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Depuis toujours, la finalité des recherches morphologiques du coeur était la meilleure compréhension des corrélations entre structure et fonction. Ces dernières années, des progrès ont été faits grâce aux techniques et aux études diverses allant de l'anatomie à la biologie moléculaire : études histologiques en microscopie photonique et en microscopie électronique de transmission, de balayage et de haut voltage ; étude des membranes cellulaires sur cryofractures ; études microscopiques des composants et des fonctions chimiques du myocarde-cytochimie, histo-enzymologie ; morphométrie et analyse quantitative d'images (Hoyt et coll., 1984) ; utilisation de divers traceurs de perméabilité capillaire et membranaire (Hoffstein et coll., 1975 ; Baldwin, 1981), utilisation de molécules (précurseurs) marquées dans les études des synthèses (auto-historadiographie) et des récepteurs cardiaques ; étude des sites antigéniques par des anticorps marqués (immunocytochimie) ; étude des cardiomyocytes immatures en cultures cellulaires ; étude des cardiomyocytes adultes isolés en survie in vitro (Sperelakis, 1982 ; Vahouny et coll., 1985, Swynghedauw, 1987).
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L'endocarde
(fig. 1) tapisse les cavités cardiaques et le complexe valvulaire (valvules, cordages tendineux, muscles papillaires). L'épaisseur de l'endocarde varie de 5 à 500
m. Il est plus épais dans les oreillettes que dans les ventricules. L'endocarde comprend trois couches : l'endothélium, en continuité avec l'endothélium vasculaire ; la couche sous-endothéliale, contenant fibroblastes, fibres de collagène et fibres élastiques ; ces dernières, fines et serrées, forment de véritables membranes élastiques dans l'oreillette gauche ; la couche profonde juxta-myocardique, absente au niveau des cordages et du muscle papillaire, est composée de tissu conjonctif lâche et fibreux, en continuité avec l'endomysium (l'interstitium) du myocarde. Cette couche profonde héberge les vaisseaux, les nerfs et, au niveau des ventricules, les éléments du tissu de conduction. Elle contient, en outre, des mastocytes (donneurs de 5'-OH-tryptamine) et des adipocytes. Dans les oreillettes, les éléments constructifs de l'endocarde sont en continuité avec ceux du péricarde, se faufilant entre les faisceaux musculaires du myocarde.
Les valvules sont des replis de l'endocarde renforcés par un squelette valvulaire axial qui les rend déformables mais inextensibles. Pratiquement acellulaire, il contient de 50 à 70 % de collagène (type I et III), des fibres élastiques et parfois des morceaux d'un tissu chondroïde. Rarement, quelques cellules myocardiques s'observent dans la partie basale de la valvule mitrale de l'adulte et dans la majeure partie des deux valvules auriculo-ventriculaires de l'enfant. Le squelette fibreux des valvules auriculo-ventriculaires est en continuité avec les cordages des muscles papillaires et avec les anneaux fibreux du squelette conjonctif du coeur ; celui des valvules sigmoïdes est en continuité uniquement avec les anneaux fibreux. La face auriculaire des valvules bi- et tricuspides est lisse ; sur leur face ventriculaire s'insèrent les cordages des muscles papillaires. La face ventriculaire convexe des sigmoïdes est tapissée d'un endocarde aminci qui est en continuité, au niveau du bord libre, avec l'endothélium artériel tapissant leur face concave vasculaire. Parfois, le bord libre des valvules porte des formations verruqueuses appelées nodules d'Aranti. Les valvules, structures avasculaires, sont nourries par imbibition. Uniquement les premiers quelques millimètres de la base des valvules atrio-ventriculaires sont irrigué (Hadjiisky, 1980).
Le terme myocarde désigne en fait deux structures : (a) cellules et fibres musculaires (auriculaires, ventriculaires et cardio-nectrices) ; (b) trame conjonctive interstitielle
.
Myocarde contractile (de travail)
Les fibres auriculaires et ventriculaires, parallèles les unes aux autres, forment des faisceaux entrecroisés dans les trois plans de l'espace et entourent en spirale les cavités cardiaques. Les unes, propres à chaque cavité, s'insèrent dans le trigone fibreux, les autres sont communes aux deux oreillettes ou aux deux ventricules. Très épais dans les ventricules, particulièrement le gauche, le myocarde est mince dans les oreillettes. Chaque fibre myocardique est composée de plusieurs cellules myocardiques jointives, liées les unes aux autres avec des complexes de jonction au niveau des disques intercalaires qui apparaissent sous forme de lignes transversales sur les préparations colorées à l'hématoxyline ferrique. Plusieurs disques se succèdent le long d'une fibre. Les disques de plusieurs fibres voisines et parallèles, décalés l'un par rapport à l'autre, forment la " strie scalariforme " de l'histologie classique (Eberth, 1866). Bien que constituées de cardiomyocytes individualisés, les fibres myocardiques forment un réseau tridimensionnel. Les cellules myocardiques se bifurquent souvent à l'une de leurs deux extrémités et chacun des prolongements s'unit à une autre cellule située dans la même fibre ou dans une fibre voisine.
Le cardiomyocyte, pris isolément, comporte un corps grossièrement cylindrique et deux extrémités bifurquées ou non. Les cellules sont longues de 30 à 130
m et larges de 5 (pour les cellules nodales) à 25
m (pour les cellules contractiles). On peut schématiquement distinguer deux régions cytoplasmiques dans un cardiomyocite : contractile et axiale.
L'appareil contractile occupe 50 % du volume cytoplasmique. Comme le muscle squelettique, les cardiomyocites présentent sur coupes longitudinales
(fig. 2) des striations longitudinales et transversales. La striation longitudinale est déterminée par la disposition des mitochondries alignées
séparant le matériel contractile en unités qui ressemblent aux myofibrilles du muscle squelettique, tout en étant plus volumineuses et moins bien circonscrites. Les mitochondries sont plus nombreuses dans le muscle cardiaque que dans le muscle squelettique. Dans le même alignement, s'observent des microgouttelettes lipidiques. La striation transversale est due à l'interpénétration de myofilaments épais de myosine et de myofilaments fins d'actine (cf. infra). Chaque myofibrille, large de 1,2
m, présente ainsi sur toute sa longueur une structure périodique avec alternance de bandes sombres (A) et claires (I) disposées au même niveau, d'une myofibrille à l'autre. La bande A, biréfringente en lumière polarisée (anisotrope), est située au centre du sarcomère. Elle comprend une zone médiale plus claire, la strie de Hensen (strie H), elle-même centrée par une ligne sombre, la strie M. La bande A est flanquée de chaque côté par une bande I, claire, isotrope, elle-même divisée en deux par la strie Z (lieu d'insertion des myofilaments d'actine). L'épaisseur de la strie Z est supérieure à celle des stries Z du muscle strié. La portion de myofibrilles comprises entre deux stries Z constitue un sarcomère, véritable unité contractile d'une longueur de 2,2
m environ
(fig. 7) (fig. 8) (fig. 9).
