Voies d’abord de l’épaule
O Gagey
P Boisrenoult
Résumé. – Ce travail présente les principales bases anatomiques nécessaires à la réalisation des voies
d’abord chirurgicales de l’articulation scapulohumérale. Il décrit successivement l’anatomie des plans
superficiels, l’anatomie des muscles et les conséquences pratiques de la présence des structures fibreuses au
sein du muscle deltoïde et de la coiffe des rotateurs, l’anatomie des plans de glissement, l’anatomie vasculaire
et l’anatomie chirurgicale des nerfs axillaire, musculocutané et suprascapulaire.
Les principes de l’installation du patient, ainsi que de l’anesthésie sont exposés.
Les principales voies d’abord sont décrites. Les voies longitudinales ont pour caractéristiques de ne pas
interrompre la continuité du muscle deltoïde. Elles incluent la voie deltopectorale, la voie deltopectorale
élargie, les voies antérosupérieures et les voies postérieures. Les autres voies sont décrites : voie de Martini,
voie inférieure (axillaire) et voies transacromiales.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : épaule, articulation scapulohumérale, voie d’abord chirurgicale, anatomie chirurgicale.
Introduction
Le choix d’une voie d’abord est toujours un compromis entre un
objectif chirurgical et un risque fonctionnel lié aux conséquences
anatomiques de la voie d’abord. Cela est particulièrement vrai en ce
qui concerne l’épaule où les parties molles ont une grande
importance. Si la voie deltopectorale reste une voie d’abord majeure
de l’épaule, l’époque de son utilisation quasi exclusive est
maintenant révolue. Le développement de la chirurgie de l’épaule
et sa diversification nécessitent aujourd’hui la maîtrise de plusieurs
voies d’abord afin de réaliser les interventions dans les meilleures
conditions d’exposition possibles.
Anatomie chirurgicale
Les différents plans anatomiques rencontrés lors de l’abord
chirurgical de l’épaule ont été décrits par Cooper [3].
PLAN SUPERFICIEL
Les tissus cutané et sous-cutané de l’épaule sont richement
vascularisés par des branches superficielles de l’artère
thoracoacromiale et de l’artère circonflexe postérieure. Les
décollements cutanés larges sont donc possibles dans cette région
sans danger de nécrose. Ce décollement est toujours utile, il facilite
l’abord et permet surtout de choisir facilement la zone de traversée
du deltoïde.
À l’épaule, les lignes de tension cutanée n’ont pas d’axe défini, elles
sont organisées de façon radiaire, ce qui explique, surtout dans la
voie d’abord deltopectorale, les risques de cicatrices inesthétiques.
L’innervation de ces plans superficiels provient de branches du
plexus cervical et du rameau cutané du nerf axillaire, qui se
distribuent d’arrière en avant.
PLAN MUSCULAIRE SUPERFICIEL (fig 1)
Il est constitué en haut par le trapèze et en bas, par les muscles
deltoïde et grand pectoral. Ces muscles sont insérés sur la ceinture
scapulaire (avec d’arrière en avant l’épine de la scapula, l’acromion
et la clavicule). En regard de l’articulation acromioclaviculaire, les
insertions du trapèze et du deltoïde se font en partie sur l’appareil
capsuloligamentaire, ce qui peut donner l’impression d’une
continuité entre ces deux muscles de part et d’autre de la clavicule,
alors que la notion de chape deltotrapézienne n’a pas de réalité
anatomique.
Le deltoïde compte trois chefs. Un chef antérieur inséré, sans tendon,
sur le tiers externe du bord antérieur de la clavicule, un chef moyen,
de structure multipennée qui s’insère sur le bord latéral de
l’acromion par une lame tendineuse et un chef postérieur, inséré
directement et sans tendon sur toute l’étendue de l’épine de la
scapula.
Seul le chef moyen s’insère donc par l’intermédiaire d’un relais
tendineux. Dans la majorité des cas, le chef moyen est séparé du
chef antérieur par une courte ligne de tissu graisseux qui va donner
la clé de la zone de clivage du muscle lors de la voie supérieure.
L’importance fonctionnelle du deltoïde et surtout de son chef
moyen [6] doit être toujours présente à l’esprit. Il faut privilégier
autant que possible les voies d’abord les moins agressives pour ce
muscle.
Deltoïde et grand pectoral forment un plan de couverture continu.
Le sillon deltopectoral est pratiquement virtuel, sauf au voisinage
Olivier Gagey : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service d’orthopédie-traumatologie, hôpital
de Bicêtre, université Paris-Sud, 78, avenue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Philippe Boisrenoult : Praticien hospitalier, service d’orthopédie-traumatologie, centre hospitalier de
Versailles, 177, avenue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-250
44-250
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gagey O et Boisrenoult P. Voies d’abord de l’épaule. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie, 44-250, 2002, 12 p.
de la clavicule où il est marqué constamment par un triangle
graisseux. La veine céphalique suit le sillon sur toute sa longueur.
Elle peut être apparente à la surface du sillon, ou complètement
enfouie, ce qui rend alors le repérage du sillon laborieux. Dans le
sillon, l’essentiel des collatérales de la veine provient du muscle
deltoïde [8], ce qui justifie de récliner la veine en dehors dans l’abord
deltopectoral.
