Les diurétiques en cardiologie









J.P. Maurat: Professeur - Faculté de Médecine
CHU Saint-Jacques, Besançon 25030 France
O. Becque: Ancien chef de travaux - Faculté de Médecine
CHU Saint-Jacques, Besançon 25030 France
11-905-A-10 (1991)



Résumé

Le but de la thérapeutique diurétique en cardiologie est d'accroître l'élimination du sodium et de son eau d'accompagnement afin de lutter contre l'expansion du volume des liquides extracellulaires, conséquence de l'insuffisance cardiaque cliniquement traduite par des oedèmes. De plus, l'utilisation des diurétiques, afin d'augmenter la perte sodée, reste un traitement classique de l'hypertension artérielle.
Essentiellement inhibiteurs de la réabsorption du sodium par l'épithélium tubulaire rénal, ils sont désignés sous le nom de natriurétiques ou encore de salidiurétiques, le sodium étant éliminé sous forme de sels et surtout de chlorures. Leur intervention ne concerne pas seulement le sodium, mais aussi les autres composants de l'urine primitive. A cet égard, leur effet sur la réabsorption tubulaire du potassium permet de distinguer deux classes : les diurétiques kaliopéniants qui regroupent le plus grand nombre et les épargneurs de potassium. Un rappel sur la régulation de l'élimination urinaire des électrolytes facilitera la compréhension du mode d'action de ces médicaments.

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Plan

Régulation de l'élimination urinaire du NaCl du potassium et de l'eau
Présentation analytique des diurétiques
Complications du traitement diurétique
Indications

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Après avoir été filtré par le glomérule, le sodium suivi de l'eau est réabsorbé dans le tube proximal, en proportion telle que le liquide intratubulaire reste de même osmolalité que le plasma. Approximativement 65 % de NaCl et de l'eau filtrés sont ainsi réabsorbés. Le mécanisme de cette réabsorption fait encore l'objet de discussion. On admet qu'interviennent des transports actifs de sodium consommateurs d'énergie, créant les conditions d'une diffusion passive secondaire. Cette portion de tube rénal est peu sensible à l'action des diurétiques habituellement utilisés.
Dans le segment ascendant large de l'anse de Henle représentant la partie initiale du tube contourné distal, le sodium et le chlore sont réabsorbés sans réabsorption d'eau, ainsi le liquide endoluminal se dilue progressivement. Ce phénomène entraîne une augmentation de l'osmolalité des liquides interstitiels qui va en croissant de la corticale vers la médullaire du rein. Ainsi, est créé un gradient de concentration cortico-papillaire qui est maintenu grâce aux mécanismes de multiplication par contre-courant assurés par les capillaires péritubulaires disposés parallèlement aux anses urinaires. Le phénomène actif de transport transépithélial concernerait surtout le chlore. Le sodium serait réabsorbé passivement suivant le gradient électrochimique créé par l'absorption chlorée. Environ 25 % du NaCl filtré est ainsi réabsorbé. Le résultat est une dilution progressive du liquide intratubulaire qui atteint son maximum dans la partie initiale du tube contourné distal.
Dans le segment suivant du tube contourné distal et dans la partie corticale du tube collecteur, le sodium est réabsorbé activement contre un gradient de concentration transépithélial et grâce à un transport actif localisé au pôle basal des cellules épithéliales et couplé à une sécrétion d'ions H+ et K+, sous la dépendance de l'aldostérone. Celle-ci augmenterait la perméabilité au sodium du pôle luminal des cellules tubulaires et stimulerait l'activité ATPasique du pôle basal. La proportion de sodium filtré réabsorbé à ce niveau serait de 8 à 12 % et peut représenter la presque totalité du Na+ restant dans le tubule.
Le canal collecteur est la zone de réabsorption hydrique facultative. La perméabilité à l'eau de son épithélium dépend de l'hormone antidiurétique (ADH). En hydropénie, la présence d'ADH assure la réabsorption transtubulaire de l'eau qui diffuse vers l'interstitium rénal selon le gradient osmotique cortico-papillaire. En surcharge hydrique l'ADH n'est plus sécrétée, l'épithélium tubulaire devient donc imperméable à l'eau. La clairance de l'eau libre est positive et les urines sont diluées.

Environ 50 à 60 % du potassium filtré est réabsorbé dans le tube proximal. Dans la partie large de la branche ascendante de l'anse de Henle, la réabsorption potassique est presque totale, s'effectuant comme celle du sodium suivant le gradient électrochimique créé par la réabsorption active du chlore. Dans la partie terminale du tube contourné distal et dans le segment cortical du tube collecteur, apparaît une sécrétion qui va constituer les trois quarts ou plus du potassium de l'urine définitive. Elle est déclenchée par la réabsorption sodée comme on l'a vu ci-dessus. Le Na+ intraluminal pénètre d'abord dans la cellule tubulaire suivant son gradient, puis est pompé vers l'espace péritubulaire par la pompe Na+-K+-ATPase, cependant que la cellule s'enrichit en K+. Une partie de ce dernier passe dans la lumière tubulaire suivant le gradient électrochimique créé par la réabsorption sodée qui, dans ce segment tubulaire, se ferait presque sans réabsorption chlorée, c'est-à-dire sans réabsorption de charge négative. Trois Na+ gagneraient ainsi les cellules puis l'espace extra-tubulaire en échange de deux K+. C'est à ce niveau qu'intervient l'aldostérone, en ouvrant les canaux sodiques, en stimulant l'activité de la Na-K-ATPase, en augmentant la perméabilité au potassium de la membrane des cellules tubulaires et en diminuant celle du chlore.
Dans le segment cortical du tube collecteur, le potassium serait sécrété de façon active parallèlement à la réabsorption active du sodium sans cependant que l'on puisse mettre en évidence un couplage fixe ion par ion entre les deux phénomènes.

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Les diurétiques seront présentés suivant une classification reposant sur leur lieu d'action :

- diurétiques " de l'anse " dont la zone d'action principale est la branche ascendante de l'anse de Henle ;
- diurétiques thiazidiques et apparentés qui agissent au niveau du segment proximal du tube distal.
Les diurétiques des deux groupes précédents augmentent la kaliurèse :
- diurétiques agissant au niveau du segment distal du tube distal ; ce sont les épargneurs de potassium :
- mention sera faite ensuite de substances non diurétiques vraies mais ayant un effet natriurétique, ainsi que des diurétiques à indications très particulières ne rentrant pas dans les catégories sus-citées.



Furosémide (Lasilix®)
C'est un dérivé sulfamidé (acide chloro-4-furfurylamino-2-sulfamoyl-5-benzoïque) facilement absorbé par voie digestive. Sous forme de sel très hydrosoluble, il est injectable par voie parentérale.


Délai et durée d'action
Le délai d'action après ingestion est d'environ 1 heure, avec une demi-vie de 90 minutes et une durée d'action de 6 heures environ. Après injection intraveineuse, le délai d'action est de quelques minutes, avec une demi-vie inférieure à 1 heure et une durée d'action de 3 à 4 heures. Le furosémide n'est que peu métabolisé. Il est rapidement éliminé sous forme active dans les urines. Fortement lié aux protéines plasmatiques, il est peu filtré, mais est sécrété par le tube proximal. Son pouvoir diurétique est proportionnel à sa concentration dans le tube rénal et donc en pratique aux doses administrées, avec possibilité de variations de doses considérables. La faible toxicité du furosémide permet de l'utiliser chez des insuffisants rénaux. Une augmentation des doses est alors nécessaire pour maintenir son efficacité à condition qu'il n'existe pas une déplétion sodée préexistante. Mais l'insuffisance rénale augmente la demi-vie plasmatique du diurétique qui risque de s'accumuler, surtout s'il existe une insuffisance hépatique associée.
D'autre part, en cas d'insuffisance rénale avec acidose, la sécrétion tubulaire du diurétique entre en compétition avec celle des acides organiques endogènes et son activité s'en trouve réduite.