La région axiale occupe 18 % du volume cytoplasmique. Les myofibrilles parallèles les unes aux autres s'écartent et ménagent la région centrale et axiale du sarcoplasme où est situé le noyau ovalaire, unique ou dédoublé (48 % des cellules chez le rat adulte, Anversa et coll., 1980) avec un ou plusieurs nucléoles et une chromatine homogène et dense
(fig. 3).
La région juxta-nucléaire contient l'appareil de Golgi rudimentaire, les grains de lipofuchsine (surtout chez les sujets âgés), le glycogène et beaucoup de mitochondries. Certaines cellules du myocarde auriculaire contiennent, en outre, des grains de sécrétions riches en glycoprotéines et contenant des substances actives, telles que le facteur natriurétique atrial (de Bold, 1986, Cantin, Genest, 1986).
Tissu nodal et tissu de conduction
Il est composé de cellules différentes selon qu'elles appartiennent aux noeuds, au faisceau de His ou au réseau de Purkinje.
Le noeud sinusal de Keith et Flack est situé dans la paroi de l'oreillette droite, du côté externe de l'orifice de la veine cave supérieure. Peu volumineux (5 × 20 mm), il est constitué de 2 types de cellules : (a) cellules nodales typiques (cellules pacemaker de petit diamètre (4-6
m) et d'affinité tinctorielle faible, moins striées que les autres cellules cardiaques, très rapprochées les unes des autres ; (b) cellules intercalaires périphériques, claires, pauvres en myofibrilles et riches en glycogène. Des faisceaux de cellules nodales rejoignent le myocarde auriculaire et passent alors par tous les stades de transition entre les deux types de cellules.
Les anastomoses internodales sont assurées classiquement par trois faisceaux internodaux : (a) antérieur, (b) moyen de Wenckeback, (c) postérieur de Thorel. Dans la majorité des cas, l'aspect histologique de ces faisceaux est semblable, sinon identique, à celui du myocarde auriculaire ; ils sont, également, dépourvus de gaines conjonctives isolantes. Pourtant, des données électrophysiologiques suggèrent l'existence de voies internodales ; des observations morphologiques et histochimiques font état de la présence de cellules semblables aux cellules nodales et aux cellules de Purkinje dans la paroi auriculaire droite, surtout dans les régions auriculaires (Lossnitzer et coll., 1984).
Le noeud atrio-ventriculaire d'Aschoff-Tawara prend naissance, dans la paroi auriculaire droite, par des fibres en éventail qui convergent et forment un noeud compact sous-endocardique dans la portion antéro-inférieure de la cloison interauriculaire au-dessous de l'insertion de la valvule interne de la tricuspide. Ovoïde, d'environ 2 à 3 mm sur 1 mm, isolé par une mince gaine conjonctive, le noeud contient des cellules nodales fusiformes de petite taille (7
m) qui deviennent, petit à petit, parallèles pour former le faisceau de His.
Le noeud de Tawara est en continuité avec le tronc commun du faisceau atrio-ventriculaire de His dont les cellules, orientées parallèlement entre elles et plus larges que les cellules nodales, sont de trois types : (a) petites cellules nodales, (b) grandes cellules nodales (30 à 40
m), (c) cellules cylindriques de 25 à 30
m. Le contenu du faisceau de His en cellules de conduction diminue avec l'âge : 57 % chez les jeunes de 20 ans, 43 % à 80 ans. Le tissu conjonctif, par contre, augmente de 11-16 % (Hecht 1980). Le tronc commun, épais de 5 mm, parcourt sur 15-20 mm la partie postérieure de la cloison interventriculaire, puis se divise en branche droite en avant et en branche gauche en arrière ; celle-ci se divise immédiatement en deux. Situées sous l'endocarde septal, les branches descendent vers la pointe, donnent de petites branches et se résolvent en un réseau de cellules de Purkinje étalé sous l'endocarde ventriculaire et entrant en contact avec les fibres myocardiques. La taille des cellules qui composent les branches augmente progressivement vers leur partie distale, alors que leur affinité tinctoriale diminue, surtout dans leur centre, les myofibrilles étant déplacées en périphérie jusqu'à réaliser l'aspect de cellules de Purkinje typiques, enrichies en mitochondries et en glycogène. Les branches sont isolées par de fines gaines conjonctives (Lossnitzer et coll., 1984, Shimada et coll., 1986).
Interstitium myocardique
La trame conjonctive du myocarde comprend des travées fibroélastiques qui, naissant du péricarde, entourent les vaisseaux et les nerfs et se divisent en minces cloisons de tissu conjonctif lâche entourant les faisceaux musculaires (" endomysium ") ; les cloisons se résolvent en ramifications très fines (porte-capillaires) qui entourent chaque myofibrille.
Les études morphométriques indiquent que le collagène (de type I et III) et la substance fondamentale représentent 53 % de l'interstitium du rat
(fig. 6), les capillaires 41 %, les cellules interstitielles (fibroblastes, mastocytes, adipocytes, histiocytes) 7 % (Heine, Schaeg, 1977). Ces proportions ne sont pas immuables. Le rapport capillaires/muscles augmente de 20 % et le nombre de capillaires par unité de surface de 21 %, après exercice intense et de courte durée. Des études historadiographiques indiquent une prolifération endothéliale intense et suggèrent que des capillaires nouveaux pourraient être formées par exercice, au moins chez des animaux jeunes (Guski, 1980).
Des études récentes au microscope à balayage indiquent que chaque cellule myocardique est enveloppée dans un filet de glycoprotéines de structure, type fibronectine (Ahumada, Saffitz, 1984) et de fibres conjonctives fines où les brins s'entrecroisent en hélice dans le sens des aiguilles d'une montre et dans le sens contraire. Un réseau qui ressemble au filet d'un hamac est ainsi formé, ses fibres retiennent entre elles les cellules myocardiques
(fig. 4 c). Les entretoises collagènes et élastiques joueraient un double rôle dans les mouvements cardiaques : protection contre l'étirement excessif des myofibres, contribution à la dilatation du coeur après la contraction systolique (Robinson, 1980, Frank, Beydler, 1985).
