement où la
prédisposition génétique pourrait être très forte, donc le diabète plus
précoce que dans les populations européennes ou d’origine
européenne, il est certain que les projections alarmistes et les appels
à la prévention avec au premier plan la lutte contre l’obésité et la
sédentarité, sont loin d’être superflus : le diabète et ses complications
risquent fort d’être un des problèmes de santé publique les plus
sérieux du XXIe siècle.
Épidémiologie du diabète de type 1
Le terme « DT1 » recouvre des maladies où l’hyperglycémie, sévère,
généralement accompagnée de signes cliniques bruyants, avec cétose
ou acidocétose, est la conséquence d’une destruction des cellules
bêtapancréatiques [25]. Dans la majorité des cas, cette destruction est
d’origine auto-immune, comme en témoigne la présence
d’autoanticorps (anti-îlots, antidécarboxylase de l’acide glutamique
[GAD], etc) au moment du diagnostic, et même chez certains
apparentés à un diabétique de type 1 ; dans ce cas, elle signifie
souvent un risque accru de développer à leur tour la maladie [22].
L’épidémiologie du DT1 a bénéficié depuis le début des années 1980
d’efforts collaboratifs internationaux qui ont permis d’établir son
incidence dans de nombreux pays ou régions du monde et de
10-366-B-10 Épidémiologie du diabète Endocrinologie-Nutrition
6
formuler des hypothèses sur ses facteurs de risque. Nous donnons
un aperçu de leurs résultats, avant de commenter des études plus
directement orientées vers la recherche étiologique.
INCIDENCE DU DIABÈTE DE TYPE 1
Le DT1 est une maladie rare : sa prévalence aux États-Unis est
estimée à 1,2 cas pour 1 000 habitants, 1,7 pour 1 000 dans la tranche
d’âge 0-19 ans [43]. La recherche des cas nécessite donc un effort
conséquent et une validation minutieuse du dénombrement, un cas
« manqué » pouvant altérer les estimations de manière significative.
Depuis l’initiative pionnière du Diabetes Epidemiology Research
International (DERI), la méthodologie des études d’incidence du
DT1 a été unifiée : elle est basée sur la tenue d’un registre où sont
recueillis tous les nouveaux cas signalés sur une zone géographique
définie, de population totale connue [44, 59].
Le DERI a établi le premier que l’incidence du DT1 dans la tranche
d’âge 0-14 ans variait fortement selon les pays, les chiffres les plus
hauts étant observés en Finlande (en moyenne 29,5 nouveaux cas
annuels pour 100 000 enfants de moins de 15 ans entre 1978 et 1980)
et les plus bas au Japon (1,7 pour 100 000 par an) [20] ; par ailleurs,
l’étude des tendances temporelles entre 1966 et 1986 montrait une
augmentation en Europe et dans le Pacifique, mais une relative
stabilité en Amérique du Nord [21]. Une revue générale faite à
l’initiative du projet DIAMOND de l’OMS a précisé les différences
géographiques dans l’incidence du DT1 (en dessous de l’âge de
15 ans) : il apparaît clairement que les taux d’incidence les plus
élevés sont dans l’hémisphère Nord et plus particulièrement en
Europe, faisant conclure à la possibilité d’une susceptibilité
génétique différentielle selon l’origine ethnique [38]. D’autres auteurs
interprètent ce gradient Nord-Sud comme une conséquence du
climat et surtout de la température moyenne annuelle [14].
Toutefois, l’initiative européenne Eurodiab ACE [24, 31], en détaillant
les taux d’incidence par pays et par région, a mis en évidence des
exceptions notables, peu compatibles avec, soit une hypothèse
génétique (les Estoniens, qui font partie du même groupe ethnique
que les Finlandais, ont une incidence annuelle de DT1 quatre fois
plus faible), soit une influence de la température (l’incidence en
Sardaigne est presque égale à celle de la Finlande, alors que
l’incidence en Islande est trois fois plus basse) (tableau III).
