Haut de page
La nomenclature des voies accessoires de conduction cardiaque actuellement admise a été établie dès 1975 par un groupe de travail de la Société européenne de cardiologie
et tend à se substituer aux éponymes classiques : faisceau de Kent, fibres de James, fibres de Mahaim
(fig 1).
Ils représentent des formations de tissu myocardique commun établissant une connexion directe entre les myocardes auriculaire et ventriculaire en longeant les anneaux d'insertion de la mitrale ou de la tricuspide sous forme de pont épicardique ; plus rarement, ils traversent le squelette fibreux auriculoventriculaire. Ces faisceaux peuvent être de localisation pariétale, beaucoup plus fréquemment gauche que droite, ou septale postérieure (30 % environ des cas) ; la localisation septale antérieure est nettement plus rare.
Elles sont constituées de tissu spécifique et relient le noeud de Tawara ou le faisceau de His au myocarde ventriculaire. En réalité, les connexions entre la zone transitionnelle de la jonction atrionodale ou la portion compacte du noeud de Tawara et le myocarde ventriculaire paraissent exceptionnelles. Les connexions fasciculoventriculaires, auxquelles l'appellation de fibres de Mahaim
est encore réservée, sont plus fréquentes ; ce sont celles qui naissent haut sur le tronc du faisceau de His ou sur la partie supérieure des branches qui peuvent être responsables de préexcitation ventriculaire.
Plus récemment, ont été décrites des connexions définies sur le plan physiopathologique comme atriofasciculaires et nodofasciculaires (de l'oreillette ou du noeud auriculoventriculaire à la branche droite), mais leur identification anatomique reste incertaine.
Décrites par Brechenmacher
, elles naissent de la face droite ou de la face gauche du septum interauriculaire, l'insertion hisienne se faisant soit au niveau de la portion proximale, soit, plus rarement, au niveau de la partie terminale du faisceau de His ; leur structure est tantôt celle du myocarde auriculaire, tantôt celle du tissu spécifique.
Quant aux fibres décrites par James, réunissant la zone transitionnelle atrionodale à la partie distale du noeud de Tawara, réalisant ainsi un court-circuit théorique intranodal, leur existence constante conduit à les considérer comme physiologiques et non pas comme une voie accessoire susceptible de créer une préexcitation ventriculaire. Dans les cas où existe un intervalle PR court et où l'électrophysiologie ne peut mettre en évidence des critères significatifs de voies accessoires, on évoque plus logiquement le rôle de la réduction congénitale des dimensions du noeud de Tawara ou, lorsque l'aspect morphologique du noeud est normal, celui de propriétés physiologiques particulières de cette formation nodale dont la conduction est accélérée.
Enfin, l'existence concomitante de plusieurs voies accessoires n'est pas exceptionnelle.
Haut de page
Le syndrome de Wolff-Parkinson-White représente la forme la plus fréquente et la plus caractéristique de la préexcitation ventriculaire.
L'exacte prévalence du syndrome de Wolff-Parkinson-White est difficile à établir en raison du caractère parfois intermittent des anomalies électrocardiographiques (ECG) significatives, de l'absence éventuelle de tachycardies paroxystiques, de l'existence de formes masquées ou cachées, révélées seulement par des explorations électrophysiologiques. Cependant, des données intéressantes ont été récemment obtenues à partir de bilans de santé réalisés dans une large population générale de sujets volontaires âgés de plus de 20 ans : l'étude de Guize et coll
a porté sur 138 048 sujets (78 978 hommes et 59 070 femmes) et a montré une prévalence de 1,23 pour 1 000 ; ce chiffre est un peu plus élevé chez les hommes : 1,5 pour 1 000, que chez les femmes : 0,8 pour 1 000 (p < 0,001) mais après 60 ans la prévalence devient identique dans les deux sexes. Ces chiffres sont voisins de ceux relevés dans d'autres études comme celle de Hiss et Lamb portant sur 122 043 hommes de l'US Air Force (1,5 pour 1 000). La fréquence des tachycardies paroxystiques augmente avec l'âge : 10 % des cas de 20 à 39 ans, 29 % des cas de 40 à 59 ans, 36 % à 60 ans et plus, dans l'étude de Guize et coll. L'histoire naturelle du syndrome de Wolff-Parkinson-White est imparfaitement connue, seules les formes symptomatiques étant généralement prises en compte dans l'appréciation de l'évolution ; Guize et coll
ont apporté une intéressante contribution à la connaissance de cette histoire naturelle grâce au suivi de 270 cas de syndrome de Wolff-Parkinson-White identifiés dans leur enquête de population générale portant sur 226 464 sujets. Alors qu'il était généralement admis que la décroissance de la prévalence avec l'âge n'était pas liée à une surmortalité mais traduisait probablement une quiescence ou une dégénérescence des voies accessoires de préexcitation, l'existence de trois cas de morts subites dans la série de Guize conduit à nuancer le pronostic globalement favorable du syndrome de Wolff-Parkinson-White.
Dans la majorité des cas (70 à 80 %), le syndrome de Wolff-Parkinson-White est reconnu sur un coeur apparemment sain par ailleurs. L'association à une cardiopathie acquise d'origine rhumatismale ou ischémique est donc rare ; chez l'enfant, l'association à une maladie d'Ebstein est observée avec une certaine fréquence (32 cas sur 435 cas d'après Gallagher),
; d'autres cardiopathies congénitales : transposition corrigée des gros vaisseaux, communication interauriculaire ou interventriculaire, sont plus rarement associées au syndrome de Wolff-Parkinson-White. Enfin, dans un certain nombre de cardiomyopathies hypertrophiques ou dilatées et de prolapsus valvulaires mitraux peut être retrouvé un syndrome de Wolff-Parkinson-White.
L'activation ventriculaire est profondément modifiée du fait de l'existence du faisceau accessoire auriculoventriculaire qui réalise un court-circuit atrioventriculaire complet. La conformation du ventriculogramme qui en résulte est celle d'un complexe de fusion entre la préexcitation ventriculaire par la voie accessoire traduite par l'onde initiale " delta " du ventriculogramme, empâté, " en marches d'escalier ", et l'activation ventriculaire réalisée par la voie nodohisienne normale. L'enregistrement de dérivations multiples et synchrones du plan frontal et du plan horizontal (I, II, III, V1, V2, V6) à grandes vitesses de déroulement (50 à 100 mm/s) facilite la lecture du tracé et autorise une mesure précise de la durée de l'intervalle P-delta, de l'onde delta et de delta-QRS
(fig 2).
L'onde P est sinusale. La durée de l'intervalle P-delta est égale ou inférieure à 0,12 s, occupée ainsi en grande partie par celle de l'onde P.
La durée de l'onde delta, habituellement comprise entre 0,04 et 0,06 s, est en réalité variable et liée à l'importance de la masse ventriculaire dépolarisée de façon anticipée ; les études expérimentales chez le chien ont démontré que la moitié moins de la surface épicardique d'un ventricule doit être dépolarisée de façon anticipée pour que l'onde delta soit évidente ; l'élargissement du complexe delta-QRS est ainsi d'autant plus marqué que la préexcitation ventriculaire est plus importante. Mais l'intervalle P-J, mesuré du début de l'onde P à la fin de l'onde S, est de durée normale, la partie terminale de la dépolarisation ventriculaire étant assurée par la voie normale de conduction.
Enfin, de même que le complexe de préexcitation delta-QRS traduit le déroulement anormal de la dépolarisation ventriculaire, les modifications du segment ST et de l'onde T sont liées au déroulement anormal de la repolarisation. Les anomalies de la repolarisation ventriculaire sont de type secondaire, caractérisées habituellement par l'opposition spatiale du vecteur ST-T au vecteur de l'onde delta.
L'aspect vectocardiographique est caractérisé par l'existence du segment delta s'interposant sans transition entre la boucle de P, non modifiée, et dont l'orientation est fonction du siège de la préexcitation, et la boucle de QRS ; en cas de préexcitation marquée, la boucle de T s'oppose à celle de delta-QRS.
