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L'intérêt de l'étude des prostaglandines (PG) réside dans leur implication  physiopathologique artérielle et de l'intérêt clinique de leur modulation  thérapeutique en pathologie thrombotique.
Les plaquettes jouent un rôle prépondérant dans la genèse des thromboses  artérielles. Parmi les antiplaquettaires, l'aspirine a montré une efficacité  dans la prévention d'un quart ou un peu plus des accidents thrombotiques  artériels 
, en  particulier les pathologies ischémiques coronaires (angor instable et infarctus  du myocarde) et les pathologies ischémiques vasculaires cérébrales (accidents  ischémiques transitoires et accidents vasculaires constitués). Cette protection  n'est que partielle, il y a donc la possibilité, en comprenant mieux les  mécanismes et en dessinant de nouvelles molécules, de pouvoir arriver à des  résultats supérieurs. Il est maintenant admis que l'efficacité de l'aspirine est  corrélée à l'inhibition de la production de thromboxane par les plaquettes  
.
À côté des plaquettes, le second producteur de PG dans le système vasculaire  est la paroi vasculaire qui produit essentiellement des PG vasodilatatrices et  antiagrégantes plaquettaires. Cette constatation, qui date de la fin des années  1970, a été à l'origine d'un débat sur les doses d'aspirine à donner pour  inhiber efficacement les PG plaquettaires (thromboxane) en préservant les PG  pariétales (prostacycline) 
.  Actuellement, il n'y a aucun argument d'observation thérapeutique que  l'inhibition des PG vasculaires puisse avoir un effet prothrombogène de  signification 
.
Le troisième type cellulaire producteur de prostaglandines largement impliqué  dans plusieurs chapitres de la physiologie et de la pathologie vasculaire est  les monocytes.
La connaissance des PG doit aider à comprendre les thérapeutiques existantes  et à venir, et à éviter les erreurs de conceptions antérieurement émises.
Nous allons donc rapidement faire le point sur les prostaglandines  vasculaires.
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Les plaquettes s'activent lorsqu'elles sont stimulées par des divers  agonistes physiologiques pour lesquels les plaquettes portent à leur surface des  récepteurs spécifiques : ainsi agissent la thrombine, le collagène, l'adénosine  5'diphosphate (ADP), le PAF (platelet activating factor), le thromboxane A2, la  sérotonine, l'adrénaline 
. Ces  inducteurs agissent par un réseau de voies de transductions des messages  d'activation, interdépendants, par lesquels les plaquettes entreprennent une  série de jonctions : changement de forme, agrégation, sécrétion.
Ces voies de transducteurs intraplaquettaires des messages d'activation  mettent en jeu l'activation de la phospholipase C avec formation de  diacylglycérol stimulant de la protéine kinase C (PCK) et d'inositol 1, 4, 5  triphosphate (IP3) qui lui induit la libération d'ions calcium (Ca2+) des  réserves intracytoplasmiques et donc l'augmentation du Ca2+ intracytoplasmique.  Cette augmentation du Ca2+ active la phospholipase A2 qui agit sur son substrat,  les phospholipides de membrane, pour libérer de l'acide arachidonique. L'acide  arachidonique est le substrat de la cyclo-oxygénase (COX) qui le transforme en  endoperoxydes PGG2 puis PGH2 qui est elle-même convertie en thromboxane A2 par  action de la thromboxane synthétase. Dans les conditions normales, de faibles  quantités de PGE2, PGD2 et PGF2