Effets sur l'excrétion des électrolytiques et de l'eau. Mécanisme d'action
Aux doses thérapeutiques habituelles, l'action du furosémide porte surtout sur le segment large de la branche ascendante de l'anse de Henle où il freine la réabsorption du chlore et secondairement celle du sodium ainsi que celles du potassium, du calcium et du magnésium.
L'inhibition de la réabsorption sodée réduit le gradient osmotique, cortico-médullaire, ce qui entrave le processus de concentration et de dilution des urines. Cet effet se poursuivrait sur le segment cortical de dilution du tube contourné distal. Les urines définitives tendent ainsi à devenir isotoniques au plasma. En charge hydrique, la clairance positive de l'eau libre est diminuée parallèlement à l'élévation de l'osmolalité urinaire. En hydropénie, la clairance de l'eau libre ne diminue pas ou peu, ce qui traduit une réduction de la réabsorption d'eau libre. Ce phénomène serait en partie dû à un effet anti-ADH du furosémide au niveau du tube collecteur. En faveur de cette hypothèse on retient aussi l'obtention d'urine hypotonique en cas de diurèse osmotique.
La chlorurèse est légèrement supérieure à la natriurèse. La kaliurèse est élevée mais proportionnellement moins que la natriurèse. Elle résulte de plusieurs phénomènes : l'inhibition de la réabsorption du potassium dans le segment large de la branche ascendante de l'anse de Henle, la sécrétion du potassium sous l'effet de l'hyperaldostéronisme déclenché par les pertes sodées et l'accroissement des échanges Na+-K+ au niveau du tube distal. En effet, l'arrivée d'une grande quantité d'ions sodium dans la lumière du segment terminal du tube distal déclenche une augmentation de la réabsorption sodée qui s'accompagne, en échange, d'une perte potassique dans les urines. Ce phénomène s'étend au segment cortical du tube collecteur. Un fort débit urinaire est un facteur aggravant la kaliurèse.
Parallèlement, l'élimination de protons augmente, avec habituellement acidification des urines. Le furosémide augmente l'excrétion urinaire du calcium. Cet effet est indépendant des parathyroïdes car on l'observe chez l'animal parathyroïdectomisé. Il est utilisé dans le traitement des hypercalcémies sévères. La magnésurie est très augmentée, proportionnellement plus que la natriurie. On explique ce fait par la réabsorption dans le tube distal et le tube collecteur d'une partie du sodium retenu dans la lumière de la branche ascendante de l'anse de Henle, tandis que le calcium et le magnésium retenus ne sont pas réabsorbés. Le traitement par le furosémide impose donc une surveillance particulière de la magnésémie comme de la kaliémie. Le furosémide augmente aussi l'élimination rénale des phosphates inorganiques, du moins si la volémie est normale.
Le mécanisme d'action du furosémide à l'échelle cellulaire est mal connu. Il passerait par l'inhibition d'un cotransporteur membranaire Na+-K+-2Cl-.

Effets circulatoires
Le furosémide augmente le flux plasmatique rénal et la filtration glomérulaire. Ce phénomène apparaît nettement au début d'une diurèse aiguë provoquée par l'injection intraveineuse du diurétique. Il est ensuite limité par l'hypovolémie induite. En outre, la perfusion intrarénale est modifiée, favorisant la corticale rénale, siège des néphrons à anse courte et faible réabsorption sodée, aux dépens de la médullaire, siège des néphrons à anse longue où la réabsorption chlorurée sodée est maximale.
La vasodilatation serait secondaire à une libération par le rein de prostaglandines PGE2 dont le furosémide augmente la synthèse et inhibe le catabolisme. L'effet vasodilatateur est général et très précoce, précédant l'augmentation de la diurèse. Il est particulièrement net sur la circulation veineuse de retour entraînant une diminution de la pression capillaire pulmonaire et par suite de la précharge du ventricule gauche. Ces propriétés font du furosémide un traitement de choix de l'oedème aigu du poumon.