L’évolution des taux d’incidence sur plusieurs années montre une
tendance nette à l’augmentation, principalement dans le groupe
d’âge 0-4 ans, soulignant la probable intervention d’un facteur
d’environnement, tout particulièrement dans la petite enfance [24].
Cette augmentation est bien visible en France, où elle a été chiffrée à
29 % sur 8 ans ; dans ce pays, elle semble néanmoins toucher toutes
les tranches d’âge entre 0 et 14 ans [46].
Ces résultats d’épidémiologie descriptive témoignent de la forte
interaction génétique-environnement à l’origine de la maladie. La
part génétique n’est certainement pas suffisante pour que la maladie
s’exprime. Les facteurs environnementaux semblent jouer un rôle
fondamental dans le déclenchement ou la facilitation du processus
auto-immun de destruction des cellules bêtapancréatiques ;
l’augmentation rapide d’incidence sur les 20 à 30 dernières années
dans les populations européennes, génétiquement « stables », est en
faveur de l’introduction (ou du retrait) d’un facteur environnemental
majeur qui influe sur l’apparition de la maladie.
FACTEURS DE RISQUE DE DIABÈTE DE TYPE 1
Si l’étiologie précise du DT1 reste encore bien mystérieuse, le schéma
classique des maladies auto-immunes s’y applique : une
prédisposition génétique portant sur le système majeur
d’histocompatibilité, qui gouverne la présentation des antigènes aux
cellules immunitaires et la reconnaissance du « soi » et du « nonsoi
» ; une influence extérieure qui altère cette capacité de
reconnaissance et enclenche la réaction d’auto-immunité.
¦ Prédisposition génétique au diabète de type 1
Le DT1 est beaucoup moins « héritable » que le DT2. Les taux de
concordance pour la maladie dans les paires de jumeaux sont bas
(environ 20 % chez les jumeaux monozygotes) et une grande part de
cette concordance, 79 % d’après une étude américaine, serait en fait
liée au partage de facteurs environnementaux [14]. D’autre part, plus
de 80 % des diabètes de type 1 sont des cas sporadiques, sans aucun
antécédent familial de cette maladie [22]. Malgré cela, la recherche des
facteurs génétiques prédisposants a été beaucoup plus fructueuse
que dans le cas du DT2, le caractère auto-immun de la maladie
l’ayant orientée très tôt vers les gènes human leukocyte antigen (HLA)
à la base du système majeur d’histocompatibilité.
La région HLA se situe sur le chromosome 6 et contient des gènes
qui codent pour les nombreux antigènes HLA exprimés à la surface
des cellules de l’organisme et qui caractérisent le « soi », ainsi que
de nombreux autres gènes qui sont impliqués dans le contrôle de la
réponse immunitaire. Dès le milieu des années 1970, il a été établi
que les génotypes HLA-B8 et HLA-B15 étaient plus fréquemment
retrouvés chez les diabétiques de type 1 qu’en population générale ;
avec les progrès de l’analyse génétique, il s’est avéré qu’en fait, les
génotypes directement impliqués codaient pour des antigènes HLA
dits « de classe II », l’HLA-DR3 et l’HLA-DR4, portés par 95 % des
diabétiques de type 1 [22]. Certaines mutations prédisposantes, et
d’autres protectrices, associées au génotype HLA-DR3 ou -DR4, ont
même été identifiées sur les gènes codant pour les chaînes b et a de
la molécule d’HLA-DQ [22]. Il apparaît aujourd’hui que les allèles DQ
représentent le meilleur marqueur de susceptibilité génétique au
DT1, au moins dans les populations caucasiennes ; cependant, il est
probable que d’autres mutations prédisposantes existent sur des
gènes non-HLA [52].