PLAN DE GLISSEMENT (fig 2)
Sous le plan de couverture musculaire superficiel se trouve un vaste
espace de glissement qui constitue la « cinquième articulation » de
l’épaule décrite par de Sèze. La bourse séreuse sous-deltoïdienne en
est la pièce maîtresse. Il s’agit d’une poche séreuse autonome,
facilement identifiable et disséquable, dont les insertions et la
physiologie ont été étudiées. Elle est située dans la zone de plus
grande réflexion du muscle deltoïde (dans le plan vertical et dans le
plan horizontal), c’est-à-dire là où les forces de frottement sont les
plus importantes. Elle assure la gestion des frottements du muscle
avec les tubercules majeur et mineur et la partie distale de la coiffe
ainsi que le glissement du tendon du muscle supraépineux sous le
ligament coracoacromial.
En arrière et en avant de la bourse se trouvent des espaces
conjonctifs qui contribuent également à la gestion des frottements
entre plan musculaire superficiel et plan profond. L’espace conjonctif
est en continuité en avant avec l’aponévrose clavi-pectoro-axillaire
qui doit être effondrée pour atteindre le bord externe du tendon
conjoint des muscles coracobrachial et court biceps brachial, ainsi
que l’espace qui le sépare en arrière du muscle subscapulaire.
Quelle que soit la voie d’abord, l’effondrement de la bourse sousdeltoïdienne
et du tissu conjonctif doit être complet pour faciliter
l’exposition de la coiffe et la mise en place des écarteurs.
Le tendon conjoint est inséré sur le processus coracoïde, il masque
le muscle subscapulaire.
PLAN DE LA COIFFE DES ROTATEURS (fig 3)
L’articulation scapulohumérale proprement dite est recouverte par
le plan de la coiffe des rotateurs. En avant, les muscles supraépineux
et subscapulaire sont séparés l’un de l’autre par le foramen de
Weitbrecht (intervalle des rotateurs des auteurs américains). À ce
niveau, il n’y a pas de capsule articulaire ni de ligament. La cavité
articulaire est fermée par un opercule synovial. La partie supérieure
du tendon du subscapulaire, très puissante, a une insertion au
sommet de la grosse tubérosité complètement individualisée par
rapport à l’insertion du supraépineux, elle aussi plus épaisse, qui
est située sur le versant opposé du sillon intertubérositaire. La
proximité du tendon de la longue portion du muscle biceps brachial,
du ligament coracohuméral et du ligament glénohuméral supérieur
rend cette zone fibreuse très particulière. Nous avons proposé de
l’appeler le verrou fibreux antérosupérieur de la coiffe [5] (fig 4).
L’anatomie de la jonction entre les muscles infra- et supraépineux a
été étudiée par Minagawa [15]. Les fibres communes aux deux
tendons sont beaucoup moins importantes qu’on ne le croit
habituellement et les tendons sont séparables l’un de l’autre jusqu’à
10 mm environ de leur insertion sur le tubercule majeur.
L’ouverture de la coiffe peut se faire par ténotomie, ostéotomie
tubérositaire ou incision longitudinale.
1
2
3
4
5
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3
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6
1 A. Plan musculaire superficiel, en vue antérieure. En abduction, la veine céphalique
se démasque, son repérage est plus facile. 1. Clavicule ; 2. acromion ; 3. veine
céphalique ; 4. muscle deltoïde. 5. muscle grand pectoral.
B. Plan musculaire superficiel, vue postérieure. 1. Muscle trapèze. 2. acromion ; 3.
muscle deltoïde ; 4. muscle infraépineux ; 5. muscle petit rond ; 6. muscle grand
rond.
*A
*B
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5
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7
2 Plan de glissement sous-deltoïdien.
Dans la zone de réflexion maximale se
trouve la bourse séreuse sous-deltoïdienne.
De part et d’autre de la bourse, on trouve
un vaste plan conjonctif. 1. Muscle petit
rond ; 2. muscle infraépineux ; 3. bourse ;
4. muscle supraépineux ; 5. muscle subscapulaire
; 6. muscle coracobiceps ; 7. tendon
longue portion du muscule biceps brachial.
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
2
PLAN CAPSULAIRE
La capsule articulaire adhère à sa partie antérieure et latérale avec le
tendon du subscapulaire, il existe ensuite un plan de clivage entre la
capsule et le muscle qui débute au voisinage de la jonction
musculotendineuse. À la face inférieure de l’articulation, seule la
capsule est présente, il n’existe aucun muscle séparant l’article des
plans de couverture. Cette zone constitue le point faible [19] de
l’articulation et rend compte de la fréquence des instabilités. En
arrière, la capsule articulaire est facilement clivable des muscles
rotateurs externe jusqu’au voisinage de leurs insertions.
RAPPORTS NERVEUX
Trois nerfs peuvent être menacés : le nerf musculocutané, le nerf
suprascapulaire et le nerf axillaire.
Le nerf musculocutané, branche du tronc secondaire antérolatéral,
s’écarte du plexus brachial sous la pointe du processus coracoïde
pour descendre obliquement en bas et en dehors et aborder le bord
médial du tendon conjoint à un niveau variable entre 2 et 6 cm de la
pointe du processus coracoïde. Une libération extensive du bord
interne du tendon conjoint, ou de sa face profonde, peut entraîner
une lésion du nerf. Ce dernier peut également être blessé par
étirement lors de l’abaissement de la pointe du processus coracoïde.
Le nerf suprascapulaire (fig 5), branche du tronc secondaire
antérolatéral du plexus brachial, gagne l’échancrure coracoïdienne
en arrière du processus coracoïde. Il chemine avec l’artère
suprascapulaire sous le tendon du supraépineux le long du bord
supérieur de la glène et passe à la face postérieure de la glène,
toujours au contact du col chirurgical de la scapula et au contact du
pied de l’acromion. Il innerve alors le muscle infraépineux en
l’abordant par sa face antérieure au voisinage de la jonction entre
tendon et muscle. Lors des abords postérieurs, il convient de rester
à distance de la base du pied de l’acromion et le muscle infraépineux
doit être récliné avec précaution lorsqu’on le désinsère de l’humérus.
