Indications atypiques des stimulateurs cardiaques



Robert Frank: Médecin des Hôpitaux
Centre de stimulation cardiaque et de rythmologie, hôpital Jean-Rostand, 39, rue Jean-Le-Galleu, 94200 Ivry-Sur-Seine France
Françoise Hidden: Attachée
Caroline Himbert: Praticien hospitalier
Jean-Claude Petitot: Attaché consultant
Gilles Lascault: Attaché
Guy Fontaine: Attaché consultant
11-930-A-10 (1997)



Résumé

Les stimulateurs cardiaques, implantés pour des bradycardies, peuvent être utilisés pour surveiller les tachycardies associées, grâce aux mémoires d'événements qu'ils contiennent. Ils peuvent prévenir le déclenchement de tachycardies atriales, en prévenant une bradycardie sinusale, en supprimant par leur accélération une extrasystolie atriale, ou en resynchronisant les oreillettes.
Ils peuvent aussi améliorer l'hémodynamique, même en l'absence de bradycardie, en optimisant le délai atrioventriculaire (AV), en compensant les troubles de conduction interauriculaires, ou interventriculaire par des stimulations biatriales ou biventriculaires. Ces indications concernent les cardiomyopathies dilatées et les cardiomyopathies hypertrophiques, après vérification du bénéfice hémodynamique par sondes temporaires. On implante directement un stimulateur double chambre dans les cardiomyopathies obstructives, où la diminution du gradient intraventriculaire par la stimulation de l'apex ventriculaire droit entraîne une amélioration durable des signes fonctionnels. Enfin, dans les syncopes neurocardiogéniques par hypotension, rebelles aux autres traitements, on peut proposer une stimulation atriale, car l'accélération de la fréquence atriale semble diminuer les symptômes, même en l'absence de bradycardie.

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Plan

Introduction
Mémoires implantées
Tachycardies
Insuffisance cardiaque

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Les stimulateurs cardiaques ont été créés à l'origine pour prévenir les bradycardies, et le font toujours. Cependant, au fil des années et des perfectionnements de l'électronique, ces appareils ont acquis d'autres propriétés. Celles-ci concernent le diagnostic et le traitement des troubles du rythme en général, mais aussi l'amélioration de l'hémodynamique des patients, qu'il y ait ou non bradycardie. Ces fonctions peuvent ne pas être présentes dans tous les modèles, ce qui justifie la pluralité des choix lorsque l'on doit implanter un stimulateur cardiaque. Le but de cet article est de passer en revue les indications de ces différentes fonctions souvent méconnues de ceux qui ne suivent pas de près ce domaine.

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Les micro-ordinateurs implantés que sont les stimulateurs cardiaques possèdent des mémoires d'événements, détection ou stimulation [ 15 ]. Ces mémoires permettent d'évaluer le rythme cardiaque du patient : il peut s'agir de simples compteurs, et une proportion élevée de stimulations évoque une bradycardie permanente en dessous de la fréquence de stimulation, ou encore un réglage trop élevé de cette fréquence lorsqu'un patient n'est pas dépendant. Les courbes de tendances affichent les fréquences cardiaques des dernières heures. Elles permettent de visualiser le rythme spontané, ou encore l'exactitude d'un asservissement, montrant l'accélération à l'effort et le ralentissement du rythme basal nocturne. Ces mémoires sont aussi utilisées dans le domaine des tachycardies, par exemple dans la maladie rythmique auriculaire. L'histogramme des intervalles détectés permet de montrer l'existence de cycles courts (fig 1), et de conserver les données sous une forme compacte pendant de très longues durées. Il a l'inconvénient de perdre l'ordre d'occurrence des événements, et de ne pas faire de différence entre le couplage court des tachycardies et celui des extrasystoles, à la différence de la courbe de tendance qui conserve cet ordre, mais pendant une durée limitée (fig 2). Des algorithmes plus perfectionnés permettent de définir des séquences d'événements. Ainsi, une tachycardie est un nombre prédéfini de cycles consécutifs inférieurs à une certaine valeur (fig 3), et une fois cette séquence reconnue, l'appareil peut en stocker l'heure de détection, les séquences atriales et ventriculaires qui l'entourent, et même quelques secondes d'électrogramme. On s'approche d'un véritable moniteur d'événements implanté qui permet de mieux suivre le traitement de troubles du rythme auriculaires et ventriculaires. Ainsi, tout patient nécessitant un stimulateur cardiaque pour permettre un traitement antiarythmique trop bradycardisant doit recevoir un appareil comportant de telles caractéristiques.