¦ Facteurs de risque liés à l’environnement
Le début souvent abrupt des signes cardinaux du DT1, la variation
saisonnière de l’incidence (très peu de DT1 commencent en été), le
pic d’incidence bien connu au moment de la puberté, ainsi que
l’existence confirmée de petites « épidémies » de diabète, souvent
corrélées à des épidémies virales [47, 69], ont longtemps fait rechercher
l’origine du DT1 (stress, modifications hormonales, poussées de
croissance, infections, etc) [14] dans la proximité immédiate des
premiers symptômes cliniques. On pense aujourd’hui que ces
facteurs ne sont que des précipitateurs de diabète symptomatique,
et même s’ils sont certainement essentiels à son déclenchement, il
Tableau III. – Incidence annuelle du diabète de type 1 en Europe chez
les enfants de moins de 15 ans (taux pour 100 000 habitants de moins
de 15 ans, ajustés sur l’âge). Projet collaboratif Eurodiab ACE.
D’après [24, 31].
Pays (région) Incidence 1989-1990 Incidence 1990-1994
Finlande 42,9 40,2
Italie (Sardaigne) 30,2 36,6
Norvège 20,8 21,2
Irlande du Nord 16,6 19,6
Luxembourg 12,4 12,1
Pays-Bas 11,0 13,0
Italie (Sicile) 10,1 11,4
Belgique (Anvers) 9,8 11,6
Grèce (Athènes) 9,3 9,5
France 7,8 8,3
Autriche 7,7 9,1
Italie (Lombardie) 6,8 7,0
Pologne (région Ouest) 5,5 6,7
Roumanie (Bucarest) 5,1 5,0
Grèce (région Nord) 4,6 6,2
Endocrinologie-Nutrition Épidémiologie du diabète 10-366-B-10
7
faut remonter beaucoup plus loin dans l’histoire d’un diabétique
pour rechercher les facteurs de risque de DT1, car le processus autoimmun
qui y conduit évolue insidieusement pendant de nombreuses
années avant que la maladie clinique ne se déclare [63].
L’attention quant aux facteurs qui enclencheraient véritablement le
processus auto-immun de destruction bêtapancréatique se porte
aujourd’hui sur les événements entourant la grossesse, la périnatalité
ou la petite enfance. La première observation qui a amené ce
changement d’optique est la constatation d’une augmentation
d’incidence du diabète chez les enfants islandais nés en octobre,
donc conçus aux alentours du mois de décembre [35]. Or, les fêtes de
fin d’année en Islande sont l’occasion de consommer du mouton
fumé en abondance, et celui-ci contient des dérivés nitrosamines,
groupe auquel appartient la streptozotocine utilisée depuis
longtemps pour créer des diabètes expérimentaux chez les animaux
de laboratoire. La toxicité pour l’homme de la consommation de
nitrosamines et de nitrates en relation au DT1 a par la suite été
confirmée dans d’autres études épidémiologiques [14].
L’hypothèse nutritionnelle s’est enrichie d’un autre suspect quand
on a mis en évidence, dans des études écologiques puis cas-témoins,
que les enfants diabétiques avaient eu une durée d’allaitement
maternel significativement plus courte que celle d’enfants non
diabétiques [30]. Une séquence particulière d’une protéine contenue
dans le lait de vache, la séquence ABBOS, contre laquelle les enfants
mis très tôt à ce type d’alimentation développeraient des anticorps,
pourrait être en cause dans l’enclenchement du processus autoimmun,
car elle est aussi retrouvée dans certains antigènes de classe
II du complexe majeur d’histocompatibilité [14]. Cependant, il n’est
pas exclu qu’à l’inverse de l’hypothèse d’une toxicité du lait de
vache, ce soit l’allaitement maternel qui apporte une protection
contre la susceptibilité à l’auto-immunité, par exemple par la
transmission d’antigènes ou d’anticorps modulant la maturation du
système immunitaire de l’enfant [69].