L'aspect ECG du syndrome de Wolff-Parkinson-White peut être permanent, parfaitement stable sur tous les tracés enregistrés chez un même patient ; il peut être transitoire, présent sur certains tracés, absent sur d'autres, ou encore intermittent, l'aspect de préexcitation alternant avec des ventriculogrammes normaux. La disparition inopinée et parfois définitive d'un aspect de préexcitation ventriculaire apparemment stable n'est pas exceptionnelle et conduit à évoquer une involution fibreuse des voies accessoires de conduction. La mise en évidence du caractère variable de la part respective due, dans l'activation ventriculaire, à la préexcitation et à la conduction nodohisienne représente un élément déterminant du diagnostic du syndrome de Wolff-Parkinson-White. Le passage d'une conduction normale à une conduction anormale, ou l'inverse
(fig 3), réalisant l' " effet accordéon " décrit par Ohnell
, peut être observé sur le tracé ECG d'une façon plus ou moins progressive, parfois spontanément, le plus souvent à l'occasion de l'effort ou lors de manoeuvres de stimulation vagale (massage sinocarotidien, compression des globes oculaires, injection intraveineuse d'adénosine triphosphorique) ; dans certains cas, le réflexe vagal entraîne une pause sinusale avec survenue d'échappements ventriculaires soit fins
(fig 4), par disparition complète de l'onde delta, soit avec préexcitation de degré variable ; l'affinement de QRS est considéré alors par certains auteurs comme un critère de l'existence d'un faisceau accessoire auriculoventriculaire ; en fait, des échappements dont l'origine est proche de la voie accessoire peuvent également revêtir un aspect de préexcitation majeure. La normalisation du tracé ECG peut être inversement obtenue par la diminution ou l'abolition du tonus vagal (injection d'atropine), par l'augmentation de la fréquence cardiaque (nitrite d'amyle, isoprotérénol, apnée, effort), ou par un effet direct de dépression de la conduction sur la voie accessoire (antiarythmiques de classe I, notamment procaïnamide et flécaïnide)
(fig 5).
La distinction classique de deux types de préexcitation ventriculaire
(fig 6), basée sur la morphologie de QRS en V1, V2 et VE, a été proposée par Rosembaum et coll en 1945
.
Le type A est caractérisé par une onde R exclusive ou prédominante dans ces dérivations.
Le type B est caractérisé par une onde QS ou S prédominante dans l'une au moins de ces dérivations.
Le type A a été ultérieurement assimilé à une préexcitation ventriculaire gauche et le type B à une préexcitation ventriculaire droite. En réalité, la distinction entre ces deux types n'a plus aujourd'hui qu'une valeur très réduite dans la mesure où les données résultant des études endocavitaires et de l'expérience acquise par la chirurgie et la pratique des ablations ont montré que les voies accessoires auriculoventriculaires pouvaient se situer sur tout le pourtour des anneaux mitral et tricuspidien, à l'exception sans doute d'une zone restreinte correspondant à la continuité mitroaortique.
Par ailleurs, la morphologie du ventriculogramme sur le tracé ECG de surface dépend pour une grande part du degré de la préexcitation qui est déterminé par plusieurs facteurs
(fig 7) : le temps de conduction du noeud sinusal au noeud de Tawara, le temps de conduction du noeud sinusal à la voie accessoire (généralement plus court lorsque la voie accessoire est située à droite), le temps de traversée du noeud de Tawara et de conduction hisienne, enfin l'intervention du système nerveux autonome sur les propriétés électrophysiologiques nodales.
Des classifications ECG plus précises ont été proposées à partir de corrélations établies entre l'électrocardiogramme et les cartographies épicardiques réalisées en période pré- et peropératoire ; celle qui reste la plus utilisée a été proposée par Gallagher
et distingue dix sites de préexcitation selon la polarité de l'onde delta
(fig 8). La morphologie de QRS est mieux précisée encore en préexcitation maximale, spontanée ou obtenue par stimulation auriculaire à fréquence croissante
: la prise en compte de l'orientation spatiale du complexe delta-QRS, notamment des 20 premières ms, permet une distinction aisée des différentes variétés topographiques de préexcitation.
Par ailleurs, les anomalies de l'onde T apparaissant après l'effacement transitoire d'un aspect de Wolff-Parkinson-White (spontané, ou obtenu par manoeuvres vagales ou par injection de drogues à effet dépresseur sur la voie accessoire) sont fonction du site de la préexcitation
; le vecteur spatial de T fuyant la région du myocarde préexcitée s'oriente à gauche en haut et en avant en cas de préexcitation postérieure ; à droite en bas et en avant en cas de préexcitation latérale gauche ; à gauche et en arrière en cas de préexcitation antérieure droite. Bien que ces anomalies relèvent d'un mécanisme encore hypothétique, elles paraissent de même nature que celles observées à l'arrêt d'un entraînement électrosystolique ou après effacement d'un bloc de branche gauche. Dans ces trois circonstances, l'élément commun est représenté par une activité ventriculaire anormale affectant le début de QRS ; c'est pourquoi il a donc été proposé de les réunir dans le cadre d'un " syndrome de dépolarisation ventriculaire initiale anormale "
.
Les déformations du ventriculogramme dues à la préexcitation ventriculaire rendent difficile le diagnostic de certaines associations à d'autres syndromes ECG, notamment les blocs de branches et l'infarctus myocardique.
Syndrome de Wolff-Parkinson-White et bloc de branche
Lorsque la préexcitation ventriculaire est permanente, l'aspect de bloc de branche est masqué si la préexcitation et le bloc de branche sont homolatéraux ; dans ce cas, le diagnostic d'association est impossible ; si en revanche, la préexcitation et le bloc de branche sont hétérolatéraux, le diagnostic de bloc de branche peut être évoqué sur les anomalies de la phase terminale de QRS ; les données vectocardiographiques sont souvent indispensables pour que le diagnostic soit formellement établi.
Syndrome de Wolff-Parkinson-White et infarctus myocardique
La phase initiale de QRS est modifiée à la fois par la préexcitation ventriculaire et par la nécrose myocardique. En fonction de la localisation de la voie accessoire, et donc de l'orientation du vecteur de l'onde delta, la préexcitation ventriculaire peut simuler ou masquer l'infarctus du myocarde. Une nécrose myocardique de siège inférieur peut ainsi être simulée par une préexcitation de siège postérieur traduite par une onde delta négative dans les dérivations II, III et a VF ; de même une préexcitation de siège latéral gauche, avec onde delta négative en I, aVL et V6, peut simuler un infarctus de siège latéral. Inversement, un aspect de préexcitation ventriculaire de type A, caractérisé par une onde R exclusive ou prédominante en V1 et V2, masque l'aspect de nécrose myocardique de siège antéroseptal. Ce même aspect est au contraire majoré en cas de préexcitation ventriculaire de type B avec onde QS ou S prédominante dans ces mêmes dérivations.
Le diagnostic de l'association Wolff-Parkinson-White-infarctus myocardique est en pratique difficile si une scène clinique évocatrice n'est pas retrouvée par l'interrogatoire ou si la permanence de la préexcitation ventriculaire ne permet pas l'émergence d'un aspect ECG évident de nécrose myocardique : celui-ci peut cependant apparaître comme probable si des extrasystoles de morphologie QR surviennent ; lorsqu'il est obtenu, l'effacement transitoire de la préexcitation, sous l'effet des manoeuvres de stimulation vagale ou de l'injection d'un antiarythmique est dans certains cas le seul moyen d'affirmer le diagnostic d'infarctus myocardique associé.
Syndrome de Wolff-Parkinson-White et bloc auriculoventriculaire
L'existence d'un rythme sinusal et d'une préexcitation ventriculaire permanente et majeure, du fait de l'absence plus ou moins complète de " fusion " ventriculaire, peut être l'unique traduction ECG d'un trouble conductif sur la voie nodohisienne, associé à la préexcitation. Lorsqu'alternent des auriculogrammes conduits avec préexcitation majeure et des auriculogrammes bloqués, il faut admettre qu'existent à la fois un bloc intermittent sur la voie nodohisienne et sur la voie accessoire. Quant à l'existence d'un intervalle P-delta anormalement long, il évoque un trouble conductif sur la voie nodohisienne en amont de l'implantation supérieure d'une voie accessoire nodo- ou fasciculoventriculaire.
Tachycardies paroxystiques
Les accès de tachycardie paroxystique font partie intégrante de la description du syndrome de Wolff-Parkinson-White. Leur incidence est diversement appréciée selon les séries en fonction du mode de recrutement des patients ; l'addition des statistiques les plus importantes permet de l'établir à 60 % des cas environ. La fréquence des accès tachycardiques chez un patient donné est extrêmement variable : à côté de formes véritablement invalidantes, existent des cas où un seul accès trouble la vie du patient ; l'histoire naturelle du syndrome de Wolff-Parkinson-White en fonction des crises de tachycardie paroxystique est ainsi très difficile à schématiser. Il est classique de considérer que lorsqu'une crise tachycardique survient très tôt chez le nourrisson, généralement avant 6 mois, les récidives ont peu de chances de survenir en raison de l'involution fréquente des voies accessoires avant la fin de la première année. Il faut cependant souligner l'habituelle mauvaise tolérance des accès tachycardiques du nourrisson, liée à la haute fréquence ventriculaire. Les tachycardies paroxystiques de l'adolescent et de l'adulte sont le plus souvent correctement tolérées, revêtant l'aspect clinique de la maladie de Bouveret. La mauvaise tolérance résulte le plus souvent de la longue durée des crises, de leur multiplicité, d'une éventuelle cardiopathie sous-jacente. Bien que le pronostic général du syndrome de Wolff-Parkinson-White soit bon, les formes graves existent du fait du caractère invalidant des crises tachycardiques ou du potentiel létal de certaines variétés ; des morts subites, survenant à tout âge, peuvent en résulter. Les crises tachycardiques qui peuvent émailler l'évolution du syndrome de Wolff-Parkinson-White sont de types divers, résultant de mécanismes différents que l'exploration électrophysiologique est susceptible de démontrer.