Squelette conjonctif
Le squelette conjonctif du coeur est constitué de quatre anneaux fibreux qui renforcent les orifices auriculo-ventriculaires, aortique et pulmonaire ; ils servent d'appui aux valvules et supportent la
tension résultant de leur fermeture. Un tissu conjonctif dense, situé entre les anneaux, trigone fibreux, est le lieu d'insertion des fibres myocardiques auriculaires et ventriculaires. Le trigone contient, outre le collagène dense, des îlots de tissu chondroïde avec des cellules qui ressemblent aux chondrocytes. Chez les personnes âgées, certains de ces îlots peuvent se calcifier. Chez les bovidés d'ailleurs, le trigone contient normalement un tissu osseux (Hatt, 1980).
L'épicarde n'est que le feuillet viscéral du péricarde. Il comporte un épithélium pavimenteux simple (mésothélium) et une couche conjonctive sous-épicardique. Celle-ci, contenant des fibres collagènes et élastiques et des adipocytes, renferme, en outre, des vaisseaux et un plexus nerveux végétatif.
Au niveau de la naissance des gros troncs artériels, l'épicarde se réfléchit et continue avec le feuillet pariétal ou péricarde proprement dit, de structure analogue mais considérablement épaissi par d'abondants faisceaux de fibres collagènes (sac fibreux péricardique).
Une cavité péricardique virtuelle est délimitée par l'épicarde et le péricarde. Elle contient un liquide séreux (50 ml) qui s'étale sur le mésothélium et sert de lubrifiant lors des mouvements du coeur.
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Le myocarde, grand consommateur d'oxygène, est très richement vascularisé. Les deux artères coronaires se partagent de façon variable l'irrigation des parois ventriculaires. De type musculo-élastique dans leurs parcours sous-épicardique, elles sont de type musculaire tout le long de leur trajet intramural. Les vaisseaux (artères, veines, lymphatiques) cheminent dans la trame conjonctive du myocarde. Les capillaires occupent 41 % du volume de l'interstitium (Olivetti et coll., 1980)
(fig. 4 a) (fig. 5).
Le réseau capillaire du myocarde est deux fois plus dense que celui du muscle strié : il y a 1 000 capillaires pour 1 600 fibres myocardiques. La densité capillaire est plus grande dans le myocarde sous-épicardique et dans le ventricule gauche que dans le myocarde sous-endocardique et dans le ventricule droit. Le nombre de capillaires n'augmente pas quand les cardiomyocytes s'hypertrophient, d'où la réduction du rapport capillaires/myocytes, l'augmentation de la distance intercapillaire et les troubles d'oxygénation.
Le noeud sinusal est vascularisé à partir d'un cercle artériel où s'anastomosent des branches de la coronaire droite (prédominante) et de la coronaire gauche. Le noeud atrio-ventriculaire est irrigué par une petite artère issue de la coronaire droite (83 %) ou, rarement, de la coronaire gauche (7 % des cas) ou des deux (10 %). L'artère du noeud irrigue aussi le tronc commun du faisceau de His, alors que les branches sont doublement irriguées par les coronaires gauche et droite.
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L'innervation du myocarde, du tissu nodal et des coronaires est autonome, sympathique et parasympathique, motrice et sensitive. Les fibres myéliniques et amyéliniques, les cellules ganglionnaires et les cellules " chromaffines " forment trois plexus : myocardique, sous-péricardique, sous-endocardique.
Les fibres sympathiques adrénergiques post-ganglionnaires proviennent du ganglion cervical supérieur (mais aussi des rares ganglions intramuraux), les fibres parasympathiques cholinergiques proviennent du vague. Ces fibres efférentes motrices sont très nombreuses autour des noeuds et du tissu de conduction dans les oreillettes
(fig. 6) et à la base des ventricules.
Le noeud sinusal est la région myocardique la plus richement innervée : on y observe de nombreuses fibres végétatives, peu ou non myélinisées, et des cellules ganglionnaires groupées ou isolées. Les filets nerveux sont moins nombreux et les cellules ganglionnaires plus rares dans le faisceau de His (Randall, 1984).
Les varicosités axonales n'établissent pas de contacts avec les myocytes, la distance, qui les sépare, est supérieure à 100-200 nm. Au niveau du tissu nodal et de conduction, le rapprochement serait plus étroit, inférieur à 20 nm, surtout quand les axones pénètrent en " doigt de gant " à l'intérieur de certaines cellules nodales. Certains des axones, à ce niveau, sont immuno-réactifs pour les neuropeptides (neurotensine et substance P). L'innervation efférente du coeur agit sur le rythme du pacemaker mais ne déclenche pas les contractions. Le sympathique accélère, le parasympathique ralentit le rythme (Fawcett, 1986).
Les fibres sensitives, provenant probablement du vague, intéressent surtout l'endo et le péricarde. Elles sont repérables à l'abondance de leurs mitochondries et de leurs grains de glycogène (Hainsworth et coll., 1979, Hatt, 1980).
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Nous envisagerons avant tout l'ultrastructure des éléments qui déterminent la fonction contractile des cardiomyocytes : le sarcolemme, le réticulum sarcoplasmique, l'appareil contractile, les mitochondries
(fig. 7).
Structures liées aux fonctions d'excitation et de contraction
Sarcolemme
Ce terme désigne l'enveloppe cellulaire comprenant la membrane plasmique, le " cell coat " et le matériel lame basale
(fig. 8). C'est à la fois barrière et lieu d'échange entre la cellule et le fluide extracellulaire et entre les cardiomyocytes eux-mêmes. Schématiquement, on peut diviser le sarcolemme en deux régions morphofonctionnelles : sarcolemme latéral commun et sarcolemme distal préjonctionnel, faisant partie du disque intercalaire.
Le sarcolemme latéral n'est pas très différent de celui des autres muscles. Épais de 7,5 nm, il a l'organisation moléculaire de modèle membranaire fluide. Il contient 50 % de lipides (phospholipides, glycolipides et cholestérol) sous forme de bicouche fluide dans laquelle sont insérées les protéines périphériques et les protéines intégrées (40 %) ; 10 % d'oligosaccharides entrent dans la constitution des glycoprotéines de surface, l'acide sialique étant le plus répandu de ces polyanions (Gros et coll., 1975). C'est au sein de cette membrane que résident les supports moléculaires des diverses fonctions sarcolemmales : " canaux " et " pompes " ioniques, récepteurs et enzymes-régulatrices. Il est très probable que les protéines intégrées représentent les bases structurales des divers canaux ioniques. Les techniques morphologiques ne permettent pas encore leur identification. Les pompes (la pompe à sodium) sont des protéines transmembranaires enzymatiques (par exemple ATPase Na+, K+) comportant des sous-unités capables de se déplacer ; certaines sont visibles après coloration négative ou sur des cryofractures observées au microscope électronique (Huttner, 1980).
La membrane plasmique des cellules myocardiques ne tire son originalité que de ses différenciations : le système T et les différenciations situées au niveau du disque intercalaire.