 sont aussi produites par les  plaquettes stimulées. Le thromboxane A2 ainsi produit sort de la plaquette et  active les récepteurs des plaquettes avoisinantes. Le thromboxane A2 participe  ainsi au recrutement des plaquettes de voisinage dans les phénomènes d'hémostase  et de thrombose. La voie des thromboxanes est donc une boucle d'amplification de  l'activation plaquettaire 
.
L'agrégat plaquettaire s'organise par liaison du fibrinogène aux récepteurs  des membranes GPIIb/IIIa qui ont pris une configuration " activée " au cours du  processus d'activation de la plaquette. Le fibrinogène étant une molécule  symétrique bivalente, il constitue des ponts moléculaires entre les  plaquettes.
Le système d'activation plaquettaire peut être interrompu par les agents qui  augmentent l'adénosine 3'-5'-monophosphate (AMP) cyclique (AMPc). Cette  augmentation de l'AMPc peut être obtenue soit par stimulation de l'adénylate  cyclase soit par inhibition de l'AMPc phosphodiestérase. Les agents  physiologiques stimulant l'adénylate cyclase plaquettaire sont la prostacycline,  l'adénosine et la PGD2 (qui est formée en faible quantité au cours de  l'activation plaquettaire).
La prostacycline est le principal métabolite de l'acide arachidonique formé  par la paroi vasculaire. Les premières étapes de synthèse des prostanoïdes sont  identiques dans les cellules endothéliales et les plaquettes, mais dans  l'endothélium les PG/endoperoxydes suivent une voie spécifique et sont  transformées en prostacycline par la prostacycline synthétase. De plus, il a été  montré que, sous certaines conditions, les PG/endoperoxydes formées par les  plaquettes activées peuvent être libérées des plaquettes, pénétrer dans les  cellules endothéliales et suivre le schéma métabolique de cette cellule ; ainsi  les produits intermédiaires du métabolisme des PG plaquettaires subissent un  métabolisme transcellulaire : repris par l'endothélium pour produire de la  prostacycline, constituant ainsi un feedback négatif pour l'activation  plaquettaire 
.
Le thromboxane A2 est le principal métabolite des PG qui se fixe à un  récepteur membranaire pour initialiser les processus d'activation et  d'agrégation 
. Le  récepteur au thromboxane A2 et lié par une G protéine de la classe Gq à une  phospholipase C qui hydrolyse les phospho-inositides en deux puissants seconds  messagers stimulateurs : l'IP3 et le diacylglycérol 
.
Les seconds messagers induisent des mécanismes différents de l'activation  plaquettaire : l'IP3 entraîne l'augmentation du calcium libre intracytoplasmique  et le diacylglycérol entraîne l'activation de la PCK.
Il n'est pas encore complètement établi si ces mécanismes résument tous les  mécanismes d'action activés par le thromboxane A2.
En effet, l'utilisation d'analogues radiomarqués de thromboxane A2 ont permis  de démontrer qu'il existait au moins deux classes de sites de liaison aux  plaquettes. Il pourrait donc exister deux sous-types de récepteurs qui agiraient  indépendamment, un pour induire le changement de forme et l'autre l'agrégation  
. Ceci est confirmé par le fait que différents  analogues de thromboxane A2 activent différemment changement de forme et  agrégation. Ainsi, un type de récepteurs liés à la phospholipase C induirait  l'agrégation et la sécrétion plaquettaire, alors que l'autre induirait une  augmentation du calcium cytoplasmique et un changement de forme.
D'un point de vue moléculaire, deux isoformes de récepteurs humains au  thromboxane A2 ont été clonées : une isolée à partir de placenta et l'autre à  partir de l'endothélium (appelées respectivement T×R

 et T×R

). Les deux isoformes diffèrent par  leur partie carboxyterminale. Les deux formes sont présentes sur les plaquettes,  les deux isoformes ont des capacités similaires de lier ces ligands et d'activer  la phospholipase C mais ont des effets opposés sur l'activité de l'adénylate  cyclase : T×R

 l'active alors que T×R

 l'inhibe.
Une mutation (Arg60 Leu) de T×R

 induit cliniquement une  thrombopathie avec un syndrome hémorragique 
 et se  caractérise par un trouble de l'activation de la phospholipase C et de  l'adénylate cyclase alors que la T×R

 conserve son activité inhibitrice  de l'adénylate cyclase.
Donc l'inhibition de l'adénylate cyclase pourrait participer à des mécanismes  de réponse plaquettaire comme le changement de forme 
. Les deux sous-types de récepteurs pourraient provenir d'un  épissage alternatif du même gène.
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Le système cardiovasculaire est régulé par des mécanismes centraux, hormonaux  et des médiateurs locaux.