Du point de vue ECG, les plus fréquentes revêtent l'aspect de tachycardies régulières avec disparition ou conservation de l'aspect de préexcitation ventriculaire ; moins fréquents sont les accès de fibrillation auriculaire ; les autres variétés de tachycardie paroxystique sont exceptionnelles.
Tachycardies régulières sans préexcitation ventriculaire
(fig 9)
Il s'agit de la variété la plus fréquente, résultant d'un mouvement circulaire empruntant la voie nodohisienne dans le sens antérograde et la voie accessoire dans le sens rétrograde ; l'activation ventriculaire étant réalisée par la voie normale, l'aspect de préexcitation disparaît ; cependant le début de la tachycardie peut être marqué par l'apparition transitoire d'un bloc de branche ; si la fréquence de la tachycardie est inchangée lorsque cet aspect apparaît, on peut en déduire que la branche transitoirement bloquée ne participe pas au circuit de la tachycardie ; en revanche, si la fréquence de la tachycardie est plus basse et si le bloc de branche apparaît comme " ralentisseur "
(fig 10), la branche bloquée appartient bien au circuit de la tachycardie
; la présence d'un bloc de branche " ralentisseur " représente ainsi un argument de valeur en faveur de l'existence d'un faisceau accessoire auriculoventriculaire (faisceau de Kent). De même, l'activation rétrograde des oreillettes est fonction de la localisation de la voie accessoire et la morphologie de l'onde P rétrograde en cours de tachycardie est variable selon le siège de la préexcitation ; ainsi la négativité de l'onde P en dérivation I indique une dépolarisation auriculaire s'effectuant de gauche à droite et représente un élément en faveur d'une localisation latérale du faisceau de Kent
.
Tachycardies régulières avec préexcitation ventriculaire
Les tachycardies réciproques dites " antidromiques ", où le circuit emprunte la voie accessoire dans le sens antérograde et la voie nodohisienne dans le sens rétrograde, sont beaucoup plus rares ; elles réalisent un aspect de préexcitation maximale.
Les accès de fibrillation auriculaire sont plus rares que les tachycardies par mouvement circulaire ; leur incidence peut être évaluée à 10 % des cas environ. Ils représentent cependant la variété la plus sévère des tachycardies paroxystiques et peuvent entraîner souvent des accidents syncopaux. Ils sont caractérisés par la morphologie des QRS variant de façon incessante entre l'aspect de ventriculogramme affiné et celui de préexcitation maximale. La gravité de la fibrillation auriculaire est liée à la fréquence du rythme ventriculaire, celle-ci étant sous la dépendance de la période réfractaire antérograde de la voie accessoire ; lorsque celle-ci est très courte (elle peut être estimée par la valeur de l'intervalle RR le plus court en tachycardie), le risque de fibrillation ventriculaire existe et certaines morts subites répondent probablement à cette éventualité
(fig 12) ; un sous-groupe de patients à très haut risque de fibrillation ventriculaire peut ainsi être isolé lorsque l'intervalle RR le plus court est inférieur à 250 ms
. La fréquence relative de la fibrillation auriculaire au cours du syndrome de Wolff-Parkinson-White, alors même qu'aucune autre cause favorisante n'existe (absence de cardiopathie sous-jacente ; oreillettes de volume normal) conduit à évoquer le rôle joué par la voie accessoire elle-même dans le déclenchement de l'arythmie : la conduction rétrograde d'une extrasystole ventriculaire à l'oreillette par l'intermédiaire de la voie accessoire auriculoventriculaire pourrait être responsable de la désynchronisation de la dépolarisation auriculaire et du démarrage de la fibrillation. C'est par un mécanisme du même type que la fibrillation auriculaire peut être initiée par une tachycardie réciproque utilisant avec la voie accessoire auriculoventriculaire dans le sens rétrograde
(fig 13).
Différentes techniques peuvent être mises en oeuvre dans l'exploration des syndromes de Wolff-Parkinson-White ; elles ont pour but d'apprécier les propriétés électrophysiologiques des voies de conduction qui conditionnent dans une certaine mesure la gravité de l'affection, d'étudier le mécanisme des crises tachycardiques et de localiser de façon précise la voie accessoire dans l'éventualité d'un traitement par ablation.
Suppression médicamenteuse de la préexcitation
L'effacement transitoire de la préexcitation ventriculaire peut être obtenu par la plupart des antiarythmiques de la classe I ainsi que par l'amiodarone. L'effet obtenu par la procaïnamide (10 mg/kg par voie veineuse en 5 minutes) apparaît comme spécifique : la disparition de la préexcitation est obtenue lorsque la période réfractaire antérograde de la voie accessoire est relativement longue, égale ou supérieure à 270 ms. Cependant, la non-disparition de la préexcitation ne permet pas toujours d'identifier les patients à période réfractaire courte susceptibles de développer de hautes fréquences ventriculaires en cas de fibrillation auriculaire
; les antiarythmiques du sous-groupe IC (flécaïnide ; propafénone) peuvent avoir le même effet alors même que la période réfractaire est courte et ne permettent pas ainsi de distinguer les formes a priori bénignes des formes plus sévères.
Epreuve d'effort
L'intérêt de l'épreuve d'effort dans l'exploration des syndromes de Wolff-Parkinson-White est lié à l'hypothèse selon laquelle les préexcitations liées à des voies accessoires dont la période réfractaire antérograde est longue s'effaceraient sous l'effet de l'accélération de la fréquence cardiaque ; il faut toutefois souligner que c'est une disparition brutale (et non progressive) de la préexcitation lors de l'effort qui permet d'affirmer sa nature bénigne ; la persistance de la préexcitation lors de l'épreuve d'effort permettrait ainsi de distinguer les cas les plus sévères caractérisés par une période réfractaire antérograde courte de la voie accessoire
. Bien que cette épreuve puisse ainsi représenter une approche pratique pour la distinction entre les formes sévères et les formes plus bénignes des syndromes de Wolff-Parkinson-White, sa valeur est limitée par le fait que les catécholamines peuvent intervenir pour modifier les périodes réfractaires, la préexcitation étant seulement masquée au cours de l'effort du fait de l'amélioration de la conduction dans la voie normale ; il est donc nécessaire d'exiger une disparition brutale de la préexcitation à l'effort pour apprécier en pratique la bénignité de la préexcitation. Les cas de fibrillation auriculaire à haute fréquence ventriculaire survenus alors même que la préexcitation était transitoirement supprimée par l'épreuve d'effort doivent être considérés comme exceptionnels.
Exploration électrophysiologique
Elle implique une technique minutieuse afin de répondre aux buts qu'elle doit atteindre : mise en évidence formelle de la voie ou des voies accessoires, étude des propriétés électrophysiologiques des voies de conduction normale et accessoires, démonstration du mécanisme des crises tachycardiques, localisation précise de la voie ou des voies accessoires. Trois à cinq sondes multiélectrodes sont mises en place ; deux sont placées dans l'oreillette droite à la partie latérale externe haute et basse, une à la jonction auriculoventriculaire pour le recueil du potentiel hisien, une quatrième dans le sinus coronaire destinée au recueil des potentiels auriculaires gauches ; la cinquième sonde est utilisée pour la stimulation auriculaire ou ventriculaire. On utilise pour l'introduction des sondes la voie fémorale rétrograde et si nécessaire la veine basilique, la veine sous-clavière gauche ou la veine jugulaire interne pour le cathétérisme du sinus coronaire. Les enregistrements sont réalisés au moyen d'un polygraphe multicanaux muni d'amplificateurs permettant de filtrer les fréquences recueillies entre 20 et 250 Hz. Des stimulations asynchrones et couplées sur rythme spontané ou imposé sont effectuées.