Système T
Le sarcolemme latéral envoie, vers le centre de la cellule, de nombreuses invaginations tubulaires transversales
(fig. 9) (fig. 10) les tubules T, le système T. Leur lumière assez large est en communication avec les espaces extra-cellulaires. A la différence des muscles squelettiques, c'est en regard du disque Z des sarcomères et non de la jonction A-I que s'invaginent les tubules T myocardiques. Une seconde différence réside dans le fait que certains tubules T du myocarde se prolongent par un segment tubulaire longitudinal qui s'interpose entre les tubules L du réticulum. La technique des traceurs permet de distinguer les deux catégories de tubules longitudinales : la peroxydase et le lanthane, introduits dans l'espace extra-cellulaire, remplissent les tubules T et les tubules L qui les prolongent et non les tubules L appartenant au réticulum sarcoplasmique. La surface des tubules T est recouverte avec le même cell coat glycoprotéique anionique que le reste du sarcolemme. Des ions Ca2+ sont fixés sur les sites anioniques électro-négatifs.
Le système T pourrait jouer un triple rôle : dépositaire d'ions Ca2+ ; transmetteur de l'onde de la dépolarisation membranaire à l'ensemble de la cellule ; moyen d'augmentation de la surface d'échange ; d'où le développement inégal des tubules T : mieux développés dans le myocarde ventriculaire que dans le muscle squelettique, le myocarde atrial et les cellules de conduction, plus développés aussi dans les grandes que dans les petites cellules (rev. Challice et Viragh, 1973, Huttner, 1980).
Jonctions intercellulaires (disques intercalaires) et dispositifs d'adhésion et de conduction
Le disque intercalaire n'est que la jonction des membranes de deux cellules voisines au niveau de leur extrémité distale. C'est grâce aux dispositifs particuliers de cette région d'affrontement que le muscle cardiaque fonctionne comme un syncytium et le coeur comme un organe cohérent.
Sur une coupe longitudinale, l'espace intercellulaire est perpendiculaire à l'axe de la cellule. Il se situe au niveau de la strie Z des myofibrilles de la cellule voisine
. Sur une coupe transversale, le disque présente de nombreuses interdigitations de taille irrégulière
. La structure fine du disque est complexe. On peut y distinguer, entre les zones du sarcolemme non différencié, au moins trois types de jonction
(fig. 15).
La fascia adherens (synonyme : plaque d'insertion, jonction interfibrillaire) est la plus répandue. Elle comporte un espace intercellulaire de 20 à 30 nm sans structure particulière. La face endocellulaire des deux membranes plasmiques affrontées est recouverte d'une substance (" filamentous mats ") similaire à celle de la strie Z. Cette substance doit contenir au moins deux protéines connues : l'
actine (qui existe aussi dans la strie Z) et la vinculine (présente dans les sites où les microfilaments s'insèrent à la membrane plasmique). Le mode exact d'insertion des filaments d'actine au niveau des fascia est mal connu. L'association est extrêmement solide et résiste à des forces de traction considérables. Par contre, elle se disloque facilement en l'absence de calcium.
Le desmosome (synonyme : macula adherens, spot desmosome)
(fig. 13) (fig. 15) est la plus complexe des jonctions du disque intercalaire. Sa longueur peut atteindre 1
m, sa surface 0.5
m2, son profil est ovoïde (bouton de pression). C'est une structure spécialisée pour maintenir l'adhérence des cellules entre elles. Le desmosome est une région de continuité mécanique entre les éléments cytosquelettiques des cardiomyocytes voisins. Ce lien est réalisé grâce aux spécialisations intra et extra-cellulaires. Le versant endocellulaire des membranes est épaissi par deux plaques denses : l'une, interne, discontinue, appelée secondaire résulte de l'insertion de microfilaments intermédiaires cytosquelettiques ; l'autre, continue, plus épaisse et mieux définie, appelée plaque sous-sarcolemmale, se confond avec le feuillet interne de la membrane plasmique. A ce niveau, entre les deux feuillets de la membrane sarcolemmale, s'observent en cryofracture des particules intra-membranaires. Deux types de protéines ont été isolées des desmosomes : la desmine (ou skeletine), inhérente aux filaments intermédiaires et la desmoplakine propre à la plaque sous-sarcolemmale.
Dans l'interstice intercellulaire large de 20 à 30 nm, s'observe une lamelle centrale dense qui, après infiltration de lanthane, présente des connexions avec les feuillets sarcolemmaux adjacents. Il s'agit d'un grillage de microfilaments transmembranaires qui assure le couplage entre les éléments cytosquelettiques de deux cellules voisines. Les glycoprotéines adhésives isolées, appelées desmocollines, feraient partie de ce dispositif d'adhésion. Elles sont sensibles à la neuraminidase.
Il existe également des desmosomes latéraux situés au niveau du sarcolemme ordinaire.
En absence de calcium, le desmosome se disjoint.
Le nexus (ou " gap jonction ", ou macula communicans)
est peut-être le mieux étudié parmi les jonctions de myocarde et des autres tissus. A son niveau, les membranes sarcolemmales extrêmement rapprochées ne sont séparées que par une brèche (gap) de 2 à 3 nm, qui n'est visible qu'après coloration à l'acétate d'uranyl " sur bloc " et infiltration au lanthane colloïdal. Sur des coupes tangentielles, les surfaces membranaires apparaissent parcourues par un réseau d'unités hexagonales perméables au lanthane comportant un point central dense. La distance de centre à centre est de 9 à 10 nm. Après cryodécapage, on reconnaît un nexus à l'existence de particules globulaires de même taille (8 nm) groupées et faisant saillie. Elles sont appelées connexions et seraient formées d'une protéine, la connexine. L'étude aux rayons X révèle que chaque particule individuelle est constituée de 6 sous-unités (protéines intégrées) formant un ensemble cylindrique autour d'un canal central qui serait en continuité avec le canal de la particule opposée. Ainsi est formé un canal de communication entre les cytoplasmes des cellules voisines. Les espaces qui, dans chaque membrane, circonscrivent les particules sont en face des mêmes espaces du sarcolemme opposé et constituent le réseau canalaire perméable au lanthane.
Le nexus résiste à la suppression de calcium et à de nombreuses enzymes protéolytiques. Il est, par contre, disjoint par l'acétone et serait constitué, en partie, de phospholipides.
Classiquement, on considère le nexus comme lieu de " moindre résistance " au transfert d'ions de cellule à cellule, jouant un rôle déterminant dans le couplage électrotonique et la conduction et probablement dans les échanges métaboliques intercellulaires.
Les études ultrastructurales, après congélation rapide, remettent en question l'existence des structures canalaires des nexus et, avec cela, son rôle dans la propagation électrique (Forbes et coll., 1985). Deux autres mécanismes de propagation ont été récemment proposés : (1) l'accumulation de K+ dans la brèche ; (2) la création d'un champ électrique pouvant exciter la membrane postjonctionnelle sans voie de faible résistance.