 Anatomiquement
L'endothélium situé entre les cellules musculaires lisses des parois des  vaisseaux sanguins et les éléments figurés circulants activables, en particulier  plaquettes et monocytes, règlent la majorité des fonctions de cette interface.  En réponse à des signaux mécaniques (modification des conditions circulatoires :  vitesse, pression...), des signaux hormonaux ou des modifications métaboliques  locales (hypoxie), l'endothélium libère des médiateurs qui modulent la  contraction et la prolifération des cellules musculaires lisses, l'adhésion et  l'agrégation des plaquettes et des leucocytes et leur interaction avec les  phénomènes de coagulation.
Les PG endothéliales (en particulier la prostacycline), le monoxyde d'azote  (NO) et un facteur d'hyperpolarisation, non encore complètement caractérisé,  médient les phénomènes de relaxation. En outre, la prostacycline et le NO  inhibent la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses,  l'adhésion et l'agrégation des plaquettes.
Le thromboxane A2 et la PGH2 sont, avec l'endothéline I, des facteurs  endothéliaux vasocontractants. Alors que le thromboxane A2 et la PGH2 activent  les plaquettes, l'endothéline I n'a pas d'effet direct sur les plaquettes mais a  un effet stimulant la prolifération des cellules musculaires lisses des parois  vasculaires.

 Conditions physiologiques
En conditions physiologiques, l'endothélium se caractérise par un ensemble de  fonctions protectrices du vaisseau :
- - vis-à-vis des cellules circulantes et pariétales :   
 - - en prévenant l'adhésion, l'agrégation des cellules sanguines ;  
 
- - en dilatant les vaisseaux et en inhibant la prolifération des cellules  musculaires lisses ; 
 
- - vis-à-vis de tous les systèmes moléculaires activables (en particulier la  coagulation). 
 

 Conditions pathologiques
En état pathologique, les dysfonctions de l'endothélium entraînent  vasoconstriction, adhésion et agrégation des plaquettes et des monocytes,  prolifération des cellules musculaires lisses, série d'événements que l'on sait  participer à la genèse des lésions d'athérosclérose et de leurs complications  thrombotiques.

 Prostacycline
La prostacycline est le plus anciennement connu des facteurs vasodilatateurs  d'origine endothéliale. La prostacycline endothéliale entraîne une relaxation  dépendante de l'endothélium, des cellules musculaires lisses vasculaires en  agissant comme déjà précédemment décrit au niveau de la plaquette. Les  récepteurs à la prostacycline stimulent l'adénylate cyclase et augmentent le  taux d'AMPc. La prostacycline est formée après activation de la phospholipase  A2, de la COX et de la prostacycline synthétase. La prostacycline est libérée  par les cellules endothéliales en réponse aux modifications des contraintes de  cisaillement à la paroi, de l'hypoxie et d'agents vasoactifs qui stimulent les  autres activités vasodilatatrices de la cellule endothéliale. La prostacycline a  un puissant effet inhibiteur de l'agrégation plaquettaire.
La prostacycline est le principal prostanoïde dans tous les tissus  vasculaires. Dans les larges vaisseaux, il existe un gradient de concentration  de la prostacycline depuis la face intimale, avec une diminution progressive  vers l'adventice 
. Les  cellules endothéliales sont individuellement (par cellule) le plus fort  producteur de prostacycline 
 mais les  cellules musculaires lisses peuvent aussi en produire et, par leur nombre  beaucoup plus important que celui des cellules endothéliales, leur production  est globalement significative. La prostacycline a une puissante activité  vasodilatatrice et donc hypotensive sur tous les lits vasculaires 
.
La prostacycline augmente l'AMPc des cellules musculaires lisses, des  plaquettes. Dans les plaquettes, la prostacycline agit synergiquement avec le NO  pour inhiber l'agrégation plaquettaire.
Cet effet antiagrégant plaquettaire se démontre par un effet antithrombotique  dans un grand nombre de modèles expérimentaux. Quand elle a été testée à forte  concentration, la prostacycline a en plus un effet inhibiteur de l'adhésion  plaquettaire.