Mise en évidence de la voie accessoire
L'intervalle H-delta raccourci (<35 ms) définit la préexcitation ventriculaire. Il témoigne de l'arrivée prématurée de l'excitation au myocarde ventriculaire par l'intermédiaire de la voie accessoire
(fig 14). L'intervalle H-delta peut être nul (H synchrone du début de QRS), voire négatif (H inclus dans le ventriculogramme). Un intervalle H-delta normal, ou prolongé, peut cependant être observé en cas de faisceau de Kent à conduction lente en présence de troubles conductifs intraventriculaires. La stimulation auriculaire à fréquence croissante fait apparaître le classique " effet accordéon " : l'augmentation de la fréquence auriculaire entraîne un freinage progressif de la conduction au niveau du noeud de Tawara, alors que la voie accessoire obéit au principe du tout ou rien. Ainsi, alors que l'intervalle P-delta reste fixe, l'intervalle stimulus-H (St-H) augmente progressivement, entraînant la diminution de l'intervalle H-delta qui devient négatif en raison de l'inclusion progressive du H au sein du complexe QRS. Celui-ci s'élargit progressivement, l'intervalle SJ augmente réalisant l'aspect de préexcitation majeure
(fig 15). La méthode de l'extrastimulus sur rythme imposé reproduit pour des couplages de plus en plus courts l'effet accordéon ; dans certains cas de préexcitation majeure, on peut même voir le potentiel hisien s'inscrire derrière le complexe QRS, la dépolarisation du faisceau de His se produisant après la fin de la dépolarisation ventriculaire qui se fait uniquement par l'intermédiaire du faisceau accessoire. Certains cas de double réponse ventriculaire ont même été rapportés.
Evaluation des propriétés électrophysiologiques des voies de conduction
La méthode de l'extrastimulus auriculaire permet d'évaluer la période réfractaire antérograde des voies de conduction, témoin fidèle de sa perméabilité
(fig 16). Dans certains cas, la préexcitation est permanente quelle que soit la prématurité de l'extrastimulus ; la période réfractaire du faisceau auriculoventriculaire est inférieure ou égale à celle de l'oreillette, celle du noeud auriculoventriculaire est indéterminée. Dans d'autres cas, l'affinement de QRS est obtenu ; la période réfractaire du faisceau de Kent est ainsi déterminée ; on observe alors soit une conduction persistante par le noeud de Tawara (PR effective nodale plus courte que celle du faisceau de Kent), soit un bloc auriculoventriculaire (PR effective nodale plus longue que celle du faisceau de Kent). Ces données revêtent un réel intérêt pronostique. Dans la deuxième éventualité, les crises de tachycardie réciproque sont fréquentes (l'impulsion prématurée bloquée dans la faisceau de Kent emprunte la voie nodale dans le sens antérograde et la voie accessoire dans le sens rétrograde). Les patients répondant au premier cas sont menacés de très haute fréquence ventriculaire en cas de tachycardie des oreillettes.
La stimulation ventriculaire
(fig 17) permet l'étude des propriétés des voies de conduction dans le sens rétrograde. Lors de la stimulation ventriculaire à fréquence croissante, l'intervalle VA' reste fixe tant que le faisceau de Kent conduit en rétrograde ; son blocage se traduit par une augmentation brusque de Va' si la conduction nodale persiste à la fréquence considérée, donc si la perméabilité nodale est meilleure que celle du faisceau de Kent, avec parfois phénomène de Wenckebach rétrograde ; si au contraire la perméabilité nodale est moins bonne, on observe généralement un bloc rétrograde 2/1. La méthode de l'extrastimulus sur rythme imposé va permettre d'évaluer les périodes réfractaires rétrogrades des deux voies ; si la conduction rétrograde persiste 1/1 jusqu'à l'obtention de la période réfractaire du ventricule, le calcul des périodes réfractaires des deux voies n'est pas possible ; si l'intervalle VA' s'allonge brusquement mais que la conduction persiste, la période réfractaire du noeud auriculoventriculaire est inférieure à celle du faisceau de Kent ; si l'on observe un bloc rétrograde, la période réfractaire du noeud auriculoventriculaire est supérieure à celle du faisceau de Kent.
Ces données doivent être en fait interprétées avec certaines réserves ; les valeurs des périodes réfractaires se modifient avec la fréquence de base ; les stimulations doivent être réalisées le plus près possible du siège présumé de la voie accessoire sous peine de variations importantes des résultats obtenus.
Mécanisme des crises tachycardiques
Tachycardie régulière sans préexcitation
(fig 18)
- - Elle répond à un rythme réciproque dit orthodromique dont le circuit de réentrée emprunte la voie normale dans le sens antérograde et la voie accessoire dans le sens rétrograde. Les QRS sont précédés de H. Ils sont fins sauf dans le cas de bloc de branche fonctionnel.
- - Plus exceptionnellement, la voie accessoire ne participe pas au circuit de réentrée ; il s'agit alors d'un circuit de réentrée intranodale qui coexiste avec près de 2 % des voies accessoires.
- - Place de l'auriculogramme : habituellement, lorsque le circuit de réentrée comporte un faisceau accessoire, l'intervalle VA' est inférieur à l'intervalle A'V' ; la conduction rétrograde est plus rapide par la voie accessoire que la conduction antérograde par la voie normale ; toutefois, ceci n'est ni obligatoire ni spécifique. En revanche, l'absence d'un auriculogramme (aussi bien que d'un ventriculogramme) exclut l'existence d'un faisceau accessoire, le circuit de réentrée n'utilisant pas l'oreillette (ou le ventricule). En cas de réentrée nodale, l'auriculogramme s'inclut à l'intérieur du QRS (VA inférieur ou égal à 50 ms).
Tachycardies régulières avec préexcitation
Elles sont caractérisées par un circuit de réentrée empruntant la voie accessoire dans le sens antérograde et la voie normale dans le sens rétrograde. Cette éventualité est rare : les QRS ont un aspect de préexcitation majeure sans potentiel hisien identifiable ; cela implique une période réfractaire de la voie accessoire plus courte que celle de la voie nodale dans le sens antérograde en cas de déclenchement de la tachycardie par une extrasystole auriculaire, et l'inverse en cas de déclenchement de la tachycardie par une extrasystole ventriculaire. Par ailleurs, une conduction rétrograde nodale de très bonne qualité est nécessaire au maintien d'une tachycardie antidromique ; cette condition est rarement réalisée, d'où le caractère inhabituel de ce type de tachycardie. Un autre mécanisme possible de ce type de tachycardie est l'existence d'une seconde voie accessoire utilisée dans le sens rétrograde.
Fibrillation auriculaire
Elle revêt dans le cadre de la préexcitation ventriculaire des caractères très particuliers en raison de son incidence, plus élevée qu'en l'absence de préexcitation : le déclenchement peut se faire soit par une extrasystole auriculaire
(fig 19), soit par une extrasystole ventriculaire ou par dégradation d'un rythme réciproque
(fig 13) ; dans les deux derniers cas, c'est le court-circuit du noeud de Tawara qui permet la transmission très précoce d'un influx à l'oreillette encore en période vulnérable. La fréquence ventriculaire dépend de la perméabilité de la voie accessoire dans le sens antérograde. L'aspect ECG, très caractéristique, réalise une succession de complexes ventriculaires élargis de façon inégale selon le degré variable de la préexcitation, du fait de l'irrégularité des cycles ventriculaires. Le pronostic dépend de la période réfractaire de la voie accessoire, la mort subite par fibrillation ventriculaire pouvant résulter d'une très haute fréquence ventriculaire. Au cours de l'exploration électrophysiologique, la mesure de la période réfractaire effective de la voie accessoire permet une estimation de ce risque. Toutefois, les corrélations réalisées entre la durée de cette période réfractaire et le cycle le plus court en cours de tachycardie ne sont pas parfaites. Le déclenchement, pendant l'examen, d'une fibrillation auriculaire permet une approche plus précise malgré le risque qu'une telle manoeuvre comporte. Dans une étude comportant 29 cas de fibrillation ventriculaire sur syndrome de Wolff-Parkinson-White, l'analyse multivariée a montré que l'intervalle RR préexcité minimal était la seule variable indépendante clairement liée au risque de mort subite
(tableau I). On peut en outre étudier de cette manière l'effet de drogues antiarythmiques telles que la flécaïnide ou l'amiodarone ; il est fréquent de voir alors l'aspect de préexcitation diminuer ou disparaître sous l'effet de la drogue puis la fibrillation auriculaire céder secondairement. La persistance de la préexcitation malgré l'administration de telles drogues constitue indiscutablement un élément de pronostic péjoratif.