En effet, aucune corrélation n'a encore été faite entre la présence et l'importance des nexus et la vitesse de conduction. Les aires de gap jonctions ne sont pas plus importantes dans le tissu de conduction que dans le myocarde de travail.
Les nexus sont toutefois mieux développés chez les mammifères, surtout de petite taille (rat, souris, cobaye) que chez les vertébrés inférieurs à " coeur lent " (rev. Forbes et Sperelakis, 1985).
Réticulum sarcoplasmique (tubules longitudinaux, tubules L, sarcotubules)
Le réticulum sarcoplasmique (RS) est composé d'un système de tubules, saccules et citernes, anastomosés en un réseau à mailles irrégulières entourant les myofibrilles
(fig. 7) (fig. 12). L'application de la postfixation au " ferrocyanure-osmium " et de l'étude stéréoscopique des coupes épaisses au microscope de haut voltage (Forbes et coll., 1985) ont permis de mieux connaître l'architecture tridimensionnelle du RS. Il occupe environ 7 % du volume cellulaire. La majeure partie (92 %) est représentée par le RS plexiforme
(fig. 16) : tubules de petit diamètre (25-50 nm) qui tissent un réseau anastomotique autour des myofibrilles et sous le sarcolemme. Les tubules périmyofibrillaires, longitudinalement orientés, sont plus nombreux au niveau des bandes A que des bandes I. Au niveau de la strie Z, ils se prolongent avec des éléments transversaux indépendants des tubules T, on les appelle " tubules Z ". Ils sont nettement plus courts et moins développés que les citernes terminales du RS du muscle squelettique. Le réseau périphérique du RS est étroitement appliqué à la surface interne du sarcolemme. D'autres tubules du RS plexiforme sont associés aux mitochondries et aux régions axiales périnucléaires des cardiomyocytes.
8 % des tubules et des saccules du RS appartiennent au RS jonctionnel étalé sous le sarcolemme du disque intercalaire.
Les tubules et les saccules du RS établissent des contacts avec les éléments sarcolemmaux. Ces contacts ont été appelés " coupling " (Sommer, Johnson) à cause de leur rôle vraisemblable dans le couplage " activation-contraction ".
Deux types de contacts sont décrits : (a) " coupling externe " entre les tubules du RS et le sarcolemme latéral ; (b) " coupling interne " entre les tubules L dilatés et les tubules T. Dans ce dernier cas, le tubule T est flanqué par 1 ou 2 tubules L à la façon des triades et des diades du muscle squelettique. L'espace entre tubule L et T mesure de 7,5 à 20 nm. Ce type de contact apparaît également entre le sarcolemme et les citernes du RS qui, en raison de leur situation, ont été appelés " citernes ou vésicules sous-sarcolemmiques ". On en trouve également au niveau du disque intercalaire.
Les tubules L sont doués d'un pouvoir chélateur vis-à-vis du Ca2+. Ils jouent un rôle très important dans les transferts d'ions Ca2+ à l'intérieur de la cellule, via le couplage activation-contraction.
L'activité et le nombre des tubules L est plus faible dans le myocarde que dans le muscle squelettique, en particulier les fibres blanches à contraction rapide. Ils sont plus développés quand la fréquence cardiaque est plus élevée : les reptiles en possèdent moins que les mammifères et le pinson (Forbes et coll., 1985).
Appareil contractile
Comme dans le muscle squelettique, l'appareil contractile du myocarde comporte des myofilaments épais et des myofilaments fins dont l'interpénétration détermine la striation transversale des cardiomyocytes
(fig. 8). Ces filaments sont assemblés plutôt sous forme d'unités contractiles, coalescentes et mal délimitées
(fig. 7) que comme de véritables myofibrilles, comme dans le muscle squelettique. Chaque cardiomyocyte contient 300 à 700 unités contractiles. Chaque unité comporte de 200 à 1 000 myofilaments épais de myosine autour desquels s'agencent les myofilaments fins d'actine. La géométrie parfaite de cet agencement est visible sur des coupes transversales. Les rapports, toutefois, diffèrent d'un segment à l'autre du sarcomère.
Au niveau de la bande A, chaque myofilament épais est entouré par six filaments fins
(fig. 17) qui occupent des angles d'un hexagone régulier, les filaments épais occupant eux-mêmes les sommets d'un triangle isocèle au centre duquel se trouve un filament d'actine : il y a, par unité de surface, deux filaments fins pour un filament épais. Au niveau des stries H et M, on ne trouve que des myofilaments épais. Dans la bande I, seuls apparaissent les myofilaments fins. Enfin, au niveau de la strie Z, lieu de rencontre des filaments d'actine des sarcomères voisins, il apparaît une structure réticulaire à mailles carrées. Elle résulte de la division des filaments d'actine. Car c'est à ce niveau qu'ils s'enracinent et se relient les uns aux autres
(fig. 18 a). Chaque filament se divise en de fins filaments à l'aide desquels il se relie à 3 ou 4 autres filaments d'actine du sarcomère suivant. Ainsi, lors de la contraction, toute déviation oblique ou transverse du mouvement est évitée. Biochimiquement,
actine et actinine ont été identifiées dans le matériel de la strie Z. La strie Z du myocarde est plus large que celle du muscle squelettique. Cela l'apparente aux muscles squelettiques rouges et lents (Grosgogeat, Hatt, 1970).
Lors de l'hypertrophie physiologique, la strie Z s'élargit considérablement avec l'apparition d'un matériel dense aux électrons (
actinine) et des filaments fins similaires à l'actine. Il n'y a pas de néoformation de myosine (Bishop, 1983, Ferrans, 1984).
Morphologie moléculaire des myofilaments
Les filaments épais de myosine, d'un diamètre de 15 nm et d'une longueur de 1,5
m, sont disposés sur toute la longueur de la bande A. Ils sont hérissés d'expansions latérales d'environ 13 nm de longueur, appelées " ponts d'union ", correspondant à la partie globulaire (tête) des molécules de myosine. Deux expansions de même niveau, situées systématiquement de part et d'autre du filament, représentent une paire. Chaque paire est séparée de la suivante d'un intervalle de 14,3 nm et forme avec elle un angle de 12 nm ; cette disposition spatiale décrit ainsi une hélice. La longueur de cette hélice est de 43,1 nm pour un tour, impliquant 6 expansions latérales de myosine respectant entre elles un espace de 14,3 nm
(fig. 18 b).