 Activités endothéliales vasodilatatrices autres que la  prostacycline
L'activité vasodilatatrice des cellules endothéliales est aussi due à  d'autres médiateurs, en particulier le NO. Le principal médiateur des activités  vasodilatatrices de l'endothélium, en dehors de la prostacycline, a été reconnu  être une substance de durée de vie extrêmement brève (quelques secondes),  initialement appelée le facteur relaxant endothélial (EDRF) 
 qui a été identifié comme étant le radical libre NO  
. Dans les cellules musculaires lisses vasculaires, le  NO stimule la guanilate cyclase soluble et augmente le taux de  guanosine-3'-5'monophosphate cyclique (GMPc). Le GMPc induit la relaxation des  cellules musculaires lisses en augmentant la recapture du calcium cytosolique  vers les organelles de stockage, ou bien son extrusion vers le milieu  extracellulaire. Le NO dans certains territoires vasculaires agirait par  activation des canaux potassiques indépendamment du taux de GMPc. Le NO est  synthétisé par une enzyme membranaire constitutive, la NO synthétase (NOS de  type 3) qui catalyse la conversion de la L-arginine en L-citruline avec  oxydation de l'azote guanidoterminal de la L-arginine. Les relaxations dépendant  de l'endothélium peuvent être inhibées par des analogues de la L-arginine comme  la L-NG-monométhyl-L-arginine (L-NMMA) ou la N-I, 3-L-arginine-méthylesther qui  entrent en compétition avec le précurseur naturel L-arginine de l'enzyme.
La participation prédominante du NO pour induire un état de vasodilatation de  base est prouvée par le fait que l'administration en perfusion intraveineuse de  L-NMMA induit des augmentations prolongées de la tension artérielle, par  augmentation des résistances périphériques. De même, des souris n'exprimant plus  le gène de la NOS endothéliale se caractérisent par une pression artérielle plus  élevée que celle des souris témoins.
Mais le NO et la prostacycline ne sont probablement pas les deux seuls  facteurs vasorelaxants produits par l'endothélium : les cellules endothéliales  libèrent également une substance diffusible distincte qui déclenche une  hyperpolarisation des cellules musculaires lisses et leur relaxation : le  facteur d'hyperpolarisation endothéliale (EDHF) 
. L'identité du EDHF est inconnue. Comme, selon les espèces,  les hyperpolarisations endothéliales sont médiées par activations de canaux  potassium-calcium ou potassium-ADP des cellules musculaires lisses, plusieurs  facteurs hyperpolarisants endothéliaux pourraient exister.
Le NO et la prostacycline sont libérés à la fois vers la face basale et vers  la face luminale de la cellule endothéliale où ils vont agir d'un côté sur les  cellules musculaires lisses vasculaires et de l'autre côté sur les cellules  sanguines circulantes et les protéines. Dans la plaquette, NO et prostacycline  agissent synergétiquement pour inhiber l'agrégation plaquettaire 
. La prostacycline induit une augmentation du taux d'AMPc et  le NO une augmentation du taux de GMPc qui s'associent pour inhiber l'adhésion  et l'agrégation 
. Les plaquettes elles-mêmes possèdent un schéma  métabolique L-arginine/NO qui régule leur agrégabilité 
. Il existe des interactions complexes entre les cellules  circulantes et l'endothélium ; en particulier, les plaquettes libèrent des  substances, ADP, ATP (adénosine triphosphate), sérotonine qui activent la  libération de NO et de prostacycline par l'endothélium 
. En  outre, la thrombine, l'enzyme finale de la cascade de la coagulation  plasmatique, stimule la formation de NO et de prostacycline par l'endothélium  
.
Ainsi, au site où les plaquettes et la coagulation sont activées,  l'endothélium intact va libérer du NO et de la prostacycline qui vont exercer  leurs activités vasodilatatrices et inhibitrices des fonctions plaquettaires,  tendant ainsi à prévenir la vasoconstriction et la formation d'un thrombus  occlusif.
L'interaction entre les plaquettes et l'endothélium est encore plus complexe,  puisque des intermédiaires métaboliques du schéma des PG d'origine plaquettaire  (endoperoxydes) peuvent être repris par l'endothélium où la prostacycline  synthétase les transforme en prostacycline, vasodilatatrice et antiagrégante  plaquettaire, contrairement à l'effet qu'ils auraient eu dans la plaquette où  leur métabolisme par la thromboxane synthétase les aurait transformés en  thromboxane A2, proagrégant plaquettaire et vasoconstricteur.
À côté des prostanoïdes vasoconstricteurs, thromboxane A2 et PGH2,  l'endothélium est profondément impliqué dans la vasoconstriction par  l'intermédiaire de l'endothéline et du système rénine-angiotensine.