Une approche relativement précise du siège de la voie accessoire peut être obtenue par l'enregistrement ECG standard au cours d'un aspect de préexcitation marquée ou majeure. Divers algorithmes ont été proposés pour localiser la région d'insertion de ces voies accessoires. La
figure 9 illustre celui proposé par Gallagher et coll.
Stimulation auriculaire
En cas de préexcitation ventriculaire, le ventriculogramme représente un complexe de fusion résultant de l'activation respective par la voie normale et par la voie accessoire ; les prédictions concernant le site de la voie accessoire à partir de l'aspect du ventriculogramme sont d'autant plus facilement en défaut que la contribution de la voie accessoire à l'activation ventriculaire est plus faible. La stimulation auriculaire, qui permet d'augmenter le degré de préexcitation ventriculaire est essentielle pour préciser le siège de la voie accessoire.
La morphologie de l'onde P rétrograde en rythme réciproque orthodromique peut permettre aussi une localisation dans certains cas ; c'est ainsi qu'une onde P négative en I indique une voie latérale gauche ou une onde P négative en II, III, aVF indique une voie accessoire de siège postéroseptal. L'observation au cours de tachycardie orthodromique d'un bloc de branche fonctionnel droit ou gauche fournit aussi une indication du siège de la voie accessoire impliquée. Ainsi, un bloc de branche gauche dont la survenue ralentit la tachycardie par rapport à l'aspect en QRS fin exprime que le circuit est fonctionnellement connecté à la branche gauche et donc l'implication d'une voie accessoire de siège gauche. Inversement, un bloc de branche droit " ralentissant " la tachycardie exprime la participation d ;une voie accessoire latérale droite. Les circuits impliquant des voies accessoires de siège septal sont peu ou pas influencés par les blocs de branche fonctionnels.
Les différents éléments de la voie accessoire, son insertion atriale, le faisceau lui-même et son insertion ventriculaire, peuvent être repérés par une cartographie minutieuse des anneaux tricuspidien et mitral. La cartographie de repérage est grandement facilitée par l'utilisation de cathéters à géométrie variable, modulable par l'opérateur. L'anneau tricuspidien peut être exploré par un cathéter introduit par voie fémorale ou par voie haute, sous-clavière ou jugulaire. L'exploration de l'anneau mitral nécessite un abord des cavités gauches qui peut se faire par voie transseptable au travers d'un foramen ovale ou par cathétérisme transseptal, mais le plus usuellement, elle s'effectue par l'introduction d'un cathéter franchissant l'aorte et les valvules aortiques par voie rétrograde à partir d'un abord de l'artère fémorale.
Détermination de l'insertion auriculaire de la voie accessoire
L'insertion atriale exacte de la voie accessoire peut être précisée en recherchant l'intervalle ventriculoauriculaire minimal en cours de tachycardie réciproque. Les vitesses de conduction sont tellement rapides à travers la voie accessoires qu'un continuum d'activité ventriculoauriculaire est presque toujours enregistré
(fig 20).
En cours de stimulation ventriculaire, toute activation rétrograde ectopique en dehors de la région nodohisienne de l'oreillette est un critère formel de l'utilisation d'une voie accessoire. Le repérage de l'insertion atriale en stimulation ventriculaire peut être cependant gêné par une activation simultanée à travers la voie nodohisienne. Il est donc préférable que cette cartographie soit réalisée en cours de tachycardie réciproque alors que l'activation rétrograde de l'oreillette est purement liée au faisceau aberrant. La primoactivation auriculaire dans la région postérieure ou latérale de l'anneau mitral indique le siège latéral gauche de la voie accessoire. Un cathéter multiélectrodes mis en place dans le sinus coronaire permet ainsi de préciser l'insertion de la voie accessoire. Une primoactivation auriculaire de la paroi libre de l'oreillette droite indique une voie accessoire latérale droite. Une primoactivation s'effectuant dans la région proximale (premier centimètre) du sinus coronaire témoigne d'un siège postéroseptal de la voie anormale. Une voie accessoire dite antéroseptale s'insère en fait quelques millimètres en avant du faisceau de His : anatomiquement, cette région est en réalité antérieure droite bien que le terme de voie antéroseptale soit maintenant établi. Rares sont enfin les voies accessoires s'insérant dans la partie moyenne du septum (dite septale intermédiaire ou miseptale).
En cas de doute entre une tachycardie utilisant une voie accessoire de siège septal ou remontant par la voie nodohisienne, une manoeuvre électrophysiologique parfaitement spécifique doit être réalisée : elle comporte l'application en cours de tachycardie réciproque d'un stimulus ventriculaire qui, délivré au moment même de l'enregistrement du potentiel hisien, ne peut évidemment remonter à travers la voie nodohisienne puisque celle-ci est en période réfractaire ; si ce stimulus anticipe cependant l'auriculogramme suivant, c'est qu'il a évidemment utilisé une voie extrahisienne : la valeur de ce critère est formelle. Il est à noter que, si en cours de stimulation ventriculaire, un incrément progressif du temps de conduction ventriculoauriculaire suggère que la conduction s'effectue à travers la voie nodale, ceci n'a pas de valeur formelle ; en effet, on considère actuellement que certaines voies accessoires sont elles-mêmes dotées de propriétés de conduction décrémentielle ; ces propriétés leur confèrent un temps de conduction prolongé qui s'exprime en tachycardie par une onde P rétrograde survenant nettement à distance du ventriculogramme qui lui a donné naissance (tachycardie dite à long RP').
Repérage de l'insertion ventriculaire de la voie accessoire
Dans la grande majorité des cas, l'insertion ventriculaire de la voie accessoire est en regard de l'insertion atriale. Dans 10 à 20 % des cas, en particulier dans les voies postéroseptales ou latérales gauches, la voie accessoire a un trajet oblique, de sorte que son pôle distal peut apparaître sur l'anneau à 1-1,5 cm du pôle auriculaire.
Chez les patients avec préexcitation, l'insertion ventriculaire de la voie accessoire donne naissance à l'activation ventriculaire et donc à l'onde delta : il en résulte que les potentiels ventriculaires locaux sont synchrones ou précèdent le début de l'onde delta de surface. La précocité des potentiels ventriculaires est plus marquée dans les voies droites (10 à 30 ms) que dans les voies gauches où le potentiel survient de 0 à 5 ms de l'onde delta ; les voies postéroseptales donnent des valeurs intermédiaires. Les enregistrements bipolaires réalisés avec les cathéters usuels d'électrophysiologie fournissent souvent plusieurs potentiels ventriculaires parce que le dipôle d'enregistrement est en règle large, atteignant de 7 à 10 mm ; c'est donc avec une certaine subjectivité qu'est réalisé le choix du potential représentant le moment précis de l'activation locale. Il est donc préférable en cas de potentiels multiples ou d'inscription lente de s'aider d'enregistrements unipolaires
.
L'aspect morphologique et la chronologie des enregistrements unipolaires contribuent tous deux à la précision du repérage
(fig 20). A l'inverse des enregistrements bipolaires, l'enregistrement unipolaire objective une activation ventriculaire locale se traduisant par une pente très rapide dont le début est identifiable et représente véritablement le passage de l'influx sous l'électrode exploratrice. L'aspect morphologique de l'onde ventriculaire unipolaire est de type QS au point d'origine de l'activation ventriculaire, tandis qu'un aspect rS traduit la présence d'un tissu myocardique interposé entre le début de l'activation ventriculaire et l'électrode exploratrice. Plus cette onde initiale est importante, plus l'électrode est éloignée du point de préexcitation ventriculaire
.
La technique dite de topostimulation (" pace-mapping ") peut être utile dans certains cas. Une stimulation est effectuée au bord ventriculaire des anneaux en cherchant à reproduire de façon rigoureuse l'aspect de la préexcitation maximale. Cette technique a un pouvoir de résolution de plus ou moins 5 mm par rapport à la réalité anatomique.
Enregistrement de l'activité de la voie accessoire
Le repérage du pôle auriculaire ou du pôle ventriculaire de la voie accessoire fournit un renseignement concordant quand la voie accessoire est exactement perpendiculaire à l'anneau. Une analyse minutieuse des enregistrements locaux permet parfois de distinguer un potentiel représentant l'activité même de la voie accessoire. La rapidité de transmission de l'influx à travers la voie accessoire donne à l'ECG endocavitaire un aspect très évocateur sous la forme d'un continuum d'activité auriculaire et ventriculaire, à l'intérieur duquel on cherche à distinguer l'activité de la voie accessoire.