Le nerf axillaire, après sa naissance du tronc secondaire postérieur,
croise obliquement la face antérieure du muscle subscapulaire et en
contourne le bord inférieur pour pénétrer dans l’espace
humérotricipital. À la partie postérieure de cet espace, il abandonne
une branche pour le muscle petit rond, puis une branche pour le
deltoïde postérieur pour revenir en avant en cheminant, avec l’artère
circonflexe postérieure, à la face profonde du deltoïde à laquelle il
adhère par ses branches collatérales (fig 6).
Un travail anatomique non publié, portant sur 30 épaules non
embaumées, a permis de préciser l’anatomie chirurgicale du nerf
axillaire en fonction des diverses voies d’abord. Lorsque le nerf
axillaire croise le bord inférieur du muscle subscapulaire, quelle que
soit la position du bras, le nerf se situe à 12 mm au moins de
l’insertion humérale du muscle. En conséquence, lors de l’abord
deltopectoral, la section complète de l’insertion humérale du muscle
subscapulaire est sans danger si l’on reste au contact de l’humérus
et à condition de ne pas charger le nerf sur l’écarteur inférieur.
1
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5
3
4
3 Vue antérieure de la coiffe des rotateurs. L’acromion et le processus coracoïde ont
été sectionnés. L’intervalle des rotateurs est bien visible. On voit également le tendon
antérieur du supraépineux et le tendon supérieur du subscapulaire. 1. Acromion ; 2.
supraépineux ; 3. capsule articulaire (intervalle des rotateurs) ; 4. subscapulaire ; 5.
processus coracoïde.
1
2
3 4
5
4 Verrou fibreux de la coiffe. Schéma représentant
les principales structures fibreuses
antérosupérieures qui constituent
le verrou de la coiffe. 1. Longue portion du
muscle biceps brachial ; 2. ligament glénohuméral
supérieur ; 3. renforcement antérieur
du tendon du muscle supraépineux
; 4. ligament coracohuméral ; 5.
renforcement supérieur du tendon du
muscle subscapulaire.
1
1
5 Anatomie du nerf
suprascapulaire.
A. Vue supérieure de
la scapula. 1. Nerf
suprascapulaire.
B. Vue postérieure. 1.
Nerf suprascapulaire.
*A
*B
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
3
Dans son trajet à la face externe de l’humérus, le nerf axillaire est
situé constamment au niveau du point d’inflexion de la corticale
externe (fig 7), cette position n’est pas influencée par la position du
bras. L’abord de la tête et de sa face externe est donc sans danger
tant que l’incision du deltoïde se fait le long de la convexité de
l’extrémité supérieure de l’humérus. Ce repère est valable pour la
voie antéroexterne et pour la voie postéroexterne. D’autres travaux [1,
2, 9, 12] proposent des valeurs numériques pour situer le nerf par
rapport au bord externe de l’acromion (de 4 à 7,2 cm lorsque le bras
est le long du corps). Nous pensons qu’un repère morphologique
simple et fixe tel que nous le proposons est plus pertinent car il est
adapté à toutes les situations cliniques ; il est notamment
indépendant de la taille du patient et de la position du bras et
permet d’obtenir une exposition maximale de la tête humérale.
En arrière, à son entrée dans le quadrilatère humérotricipital, le nerf
axillaire est plus proche de l’insertion du petit rond : 10 mm dans
87 % des cas et seulement 8 mm dans 13 % des cas. Ces rapports ne
sont pas influencés par la position du membre supérieur. La
désinsertion du petit rond est donc possible à condition de rester
strictement au contact de l’humérus.
RAPPORTS VASCULAIRES
Il n’y a pas de réel danger vasculaire lors des voies d’abord de
l’épaule. L’artère axillaire et les éléments principaux du plexus
brachial sont situés en arrière du petit pectoral et du tendon distal
du grand pectoral. Plusieurs branches vasculaires peuvent
cependant être gênantes et doivent être connues. Ce sont, sous
l’acromion et l’articulation acromioclaviculaire, la branche acromiale
de l’artère thoracoacromiale et, au bord inférieur du subscapulaire,
les branches de l’artère circonflexe antérieure.
Installation
Un critère commun à toutes les installations est de laisser la
possibilité d’utiliser la grande mobilité de l’épaule pour exposer au
mieux toutes les structures anatomiques. La totalité du membre
supérieur et du moignon de l’épaule doit donc être
systématiquement incluse dans le champ opératoire.
REPÉRAGE
Le repérage de l’acromion, de la clavicule et du processus coracoïde
permettent de tracer aisément les incisions chirurgicales. Cependant,
en raison de la grande mobilité de la peau par rapport aux plans
profonds, les repères peuvent se trouver modifiés par l’installation
des champs. Il faut, par conséquent, toujours vérifier ces repères
avant l’incision cutanée.
DÉCUBITUS DORSAL
Le patient est installé en décubitus dorsal avec un coussin sous le
bord spinal qui permet de stabiliser la scapula. Le bras repose le
long du corps sur une gouttière ou sur une table à bras. La tête est
légèrement tournée du côté opposé et fixée. La préparation cutanée
inclut tout le membre supérieur et le moignon de l’épaule, ainsi que
la région cervicale adjacente.