 Prostaglandines vasoconstrictrices
La stimulation de l'endothélium par l'acide arachidonique, l'acétylcholine,  l'histamine, la sérotonine peut induire une vasoconstriction endothélium  dépendante mais qui est médiée par le thromboxane A2 et la PGH2. Le thromboxane  A2 et la PGH2 activent un récepteur au thromboxane des cellules musculaires  lisses et des plaquettes, s'opposant ainsi directement aux activités  vasodilatatrices et antiagrégantes plaquettaires de la prostacycline et du  NO.
De plus, la COX peut produire des ions superoxydes qui inactivent le  NO.

 Facteurs vasoconstricteurs en dehors des  prostanoïdes
L'endothéline existe sous trois isoformes : I, II, et III. L'endothéline I  est le seul produit de la cellule endothéliale 
. L'endothéline I, à faible concentration, induit une  vasodilatation par activation des récepteurs endothéliaux ETB, couplés à la  libération de NO, de prostacycline et du EDHF.
L'endothéline I, à forte concentration, provoque une vasoconstriction  puissante et durable par activation des récepteurs ETA et dans certains  vaisseaux sanguins par l'activation des récepteurs ETB des cellules musculaires  lisses vasculaires 
.
À côté de ces deux systèmes, l'endothélium contribue à la vasoconstriction  par sa participation au système rénine-angiotensine : il exprime à sa surface  l'enzyme de conversion de l'angiotensine qui active l'angiotensine I en  angiotensine II 
. Cette  enzyme, appelée aussi kinase II, inactive la bradykinine. L'hypothèse que  d'autres composants du système rénine-angiotensine puissent être produits par  l'endothélium est toujours l'objet d'un débat. L'angiotensine II active les  récepteurs endothéliaux à l'angiotensine. Ces récepteurs stimulent la production  d'endothéline et d'autres médiateurs endothéliaux.
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La découverte de deux COX (COX1 et COX2) a donné une nouvelle impulsion à  l'étude des PG vasculaires 
(tableau I). La  COX1 est constitutive alors que la COX2 est induite pour l'activation (ou la  lyse) des cellules et des tissus, en particulier par les lipopolysaccharides  bactériens, par les cytokines et par les facteurs de croissance. Ces deux  enzymes ont un poids moléculaire similaire d'environ 70 000 kDa et des  constantes d'affinités et d'activités vis-à-vis de l'acide arachidonique à peu  près similaires. Elles se distinguent, en dehors de leurs conditions  d'induction, par leur sensibilité aux anti-inflammatoires. La COX1 est très  sensible à l'aspirine alors que la COX2 l'est beaucoup moins. En conditions  physiologiques, l'activation de la COX1 dans les plaquettes, l'endothélium, la  muqueuse gastrique ou le rein se traduit par la libération de thromboxane A2, de  prostacycline ou de PGE2 en fonction des équipements enzymatiques spécifiques de  ces cellules dans le métabolisme des prostanoïdes en aval de la synthèse  d'endoperoxydes. Dans ces cellules, la libération des prostanoïdes est inhibée  sélectivement par les médicaments " aspirine like ".
Les stimuli inflammatoires, par l'intermédiaire de cytokines, telle  l'interleukine I (IL1), induisent la synthèse de COX2 aboutissant aussi à la  libération de prostanoïdes. Ces mécanismes sont le plus souvent associés aux  mécanismes de l'inflammation.
Cette voie de la COX2 peut être interrompue 
 soit par les antagonistes spécifiques en aval de l'activation  de la COX2, soit par les inhibiteurs de l'induction de la COX2 comme les  glucocorticoïdes, soit par les inhibiteurs spécifiques de la COX2.