Stricto sensu, un potentiel ne peut être affirmé comme d'origine kentienne que si l'on exclut à la fois la possibilité qu'il naisse de l'oreillette locale et du ventricule local. Il faut donc réaliser des manoeuvres de stimulation pour séparer le potentiel incriminé à la fois de l'auriculogramme et du ventriculogramme. Ces manoeuvres sont en pratique extrêmement difficiles à réaliser et à interpréter de sorte que le potentiel kentien est en règle qualifié de possible ou probable.
En résumé, la localisation précise de la voie accessoire s'effectue en pratique de la façon suivante : la région d'insertion est reconnue par l'aspect en préexcitation majeure, permettant d'emblée le choix d'un abord veineux (QRS préexcité négatif en V1) ou artériel (QRS préexcité positif en V1). Le cathéter d'exploration est dirigé vers l'anneau auriculoventriculaire, ce qui donne sur l'enregistrement sur papier ou visualisé sur le moniteur, des potentiels à la fois auriculaires et ventriculaires. Le cathéter est manipulé de façon que le temps auriculoventriculaire devienne de plus en plus court. La cartographie proprement dite est alors débutée par la recherche de l'insertion atriale et ventriculaire de la voie accessoire selon les méthodes sus-décrites, puis éventuellement du potentiel censé représenter l'activité du faisceau aberrant. Cette cartographie est le préalable indispensable à l'ablation de la voie accessoire par une méthode physique.
La mise en oeuvre des techniques d'exploration dans les syndromes de Wolff-Parkinson-White doit être envisagée en tenant compte de l'âge et de l'activité du patient, des symptômes qui l'affectent et de l'orientation thérapeutique qu'il convient d'envisager. L'élément déterminant du pronostic est, comme on l'a vu, la durée de la période réfractaire de la conduction antérograde du faisceau accessoire ; son évaluation doit être envisagée par les méthodes les moins " invasives " dans tous les cas où cela s'avère possible. Dans les cas où la préexcitation ventriculaire est spontanément intermittente et le patient asymptomatique, l'existence d'une période réfractaire antérograde très longue sur la voie accessoire est hautement probable.
La disparition brutale de la préexcitation lors de l'épreuve d'effort est également un élément de pronostic favorable. En fait, l'essor et l'efficacité des méthodes ablatives font qu'actuellement on peut schématiser les indications d'exploration endocavitaire de la façon suivante :
- - si le patient a fait un ou plusieurs épisodes de fibrillation auriculaire, l'exploration endocavitaire débouchant sur l'ablation de la voie accessoire est quasi obligatoire ;
- - si le patient a fait des accès de tachycardie réciproque jonctionnelle uniquement, mais assez fréquents et répétés pour nécessiter un traitement médical de long cours, l'exploration endocavitaire dans un but d'ablation est habituellement indiquée.
Le cas des patients asymptomatiques est plus difficile. S'il s'agit de patients pratiquant une profession exposée (conducteurs de poids lourds, de transports en commun, pilote d'avion) ou des sportifs de compétition, l'exploration peut permettre d'évaluer de façon précise la période réfractaire de la voie accessoire et de proposer l'ablation préventive si cette période réfractaire est courte.
Dans les autres cas, on peut opter soit pour l'abstention, soit pour une approche non invasive : épreuve d'effort, stimulation auriculaire par voie transoesophagienne ; ce n'est que dans les cas où une période réfractaire courte de la voie accessoire est objectivée que l'on décide secondairement de réaliser une exploration électrophysiologique.
Cependant, en raison de données épidémiologiques encore imprécises relatives à l'histoire naturelle du syndrome et au risque réel de mortalité spontanée, et du fait que les techniques ablatives comportent un risque de complications, faible sans doute, l'attitude consistant à proposer d'emblée une ablation chez de tels patients reste controversée.
Le concept de faisceau de Kent " inapparent " résulte de certaines données recueillies lors de l'exploration de patients atteints de tachycardie paroxystique ; chez ces patients, peuvent en effet être mis en évidence des critères indiquant qu'une voie accessoire participe au circuit de réentrée, alors que l'ECG en rythme sinusal ne montre pas d'aspect de Wolff-Parkinson-White, ou ne montre cet aspect que par intermittence. Ces constatations impliquent que, dans de tels cas, deux conditions peuvent être réalisées
. Soit le faisceau de Kent est seulement " masqué " : la voie accessoire peut conduire l'excitation dans les deux sens, rétrograde et antérograde, mais la conduction antérograde n'est possible que dans certaines conditions ; soit le faisceau de Kent est affecté d'un bloc unidirectionnel antérograde et n'intervient généralement que comme composant d'un circuit de réentrée dans le sens rétrograde.
Faisceau de Kent " masqué "
On rappellera que pour qu'une onde delta apparaisse, il faut que la moitié environ de l'épicarde ventriculaire soit dépolarisée de façon anticipée. Ainsi lorsque l'étendue de myocarde préexcitée est très limitée, le complexe QRS sur l'ECG de surface garde une morphologie et une durée normales. Le diagnostic de préexcitation ventriculaire ne peut dans un tel cas être fait que dans certaines circonstances ou lors de certaines manoeuvres : accélération ou ralentissement de la fréquence sinusale, spontanée ou provoquée ; stimulation proche du site de la préexcitation lors de l'exploration électrophysiologique. La préexcitation peut être masquée soit en raison des propriétés électrophysiologiques de la voie accessoire elle-même, soit en raison de relations particulières existant entre la voie accessoire et la voie nodohisienne. Ainsi, les conditions nécessaires pour que la préexcitation soit masquée sont diverses et peuvent résulter aussi bien d'une " amélioration " de la conduction par voie normale nodohisienne que d'un " ralentissement " de la conduction par la voie accessoire ; ainsi peuvent faire disparaître l'aspect de préexcitation : l'effort, la station debout, les drogues à action vagolytique. La localisation de la voie accessoire, notamment dans la paroi libre du ventricule gauche, peut également rendre compte d'une préexcitation cachée ; l'impulsion née du noeud sinusal peut n'atteindre la voie accessoire qu'après le début de l'activation ventriculaire empruntant la voie nodohisienne ; cette condition est particulièrement réalisée dans ce cas s'il existe également un trouble de conduction intra-auriculaire ; de tels faisceaux de Kent masqués peuvent alors se révéler lorsque survient une tachycardie des oreillettes ou lorsqu'est réalisée une stimulation via le sinus coronaire. La dépolarisation ventriculaire peut également être " anticipée " par voie nodohisienne et la préexcitation par voie accessoire demeurer masquée lorsque la commande ventriculaire est d'origine jonctionnelle ; cette dernière circonstance peut être réalisée lors de l'évolution d'une maladie du noeud sinusal associée à un syndrome de Wolff-Parkinson-White. Les propriétés électrophysiologiques de la voie accessoire elle-même peuvent également intervenir pour masquer la préexcitation ; il en est ainsi lorsque la conduction dans la voie accessoire est particulièrement lente ou lorsqu'il existe un bloc fonctionnel sur la voie accessoire ; bloc en phase 3 en cas de tachycardie, bloc en phase 4 lors de bradycardie ; en cas d'hyperkaliémie, de tels cas de blocs transitoires du faisceau de Kent peuvent être observés. Enfin, lorsqu'un bloc de branche homolatéral vient s'adjoindre à un faisceau de Kent, un affinement du ventriculogramme peut survenir.
Bloc unidirectionnel antérograde sur le faisceau de Kent
Dans ce cas, la conduction rétrograde est possible. Cette modification des propriétés électrophysiologiques normales de la voie accessoire peut résulter d'une dégénérescence fibreuse au cours des années, ou, comme De La Fuente
en a émis l'hypothèse, d'une anomalie au niveau des connexions du faisceau accessoire, un pont étroit de myocarde s'insérant dans la masse du myocarde auriculaire verrait sa conduction antérograde bloquée alors que la conduction demeure possible dans le sens rétrograde. La mise en évidence des faisceaux de Kent affectés d'une conduction rétrograde unidirectionnelle est réalisée au cours de l'exploration électrophysiologique, notamment par l'étude de la séquence de dépolarisation auriculaire rétrograde en cours de tachycardie réciproque ou lors de la stimulation ventriculaire où peuvent être réunis un certain nombre de critères en faveur de l'utilisation d'un faisceau accessoire comme élément du circuit de réentrée dans de nombreux cas de tachycardie paroxystique.