POSITION SEMI-ASSISE ET « BEACH-CHAIR POSITION »
La table est cassée, permettant d’obtenir un angle de 45° entre le
tronc et le bassin, les membres inférieurs sont surélevés de 15 à 20°,
avec les genoux semi-fléchis. Le patient est installé au bord de la
table avec des contre-appuis thoraciques et iliaques controlatéraux.
La tête est inclinée en légère extension vers le côté controlatéral et
fixée. Le cou peut être immobilisé par un collier cervical. Tout le
membre supérieur doit être inclus dans le champ opératoire. L’usage
d’une têtière est possible, il permet de dégager complètement le
moignon de l’épaule.
DÉCUBITUS LATÉRAL
Cette position ne diffère pas des positions latérales utilisées dans
d’autres interventions orthopédiques. Le patient est installé sur le
côté controlatéral, le bassin bloqué par un appui pubien et un appui
fessier. Après mise en place d’un billot axillaire, le thorax est fixé
par deux appuis thoraciques un antérieur, un postérieur. Il faut
protéger soigneusement le nerf tibial antérieur et le nerf ulnaire du
côté qui repose sur la table.
Le bord spinal de la scapula doit être inclus dans le champ et rester
mobilisable avec le membre supérieur. L’immobilisation du patient
permet, si besoin, la modification de l’inclinaison de la table en
peropératoire. L’opérateur se tient en arrière du patient pour les
voies postérieures et en avant pour la voie de Martini.
DÉCUBITUS VENTRAL
Cette position est en fait peu utilisée pour l’abord de l’épaule. Elle
ne permet que la réalisation des voies postérieures. Le patient est
allongé en décubitus ventral, avec un billot thoracique et un coussin
sous chaque épine iliaque. Les points d’appui doivent être dégagés,
15mm
1
2
6 Trajet du nerf axillaire.
Le nerf axillaire
passe sous le bord inférieur
du muscle subscapulaire
à 15 mm minimum
de l’insertion humérale du
muscle quelle que soit la
position de l’épaule. 1.
Nerf axillaire ; 2. nerf radial.
1
7 Position du nerf axillaire en regard de
l’extrémité supérieure de l’humérus. Le
nerf est toujours en dessous de la convexité
de l’extrémité supérieure. 1. Nerf axillaire.
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
4
la paroi abdominale ne doit pas être comprimée, il faut enfin
s’assurer de la liberté des globes oculaires (intérêt de la têtière).
L’épaule et le membre supérieur doivent être inclus dans le champ
opératoire.
Anesthésie
L’anesthésie générale avec intubation et curarisation (d’autant plus
nécessaire que le patient est musclé) reste une des méthodes de base.
L’anesthésie locorégionale par bloc interscalénique, isolé ou associé
à une légère anesthésie générale de confort, est une méthode
intéressante. Elle assure en effet au minimum 8 heures d’analgésie
postopératoire complète. Ce type d’anesthésie s’applique surtout
aux abords deltopectoral et externe. L’absence d’anesthésie du
plexus cervical superficiel fait que le bloc interscalénique ne peut
pas être utilisé seul dans les abords postérieurs. Ce type d’anesthésie
possède ses inconvénients propres (lésions nerveuses par ponction
directe) qui ne doivent pas être méconnus même s’ils sont rares.
Voies longitudinales et leurs
extensions
Nous appelons voies longitudinales les voies parallèles aux fibres
du deltoïde et qui ne comportent pas de désinsertion importante.
VOIE DELTOPECTORALE
La qualité de l’exposition obtenue par cette voie d’abord est
extrêmement variable et d’autant plus limitée que le patient est gros
et musclé.
Le patient est installé soit en décubitus dorsal soit en position semiassise.
Le membre supérieur doit être entièrement en dehors de la
table afin de pouvoir améliorer l’exposition de la tête humérale par
un mouvement de rétropulsion.
Le dessin de la voie d’abord s’étend classiquement du relief du
processus coracoïde au « V » deltoïdien. La possibilité d’effectuer des
décollements cutanés sans risque de nécrose permet de réaliser des
variantes de l’incision, notamment en décalant la cicatrice en dedans
et en la raccourcissant (cicatrices dites esthétiques, se projetant sous
la bretelle du soutien-gorge chez la femme). Le patient doit toujours
être prévenu du risque important de cicatrices élargies ou chéloïdes
secondaires à cette voie d’abord (fig 8).
Après ouverture du tissu sous-cutané, ce dernier doit être décollé
de principe afin de pouvoir repérer soigneusement la veine
céphalique, élément clef de la traversée du sillon deltopectoral. La
veine est le plus souvent facile à localiser si la recherche est faite,
l’épaule étant en abduction. Lorsque le repérage est difficile (veine
incluse dans le sillon), un décollement cutané vers le haut permet
de repérer de façon constante, en haut et en dedans du processus
coracoïde, un triangle graisseux situé à la jonction entre le chef
antérieur du muscle deltoïde et le grand pectoral. Ce triangle
graisseux correspond à la partie toute supérieure du sillon
deltopectoral. On peut également repérer la veine céphalique à la
partie basse de la voie d’abord où elle est presque toujours
superficielle (fig 9).
L’ouverture du sillon se fait sans difficulté après avoir récliné la
veine en dehors. Après mise en place de deux écarteurs de Farabeuf
dans le sillon deltopectoral, le tendon conjoint du muscle
coracobrachial apparaît. La dissection doit se poursuivre au bord
latéral de ce tendon, pour éviter le nerf musculocutané qui aborde
le muscle à son bord médial. L’aide porte le bras en abduction ce
qui détend le muscle deltoïde. L’opérateur doit alors effondrer
complètement la bourse sous-deltoïdienne et tout le plan conjonctif.