Effets néfastes du furosémide

- Déshydratation extracellulaire. La grande efficacité du traitement par le furosémide l'expose plus que les autres diurétiques à se compliquer d'hypovolémie et de déshydratation extracellulaire d'apparition rapide ; celles-ci seront étudiées plus loin dans un chapitre commun aux complications des diurétiques.
- Alcalose hypochlorémique et hypokaliémie sont aussi la rançon du puissant effet diurétique du furosémide. Le furosémide stimule l'élimination des ions H+ dont témoigne l'augmentation de l'acidité titrable et de l'ammoniaque urinaires. L'élimination des bicarbonates est en revanche très faible. Un traitement prolongé à posologie élevée par le furosémide expose donc particulièrement à l'alcalose métabolique qui peut être aggravée par l'augmentation de concentration des bicarbonates due à l'hypovolémie. L'alcalose hypochlorémique et hypokaliémique ne diminue pas l'efficacité du diurétique si bien qu'elle peut se pérenniser si on continue le traitement.
- L'hyperuricémie, particulièrement à craindre avec un diurétique puissant, sera étudiée plus loin. En revanche, en administration aiguë, le furosémide augmente l'excrétion rénale de l'acide urique.
- Diminution de la tolérance au glucose. Le furosémide est classiquement moins " diabétogène " que les diurétiques thiazidiques.
- Des troubles digestifs, nausées, douleurs abdominales, peuvent compliquer des traitements par le furosémide à haute dose.
- D'exceptionnelles complications cutanées et hématologiques (leucopénie, thrombopénie) ont été rapportées.
- A très hautes doses répétées, le furosémide peut entraîner une atteinte cochléaire avec surdité définitive. Cet accident exceptionnel, surtout observé chez des insuffisants rénaux, est à craindre en cas d'administration simultanée de substances toxiques pour l'oreille (antibiotiques surtout), dont la concentration plasmatique est augmentée par l'hypovolémie créée par les fortes diurèses.
Acide étacrynique (Edécrine®)
C'est un dérivé cétonique non saturé de l'acide aryloxyacétique. Quoique de composition chimique entièrement différente de celle du furosémide, son mode d'action en est très proche. Ce composé vient d'être retiré du commerce.
Bumétanide (Burinex®)
C'est un dérivé métanidamide (acide N-butylamino-3-N-butyl-sulfamoyl-5-phénoxy-4-benzoïque). Son site d'action, ses caractéristiques pharmacodynamiques et pharmacocinétiques sont proches de ceux du furosémide. Quelques particularités l'en distinguent : sa puissance diurétique chlorurée sodique, qui est très supérieure à celle du furosémide à doses pondérales équivalentes ; son effet kaliurétique serait en revanche moindre ; son affinité pour le tissu rénal est plus grande que celle du furosémide. Elle correspond à sa capacité à atteindre son site d'action non seulement par sécrétion tubulaire, comme les autres diurétiques de l'anse, mais également par voie vasculaire. Une demi-vie très courte protège contre l'accumulation plasmatique. On retrouve les effets hémodynamiques rénaux et généraux décrits pour le furosémide. Il conserve également son efficacité chez les insuffisants rénaux au prix, comme pour le furosémide, d'une augmentation des doses. Les effets indésirables sont les mêmes qu'avec le furosémide. L'ototoxicité serait encore plus rare. Les diurétiques thiazidiques sont des dérivés du benzothiazide (benzène disulfamide). Le plus anciennement connu est le chlorothiazide (Diurilix® retiré du commerce). C'est à partir de son dérivé hydrogéné, l'hydrochlorothiazide, qu'ont été synthétisés les thiazides diurétiques commercialisés actuellement. En modifiant l'anneau hétérocyclique des benzothiazides, ont été ensuite obtenus les autres diurétiques qui leur sont apparentés par leurs effets rénaux (tableau I). La similitude des effets de ces différents diurétiques permet une étude commune.
Délai et durée d'action
Le délai d'action des thiazides diurétiques, fonction de leur absorption digestive, est d'une à deux heures. Leur durée d'action, en règle plus longue que celle des diurétiques de l'anse, varie entre 6 et 24 heures. Deux diurétiques ont un effet de 48 à 72 heures : la chlortalidone et la chlorexolone.
Effet sur l'excrétion des électrolytes et de l'eau. Mécanisme d'action
La principale action des thiazides est l'inhibition de la réabsorption du sodium au niveau du segment cortical du tube distal qui prolonge la branche ascendante du tube de Henle. Ils suppriment la capacité de dilution de ce segment tubulaire, relativement imperméable à l'eau. La clairance de l'eau libre est ainsi diminuée chez le sujet en surcharge hydrique. Ils n'agiraient pas sur la réabsorption du sodium au niveau du segment large de la branche ascendante de l'anse de Henle. Le gradient osmotique corticomédullaire est maintenu, ainsi que la réabsorption d'eau libre par le canal collecteur chez le sujet en hydropénie. Ils n'agissent pas non plus sur le segment terminal du tube contourné distal ni sur le segment cortical du tube collecteur. L'existence d'un effet des thiazides sur le tube proximal a été discutée. Ils ont, à ce niveau, un discret pouvoir inhibiteur sur l'anhydrase carbonique, mais il est insuffisant pour avoir un effet diurétique appréciable. Au maximum de l'effet diurétique, la fraction de sodium filtré qui est excrété ne dépasse pas 7 à 10 %. L'augmentation de l'excrétion chlorée est proportionnelle à la natriurèse. La kaliurèse est augmentée mais proportionnellement moins que par les diurétiques de l'anse. On retrouve, comme avec ces derniers, la responsabilité de l'hyperaldostéronisme déclenché par les pertes sodées et l'accroissement des échanges Na+-K+-H+ au niveau du segment terminal du tube distal. En administration aiguë, les thiazides augmentent l'excrétion urinaire des phosphates et du calcium. En administration prolongée, ils diminuent l'excrétion rénale du calcium. Cet effet, particulièrement net chez les sujets dont la calciurie est anormalement élevée, a été utilisé dans le traitement des lithiases rénales avec hypercalciurie. Il s'accompagnerait d'une réduction de l'élimination urinaire des citrates et, dans certains cas, des phosphates inorganiques. Ces effets opposés sur la calciurie et la phosphaturie rappellent l'action rénale de l'hormone parathyroïdienne, si bien qu'on a été amené à évoquer, sans qu'une certitude soit établie, soit une action directe des thiazides sur le squelette, analogue aux effets de l'hormone parathyroïdienne, soit une stimulation de la sécrétion parathyroïdienne, soit enfin une potentialisation des effets rénaux et osseux de l'hormone par les diurétiques : ils agiraient au niveau de l'AMP cyclique dont ils empêcheraient l'inactivation en bloquant les phosphodiestérases. L'excrétion rénale du magnésium est toujours augmentée par les diurétiques thiazides. Si le traitement est prolongé, il faudra donc toujours rechercher une hypomagnésémie, au même titre qu'une hypokaliémie. Le mécanisme cellulaire de l'inhibition de la réabsorption tubulaire du sodium par les thiazides est mal connu. On sait seulement que la consommation d'oxygène par le tissu rénal est déprimée parallèlement à la diminution de la réabsorption sodée. Il est vraisemblable que les thiazides interviennent en inhibant les transports actifs du sodium, par blocage du système enzymatique ATPase de la cellule tubulaire.
Effets circulatoires
Les thiazidiques, contrairement aux diurétiques de l'anse, tendent à diminuer la filtration glomérulaire et à augmenter la résistance vasculaire rénale. Cet effet, négligeable avec une posologie habituelle et s'il n'y a pas d'hypovolémie associée, s'extériorise nettement à hautes doses. On a évoqué un effet constricteur sur les artérioles afférentes glomérulaires. Les thiazidiques sont contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale, même modérée, qu'ils peuvent aggraver. Un effet direct sur l'hémodynamique rénale a été soupçonné pour expliquer le paradoxal effet antidiurétique des thiazidiques au cours du diabète insipide. Ils agissent aussi bien dans le diabète insipide vrai que dans le diabète insipide " néphrogène " où la vasopressine est inefficace. Considéré d'abord comme la conséquence de la perte sodée et de l'hypovolémie entraînant une diminution de la filtration glomérulaire, qui elle-même favorise le processus de concentration urinaire, ce phénomène est maintenant regardé comme la traduction d'une action rénale directe des thiazides. La première hypothèse a en effet contre elle l'absence de parallélisme entre l'effet antidiurétique et la négativation du bilan sodé, ce dernier se positivant à la longue, alors que le premier persiste.
Effets néfastes des diurétiques thiazidiques
- Déshydratation extracellulaire : complication commune à toute cure diurétique massive et prolongée, elle sera étudiée plus loin, ainsi que l'hypo-osmolarité plasmatique par excès de perte sodée sur l'élimination hydrique.
- Alcalose hypochlorémique et hypokaliémie : l'importante perte acide et chlorée et, à l'opposé, la très faible élimination urinaire de bicarbonates dont la réabsorption est accrue, sont à l'origine de l'alcalose métabolique hypochlorémique observée lors des traitements continus et prolongés par les diurétiques thiazidiques. Deux facteurs peuvent aggraver l'alcalose : d'une part, l'hypovolémie qui augmente la concentration plasmatique des bicarbonates, d'autre part les pertes de potassium qui déterminent une rentrée intracellulaire d'ions H+ aux dépens des liquides extracellulaires et un déplacement en sens inverse des bicarbonates.
- L'hyperuricémie, que l'on peut rencontrer avec toutes les cures diurétiques efficaces, sera étudiée plus loin.
- Diminution de la tolérance au glucose. Les thiazidiques diminuent la tolérance en glucose par un mécanisme complexe dans lequel interviendrait l'hypokaliémie. En règle, l'éventuelle augmentation de la glycémie à jeun est réversible, mais l'aggravation d'un diabète connu ou l'extériorisation d'un diabète latent peuvent être observées lors de cures prolongées par les diurétiques thiazidiques. Cet effet serait plus marqué avec le clopamide et le chorexolone. Il serait dû à une stimulation de la glycogénolyse hépatique et musculaire.
- Des manifestations d'hypersensibilité ont été signalées comme avec tous les sulfamides : rashs cutanés, photosensibilisation, troubles hématologiques (hypo- ou agranulocytose, thrombopénie, anémie hémolytique).
- Enfin, d'exceptionnelles pancréatites aiguës hémorragiques et des atrophies pancréatiques aiguës ainsi que des cholostases ont été signalées.