La COX1 est connue depuis 1976 pour sa possibilité de transformer l'acide  arachidonique, le cyclisant d'une part et en lui rajoutant d'autre part le  radical 15 hydroperoxyde aboutissant à la formation de l'endoperoxyde PGG2.  C'est la même enzyme qui réduit la PGG2 en PGH2 par une fonction peroxydase. La  connaissance de la structure tridimensionnelle de la COX1 a permis de comprendre  son mode d'action mais aussi le mode d'inhibition par les médicaments de type  aspirine qui agissent en acétylant de manière irréversible la sérine en position  530 du site actif de la COX1, bloquant ainsi l'accès de ce site à l'acide  arachidonique 
.
Cette seconde enzyme, de découverte plus récente 
, présente 60 % d'homologie et 80 % d'identité génétique avec  la séquence de l'enzyme constitutive. Les deux enzymes ont des affinités  différentes pour les acides gras et les inhibiteurs. L'aspirine, mais seulement  à forte dose, peut acétyler la sérine 516 de la COX2. Même acétylée, cette  enzyme peut encore catalyser l'activité lipo-oxygénasique transformant l'acide  arachidonique avec formation de 15 HETE (acide 15  hydroxy-eicosatétraénoïque).
L'élucidation des différences entre COX1 et COX2 a fourni la possibilité de  dessiner des inhibiteurs spécifiques de la COX2.
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La COX1 est exprimée dans la plupart des tissus et joue un rôle dans la  synthèse des PG qui règlent l'activité cellulaire normale. La concentration de  l'enzyme reste en général faible et les stimulations n'induisent que de faible  augmentation de l'expression (deux à quatre fois) 
. La  synthèse de thromboxane A2 par les plaquettes est sous la dépendance de COX1  
. L'enzyme  gastrique est aussi la COX1 
. La  production de PG par la muqueuse gastrique joue un rôle cytoprotecteur  
. Les plus  faibles doses d'aspirine qui inhibent la COX1 plaquettaire inhibent aussi la  COX1 gastrique et induisent la toxicité gastrique qu'on lui connaît, certes dose  dépendante mais existant même pour ces plus faibles doses (30 mg d'aspirine dans  la Dutch TIA study).
La part des PG dans la régulation de la fonction rénale est mineure. Cette  modulation n'apparaît qu'en cas de perturbations importantes de l'équilibre  hydroélectrolytique, d'activation d'autres systèmes hormonaux et de divers états  pathologiques. Elle explique l'effet délétère des anti-inflammatoires non  stéroïdiens (AINS) sur les fonctions rénales en cas de fortes altérations de ces  dernières.
Les PGE2 et PGF2

 sont synthétisées par la membrane  basale, le myomètre et par les membranes foetales, et le cordon ombilical. La  capacité des tissus à élaborer des PG augmente progressivement pendant la  grossesse, en rapport avec la stimulation de la COX2. Les PG jouent un rôle au  cours du travail en participant à la dilatation cervicale 
. En dehors de la stimulation de COX2, il y  aussi stimulation de l'activité PLA2 
.
En plus de cette implication dans le travail, à la naissance les PG  interviennent sur le foetus dans le maintient de l'ouverture du canal artériel  
.  L'administration à forte dose d'AINS pourrait retarder le processus de naissance  et provoquer la fermeture prématurée du canal artériel.
Les PG sont largement impliquées dans le cycle ovarien et participent aux  signes fonctionnels de la dysménorrhée. La production de la PGF2 est largement  augmentée au cours de la phase lutéale 
. La  PGF2

 semble impliquée dans un double  processus biphasique, stimulation de la production de progestérone en même temps  que l'induction de l'involution du corps jaune avec une diminution donc de la  production de progestérone 
. Les  productions hormonales de PGF2