L’espace entre tendon conjoint et subscapulaire est également libéré
au doigt. Les écarteurs sont remplacés par un écarteur autostatique
glissé sous le muscle deltoïde et sous le tendon conjoint.
Si l’exposition n’est pas suffisante, la pointe du processus coracoïde
ou la partie latérale du tendon conjoint peuvent être sectionnées
avant la mise en place de l’écarteur.
Le repérage du tendon du muscle subscapulaire est facile à la partie
supérieure du tendon. À la partie inférieure du muscle, son
isolement est plus difficile, en raison de la présence de nombreuses
branches collatérales de l’artère circonflexe antérieure, dont
l’hémostase doit être réalisée pas à pas si l’on doit réaliser une
désinsertion complète du muscle.
L’arthrotomie se fait dans la majorité des cas par une section du
tendon du muscle subscapulaire.
Selon les besoins, cette section peut être complète, partielle, en L ou
être remplacée par une discision longitudinale dans l’axe des fibres
musculaires (fig 10). Il existe un plan de clivage entre le corps
musculaire et la capsule sous-jacente, mais la partie distale du
tendon adhère à la capsule articulaire. Pour trouver facilement le
plan de clivage, l’incision du tendon du muscle subscapulaire doit
donc se faire à proximité de la jonction musculotendineuse. La
section progressive et prudente du tendon au bistouri électrique va
permettre de trouver le plan de clivage et de récliner le muscle après
8 Incision cutanée dans la voie deltopectorale.
A. Incision habituelle.
B. Pour des raisons esthétiques, l’incision peut être décalée
en dedans dans un pli cutané.
*A *B
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
5
l’avoir repéré par un fil. Le plan de clivage est parfois délicat à
repérer, dans ce cas, il faut savoir que sa mise en évidence est plus
facile au tiers inférieur du muscle où il n’y a pas de tendon
d’insertion. À ce niveau, il n’y a pas d’adhérence entre capsule et
muscle.
La fermeture comporte uniquement la réinsertion du muscle
subscapulaire. Elle doit être très soigneuse, compte tenu de
l’importance fonctionnelle de ce muscle.
L’extension de la voie deltopectorale peut se faire de plusieurs
manières. La section partielle ou complète du tendon distal du grand
pectoral permet d’agrandir la voie vers le bas en réalisant, au besoin,
une voie antéroexterne classique de l’humérus. Un jour plus
important sur l’extrémité supérieure de l’humérus peut être
également obtenu en réalisant une section de la partie antérieure de
l’insertion distale du deltoïde (débridement dit en « hameçon de
Lecène »). Une exposition complète de l’extrémité supérieure de
l’humérus (tête et tiers proximal) peut être obtenue en relevant
totalement la masse du deltoïde : c’est la voie de Martini décrite plus
loin. Il faut avoir prévu l’extension car le patient doit, pour cette
voie d’abord, être installé en décubitus dorsal.
La désinsertion du chef claviculaire du deltoïde donne une
exposition très large, mais n’est pas dénuée de risque pour le muscle
et, par conséquent, pour la fonction de l’épaule. L’absence de tendon
d’insertion à ce niveau rend la réinsertion du deltoïde sur la
clavicule aléatoire, et le sacrifice de la branche deltoïdienne de
l’artère thoracoacromiale, associé à la suppression de la
vascularisation d’origine osseuse, peut compromettre la
vascularisation du muscle. Nous n’utilisons pratiquement jamais ce
type d’extension.
1
2
3
1
2
9 Anatomie du sillon deltopectoral.
A. La veine céphalique est plus facilememnt découverte
lorsque le bras est en abduction, c’est la clef du sillon. 1.
Muscle deltoïde ; 2. veine céphalique ; 3. muscle grand
pectoral.
B. La section du processus coracoïde est rarement utile. Il
faut éviter d’aller au bord médial du tendon conjoint pour
ne pas blesser le nerf musculocutané. 1. Face antérieure
du subscapulaire ; 2. tendon conjoint du muscle coracobiceps.
*A
*B
1
2
10 Incision du muscle subscapulaire. Le tendon du muscle et la capsule sont adhérents au voisinage de l’insertion humérale. Le clivage entre muscle et capsule est plus facile s’il
est fait suffisamment en dedans au voisinage de la jonction tendinomusculaire. 1. Capsule articulaire ; 2. muscle subscapulaire.
*A
*B
*C
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
6
VOIE SUPÉRIEURE OU VOIE ANTÉROEXTERNE (VOIE
DE NEER MODIFIÉE) [16]
Il s’agit normalement d’une voie d’abord de la face superficielle de
la coiffe des rotateurs et non d’une voie de l’articulation
scapulohumérale. L’articulation est cependant accessible soit en cas
de fracture céphalotubérositaire, soit moyennant une désinsertion
des muscles de la coiffe (supraépineux ou subscapulaires), nous les
envisageons à la fin de ce paragraphe.
Le patient est installé en position semi-assise. L’incision cutanée peut
être faite en épaulette ou longitudinalement, suivant la direction du
bord antérieur de l’acromion. L’incision en épaulette ne pose pas de
problème d’exposition car le décollement cutané, nécessaire pour
exposer le muscle deltoïde, est sans danger. L’incision longitudinale
suit l’axe des fibres du deltoïde et reste en regard de la convexité de
l’extrémité supérieure de l’humérus. Le muscle deltoïde est
désinséré du bord antérieur de l’acromion, en prélevant un petit
lambeau périosté qui renforce la réinsertion finale (fig 11). Ce
lambeau a été utilisé après que quatre lâchages de sutures ont été
constatés sur des voies faites par désinsertion simple avec des
conséquences fonctionnelles importantes [10, 18]. Cet artifice du
lambeau périosté a été utilisé à plus de 200 reprises dans notre
expérience, sans aucun problème de cicatrisation du muscle. La
section de l’insertion acromiale du ligament coracoacromial fait
partie de l’incision et se fait en même temps que la désinsertion du
deltoïde.