Quelques cas de myopie passagère ou d'aggravation d'une myopie préexistante ont été rapportés. La relation liant ces troubles de la vision et le traitement par les thiazides n'a pas été clairement établie.


Chlortalidone (Hygroton®)
Dérivé sulfamidé non thiazidique, tout ce qui vient d'être dit sur les thiazidiques lui est applicable. Il se distingue seulement par ses longues demi-vie d'élimination (50 h) et durée d'action (72 h).

Indapamide (Fludex®)
Dérivé chlorosulfamidé non thiazidique, à noyau indol, il est utilisé comme antihypertenseur. Il a une action directe sur la contractilité des fibres musculaires lisses et aussi, aux doses usuelles (2,5 mg/j), un effet diurétique rapide (2 h), mais de faible amplitude et de courte durée (6 h). La diurèse est essentiellement chlorurée sodique, l'élimination potassique est moindre. A doses élevées, un effet diurétique plus important se manifeste tandis que l'action hypertensive n'est pas modifiée. L'utilisation de l'indapamide nécessite les mêmes précautions de surveillance que celles des thiazides.

Acide tiénilique (Diflurex®)
Diurétique non sulfamidé, dérivé de l'acide phénoxyacétique, son originalité réside dans son pouvoir uricosurique.

Délai et durée d'action
Par voie orale, l'effet se fait sentir une heure environ après l'administration ; le maximum d'action est atteint entre la troisième et la cinquième heure, mais l'effet diurétique persiste jusqu'à la dixième heure.

Action sur l'excrétion de l'eau et des électrolytes
Le site d'action serait commun à celui des thiazides dans le segment de dilution du tube contourné distal. Dans des conditions de diurèse hydrique, après une dose initiale de 500 mg, on constate une élévation importante de l'osmolalité urinaire (approximativement doublée), constituée essentiellement par l'augmentation de la natriurie. L'excrétion potassique est de même importance qu'avec les autres salidiurétiques.

Action uricosurique
Après administration orale, l'uricurie triple en une douzaine d'heures environ et cet effet persiste 15 heures. L'uricurie quotidienne est augmentée de 80 % environ ; parallèlement, l'uricémie subit un abaissement très net. Cette action semble due à un accroissement très important de la clairance de l'acide urique (en moyenne multipliée par 5) par inhibition de sa réabsorption proximale. Il n'agit pas par inhibition de la xanthine oxydase. Cet effet très important persiste même en cas d'insuffisance rénale. La durée et l'importance de l'uricosurie sont proportionnelles à la dose initialement administrée. Il n'a jamais été signalé de manifestations cliniques de lithiase urique. Cette propriété justifie cependant l'apport de boissons alcalines chez des sujets ayant une uricémie supérieure à 90 mg/l. Cet effet mérite d'être signalé quand on connaît les propriétés hyperuricémiantes de la plupart des diurétiques et confère à l'acide tiénilique une place de choix dans le traitement diurétique des sujets porteurs d'une diathèse urique et, de manière générale, chez tous les malades prédisposés à cette pathologie.

Effets secondaires
L'acide tiénilique expose aux mêmes complications hydro-électrolytiques que les autres salidiurétiques. Des atteintes hépatiques, le plus souvent bénignes, ont été rapportées, avec cependant des cas exceptionnels d'hépatite aiguë. Il potentialise les antivitamines K et une surveillance régulière de la coagulation est nécessaire.

Xipamide (Lumitens®)
C'est un dérivé salicylé : N-(diméthyl 2-6 phényl) sulfamido-5 chloro-4 salicylamide).
Diurétique de commercialisation récente, il se distingue des précédents diurétiques par son site d'action étendu : branche ascendante de l'anse de Henle et segment du tube distal qui lui fait suite (zone de dilution). Il agirait également au niveau du tube proximal. Son absorption digestive est rapide avec un délai d'action de 1 à 2 h, une demi-vie plasmatique de 7 h, une durée d'action d'environ 12 h. Il privilégie l'inhibition de la réabsorption chlorée. Ses activités diurétiques et natriurétiques se rapprochent de celles du furosémide, mais sont plus étalées dans le temps. La kaliurèse est moindre. Son indication thérapeutique essentielle est l'hypertension artérielle.

Ils se classent en deux groupes : les diurétiques stéroïdiens, antagonistes spécifiques de l'aldostérone, et les diurétiques non stéroïdiens qui agissent au site d'action de l'aldostérone, non comme antagonistes directs de celle-ci, mais en inhibant les transferts actifs au niveau des cellules tubulaires distales. Ils prennent tout leur intérêt en association avec les diurétiques étudiés ci-dessus dont ils combattent l'effet kaliopéniant.

Antagonistes spécifiques de l'aldostérone (fig. 3)
C'est le groupe des spirolactones, dérivés stéroïdiens dont la structure chimique est très proche de celle de l'aldostérone : spironolactone (Aldactone®), utilisé par voie orale, canrénone (Phanurane®), utilisé par voie orale, canrénoate de potassium (Soludactone®), utilisé par voie intraveineuse.


Délai et durée d'action
La spironolactone et la canrénone sont rapidement et presque entièrement absorbées par le tractus digestif. La concentration plasmatique maximale est observée à la troisième heure. Les spironolactones sont fortement liées aux protéines. Après administration orale, la spironolactone est rapidement transformée dans le foie en son métabolite, la canrénone, qui, en équilibre réversible avec sa forme ouverte, le canrénoate, va être elle-même métabolisée. Les métabolites sont éliminés sous formes libres et conjuguées dans les urines et les fèces. La demi-vie d'élimination de la canrénone est d'environ 18 heures. Elle s'élève chez les sujets âgés (à peu près le double des sujets jeunes), chez les insuffisants cardiaques et surtout chez les insuffisants hépatiques (cirrhose, hépatite chronique).
L'effet diurétique maximal s'obtient au bout de 48 h et se prolonge pendant au moins la même durée. Le canrénoate de potassium, injecté par voie veineuse, atteint son effet diurétique maximal en 2 h. Sa demi-vie est brève (1 h).

Effet diurétique et mécanisme d'action
Les spironolactones entrent en compétition avec l'aldostérone au niveau des cellules terminales du tube distal et du segment cortical du tube collecteur. Leur efficacité natriurétique est fonction de la quantité d'aldostérone sécrétée et inhibée. Elle est donc très faible en cas de surcharge sodée et atteint son plein effet en cas d'hyperaldostéronisme. L'action antikaliurétique est soumise parallèlement aux mêmes facteurs.
Au total, on observe une augmentation modérée de l'excrétion du sodium n'atteignant que 2 à 3 % du sodium filtré et une diminution de l'élimination des ions K+, H+ et Mg++. L'élimination des bicarbonates augmente tandis que l'ammoniurie et l'acidité titrable diminuent, les urines deviennent alcalines.
Le traitement par les antagonistes spécifiques de l'aldostérone stimule la sécrétion d'aldostérone endogène. Si le traitement est prolongé, cette production d'aldostérone peut atteindre un niveau tel qu'il contrarie les effets diurétiques de la spirolactone.
A l'échelon cellulaire, les spironolactones inhibent de façon compétitive la liaison de l'aldostérone à son récepteur cytosolique et bloquent ainsi la synthèse de l'ARN messager.