Dans chaque myofilament épais, s'associent ainsi 350 à 400 molécules de myosine. Chaque molécule de myosine est composée de 2 chaînes polypeptidiques entrelacées en hélice. Son aspect gén r acute; al est semblable à celui d'une crosse de hockey. La partie craniale composée de meromyosine lourde comporte une tête globuleuse (bilobée) et un cou. La queue, plus longue (93 nm), est composée de meromyosine légère. Les têtes sont orientées vers l'extérieur du myofilament. Au niveau du cou existent deux " zones d'articulation ". Grâce à cela, lors de la contraction, l'appendice transversal peut s'accrocher à un filament d'actine et former un pont transversal (pont d'union).
Il existe plusieurs isoformes de la myosine : deux (A1et A2) dans les oreillettes et trois (V1, V2 et V3) dans les ventricules (Zak, 1983).
Les myofilaments fins d'actine, de 5 nm de diamètre et de 1
m de longueur, s'étendent de part et d'autre de la strie Z et occupent toute la bande I
. Ils pénètrent dans la bande A entre les filaments de myosine jusqu'au bord de la bande H. Chaque filament fin renferme l'actine (forme G et forme F), la tropomyosine, et la troponine
(fig. 19). 400 molécules de l'actine globuleuse (G) forment une chaîne en collier de perles représentant l'actine filamenteuse (F) ; deux chaînes F s'enroulent en double hélice pour former un filament d'actine. La tropomyosine, deux filaments enroulés de 40 nm de long, se moule dans la gorge de la double hélice de l'actine. A chaque molécule de tropomyosine, est associée une troponine globulaire ; cette dernière contient 3 chaînes de polypeptides : TN-C qui peut lier deux ions Ca2+, TN-T qui peut lier la tropomyosine, et TN-I qui peut inhiber la contraction (Challice et coll., 1973 ; Lossnitzer et coll., 1984, Fawcett, 1986).
Myofilaments et contraction
Au cours du repos diastolique, le complexe troponine-tropomyosine se lie à l'actine grâce à la TN-I, en empêchant ainsi le contact actine-myosine. Pendant la systole, sous l'effet de la dépolarisation membranaire, se produit un flux calcique vers le cytoplasme, à travers le sarcolemme et le réticulum sarcoplasmique. Les ions Ca2+ se lient à la troponine C, un changement de position de complexe troponine-tropomyosine se produit. Les sites actifs d'actine sont ainsi libérés et peuvent activer l'ATPase des têtes de myosine. L'hydrolyse de l'ATP libère l'énergie nécessaire pour que les myofilaments d'actine glissent vers le milieu du sarcomère en réalisant un mouvement hélicoïdal en pas de vis entre les myofilaments de myosine. Ainsi, la longueur du sarcomère est réduite (= contractions). Au début de la diastole, le mouvement de Ca2+ en sens inverse restaure la liaison entre la troponine-I et l'actine ; les points transversaux actomyosiniques sont ainsi rompus
(fig. 20).
Enclaves et organites liés à la transformation d'énergie
Les mitochondries sont très abondantes (35-40 % du volume cellulaire), alignées longitudinalement entre les " myofibrilles " et distribuées sans ordre dans le sarcoplasme périnucléaire. Elles ont de 1,5 à 2
m de longueur et de 0,6 à 1,2
m de largeur
. Leur aspect est sensible à la fixation : si le fixateur est hyperosmotique, elles sont plus petites et leur matrice est plus dense. L'hyposmolarité provoque l'effet inverse. Les mitrochondries sont, en outre, très sensibles à l'hypoxie. Les meilleurs images s'observent après fixation immédiate par perfusion. Il ne semble pas exister de corrélation entre l'ultrastructure des mitochondries et leur état fonctionnel. Par contre, leur taille augmente et elles peuvent se diviser lors de surcharge de travail. Dans l'ischémie aiguë, elles se gonflent.
Dépositaires de nombreuses enzymes oxydatives et autres, les mitochondries sont le centre de la respiration cellulaire et de la phosphorylation oxydative. Elles consomment 95 à 98 % de l'oxygène cellulaire et constituent la principale source d'énergie pour la fonction contractile, à travers la synthèse de l'ATP. Elles sont, en même temps, un réservoir de calcium (Oron, Mandelberg, 1985, Ferrans, 1984).
Autour des mitochondries, s'observent beaucoup de granules de glycogène ß (15-30 nm de diamètre) isolés. Le glycogène sert de substrat au métabolisme oxydatif mitochondrial (en plus des acides gras, de l'acide lactique et du glucose).
Particules lipidiques : 50 à 80 % de l'énergie nécessaire pour le travail cardiaque provient de l'oxydation des lipides, en particulier les acides gras puisés du sang capillaire. Mais les cardiomyocytes sont capables de produire et stocker des lipides estérifiés en réserve. Trois particules ultrastructurales les contiennent : les particules entourées de membranes et associés au réticulum (lieu de synthèse), les particules associées aux lysosomes, les gouttelettes lipidiques libres (" cytosoliques ") situées à proximité des mitochondries.
A côté des mitochondries, sont localisés aussi les minuscules peroxysomes (0,25
m de diamètre) contenant catalase et autres enzymes oxydatives et impliquées dans le catabolisme lipidique.
Organites liés aux fonctions de synthèse et de dégradation
Le noyau est entouré d'une double membrane dont l'externe est percée de micropores bien visibles sur des coupes tangentielles. L'aspect et le nombre des nucléoles changent, probablement en relation avec l'activité de synthèse protéique. Dans la région juxta-nucléaire, l'appareil de Golgi et le réticulum endoplasmique sont très rudimentaires dans le myocarde ventriculaire et chez l'adulte. Ils sont plus développés chez l'embryon et dans les stades initiaux des surcharges mécaniques. Les ribosomes peuvent se voir sous trois aspects : associés au réticulum ; libres (difficiles à distinguer du glycogène
) ; polyribosomes hélicoïdaux (lors de l'embryogenèse et des surcharges mécaniques). Les lysosomes, habituellement petits (40-80 nm), sont localisés, peu nombreux, autour du noyau, près des citernes golgiennes.
Des corps denses plus grands (0,1-0,4
m) et des corps multivésiculaires résultant de la coalescence des petits lysosomes sont visibles chez l'animal âgé. Des corps résiduels et des vacuoles autophagiques sont d'autres formes de lysosomes sénescents. Les grains de lipofuscine sont l'équivalent en microscopie optique de ces lysosomes secondaires vieillis. Des microtubules peuvent également être vus, plus souvent dans les premiers stades des surcharges mécaniques (Hatt et coll., 1971).
Les myocytes auriculaires présentent trois types : contractiles, de transition, et " myo-endocrine ". La plupart sont de type contractile, avec des unités myofilamenteuses bien organisées, mais moins denses que dans le muscle ventriculaire, et des mitochondries plus petites et moins nombreuses. Les tubules T sont moins développés que dans le myocarde ventriculaire. Les disques intercalaires sont simplifiés et les nexus moins répandus (6 % de la surface totale).