Lorsque l'indication d'implantation d'un stimulateur repose sur des arguments indirects, sans véritable documentation d'une bradycardie, comme une exploration électrophysiologique, ou encore sur une histoire clinique de syncopes typiques avec un bilan négatif, en particulier lorsqu'il existe un bloc de branche, il est intéressant de vouloir vérifier la justesse de l'indication. On peut alors utiliser la fonction diagnostique de bradycardie. En effet, grâce à un système d'hystérésis multiple (fig 4), certains stimulateurs peuvent mémoriser un déclenchement pour une bradycardie importante avec un risque très faible de syncope, et lors d'une pause, permettre de différencier les bradycardies sinusales des blocs auriculoventriculaires par la lecture des marqueurs de détection du moment (fig 5). On a pu ainsi montrer que la probabilité de validation de l'indication était de 80 % à 3 ans [ 7 ].



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Les stimulateurs cardiaques peuvent être utilisés pour prévenir les tachycardies par deux méthodes différentes. Certaines arythmies atriales ou ventriculaires ne surviennent que lorsque la fréquence cardiaque descend en dessous d'une certaine valeur, ou encore après une séquence irrégulière comportant un cycle long, comme après une extrasystole. L'étude soigneuse du mode de déclenchement de l'arythmie peut reconnaître ce phénomène, et un stimulateur peut alors la prévenir [ 1], [11 ], soit en maintenant une fréquence de stimulation élevée (fig 2), soit en accélérant cette fréquence dès qu'il détecte une extrasystole (fig 6). Une autre méthode est la resynchronisation [ 5 ]. Certaines tachycardies atriales dépendent d'un trouble de conduction interatrial, qui permet le déclenchement de circuits de réentrée dans les oreillettes. La stimulation synchrone des deux oreillettes (fig 7) prévient le déclenchement de ces phénomènes.



- Les tachycardies par réentrées peuvent toutes être arrêtées par stimulation : flutter, tachycardies jonctionnelles, tachycardies ventriculaires. On implante exceptionnellement le seul modèle permettant le diagnostic et l'arrêt automatique de ces tachycardies (Intertach [Intermédics]) depuis l'apparition des méthodes ablatives, sauf dans le domaine des troubles du rythme ventriculaire, où ces fonctions sont incluses dans les défibrillateurs implantables. En revanche, pratiquement tous les stimulateurs ont une fonction de stimulation rapide que l'on peut activer temporairement. Il est donc possible d'interrompre l'une de ces tachycardies en se servant du programmateur, l'emploi le plus fréquent concernant le flutter atrial (fig 8).


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On sait depuis longtemps que l'hémodynamique est améliorée par la stimulation cardiaque lorsque l'on accélère un coeur trop lent. De plus, la fréquence habituelle de 70/min au repos peut être augmentée à 80/min chez l'insuffisant cardiaque pour augmenter son débit, des fréquences plus hautes entraînant une détérioration de l'hémodynamique. Les appareils à fréquence asservie ainsi que les appareils double chambre, qui s'accélèrent à l'effort, sont d'utilisation courante. Ils permettent au coeur d'augmenter ainsi son débit de façon beaucoup plus physiologique que les appareils à fréquence fixe qui ne peuvent jouer que sur la fraction d'éjection. On connaît moins, chez l'insuffisant cardiaque, l'importance d'un délai AV optimal, au repos comme à l'effort [ 10 ]. La mesure échographique du flux transmitral pour différentes valeurs du délai AV, montre celui qui permet la meilleure contribution atriale au remplissage ventriculaire (fig 9). De même, l'étude du flux transaortique [ 10 ] montre le réglage qui permet la meilleure éjection ventriculaire gauche (fig 10). Cet intervalle, de 160 ms pour un coeur normal, doit être prolongé, lorsqu'il existe un trouble de conduction intra-atrial, pour attendre que la contraction atriale gauche se fasse bien avant la contraction ventriculaire gauche. Il doit être raccourci, en cas d'insuffisance valvulaire [ 9], [13 ] pour diminuer la régurgitation, ou lors de certaines cardiomyopathies hypertrophiques pour aider au remplissage ventriculaire. On a enfin montré que le débit cardiaque obtenu par stimulation de l'apex du ventricule droit était inférieur à celui obtenu en stimulant la partie haute du septum, sous l'infundibulum pulmonaire [ 14 ], amenant à y implanter l'électrode de stimulation définitive chez un insuffisant cardiaque.