Effets extra-rénaux
L'effet d'épargne potassique des spirolactones est à l'origine d'une action inotrope positive complémentaire de celle des digitaliques dont ils diminuent la toxicité. On attribue également à son action sur l'équilibre ionique de la cellule myocardique l'effet anti-arythmique du canrénoate de potassium (IV) qui a fait préconiser son utilisation à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde en prévention des troubles du rythme.
Les spirolactones sont des inducteurs enzymatiques hépatiques.

Diurétiques épargneurs de potassium, à action tubulaire directe (fig. 4)
Les substances non stéroïdiennes ont les mêmes propriétés natriurétiques et antikaliurétiques que les spirolactones mais elles en diffèrent par leur structure chimique et leur mode d'action. En effet, si elles possèdent des effets physiologiques opposés à ceux de l'aldostérone, elles agissent indépendamment de sa présence ou de son absence. Le triamtérène (Tériam®) est un dérivé de la ptéridine, proche de l'acide folique.

L'amiloride (Modamide®) est une base organique dérivée de l'amiprazimide.

Délai et durée d'action. Mécanisme d'action
L'absorption digestive de ces deux produits est rapide mais d'amplitude variable, en tout cas toujours incomplète. Pour l'amiloride, elle ne dépasse pas 50 % de la dose ingérée et subit de grandes variations en fonction de l'alimentation. Le triamtérène se fixe aux protéines plasmatiques pour environ 67 %. Il n'est que partiellement métabolisé en un ester sulfurique acide qui conserve une activité diurétique. La demi-vie plasmatique du triamtérène est de 2 à 4 h, celle de l'amiloride, de 5 à 15 h.
L'élimination urinaire du triamtérène, sous forme estérifiée ou libre, maximale entre la deuxième et quatrième heure, se poursuit de façon progressivement décroissante pendant cinq à sept jours.
L'amiloride n'est pas métabolisé et s'élimine tel quel dans les urines. Triamtérène et amiloride ont un effet natriurique maximal entre la sixième et la huitième heure ; il se poursuit jusqu'à la douzième heure pour le triamtérène et jusqu'à vingt-quatre heures pour l'amiloride.
Le mécanisme d'action de ces deux diurétiques, probablement non superposables, est mal connu. Ils diminueraient la perméabilité des cellules tubulaires aux ions Na+ et K+, c'est-à-dire la réabsorption des premiers et la sécrétion des seconds. La diminution de la réabsorption sodée serait liée à la diminution de la sécrétion des ions H+, normalement échangée contre des ions Na+ réabsorbés. Il existe une forte élimination bicarbonatée, surtout avec l'amiloride.
A pouvoir natriurétique égal, l'amiloride aurait le plus puissant effet de rétention potassique de tous les diurétiques à action tubulaire distale.

Effets néfastes des diurétiques épargneurs de potassium

- L'hyperkaliémie est le danger principal. Elle peut s'observer lors d'utilisation prolongée. L'arrêt du traitement suffit en règle à la corriger. Elle peut, en revanche, atteindre des taux dangereux en cas d'insuffisance rénale qui est donc une contre-indication formelle à l'utilisation de ces diurétiques. De même, seront interdites leurs associations à d'autres thérapeutiques hyperkaliémiantes (sels de potassium, inhibiteurs de l'enzyme de conversion). Ces diurétiques ne devront jamais être utilisés simultanément. De même, si on veut remplacer la spironolactone par un autre diurétique épargneur de potassium, on se souviendra de sa longue durée d'action, afin d'éviter la superposition de leurs effets.
- L'acidose hyperchlorémique est l'autre complication commune à ce groupe de diurétiques, associée en règle à un insuffisance rénale.
- Le catabolisme de ces diurétiques étant essentiellement hépatique, ils sont contre-indiqués en cas d'insuffisance hépatique.
- Du fait de leur nature stéroïdienne, les spironolactones en administration prolongée et à doses élevées (supérieures à 100 mg/j) exposent l'homme à une gynécomastie douloureuse, plus rarement à une impuissance t la femme à des irrégularités menstruelles. Ces troubles régressent après l'arrêt du traitement.
- Des troubles gastro-intestinaux, des éruptions cutanées sont de survenue rare.
- On a enfin rapporté des anémies macrocytaires chez des cirrhotiques traités par le triamtérène qui possède un effet antifolique faible.


Association salidiurétiques et diurétiques épargneurs de potassium
Ces associations sont destinées à éviter la perte potassique due aux salidiurétiques tout en renforçant leur effet natriurétique. En effet, l'important flux sodé dû au blocage de la réabsorption dans la zone de dilution sera moins réabsorbé lorsqu'il traversera le tube contourné distal et le segment cortical du canal collecteur qui lui fait suite.
Associations commercialisées :

- Aldactazine® associant spironolactone et altizide ;
- Cyclotériam® associant triamtérène et cyclothiazide ;
- Ditériam® associant triamtérène et benzthiazide 25 mg ;
- Isobar® associant triamtérène et méthyclothiazide ;
- Logirène® associant amiloride et furosémide ;
- Modurétic® associant amiloride et hydrochlorothiazide ;
- Practazin® associant spironolactone et altizide ;
- Prestole® associant triamtérène et hydrochlorothiazide ;
- Prinactizide® associant spironolactone et altizide ;
- Spiroctazine® associant spironolactone et altizide.


Inhibiteurs calciques : nifédipine (Adalate®), nitrendipine (Baypress®, Nidrel®), nicardipine (Loxen®), vérapamil (Isoptine®) ont un léger pouvoir natriurétique et diurétique en rapport avec une vasodilatation des artérioles rénales afférentes déterminant une augmentation de la filtration glomérulaire.
Il en va de même pour les inhibiteurs de l'enzyme de conversion dont l'effet vasodilatateur sur les artérioles rénales est particulièrement important.
La ciclétanine (Tenstaten®) est un antihypertenseur issu d'une nouvelle famille chimique, les furopyridines. Il diminue les résistances vasculaires périphériques et augmente la compliance des gros troncs artériels sans modifier le tonus veineux. Il associe un effet diurétique aux propriétés vasorelaxantes. A dose usuelle (50 mg/j), l'effet vasorelaxant domine, dû en grande partie à une stimulation de la prostacycline endogène. L'action natriurétique est modeste, liée à la levée du tonus vasoconstricteur rénal. A doses élevées ( 100 mg/j), la natriurèse augmente ainsi que la kaliurèse. Après administration orale, la concentration plasmatique maximale est atteinte en 30 à 45 minutes et la demi-vie d'élimination est comprise entre 6 et 8 heures. Le produit est éliminé par le rein sous forme de métabolites glucuro- et sulfoconjugués. Il est contre-indiqué dans l'insuffisance rénale, si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min/1,73 m2. Il peut être associé à toutes les classes thérapeutiques, à l'exception des diurétiques hypokaliémiants.


Diurétiques osmotiques
Ces substances sont filtrées par le glomérule mais non réabsorbables par le tube. En pratique thérapeutique, seul subsiste le mannitol en solution hypertonique à 10 %, injecté par voie intraveineuse (1 à 2 flacons de 500 ml/j). D'indication réduite au traitement des hyponatrémies par dilution, l'utilisation de mannitol est pratiquement abandonnée car, en augmentant le volume plasmatique, celui-ci risque de déclencher un oedème pulmonaire chez les sujets en insuffisance cardiaque.