En partant de l’angle antérieur de l’acromion, l’incision musculaire
est prolongée vers le bas en suivant l’axe des fibres du muscle. Le
décollement cutané permet de trouver, dans la plupart des cas à ce
niveau, un petit sillon graisseux situé en regard de l’angle antérieur
de l’acromion qui indique le passage entre les deux faisceaux du
muscle. À ce niveau, il existe dans la profondeur du muscle une
bandelette fibreuse qui facilite la fermeture. L’incision du deltoïde
peut être poursuivie tant que l’on se trouve en regard de la convexité
de l’extrémité supérieure de l’humérus. Ce repère est plus fiable
qu’une indication de longueur fixe qui n’est pas toujours en rapport
avec la taille du sujet.
Il faut ouvrir le feuillet superficiel de la bourse et pratiquer au
besoin une libération complète de cette dernière. Cela permet
d’écarter le deltoïde en avant au moyen d’un écarteur contre-coudé,
placé sur le bord supérieur du processus coracoïde.
Pour la fermeture, le deltoïde est réinséré en transosseux sur
l’acromion et les deux chefs suturés à la partie distale de l’incision.
Pour favoriser la cicatrisation du deltoïde, le patient est laissé
21 jours en écharpe (plus en cas de réparation de la coiffe). La
rééducation passive est entreprise précocement.
Plusieurs variantes de cette voie ont été décrites pour réaliser l’abord
de l’articulation. Copeland sectionne le muscle subscapulaire [11],
Apoil aborde l’articulation en sectionnant le supraépineux.
VOIE POSTÉROEXTERNE [4]
Le patient est installé en décubitus latéral. L’incision cutanée suit
l’épine de la scapula et le bord postérieur de l’acromion pour se
prolonger au-delà de l’angle postéroexterne de l’acromion, le long
de l’axe des fibres du deltoïde sur 4 à 5 cm. Le décollement cutané
permet de confirmer le repérage de l’acromion et de l’épine de la
scapula (fig 12).
Le premier temps est la désinsertion du deltoïde du bord postérieur
de l’acromion. À ce niveau, le deltoïde est toujours à distance des
rotateurs externes. La pointe d’une paire de ciseau fin (type
Metzenbaum) peut être glissée entre deltoïde postérieur et muscle
infraépineux. Le deltoïde postérieur est alors désinséré en souspériosté
des deux tiers distaux de l’épine de la scapula. Les ciseaux
permettent d’éviter de léser le muscle infraépineux lors de la
désinsertion du deltoïde.
L’incision deltoïdienne est prolongée distalement dans l’axe du bord
postérieur de l’acromion en restant, comme dans la voie supérieure,
en regard de la convexité de la tête humérale. L’incision du muscle
entre ses chefs moyen et postérieur se fait en partant de l’angle
postérieur de l’acromion. À ce niveau existe aussi une bandelette
fibreuse profonde qui facilite la réparation.
La bourse séreuse sous-deltoïdienne et le plan conjonctif postérieur
sont alors effondrés, cela permet d’exposer le plan des muscles
rotateurs externes et de glisser un écarteur contre-coudé entre le
deltoïde et le sommet de la tête humérale.
Le bord inférieur du muscle teres minor et le bord supérieur du
muscle infraépineux doivent alors être repérés. L’intervalle entre
muscles infraépineux et supraépineux peut être disséqué ; le tendon
commun distal est incisé pour libérer complètement le bord
1 2
3
1
11 Voie antéroexterne : incisions cutanées et désinsertion du deltoïde.
A. L’incision cutanée peut être soit longitudinale, soit en « coup de sabre ».
B. Le long du bord antérieur de l’acromion, le deltoïde est désinséré avec un volet de périoste qui emporte le ligament coracoacromial. 1. Acromion ; 2. clavicule ; 3. muscle
deltoïde.
C. La suite de l’incision suit le sens des fibres du muscle, son origine est souvent révélée par un petit sillon graisseux. 1. Bourse sous-acromiale.
*A
*B *C
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
7
supérieur de l’infraépineux. Une dissection prudente, restant
strictement le long de l’insertion humérale du muscle teres minor,
évite le risque de lésion du nerf axillaire. On peut soulever le
deltoïde (le nerf axillaire vient avec le muscle) pour faciliter le
repérage de la partie inférieure du muscle teres minor.
La limite de l’insertion des deux muscles est repérée soigneusement
le long de la tête humérale. On procède alors à une ostéotomie de
l’insertion humérale des muscles infraépineux et teres minor.
L’objectif n’est pas de relever un volumineux fragment osseux, mais
d’obtenir simplement des pastilles osseuses connectées aux fibres
d’insertion (fig 13). Les deux muscles peuvent alors être soulevés et
réclinés, la capsule postérieure vient le plus souvent avec l’insertion
des muscles. On obtient un jour excellent sur la cavité glénoïde.
L’exposition de la tête humérale requiert une capsulotomie
circonférentielle complète.