Les cellules de " transition " , organisées en un réseau sous-endocardique à mailles lâches, ressembleraient aux cellules nodales. Ce type pourrait correspondre à des cellules chargées de la conduction, ce qui cadrerait avec le caractère diffus et mal systématisé des voies de conduction intra-auriculaire. Dans les cellules de type myo-endocrine, relativement pauvres en matériel contractile, l'appareil de Golgi et le réticulum endoplasmique granulaire bien développés coexistent avec les grains spécifiques de Jenieson et Palade pour constituer un ensemble morphologique de type sécrétoire. Les grains spécifiques (0,3 à 0,4
m), de nature glycoprotéique (Huet, Cantin, 1974), présentent divers degrés de densité aux électrons. Ils sont concentrés, près du noyau et de l'appareil de Golgi. Deux hormones polypeptidiques ont été biochimiquement et immuno-histochimiquement identifiées dans les grains : l'une (" Cardionectrine " à 28 acides aminés), a des effets diurétiques et natriurétiques ; l'autre (" cardiodilatine " à 128 acides aminés) est un myorelaxant-vasodilatateur. Les grains contenant ces polypeptides sont plus abondants dans l'auricule droit. Le muscle atrial peut être considéré comme un organe endocrine impliqué dans le contrôle de l'équilibre hydrominéral. Il n'est pas encore clair si les " cellules myoendocrines " produisent plusieurs hormones distinctes ou une seule pro-hormone à chaîne très longue, ultérieurement découpée en plusieurs hormones (de Bold, 1986 ; Fawcett, 1986).
Les cellules cardio-nectrices sont différentes selon qu'elles appartiennent aux noeuds, au faisceau de His ou au réseau de Purkinje. Les cellules nodales
(fig. 21) présentent des disques intercalaires très simplifiés, les desmosomes y sont fréquents, les nexus rares (ceci peut corréler avec la lenteur de la conduction nodale). L'appareil de Golgi et le réticulum sont bien développés, les " myofibrilles " sont éparses et désorientées. Les mitochondries sont peu nombreuses. Les tubules T sont absents (les cellules sont de petite taille). Les tubules L sont, par contre, bien développés. Le glycogène est abondant.
Les cellules du faisceau de His et de ses branches ont des disques intercalaires irréguliers, débordant souvent sur les faces latérales, les nexus sont abondants, le réticulum sarcoplasmique et les myofibrilles sont peu développés
(fig. 22).
Les cellules de Purkinje , volumineuses, riches en sarcoplasme et glycogène, sont d'aspect intermédiaire entre les précédentes et les cellules contractiles, en ce qui concerne la densité en myofibrilles, mitochondries et système tubulaire. Certains aspects évoquent un renouvellement accéléré des protéines (irrégularités des lignes Z, présence de polyribosomes (Arluk et coll., 1974 ; Challice, Viragh, 1973 ; Shimada et coll., 1986).
Les études histochimiques du métabolisme cellulaire ont indiqué : (1) que le myocarde ressemble au muscle squelettique rouge ; (2) qu'il n'y a pas de différences entre les deux ventricules et les muscles papillaires ; (3) qu'il existe, par contre, des différences enzymatiques entre fibres myocardiques et fibres cardionectrices, entre oreillettes et ventricules, et entre les myocardes des diverses espèces (voir synopsis,
tableau I)
Le myocarde ventriculaire est mieux pourvu que le tissu nodal et le muscle atrial en enzymes mitochondriales rattachées au cycle de Krebs et à la chaîne respiratoire. Ceci atteste ses meilleures capacités énergétiques grâce à la dégradation aérobie des acides gras et du glucose et la phosphorylation oxydative - génératrice d'ATP. Cette dépendance du métabolisme aérobique rend les myocytes ventriculaires particulièrement sensibles à l'hypoxie. Un des caractères spécifiques de la myosine cardiaque est sa Ca2+ATPase. Elle semble être très hétérogène. Différente de l'ATPase du muscle squelettique rouge, elle serait différente aussi d'un myocarde ou d'une région myocardique à l'autre, probablement en rapport avec l'hétérogénéité moléculaire de la myosine (Swynghedauw, 1987 ; Thornell et coll., 1982).
Les enzymes de la glycolyse et des voies du glycogène, des pentoses et de la gluconéogenèse sont plus actives dans le tissu nodal et de conduction
(fig. 23). La richesse en glycogène et les activités glycogène - phosphorylase, glycogène synthétase,
-glycérophosphate déshydrogénase, phosphofructokinase et glucose-6 phosphate déshydrogénase - peuvent aider à l'identification microscopique des cellules de Purkinje (marqueurs). Les activités relativement élevées de la MAO mitochondriale et de l'acétylcholinesterase du sarcolemme des cellules nodales suggèrent les interactions entre le tissu de conduction et certains neurotransmetteurs (Elias et coll., 1980). Les activités enzymatiques lysosomiales (phosphatases et autres hydrolases acides) sont, aussi, plus élevées dans le tissu de conduction que dans le myocarde de travail ; elles augmentent avec l'âge (Henry, Lowry, 1983).
Parmi les structures non myocardiques, les nerfs et les capillaires sont marqués par la cholinestérase, les artères par l'ATPase-Mg2+ ; les artériolo-capillaires par la phosphatase alcaline et la 5'nucléotidase. Les fibres acétyl-cholinesterase positives sont plus fréquentes dans les oreillettes que dans les ventricules. La 5'nucléotidase génératrice d'adénosine vasorelaxant est très active au niveau artériolaire : elle pourrait être impliquée dans la régulation du flux coronaire.
L'histo-enzymologie comparée indique à la fois la similitude du profil et les différences de réactivités enzymatiques du myocarde des diverses espèces animales (cf. synopsis). Des techniques dérivées de l'histo-enzymologie (colorations aux sels de tétrazolium) permettent de distinguer macroscopiquement les zones d'infarctus sur des coupes anatomiques du coeur (Klein et coll., 1981).
Développement embryonnaire
Au cours du développement embryonnaire, organogenèse et cytogenèse sont intimement liées.
Les cellules cardiaques dérivent du splanchnopleure mésoblastique. Le tube cardiaque primitif est constitué de cellules endo et épicardiaques et de myoblastes, dépourvus de protéines contractiles. Peu après (36e heure d'incubation de l'embryon de poulet), les cellules commencent à synthétiser l'actine et la myosine. Les premiers myofilaments apparaissent, en contact avec les polyribosomes hélicoïdaux : c'est le stade de prémyocytes. Les assemblages des filaments autour des amas de substance Z, situés sous le sarcolèmme, commencent à ressembler aux myofibrilles ; les premiers battements cardiaques apparaissent : c'est le stade du myocyte immature, contractile, mais encore capable de se diviser. Le développement initial est indépendant des facteurs hémodynamiques.