Acétazolamide (Diamox®)
C'est un dérivé sulfamidé qui agit à la fois sur le segment proximal et le segment distal du tube rénal en inhibant l'anhydrase carbonique, d'où une moindre sécrétion des ions H+ et une diminution de la réabsorption des bicarbonates de sodium dont l'élimination urinaire augmente. Il n'y a pas d'élimination de chlorures. Le pH urinaire devient alcalin, l'acidité titrable et l'ammoniurie diminuent. La diurèse reste modérée et le pH sanguin tend vers l'acidose, ce qui rend le diurétique inefficace. La kaliurèse s'accroît, la diminution des échanges Na+-H+ déterminant probablement une augmentation des échanges Na+-K+. Il y aurait également une augmentation de l'élimination calcique. En pratique, son faible pouvoir diurétique et le danger d'acidose métabolique avec hypokaliémie l'ont fait abandonner sauf dans le traitement du glaucome et dans certaines hypercapnies sévères des coeurs pulmonaires chroniques en poussées aiguës.

Dérivés xanthiques
Caféine, théobromine, théophylline, aminophylline ne sont plus utilisées comme diurétiques. Grâce à un effet inotrope positif, ils augmentent le débit cardiaque et par là le flux plasmatique rénal et la filtration glomérulaire. Augmentant le flux sanguin rénal médullaire, ils diminuent le gradient osmolaire cortico-papillaire et donc la réabsorption hydrique par le tube collecteur. En définitive, ils entraînent une diurèse d'osmolalité faible.

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Certaines complications sont la rançon de la plupart des diurétiques efficaces. Elles feront l'objet des paragraphes suivant. D'autres, spécifiques de chaque produit, ont été signalées lors de l'étude analytique des diurétiques.


Déshydratation extracellulaire
C'est la conséquence d'une diurèse provoquée trop importante, associant une perte proportionnelle en chlore, sodium et eau, qui entraîne une réduction des liquides extracellulaires sans déséquilibre osmolaire. Les oedèmes disparaissent, la peau garde le pli, la tension artérielle est basse. Une élévation de l'hématocrite et de la protidémie traduit l'hémoconcentration. Une élévation de l'urée sanguine, et parfois de la kaliémie, est la conséquence de la baisse du flux plasmatique rénal et de la filtration glomérulaire. La natrémie et la chlorémie restent normales. L'hémoconcentration favorise les effets toxiques des médicaments associés, en particulier sur le rein et l'appareil auditif. Les antibiotiques sont concernés au premier chef. On insiste aussi sur l'élévation de la lithémie jusqu'à un taux toxique, due à la réabsorption proximale du lithium qui est parallèle à celle du sodium. Un traitement diurétique bien surveillé devrait éviter une telle complication qui sera corrigée par un apport équilibré en chlorure de sodium et en eau.

Déshydratation extracellulaire avec hyperhydratation cellulaire (hyponatrémie par " déplétion ")
Elle peut succéder à la complication précédente si le traitement diurétique et la restriction sodée sont poursuivis. Le déficit sodé est alors proportionnellement plus grand que la perte hydrique si bien qu'apparaît une hyponatrémie. Aux manifestations de déshydratation extracellulaire, s'ajoutent des signes d'hyperhydratation cellulaire, conséquence de l'hypo-osmolalité plasmatique : l'asthénie est extrême, compliquée souvent de somnolence et même de troubles psychiques, à type de désorientation, voire d'obnubilation allant jusqu'au coma. Les crampes musculaires sont fréquentes. Le sujet n'a pas soif, il a même parfois un dégoût de l'eau et se plaint de nausées, sa langue est humide.
L'ionogramme montre une hypochloronatrémie. Il n'y a pas d'oedème, ce qui permet de distinguer cette hyponatrémie par perte sodée de l'hyponatrémie par dilution qui est envisagée plus loin. Cette distinction est capitale car ce n'est que dans le cas présent qu'on est autorisé à donner du sel au malade. Encore cet apport sera-t-il très progressif et prudent car la distinction entre les deux formes n'est pas toujours facile.

Hyperhydratation globale (hyponatrémie par " dilution ")
L'association oedèmes-hypochloronatrémie caractérise ce trouble qui s'observe surtout chez des insuffisants cardiaques parvenus à un stade avancé de la maladie où les oedèmes ne cèdent plus au traitement digitalo-diurétique.
L'évaluation du sodium échangeable a montré que le capital sodé était dans ces cas toujours augmenté. L'hyponatrémie reflète donc un excès d'eau et non un déficit sodé, d'où le terme d'hyponatrémie par dilution. Les manifestations cliniques de l'hyperhydratation cellulaire se retrouvent ici, souvent au complet.
La physiopathologie de ce syndrome n'est pas claire. Il paraît plus en rapport avec la maladie causale qu'avec le traitement, mais les diurétiques, surtout les thiazides, peuvent le déclencher ou l'aggraver. Le phénomène essentiel est une incapacité à éliminer l'eau libre après surcharge aqueuse. Au départ, la baisse du débit cardiaque commande celle de la perfusion rénale. Cette dernière entraîne une diminution de la filtration glomérulaire et une augmentation de la réabsorption sodée proximale. Ainsi, la quantité d'urine délivrée à la zone de dilution tubulaire distale est réduite, permettant le mécanisme de dilution. Une sécrétion inappropriée d'ADH s'ajouterait pour expliquer la perte du pouvoir d'éliminer l'eau libre. Enfin, la perte potassique, en règle associée, en perturbant l'équilibre électrolytique cellulaire, favorise l'hyponatrémie et les troubles de l'hydratation cellulaire.
Les thiazides qui, en diurèse aqueuse, diminuent la clairance de l'eau libre, ne peuvent donc qu'aggraver l'hyponatrémie de dilution. Ce phénomène est moins net avec le furosémide qui déclenche une diurèse isotonique et fera donc partie du traitement de ce syndrome qui comporte en premier lieu une limitation de la ration hydrique (700 ml/j maximum). Un apport de NaCl est formellement interdit chez ces malades en inflation sodée. Il ne ferait qu'aggraver les troubles et risquerait de déclencher un oedème pulmonaire. En revanche, on corrigera la perte en potassium en utilisant au besoin les diurétiques à action tubulaire distale, épargneurs de potassium.