Malgré l’intérêt porté aux facteurs nutritionnels, l’hypothèse virale,
déjà souvent évoquée en tant que facteur de risque de
déclenchement du diabète clinique, est aussi envisagée en tant
qu’origine au processus auto-immun. Une autre particularité des
variations d’incidence du DT1 est en effet l’agrégation de cas, dans
une zone géographique donnée, en fonction de la date de naissance
[15, 62], ce qui laisse supposer que les enfants atteints ont partagé un
même événement in utero ou en période périnatale. Que cet
événement soit une petite épidémie virale semble attesté par la mise
en évidence d’un titre d’anticorps contre certaines souches
d’entérovirus et de coxsackievirus B plus élevé chez les femmes
enceintes dont les enfants sont plus tard devenus diabétiques que
chez les femmes enceintes dont les enfants sont restés indemnes de
la maladie [14]. Enfin, l’hypothèse la plus actuelle concerne
l’implication des « superantigènes », antigènes bactériens ou viraux
à l’origine d’une réponse immunitaire massive et exacerbée, dans
l’initiation des processus auto-immuns [69].
Toutes les hypothèses ci-dessus ne sont pas mutuellement
exclusives : il est probable en fait qu’il n’existe pas un enchaînement
unique de « causes » extérieures du DT1, mais plutôt une
combinaison aléatoire, différente d’un diabétique à l’autre, de
certains phénomènes initiateurs de l’auto-immunité, nutritionnels,
viraux ou autres, et d’événements précipitateurs, infectieux,
hormonaux ou induits par des stress divers. La prévention théorique
du DT1 est donc basée sur des prémices en « miroir » de celle du
DT2 : alors qu’on sait de mieux en mieux distinguer les sujets à
risque, grâce à des marqueurs génétiques et d’auto-immunité [63], on
ne sait sur quel facteur extérieur faire porter une intervention
préventive (hormis bien sûr recommander l’allaitement maternel).
Par ailleurs, les essais (il y en a en cours [61]) et même la prévention
ne peuvent se concevoir que chez des apparentés de diabétiques de
type 1, car on ne recherche évidemment pas les marqueurs de risque
de DT1 en population générale ; or, c’est là que l’immense majorité
des cas apparaît, les formes familiales étant rares, comme nous
l’avons dit. L’impact en santé publique risque donc d’être très limité,
même si l’on peut espérer que les résultats de ces essais nous en
apprennent davantage sur la pathogénie du DT1.
Conclusion
L’épidémiologie du diabète s’est considérablement développée depuis
une vingtaine d’années, grâce en particulier aux efforts de
standardisation des protocoles de recherche et au développement des
collaborations internationales. L’enrichissement des connaissances sur
cette maladie complexe, ou plus exactement sur les deux maladies
principales qui partagent le nom de « diabète », a permis de mieux en
apprécier les conséquences en santé publique et de progresser dans
l’analyse des facteurs de risque qui y prédisposent. Le DT2 est de loin le
plus fréquent des diabètes, et celui qui pèse le plus lourd en termes de
coût social, financier et humain pour la collectivité, au travers de ses
complications, dont on sous-estime encore trop souvent la fréquence et
la gravité. Sa prévalence augmente de manière explosive, en particulier
dans les pays pauvres, où il est en passe de devenir un des problèmes de
santé publique les plus graves du XXIe siècle. Les mesures de prévention
sont connues, mais compliquées à mettre en oeuvre, car elles concernent
des modes de vie que l’accession à une plus grande prospérité favorise et
auxquels il est difficile de renoncer, surtout si on y a accès depuis peu :
alimentation plus riche et plus grasse, loisirs sédentaires, diminution de
la dépense physique dans les activités de la vie quotidienne. L’incidence
du DT1 est elle aussi en augmentation, surtout cette fois-ci dans les
pays riches, les Européens ou leurs descendants étant apparemment
plus touchés par la maladie. Bien que les conséquences en santé
publique soient dans ce cas moins alarmantes, la maladie reste un
drame individuel qui couvre le plus souvent une vie entière, qu’il oblige
à repenser entièrement. La prévention est ici difficile et les espoirs
reposent essentiellement sur les progrès thérapeutiques.
10-366-B-10 Épidémiologie du diabète Endocrinologie-Nutrition
8
Références
[1] Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé.
Recommandations pour la pratique clinique : suivi du
patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des complications.
Rev Prat Méd Gén 1998 ; 13 : 207-210
[2] American diabetes association. Type 2 diabetes in children
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