L'existence de voies accessoires multiples chez un même patient a été bien démontrée par des études anatomiques et par des investigations cliniques ou électrophysiologiques. L'étude de Gallagher
basée sur des corrélations cliniques, électrophysiologiques et anatomiques est particulièrement intéressante ; chez vingt patients opérés pour préexcitation ventriculaire, une double voie accessoire était suspectée sur les données des investigations préopératoires dans cinq cas, et confirmée lors de l'intervention chirurgicale dans chacun de ces cas. L'identification de voies accessoires multiples et le diagnostic de leur localisation représentent un temps essentiel dans l'évaluation d'un patient en vue d'une indication chirurgicale. L'existence de voies accessoires multiples est envisagée aisément lorsque les tracés ECG standard montrent, chez un même patient, des aspects correspondant à des types différents de préexcitation ventriculaire, qui peuvent alterner selon la fréquence cardiaque ; cependant, le plus souvent, le diagnostic de voies accessoires multiples n'est évoqué que lors des investigations électrophysiologiques qui permettent de révéler une deuxième voie accessoire masquée par la première ; ainsi, la stimulation successive de l'oreillette droite et de l'oreillette gauche peut objectiver une préexcitation ventriculaire gauche, inapparente sur les tracés en rythme sinusal où seule la préexcitation ventriculaire droite est visible ; en cours de tachycardie réciproque, spontanée ou provoquée, la cartographie auriculaire peut montrer une prématurité de la dépolarisation rétrograde de l'oreillette gauche alors que les complexes QRS montrent dans le même temps un aspect de préexcitation ventriculaire droite
(fig 22) ; ces données montrent que la voie accessoire droite est utilisée dans le sens antérograde et qu'une voie accessoire gauche existe et est utilisée dans le sens rétrograde ; si la deuxième voie accessoire ainsi mise en évidence peut fonctionner aussi bien en antérograde qu'en rétrograde, un autre type de tachycardie réciproque avec inversion du circuit de réentrée peut être observé. Dans certains cas, lorsque les possibilités de conduction selon la fréquence cardiaque sont différentes, on observe l'un ou l'autre des deux aspects de préexcitation, selon la prématurité du stimulus lors de la stimulation auriculaire prématurée. La stimulation ventriculaire peut également entraîner une séquence de dépolarisation auriculaire rétrograde différente selon que la stimulation est réalisée dans le ventricule droit ou dans le ventricule gauche ; cependant si l'une des deux voies accessoires est située dans le septum, son identification est difficile car la cartographie auriculaire rétrograde est peu différente, dans ce cas, de celle résultant d'une conduction rétrograde par les voies normales. Dans certains cas, une des deux voies accessoires fonctionne uniquement dans le sens rétrograde. Sa mise en évidence est obtenue par l'étude de la séquence de dépolarisation auriculaire rétrograde, en cours de tachycardie ou de stimulation ventriculaire qui montre une localisation de la voie accessoire fonctionnant en rétrograde différent de celle qui fonctionne en antérograde lors du rythme sinusal. La technique de stimulation ventriculaire à faible prématurité (captures auriculaires anticipantes) en cours de tachycardie peut permettre d'obtenir une séquence de dépolarisation auriculaire rétrograde différente de celle observée durant la tachycardie qui objective l'utilisation d'une deuxième voie accessoire : en effet, si le stimulus ventriculaire est délivré immédiatement après l'enregistrement du potentiel hisien, le faisceau de His se trouve en période réfractaire et ne peut conduire un influx dans le sens rétrograde vers les oreillettes ; celui-ci utilise donc une deuxième voie accessoire de siège septal fonctionnant uniquement en rétrograde et dont l'existence, en raison de sa localisation, ne pourrait être affirmée par la simple cartographie.
Le traitement du syndrome de Wolff-Parkinson-White doit être orienté vers deux objectifs : l'interruption des crises tachycardiques et la prévention de leurs récidives.
Interruption des crises tachycardiques
Tachycardie par rythme réciproque
Le principe du traitement réside dans l'interruption du mouvement circulaire qui emprunte dans la majorité des cas le faisceau accessoire et les voies normales ; plus exceptionnellement, le circuit de la tachycardie est purement intranodal ; dans les deux cas, le point d'action de la thérapeutique est le noeud d'Aschoff-Tawara et les moyens sont ceux qui déterminent un effet vagal réflexe, freinant la conduction à son niveau. Le réflexe vagal peut être obtenu, outre par les petits moyens classiques (manoeuvre de Valsalva, réflexe nauséeux...) qui sont parfois efficaces, par les manoeuvres de massage sinocarotidien ou de compression des globes oculaires, la deuxième étant plus constamment efficace si elle est très appuyée mais très désagréablement ressentie alors par le patient. En cas d'échec, à l'utilisation intraveineuse rapide d'ATP (Striadyne
®) très efficace mais susceptible de déclencher une réaction vagale excessive, on peut préférer aujourd'hui l'injection intraveineuse soit des antiarythmiques de classe IC : flécaïnide, propafénone, cibenzoline, soit des inhibiteurs calciques : bépridil, vérapamil, diltiazem. D'autres antiarythmiques notamment l'amiodarone peuvent être également utilisés. Ce n'est qu'en cas d'échec de ces différentes médications, que de façon exceptionnelle, l'arrêt d'une crise tachycardique par rythme réciproque est obtenu par un choc électrique externe. La stimulation auriculaire transveineuse ou transoesophagienne peut aussi être utilisée.
Fibrillation auriculaire
La tolérance de la tachycardie est ici fonction de la fréquence ventriculaire qui est conditionnée par la durée de la période réfractaire antérograde de la voie accessoire ; il faut donc insister sur la contre-indication absolue des digitaliques qui agissent sur le noeud de Tawara mais raccourcissent la période réfractaire antérograde du faisceau de Kent. On utilise donc l'amiodarone en perfusion veineuse (de préférence à l'administration veineuse rapide d'un bolus susceptible d'entraîner un collapsus). Si la fibrillation auriculaire est d'emblée mal tolérée du fait de la réponse ventriculaire très rapide, ou des drogues inefficaces, le recours d'urgence au choc électrique s'impose.
En fonction de la nature et du mécanisme de la tachycardie, de sa gravité liée au caractère récidivant et à sa tolérance hémodynamique, le traitement préventif peut faire appel à différentes méthodes, médicamenteuses, électriques, chirurgicales.
Traitement médicamenteux
Un traitement antiarythmique de long cours en cas de tachycardie réciproque n'est justifié que si les crises tachycardiques sont fréquentes et leur arrêt difficilement obtenu. C'est dire que, pour chaque cas, doivent être mis en balance l'astreinte que représente un traitement continu (et le risque des effets latéraux de la plupart des drogues antiarythmiques) et le bénéfice réel que le patient (notamment lorsqu'il s'agit d'un sujet jeune) tire de la thérapeutique.
Le choix de la drogue se porte de préférence sur les antiarythmiques de classe IC ; l'amiodarone, probablement la plus efficace, n'est pas choisie en première intention en raison des effets secondaires, notamment thyroïdiens, quasi constants au cours des traitements de longue durée ; quant aux bêtabloquants, leur utilisation est réservée aux cas où l'intervention d'un facteur catécholergique dans le déclenchement de la tachycardie a été clairement démontré, en particulier lors des enregistrements Holter ou de l'épreuve d'effort. En pratique, le choix de la drogue antiarythmique est fait de façon empirique ; plus rarement, il peut résulter d'un test thérapeutique comparant le résultat des manoeuvres de déclenchement de la tachycardie avant et quelques jours après l'institution du traitement, lors de deux explorations électrophysiologiques successives.
Traitement chirurgical
Le premier cas de section chirurgicale d'un faisceau de Kent réalisée avec succès a été rapporté en 1968 par Cobb et coll
; le premier cas européen a été rapporté en 1972 par Fontaine, Guiraudon et coll
. Cette intervention a ouvert la voie à la chirurgie des troubles du rythme cardiaque qui a connu un développement extraordinaire au cours des dernières années. Le traitement chirurgical du syndrome de Wolff-Parkinson-White implique le repérage exact de la voie accessoire ou éventuellement des voies multiples, qui est généralement réalisé lors de l'exploration électrophysiologique ; cependant, certaines équipes médicochirurgicales complètent cette étude topographique au cours même de l'intervention par l'établissement d'une cartographie épicardique qui permet la localisation de la première zone ventriculaire activée par la voie accessoire en rythme sinusal et la première zone atriale activée en cours de tachycardie réciproque, lorsque celle-ci peut être déclenchée, ou lors de la stimulation ventriculaire
. La section est réalisée avec ou sans circulation extracorporelle, par une déconnexion atrioventriculaire localisée sur la zone ainsi repérée, soit classiquement au bistouri, soit par la cryocoagulation
; plus récemment, la section par laser a été utilisée avec succès.
En réalité, le traitement chirurgical des préexcitations est pratiquement abandonné depuis l'avènement de l'ablation par radiofréquence.