C'est une complication fréquente, observée après usage prolongé et intensif des dérivés thiazides et apparentés mais aussi du furoséminde. Son risque d'apparition est encore aggravé par l'association au traitement diurétique d'un régime strict sans sel.
Les recherches de ces dernières années ont mis en évidence la responsabilité de la perte chlorée dans la constitution de ce trouble. Le déficit chloré commanderait la perte potassique. La preuve en est donnée empiriquement par l'inefficacité thérapeutique de l'apport potassique sans chlorure tandis que l'administration de KCl corrige à la fois l'alcalose et l'hypokaliémie.
L'intervention de la perte chlorée dans la création et l'entretien de l'alcalose avec hypokaliémie peuvent être expliqués de la façon suivante : les diurétiques, en bloquant la réabsorption de chlore et de sodium dans la branche ascendante de l'anse de Henle et le segment suivant du tube distal, augmentent le flux sodé dans la zone terminale de réabsorption du tube distal et dans la partie du tube collecteur qui lui fait suite. A ce niveau, une intense réabsorption sodée, favorisée par les minéralocorticoïdes, s'accompagne d'une sécrétion d'ions H+ et K+, assurant l'équilibre électrochimique entre la lumière du tube et l'espace péritubulaire.
Les cations H+ et K+ sont éliminés avec des anions Cl-. Ainsi l'élimination chlorée est supérieure à l'élimination sodique et une hypochlorémie s'amorce. Celle-ci entretient les pertes acide et potassique car moins il y a de Cl- disponible pour équilibrer électriquement la réabsorption du Na+, plus la sécrétion de K+ et de H+ sera importante pour assurer l'équilibre électrochimique transtubulaire.
Après arrêt du traitement diurétique, une réabsorption tubulaire de potassium intervient. Cette rétention préférentielle de potassium favorise la sécrétion d'ions H+ et par conséquent l'alcalose.
On sait les dangers de l'alcalose hypokaliémique, surtout chez les insuffisants cardiaques digitalisés qui sont exposés aux troubles du rythme, en particulier ventriculaires. L'hypokaliémie peut aussi avoir un retentissement rénal propre (néphropathie kaliopénique) caractérisé par une incapacité de concentrer les urines, une aggravation de la rétention sodée et une perturbation de l'élimination azotée.
Enfin, l'alcalose métabolique déclenche une hypoventilation compensatrice. Celle-ci, sans conséquence chez un sujet à fonctions pulmonaires normales, devient très nuisible chez un insuffisant respiratoire dont elle aggrave l'hypercapnie.
Le traitement de l'alcalose hypochlorémique avec hypokaliémie est avant tout préventif. Il faut tout d'abord éviter les cures intensives et prolongées par les diurétiques chloro- et kaliopéniants, ainsi que la prescription simultanée de régimes trop strictement privés de sel. Si néanmoins ces mesures thérapeutiques sont nécessaires, l'association de diurétiques épargnant le potassium, en cure simultanée ou alternée, est indispensable.
Le traitement curatif se résume à l'administration de chlorure de potassium, éventuellement associée à des sels de magnésium qui favorisent la normalisation du bilan potassique et compensent les pertes magnésiques souvent associées au déficit potassique et comme lui arythmogènes.

Les thiazides et dérivés ainsi que le furosémide en cures prolongées induisent fréquemment une hyperuricémie réversible après arrêt du traitement. Des crises aiguës de goutte peuvent être déclenchées chez des sujets prédisposés, goutteux ou malades, ayant habituellement une uricémie élevée. Cette complication est exceptionnelle avec les diurétiques épargneurs de potassium.
Le mécanisme de la rétention d'acide urique secondaire au traitement diurétique est complexe. Dans des conditions normales, l'acide urique filtré subit pour sa plus grande part une réabsorption tubulaire. L'acide urique urinaire provient essentiellement d'une sécrétion tubulaire. En administration aiguë parentérale ou orale à haute dose, les diurétiques en cause augmentent l'uricurie, probablement par inhibition de la réabsorption tubulaire. Pour expliquer la rétention uricémique secondaire aux cures diurétiques prolongées, on a invoqué un effet inhibiteur sur la sécrétion tubulaire. Cette hypothèse est très discutée et en tout cas ce mécanisme ne joue qu'un rôle mineur. La responsabilité de l'hyperuricémie semble devoir être attribuée à la réduction de la masse sanguine circulante qui stimule la réabsorption tubulaire. La compensation de la perte volémique extracellulaire rétablit en effet l'excrétion normale de l'acide urique. Quoiqu'il n'existe pas d'observation de néphropathie goutteuse secondaire à un traitement diurétique, cette complication doit être crainte devant une hyperuricémie chronique. Elle sera donc systématiquement traitée si elle apparaît au cours des traitements diurétiques prolongés, par exemple chez les hypertendus.

Des troubles du mécanisme lipidique ont été observés lors de l'emploi prolongé de diurétiques. On citera en particulier une augmentation des triglycérides et des bêtalipoprotéines plasmatiques. Ces phénomènes s'expliqueraient par un effet inhibiteur des diurétiques sur la phosphodiestérase qui entraîne une augmentation de l'action de la lipoprotéine lipase cellulaire. La lipolyse s'en trouve accrue et le taux des acides gras libres plasmatiques augmente.

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La diminution du débit cardiaque entraîne une réduction du flux plasmatique rénal et de la filtration glomérulaire. Il s'ensuit une réabsorption accrue de sodium dans le tube contourné proximal, cependant qu'une hyperactivité du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) réduit le lit vasculaire et augmente la réabsorption de sodium dans le tube contourné distal et le tube collecteur. La réduction du lit vasculaire rénal et inhomogène, favorise la médullaire où se trouvent les néphrons à anse de Henle longue, les plus aptes à réabsorber le sodium et l'eau, aux dépens de la corticale, siège des néphrons à anse courte qui retiennent peu le sodium et l'eau. Enfin, une hypersécrétion d'ADH complète cette situation d'antidiurèse. Il y a donc une natriurie basse, un défaut d'excrétion de l'eau libre et un bilan sodé pathologiquement positif. L'élévation de la pression de remplissage ventriculaire détermine parallèment celle des zones d'amont. Lorsque la pression hydrostatique capillaire atteint un niveau critique (25 à 30 mmHg), les oedèmes se constituent d'autant plus facilement qu'à long terme apparaît souvent une dénutrition avec baisse de la pression oncotique par hypo-albuminémie. Partant de ces notions, on comprend que les diurétiques sont des éléments constants du traitement de l'insuffisance cardiaque congestive. Efficaces en augmentant l'excrétion d'eau et de sel, certains diurétiques (en particulier le furosémide) ont en outre un effet vasodilatateur. Augmentant directement la capacitance veineuse, ils réduisent rapidement la pression de remplissage ventriculaire gauche et par là améliorent la performance cardiaque. Tout traitement visant à améliorer le débit cardiaque (cardiotoniques, vasodilatateurs,...) favorise l'élimination du sodium et de l'eau puisqu'il améliore la perfusion rénale dont la réduction est à l'origine de la rétention hydrosodée. Cependant, l'effet rapide et massif des diurétiques en fait le traitement de première intention de cette rétention. La restriction sodée reste indispensable, mais les diurétiques permettent d'éviter un régime trop strictement désodé, dangereusement anorexigène surtout chez les sujets âgés.
On tiendra compte dans le choix du diurétique : de son délai d'action en fonction de la nécessité éventuelle d'obtenir un effet rapide, de l'importance de son pouvoir natriurétique, des modifications ioniques induites. A cet égard, les diurétiques peuvent être classés en fonction de leur action sur la kaliurèse et on doit toujours se préoccuper du risque arythmogène de l'hypokaliémie chez les sujets digitalisés ou soumis à un traitement antiarythmique. C'est dire l'intérêt d'associer aux diurétiques kaliopéniants (thiazides, furosémide) des épargneurs de potassium. On peut d'emblée utiliser des associations contenues dans la même préparation galénique (cf. ci-dessus).
Se pose enfin le problème de la dose du traitement d'entretien qui, tout en empêchant la réapparition des oedèmes, doit éviter l'installation de troubles secondaires, en particulier électrolytiques.