 et de PGE2 sont responsables des  symptômes dysménorrhéiques, en effet les PG sont responsables des contractions  utérines 
 et des  ménorragies liées à leur effet vasodilatateur.
La PGE2 produite lors des processus inflammatoires est responsable, par son  effet vasodilatateur, de l'érythème 
. Cette  vasodilatation augmente le flux dans la zone d'inflammation et les agents de  perméabilité vasculaire (exemple : bradykinine, histamine) aboutissent à  l'oedème 
. La PGE2  par son activité sensibilisatrice des terminaisons afférentes aux actions de la  bradikinine et de l'histamine 
 participe  ainsi à la potentialisation des médiateurs de la douleur inflammatoire. La PGE2  est un puissant agent pyrétique et sa production dépendant essentiellement de la  COX2 stimulée par la production d'IL2 au cours des infections bactériennes et  virales contribue à la fièvre associée à ces maladies infectieuses 
. En dehors de la PGE2, les COX, et en particulier la COX2,  stimulées dans le processus inflammatoire produisent d'autres PG en particulier  PGF2 

, PGD2, prostacycline et  thromboxane A2. Leurs effets sont proches de ceux de la PGE2 et participent aux  effets hyperalgiques et vasodilatateurs dans l'inflammation 
.
À côté de ses effets vasodilatateur et antiagrégant plaquettaire, la  prostacycline présente un effet cytoprotecteur qui n'est pas clairement compris.  Cet effet cytoprotecteur est démontré dans de nombreux modèles d'ischémie et  d'hypoxie.
Pour les plaquettes, l'addition de prostacycline in vitro maintient la  fonctionnalité des plaquettes plus longtemps que normalement attendu, cet effet  est potentialisé par une augmentation prolongée du niveau d'AMPc  intraplaquettaire, il pourrait passer par un autre mécanisme peut-être  conséquence de ce premier.
Les peroxydes lipidiques tels que le 15 hydroperoxyarachidonique acide sont  de puissants inhibiteurs de la production de prostacycline. À l'intérieur des  lésions d'athérosclérose, il existe une forte concentration de peroxydes  lipidiques qui peuvent prédisposer à la formation de thromboses par inhibition  de la production de prostacycline par la paroi vasculaire alors qu'ils ne  réduisent pas la production de thromboxane A2 par les plaquettes et les cellules  inflammatoires des lésions en particulier les monocytes.
L'initiation de la lésion d'athérosclérose dépend de lésions de l'endothélium  et de l'activation de plusieurs types cellulaires. Les plaquettes adhèrent à  l'endothélium lésé, les monocytes envahissent la paroi vasculaire, accumulent  les lipides et deviennent les macrophages spumeux 
. Ces cellules libèrent des facteurs de croissance qui  induisent la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses, qui  à leur tour se chargent de lipides 
. La  prostacycline inhibe la production de facteurs de croissance et l'accumulation  de lipides dans les macrophages et les cellules musculaires lisses 
.
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L'ensemble des données qui viennent d'être exposées permettent de comprendre  l'activité antithrombotique, et plus particulièrement antiplaquettaire de  l'aspirine 
 et servent  de base au concept d'utiliser la plus faible dose d'aspirine ou la  pharmacocinétique la plus favorable de l'aspirine pour inhiber efficacement les  PG plaquettaires sans inhiber les PG vasculaires, en particulier la  prostacycline. A cette date, il n'existe aucune observation clinique qui  soutienne l'hypothèse que l'inhibition des PG vasculaires ait un effet  prothrombotique 
.
En revanche, il est évident que l'inhibition des PG gastriques est  responsable de l'effet gastrotoxique, qui est dose dépendant : c'est donc là le  justificatif à l'utilisation de la plus faible dose d'aspirine inhibant  efficacement la production de thromboxane plaquettaire (> 90 %).
C'est ce concept qui a poussé aussi l'industrie pharmaceutique à produire des  inhibiteurs spécifiques de thromboxane synthétase et des antagonistes des  récepteurs plaquettaires à la thromboxane A2. Jusqu'à présent, ces produits  conceptuellement supérieurs à l'aspirine ne se sont pas montrés, dans les essais  cliniques dans lesquels ils ont été testés, plus efficaces que l'aspirine.  Peut-être leur association pourrait-elle permettre d'atteindre cette efficacité  supérieure. Mais là on se heurte à une réalité économique, le très faible coût  de l'aspirine : on risque de ne pas faire significativement mieux à un coût très  nettement supérieur. Deux notions nouvelles apparaissent avec le traitement  antiplaquettaire pour l'aspirine :
- - la variabilité individuelle dans la sensibilité à l'inhibition de la  production de PG par les plus faibles doses d'aspirine (< 100 mg) ;  
 