Faisant initialement appel au choc électrique endocavitaire de haute énergie à la suite de l'application de cette technique au faisceau de His, l'ablation par cathéter des voies accessoires utilise actuellement les courants de radiofréquence
. L'efficacité de la méthode dans toutes les localisations est supérieure à 90 % pour la plupart des équipes entraînées. La simplicité de la méthode qui ne nécessite pas d'anesthésie générale, et le faible taux de complications ont favorisé sa diffusion et l'élargissement des indications. Les seules véritables complications sont représentées par les accidents thromboemboliques, surtout pour les ablations au niveau de l'anneau mitral, qui nécessitent un traitement anticoagulant soigneux. Actuellement, cette technique s'adresse de façon formelle aux préexcitations compliquées de fibrillation auriculaire ; de façon large, aux cas compliqués de tachycardie réciproque, dont on sait qu'ils exposent davantage aux accidents de fibrillation auriculaire ; quant à son application aux cas de Wolff-Parkinson-White asymptomatiques, elle reste discutée. Sont candidats à l'ablation les patients exerçant une activité à risque (sportifs, professions exposées...) et notamment si l'exploration électrophysiologique met en évidence une vulnérabilité auriculaire.
Haut de page
Les voies accessoires dont la conduction est lente et décrémentielle sont classiquement attribuées à des fibres de Mahaim. Ces fibres ont dans leur description initiale une origine nodale ou fasciculaire et leur insertion distale se fait soit dans le myocarde ventriculaire droit, soit le système de conduction de branche droite.
Il est maintenant établi que les voies accessoires à propriété de conduction décrémentielle sont dans une minorité de cas (un sur dix) liées à des fibres de Mahaim classiques et dans leur grande majorité (neuf sur dix) à des faisceaux auriculoventriculaires qui soit franchissent simplement l'anneau tricuspidien, soit parfois se prolongent jusqu'à 3 ou 4 cm et s'insèrent sur la face antérieure du ventricule droit. Ces voies accessoires à conduction décrémentielle constituent 2 % des syndromes de préexcitation.
L'expression clinique privilégiée de ces voies accessoires est une tachycardie antidromique prenant un aspect de bloc de branche gauche et le plus souvent d'axe gauche. Assez caractéristiques sont la transition des QRS observés au-delà de V4 et une onde R initiale et fine dans les dérivations de V1 à V3
(fig 25).
Le diagnostic électrophysiologique de ces voies est par définition établi sur l'observation d'un temps de conduction auriculoventriculaire long à travers la voie accessoire et s'allongeant davantage au cours d'une stimulation auriculaire. La plupart de ces patients ont un QRS fin sur l'ECG ou plus rarement une onde delta de préexcitation. La stimulation auriculaire fait apparaître progressivement un aspect de préexcitation chez les patients qui en étaient dépourvus ; l'activité hisienne s'insère peu à peu dans le ventriculogramme, tandis qu'apparaît la préexcitation. A l'inverse des voies accessoires classiques, le temps de conduction auriculoventriculaire s'allonge progressivement avec le raccourcissement du cycle de stimulation. Ces voies accessoires se jetant dans le ventricule droit, l'apparition de la préexcitation s'associe à l'inversion de la séquence d'activation His-branche droite par rapport à l'activation à travers la voie physiologique. En cours de tachycardie antidromique, l'influx utilise la voie accessoire dans le sens antérograde et usuellement la voie nodohisienne dans le sens rétrograde, mais parfois existe une deuxième voie accessoire utilisée pour le retour de l'influx. Enfin, il a été décrit de façon exceptionnelle des tachycardies dont le circuit active le ventricule à travers la voie nodohisienne et remonte par la voie accessoire à propriété décrémentielle.
La distinction entre une voie accessoire d'insertion nodale (vrai Mahaim) ou auriculaire peut se faire de diverses façons ; l'intervalle entre un stimulus auriculaire et l'onde de préexcitation étant minimal dans un site proche de l'insertion de la voie accessoire, un délai minimal observé par stimulation du septum moyen indique une insertion nodale tandis qu'un délai minimal obtenu par stimulation de la partie antérolatérale de l'anneau tricuspidien indique une voie de siège atriale. Plus formelle est l'application en cours de tachycardie antidromique d'un stimulus auriculaire au moment où le système nodohisien est activé ; l'anticipation du ventriculogramme suivant exprime en effet une voie extranodale et donc le siège auriculaire de la voie accessoire
.
La plupart des voies accessoires à conduction décrémentielle étant des faisceaux anatomiquement longs, une ablation peut être réalisée à l'insertion proximale ou distale ou tout au long du faisceau dont l'activité électrique endocardique se traduit par un potentiel fin et rapide.
Haut de page
Le syndrome du PR court, caractérisé par un intervalle PR inférieur à 0,12 s, et un QRS de morphologie normale en rythme sinusal est observé avec une fréquence variant de 2 à 4 % de la population selon les séries ; cette prévalence concerne en réalité la population adulte et il faut rappeler que chez le jeune les valeurs limites inférieures à la normale sont : 80 ms de la naissance à 3 ans, 100 ms de 6 à 16 ans, et 120 ms au-delà de 16 ans. Le syndrome du PR court est une entité ECG répondant à diverses hypothèses physiopathologiques que l'exploration électrophysiologique ne parvient pas toujours à démontrer. Cependant, lorsque le AH est court et que la stimulation auriculaire entraîne une réponse ventriculaire 1/1 jusqu'à une fréquence de 200/min ou plus avec un allongement minime de AH, une conduction nodale accélérée peut être considérée comme démontrée. Dans d'autres cas, toutefois, la réponse nodale peut être normale, avec un allongement progressif de AH, avec l'augmentation de la fréquence de stimulation auriculaire jusqu'à l'apparition de phénomène de Wenckebach pour une fréquence inférieure à 160/min.
De façon exceptionnelle, l'espace AH demeure constant lors de la stimulation auriculaire à fréquence croissante jusqu'au blocage de la conduction ; c'est dans de tels cas qu'un court-circuit de noeud de Tawara par des fibres atriohisiennes peut être évoqué. Le syndrome de Lown, Ganong et Levine est caractérisé par l'association du PR court, d'un QRS normal et de crises de tachycardie qui peuvent revêtir différents aspects : les tachycardies paroxystiques supraventriculaires par rythme réciproque sont les plus fréquentes (6 à 12 cas rapportés par Benditt, 14 à 21 cas rapportés par Ward) ; le circuit de réentrée peut utiliser un faisceau de Kent ou être localisé dans le noeud de Tawara, mais la dualité de conduction dans le noeud de Tawara est habituelle. Dans le premier cas, la voie antérograde est le plus souvent la voie nodale rapide et la voie rétrograde utilise un faisceau de Kent à conduction rétrograde unidirectionnelle (Kent " caché ") ; la tachycardie est rapide, à 200 ou plus par minute, avec un intervalle A'H court et un rapport RP'/RR long ; la cartographie auriculaire réalisée en cours de tachycardie indique une dépolarisation auriculaire rétrograde débutant à distance de l'axe nodohisien ; un bloc de branche situé du même côté que le faisceau accessoire allonge le cycle de la tachycardie. Dans des cas plus rares, c'est la voie lente qui est utilisée dans le sens antérograde et le faisceau de Kent dans le sens rétrograde : la fréquence de la tachycardie est alors plus lente, l'espace A'H est long et le rapport RP'/RR est court. Lorsque la réentrée est purement intranodale, c'est la voie lente qui est utilisée en antérograde et la voie rapide en rétrograde ; la longueur du cycle de la tachycardie est variable selon la vitesse de conduction sur la voie nodale lente mais l'intervalle A'H est long et le rapport RP'/RR est court. La persistance de la tachycardie alors même qu'une dissociation auriculoventriculaire peut être entraînée par la stimulation auriculaire indique bien que l'oreillette, dans de tels cas, ne fait pas partie du circuit de réentrée, ce fait excluant l'hypothèse d'un court-circuit atrionodal ou atriohisien et démontrant le siège purement intranodal de la réentrée.
Le flutter ou la fibrillation auriculaire sont plus rares et entraînent généralement une réponse ventriculaire de haute fréquence, atteignant parfois 250 à 300/min, avec des QRS fins ou larges du fait d'une aberration, peu influencée par les drogues à effet vagal.
La tachycardie ventriculaire spontanée est également rare mais peut être déclenchée lors de l'exploration électrophysiologique par un extrastimulus auriculaire ou par stimulation auriculaire rapide ; quelques observations de fibrillation ventriculaire ont été rapportées, débutant par une fibrillation auriculaire avec fréquence ventriculaire particulièrement rapide.