Indications particulières
Oedème aigu du poumon (OAP) : l'un des buts du traitement de l'OAP est la réduction du retour veineux au coeur (précharge). A cet égard, les diurétiques ont, à côté de la saignée, un rôle thérapeutique essentiel ; on utilisera des salidiurétiques d'action rapide et brève par voie veineuse (par exemple, furosémide 100 à 250 mg). Dans les formes subaiguës, des doses moins importantes par voie veineuse (20 à 60 mg) ont un effet diurétique suffisant. Elles seraient éventuellement répétées selon l'importance de la réponse constatée, une à deux heures après l'injection initiale.
Dans les insuffisances cardiaques très sévères avec oedèmes compliqués d'hyponatrémie (Na < 135 mmol) où l'oligurie est rebelle aux diurétiques prescrits de manière conventionnelle, l'utilisation du furosémide à forte dose (500 mg à 1 g) par voie intraveineuse, jointe à la restriction hydrique, peut relancer la diurèse. Dans ces insuffisances cardiaques très sévères, la stimulation du SRAA est maximale, aussi est-il conseillé d'associer au furosémide un inhibiteur de l'enzyme de conversion. Il s'agit bien entendu de traitements effectués sous surveillance stricte en milieu hospitalier.
Coeur pulmonaire chronique : en dehors des poussées d'insuffisance respiratoire dominées par le danger d'acidose gazeuse, le traitement diurétique risque de créer une alcalose métabolique, dangereuse car facteur d'hypoventilation. Les indications sont donc limitées et leur utilisation nécessite des précautions rigoureuses (apport de sels de potassium sous forme de chlorures) et une surveillance biologique stricte (gaz du sang, kaliémie). Dans cette optique, les épargneurs de potassium doivent être associés, voire préférés aux salidiurétiques. L'acétazolamide trouve ici sa dernière indication.

Les diurétiques restent les plus utilisés des hypotenseurs. Leur faveur a précédé les études physiopathologiques qui ont tenté de préciser les rapports liant le sodium de l'organisme et la maladie hypertensive. Un des mécanismes physiopathologiques serait une anomalie de l'excrétion rénale du sodium, responsable d'une rétention hydrosodée contrebalancée par l'intervention d'un facteur natriurétique vasoconstricteur qui normalise le bilan sodé, mais inhibe l'enzyme Na-K-ATPase de la membrane des cellules musculaires lisses vasculaires (" pompe à Na+ "). L'augmentation sodée cytosolique qui en résulte perturbe l'échange Na+-Ca++ transmembranaire, ce qui élève la quantité de Ca++ intracellulaire disponible pour l'interaction actine-myosine. Le tonus vasoconstricteur augmente, ainsi que la sensibilité vasculaire aux hormones pressives.
Initialement, en traitement aigu, les diurétiques négativent le bilan sodé avec diminution des volumes extracellulaires et baisse tensionnelle. Il s'ensuit une chute du débit cardiaque, du flux plasmatique rénal et de la filtration glomérulaire qui sont secondairement compensés par les réactions homéostatiques : activation des systèmes sympathique et rénine-angiotensine-aldostérone. Cependant, les chiffres tensionnels et les résistances périphériques ne reviennent pas à leur niveau de départ, ce qui témoigne de la persistance d'un certain effet hypotenseur. Ce phénomène conduit à évoquer un effet vasodilatateur propre des diurétiques. Nous avons vu qu'il était incontestable pour certains d'entre eux (furosémide, bumétanide, indapamide, ciclétanine) et serait dû à l'augmentation de la sécrétion de prostaglandines vasodilatatrices (PGE2 et PGI2). Une confirmation de ce mécanisme est apportée par la suppression de l'effet hypotenseur de ces diurétiques par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (indométacine, etc.) qui inhibent la production de prostacyclines.
On a aussi émis l'hypothèse que les diurétiques favoriseraient le départ du sodium des parois artériolaires, facilitant ainsi la relaxation des cellules musculaires lisses.
Les diurétiques sont indiqués dans toutes les formes d'HTA. Souvent encore utilisés en monothérapie de première intention, ils restent efficaces dans bon nombre de cas. En théorie, leurs chances de succès sont les plus grandes dans les hypertensions à rénine basse, épidémiologiquement les plus fréquentes chez les sujets de plus de 60 ans. Les thiazidiques restent les plus utilisés, leur demi-vie longue permet un traitement par prise unique et un effet progressif et prolongé, à l'encontre des diurétiques de l'anse, à action plus brutale et plus courte. Cependant, la forme retard du furosémide devrait pallier cet inconvénient.
Les HTA à tonus sympathique élevé et forte activité rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) échappent classiquement aux diurétiques en monothérapie. Mais ceux-ci conservent leurs indications en bi- ou plurithérapies qui sont d'autant plus à conseiller qu'elles permettent, sans perte d'efficacité, de baisser la posologie des différents hypotenseurs et par là de réduire les effets secondaires néfastes. Ceci est particulièrement vrai pour les diurétiques, dont on sait que l'effet hypotenseur est obtenu pour des doses relativement faibles sans qu'on puisse le potentialiser en les augmentant. Les associations permettent aussi de corriger les réactions néfastes de certains hypotenseurs prescrits isolément. Par exemple, les bêtabloquants associés corrigent l'hyperactivité sympathique et celle du SRAA, qui sont favorisées par les diurétiques. Il en est de même des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Réciproquement, les diurétiques s'opposent à la tendance à la rétention hydrosodée induite par certains vasodilatateurs.
Dans le tableau II sont relevées les spécialités à visée hypotensive comportant plusieurs médicaments dont un salidiurétique. Ces préparations permettent de simplifier la prescription et donc de faciliter l'observance du traitement mais elles ont l'inconvénient d'empêcher l'adaptation posologique d'un constituant isolé. Par ailleurs, l'utilisation de ces médicaments impose les mêmes précautions que celle des diurétiques prescrits seuls. On ne saurait trop souligner que l'oubli de ces règles, facilité par la méconnaissance de la composition réelle de ces préparations, est à l'origine de nombreux accidents thérapeutiques.


Indications particulières

HTA avec insuffisance rénale
Les thiazines sont ici contre-indiqués lorsque la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min. Lors des rétentions hydrosodées avec insuffisance rénale sévère, seuls les diurétiques de l'anse peuvent être utilisés.

HTA maligne
Quelle que soit son étiologie, il s'agit d'un mode évolutif sévère rencontré dans 5 % des cas d'HTA. Le pronostic spontané, grave, justifie un traitement capable d'abaisser rapidement et sensiblement les chiffres. Pour cela, il faut induire une déplétion hydrosodée très rapide et importante. Les diurétiques de l'anse sont particulièrement indiqués sous leur forme injectable. Ils ne représentent qu'une partie du traitement, tout devant être mis en oeuvre pour obtenir une baisse rapide de la TA (bêtabloqueurs, anti-adrénergiques, vasodilatateurs, ganglioplégiques). Mais on se rappellera qu'une fuite sodée trop importante peut être à l'origine d'un emballement du système rénine-angiotensine aggravant l'HTA et ses complications vasculaires.

HTA du sujet âgé
Les diurétiques restent le traitement habituellement choisi en première intention et en monothérapie, à condition d'utiliser de faibles doses. On doit en effet éviter, d'une part, les chutes trop rapides et importantes de la TA, responsables d'accidents vasculaires, en particulier cérébraux, d'autre part les complications de l'équilibre hydro-électrolytique auxquelles les sujets âgés sont particulièrement sensibles.

HTA par hyperaldostéronisme primaire (syndrome de Conn)
Les diurétiques à action anti-aldostérone sont indiqués dans tous les cas en période préopératoire car ils sont les seuls à éviter les accidents graves d'hypokaliémie, tout en permettant de contrôler les chiffres de TA. On les utilise à la dose de 4 à 5 mg/kg et par jour. La spironolactone injectable est habituellement préférée mais le triamtérène et l'amiloride peuvent être également prescrits. Ils doivent être indéfiniment poursuivis si le traitement chirurgical n'est pas possible.

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