Les données précédentes, concernant des patients appareillés pour bradycardie, peuvent aussi être appliquées aux insuffisants cardiaques, sans bradycardie mais avec anomalies électriques gênant l'hémodynamique dans différentes circonstances.
L'insuffisance chronotrope est définie par l'absence d'accélération suffisante à l'effort, bien qu'il n'y ait pas de bradycardie de base, comme certains transplantés cardiaques, ou avec certains traitements antiarythmiques. Elle nécessite l'implantation d'un stimulateur à fréquence asservie.
L'optimisation de la séquence AV peut améliorer une insuffisance cardiaque. Un bloc AV du premier degré aggrave une cardiopathie, en diminuant l'apport hémodynamique de la contraction atriale. Un délai AV plus court optimisera le rôle de la systole atriale dans certaines cardiopathies hypertrophiques, comme dans certaines cardiopathies dilatées [ 9], [13 ]. On peut ainsi proposer une implantation d'un stimulateur double chambre pour un simple bloc AV du premier degré.
La correction des troubles de conduction interatriaux par une stimulation biatriale, outre son effet antiarythmique, permet à la systole atriale gauche de jouer son rôle hémodynamique à la fin de la diastole ventriculaire gauche (fig 7). De même, l'asynchronisme ventriculaire induit par un bloc gauche complet peut aussi accentuer l'insuffisance cardiaque, et peut être amélioré par une stimulation biventriculaire. La stimulation " quadruple chambre ", resynchronisant de façon optimale les activations des deux oreillettes et des deux ventricules est un concept récent [ 4 ] dans le traitement de l'insuffisance cardiaque grave.
De telles indications purement hémodynamiques de stimulation doivent être essayées avec des sondes temporaires pour en apprécier le bénéfice chez des patients aux cardiopathies évoluées. Quelques patients ont pu être ainsi appareillés de façon chronique, mais le bénéfice à long terme reste à apprécier.

Certains effets hémodynamiques de la stimulation peuvent enfin être utilisés en dehors de toute anomalie électrique.
Dans les cardiomyopathies hypertrophiques et obstructives, la stimulation élective de l'apex ventriculaire fait se contracter cette région avant que la partie moyenne du septum hypertrophié ne bloque la chambre de chasse du ventricule gauche. On obtiendra alors une diminution du gradient intraventriculaire (fig 11). On observe de plus une diminution à terme de l'hypertrophie septale, du moins celle qui est induite par l'augmentation de pression due à l'obstruction. Appliquée sur des patients avec des gradients élevés supérieurs à 40 mmHg, et en moyenne à 80, ces résultats semblent se maintenir dans la plupart des cas à long terme, avec des reculs supérieurs à 5 ans [ 8 ].

Dans les syndromes neurocardiogéniques, l'accélération de la fréquence atriale diminue les conséquences de l'hypotension sur le débit cardiaque.

- Dans les syncopes par hypersensibilité sinocarotidienne, l'hypotension s'accompagne d'une pause cardiaque de plusieurs secondes, et c'est cette dernière qui justifie l'implantation d'un stimulateur. La persistance d'une partie de la symptomatologie est due à l'hypotension persistante [ 3 ], dont les effets peuvent être diminués par une brève accélération de la fréquence cardiaque (fig 12). Le stimulateur doit être donc réglé pour se déclencher avec une fréquence rapide qui durera 1 à 2 minutes.
- Les syncopes vasovagales qui surviennent en orthostatisme, et qui sont étudiées par le test de verticalisation, sont exceptionnellement appareillées [ 16 ], sauf dans les cas exceptionnels où la composante bradycarde précède l'hypotension. Il semble cependant que l'accélération de la fréquence de stimulation diminue cette hypotension lorsqu'elle est effectuée dès le début des phénomènes amenant à la syncope. Ils sont détectés, dans une petite série préliminaire, par un accéléromètre [ 2], [6 ] placé à l'extrémité d'une sonde de stimulation (BEST de Sorin). Ce dernier détecte l'augmentation de la contractilité due à la réaction du sympathique amorçant la chaîne réflexe qui aboutit à la syncope. Le stimulateur ainsi informé accélérera les oreillettes avant toute bradycardie, et préviendra la syncope.
Cet effet de la stimulation atriale rapide est aussi utilisé dans les cas d'hypotension permanente (syndrome de Shy-Drager), survenant souvent chez des sujets très âgés qui ne peuvent quitter la position couchée sans faire une syncope par hypotension [ 12 ]. C'est en général après quelques jours de stimulation atriale rapide, entre 80 et 100/min, que l'on voit s'améliorer le profil tensionnel, permettant aux patients d'aller fauteuil, voire de marcher à nouveau.

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