La réinsertion des muscles rotateurs externes s’effectue par des
points transosseux avec des fils non résorbables. La réinsertion du
deltoïde se fait également en transosseux, directement sur l’acromion
et après réalisation de trous à la mèche ou à la pointe carrée sur
l’épine de la scapula. Le patient est immobilisé pendant 5 semaines,
un petit coussin limitant la rotation interne peut être nécessaire si la
réparation s’est faite sous tension. Lors de la rééducation, l’épaule
est mobilisée en élévation passive et en rotation externe, la
rééducation en rotation interne étant interdite durant 5 semaines.
VOIE POSTÉRIEURE SOUS-DELTOÏDIENNE
Cette voie d’abord donne un jour un peu limité sur l’épaule, elle a
l’immense avantage d’être totalement anatomique : le seul élément
sectionné est en effet la peau.
L’installation est identique à la voie postéroexterne et se fait en
décubitus latéral. L’incision cutanée suit le bord de l’épine de la
scapula et le bord postérieur de l’acromion à 3 cm en dessous des
reliefs osseux. Après incision de la peau et du tissu sous-cutané, on
réalise un décollement vers le bas qui permet d’exposer la gaine du
muscle deltoïde (fig 14). Le bord inférieur du deltoïde n’est repérable
qu’après ouverture de la gaine qui se poursuit vers le bas avec celle
du muscle infraépineux. L’ouverture de la gaine du deltoïde doit se
faire sur toute la longueur de l’incision, elle va permettre de relever
le muscle. Le membre supérieur est porté en abduction pour
détendre le muscle deltoïde. L’effondrement du plan de glissement
1
1
12 Voie postéroexterne.
A. Trajet de l’incision cutanée un peu décalé en dessous de l’épine de la scapula.
B. Désinsertion du deltoïde en sous-périosté de l’épine et du bord postérieur de l’acromion.
Distalement, on passe entre les fibres du deltoïde. 1. Muscle deltoïde.
C. Ostéotome de l’insertion des muscles infraépineux et petit rond. 1. Muscle infraépineux.
*A
*B
*C
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
8
sous-deltoïdien permet la mise en évidence des muscles rotateurs
externes. La jonction entre les muscles infraépineux et teres minor
est facilement repérée et les muscles peuvent alors être séparés l’un
de l’autre (fig 15). Les deux muscles peuvent être aisément décollés
du plan capsulaire.
Un abord plus large peut être obtenu par ténotomie des deux
muscles rotateurs externes.
Une autre possibilité d’extension, en association avec la ténotomie
des rotateurs externes, est la désinsertion du deltoïde postérieur de
l’épine de la scapula jusqu’à l’angle postérieur de l’acromion. C’est
la voie postérieure élargie décrite par Mazas [14]. Le risque principal
est ici l’atrophie du deltoïde, c’est la raison pour laquelle nous avons
abandonné cette voie et utilisons maintenant la voie postéroexterne.
La fermeture est simple en cas d’abord intermusculaire ou de
ténotomie. Si une désinsertion du deltoïde a été nécessaire, celui-ci
est repositionné par des points transosseux.
Autres voies d’abord
VOIE DE MARTINI
Elle reste une voie d’exception, mais peut rendre de grand services
dans des indications particulières [13].
L’installation se fait en décubitus latéral. Le temps antérieur est
identique à celui d’une voie deltopectorale prolongée jusqu’au V
deltoïdien. La désinsertion du deltoïde peut se faire à travers le
tendon, mais la suture en est peu solide car il ne s’agit pas d’un
tendon homogène, mais de la confluence sur l’humérus de plusieurs
nappes fibreuses. Il nous semble préférable de procéder à une
désinsertion au ras de l’os en préparant une réinsertion transosseuse
soigneuse en fin d’intervention.
La branche postérieure de la voie suit le bord postérieur du muscle
deltoïde. Pour cela, il faut repérer, après section du V deltoïdien, le
plan entre chef vaste latéral du triceps brachial et deltoïde. L’incision
ne doit pas remonter trop haut pour protéger l’émergence du nerf
axillaire dans le quadrilatère humérotricipital.
Le deltoïde est progressivement libéré de l’humérus et récliné en
haut et en arrière, autour d’une charnière constituée par l’insertion
acromiale du muscle. Le nerf axillaire vient avec le muscle (fig 16).
Cette voie d’abord permet une exposition particulièrement large de
l’extrémité supérieure de l’humérus aussi bien en avant qu’en
arrière.
VOIE ANTÉRO-INFÉRIEURE
Proposée pour son intérêt cosmétique, sa réalisation est rendue
difficile par la présence des éléments vasculonerveux du paquet
axillaire. Le jour obtenu est faible. Elle reste d’usage exceptionnel.
13 Voie postéroexterne : ostéotomie des rotateurs externes, l’ostéotomie emporte le
plus souvent la capsule en même temps que les muscles.
1
2
3
14 Voie postérieure.
A. Incision cutanée à mi-distance entre l’épine et le bord
inférieur du deltoïde postérieur.
B. Repérage du deltoïde postérieur, le muscle est récliné
vers le haut sans désinsertion, repérage de l’interstice entre
infraépineux et teres minor. 1. Muscle infraépineux ;
2. muscle deltoïde ; 3. muscle petit rond.
*A
*B
1
15 Voie postérieure : passage
entre les rotateurs externes,
mise en évidence de
la capsule articulaire postérieure.
1. Capsule articulaire.
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
9
Son utilisation est réservée au traitement des instabilités antéroinférieures
de l’épaule. Elle se pratique sur un patient en décubitus
dorsal, bras en abduction à 90° et rotation externe.
L’incision est antéropostérieure, s’étendant de la saillie du grand
pectoral, en avant, à celle du grand dorsal, en arrière. Après
discision du tissu cellulograisseux, le paquet axillaire est repéré à la
partie proximale de l’incision. On prend garde en avant au nerf
musculocutané, ainsi qu’au nerf axillaire (fig 17).