- - l'échappement thérapeutique, disparition de l'effet inhibiteur pour de  faibles doses qui étaient efficaces en début de traitement. 
 
Ces observations sont en cours d'exploration en particulier pour savoir s'il  s'agit de différences dans le métabolisme des prostaglandines (surtout  plaquettaires).
La meilleure connaissance de la voie des PG dans le réseau coopératif des  voies d'agrégation et d'activation plaquettaire supporte le concept de  l'association des inhibiteurs de voies parallèles d'activation plaquettaire dans  l'augmentation de l'effet antiplaquettaire de l'aspirine. L'effet d'une telle  association est confirmé cliniquement par l'efficacité de l'association aspirine  (qui inhibe la voie des PG) et ticlopidine (qui inhibe la voie de l'ADP) dans la  prévention des thromboses après angioplastie et surtout après pose  d'endoprothèse sur les artères de petits diamètres 
.
La connaissance des deux différents types de COX fait développer des  inhibiteurs spécifiques de la COX2 qui préserveraient la COX1 : on conçoit tout  l'intérêt potentiel dans le traitement de l'inflammation et de la douleur en  inhibant la COX2 inductible, en particulier monocytaire, tout en préservant la  COX1 gastrique et donc en évitant la gastrotoxicité. De nombreuses molécules  sont en développement dans ce sens, mais l'identité entre la COX1 plaquettaire  et la COX1 gastrique laisse peu d'espoir d'amélioration, en ce sens, des  traitements antiprostaglandines plaquettaires.
La connaissance de différents sous-types de récepteurs au thromboxane A2  plaquettaire ne devrait pas entraîner l'apparition de nouvelles thérapeutiques  pour les raisons déjà évoquées de coût par rapport à l'aspirine.
Reste le dernier point qui est celui de l'utilisation des PG directement en  thérapeutique. Nous ne mentionnerons pas les utilisations en dehors du système  vasculaire et ne ferons que citer l'utilisation locale de PG pour préserver la  trophicité de la muqueuse gastrique.
Les PG ont été utilisées directement dans le traitement des pathologies  artérielles et en particulier des artériopathies. Les premières études qui  remontent maintenant à plus de 20 ans faisaient état de succès spectaculaires  dans les formes sévères d'artéropathies des membres inférieurs d'abord traitées  avec la première PG disponible, la PGE1, puis avec la prostacylcline. Malgré les  espoirs qu'ils ont soulevés et les efforts pour conduire les essais  thérapeutiques de qualité, la prostacycline et ses dérivés restent une approche  controversée du traitement médical de l'ischémie critique.
La limitation de leurs indications aux formes graves de la thromboangéite  oblitérante traduit bien les incertitudes qui demeurent 
.
La galénique qui se fait actuellement en intravasculaire n'amène pas de  bénéfice notable en termes de mortalité et de morbidité cardiovasculaires dans  les artéropathies par athérosclérose. Il semble peu probable que les formes  orales de prostanoïdes bouleversent ces données.
C'est au niveau de la circulation pulmonaire que les PG injectables  présentent l'intérêt le plus évident dans certaines formes sensibles et évoluées  d'hypertension artérielle pulmonaire. Ce traitement demande une délivrance  intravasculaire permanente.
Les formes orales de prostacycline stabilisée sont aussi toujours en cours  d'évaluation dans la prise en charge de maladie de Raynaud grave.
Pour les possibilités d'avenir, le rôle protecteur des PG dans les activités  antithrombotiques et antiprolifératives a conduit à envisager cette voie comme  une possibilité de gène à transférer 
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