Au cours de la morphogenèse ultérieure (looping), les myocytes s'allongent et se rapprochent, leurs myofibrilles se répandent dans le sarcoplasme et s'organisent dans le sens de la contraction cellulaire. Les contacts intercellulaires s'établissent, les fascia adherens se développent, suivis des desmosomes, puis des nexus.
Dès que les premières myofibrilles se différencient, apparaissent les " coupling " entre les tubules T et les éléments du sarcoplasme.
Au début du développement, le myocarde ne comporte que des myocytes. Plus tard, les cellules non musculaires prolifèrent rapidement de telle sorte que, chez le rat nouveau-né, leur nombre est trois fois supérieur à celui des myocytes.
Pendant toute l'embryogenèse, les myocytes restent riches en organelles liées aux activités de synthèse. Les granules spécifiques de Jemieson et Palade, presque exclusivement auriculaires chez l'adulte, sont omniprésents dans le coeur foetal.
Contrairement au muscle squelettique, les cardiomyocytes continuent de se diviser après l'apparition des premières myofibrilles. Toutefois, au cours de la dernière période de la gestation, le nombre des mitoses diminue. La croissance du coeur est alors assurée plutôt par l'augmentation de la taille des cellules préexistantes : c'est le stade du myocyte mature.
La mort des myocytes fait partie de la morphologenèse tardive du coeur, comme s'ils étaient produits en surnombre lors des stades précédents.
Le développement et la croissance du coeur pendant les stades tardifs (après le " looping ") sont dépendants des facteurs hémodynamiques et des médiateurs chimiques (Zak, 1983).
Développement postnatal
Croissance . Le coeur s'accroît de 40 à 100 fois, de la naissance à l'âge adulte. Ceci est dû surtout à l'augmentation de la taille des myocytes et beaucoup moins à l'augmentation de leur nombre.
Chez l'homme, le nombre des cardiomyocytes est sensiblement le même à la naissance et chez l'adulte. Chez le rat, il double pendant les 3-4 premières semaines (Zak, 1983). La synthèse de l'ADN continue pendant encore quelques temps d'où l'apparition de cellules binucléées et multinucléées et des noyaux polyploïdes. Chez l'homme, les myocytes binucléées apparaissent jusqu'à la 5e année, plus tard (5-9 ans), la réplication de l'ADN n'est plus suivie de division nucléaire - les noyaux polyploïdes (4c, 8c, ou 16c) en résultent. Encore plus tard, la synthèse de l'ADN s'arrête à son tour. On connaît mal les facteurs responsables de cette répression : déclin enzymatique (DNA polymérase, thymidine kinase), modulation chimique (noradrénaline), oxygénation abondante (Zak, 1983).
Le nombre des cellules non myocardiques et des capillaires augmente au cours de la croissance myocardique : 1 capillaire sert 4 myocytes chez le nouveau-né et un seul chez l'adulte.
L'augmentation de la taille des myocytes (hypertrophie physiologique) domine la croissance cardiaque normale (jusqu'à 250 g) ou adaptative (jusqu'à 500 g). Deux mécanismes sont simultanément mis en jeu :
- - la naissance de sarcomères nouveaux qui conduit à l'augmentation de la longueur des myofibrilles ;
- - l'addition de myofibrilles nouvelles, en parallèle, qui détermine l'augmentation de la largeur du myocyte. De ce fait, le rapport longueur/largeur demeure constant pendant que le volume cellulaire augmente de 30 à 40 fois. Les myofibrilles anciennes occupent le centre de la cellule, les myofibrilles néoformées sont encore périphériques.
L'hypertrophie physiologique est dépendante des facteurs hémodynamiques : chez le foetus, il n'y a pas de différences entre les myocytes du VG et du VD. Le VG s'épaissit après la naissance et la fermeture de l'orifice interventriculaire.
Hypertrophie compensatrice . Elle survient en cas de perte de cellules myocardiaques (infarctus limité chez l'homme, cardiomyopathie multifocale chez le hamster). Le myocarde restant, qui doit alors prendre en charge le travail des myocytes disparus, s'hypertrophie. L'hypertrophie est compensatrice si les performances mécaniques restent normales. Si un peu plus tard une insuffisance se développe, l'hypertrophie serait désignée comme pathologique.
Développement in vitro
Les cultures d'organe et les cultures d'explants (histotypiques) font partie du patrimoine de la cardiologie expérimentale depuis le début de ce siècle. Les cultures cellulaires, réalisées après dissociation enzymatique des cardiomyocytes, sont devenues depuis les années 50, le modèle préféré pour l'étude de la physiologie, la pharmacologie, la biochimie et la toxicologie des cellules myocardiques. La plupart des auteurs considèrent que les propriétés des cellules cardiaques en culture sont comparables à celles observées in vivo et que, dans ces conditions, les résultats peuvent être extrapolés aux tissus d'origine.
Le plus souvent, les cellules cardiaques proviennent de donneurs immatures : embryons (poulet, souris, hamster, homme) ou nouveau-nés (rat, hamster, souris). Bien que leurs cellules diffèrent des cellules myocardiaques adultes, les cultures de myocytes immatures sont largement acceptées comme un outil valable de la cardiologie cellulaire.
Les cellules cultivées peuvent rester isolées ou être groupées en mono- et multi-couches ou en agrégats. Les cultures de cellules associées sont particulièrement intéressantes pour l'étude des interactions cellulaires électrophysiologiques et biochimiques.
Les cellules des cultures primaires, associées en couche, se contractent de façon synchrone. Elles sont différenciées et le restent au moins six semaines. Les mitoses cardiaques sont rares. La prolifération cellulaire est due surtout aux cellules non myocardiques. De nombreux types d'étude sont réalisés sur les cardiomyocytes en culture : inotropisme, chronotropisme, courants et flux ioniques transmembranaires, dosages de métabolites intracellulaires (Auclair et Freyss-Beguin, 1980 ; Swynghedauw, 1987).
De rares laboratoires ont réussi récemment la mise en culture de cardiomyocytes adultes. Après dissociation enzymatique des myocytes (par perfusion ou par immersion), ils sont rendus calcium tolérants par divers procédés et cultivés en suivant deux protocoles de redifférenciation et d'attachement cellulaire rapide. Les cellules ainsi cultivées conservent leur morphologie adulte, ainsi que leur aptitude biochimique et électrophysiologique. Cette méthode naissante aura certainement un bel avenir (Jacobson, Piper, 1986).