Après avoir récliné prudemment le paquet axillaire vers le bas et le
nerf musculocutané en dedans, on dégage le bord inférieur du
muscle subscapulaire en évitant toute traction sur le paquet
circonflexe. L’artère circonflexe antérieure, ainsi que les vaisseaux
sous-scapulaires peuvent être liés s’ils sont gênants. Le muscle
subscapulaire est repéré par un fil, puis sectionné près de la petite
tubérosité. L’arthrotomie est réalisée en juxtaglénoïdien, à distance
du nerf axillaire. La fermeture se fait par réinsertion du muscle
subscapulaire sur le tubercule mineur, puis par suture sous-cutanée
et cutanée.
VOIES TRANSACROMIALES
¦ Voie de Patte et Debeyre
Décrite en 1961 [17], il s’agit d’une voie postérosupérieure,
transacromiale et supraépineuse. Elle a été conçue avec pour objectif
l’abord et la réparation du muscle supraépineux. Elle peut être
associée à une voie sous-deltoïdienne postérieure. Pour ses auteurs,
l’acromiotomie frontale réalisée n’entraîne aucune conséquence
fonctionnelle, même en l’absence de consolidation osseuse.
1
16 Exposition finale dans
la voie de Martini. Le nerf
axillaire vient avec le muscle.
1. Nerf axillaire.
1
1
1
17 Voie axillaire.
A. Incision cutanée.
B. Repérage des plans sous-cutanés.
C. Dissection du paquet vasculonerveux axillaire. 1. Paquet
vasculonerveux axillaire.
D. Exposition et incision du muscle subscapulaire. 1.
Muscle subscapulaire.
E. Incision capsulaire. 1. Capsule.
*A
*B
*C
*D *E
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
10
L’installation s’effectue soit en décubitus ventral, le membre
supérieur hors de la table, soit en décubitus latéral, ou le plus
souvent en position semi-assise.
L’incision cutanée suit le bord supérieur de l’épine de la scapula, à
1,5 cm environ sur 3-4 cm, puis se recourbe en arrière et en dehors
sur l’acromion pour se diriger 1 cm en avant de son angle
postéroexterne et se terminer sur le relief du deltoïde sur environ
3 cm. Elle peut être prolongée au bord spinal de la scapula (fig 18).
L’ostéotomie acromiale suit la même direction légèrement oblique
en arrière et en dehors, à l’union des deux tiers antérieurs et du tiers
postérieur de l’acromion. Les fibres acromiales et spinales externes
du trapèze sont sectionnées à un travers de doigt de leur insertion
osseuse et les fibres du deltoïde dissociées sur deux travers de doigt,
le tracé est marqué au bistouri électrique : oblique en arrière pour
qu’il se termine à un travers de doigt de l’angle postérieur de
l’acromion. Les deux lambeaux périostés sont relevés. Deux trous
sont pratiqués à la mèche fine de part et d’autre du tracé à 4 mm
pour permettre la réinsertion transosseuse. L’ostéotomie est faite à
la scie oscillante. Un surtout fibreux épais double parfois la face
inférieure de l’acromion et doit être sectionné. Un écarteur
1
2
3
4
1
1
18 Voie transacromiale.
A. Incision cutanée.
B. Préparation de l’acromion avant l’ostéotomie. 1. Acromion
; 2. muscle trapèze ; 3. clavicule ; 4. muscle deltoïde.
C. Ostéotomie de l’acromion.
D. Écartement de l’acromion et ouverture de la bourse séreuse.
1. Bourse séreuse.
E. Découverte de la coiffe des rotateurs. 1. Coiffe des rotateurs.
*A
*B *C
*D *E
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
11
autostatique est alors mis en place entre les deux berges de
l’acromion et permet d’exposer la coiffe des rotateurs. La fermeture
se fait par suture transosseuse au fil non résorbable, et par fermeture
du périoste.
¦ Voie antéroexterne transacromiocoracoïdienne (fig 18)
Elle s’effectue en règle sur un patient le plus souvent en position
semi-assise. Le bras et l’épaule sont entièrement compris dans le
champ. La voie est dessinée selon une incision oblique ascendante
débutant trois travers de doigts au-dessous et en dedans du bec
acromial, ouvrant l’espace interacromiocoracoïdien à sa partie
médiane, elle rejoint l’articulation acromioclaviculaire. L’incision
peut être prolongée en arrière vers la fosse supraépineuse pour
permettre la résection de l’articulation acromioclaviculaire, voire
plus en arrière si un abord du corps du muscle supraépineux est
souhaité. Après ouverture du plan cutané et sous-cutané, le deltoïde
est discisé selon l’axe de ses fibres donnant accès au ligament
acromiocoracoïdien qui va pouvoir être sectionné ou réséqué.
L’effondrement de la bourse sous-deltoïdienne va donner accès à la
coiffe des rotateurs.
¦ Autres voies transacromiales
Plusieurs ostéotomies acromiales ont été décrites (fig 19).
Grammont [7] propose une ostéotomie le long de l’insertion du
deltoïde moyen, parallèle au bord latéral de l’acromion. L’abord
cutané se faisant comme la voie supérieure de Neer.
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2
4
1
5
6
3
19 Différents traits d’ostéotomie acromiale.
Épineuse : Kocher (1) ; acromiales :
Grammont (2), Moseley (3), Mac Laughlin
(4) ; combinées : Neudorfer et Massart
(1 et 5) ; en coup de sabre : Codman
(1 et 6).
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
12